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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 54ème jour de séance, 139ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 27 JANVIER 2004

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX
      (suite) 2

      ART. 13 (précédemment réservé) 2

      APRÈS L'ART. 13 (amendements précédemment réservés) 3

      AVANT L'ART. 37 (amendements précédemment réservés) 5

      ART. 37 (précédemment réservé) 18

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 28 JANVIER 2004 21

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

ART. 13 (précédemment réservé)

M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - L'amendement 189 que la commission a adopté revient à la rédaction actuelle de l'article 25 de la loi du 26 janvier 1984, selon lequel les centres de gestion peuvent recruter un agent et le mettre à disposition des petites communes qui en ont un besoin urgent, pour une durée de service au moins égale au quart de la durée légale du travail.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - L'article 13 a pour objet de permettre le cumul entre emploi public et emploi privé. Un décret l'a permis pour les agents qui effectuent moins de 50 % du temps de travail dans les communes. Un souci demeure pour ceux qui en effectuent plus. Nous proposons que le centre de gestion puisse, par convention, les mettre à disposition d'entreprises privées. Les préoccupations qui ont inspiré cet amendement sont donc satisfaites par le décret paru aujourd'hui. Par ailleurs, il occasionnerait un transfert de charges important sur les centres de gestion et donc sur les communes en cas de rupture du contrat de caractère privé. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

M. Yves Coussain, rapporteur - Le décret assurant un meilleur résultat, je ne peux que retirer l'amendement 189, en remerciant le ministre de cette avancée.

M. André Chassaigne - L'amendement 421 est relatif aux conflits d'intérêts. L'article 13 prévoit qu'un agent ne peut être mis à la disposition d'une entreprise dans laquelle il a des intérêts. Nous proposons d'ajouter que le maire ne doit pas en avoir non plus.

M. Yves Coussain, rapporteur - Le problème est réel, mais la prise illégale d'intérêts est réglée dans le code pénal. Tout en comprenant les préoccupations de ses auteurs, la commission est défavorable à cet amendement.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Avis défavorable. L'article 13 prévoit la mise à la disposition d'un ou plusieurs employeurs privés pour accomplir toute activité compatible avec les règles de déontologie des agents publics. Cet amendement est donc déjà satisfait et il serait malencontreux d'aller au-delà.

M. André Chassaigne - Si la question est réglée, pourquoi inscrire cette disposition pour les agents et la refuser pour les maires ?

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Parce qu'il y a d'autres textes relatifs à la prise illégale d'intérêts.

L'amendement 421, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - L'amendement 49 a pour but de développer les groupements d'employeurs et, par là, de maintenir l'activité agricole. Pour être attractif, le métier d'agriculteur doit offrir un confort de vie identique à celui qu'offrent les autres métiers, et donc plus de temps libre. Mais je voudrais connaître l'avis du ministre à ce sujet.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement poserait d'importants problèmes juridiques.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Il existe en effet toute une liste d'arguments juridiques à l'encontre de cet amendement.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Je le retire.

L'article 13, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 13 (amendements précédemment réservés)

M. Antoine Herth - Les communes d'Alsace et de Moselle sont regroupées en SIVU depuis environ un an pour mettre en commun leur personnel forestier. La souplesse qui en résulte pour l'organisation des chantiers est très appréciable, et les normes de sécurité sont mieux respectées. En revanche, d'importants problèmes de chômage technique sont apparus en cas d'intempéries. Les missions confiées au personnel des SIVU sont en effet strictement limitées aux travaux de bûcheronnage et de façonnage du bois. L'amendement 783 élargit le champ de compétences des employés à l'entretien du patrimoine naturel et aux travaux prévus à l'article L. 151-36 du code rural. Je précise que les SIVU ne peuvent déjà intervenir que sur le patrimoine de leurs communes membres.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Nous sommes favorables à cet assouplissement, mais il s'agit d'employés de communes : le sous-amendement 1444 tend à limiter leur intervention au patrimoine naturel des communes et de leurs groupements.

M. Antoine Herth - Je souscris volontiers au sous-amendement du Gouvernement ; pour citer M. de Talleyrand, cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission est favorable tant à l'amendement qu'au sous-amendement, qui tendent à permettre aux communes et à leurs EPCI d'employer les bûcherons et ouvriers forestiers à d'autres tâches que celles initialement prévues.

Le sous-amendement 1444, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 783, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Il semble que l'amendement 768 n'est pas défendu.

M. Yves Coussain , rapporteur - Je le reprends, avec avis favorable de la commission. Il s'agit de favoriser les transports scolaires opérés par des particuliers dans les communes où il y a défaillance des entreprises de transport.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Avis favorable, sous réserve du sous-amendement 1442. Il est tout à fait dans l'esprit du CIADT de permettre à des personnes privées, dans des territoires où les professionnels font défaut, de remplir des missions de service public. Il faudra certes vérifier les questions d'habilitation, d'assurances, etc. Mais cela va dans le sens d'une implication de la population dans des services publics qui seraient sans cela absents de certains territoires.

M. François Brottes - J'exprimerai une satisfaction, parce que le rapporteur et le ministre entendent mieux ces questions que la semaine dernière, mais aussi un regret : pourquoi restreindre cette possibilité aux transports scolaires ? Nous avions déposé un amendement, que le rapporteur a rejeté de façon lapidaire la semaine dernière, pour que le transport de personnes privées puisse être opéré par des individus bénévoles, mais agréés. Nous pensions notamment aux personnes âgées qui n'ont pas de véhicule. Comme elles ne fréquentent généralement pas les bancs de l'école, elles seront exclues du dispositif. On ne voit pas ce qui justifie cette restriction, alors que des bénévoles font _uvre de civisme en palliant les carences des collectivités, et voient leur responsabilité engagée en cas d'accident. Il est dommage de réduire le champ d'application d'une disposition qui intéresse tous les habitants sans voiture de la campagne.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Je ne veux pas vous laisser sur un sentiment de frustration. Cet amendement correspond à un besoin immédiat, car les services dont il s'agit existent déjà. Mais nous avons demandé au conseil général des ponts et chaussées une étude qui devrait répondre à votre préoccupation. Et les expériences menées dans les départements pilotes, notamment la Charente, comportent des propositions de « réseaux citoyens d'acteurs des services publics » qui iront dans le sens que vous souhaitez. Par ailleurs, si vous pouvez nous reprocher d'être relativement restrictifs, vous l'êtes aussi en affirmant que les personnes âgées ne vont pas à l'école : l'université du troisième âge rencontre un formidable succès ! (Sourires)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Je remercie le Gouvernement d'accepter ce qui est un véritable progrès. Nous avions déjà proposé que des groupements d'employeurs associent collectivités territoriales et entreprises privées pour mieux organiser la pluractivité. C'est dans le même esprit qu'ici nous ouvrons des missions de service public à des personnes privées. Les v_ux de M. Brottes devraient ainsi être satisfaits, dans la Chartreuse comme ailleurs, et nous partageons tous à cet égard le même objectif.

M. Augustin Bonrepaux - Ce débat est important. Qu'on soit dans la Chartreuse ou ailleurs, un grave problème se pose, et certains collègues de la majorité pourraient sur ce point relayer mon propos : y a-t-il une politique d'aménagement du territoire ? La plupart des projets doivent être financés par les collectivités. Mais il y a plus grave encore : aujourd'hui les crédits européens qui étaient prévus pour des projets de développement local, comme les contrats de pays, sont utilisés par le Gouvernement pour faire sa politique ! En voici un exemple. La région Midi-Pyrénées avait négocié avec l'Europe un contrat de 339 millions d'euros. Or on nous dit aujourd'hui que les crédits ont été consommés, et que les moyens manquent pour la deuxième phase du contrat ! Ce problème concerne la plupart des régions éligibles au FEDER. Dans la nôtre, sur les 339 millions prévus, l'Etat en a affecté 112 à des projets qui relèvent plutôt de la solidarité nationale, comme le contrat d'agglomération du grand Toulouse, celui de Montauban, ou la déviation de la route nationale à Carmaux. Et maintenant les préfets nous disent qu'ils ne peuvent plus financer une partie des contrats de pays ! Le même problème se pose certainement en Rhône-Alpes, y compris dans la Chartreuse. Il se pose aussi en Languedoc-Roussillon.

