Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 79ème jour de séance, 198ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 15 AVRIL 2004

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      SUPPRESSION DES LIMITES D'AGE
      POUR LES CONCOURS DE LA FONCTION PUBLIQUE 2

La séance est ouverte à neuf heures trente.

SUPPRESSION DES LIMITES D'AGE
POUR LES CONCOURS DE LA FONCTION PUBLIQUE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi M. Serge Poignant et plusieurs de ses collègues tendant à supprimer les limites d'âge pour les concours de la fonction publique.

M. Serge Poignant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République - Le marché du travail se caractérise par une plus grande mobilité que par le passé, et la fonction publique ne saurait échapper à ce mouvement.

Certes, le Gouvernement s'est engagé à étudier la possibilité de faciliter le passage de la fonction publique au secteur privé - à la demande de M. Delevoye, M. Guy Berger a présenté un rapport à ce sujet en septembre 2003 - mais il conviendrait également de faciliter l'entrée dans la fonction publique de salariés ou de travailleurs indépendants dont l'expérience peut être utile. Or, les conditions d'âge pour accéder aux concours de la fonction publique limitent ce mouvement. En outre, dès lors que l'âge de départ à la retraite des fonctionnaires a été reculé, les carrières sont plus longues. En limitant autant que possible les conditions d'âge requises pour accéder aux concours externes, on pourrait donc faire une place plus grande aux secondes carrières de salariés issus du secteur privé.

Est-il normal de refuser l'accès au concours de chargé de recherches au-delà de 31 ans ? De même pour l'accès au concours d'inspecteur des systèmes d'information et de communication qui n'est pas possible au-delà de 30 ans. Les moniteurs d'auto-école ne peuvent, quant à eux, accéder au concours d'inspecteur du permis de conduire s'ils ont plus de 45 ans alors qu'on manque d'inspecteurs. Est-il justifié de refuser aux secrétaires issues du secteur privé et âgées de plus de 45 ans l'accès aux concours d'adjoint administratif de l'Etat ?

La loi du 13 juillet 1983 dressait une liste limitative des conditions requises pour accéder aux trois fonctions publiques. Or, il n'était pas fait mention d'une condition d'âge. Pourtant, dans la plupart des concours externes, une limite d'âge supérieure avait été instaurée, le pouvoir réglementaire pouvant en effet fixer une limite d'âge au-delà de laquelle il n'était pas possible de se présenter à un concours.

La loi de novembre 2001, modifiant l'article 6 de la loi de 1983, a ajouté l'âge comme critère non discriminant pour accéder à la fonction publique. La possibilité de fixer des conditions d'âge n'a été retenue que dans les cas où il le fallait pour le déroulement de leur carrière - pour permettre en fait l'ouverture du droit à pension après quinze années de services effectifs.

La limite d'âge aux concours d'accès externe à la fonction publique d'Etat se situe aujourd'hui en général entre 28 et 40 ans pour les concours de la catégorie A et 40 à 45 pour les concours des catégories B et C.

S'agissant de la fonction publique territoriale, l'article premier du décret du 20 novembre 1985 précise que l'âge limite pour le recrutement des fonctionnaires territoriaux est fixé par chaque statut particulier, mais les limites d'âge n'existent en fait que pour les concours de conservateur territorial du patrimoine ou de conservateur territorial des bibliothèques.

Des dérogations ont de plus été progressivement apportées : la limitation d'âge a été soit supprimée, soit aménagée. Toutes les limites d'âge supérieures ont ainsi été supprimées pour accéder au corps enseignant, aux concours internes de l'administration et de la fonction publique hospitalière. Ne demeurent que les cas de concours qui conduisent à une période de scolarité obligatoire assortie d'un engagement de servir l'Etat. C'est le cas de l'Ecole nationale d'administration. Les candidats doivent être en mesure d'accomplir cet engagement avant l'âge de soixante ans.

Les limites d'âge ont été également supprimées pour faciliter l'accès des handicapés à la fonction publique de l'Etat par la loi du 11 janvier 1984. La même mesure s'applique aux agents fonctionnaires de La Poste et de France Télécom. Un dispositif identique a été transposé à la fonction publique hospitalière par la loi du 9 janvier 1986.

La loi du 10 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a levé toute condition d'âge pour l'accès à la fonction publique des mères de trois enfants et plus, des veuves non remariées, des femmes divorcées et non remariées, des femmes séparées judiciairement et des femmes et hommes célibataires ayant au moins un enfant à charge qui se trouvent dans l'obligation de travailler.

La loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives prévoit que les limites d'âge ne sont pas opposables aux sportifs de haut niveau figurant sur la liste établie par la Commission nationale du sport de haut niveau et par le ministre des sports.

Enfin, une mesure particulière est applicable à la fonction publique hospitalière. Ainsi, selon la loi du 9 janvier 1986, les limites d'âge supérieures ne sont pas opposables aux personnels civils non titulaires qui postulent à ces emplois à l'issue d'une mission de coopération culturelle, scientifique et technique effectuée auprès d'Etats étrangers.

Je rappelle enfin qu'en 1985, à de très rares exceptions près, les limites d'âge supérieures ont été supprimées pour l'accès aux concours de la fonction publique territoriale.

