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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 80ème jour de séance, 202ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 27 AVRIL 2004

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE
-deuxième lecture- (suite) 2

ART. 57 2

ART. 60 2

ART. 61 3

ART. 65 3

ART. 66 4

ART. 68 4

ART. 71 4

ART. 72 6

ART. 73 7

ART 74 7

ART 75 7

ART. 76 8

ART. 77 8

ART. 78 8

ART. 79 8

APRÈS L'ART. 79 8

SECONDE DÉLIBÉRATION 10

EXPLICATIONS DE VOTE 11

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 28 AVRIL 2004 15

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE -deuxième lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi relatif à la politique de santé publique.

M. le Président - Le Sénat a supprimé l'article 56.

ART. 57

M. Claude Evin - Cet article tend à reporter de deux ans l'une des dispositions de la loi du 2 mars 2002 relative à la réforme de l'expertise médicale, par laquelle les experts médicaux susceptibles d'intervenir dans les procédures en réparation d'accidents médicaux doivent faire l'objet d'une sélection, d'une formation, puis d'une évaluation sous le contrôle de la commission nationale des accidents médicaux.

Le rapport d'expertise joue un rôle très important dans l'appréciation de l'origine du préjudice par la commission, et les experts se doivent d'être particulièrement compétents. Or, sans vouloir porter de jugement global et hâtif, je peux vous assurer, pour siéger dans une commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, que la qualité des experts est très inégale !

Il est indispensable de mettre en _uvre la réforme de l'expertise, et de ne pas céder sous la pression de nombre d'experts médicaux récalcitrants.

Pour toutes ces raisons, l'amendement 111 tend à revenir sur ce report et, au-delà, à interroger le Gouvernement sur ses intentions réelles.

M. Pierre-Louis Fagniez, suppléant M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Avis défavorable. La disposition n'est en aucun cas une man_uvre dilatoire ; il s'agit simplement de prolonger un dispositif transitoire.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - C'est un sujet très important. Il s'agit de prolonger la période transitoire pendant laquelle les experts non judiciaires peuvent être inscrits sur la liste des experts en accidents médicaux. Il est en effet nécessaire de disposer d'un vivier plus large que celui dont nous disposons aujourd'hui.

De même, le délai imposé aux experts non judiciaires pour devenir experts judiciaires est porté de deux à quatre ans, afin de faciliter leurs démarches.

Cette disposition n'a pas pour but de reporter l'application de la réforme de l'expertise. Un projet de décret relatif aux conditions de qualification des experts en accidents médicaux sera prochainement transmis au Conseil d'Etat.

Enfin, la commission nationale des accidents médicaux a élaboré des critères de sélection et de formation des experts. Le projet de décret est très avancé et sera soumis au Conseil d'Etat dans les prochaines semaines. Il permettra de s'assurer de la qualité des experts.

L'amendement 111, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 57, mis aux voix, est adopté.

Les articles 58 et 59, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 60

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 24 est de coordination, l'amendement 25 est rédactionnel.

Les amendements 24 et 25, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés, de même que l'article 60 ainsi modifié.

ART. 61

M. Jean-Marie Le Guen - Cet article nouveau aura pour effet de diminuer l'efficacité des recherches mises en _uvre par la puissance publique en matière de maladies nosocomiales et iatrogènes. C'est surtout la iatrogénie qui est touchée, noyée dans ce qu'on appelle des « accidents médicaux indésirables et graves ». Par ailleurs, ces accidents devront être « constatés », et non plus seulement soupçonnés comme le prévoyait la législation antérieure. Cette nouvelle définition marque donc un recul très net.

Se pose dès lors la question de la volonté du Gouvernement de garantir la qualité de l'offre de soins. On diminue aujourd'hui, subrepticement, les ambitions affichées par la loi du 4 mars 2002 en matière de qualité. C'est très regrettable, et nous ne pouvons approuver cet article 61.

M. Claude Evin - L'amendement 112 propose de supprimer le II et le III de cet article. Le III concerne la lutte contre les maladies nosocomiales que M. Le Guen vient d'évoquer. Le II concerne l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, qui a notamment pour mission, selon la législation actuelle, d'analyser les modalités d'organisation et les pratiques professionnelles à l'origine des faits. Or, le texte soumet cette activité à la demande du ministre, ce qui porte atteinte à la capacité d'autonomie de l'ANAES.

M. le Rapporteur suppléant - Avis défavorable. Le fait que l'initiative vienne du ministre de la santé ne contredit en rien l'indépendance de l'ANAES.

L'amendement 112, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 61, mis aux voix, est adopté.

Les articles 62, 63 et 64, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 65

M. Jean-Marie Le Guen - Cet article concerne la formation médicale continue. Article après article, vous détruisez le dispositif établi par la loi du 4 mars 2002 et qui n'a pas, pour l'essentiel, été mis en _uvre par le Gouvernement depuis deux ans, alors même que cette loi avait été votée par nombre d'entre vous. Après avoir mis en cause le caractère opposable de la formation médicale continue et ouvert largement son subventionnement aux industries pharmaceutiques, vous portez atteinte à l'action du fonds de promotion de l'information médicale. Ce fonds, créé par la loi du 4 mars 2002, devait constituer pour la puissance publique une capacité d'information en direction des professions médicales, afin que leur information ne dépende pas uniquement des laboratoires. Or, plusieurs de ses actions sont bloquées depuis deux ans. Aujourd'hui, vous ouvrez son champ d'intervention à l'information des assurés, en plus des professionnels de la santé. La man_uvre est subtile : l'argent du FOPIM servira en fait à financer les activités de l'Institut de prévention et d'éducation pour la santé. Le financement d'une information indépendante en direction des praticiens est pourtant une exigence fondamentale, qui avait soulevé le consensus entre nous. Ces concessions sacrifient l'avenir pour privilégier, ici de petits arrangements, là des économies budgétaires. C'est très regrettable.