Nous devons sur ce point obtenir une réponse. L'Etat va-t-il assumer ses propres décision, pour éviter que ce soient les départements les plus défavorisés qui financent le développement des agglomérations ? Cela serait contraire à l'aménagement du territoire. Cet amendement m'a paru une bonne occasion de poser ce problème.

M. Michel Bouvard - Notre collègue Bonrepaux soulève un vrai problème, dont je veux dire un mot, même si ce n'est pas l'objet de l'amendement. Nous arrivons en effet, Monsieur le ministre, à une étape dans la consommation des fonds européens de l'Objectif II, et singulièrement du FEDER. Et tout d'abord il faut féliciter le Gouvernement d'avoir tenu le cap, et fait en sorte que nous n'ayons pas d'argent à rendre à Bruxelles. Mais dans certaines régions les taux de consommation sur certains chapitres, non du FSE, mais du FEDER, ont atteint des niveaux importants. Nous nous interrogeons donc sur les moyens qui seront affectés aux zones de montagne dans les temps qui viennent, d'autant que certaines décisions des CIADT ont préempté une partie des crédits du FEDER - dans le souci d'ailleurs légitime d'aider des zones qui ont connu des difficultés. M. Bonrepaux a cité Toulouse ; on pourrait évoquer Tarbes et les problèmes de GIAT. J'évoquerai pour ma part les crédits prévus pour la même reconversion de GIAT dans le département de la Loire. Il serait bon, et j'en remercie par avance M. le ministre, que nous puissions être rassurés sur les possibilités qui resteront ouvertes aux territoires ruraux et montagnards dans la deuxième phase des crédits européens.

M. le Président de la commission - Nos collègues se trompent de débat. L'amendement a un objet beaucoup plus limité, et il n'y a pas lieu de reposer systématiquement à tout propos les problèmes locaux de financement ou de péréquation. Restons-en à l'objet du débat.

M. François Brottes - Si j'entends bien M. le ministre, au terme des expériences en cours, un texte viendra lever les obstacles législatifs qui persistent sur le problème des transports. C'est pourquoi, sans enthousiasme mais avec une confiance mesurée, nous voterons cet amendement.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Puisqu'il le faut, parlons des fonds européens. En 2002, nous craignions de voir les dégagements d'office appliqués à la France. Nous avons donc réagi et le taux de programmation est passé de 14 % à 55 %. Du coup, dans certaines régions, les projets se sont multipliés à tel point qu'il est apparu impossible de les financer tous. C'est alors aux élus et responsables locaux de choisir.

Les réserves de performance, elles, ne feront défaut nulle part puisqu'aucune région n'est frappée de dégagements d'office.

Reste une inquiétude : le taux de consommation laisse subsister une marge de 20 % ; je verrai donc, région par région, comment utiliser au mieux les fonds européens pour financer certains projets de territoires ruraux, en étant à l'écoute de vos préoccupations. Mais tout cela n'a rien à voir avec les dispositions de l'article 13.

M. Augustin Bonrepaux - Monsieur le ministre, je parle français, même si c'est avec l'accent du Midi ! Je l'ai dit, ce ne sont pas les programmations locales qui épuisent les crédits européens, ce sont les décisions du Gouvernement. En Ariège, nous n'avons rien obtenu en 2000 et 2001. En 2002, nous avons commencé à programmer quatre contrats de pays, et en 2004 on nous annonce qu'il n'y a plus de crédits. Ce sont les décisions du Gouvernement qui en sont la cause. 112 millions ont été prélevés sur les crédits européens : 37 millions pour l'agglomération toulousaine, 12 millions pour l'agglomération montalbanaise, 21 millions pour la RN 21, qui sont tous de la responsabilité de l'Etat.

Celui-ci doit compenser ces sommes, comme l'a demandé aussi Michel Bouvard.

Le sous-amendement 1442, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 768 ainsi modifié.

L'amendement 1297 tombe.

AVANT L'ART. 37 (amendements précédemment réservés)

M. Yves Coussain, rapporteur - L'amendement 238 tend à modifier l'intitulé du chapitre premier, pour tenir compte du contenu de l'article 37, qui porte bien sur les services rendus au public.

L'amendement 238, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. François Brottes - Nous demandons par l'amendement 1338, que la loi garantisse à nos concitoyens, quelles que soient les dérégulations à venir, le même tarif postal sur l'ensemble du territoire.

Aujourd'hui, si le prix du timbre est partout le même, c'est que La Poste a le monopole de la distribution d'une grande partie du courrier. Lorsque ce monopole disparaîtra, il est à craindre que le tarif soit beaucoup plus élevé pour les communes rurales, qui sont loin de tout, que pour les villes.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission a adopté l'amendement 819 rectifié, tendant à faire converger le droit communautaire et le droit interne en matière de service universel postal. Les paquets de moins de 350 grammes devront être ainsi distribués au même prix sur l'ensemble du territoire.

En revanche, adopter l'amendement 1338, dont le champ d'application est démesuré, imposerait à La Poste des sujétions insupportables.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Cet amendement répond au principe du service universel, qui impose l'égalité de tarif sur l'ensemble du territoire. Or ce soir même est abordé au Sénat le projet de régulation des activités postales, avec le cahier des charges de La Poste comportant ce même principe, auquel nous sommes très attachés. Il y a ainsi risque de redondance. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée sur l'amendement 819 rectifié, et repousse l'amendement 1338.

M. François Brottes - Malheureusement, le service universel n'est pas explicitement garanti dans la directive, au même tarif sur l'ensemble du territoire.

Monsieur le rapporteur, qui peut le plus peut le moins. Nous proposons d'aller jusqu'à des paquets de 10 kg. Mais je veux bien retirer notre amendement au profit de celui de la commission.

L'amendement 1338 est retiré.

M. le Président de la commission - L'égalité de tarif recueille donc le consensus. Je me félicite que le Sénat soit parvenu à la même disposition. Je propose que nous votions l'amendement de la commission, et les deux assemblées pourront ensuite coordonner leurs décisions. Cet amendement est très important car il marque notre volonté de voir ce service universel rendu à un tarif identique sur l'ensemble du territoire.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Je lis dans le contrat de plan de La Poste : « Les tarifs des services faisant partie de la prestation du service universel aux usagers doivent tenir compte des coûts. Pour les catégories homogènes de prestations et de clients, un tarif unique est appliqué sur l'ensemble du territoire ».

M. François Brottes - Voilà qui ne confirme pas du tout que le service sera rendu pourtant au même prix. Un tarif identique sera appliqué à des clients identiques. Or les communes rurales et les communes urbaines ne sont pas de même nature. Il faut régler cette question par la loi.

L'amendement 819 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. François Brottes - Notre amendement 1337 tend à garantir que la desserte du courrier est assurée au domicile de chaque personne. Améliorer la productivité de La Poste n'est pas un objectif condamnable mais ne risque-t-il pas d'aboutir à ce que ne demeurent plus que des boîtes aux lettres collectives dans le chef-lieu de canton, le garde-champêtre devant aller y chercher le courrier du village ?

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable. La directive européenne prévoit en effet que les Etats membres prennent des mesures pour que les prestataires du service universel réalisent au minimum une distribution au domicile de chaque personne, ou, par dérogation dans des conditions déterminées par l'autorité réglementaire nationale, dans des installations appropriées. Imposer une obligation de distribution à chaque domicile serait trop lourd.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Même avis.

M. Augustin Bonrepaux - La réponse du rapporteur est très inquiétante. Elle signifie que ce qui existait jusqu'à présent va disparaître. La desserte à domicile ne sera plus effectuée, si notre amendement est repoussé. Est-ce une loi de progression ou de régression que vous nous présentez ? Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas refuser, surtout dans le Cantal, de maintenir le service public. Déjà le service public de la santé menace d'être transféré aux collectivités locales. Va-t-on y ajouter celui de la distribution du courrier ?

Voilà qu'à notre collègue qui demandait si les gardes-champêtres n'allaient pas devoir se substituer aux facteurs, vous répondez que ce ne serait pas anormal. Les habitants du Cantal ou de la Lozère apprécieront ! Réfléchissons bien à ce que nous faisons.

M. François Brottes - Sans chercher nullement à polémiquer (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), je vous fais observer qu'il n'existe pas pour l'instant de régulateur du service postal dans la mesure où la Poste a le monopole de la distribution de la quasi-totalité du courrier. Mais il y en aura bientôt un - le texte l'instituant est d'ailleurs en cours d'examen au Sénat -, et ce sera l'Autorité de régulation des télécommunications, ce qui n'est pas pour nous rassurer, surtout si nous ne posons pas préalablement certaines exigences, comme celle d'une distribution du courrier au plus près du domicile de nos concitoyens sur l'ensemble du territoire national. Si la loi ne l'impose pas, le régulateur évitera de faire peser cette charge sur l'ensemble des opérateurs postaux, car cette distribution coûte en temps et en hommes.