Dans ces conditions, au moment où nous souhaitons renforcer la formation tout au long de la vie, comment ne pas harmoniser, voire supprimer, les conditions d'âge qui demeurent ?

Je vous propose donc de n'autoriser l'édiction d'une condition d'âge par le pouvoir réglementaire que pour les emplois dont la nature emporte la durée de carrière plus courte, à l'exemple des emplois classés en service actif, et de ne permettre qu'à titre très exceptionnel, dans des conditions définies strictement par un décret en Conseil d'Etat, la fixation de limites d'âge dans les postes exigeant une formation spécifique, afin de préserver un équilibre entre l'investissement représenté par cette formation et la durée de service. Je souhaite, Monsieur le ministre, que ce décret ne soit pas trop restrictif.

S'agissant en revanche des carrières des fonctionnaires, des conditions d'âge pourront toujours être fixées, de manière à maintenir un niveau minimal d'expérience pour la nomination dans certains emplois, des emplois d'encadrement notamment.

Enfin, pour permettre au pouvoir réglementaire de mettre en accord le droit avec les dispositions de la nouvelle loi, je vous propose que celle-ci n'entre en application qu'au 1er janvier 2005 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation - Je suis très heureux de me retrouver devant vous dans mes nouvelles responsabilités. J'avais déjà eu l'occasion, dans mes précédentes fonctions, de travailler avec Serge Poignant, dont j'avais apprécié le travail et le pragmatisme. Je salue sa proposition et le travail remarquable qu'il a accompli : il nous faut apporter des réponses à la question concrète qui nous est posée.

Je dois faire cependant une remarque préalable sur la méthode. J'ai pris mes fonctions il y a une dizaine de jours à peine et vous savez qu'il est nécessaire d'ouvrir le dialogue avec les partenaires sociaux. L'Etat est le premier employeur de France ; il doit donner l'exemple, par des négociations de qualité débouchant sur des accords. J'ai donc pris l'engagement de donner un nouvel essor au dialogue social au sein de la fonction publique. J'entends mener des négociations pour toute mesure ayant une incidence sur la vie quotidienne des agents publics. Je proposerai dès la semaine prochaine un calendrier de travail à leurs représentants et je souhaite pouvoir présenter avant la fin de l'été, dans le projet de modernisation de la fonction publique, un ensemble de mesures ambitieuses. Les dispositions proposées par Serge Poignant trouveraient logiquement leur place dans ce texte et je regrette de n'avoir pu les évoquer avec les partenaires sociaux.

Toutefois, je n'entends pas m'opposer à une proposition utile qui peut faire l'objet d'un consensus.

Les concours d'accès à la fonction publique comportent le plus souvent des limites d'âge. Celles-ci n'ont aucun caractère général, puisqu'elles diffèrent selon les concours et les fonctions publiques. Elles sont aujourd'hui perçues comme des discriminations, en fonction de l'âge mais aussi du sexe. Elles ont été progressivement supprimées par le législateur dans certains cas particuliers. Le rapporteur nous a fourni le catalogue des dérogations accordées, dont certains peuvent étonner. Il en résulte un système d'une grande complexité. Le premier avantage de cette proposition est donc de simplifier les règles d'accès à la fonction publique.

J'ajoute que le maintien du principe général d'une limite d'âge me ne semble plus pertinent. Il est essentiel de garantir strictement la légalité des concours par l'égalité des conditions posées. Ne doivent être pris en compte que les talents et mérites, qui ne sont pas corrélés à l'âge. Les limites d'âge s'accordent mal avec le principe d'égal accès à la fonction publique inscrit dans la déclaration des droits de l'homme et avec le principe de non-discrimination inscrit à l'article 21 de la charte européenne des droits fondamentaux, proclamée à Nice en décembre 2000. Je relève d'ailleurs que le médiateur européen s'est appuyé sur cette charte pour obtenir la suppression des limites d'âge aux concours des institutions européennes.

La suppression des limites d'âge n'aura en aucun cas pour effet de créer une discrimination à rebours au détriment des jeunes candidats. Le raisonnement a contrario soutenu par certains ne me semble pas valable.

Le maintien des limites d'âge rend par ailleurs moins efficace la politique de gestion des ressources humaines dans l'administration. Une telle politique doit favoriser le rapprochement des sphères publique et privée et rechercher la professionnalisation des services publics. Elle suppose d'intensifier les échanges entre le monde des salariés et le monde des fonctionnaires et d'encourager la mobilité. L'administration a tout intérêt à s'enrichir des expériences acquises dans la société civile, en recrutant des personnes ayant acquis des compétences en dehors de son sein. La limite d'âge réduit clairement ces possibilités.

Nous savons tous que, dans les prochaines années, la situation démographique de la fonction publique va se traduire par le départ à la retraite de très nombreux agents.

Même si des réductions d'effectifs sont prévisibles, des recrutements importants en volume demeureront nécessaires. La suppression des limites d'âge peut faciliter le recrutement sur des emplois techniques, pour lesquels l'administration sera en concurrence avec les employeurs du secteur privé.