M. le Ministre - Je ne peux vous laisser dire que nous n'autoriserions à circuler que les informations médicales provenant des industries pharmaceutiques. Vous n'avez aucune leçon de morale à nous donner : nous ne sommes pas plus liés que vous à l'industrie pharmaceutique, et ne sommes ni plus ni moins honnêtes que vous !

L'extension au grand public du champ d'intervention du FOPIM ne nuira en rien à son action à destination des professionnels, mais la complétera.

M. Jean-Marie Le Guen - Je n'ai nullement mis en cause votre honnêteté, ni celle des industries pharmaceutiques. Mais par facilité budgétaire, et pour faciliter vos discussions avec certains acteurs du monde de la santé, vous faites des concessions sur des éléments pourtant fondamentaux de la politique de santé.

M. le Ministre - Mais non !

M. Jean-Marie Le Guen - Vos objectifs ne seront pas atteints si votre texte ne permet pas de fonder le caractère opposable de la formation médicale continue et ne contient pas les éléments financiers qui garantissent une information indépendante. Nous réclamons une information indépendante par principe, et non pour jeter la suspicion sur des industries pharmaceutiques qui, après tout, ne font que remplir le vide laissé par l'Etat ! Nous ne pouvons que constater, ce soir, le retrait de la puissance publique (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Door - Avez-vous, vous-même, suivi une formation continue ?

L'article 65, mis aux voix, est adopté.

ART. 66

M. Claude Evin - L'amendement 113 tend à supprimer cet article.

L'amendement 113, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 376 est de précision.

L'amendement 376, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Bur - L'amendement 154 de M. Barrot est défendu.

M. le Rapporteur suppléant - La commission l'a repoussé.

M. Claude Evin - Nous ne le lui dirons pas... (Sourires)

L'amendement 154, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 66 modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 67, mis aux voix, est adopté.

ART. 68

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 26 corrige une erreur matérielle.

L'amendement 26, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 68 ainsi modifié.

Les articles 69 et 70, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 71

M. Jean-Marie Le Guen - Cet article autorise la publicité pour les produits qui vont sortir du domaine du remboursement, afin de prévenir le choc commercial qu'ils vont subir en perdant la légitimité de la classification de la sécurité sociale. Nous n'excluons pas un effet inflationniste, au moins dans un premier temps, du fait du décalage - pour le moins surprenant - entre le lancement de la publicité et le déremboursement effectif.

Je saisis cette occasion, Monsieur le ministre, pour vous demander selon quel calendrier les médicaments à SMR insuffisant seront déremboursés. En particulier, la « vague » prévue par M. Mattei pour juillet est-elle maintenue ?

M. le Ministre - Nous sortons du sujet, mais soit ! Il faut que vous compreniez une bonne fois pour toutes que les déremboursements ne sont pas décidés au quatrième étage de l'avenue de Ségur. Ils le sont en fonction de l'avis rendu par des commissions scientifiques : si celles-ci considèrent qu'un médicament est efficace, je ferai tout pour qu'il soit remboursé aussi complètement que possible...

M. Claude Evin - Mais vous prenez bien un arrêté...

M. le Ministre - Cet arrêté n'ira jamais contre l'avis des scientifiques ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Claude Evin - Je reconnais que nous nous éloignons du projet, mais je vois aussi que cette discussion intéresse M. Bur, président du groupe d'études sur le médicament. Essayons donc de clarifier les choses : vous ne pouvez nier l'existence d'une décision administrative, et même politique...

M. le Ministre - Je n'en suis pas d'accord !

M. Claude Evin - Le ministre prend tout de même un arrêté ! Certes, il y a d'abord le travail des commissions scientifiques, mais il finit toujours par trancher ! D'ailleurs, par le passé, n'a-t-on pas vu la commission de la transparence se prononcer dans un sens et n'être pas suivie par le Gouvernement ? Il en sera de même à l'avenir. Vous ne pouvez éluder vos responsabilités, et c'est pourquoi M. Le Guen a raison de vous demander si vous maintenez la vague de déremboursements annoncée par M. Mattei pour juillet.

M. le Ministre - Convainquez-vous qu'il n'y aura pas, ou plus, de décisions ou d'appréciations politiques ! Le ministre suivra l'avis des scientifiques, j'en fais une règle.

M. Claude Evin - Ils ont déjà statué !

M. le Ministre - Je vous faisais une réponse générale.

M. Claude Evin - L'amendement 114 tend à supprimer l'article.

Mme Jacqueline Fraysse - Cet article, sous prétexte d'encadrer l'autorisation de publicité, autorise à faire la publicité de médicaments radiés de la liste des médicaments remboursables, avant même l'entrée en vigueur de cette décision. Certes, il faudra que ces médicaments ne soient pas susceptibles d'une prescription médicale, et qu'il n'y ait ni risque pour la santé ni conventionnement sur le chiffre d'affaires. Néanmoins, cette disposition soulève d'abord un problème de principe : jouer sur le décalage entre le moment où l'on décide de rembourser et le moment où cette décision entre en vigueur pour encourager la mise sur le marché de médicaments non remboursables porte atteinte au crédit et à l'autorité de l'exécutif, sinon du Parlement.