M. Jean Lassalle - Je me méfie de tous les régulateurs du monde, surtout de ceux sur lesquels je n'ai aucun contrôle (Sourires). Traitant de l'avenir des territoires ruraux, nous ne pouvons pas rester dans le flou s'agissant du service postal. Nous avons la chance d'avoir eu cet après-midi un beau débat et cela continue ce soir, je vous en remercie, Monsieur le président. Allons jusqu'au bout. Il s'agit de rien moins que de desservir les fils de ceux qui ont donné leur sang pour que notre pays soit ce qu'il est. Pour ma part, je voterai cet amendement.

Plusieurs députés socialistes - Très bien !

M. le Président - Je vous remercie, Monsieur Lassalle, de vos propos à l'égard de la présidence qui en partage le fruit avec l'ensemble des services.

Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 1337.

M. le Président de la commission - Cet amendement généreux pourrait sans nul doute être approuvé par tous les groupes. Pour autant, un projet de loi transposant la directive européenne relative au service postal, en cours d'examen au Sénat, vous sera prochainement soumis. N'ayons pas ce soir, par le biais d'amendements, le débat qui devra avoir lieu ici à cette occasion ! Le problème sera réglé dans le cadre de ce texte. Je comprends très bien que l'opposition insiste, mais je souhaite que les positions soient claires dans la majorité. Je souhaite le rejet de cet amendement.

M. Augustin Bonrepaux - Le président de la commission n'est pas très attentif au sort des zones de montagne. Oubliées les Hautes-Alpes ou la Chartreuse...au bénéfice des Hauts-de-Seine ! Le Premier ministre n'hésite pas à s'opposer aux décisions européennes lorsque celles-ci ne lui conviennent pas. Ainsi de la TVA sur la restauration à propos de laquelle il nous explique que le Gouvernement fera ce qu'il entend, quoi qu'en pense Bruxelles ! Alors, de grâce, n'invoquez pas l'Europe pour un service qui existe déjà et qu'il est seulement question de garantir.

Je souhaite mettre en garde les députés présents, pour l'essentiel élus de territoires ruraux : ils ont promis dans leurs circonscriptions de tout faire pour le maintien des services publics en zone rurale. Ce soir, ils sont placés devant leurs responsabilités (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. François Brottes - Rappelant la majorité à l'ordre, le président de la commission fait son travail.

M. Bernard Accoyer - D'excellente façon.

M. François Brottes - Chaque fois qu'un texte concernant la poste ou les télécommunications a été examiné au Parlement, que ce soit sous cette majorité ou sous la précédente, ce sont les intérêts des opérateurs qui ont primé... et les territoires ruraux qui ont trinqué. Le texte actuellement en cours d'examen au Sénat ne traite pas spécifiquement des zones rurales. C'est à nous de veiller, ici ce soir, à ce que les exigences de ces territoires en matière de desserte postale soient correctement prises en compte.

A la majorité de 48 voix contre 25 sur 75 votants et 73 suffrages exprimés, l'amendement 1337 n'est pas adopté.

M. François Brottes - L'amendement 894 ne devrait pas poser de problème puisqu'il ne fait que rappeler la nécessité d'un même tarif sur l'ensemble du territoire.

M. Yves Coussain, rapporteur - Il est satisfait par la loi du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public puisque celle-ci dispose que le service universel proscrit toute discrimination en fonction du lieu d'habitation de l'usager.

M. Delevoye, ministre - Avis défavorable.

L'amendement 894, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Bouvard - L'amendement 1010 corrigé précise le II de l'article 29 de la loi de février 1995 sur l'aménagement du territoire, dont je ne cesserai de dire qu'elle a constitué une avancée considérable pour les territoires ruraux. Il s'agit d'organiser un droit à l'information des collectivités et des populations, préalablement à toute décision de réorganisation de services publics ou d'entreprises délégataires de services publics.

Un important travail est en cours au niveau européen pour définir ce que l'on appelle les services d'intérêt généraux à la population. Un livre vert a été publié sur lequel, entre autres l'Association européenne des élus de la montagne, a été appelée à se prononcer. Le Gouvernement doit rester très vigilant, notamment sur la nécessité d'une péréquation et d'un service de même qualité sur l'ensemble du territoire. Le meilleur moyen pour les élus ruraux de surveiller l'évolution de ces conceptions est de disposer des informations en amont. J'ai trop souffert dans ma circonscription d'être informé au dernier moment de certaines décisions, comme celles de fermer des bureaux de poste dans certaines stations l'été faute de pouvoir remplacer les personnels en congé... alors même que l'on nous demandait de relancer la saison touristique d'été en montagne !

Mme Henriette Martinez - L'amendement 1090 est identique. Les élus ruraux en ont assez d'être placés devant le fait accompli s'agissant de délocalisations, comme celle de TRE dans les Hautes-Alpes, de fermetures d'écoles ou de bureaux de postes..., qui leur sont annoncées à la dernière minute. Les options proposées par la suite varient en outre souvent d'une réunion sur l'autre sans que nous en soyons avisés. Nous nous trouvons dès lors pris entre le marteau et l'enclume, nos électeurs nous demandant, légitimement, des comptes. La moindre des choses serait que nous soyons informés en amont des suppressions ou des regroupements prévus de services publics, de façon à pouvoir les anticiper, rechercher des solutions alternatives et, à tout le moins, en discuter avec nos administrés.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission a repoussé ces amendements. Les préfets, de région comme de département, et les présidents de conseils régionaux et de conseils généraux sont, eux, informés suffisamment en amont et répercutent l'information en aval, notamment aux élus. La commission vous présentera elle-même un amendement visant à améliorer l'information des élus. A titre personnel, toutefois, je voterai ces amendements.

M. le Président de la commission - Ces amendements n'ont pas de réelle portée normative, mais il n'est pas inutile de préciser certaines choses. Monsieur le ministre, il doit y avoir une interaction entre l'Assemblée et le Gouvernement : je souhaite que le vote de cet amendement ouvre la voie à un partenariat qui nous permette de résoudre ce problème d'information.

Je souhaite donc que le Gouvernement s'en remette à la sagesse de cette assemblée.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Ces amendements rappellent des principes auxquels nous sommes tous attachés, même s'ils sont juridiquement contestables.

La loi Pasqua prévoyait déjà une obligation d'information, mais il faut admettre que le bilan de cette mesure est faible.

Nous sommes en train de mener un certain nombre d'expérimentations. Les élus, sur le terrain, ne supportent plus d'apprendre par la presse des mesures administratives ou d'être invités à des réunions de concertation qui ne visent qu'à leur donner une information. Nous recherchons le moyen d'améliorer la concertation à travers une approche globale.

Je suis réservé sur ces amendements parce que l'exigence d'une « prévision sur deux ans » ne pourra être respectée et qu'on ne peut écrire que, faute d'information, la mesure prise « n'aura pas de base légale ». A contrario, je suis favorable à une réflexion sur l'obligation d'informer. Les élus ne doivent pas être considérés comme quantité négligeable.

Plusieurs députés UMP - Merci, Monsieur le ministre.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Monsieur le président de la commission, avec la DATAR, nous mettons en place un observatoire des territoires. Nous réunirons le 5 février les préfets concernés par les expérimentations en cours. Je vous propose de constituer une commission commune pour examiner la manière de concilier la réorganisation de certains services avec l'information des élus.

Approuvant les amendements dans leur principe, je m'en remets à votre sagesse et vous invite à tirer le meilleur bénéfice des expérimentations menées.

M. François Brottes - Il n'y a en effet aucune raison de s'opposer à un amendement qui ne coûte rien. J'ajoute que si le service s'améliore, les élus et la population ne se plaindront pas d'être mal informés.

Il y avait au moins une faille dans la loi Pasqua : elle plaçait hors du champ de compétence de la commission départementale tous les organismes publics liés par contrat à l'Etat, autrement dit des entreprises comme La Poste ou France Télécom étaient exonérées de ce contrôle. Je ne voudrais pas que nous commettions de nouveau cette erreur, c'est pourquoi je souhaite que le ministre s'engage à inclure ces organismes dans le champ de la loi.