Le recours à des candidats plus âgés est aussi un atout pour reconstituer l'encadrement intermédiaire, qui va être fortement touché par les départs en retraite. Le recrutement de jeunes diplômés, sans expérience professionnelle significative, ne permet pas nécessairement de résoudre ce problème.

Enfin, diversifier le recrutement serait un moyen d'éviter la reconstitution du phénomène de déséquilibre démographique entre les classes d'âge aujourd'hui constaté, qui risque de se reproduire si les recrutements à venir se concentrent sur une seule classe d'âge.

Par conséquent, je partage le constat et les objectifs du rapporteur. Toutefois, ce texte n'ayant matériellement pas pu faire l'objet d'une consultation formelle des partenaires sociaux, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

Bien entendu, pour préparer les prochaines lectures de la présente proposition, je me retournerai vers les organisations syndicales et je tiendrai compte de leurs remarques. La position définitive du Gouvernement sera arrêtée en deuxième lecture ou au moment de l'examen de ce texte au Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Guy Geoffroy - Le groupe UMP est particulièrement satisfait que cette séance soit consacrée à la proposition de Serge Poignant, que nous avons été nombreux à cosigner.

Contrairement à ce qu'une lecture trop hâtive pourrait laisser croire, elle ne concerne pas seulement la fonction publique d'Etat, mais l'ensemble des fonctions assurées au service du public. C'est donc un texte qui porte le sceau de l'équité.

Depuis les textes fondateurs instituant les trois fonctions publiques, il y a eu un certain nombre d'évolutions divergentes qui nous ont conduit à une situation d'iniquité. L'idée a la vie dure qu'il y aurait une vraie fonction publique, au service de l'Etat, et deux autres moins nobles. Cette proposition nous rappelle à l'ordre. Nous avons, en tant qu'élus locaux, que si la fonction publique d'Etat conserve toute sa noblesse, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière sont d'un grand professionnalisme.

Si dans un premier temps, ce sont plutôt les fonctionnaires d'Etat qui ont demandé des détachements pour accompagner la montée en puissance de la fonction publique territoriale, on constate de plus en plus l'inverse : la fonction publique d'Etat se plaît à reconnaître, en acceptant en son sein des agents détachés de la fonction publique territoriale, leur extrême compétence. Equité, donc, entre les trois fonctions publiques, en leur conférant la même attractivité et en permettant une mobilité en tous sens.

Équité, aussi, entre les agents. On comprend mal aujourd'hui pourquoi, dans la fonction publique territoriale, à de très rares exceptions près, il n'y a plus de limite d'âge pour passer les concours, alors que l'accès à la fonction publique d'Etat demeure un parcours du combattant ; or pour que la fonction publique ait de l'avenir, et elle doit en avoir, il faut assurer sa lisibilité. Nous devons aider nos concitoyens à être plus proches de leurs fonctionnaires et à comprendre combien la fonction publique est une richesse, et non un handicap.

Cette proposition de loi est également frappée du sceau du pragmatisme et de la modernité, l'un n'allant pas sans l'autre. Elle part du constat que la linéarité des parcours professionnels n'est plus de mise. Certains peuvent le regretter, c'est parfois regrettable mais dans l'ensemble, cela permet plutôt de mieux utiliser les capacités de chacun, tant dans le service au public que dans nos entreprises. La complexification des domaines professionnels appelle de plus en plus une formation permanente et une adaptation de chacun tout au long de sa vie ; il est logique qu'elle s'accompagne d'une plus grande mobilité de l'ensemble des travailleurs. Permettre à tout moment à un agent du secteur privé de faire bénéficier la fonction au service du public de ses compétences et de son goût d'entreprendre est très certainement porteur d'amélioration tant des performances que de l'image de notre fonction publique. Et comment ne pas saluer l'espoir que ce texte va donner à certains de nos concitoyens, atteints très jeunes encore par les limites d'âge et par l'idée que l'emploi ne leur est plus permis, alors que leurs talents et leur désir de se rendre encore utiles pourraient parfaitement être mis au service du public dans l'une des fonctions publiques ?

M. le Ministre - Très bien !

M. Guy Geoffroy - Je terminerai par deux considérations qui me semblent importantes.

La première concerne l'effet de ce texte sur les jeunes. Certains ont affirmé que, surtout à un moment où, paraît-il, le Gouvernement aurait décidé d'opérer des coupes claires dans les effectifs, il s'agirait de dispositions anti-jeunes, qui les empêcheraient d'accéder aux fonctions publiques. Le propos est facile mais fort déplacé, venant de ceux qui n'ont pas hésité à faire exactement l'inverse de ce qu'ils prônent, en créant au sein de la fonction publique les contrats de droit privé les plus longs qui aient jamais existé - pour une durée de cinq ans ! Que n'ont-ils décidé à l'époque de créer de véritables emplois dans la fonction publique et de mettre en place en faveur des jeunes des conditions d'accès privilégiées ? On sait les difficultés rencontrées par les jeunes qui ont été recrutés dans ces emplois-jeunes, on sait aussi celles que rencontrent les services auxquels ils ont été affectés pour assurer la pérennité de l'action engagée ; on aimerait que les conclusions en soient tirées, jusque dans leurs prolongements sur le sujet qui nous réunit aujourd'hui.