En second lieu, on offre ainsi aux entreprises pharmaceutiques, déjà bien choyées, l'occasion d'un gain d'aubaine, en raison du délai qui s'écoulera forcément entre le lancement de la procédure de déremboursement et l'arrêt de toute prescription. C'est là une façon particulièrement inélégante d'abuser médecins et patients. Par définition, ces médicaments disposaient d'une autorisation de mise sur le marché et étaient donc prescrits : comment croire que ces prescriptions ne se poursuivront pas, d'autant que les médecins sont soumis aux pressions des industriels et souvent imparfaitement informés des décisions du Gouvernement ?

Enfin, cette procédure repose en effet à nouveau la question de la définition du médicament. Si un médicament est déclassé, c'est que la molécule qui le constitue ne remplit plus sa fonction médicale, auquel cas il faut cesser de le prescrire et de le rembourser ! C'est pour nous une évidence à laquelle l'assurance maladie doit se rendre, et c'est une raison supplémentaire de voter notre amendement 198 de suppression de l'article.

M. le Rapporteur suppléant - La commission a repoussé ces deux amendements. Madame Fraysse, il y aura certes un délai entre la décision de radiation et l'entrée en vigueur de cette décision, mais ce délai ne sera pas très long, le ministre ayant promis la célérité. D'autre part, on peut regarder comme un impératif de santé publique d'informer, et ce sera le cas si la publicité annonce le déremboursement tout en précisant les conditions dans lesquelles ce médicament pourra être utilisé à des fins d'automédication.

M. le Ministre - Même avis.

M. Yves Bur - Contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays, l'automédication régresse en France. Faut-il pour autant y renoncer totalement ? Je crois plutôt que, tout en concentrant nos efforts sur la promotion et le remboursement des médicaments les plus actifs, nous ne devons pas négliger l'efficacité thérapeutique, certes moindre, de ceux qui cesseront d'être remboursés. Ils peuvent encore avoir une « vie » et il serait malvenu de chercher à les « tuer » ! Ce sera précisément le rôle de la publicité de faciliter la transition.

En votant cet article, nous ne cautionnons certainement pas la publicité directe auprès des patients, ni ne cherchons à influer sur la prescription. En revanche, nous pourrons ainsi encourager une certaine automédication, en mettant à profit la clarification qui ne manquera pas de résulter de la réforme.

Mme Jacqueline Fraysse - Je ne veux pas polémiquer, mais je ne saurais approuver un développement, qui pourrait être excessif, de l'automédication. Un médicament n'est jamais un produit anodin, il faut l'utiliser sous le contrôle de professionnels compétents.

D'autre part, je plaide pour que les médicaments efficaces soient remboursés et que les autres cessent de l'être. Ce faisant, je ne demande pas l'interdiction des seconds, mais je refuse qu'on encourage leur utilisation. Dès lors qu'une molécule est insuffisamment active, quel intérêt d'ailleurs y a-t-il pour la santé publique à en faire la publicité ?

M. Jean-Marie Le Guen - Je ne suis pas opposé, pour ma part, à l'automédication, car le niveau culturel de la population fait que les craintes que l'on pouvait nourrir à ce sujet au début du XXe siècle ne sont plus justifiées aujourd'hui. D'ailleurs, il n'y a pas plus d'accidents dans les pays où l'automédication est plus développée qu'en France. Simplement, si on encourage l'automédication, on ne pourra pas laisser le consommateur sous une pression à sens unique et il faudra réfléchir aux conditions dans lesquelles se fait la publicité pour les médicaments. Il faut notamment penser au cas des médicaments qui restent prescrits alors qu'ils ne sont plus remboursés. On voit bien qu'ici, la cible est le médecin, qui subit la pression de l'usager, lequel subit lui-même celle de la publicité. Il faut donc aussi réfléchir aux conditions d'une information indépendante.

Votre prédécesseur avait une politique très forte dans ce domaine, Monsieur le ministre, au point qu'il avait intégré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous avons voté, ou plutôt que vous avez voté, la diminution de dépenses que l'on pouvait attendre du déremboursement de certains médicaments, le fameux deuxième paquet à SMR insuffisant. Que va-t-il donc se passer ?

M. le Ministre - Il y a au moins un point sur lequel vous ne serez pas déçu : l'actuel ministre de la santé suivra l'avis des scientifiques sur le sujet.

Les amendements 114 et 198, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 71, mis aux voix, est adopté.

ART. 72

Mme Jacqueline Fraysse - Bien que la commission ait voté cet article sans y apporter de modification, il me semble que son contenu soulève un certain nombre de questions. On ne peut certes qu'être favorable à un renforcement des exigences de qualité et de sécurité - concernant ici les médicaments produits par les pharmacies intérieures des établissements de santé - mais ce renforcement est en contradiction avec la stratégie actuelle de restriction financière, je dirais même de rationnement des établissements. La qualité se paie, elle a un coût qu'il faut savoir assumer. Si l'on se montre plus exigeant envers les établissements, il faut leur donner les moyens de répondre à ces exigences nouvelles.

M. Yves Bur - Lorsque les exigences de qualité et de sécurité des soins doivent être précisées, il me paraît souhaitable qu'elles le soient par la commission de transparence. Tel est le sens de mon amendement 270.