M. Michel Bouvard - Je remercie le Gouvernement pour sa position d'ouverture. Le texte est encore perfectible, comme l'a montré M. Brottes. A peine aviez-vous signé l'accord d'expérimentation avec la Savoie, Monsieur le ministre, vous avez reçu une lettre du président du conseil général qui, faute d'information, se demandait si une de ces entreprises publiques qui viennent d'être évoquées était concernée par cette expérimentation.

Je souhaite que nous profitions de la navette pour améliorer la rédaction de ces amendements, afin de faire vivre cette commission d'information dont le bilan, vous l'avez dit, est pour le moment un peu maigre.

M. François Vannson - Monsieur le ministre, je vous remercie pour la considération que vous portez aux élus. Nous avons souvent l'impression d'être mis devant le fait accompli. Outre le désir de transparence, nous souhaitons pouvoir anticiper les évènements. Plus tôt nous sommes informés des problèmes, plus tôt nous pouvons proposer des solutions.

Les amendements 1010 corrigé et 1090, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean Gaubert - Comme nous avons défendu l'égal accès aux services postaux, nous demandons avec notre amendement 895 l'égal accès de tous à l'électricité.

Depuis les lois de nationalisation de 1946, votées à l'initiative du général de Gaulle, il existe une péréquation nationale des tarifs. Or ce principe est attaqué par le processus de libéralisation en cours. Nous tenons donc à préciser que notre pays souhaite conserver cette péréquation.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable.

Les tarifs sont déjà « les mêmes » mais ils varient en fonction du niveau de consommation du client et les sommes acquittées peuvent varier d'une région à une autre car il existe des taxes locales spécifiques.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Avis défavorable.

M. François Brottes - Il existe en effet des taxes locales, mais il est simple de les sortir du champ de l'amendement et le rapporteur pourrait le faire. Pour les particuliers, la libéralisation des tarifs interviendra en 2007. Elle est prévue pour juillet 2004 s'agissant des artisans et commerçants.

Si nous ne légiférons pas, nous allons avoir des problèmes. Il ne s'agit pas de faire entrave à la concurrence, mais d'apporter des garanties aux habitants des territoires ruraux (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Gaubert - Ce n'est pas en 2007, c'est dès juillet 2004 que nos communes seront touchées. Quand une ville de 200 000 habitants lance un appel d'offres pour la fourniture d'électricité, elle obtient un tarif moins élevé que nos communes d'une centaine d'habitants.

M. Michel Bouvard - Je souhaite m'exprimer contre l'amendement.

Je me permets de rappeler que tout le monde ne dépend pas d'EDF : il existe un certain nombre de régies qui pratiquent des tarifs différents et je n'ai pas envie de remettre en question le fonctionnement de ces régies qui donnent satisfaction à tous en zone de montagne.

Il se pose tout de même un problème d'équité, qu'il s'agisse des particuliers ou des industriels. On nous a fait miroiter une baisse du coût de l'énergie sous l'effet de la concurrence, mais la France étant le seul pays excédentaire en électricité en Europe, les industriels dont les contrats arrivent à terme redoutent une forte hausse des tarifs, qui risquerait d'accélérer la désindustrialisation de notre pays. C'est un problème de fond que nous ne résoudrons pas par le vote d'un simple amendement. Il faut en discuter à l'occasion du prochain débat sur la politique de l'énergie.

M. le Président - Sur l'amendement 895, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

A la majorité de 67 voix contre 24 sur 91 votants et 91 suffrages exprimés, l'amendement 895 n'est pas adopté.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Les amendements 771 et 1293 sont défendus.

Les amendements 771 et 1293, acceptés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. André Chassaigne - L'amendement 491 rectifié vise à définir une stratégie permettant l'accès de tous les citoyens au service public après consultation de la commission départementale d'amélioration des services publics.

En outre, il propose qu'avant de transférer une maison de services publics, la commission départementale d'amélioration des services publics soit consultée.

M. Yves Coussain, rapporteur - Cet amendement est satisfait par les amendements Bouvard et Vannson que nous avons adoptés.

M. André Chassaigne - Je le retire donc.

L'amendement 491 rectifié est retiré.

M. le Président - L'amendement 239, 2e rectification, et le sous-amendement 1506 tombent.

M. Jean Lassalle - L'amendement 240 rectifié, adopté par la commission, a pour objet de rendre obligatoire la signature d'une convention visant à maintenir un service public de proximité, lorsqu'il s'agit d'un service fourni par l'Etat, les établissements et organismes publics ainsi que les entreprises publiques.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Avis défavorable. Je crois plus à l'incitation qu'à la contrainte.

De plus, cette contrainte serait sans doute sans effet : sans moyens financiers, pourquoi signer une convention ? Ce serait un coup d'épée dans l'eau (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - J'aurais dû, avant de demander l'avis du ministre, donner la parole à M. Brottes pour défendre l'amendement 1350 : je le prie de m'excuser.

M. François Brottes - Je sais bien que c'était involontaire, Monsieur le Président.

J'ai bien noté la défiance de M. le ministre à l'égard de l'Etat, qui ne pourrait soutenir une telle initiative. Merci de votre honnêteté, Monsieur le ministre !

Quant à l'amendement 1350, je n'ajouterai rien aux arguments de M. Lassalle, qui l'a parfaitement défendu.

L'amendement 240 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 1350 tombe.

M. Jean Lassalle - L'amendement 241 rectifié, adopté par la commission, a pour objet de préciser le contenu des conventions créées par l'amendement portant rédaction nouvelle de l'article 30.

M. François Brottes - La loi Voynet a prévu que dans les zones de revitalisation rurale ou de redynamisation urbaine il devait y avoir compensation intégrale des charges transférées. L'amendement 1349 insiste sur ce point.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis favorable.

M. le Président de la commission - L'amendement 1349 prévoit la compensation or, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de s'engager sur ce plan-là dans le cadre de ce projet. C'est un autre débat. Un texte spécifique viendra plus tard. N'anticipons pas.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Avis défavorable.

M. François Brottes - Nous retirons l'amendement 1349 au profit de l'amendement 241 rectifié, qui est assez proche.

M. Augustin Bonrepaux - M. Ollier oublie qu'il a été l'élu des Hautes-Alpes et du massif de la Chartreuse (Sourires) : chaque fois que des moyens sont proposés pour les zones de montagne, il s'insurge en expliquant que l'on ne peut rien faire. Par respect pour l'Assemblée et pour la commission, Monsieur Ollier, ne suscitez pas des illusions.

M. le Président de la commission - J'ai confiance dans le Gouvernement.

M. Augustin Bonrepaux - Certes, des textes viendront en discussion, mais il n'y a rien sur les moyens financiers que vous comptez affecter à la réforme.

Aucune compensation des transferts qui seront effectués vers les régions et les départements n'est même prévue ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Auclair - Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?

M. Augustin Bonrepaux - Quant à la péréquation, j'ai eu la malencontreuse idée de dire tout à l'heure que la Savoie finançait quelque peu la Lozère. J'ajoute que les Hauts-de-Seine financent la Creuse. Ce n'est pas M. Auclair qui s'en plaindra, et il le doit aux socialistes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Auclair - Arrêtez de donner des leçons !

L'amendement 241 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Garrigue - En milieu rural, les élus sont confrontés aux décisions unilatérales des administrations et des opérateurs qui ferment du jour au lendemain des services publics ou des bureaux. Face à cette situation, il y a trois réactions. La première, retenue par la loi Pasqua, consiste à adopter un moratoire sur les services publics. Elle a permis de geler la situation, mais la sortie du système est toujours difficile. La seconde est d'essayer de réparer le désordre. C'est malheureusement la plus fréquente, mais elle n'est pas satisfaisante. La dernière est de viser à une cohérence d'ensemble sans refuser les adaptations nécessaires. C'est la solution vers laquelle s'est orienté le ministre en confiant l'expérimentation sur les services publics en milieu rural aux préfets de département.