Je voudrais en deuxième lieu, sans lancer un débat philosophique sur ce qui fait l'essence de notre fonction publique - même si je sais que notre ministre, avec raison, nous invitera prochainement à cette réflexion -, appartenant à ce monde, ce dont je suis particulièrement fier, rappeler quelques vérités simples.

La fonction publique n'est pas une fin en soi. La garantie de l'emploi et la garantie d'une rémunération dont l'évolution est assurée par une échelle indiciaire ont été accordées pour la seule et unique raison, fondamentale, qu'il convenait de donner à ceux à qui on confiait la lourde tâche d'être au service de leur concitoyens la capacité de s'y consacrer entièrement, en toute tranquillité d'esprit. Prétendre qu'on dénature le fondement de la fonction publique à travers des évolutions telles que celle qui nous est proposée, c'est inverser le propos de manière totalement erronée.

Le groupe UMP, dont un très grand nombre de membres sont cosignataires de cette proposition de loi, la votera donc avec sérénité et enthousiasme, considérant que lorsqu'il s'agit de faire progresser le pays, il n'y a pas de petites causes, mais seulement des bonnes réformes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Dufau - Cette proposition de loi pourrait sembler anodine, mais je voudrais m'employer à démontrer qu'il n'en est rien, au point que l'on est fondé à s'interroger sur les raisons qui ont conduit à choisir la voie de la niche parlementaire. Nous venons d'entendre des choses un peu étonnantes : le rapporteur a affirmé que ce texte n'était plus de mise pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière et concernait la fonction publique d'Etat, et M. Geoffroy a dit l'inverse.

M. Guy Geoffroy - Mais non !

M. Jean-Pierre Dufau - Alors, j'ai très mal compris ! Il me semblait, pour le moins, que cette proposition de loi était un peu précipitée, au vu des désaccords au sein du groupe UMP. Y avait-il urgence à proposer ce texte ? Je ne le pense pas, d'autant que le ministre, qui a tenu des propos très mesurés, s'en est remis à la sagesse du Parlement.

Sur le plan de la méthode, on ne peut qu'être surpris qu'un texte portant sur les règles applicables à la fonction publique soit proposé sans aucune consultation préalable avec les organisations syndicales. Les prétendues consultations au niveau local auxquelles se réfère le rapporteur ne sauraient en tenir lieu ! Aucune des fédérations de fonctionnaires n'a été consultée au niveau national, certains l'ont rappelé ce matin encore sur France Inter. Et tous les représentants syndicaux, que nous avons rencontrés nous l'ont confirmé. De la part de champions auto-proclamés du dialogue social, votre attitude est surprenante.

Ce refus de la concertation va en fait beaucoup plus loin, puisque vous avez contourné le travail préparatoire de M. Delevoye relatif à la modernisation du statut de la fonction publique, au cours duquel le thème traité aujourd'hui n'avait pas été abordé, ni par les syndicats, qui ne sont pas demandeurs ni, plus curieusement, par la majorité et le Gouvernement. S'il s'agit bien d'une de vos priorités, voilà qui est étonnant.

Comment, dès lors, comptez-vous articuler le texte de ce matin avec le projet global annoncé ? Le Parlement a besoin d'être saisi d'un calendrier précis, Monsieur le ministre, et d'en savoir plus sur le contenu de ce projet. Parlementaires et partenaires sociaux ne peuvent pas être réduits à apprendre par la presse les intentions du ministre ! C'est pourtant ce qui vient d'arriver aux organisations syndicales, découvrant dans une interview que vous appuyiez la présente proposition, alors que vous ne leur en aviez rien dit en les recevant peu auparavant. Curieuse et inquiétante méthode ! Au reste, vous venez vous-même de regrettez cette absence de concertation que je dénonce. Je vous remercie de me donner raison !

M. le Ministre - C'est l'inverse !

M. Jean-Pierre Dufau - Il vous reste à accorder les actes avec les paroles. Vous vous en remettez, pour la proposition, à la sagesse du Parlement. Le rapporteur, qui propose un texte en un seul article, déclare s'en remettre pour les décrets à la sagesse du Gouvernement. Cet échange de sagesse est touchant !

Dois-je rappeler que tout projet relatif au statut de la fonction publique doit être examiné par le Conseil supérieur de la fonction publique ? Qu'il s'agisse aujourd'hui d'une proposition de loi ne vous dispense pas de respecter la règle en vigueur, ne fût-ce que par respect pour les agents du service public.

Sur le fond, les observations des organisations syndicales auraient pu vous être utiles. En effet, vous vous engagez, nous semble-t-il, dans une remise en cause insidieuse du statut de la fonction publique. En supprimant la limite d'âge pour le concours externe, vous risquez de mettre en difficulté des personnes qui entreraient tard au service de l'Etat. Il reste en effet nécessaire d'avoir accompli quinze ans de services pour prétendre au bénéfice d'une pension. La question, répondez-vous, est réglée par votre prétendue réforme des retraites. En fait, il n'est est rien, tant est insuffisant votre dispositif relatif aux pluripensionnés. De plus, quel sera le sort des personnes entrant tardivement dans un service actif, c'est-à-dire pénible ?