L'amendement 270, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 72 ainsi modifié.

ART. 73

Mme Jacqueline Fraysse - Le Gouvernement entend changer, par voie d'ordonnance, le statut du Laboratoire français de fractionnement et de biotechnologie, qui est actuellement un groupement d'intérêt public. Le Gouvernement veut en faire une société anonyme, ce qui serait évidemment un mauvais coup porté à la recherche publique. Le LFB est né en 1994 de la volonté de ne pas voir se reproduire le drame du sang contaminé. Engager cet établissement dans une logique de privatisation et de soumission à des facteurs de rentabilité serait une atteinte à ses missions et son éthique.

Le sang et ses dérivés ne sont pas des marchandises ! A l'oublier, on s'exposerait à des conséquences dramatiques : risque d'approvisionnement en plasma à moindre coût, au détriment de la sécurité ; remise en cause du don bénévole au profit du don rémunéré ; recherche de la productivité et de la rentabilité maximales au détriment de procédés de sécurisation virale de haute technicité ; orientation exclusive de la recherche sur les axes les plus profitables...

Aucun motif de santé publique ou autre ne justifie cette décision de privatiser le LFB. Géré dans un esprit non lucratif, il est financièrement autonome et a même réussi, récemment, à embaucher près de 200 personnes. Il est leader mondial dans la production de médicaments destinés aux maladies orphelines et il assure une recherche de haut niveau sur tout ce qui a trait à la sécurisation des produits de santé issus de matières biologiques. Le but est-il de faire un cadeau aux opérateurs financiers ?

Quoi qu'il en soit, cette décision prise par ordonnance, sans débat public, constitue un recul préoccupant. C'est pourquoi je vous demande de retirer cette ordonnance.

M. le Ministre - Le LFB sera transformé en société anonyme à capitaux majoritairement publics. C'est nécessaire pour qu'il puisse investir, se développer et conclure des partenariats européens. En aucun cas, les règles de séparation entre le LFB et l'Etablissement français du sang ne sont remises en cause, pas plus bien sûr que les missions de service public qu'assume le laboratoire. Le LFB restera une structure sans but lucratif et la sécurité sanitaire sera préservée.

J'en viens à l'amendement 311. Il étend à certains dispositifs médicaux sensibles, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé sur proposition du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, les règles applicables en matière de vigilance déjà prévues par l'article 73 pour les dispositifs médicaux comportant comme partie intégrante une substance dérivée du sang.

L'amendement 311, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 73 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART 74

M. le Ministre - Les amendements 304, 305, 306, 307 visent à modifier la rédaction de l'article en supprimant la référence au décret du 3 décembre 1980, juridiquement incorrecte, et à permettre d'étendre la mesure proposée à l'ensemble des établissements de santé publics et privés tout en en précisant les modalités d'évaluation.

Les amendements 304, 305, 306, 307, acceptés par la commission, successivement mis aux voix, sont adoptés, de même que l'article 74 ainsi modifié.

ART 75

Mme Jacqueline Fraysse - Cet article traite du transfert de compétences des professions médicales aux professions paramédicales, sous forme d'expérimentations dans des conditions arrêtées par le ministre de la santé. Il s'agit ainsi de donner suite aux propositions du rapport Berland. Il nous semble cependant qu'une question aussi importante ne doit pas être débattue à la va-vite, sans avoir été précédée d'une réflexion plus approfondie.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous sommes plutôt favorables à cet article, même si Mme Fraysse a raison : la politique qui sera menée par les pouvoirs publics en la matière doit être clarifiée.

Je prends acte de ce que le Gouvernement demande le déblocage juridique d'un certain nombre de textes pour définir ensuite une politique, mais dans la foulée du rapport Berland, il me semble indispensable que le pouvoir politique s'exprime. Il en va de la qualité et de l'accessibilité de l'offre de soins dans les années à venir.

L'article 75, mis aux voix, est adopté.

ART. 76

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 27 rectifie une erreur matérielle.

L'amendement 27, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 76 ainsi modifié.

ART. 77

M. le Ministre - L'amendement 312 supprime la référence à un décret, puisqu'il n'est pas juridiquement correct de viser un décret dans une disposition législative.

L'amendement 312, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 77 ainsi modifié.

ART. 78

M. le Ministre - L'amendement 313 corrige une erreur matérielle.

L'amendement 313, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 78 ainsi modifié.

ART. 79

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 335 corrigé rend applicable la possibilité de prolongation d'activité pour les praticiens hospitaliers dès le 1er janvier 2004. Il régularise en outre un certain nombre de situations administratives.

M. le Ministre- Avis favorable.

Mme Catherine Génisson - Avec cette disposition, vous vous donnez bonne conscience à bon compte. Nous savons quels praticiens hospitaliers verront leurs activités prolongées : les obstétriciens, les chirurgiens, les anesthésistes, tous ceux dont les charges de travail auront été les plus importantes. Les imaginez-vous, à 67 ou 68 ans, en train d'assurer des veilles ?

M. Richard Mallié - La faute à qui ?

Mme Catherine Génisson - Il est de notre responsabilité à tous d'avoir appliqué et durci le numerus clausus. La moindre des choses serait de veiller à ce que ces praticiens puissent accéder systématiquement au grade du treizième échelon.

L'amendement 335 corrigé, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 79 ainsi modifié.

APRÈS L'ART. 79

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 214 est défendu.