Pour poursuivre dans cette voie, il faut d'abord définir des objectifs qui garantissent une présence régulière du service public sur l'ensemble du territoire - sans qu'il s'agisse de les maintenir tous. Il faut ensuite assurer la concertation avec les élus. Enfin, il est indispensable qu'une autorité rende, le moment venu, les arbitrages nécessaires. Ce rôle semble devoir revenir au préfet, qui a autorité sur les services publics de l'Etat et représente l'intérêt général auprès des différents opérateurs. L'amendement 321 réaffirme donc l'autorité du préfet sur l'ensemble des services de l'Etat, y compris ceux des finances et de l'éducation nationale. Modifier l'implantation des perceptions par exemple est certes nécessaire, mais la décision ne doit pas être prise par le seul trésorier-payeur général ! Le préfet doit donc assurer la concertation avec les services de l'Etat. L'amendement prévoit également que le préfet négocie et éventuellement contracte avec les différents opérateurs pour rechercher la cohérence indispensable.

M. François Brottes - Nous sommes à un tournant du débat !

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Le préfet a déjà beaucoup de pouvoirs.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Nous menons, comme vous l'avez rappelé, une expérimentation en Dordogne, où le préfet est chargé de la réorganisation des services publics. Il est important d'avoir une vision globale et cohérente, qui permet la mutualisation des moyens entre collectivités locales, Etat et même entreprises privées et facilite donc l'accès de tous aux services publics. Je demande cependant le retrait de cet amendement. D'abord en effet, les pouvoirs du préfet sont d'ordre réglementaire. Surtout, la réforme des services déconcentrés de l'Etat sera traitée dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales, adopté fin 2003 au Sénat et qui sera discuté ici fin février. Il serait plus opportun que le débat que vous voulez ouvrir ait lieu à ce moment.

Sur le fond, je partage votre analyse. Les élus ne peuvent plus accepter que chaque service puisse se réorganiser sans tenir compte de rien. Ils ressentent les décisions prises comme des coups de poignards. Il faut réorganiser les implantations et renforcer l'accessibilité des services, sans confondre proximité et accessibilité. Nous portons la plus grande attention à l'expérimentation menée dans votre département. Je vous demande de retirer cet amendement et d'attendre le projet de loi sur les responsabilités locales pour ouvrir le débat.

Mme Henriette Martinez - Je partage la préoccupation exprimée par Daniel Garrigue. Le gouvernement précédent a rendu obligatoire une étude d'impact pour toute fermeture de service public, y compris lorsqu'il s'agit de regrouper des services et lorsque le service fermé n'est pas le dernier dans la commune. Je crois être le seul maire en France à avoir subi l'effet de cette décision pour l'instant. Mon conseil municipal a proposé de regrouper deux écoles de la commune, situées à un kilomètre de distance et dont l'une n'avait qu'une classe comptant 18 élèves. Je me suis trouvée lancée dans une machinerie diabolique : une espèce d'enquête publique, suivie de la réunion de la commission départementale des services publics, de moult procédures de concertation et d'un rapport du commissaire enquêteur transmis à l'inspecteur d'académie, puis au préfet. Celui-ci a fait son rapport, qui se trouve dorénavant sur le bureau de Luc Ferry ! Avec de telles absurdités, les élus n'ont plus la capacité de décider de l'organisation des services publics dans leur commune. Je ne suis pas opposée à donner ce pouvoir au préfet, si l'on allège le dispositif en faisant disparaître l'étude d'impact. Mais j'insiste sur le fait qu'il faut un peu de souplesse dans l'organisation de la présence des services publics. Trop rigidifier les choses risque d'en faire disparaître certains définitivement.

M. Jean Dionis du Séjour - Je suis contre cet amendement. La cohérence n'y est envisagée qu'au niveau national. Or, certains services publics, les télécoms par exemple, sont déjà régis au niveau européen. La directive, qui a été transposée, définit un service public universel et un cahier des charges. Il faut envisager les services publics dans une optique résolument européenne.

M. Jean Lassalle - L'amendement 241 rectifié n'a pas été adopté, alors qu'il avait été accepté par la commission. Je pense que le président de la commission a profité de mon inexpérience, et je vais essayer de m'améliorer ! Quant au 321, contrairement à M. Dionis du Séjour, j'y suis favorable. J'entends bien que le ministre prépare un texte, mais en attendant, chez nous, tout se disloque ! Il faut donner un signe fort à notre administration. Mme Martinez a remarquablement décrit la situation. Que se passe-t-il, chez nous, dans les administrations ? On enlève le cadre A. Que font alors ceux qui restent ? Ils se disputent entre eux ; ils ne sont pas contents (Sourires), et de ce fait, au lieu de faire de la bonne administration, ils mettent des bâtons dans les roues à tout le monde... Si, comme le propose M. Garrigue, le préfet fait un travail de coordination, nous y verrons plus clair, et cela aidera le ministre de l'aménagement du territoire à préparer ce qu'il veut préparer.

Mme Marylise Lebranchu - Le grand mérite de cet amendement est d'inclure, dans les compétences du préfet, les services des finances et de l'éducation nationale, qui lui échappent aujourd'hui.

Par ailleurs Mme Martinez a raison quant aux études d'impact. La volonté première qui a inspiré leur création était d'obliger l'Etat, lorsqu'il ferme des services publics, à diligenter localement des études d'impact. Mais au fil du temps certaines collectivités, notamment rurales, ont redouté que les services soient regroupés dans des localités plus importantes, à la faveur des intercommunalités. Elles ont donc demandé que l'étude d'impact s'impose aussi quand les services publics sont gérés ou affermés par une collectivité. D'où l'aberration qu'on observe : l'étude d'impact est devenue si lourde qu'elle perd toute signification. L'opposition entre ruraux et urbains a produit cet effet pervers, dont nous sommes, sur tous les bancs, collectivement responsables.

Je reste cependant persuadée qu'une autorité de l'Etat, et une seule, doit contrôler l'ensemble. Même si je respecte le rôle, clairement défini par le droit, du trésorier payeur général ou de l'inspecteur d'Académie - quand ce dernier, par exemple, ferme des classes pour gérer ses postes -, il n'est pas inutile que le préfet émette un avis quant à l'impact des décisions. L'amendement de M. Garrigue n'a pas d'autre but.

M. André Chassaigne - J'appelle l'attention de l'Assemblée sur un aspect qui n'a pas été évoqué et qui n'apparaît pas dans l'amendement : il s'agit des atteintes que l'on porte aux services publics sans remettre en cause, en apparence, la nature de la prestation, mais en grignotant sa qualité, ce qui prépare à terme leur fermeture. M. Lassalle en a cité un exemple : on laisse une perception en activité, mais on supprime le cadre A... J'en donnerai un autre : la concentration de la distribution postale. On ne remet certes pas en cause la prestation : le porte-à-porte est toujours assuré par les facteurs, mais ceux-ci sont regroupés au bureau de poste du chef-lieu d'arrondissement, et non plus à celui du chef-lieu de canton ; l'activité de ce dernier va donc s'affaiblir progressivement, ce qui prépare sa fermeture.

Dernier exemple : dans un collège, on supprime des options parce qu'elles n'attirent pas assez d'élèves. Là encore, la remise en cause de la qualité du service va affaiblir celui-ci par fuite des usagers, et l'on arrivera assez vite à la fermeture, faute d'un nombre suffisant d'élèves.

Tous ces exemples illustrent ce que j'appelle le grignotage des services publics, préludant à leur fermeture.

Mme Henriette Martinez - Je souhaite présenter un sous-amendement 1507, ayant pour objet de supprimer l'étude d'impact dans le cadre de la procédure de concertation que propose M. Garrigue, et de rendre au préfet tous ses pouvoirs dans le département (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. François Brottes - Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe - ce qui, au passage, rendra service à tout le monde...

La séance, suspendue à 23 heures 25, est reprise à 23 heures 40.

M. Marc Le Fur - M. Garrigue a raison de poser, par son amendement, le problème de la cohérence de l'action de l'Etat dans certaines zones rurales. On a trop souvent l'impression que, dans l'« église » Etat, il existe de multiples chapelles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui font leurs affaires isolément, au risque de créer de vraies difficultés locales.

Pour ne pas en rester à la pétition de principe, donnons à nos intentions une traduction législative, comme le propose Daniel Garrigue. Et pour que cette cohérence soit totale, je propose, par le sous-amendement 1508, de prendre également en considération les services publics constitués sous forme d'établissement public, qui doivent respecter, eux aussi, une logique d'aménagement du territoire. J'ai assisté, dans ma région, à des fermetures de stations de haras sans même que le préfet ait été préalablement informé ! Pour sortir de ce désordre, l'ensemble des services publics, y compris ceux constitués sous forme d'établissement public, doit être mis en cohérence sous l'autorité du préfet.