M. Guy Geoffroy - Donc, mieux vaut rester chômeur !

M. Jean-Pierre Dufau - Vous dites, Monsieur le rapporteur, que vous avez reculé l'âge de la retraite. Pardon ! Vous avez seulement allongé la durée de cotisation !

En fait, vous avancez masqué. Conformément à une demande réitérée du Medef,... (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Encore la Seillière Connection ! Renouvelez-vous un peu !

M. Jean-Pierre Dufau - ....vous essayez de reconvertir certains cadres âgés du secteur privé dont les entreprises cherchent à se débarrasser. Pour eux, il est vrai que les « vulgaires avantages sociaux » dont a parlé le président de la commission des lois, en précisant ensuite que « vulgaire » avait deux acceptions, pour qualifier les droits des fonctionnaires, n'ont pas la même importance que pour les agents des catégories B et C.

Sur l'éthique de la fonction publique, j'ai été heureux d'entendre M. Geoffroy estimer comme moi que la course à la rémunération n'était pas pour les fonctionnaires la motivation essentielle et que le règne de l'argent-roi avait des limites. En revanche, je ne partage pas vos idées sur les emplois-jeunes.

Vous m'avez demandé de faire davantage preuve d'esprit de finesse. D'accord. Mais n'oubliez pas l'esprit de géométrie.

M. Guy Geoffroy - De géométrie variable, dans votre cas !

M. Jean-Pierre Dufau - Si votre démarche conduit à réduire le nombre des fonctionnaires, elle se retournera contre vous comme un boomerang !

Dangereux, votre projet est également incohérent. Comment par exemple le concilier avec la publication, le 24 mars dernier, d'un décret fixant des limites d'âge très strictes pour la voie interne de recrutement de l'ENA, soit 35 ans et au moins 4 ans de service actif ? Cette initiative pénalisera tout particulièrement les femmes, dont on voit que c'est précisément après 35 ans qu'elles se lancent le plus souvent dans une deuxième phase de leur carrière dans la fonction publique ? Comment expliquez-vous cette contradiction ? Vous risquez d'annihiler les objectifs de promotion sociale des agents.

Pourquoi, avant de proposer de supprimer les limites d'âge, n'avez-vous pas songé à traiter le problème des salariés précaires de la fonction publique, dont l'ampleur est bien plus considérable ? De même, vous n'abordez jamais la question de l'évolution des emplois, alors même que la réforme des retraites allonge la durée des carrières.

Vous invoquez fréquemment l'expérience acquise. Mais quelle personne expérimentée voudra intégrer à un âge avancé la fonction publique sachant qu'elle sera recrutée « au pied du grade », c'est-à-dire à son niveau le plus bas ? La proposition d'aujourd'hui est-elle un premier pas dans la mise en cause de ce principe lié au recrutement par concours ? Sur ce point aussi, nous avons besoin d'une réponse précise.

Votre démarche concerne principalement les agents de catégorie A, mais aussi, bien que vous feigniez de l'ignorer, les catégories B et C, pour lesquelles vous risquez de mettre en concurrence des jeunes issus du système éducatif et des personnes plus âgées, alors que vous vous apprêtez à diminuer fortement le nombre de postes ouverts.

L'évolution démographique n'est pas à négliger. Mais votre volonté d'appliquer le principe de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux est beaucoup trop brutale. Plus généralement, votre démarche porte atteinte à l'attractivité de la fonction publique. La majorité, dans ses propos, ne cesse de stigmatiser les fonctionnaires.

M. Guy Geoffroy - Pas du tout !

M. Jean-Pierre Dufau - Ce discours accompagne une politique sans précédent de réduction des postes enrayée seulement, pour ce qui les concerne, par la mobilisation des chercheurs, et de stagnation du pouvoir d'achat. Ce n'est pas ainsi que nous construirons une fonction publique dynamique et attractive.

Votre proposition soulève des questions qui ne peuvent pas être disjointes de l'examen du projet d'ensemble de modernisation de la fonction publique.

Il est impossible d'y répondre dans la précipitation et sans consulter personne.

Vous avez fait allusion, Monsieur le rapporteur, à la loi de 1983. Mais celle-ci ne mettait nullement en cause le statut de la fonction publique. Il n'y a pas, Monsieur le ministre, de réforme heureuse si l'on procède par demi-mesures posant plus de problèmes qu'elles n'en résolvent. Nous voterons donc contre la proposition.

M. François Rochebloine - Les évolutions de notre société et la réforme des retraites entreprise par le Gouvernement nous amènent à repenser l'organisation de la fonction publique. Le temps est bien loin où les salariés faisaient toute leur carrière dans une même entreprise. La mobilité, géographique ou hiérarchique, s'est considérablement accrue. Parallèlement s'est développé le phénomène des « changements de vie », dus à des orientations professionnelles nouvelles, voire à des vocations tardives. Dans ces conditions, il n'est pas anormal d'adapter la loi à ces évolutions profondes.