L'amendement 214, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - L'amendement 317, 2ème rectification, vise à instaurer un système de vigilance pour les produits cosmétiques. Ce système reposera essentiellement sur les déclarations des effets indésirables graves par les professionnels de santé de l'AFSSAPS - les fabricants et les distributeurs remplissant par ailleurs leurs obligations de signalement.

L'amendement 317, 2ème rectification, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - L'amendement 315 dispose que la personne revendant un dispositif médical d'occasion fera établir par un organisme agréé une attestation certifiant que ce dispositif a fait l'objet d'une maintenance régulière et que ses performances sont inchangées.

L'amendement 315, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 212 est défendu.

L'amendement 212, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - L'amendement 316 apporte des précisions importantes à l'ordonnance du 4 septembre 2003 sur les groupements de coopération sanitaire.

Dans les cas où le GCS détient lui-même une autorisation d'activité, il sera financé directement par l'assurance maladie pour cette activité, se verra étendu le tiers payant et versera lui-même les honoraires des médecins libéraux.

Par ailleurs, l'amendement pare, pour tous les GCS, au risque de requalification en salariat de la rémunération des médecins libéraux qui en sont membres.

L'amendement 316, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - Le Conseil d'Etat a annulé trois listes d'aptitude aux concours hospitaliers. L'amendement 314 vise à régulariser les recrutements prononcés sur cette base.

L'amendement 314, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Une polémique s'est développée ces dernières semaines sur la transparence et l'indépendance des décisions prises à propos des pesticides Régent et Gaucho.

Nous retirons du débat que nous avons eu avec M. Gaymard l'idée qu'il n'est pas souhaitable que la commission qui s'occupe de toxicologie dépende du ministère de l'agriculture. L'amendement 216 prévoit par conséquent qu'elle soit rattachée au ministère de la santé.

Je souhaite que M. le ministre nous donne, au passage, son avis sur l'agence de santé phyto-sanitaire dont M. Gaymard a proposé la création : est-il souhaitable qu'une agence soit créée, sous l'égide du ministère de l'agriculture, et qui s'occuperait de la santé des plantes ?

L'amendement 216, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 217 est défendu.

L'amendement 217, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 220 concerne les carrières des professionnels de santé publique.

L'amendement 220, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Les amendements 213 et 215 visent à conforter les préconisations de la convention dite Belorgey. De nombreuses personnes, pour des raisons de santé, ne peuvent accéder aux prêts bancaires ou assurantiels - il s'agit notamment de personnes atteintes d'un cancer ou d'une maladie chronique.

Une commission présidée par M. Belorgey, et réunissant les associations de malades et les professionnels, a élaboré une convention visant à régler ces cas douloureux, mais elle n'est pas appliquée, en particulier par les banquiers. Nous sommes actuellement favorables au processus conventionnel, mais force est de constater que des résistances se manifestent ; aussi nous paraît-il du devoir de l'Assemblée nationale d'adresser aux récalcitrants un signal fort, en intégrant certains éléments de cette convention dans le projet de loi. C'est l'objet de l'amendement 213, que complète l'amendement 215, lequel demande au Gouvernement la présentation d'un rapport au Parlement.

M. le Rapporteur suppléant - La commission a retenu l'amendement 213, qui constitue, selon elle, un bon amendement « d'appel », de nature à nous aider à faire le point sur cette question sensible.

M. le Ministre - C'est un sujet très important et très douloureux. Néanmoins la notion même de convention n'aurait plus de sens si son contenu était fixé par la loi. Qui plus est si cet amendement était voté, la convention volerait immédiatement en éclats, du fait du retrait d'une partie des signataires. En outre, les dispositions proposées concernant la tarification sont contraires au droit européen.

La convention est un dispositif ouvert, et le Gouvernement se montrera particulièrement attentif aux propositions des partenaires. Avant de recourir à la contrainte par la loi, je souhaite que toutes les voies de la concertation soient utilisées. C'est pourquoi je suis défavorable à l'amendement 213.

M. Claude Evin - Nous sommes d'accord pour privilégier les mécanismes conventionnels, mais nous sommes arrivés à un moment où il est nécessaire de manifester notre volonté que le dossier aboutisse. Actuellement, en effet, la convention ne répond pas à l'objectif que nous lui avions fixé dans la loi du 4 mars 2002. Nous demandons qu'un premier bilan soit dressé ; en 2001, seulement 20 % des 1 124 dossiers présentés avaient obtenu une proposition d'assurance... Sans doute faudra-t-il que nous nous montrions plus coercitifs.

M. le Rapporteur suppléant - Monsieur le ministre, j'ai été convaincu par vos propos. J'ai également été très intéressé par ce qu'a dit M. Evin et je comprends très bien qu'il souhaite un rapport. C'est pourquoi, à titre personnel, je propose, contrairement à ce qu'avait décidé la commission, de repousser l'amendement 213, et d'adopter l'amendement 215 relatif au rapport.

M. le Ministre - Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen - Je ne puis accepter l'argument du risque de résiliation de la convention. C'est s'il n'y avait plus de convention qu'il nous faudrait prendre par la loi des dispositions contraignantes : n'inversons pas le raisonnement ! Pour l'heure, il nous faut adresser aux partenaires un signal clair.

M. Claude Evin - L'amendement 215 concerne la présentation par le Gouvernement d'un rapport sur les conditions de création d'un fonds de garantie ; il serait bon d'en élargir l'objet.