M. Yves Coussain, rapporteur - Ce sous-amendement n'ajoute rien aux dispositions adoptées précédemment, sinon de la complication. J'y suis personnellement défavorable.

M. le Président de la commission - Monsieur le ministre, Daniel Garrigue soulève un véritable problème, mais il est impossible de le résoudre au détour d'un amendement, faute d'avoir une vision d'ensemble de la question. Il faudra trouver la bonne volonté au bon moment. Comment l'envisagez-vous ?

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - C'est vrai, il ne faut plus que les élus apprennent par la presse ou subissent sans y être associés la réorganisation de services publics. M. Garrigue demande qu'il soit procédé à cette nécessaire réorganisation de façon globale, cohérente, et conforme aux besoins des usagers. Il n'est plus acceptable que la trésorerie, la poste, l'éducation, la justice se réorganisent chacune de son côté, au risque de porter chaque fois un coup de poignard aux territoires concernés.

Mme Martinez se préoccupe de l'équité de traitement à propos d'une étude d'impact qui permet parfois de faire obstacle à une mesure de bon sens comme celle qu'elle a décrite.

Je ne pense pas que l'on puisse, par voie d'amendements et de sous-amendements au présent texte, apporter une réponse pertinente à la question de fond qui est posée. Celle-ci devra être réexaminée à l'occasion du débat sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales et en tenant compte de la communication qui sera faite demain même en Conseil des ministres sur la réorganisation territoriale de l'Etat, les vingt-deux préfectures de région allant par exemple être regroupées en huit pôles.

Je m'engage solennellement à ce que, d'ici à la fin février, soient étudiés les moyens d'informer les élus en amont, comme vous le souhaitez, et de faire du préfet, - car à nos yeux, ce ne peut être que lui - le médiateur en matière de réorganisation des services publics. Au bénéfice de cet engagement formel, je vous demande, Monsieur le député, de bien vouloir retirer votre amendement. Je rappelle par ailleurs que les pouvoirs des préfets sont d'essence réglementaire, et non pas législative.

M. Daniel Garrigue - J'entends bien cette dernière objection, mais mon amendement pose la question de la déconcentration. Il ne saurait y avoir de décentralisation efficace si elle ne s'accompagne pas parallèlement d'une déconcentration. Si l'Etat n'est pas représenté efficacement à chaque échelon territorial, il risque tout simplement de disparaître ! J'appelle votre attention sur ce danger.

Une autre objection est que l'amendement serait contraire à la LOLF. Celle-ci exige en effet de chaque administration qu'elle organise désormais son activité en missions et en programmes, et se structure ainsi de manière verticale, ce qui est contraire au souci de déconcentration. Il faudra bien, à un moment ou à un autre, surmonter cette contradiction.

Je ne reviens pas sur la dernière objection, formulée notamment par M. Dionis du Séjour, au regard de la réglementation communautaire.

Le problème est que, si je retire cet amendement, je n'ai aucune certitude de pouvoir le reprendre dans un autre texte. Il faudrait être sûr, par exemple, que la question de la déconcentration sera bien abordée dans le futur projet de loi relatif aux responsabilités locales.

M. François Brottes - Je prends acte que notre collègue ne retire pas son amendement. Sinon, je l'aurais immédiatement repris. J'étais en train de me dire que si des préfets suivent la retransmission de nos débats, ils doivent regretter que nous ne votions pas davantage de moyens à leur profit... Cela leur faciliterait ensuite la tâche !

J'en reviens au sous-amendement 1508. J'ai bien compris la proposition de M. Le Fur, ainsi que la remarque, pertinente, de M. Dionis du Séjour. Tout cela pourra être revu en deuxième lecture.

M. Michel Bouvard - Nous sommes au c_ur du débat sur la réorganisation des services de l'Etat. Je remercie M. Garrigue d'avoir posé un problème de fond, mais il faut désormais tenir compte de la LOLF, que nous avons votée, je le rappelle, à l'unanimité. Elle prescrit la responsabilisation de chaque administration, avec la fixation d'indicateurs de performance, parmi lesquels pourra bien sûr figurer la proximité avec l'usager ou la possibilité pour celui-ci de saisir l'administration et d'obtenir d'elle une réponse dans un délai raisonnable. Mais un autre de ses objectifs est aussi d'intégrer les coûts de production des services afin de parvenir aux solutions les plus rationnelles, ce qui peut paraître contradictoire avec le maintien des échelons territoriaux.

Je ne crois pas que nous puissions trancher la question ce soir, mais ce débat devra avoir lieu, sans doute à l'occasion de l'examen du projet de loi sur les responsabilités locales et aussi lorsque nous définirons les indicateurs de performance et adopterons la « maquette » que doit nous présenter le secrétaire d'Etat au budget pour la mise en _uvre de la LOLF. Celle-ci a conféré au Parlement de nouveaux pouvoirs, importants dont nous n'avons peut-être pas encore pris la mesure. C'est au Parlement de dire alors - et non dans ce texte - ce qu'il souhaite et comment il pense que peuvent se conjuguer efficacité, proximité et productivité. Nous avons là un rendez-vous collectif à ne pas manquer.

M. le Président de la commission - Très bien !

M. Yves Coussain, rapporteur - On ne saurait modifier toute l'organisation territoriale des services de l'Etat par le biais d'un amendement et de sous-amendements, d'ailleurs contradictoires entre eux, au présent texte.

Le sous-amendement 1508, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Marylise Lebranchu - Je tiens à préciser que les services publics de distribution ne sont pas concernés par la directive. J'ai eu l'honneur de prendre part à la négociation et nous y avons veillé.

Je soutiens l'amendement de M. Garrigue. Il faut conserver l'étude d'impact, qui doit être assumée par l'Etat et qui doit englober tous les services publics quelle que soit leur nature, y compris les établissements publics et certaines autorités non étatiques.

Mais cette étude d'impact doit aussi être opposable aux tiers. Si elle fait apparaître un danger, on ne doit pas se borner à constater qu'on manque de postes. C'est le sens de notre sous-amendement 1510, qui précise aussi que l'étude d'impact doit être « assumée » par l'Etat.

M. le Président de la commission - Je veux que la position de la commission soit claire. Nous n'avons pas souhaité ouvrir le débat de principe auquel nous invitait M. Garrigue, pour les raisons que le rapporteur et le ministre ont exposées. Nous repoussons donc également les sous-amendements, aussi louables que soient les intentions de leurs auteurs.

Je tiens à rendre hommage à M. Bouvard et à la manière dont cet expert de la commission des finances nous a rappelé notre rôle : nous avons un devoir de cohérence qui nous oblige à reporter au moment opportun l'examen des demandes, par ailleurs légitimes, de MM. Garrigue et de Saint-Sernin

M. le ministre a pris un engagement. Nous allons examiner un texte sur les libertés locales dans deux ou trois semaines. Le projet que nous examinons ce soir ne sera pas définitivement voté à ce moment, Monsieur Garrigue. J'ai confiance en la parole du ministre. Dans deux ou trois semaines, nous pourrons examiner ce que vous nous proposez.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Même avis.

Le sous-amendement 1507, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement 1510.

M. Jean Dionis du Séjour - J'approuve le I de l'amendement déposé par M. Garrigue : il est bon que l'Etat soit incarné par un préfet qui garantisse la cohérence des services publics dans leur ensemble, y compris les services fiscaux et l'éducation nationale qui n'ont que trop tendance à se comporter en électrons libres.

Nous persistons en revanche à penser que le II n'est pas « eurocompatible » car certains services publics ne relèvent pas de la logique proposée. Dans le cas de France Télécom, on ne peut qu'appliquer la directive transposée le 5 décembre dernier. Mon sous-amendement 1509 vise donc à supprimer le II de l'amendement.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Même avis.

M. Jean Lassalle - Certes, on nous annonce un futur texte, mais le mal est si profond qu'il faut porter un coup d'arrêt dès maintenant ! Je souhaite donc voter la totalité de l'amendement de M. Garrigue, et je ne voterai donc pas le sous-amendement de mon ami Dionis du Séjour. L'« eurocompatibilité », je m'en méfie d'ailleurs beaucoup : voyez, s'agissant de la chasse, où nous a menés la directive Natura 2000 ! (Sourires)

Le sous-amendement 1509, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 321.

M. Christian Estrosi - Même si nous comprenons les politiques de modernisation des services publics en milieu rural, nous sommes souvent confrontés à des responsables de services déconcentrés, qui, par excès de zèle ou sans discernement, en tout cas sans esprit de dialogue, prennent la décision de fermer des bureaux ou des agences.