Permettre de se reconvertir, d'intégrer la fonction publique à tout moment de la vie professionnelle, n'est-ce pas un progrès, qui répond en outre aux aspirations de nos concitoyens ? L'expérience acquise dans le secteur privé au fil des ans peut représenter un enrichissement pour la fonction publique, sans compter les difficultés de recrutement qu'elle rencontre dans certains secteurs. Il est temps de dépasser le clivage public-privé, en créant des passerelles entre les deux secteurs, ainsi que d'harmoniser les statuts de la fonction publique d'Etat et de la fonction publique territoriale, dont la limite d'âge aux concours a déjà été supprimée.

M. Guy Geoffroy - Très bien !

M. François Rochebloine - Les limites actuellement en vigueur pour la fonction publique d'Etat sont entre 28 et 40 ans pour les concours de catégorie A et de 45 ans pour ceux des catégories B et C. Mais elles connaissent de plus en plus d'exceptions : travailleurs handicapés, mères de famille nombreuse, sportifs de haut niveau... Si ces limites trouvaient jusqu'à présent leur justification, la réforme des retraites a changé les données. Désormais, les perspectives d'une seconde carrière se sont élargies et l'on ne peut qu'encourager toutes les nouvelles possibilités de mobilité. Deux exceptions perdurent toutefois : les concours d'accès à des emplois dits de catégorie active et les formations spécifiques, telles que l'ENA, qui exigent, en retour des investissements de l'Etat, un temps de service important. Ici, la limite d'âge se justifie.

Ce débat m'amène à soulever un point quelque peu délicat , même si nombre d'entre nous s'en inquiètent : la limite d'âge dans l'exercice des fonctions électives.

Toute justification d'un texte tel que celui d'aujourd'hui perd de sa force dès lors qu'aucune limite n'existe pour les élus ! Je ne veux en aucun cas remettre en cause la légitimité des élus, mais je pense souhaitable de fixer une limite d'âge, pour commencer, à l'exercice des mandats exécutifs locaux - maire et président de conseil général ou régional. La limite ne jouerait naturellement pas pour le reste des membres des assemblées locales. Je propose de la fixer à 68 ans, comme pour les universitaires.

Le groupe UDF votera le texte qui nous est soumis ce matin. Faisons de cette loi celle de la deuxième chance, qui autorise une reconversion à tout âge et qui offre de nouvelles perspectives à de nombreux salariés, en donnant, mais sans excès, plus de souplesse à un système devenu avec le temps bien lourd et souvent trop rigide (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - Supprimer les limites d'âge pour les concours de la fonction publique pourrait de prime abord recueillir notre assentiment. En effet, la vie professionnelle a bien changé. Les salariés n'effectuent plus toute leur carrière dans la même entreprise, et la fonction publique n'échappe pas à cette évolution. Mais nous nous interrogeons sur les raisons qui ont conduit à la discussion de cette proposition de loi.

Vos arguments reposent en grande partie sur la réforme des retraites, qui a induit un allongement des durées de cotisation. Vous comptez redynamiser le marché du travail en orientant les salariés pour une seconde carrière vers l'administration. Il est vrai qu'elle a l'avantage de garantir à ses agents leur emploi jusqu'à leur retraite. Malheureusement, la situation dans le privé est tout autre : les salariés de plus de 45 ans sont considérés comme trop âgés pour pouvoir prétendre à cette seconde carrière. Cette situation ne peut nous satisfaire. Pourquoi ne pas vouloir favoriser la seconde carrière ailleurs que dans la fonction publique ? Nous aurions aimé que cette réflexion ait eu lieu au Medef par exemple... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Au bout de trois minutes !

Mme Muguette Jacquaint - ...et que celui-ci se montre un peu plus scrupuleux dans les garanties qu'il offre aux salariés embauchés au-delà de la cinquantaine.

Nous sommes donc en droit de nous interroger sur l'état d'esprit qui anime les auteurs de cette proposition, d'autant qu'aucune organisation syndicale n'a été consultée et que ce texte va à l'encontre d'autres décisions du Gouvernement, qui a décidé par exemple d'abaisser l'âge de recrutement de l'ENA à 28 ans pour le concours externe et 35 ans pour le concours interne. En outre, la fonction publique va connaître un fort renouvellement, avec le départ en retraite de près de la moitié des effectifs dans les dix années à venir. Mais le Gouvernement, plutôt que de mettre en place une gestion prévisionnelle des effectifs, supprime massivement des emplois, comme dans l'éducation nationale et la recherche. Il a prévu, dans le cadre du projet de loi de décentralisation, le transfert de 150 000 emplois, mais sans garantir que les collectivités disposeront des moyens financiers nécessaires. Sa politique en matière de réforme de l'Etat se traduit par un plan social dans les DRIRE et l'annonce de la suppression de 5000 emplois aux impôts. Elle se traduit donc par moins d'emplois pour tous : qu'ils aient choisi d'entrer dans la fonction publique ou qu'ils soient simplement à la recherche d'un emploi stable. C'est cela que voulaient leur assurer les emplois-jeunes, que vous vous êtes empressés de supprimer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - Les emplois-jeunes avaient une durée de vie limitée !

Mme Muguette Jacquaint - Je vois que ce point vous fait réagir...

M. Guy Geoffroy - Ayez le courage d'assumer vos responsabilités !

Mme Muguette Jacquaint - Dans ces conditions, nous restons sceptiques sur vos motivations à élargir les possibilités d'entrer dans la fonction publique . Les fonctionnaires, privés d'une réelle concertation, se sentent parfois méprisés. Pour des dizaines de milliers d'agents, les contingentements dans le déroulement de carrière et les limites d'âge aux concours internes ferment toute perspective de promotion.