M. le Ministre - J'en suis d'accord.

L'amendement 213, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 215, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - M. Mattei était intervenu pour demander un tableau de bord sur les risques infectieux et les performances des établissements de santé en matière de lutte contre les maladies nosocomiales.

On ne peut plus aujourd'hui se contenter d'articles de journaux sur le bilan de tel ou tel établissement : il faut des indicateurs objectifs à même d'informer correctement les malades. Tel est l'objet de l'amendement 218.

M. le Rapporteur suppléant - Comme l'a parfaitement relevé M. Le Guen, il faut respecter l'indépendance et les missions de l'ANAES, compétente en la matière. Avis défavorable (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 218, mis aux voix, n'est pas adopté.

SECONDE DÉLIBÉRATION

M. le Président - En application de l'article 101 du Règlement, le Gouvernement a demandé une seconde délibération de l'article 7 ter du projet de loi. La seconde délibération est de droit. La commission interviendra dans les conditions prévues à l'alinéa 3 de l'article 101 de notre Règlement. Le rejet des amendements vaut confirmation de la décision prise en première délibération.

M. le Ministre - L'amendement 233 adopté par votre assemblée à l'article 7 ter a introduit une exonération pénale au profit de toutes les associations et de tous les bénévoles qui commettraient des infractions à la législation sur les stupéfiants, à l'occasion d'actions de lutte contre le sida.

Je comprends l'objectif de cet amendement, et je le partage, mais la simple intention de vouloir lutter contre le sida pourrait suffire à échapper aux poursuites pour provocation à l'usage de stupéfiants. La politique de réduction des risques en direction des usagers de drogues par voie intraveineuse est essentielle, et j'ai fait partie de ceux qui l'ont défendue il y a dix ans, mais elle ne saurait servir d'alibi à la promotion de la drogue.

En revanche, le projet offre déjà aux associations sérieuses menant des actions de réduction des risques une nouvelle sécurité juridique : aux termes de l'article 7 bis, ces actions seront conduites selon les orientations définies par un document national de référence approuvé par décret.

Par conséquent, l'amendement 1 du Gouvernement tend à supprimer l'article 7 ter.

M. le Rapporteur suppléant - Même si l'exercice est désagréable, mieux vaut reconnaître ses torts que s'obstiner dans une erreur que nous avons tous partagée, les uns en votant cet amendement, les autres en s'en remettant à la sagesse de l'Assemblée. Mettons-nous tous d'accord et suivons l'avis du ministre.

M. Jean-Marie Le Guen - La lutte contre la toxicomanie, Monsieur le ministre, fait officiellement partie de vos attributions. Or, le projet n'y fait nullement référence.

M. Bernard Accoyer - Et les dispositions sur le cannabis votées en première lecture ?

M. Jean-Marie Le Guen - La bataille est classique entre le ministère de la santé et celui de l'intérieur. Si le second affirme craindre que l'article 7 ter ne serve de prétexte à des comportements délictueux, le premier peut faire valoir qu'il convient de protéger les associations qui détournent les toxicomanes de comportements à hauts risques vers des comportements certes illicites, mais à moindres risques.

M. Richard Mallié - Arrêtons l'angélisme!

M. Jean-Marie Le Guen - Las ! Nous venons de comprendre que la lutte contre la toxicomanie, quoi qu'en dise le Journal officiel, ne faisait plus partie des attributions du ministère de la santé, mais de celui de l'intérieur.

M. le Ministre - Ne me dites pas cela à moi, qui ai créé, avec Mme Veil, 5 000 places de méthadone !

M. Jean-Marie Le Guen - Nous vous avons soutenus à l'époque !

M. le Ministre - Autant il faut diminuer les risques de contamination par le sida, autant il faut refuser d'encourager, sous couvert de générosité, l'apologie ou le commerce de la drogue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté, et l'article 7 ter est ainsi supprimé.

EXPLICATIONS DE VOTE

Mme Jacqueline Fraysse - Nous devrions nous féliciter qu'un gouvernement se lance dans une politique de santé publique ! Hélas, après deux lectures, le résultat n'est pas à la hauteur des enjeux.

Votre prédécesseur et vous-même aviez fait de si belles déclarations sur la place de la santé, l'organisation de la prévention, l'institution de l'Etat en garant de la santé publique. Mais je vous invite à plus de prudence, compte tenu des espoirs que vous pourriez susciter chez nos concitoyens, tant ce texte est creux !

Vous prétendiez lancer une politique nationale de santé, dirigée par l'Etat et appliquée au niveau régional. En réalité, vous créez simplement un outil de contrôle financier de la politique régionale, dont seront exclus usagers et élus - sauf s'ils sont financeurs -, ce qui est une curieuse conception de la démocratie !

Vous annonciez une série d'objectifs de santé publique, mais faute de hiérarchisation, votre stratégie est illisible et incohérente. Certes, vous avez précisé que si vous aviez été l'initiateur du projet, vous en auriez réduit le nombre. Que ne l'avez-vous fait !

Et que dire des moyens financiers ? Rien dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale! Pis, toute action nouvelle de santé publique devra être financée à l'échelon local et donc assumée par le contribuable.

En fin de compte, ce texte ne vise qu'un effet d'annonce. La montagne a accouché d'une souris ! Je regrette que la parole démocratique exprimée le 28 mars n'ait pas stimulé vos ambitions, et que vous persistiez à refuser nos propositions en matière de santé scolaire, de santé au travail, de santé environnementale et de prévention.