Je pense en particulier à La Poste, qui n'hésite pas à faire du chantage auprès des mairies.

La collectivité capable d'apprécier la cohérence des mesures prises, c'est le conseil général. C'est lui, en effet, qui prend des initiatives pour protéger les petites communes, pour mettre en place des services publics de substitution, pour fédérer l'action des maires.

Mon amendement 1030 vise donc à exiger, lorsque les communes concernées n'ont pas été consultées, et que les acteurs locaux concernés n'ont pas donné leur accord, l'avis conforme du conseil général.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, qui ne ferait que rendre les procédures plus complexes. En outre, s'il faut un avis conforme, on ne voit pas comment l'offre de services pourrait évoluer.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Vous avez raison, Monsieur le député, de souligner l'importance du rôle des conseils généraux dans la réorganisation territoriale des services publics. Nous avons mené, en Charente, en Savoie, en Dordogne et en Corrèze, quatre expériences de mutualisation des moyens entre le département et l'Etat pour favoriser l'accès aux services publics.

Si nous partageons votre souci, nous ne pouvons retenir la solution que vous proposez. Vous dites en effet que l'accord préalable des « acteurs locaux » sera nécessaire ; or, ce sera impossible. On peut se demander, au demeurant, qui sont ces « acteurs locaux » ?

Vous exigez ensuite l'avis conforme du conseil général. Mais personne n'imagine un instant que si, inversement, le conseil général souhaite réorganiser ses services, il y faille l'avis conforme de la région, de l'Etat, voire de l'Europe... A la contrainte, il faut préférer une réflexion partenariale, une logique « donnant-donnant ».

M. Christian Estrosi - Votre réponse, vous vous en doutez, ne peut me satisfaire. Vous parlez de « donnant-donnant », je préfère parler de « gagnant-gagnant ». Respecter une collectivité locale en lui permettant de se prononcer avant qu'une décision de fermeture ne soit prise, c'est justement l'inciter un peu plus à jouer ce jeu « gagnant-gagnant ».

Je vous concède que la formule « l'ensemble des acteurs locaux » est un peu lourde. Je suis donc prêt à y renoncer.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - S'il s'agissait de recueillir simplement l'avis du conseil général, je serais d'accord, mais l'avis conforme, non. Accepteriez-vous que la réorganisation des services de votre département soit subordonnée à l'avis conforme du préfet ?

M. Jean Lassalle - Je comprends les arguments du Gouvernement, mais de démission en démission, nous avons laissé nos territoires ruraux se désertifier. C'est pourquoi je soutiens la proposition de M. Estrosi. En l'état actuel des choses, je préfère que le débat ait lieu au conseil général, plutôt que de voir une décision imposée par Bruxelles.

M. Augustin Bonrepaux - Les services publics de l'Etat ne cessent de reculer, transférés qu'ils sont, et ce de plus en plus, aux collectivités locales, sans que rien ne parvienne à stopper ce désengagement. Qu'un débat ait lieu au conseil général, comme le propose cet amendement, me semble fort bienvenu.

M. Jean Lassalle - Très bien !

M. Augustin Bonrepaux - Actuellement, en effet, non seulement les services publics disparaissent, mais encore on demande aux conseils généraux de financer leur concentration ! Vous comprendrez qu'ils soient quelque peu échaudés et qu'ils demandent à l'Etat de prendre ses responsabilités...

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - L'amendement 632, adopté par l'Assemblée tout à l'heure, dispose déjà que les administrations de l'Etat doivent informer annuellement le préfet de région, le président du conseil régional, le préfet du département et le président du conseil général de l'organisation territoriale des services dont ils ont la charge et de leurs prévisions d'organisation à deux ans. Votre amendement est donc partiellement satisfait.

M. Christian Estrosi - Pas vraiment, puisque cette information annuelle consistera, en fait, à donner la liste des bureaux de poste et autres services publics fermés durant l'année écoulée...

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Non : il s'agit aussi des prévisions d'organisation à deux ans.

M. Christian Estrosi - Reste que donner une information n'est pas solliciter un avis ! En revanche, vos remarques sur le terme « conforme » sont justifiées : une collectivité ne peut s'opposer à une décision de l'Etat fondée sur l'intérêt général. Je suis donc prêt à supprimer outre le membre de phrase relatif à l'accord des acteurs locaux, la notion d'avis « conforme ».

M. Yves Simon - Puisqu'on parle beaucoup de La Poste. il paraît que 30 000 emplois y ont été créés grâce aux 35 heures, mais les petits bureaux de l'Allier, qui ne sont pas rentables, ferment à tour de rôle, et on demande aux collectivités de payer ! En outre, dans ce même département, les socialistes ont supprimé 198 postes d'instituteur en dix ans. Bagatelle ! Par ailleurs, il faudrait demander aux enseignants d'occuper les logements qui sont mis à leur disposition par les collectivités, plutôt que d'en voir certains faire 60 kilomètres pour venir le matin ! Les percepteurs, les principaux n'occupent plus les locaux qui leur sont destinés, et c'est le résultat de votre politique !

Je suis contre la modification consentie par M. Estrosi. Elle signifie qu'on fera payer les départements pour maintenir les services publics !

M. le Président - L'amendement 1030 est rectifié comme suit : « Tout projet de fermeture d'un service public ou d'un service de proximité en tout point du territoire du département est soumis à l'avis du conseil général ».

M. Augustin Bonrepaux - Si on retire l'avis conforme, c'est du vent ! On ne peut pas modifier un amendement comme ça, il faut voter sur la rectification !

M. le Président - Vous savez parfaitement que le Règlement permet à l'auteur d'un amendement de rectifier celui-ci - et à vous-même de le sous-amender...

M. Augustin Bonrepaux - J'ai soutenu un amendement que je pensais utile, mais que je ne soutiens plus s'il n'est plus question d'avis conforme.

M. le Président de la commission - La nouvelle rédaction proposée par M. Estrosi est parfaitement opérationnelle. Il faut organiser la concertation, mais non pas bloquer le système ! Cet amendement assure un équilibre entre les pouvoirs et évite que des décisions soient prises de façon unilatérale. J'invite donc l'Assemblée à l'adopter.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Même avis.

L'amendement 1030 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 37 (précédemment réservé)

M. Henri Nayrou - L'article 37 est à mi-parcours d'un projet dont le manque d'ambition et de moyens commence à apparaître crûment. Le Gouvernement, incapable de donner aux territoires ruraux les armes de leur développement, leur enlève en outre le peu dont ils disposent ! La discussion des amendements Garrigue et Estrosi a eu, chez certains, des accents d'hypocrisie prononcés. On a beaucoup joué sur les mots, mais sans jamais s'attaquer aux causes du mal : le manque de moyens. Le véniel a supplanté l'essentiel : le vote du budget des territoires par l'Assemblée.

Que pèsent tous ces mots face à des suppressions massives d'emplois publics ? L'article 37, censé traiter des services publics, porte en fait modification de la loi du 12 avril 2000 sur les relations entre les citoyens et l'administration. Il vise à développer des services de proximité dans le secteur rural profond en permettant à des opérateurs privés et publics de s'associer dans une maison des services publics et en autorisant à confier des missions de service public à une personne privée, ce qui finit par faire beaucoup de personnes dans des secteurs où, grâce à votre texte, il n'y aura bientôt plus personne ! (Sourires sur quelques bancs)

Il est profondément choquant que la seule référence au service public se trouve dans cet article. Les maisons des services publics doivent être des maisons de l'Etat, des préfectures par exemple. Sinon, il s'agit de maisons communes. Il est courant que les hôtels de ville des chefs-lieux de canton rassemblent des représentants de services aussi divers que la sécurité sociale, la CAF, les services du conseil général et la chambre d'agriculture et organisent des permanences au bénéfice de la population... Et dans les villages, qui pourrait contester aux mairies le titre de maison des services publics ? Ces maisons n'ont pas vocation à rassembler des services publics qui existent déjà, mais à créer les conditions pour que les services publics qui ont déserté un territoire puissent y revenir. Les citoyens sont en droit d'exiger de l'Etat solidaire les mêmes services en tout point du territoire.