Enfin, on ne sait rien des perspectives de retraite des fonctionnaires qui entreraient dans la fonction publique entre cinquante et soixante ans. La durée minimale de quinze ans ouvrant droit à la retraite leur sera-t-elle applicable ? Nous ne voudrions pas qu'ils aient à travailler jusqu'à 70 ans ! Il conviendrait plutôt de mettre en _uvre dans la fonction publique une gestion des effectifs qui anticipe les départs en retraite, valorise le recrutement dans l'administration, titularise le personnel précaire et organise le développement des carrières. Le contexte économique et politique dans lequel s'inscrit ce texte nous fait douter de ses objectifs. C'est pourquoi nous affirmons que nous n'acceptons pas la politique qui est conduite aujourd'hui, pas plus dans le public que dans le privé.

M. Jean-Pierre Dufau - Très bien !

M. Frédéric Reiss - Dans une société en pleine mutation, adapter les possibilités de carrière pour les agents de nos trois fonctions publiques semble bénéfique, notamment pour des agents qui restent contractuels parfois jusqu'à la retraite.

Contrairement à ce qu'affirment les socialistes par la voix de M. Dufau, ce débat entre parfaitement dans les prérogatives du Parlement, qui doit être une force de proposition, et les députés jouent pleinement, ce matin, leur rôle d'élus du peuple.

M. Richard Mallié - Très bien !

M. Frédéric Reiss - Trois éléments viennent renforcer l'intérêt de cette proposition de loi.

Tout d'abord, la motivation des personnes intéressées par l'accès à un emploi public. Quel que soit l'emploi, la possibilité d'évolution dans une carrière doit être constant. Comment imaginer que l'accès à la fonction publique d'Etat soit bloqué par le seul fait de l'âge ? Mon expérience de maire m'a appris que l'embauche d'un agent expérimenté issu du privé doit pouvoir être prolongée par une carrière dans le public suffisamment intéressante pour qu'il conserve sa motivation.

M. Guy Geoffroy - Très bien !

M. Frédéric Reiss - Ensuite, cette proposition met en valeur l'expérience individuelle acquise au cours des emplois précédents. Prenez l'exemple d'une maman qui a arrêté de travailler pour élever ses enfants : son expérience de la vie ne peut qu'être enrichissante.

M. Jean-Pierre Dufau - Mais elles peuvent déjà intégrer la fonction publique !

M. Frédéric Reiss - La limite d'âge pour se présenter aux concours externes participe sans doute au désintérêt de certaines personnes pour le service public.

Enfin, cette proposition dynamise le taux d'activité des 50-60 ans, et M. Geoffroy a raison, il ne s'agit pas du tout d'une mesure anti-jeunes !

En supprimant la limite d'âge, on gagne en équité, puisque la fonction publique serait alors accessible sans distinction d'âge ni de sexe.

Des situations professionnelles difficiles, par exemple suite à un licenciement économique, peuvent conduire nombre de salariés expérimentés de 45 ans ou plus, à vouloir accéder à un emploi public avec des possibilités d'évolution de carrière. Il faut les encourager à tenter leur chance !

Permettez moi enfin deux réflexions.

Il conviendrait, au cas où cette proposition serait adoptée, d'adapter les épreuves du concours à un public différent, afin de valider l'expérience professionnelle des candidats et pas seulement leurs connaissances scolaires.

Par ailleurs, il faudrait clarifier le mode de calcul des pensions en cas de carrière mixte -public-privé.

Pour toutes ces raisons, je soutiens cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Rapporteur - Je remercie mes collègues cosignataires et les orateurs, d'avoir soutenu cette proposition de bon sens, ainsi que M. le ministre de l'avoir comprise.

Monsieur Dufau, je crains que vous n'ayez pas convaincu grand monde sur ces bancs. Vous êtes en tout cas le seul à avoir trouvé une incohérence entre mes propos et ceux de M. Geoffroy ! Par ailleurs, je n'ai pas attendu le changement de ministre pour déposer cette proposition : elle l'a été en octobre 2003 !

M. Jean-Pierre Dufau - Mais l'ordre du jour ?

Il est vrai que je n'ai pas consulté les syndicats nationaux, mais je n'ai pas davantage consulté le Medef !

Vous dites que la loi appelle des décrets. Evidemment, c'est le respect de la Constitution ! La suppression de la limite d'âge pour le corps des enseignants, en 1989, s'est bien faite par décret ! Même chose pour les concours internes à la fonction publique d'Etat, en 1990, et à la fonction publique hospitalière, en 1991.

M. Jean-Pierre Dufau - Après négociation !

M. le Rapporteur - M. le ministre a confirmé qu'il procèderait à des consultations.

Mais n'est-ce pas récemment que vos amis socialistes ont précisé dans la loi qu'il ne devrait plus y avoir de discrimination en raison de l'âge, avec une exception pour que les fonctionnaires puissent disposer de suffisamment d'années et avoir droit à pension ?