A l'heure d'une prise de conscience européenne des enjeux de santé publique, notamment en matière de santé au travail, il nous manque une véritable politique nationale de santé publique. Vous nous contraignez donc à voter, comme en première lecture, contre votre texte.

M. Jean-Luc Préel - Ce projet de loi était très attendu. Il devait témoigner de notre volonté de donner enfin toute sa place à la santé publique et de développer la prévention et l'éducation à la santé, parents pauvres d'un système essentiellement tourné vers le curatif. Hélas, ce projet nous a déçus. Il a en partie été transformé en DMOS et les débats n'ont pas permis de corriger ses défauts majeurs.

L'UDF avait, en première lecture, voté contre ce texte pour quatre raisons. D'abord, il propose une distinction artificielle entre le soin et la prévention. Ensuite, il veut étatiser la santé publique. L'UDF ne conteste pas que la santé publique soit de la responsabilité de l'Etat : c'est au niveau national qu'il faut définir ses priorités. Mais vouloir confier au préfet de région, et donc, dans les faits, au directeur régional de l'action sanitaire et sociale, la responsabilité de la prévention, ne peut qu'accroître la confusion et bloquer le système. L'UDF prône une vraie régionalisation, avec un responsable unique pour la santé, qu'il s'agisse du soin, de la prévention ou de la formation. Mais peut-être votre dispositif sera-t-il revu dans le cadre de la nouvelle gouvernance...

Troisième erreur grave : la volonté de marginaliser les associations de terrain au profit d'un système pyramidal, coûteux et inefficace. Les politiques de prévention et d'éducation sanitaire doivent s'appuyer sur les gens de terrain, plutôt que sur un Institut national dont les correspondants régionaux entreront inévitablement en conflit avec les bénévoles locaux. Ce projet technocratique sera, là encore, source d'inefficacité.

Enfin, la quatrième erreur consiste à avoir retenu cent objectifs - chiffre rond et donc artificiel. Certains objectifs sont quantifiés et pourront apporter des améliorations dans les cinq ans, mais nous ne disposons pas des instruments de mesure pour juger de l'évolution des critères. Nous serons pourtant jugés dans cinq ans sur les résultats ! Par ailleurs, l'orientation est surtout épidémiologique, et l'aspect populationnel, pourtant important, a été négligé.

M. Bernard Accoyer - Mais non !

M. Jean-Luc Préel - Votre catalogue d'objectifs paraît d'autant plus artificiel que certains, pourtant reconnus comme importants, n'ont pas été retenus. Vous en avez même supprimé certains qui avaient été adoptés par le Sénat. L'UDF avait préféré définir quatre priorités : le cancer du sein, les maladies cardio-vasculaires, la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme, le dépistage des cancers du colon et du rectum. Cela aurait permis de concentrer les moyens. Vous avez préféré les diluer, et nous le regrettons.

Nos tentatives pour améliorer le texte n'ont pas été couronnées de succès. Certes, l'organisation de la prévention et de l'éducation sera certainement revue à l'occasion de la réforme de notre système de santé. L'UDF plaidera pour que la responsabilité de l'Etat soit clairement définie et pour que soit choisie une politique de proximité, avec un interlocuteur régional unique permettant de mieux coordonner la prévention et les soins et d'y associer tous les acteurs. En attendant, et à regret, elle ne peut que voter contre ce texte (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Bur - Drôle de partenariat !

M. Jean-Luc Préel - La discussion de ce texte aurait d'ailleurs dû logiquement être intégrée dans celle de la réforme de notre système de santé.

M. Bernard Accoyer - Vous confondez réforme de l'assurance maladie et politique de santé !

M. Jean-Luc Préel - Monsieur Accoyer, je ne vous ai pas beaucoup vu pendant les débats...

M. Jean-Marie Le Guen - Il est vrai que, ce soir, la déception est profonde. Non pas que les textes de santé publique aient manqué ces dernières années : les lois de Claude Evin sont là pour l'illustrer, qui étaient bien plus volontaristes que le texte qui nous est présenté. Mais parce que les esprits sont mûrs aujourd'hui pour une mobilisation autour d'objectifs de santé publique. Or, indiscutablement, personne ne se retrouvera dans le texte qui sera voté ce soir - et qui ne le sera d'ailleurs que par un seul des groupes politiques de l'Assemblée. Qu'un texte comme celui-ci se trouve sous le feu des critiques convergentes de toutes les formations politiques sauf une montre que vous avez été incapables, durant tous ces mois de discussion, de la moindre ouverture - au reste, un certain nombre d'entre vous ne sont guère enthousiastes pour ce qu'ils vont voter...

On sait que toute la partie du texte relative à l'organisation de la santé publique devra être revue dans les semaines qui viennent, ne serait-ce que parce qu'elle est rejetée par l'ensemble de ces partenaires sociaux auxquels le ministre dit vouloir confier l'essentiel de la responsabilité de la politique de santé... Ce dispositif, avec ses lourdeurs et sa bureaucratie, ne sera pas appliqué ; il sera même, sans doute, balayé par la nouvelle gouvernance, et les premiers articles sont caducs avant même d'être votés. S'agissant des politiques de santé publique proprement dites, ce projet est très lacunaire : il ne parle ni de santé au travail, ni de santé environnementale, ni de toxicomanie, ni de médecine scolaire. Il bénéficie encore, en ce qui concerne le tabac, de l'aura de vos décisions en matière de prix, mais il est désespérant en ce qui concerne l'alcool et l'obésité.