La présence des services publics n'est ni plus ni moins qu'une affaire de moyens et de volonté politique. Or, le projet de loi ne comporte aucune disposition financière susceptible de redonner espoir aux populations concernées, et votre volonté politique vous conduit plutôt à supprimer des dizaines de milliers d'emplois qu'à _uvrer en faveur de la ruralité. Mais connaissez-vous beaucoup de services publics qui puissent fonctionner sans fonctionnaires ? Votre but est de transférer le plus de charges possible vers les collectivités locales, pour ce que M. Poncelet appelle une opération de délestage ! C'est aussi inacceptable pour les territoires, qui connaissent déjà de graves difficultés budgétaires en raison du désengagement de l'Etat, que pour les citoyens, qui doivent voir s'accomplir les missions régaliennes de l'Etat quel que soit leur lieu de résidence.

Supprimant le plus de postes possible dans la fonction publique, vous voulez passer le relais au secteur privé. Quel cynisme ! Les droits fondamentaux reconnus par la Constitution ne sauraient être dépendants de la rentabilité et de la libre concurrence ! Le citoyen est un usager du service public, pas un consommateur. Quel opérateur privé s'engagera dans une opération sans profit ? Si la maison des services publics est située dans un lieu public, que pourra-t-il faire ? Et si elle est dans un lieu privé, le terme « public » a-t-il encore une signification pour la majorité ? Il est indécent de traiter le problème des services publics par un article à la portée aussi dérisoire (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Henriette Martinez - Pour avoir dans ma circonscription des maisons de services publics, je sais combien elles sont utiles. Issues des anciens EREF, créés en 1995 pour que les usagers ne soient pas obligés d'aller au chef-lieu de département pour accéder aux services publics, elles ont élargi leurs missions, ont bénéficié d'aides de l'Etat et de l'Europe, et remplissent aujourd'hui un véritable service de proximité en milieu rural. Ne crachons pas dans la soupe ! Certes, elles ont un coût pour les collectivités, mais moindre que bien d'autres services !

Cet article vise à donner plus de souplesse au fonctionnement des maisons de services publics. Il répond au souhait des élus locaux qui les gèrent en partenariat, il faut le souligner, avec les services de l'Etat. Cette action conjointe de salariés de droit privé, d'agents des collectivités locales et de fonctionnaires de l'Etat est exemplaire et doit être renforcée.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - L'article 12 de la loi du 12 avril 2002 a introduit le concept de maison des services publics. Ayant voulu l'expérimenter dans mon canton de Fournels, je me suis heurté à certains blocages et j'ai pu mesurer certaines inadaptations. L'article 37 du présent projet apporte des avancées significatives, avec l'ouverture des maisons des services publics aux personnes privées, la mise en _uvre de partenariats public-privé et les adaptations nécessaires pour fonctionner en commun. J'y vois un début de consécration de l'idée de « maisons des services au public », que j'ai avancée en 2003 dans une proposition de loi, qui a rallié de nombreux collègues.

Je ne puis donc qu'apporter mon entier soutien à cette adaptation de notre législation, tout en espérant une certaine ouverture aux associations d'intérêt local ou à celles qui sont liées aux collectivités territoriales par des conventions d'objectifs.

M. André Chassaigne - La question des services publics en zone rurale est primordiale. Mais les politiques conduites en la matière ne relèvent que marginalement du domaine législatif. Le Parlement n'a qu'un contrôle très limité sur les politiques désastreuses conduites sur le terrain.

En nous proposant d'autoriser la privatisation des maisons des services publics - dont l'existence même illustre la démission des pouvoirs publics -, le Gouvernement nous demande en fait un blanc-seing pour poursuivre sa politique de déménagement du territoire et de privatisation des services publics. Nos concitoyens ruraux ne veulent pas de services publics au rabais : ils demandent simplement que le principe d'égal accès soit respecté. Comment croire qu'on soulagera le malaise du monde rural, si ses habitants ne sont pas considérés comme des citoyens à part entière ? La question des services de proximité n'est pas seulement économique et sociale : c'est un mode d'affirmation des valeurs de la République et une reconnaissance des droits des citoyens.

Une politique alternative impliquerait qu'on revienne sur les politiques de démantèlement de l'Etat, de privatisation et de mise en concurrence poursuivies depuis vingt ans, et qui ont abouti à des situations absurdes. On voit par exemple le Crédit agricole se poser en concurrent direct de La Poste, et demander une plus grande dérégulation du secteur postal ! Deux entreprises naguère partenaires, complémentaires et utiles aux territoires, ne pensent plus qu'à se concurrencer, chacun cherchant à se développer au détriment de l'autre : c'est désolant.

Ni la crise de nos finances publiques, ni l'impérialisme juridique de la Commission européenne ne justifient le démantèlement des services publics qui ont fait la République. Si le volontarisme du Gouvernement à l'égard du monde rural était sincère, il ne laisserait pas dépérir les services publics. Il faut savoir si l'on veut servir les intérêts d'investisseurs financiers, et donc respecter le droit de la concurrence européen, ou donner aux territoires ruraux des chances réelles de développement. Car aucun développement durable n'est possible sans services de proximité.

M. Augustin Bonrepaux - Notre débat est bien caricatural ! Les amendements de la majorité servent à se donner bonne conscience. M. Estrosi pourra dire dans sa circonscription qu'il défend les services publics, parce qu'il a proposé qu'on demande l'avis du conseil général... Mais il existe déjà des commissions départementales des services publics, où le conseil général est représenté, et qu'on peut saisir chaque fois qu'un de ces services est supprimé ou menacé : qu'apporte donc cet amendement ?

La réalité, c'est qu'on voit disparaître, un à un, les services publics de l'Etat et des organismes qui dépendent de lui : postes, trésoreries, gendarmeries, établissements d'éducation, et maintenant de santé. Et, à mesure qu'ils disparaissent, tout est fait pour favoriser leurs transferts sur les collectivités locales. Nous l'avons encore vu pour la santé. Tout au long de ce texte, comme des dispositions prises depuis dix-huit mois, on constate un recul de la solidarité. Il y a encore un ministre de l'aménagement du territoire, mais la notion elle-même a disparu.

Quel est l'objet des maisons des services publics ? On ne peut qu'être inquiet en lisant le rapport de la commission. Qui nous fera croire qu'en permettant à des opérateurs privés de s'associer aux opérateurs publics dans une maison des services publics, on va développer les services de proximité ? Je ne lis pas sans inquiétude, dans le rapport lui-même, que la mobilisation de l'Etat « n'est plus suffisante pour assurer des prestations de qualité. En outre, cette mobilisation ne permet pas d'apporter de solution durable au retrait progressif des entreprises publiques de réseau, comme la Poste, France Télécom ou EDF et GDF »... Il nous ont dit qu'on fera mieux en s'associant à des acteurs privés. Mais un service privé, ce n'est plus du service public ! Il est difficile de prétendre que les choses vont mieux quant l'Etat se défausse de ses responsabilités sur les acteurs privés ou sur les collectivités. Et vous aurez du mal à l'expliquer au contribuable local, quand il verra quelle charge va s'abattre sur lui du fait de la mise en _uvre de votre loi...

Je ne conteste pas que votre dispositif puisse être utile pour développer des services nouveaux ; je pense à la maison des saisonniers, ou aux services de l'ANPE. Mais il n'y a aucune raison d'y recourir pour des services qui existent déjà, et là où il peut être utile, il n'est nul besoin de ce texte pour faire des maisons des services publics : il en existe déjà. Vous légiférez sur ce sujet comme sur l'aide à l'installation des médecins, que vous allez autoriser, dites-vous : ignorez-vous donc que cela se fait déjà ? Nous restons plus que prudents face à cette nouvelle forme du désengagement de l'Etat.

M. Jean Dionis du Séjour - Cet article 37 et les maisons des services publics sont de bons outils, permettant de mutualiser les dépenses de personnels et d'investissement, notamment à l'échelle d'une communauté de communes ou d'un canton. Dans ma circonscription, j'ai constaté que l'idée d'une coopération privé-public suscitait l'intérêt, notamment celui des assureurs et du réseau bancaire. La dissociation entre le statut d'une personne et le service public qu'elle assure est une idée intéressante, et d'ailleurs conforme au droit européen ; il faudra simplement prendre des précautions déontologiques et de confidentialité.

Nous sommes donc a priori très favorables à cet article 37.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 28 janvier, à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 55.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 28 JANVIER 2004

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 1058) relatif au développement des territoires ruraux.

MM. Yves COUSSAIN, Francis SAINT-LÉGER et Jean-Claude LEMOINE, rapporteurs au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. (Rapport n° 1333.)

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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