M. Jean-Pierre Dufau - Mais le statut de la fonction publique n'était pas remis en cause !

M. Guy Geoffroy - Là non plus !

M. le Rapporteur - Rien n'est remis en cause, et les statistiques de 2003 du ministère des affaires sociales en témoignent : les deux tiers des fonctionnaires de la fonction publique territoriale ont exercé avant dans le privé...

M. Guy Geoffroy - C'est ce qui en fait la richesse.

M. le Rapporteur - ...et un tiers pour la fonction d'Etat. Ces fonctionnaires en ont-ils été pénalisés ? Non.

En revanche, je pourrais vous citer deux exemples, dans ma circonscription, de salariés pénalisés par la limite d'âge : celui d'un moniteur d'auto-école qui, après un licenciement économique, se voit fermer la voie au concours d'inspecteur du fait de ses 47 ans... (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - C'est de l'équité socialiste !

M. le Rapporteur - ...et celui d'une secrétaire du privé, âgée de 46 ans, licenciée économique, qui ne peut se présenter au concours de la préfecture dont la limite d'âge est fixée à 45 ans !

Pour revenir à ces 15 ans que vous évoquez, la personne qui aura travaillé 30 ans dans le privé et 10 ans dans la fonction publique, bénéficiera de l'assurance vieillesse, de la sécurité sociale et de la pension de l'IRCANTEC, et d'une retraite calculée sur les 25 meilleures années !

M. Guy Geoffroy - C'est mieux que le chômage !

M. le Rapporteur - C'est vrai que joue l'attrait de la sécurité de l'emploi, mais l'intérêt pour le public, c'est aussi autre chose.

M. Jean-Pierre Dufau - On n'est plus rentable dans le privé, on va dans le public !

M. le Rapporteur - Mais pas du tout !

Et au niveau de l'encadrement, le public n'a-t-il pas tout à gagner de l'expérience des salariés du privé?

En réalité, je crois que vous partagez le sentiment général, de même que Mme Jacquaint, qui nous fait surtout des procès de motivation.

Après avoir fait évoluer la fonction publique territoriale, la fonction publique hospitalière, et les concours internes, il était temps de s'attaquer à la fonction publique d'Etat.

M. le Ministre - Tout d'abord, je voudrais me tourner vers la majorité pour saluer cette proposition pragmatique, inspirée de cas concrets qui ont été soumis aux députés dans leurs circonscriptions. Voilà un travail parlementaire que l'on ne peut contester sur le fond.

S'agissant de l'opposition, je constate l'embarras de ses porte-paroles, tiraillés entre le non systématique, et l'intérêt intellectuel de cette proposition, car eux aussi rencontrent, sur le terrain, des hommes et des femmes confrontés à ces difficultés.

Quant au Gouvernement, sa position est claire. Il respecte le dialogue social, et j'engagerai des consultations avec les partenaires sociaux. En m'en remettant à la sagesse de l'Assemblée, je témoigne de la volonté d'écoute du Gouvernement, et je respecte le pouvoir d'initiative du Parlement.

M. Jean-Pierre Dufau - Qui est embarrassé ?

M. le Ministre - Ce texte aura de nombreuses conséquences sur les carrières, la gestion des corps, l'entrée dans la fonction publique, qui seront examinées dans le cadre du débat sur l'avenir et la modernisation de la fonction publique.

Je souhaite que ce débat soit positif, et nourrisse une réforme heureuse, selon le principe gagnant-gagnant. La modernisation ne saurait être une souffrance. Tout le monde doit y trouver son compte : l'agent, qui est au service du public, le citoyen, qui doit bénéficier d'un service public de qualité et donc d'une fonction publique motivée, et le contribuable. La réforme que je souhaite mettre en _uvre passe par une relation de confiance avec les agents des trois fonctions publiques à travers leurs organisations syndicales.

En 2001 et 2002, aux sommets de Stockholm et de Lisbonne, l'ensemble des Etats européens avaient pris l'engagement de faire en sorte qu'en 2010, la moitié des 55-65 ans puissent exercer une activité. Notre débat y contribue. Il faut prendre très au sérieux la question de l'emploi des seniors dans la fonction publique.

La limite d'âge de 35 ans pour le concours interne de l'ENA doit être réexaminée, et je vais m'y employer.

M. Guy Geoffroy - Très bien !

M. le Ministre - Quant au recrutement au pied du grade, Monsieur Dufau, il y a heureusement bien des cas, dans la fonction publique, où l'on tient compte de l'expérience acquise.

Nous devons veiller à moderniser et à humaniser nos concours. Ils doivent être placés sous le sceau de l'équité alors que des discriminations perdurent : un fils d'ouvrier a deux fois moins de chances d'avoir le baccalauréat, clé de l'accès aux concours de la fonction publique, qu'un fils d'enseignant ou de cadre supérieur. Nos concours reproduisent ces inégalités sociales, et je suis bien décidé à travailler sur cette question.

J'espère que nous débattrons dans un esprit ouvert et constructif sur un sujet qui nous concerne tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Frédéric Reiss - Très bien !

M. le Président - J'appelle les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

L'article premier et l'article 2, successivement mis aux voix, sont adoptés

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 5.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


© Assemblée nationale