Le travail sur le titre IV s'est déroulé dans de bonnes conditions. Mais dans le titre III, vous avez tout simplement consacré les reculs opérés par la politique menée depuis deux ans ! Vous avez porté atteinte à l'information médicale indépendante des professionnels de santé, et êtes revenus sur la formation médicale continue : deux points qui sont pourtant la condition sine qua non d'une réforme de notre système de santé, selon les ministres eux-mêmes. Bref, ce texte, lance un pont entre l'échec de votre politique d'hier et celui de votre politique de demain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Bur - L'adoption de ce projet de loi constitue une nouvelle étape, sur la voie de l'adoption d'une véritable politique de santé publique. Monsieur Le Guen, il est facile d'administrer des leçons, mais il fallait agir lorsque vous étiez au pouvoir, et vous ne l'avez pas fait ! Nous relevons un défi difficile : il faut sortir notre pays d'une organisation quasi exclusivement tournée vers le curatif et le faire entrer dans le cercle vertueux de la prévention et de l'éducation, qui aboutira certes à un gain de bien-être pour nos concitoyens, mais aussi à un gain collectif pour notre protection sociale.

La seconde lecture a permis d'améliorer encore le texte et de consacrer l'Etat dans sa fonction régalienne. La réforme prochaine de l'assurance maladie viendra compléter ce dispositif.

Nous nous fixons là des objectifs ambitieux, et il ne sera certainement pas aisé de convaincre les Français de modifier leurs habitudes de consommation et leurs comportements, afin de préserver leur capital santé. Nous voyons déjà les résistances auxquelles nous nous heurtons lorsque nous essayons de combattre le tabagisme. Il reste que nous devons persévérer dans cette lutte, comme nous devons persévérer dans le combat contre l'alcoolisme et les toxicomanies.

Contrairement à ce que soutiennent nos collègues - y compris ceux de l'UDF, partenaires décidément bien négatifs -, nous allons enfin nous doter, avec ce projet, d'une organisation à la fois nationale et territorialisée de la santé publique. Nous avons précisé les conditions d'une véritable veille sanitaire en rassemblant autour du préfet tous les acteurs concernés. Nous avons approfondi des questions importantes, telles que celles de la recherche biomédicale ou de la formation médicale continue. En adoptant ce texte, nous édifions en fait le premier étage de la future réforme de l'assurance maladie, réforme qui ne sera assurée de la durée que si elle s'appuie sur une grande ambition. Cette tâche ne sera certes pas facile, mais elle est indispensable et elle peut être menée à bien si nous savons préserver la solidarité à laquelle nos compatriotes sont attachés.

L'UMP votera donc ce projet sans état d'âme, et elle vous soutiendra, Monsieur le ministre, dans tous vos efforts en vue de faire passer notre protection sociale d'un état catastrophique à un progrès durable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - Je vous remercie pour le travail effectué sur ce projet mais je ne puis laisser passer ce vote sans rendre hommage à mon prédécesseur, qui en prit l'initiative et le porta. J'avais le choix entre arrêter le mouvement ainsi lancé et poursuivre, mais cette deuxième option s'est imposée avec la force de l'évidence. Il est clair en effet que les Français ont grand besoin d'un texte sur la santé publique. Plus j'avance, plus je vois combien cette discipline est cruciale pour l'avenir de notre médecine et, plus encore, pour celui de notre politique de santé. Aucune réforme de l'assurance maladie n'est possible si on ne s'appuie sur cette spécialité - épidémiologie, économie de la santé, statistiques...

Notre pays a pris un retard considérable, s'agissant de cette culture de la santé publique, et M. Le Guen a beau jeu de nous dispenser ses leçons quand les gouvernements qu'il a soutenus n'ont jamais eu à régler le problème des buralistes, faute d'une politique en la matière !

M. Jean-Marie Le Guen - Doit-on mesurer l'ampleur de vos succès à l'aune de vos provocations ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - M. Mattei et cette majorité n'ont pas craint, eux, de mener une véritable politique et il fallait bien du courage pour relever le prix du tabac, par exemple !

MM. Bur et Préel ont raison de souhaiter une nouvelle gouvernance, dans le cadre du plan pour l'assurance maladie qui vous sera soumis en juillet. Cette gouvernance doit se fonder sur un mode de gestion plus respectueux des partenaires sociaux et des professionnels de santé, mais surtout tenant davantage compte des indicateurs de santé. Cette loi nous permet déjà d'avoir un début de culture de santé publique : que la représentation nationale en soit remerciée.

A Mme Fraysse qui dénonce une absence de financement, je ne donnerai qu'une seule preuve du contraire : l'Institut national du cancer disposera de 200 millions d'euros en 2005 et de 1,5 milliard au cours des cinq prochaines années ! Que M. Mattei soit donc félicité pour avoir eu l'idée de ce plan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Prochaine séance demain après-midi, mercredi 28 avril, à 15 heures.

La séance est levée à 23 heures 35.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 28 AVRIL 2004

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat (n° 1422), actualisant le tableau de répartition des sièges de sénateurs et certaines modalités de l'organisation de l'élection des sénateurs.

M. Jacques-Alain BÉNISTI, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Rapport n° 1536.)

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Discussion du projet de loi (n° 1484) modifiant la loi n° 2003-322 du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France.

M. Charles de COURSON, rapporteur au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Rapport n° 1552.)

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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