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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 89ème jour de séance, 220ème séance

SÉANCE DU LUNDI 17 MAI 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      CESSATION DE MANDAT ET REMPLACEMENT
      D'UN DÉPUTÉ NOMMÉ MEMBRE DU GOUVERNEMENT 2

      FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ 2

      AUTONOMIE FINANCIÈRE
      DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES (suite) 2

      APRÈS L'ARTICLE 3 2

      ART. 4 5

      APRÈS L'ART. 4 7

      ORDRE DU JOUR DU MARDI 18 MAI 2004 11

La séance est ouverte à dix-sept heures.

CESSATION DE MANDAT ET REMPLACEMENT D'UN DÉPUTÉ
NOMMÉ MEMBRE DU GOUVERNEMENT

M. le Président - J'ai pris acte, au Journal officiel du 16 mai 2004, de la cessation, le 14 mai 2004, à minuit, du mandat de député de M. Frédéric de Saint-Sernin, nommé membre du Gouvernement par décret du 14 avril 2004.

Par une communication de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, j'ai été informé du remplacement de M. Frédéric de Saint-Sernin par M. Bernard Mazouaud, élu en même temps que lui à cet effet.

FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ

M. le Président - Par lettre du 11 mai 2004, M. le Premier ministre m'a informé que la mission temporaire précédemment confiée à M. Eric Raoult, député de Seine-Saint-Denis, avait pris fin le 15 mai 2004.

AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

APRÈS L'ARTICLE 3

M. André Chassaigne - Le rapport pour avis de la commission des finances montre que la fiscalité locale augmente sans interruption depuis vingt ans. Il constitue même une mise en garde contre les prétendues garanties d'autonomie qu'apporterait votre projet.

En effet, entre 1987 et 1996, la part des dépenses liées à l'exercice des compétences transférées dans les dépenses totales des collectivités territoriales est passée de 13,5 % à 17,8 %. Mais la part des ressources transférées dans les ressources totales est passée de 9,5 % à 8,3 %. Les compensations financières pour transfert de compétences n'évoluent donc pas au même rythme que les dépenses. Et cela se vérifiera de nouveau, il n'y a qu'à voir l'étendue des besoins non satisfaits.

L'amendement 4 dispose que la compensation de transfert ou d'extension de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales tient compte de l'évolution spontanée, dans la durée, des dépenses afférentes à ce transfert.

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois - Avis défavorable. L'amendement de M. Chassaigne pose une question importante, mais il est hors sujet : la loi organique dont nous discutons concerne l'autonomie financière des collectivités, non la compensation.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - Même avis. De plus, sur le plan juridique, la notion d' « évolution spontanée » est très imprécise.

L'amendement 4, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne - L'amendement 5 est retiré. J'en viens à l'amendement 6. La dotation forfaitaire de la DGF représente plus de 86 % du montant total de la DGF, et une part importante des 14 % restants constitue la dotation forfaitaire des groupements de communes à fiscalité propre : il ne reste donc que des miettes pour les dotations de solidarité rurale et urbaine. Ainsi, au regard des importantes inégalités de ressources entre les collectivités, l'effort de la nation à l'égard des collectivités les plus pauvres est ridiculement faible, et un effort est urgent.

L'amendement 6 vise à ce que les dépenses de péréquation soient suffisamment importantes pour compenser les inégalités et pour donner à toutes les collectivités des moyens identiques pour accomplir leur mission.

De plus, la loi, selon la Constitution, « prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales », dispositifs que nous devons concrétiser. Le fait que cet alinéa de la Constitution ne renvoie pas à une loi organique n'est en aucun cas une raison valable pour repousser cet amendement.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La loi organique est une commande de l'alinéa 3 de l'article 72-2 de la Constitution et non de l'alinéa 5. Ce dernier dispose que c'est à la loi ordinaire, et non à la loi organique, de statuer sur les dispositifs de péréquation.

Enfin, le PLF de 2004 a déjà prévu d'importantes mesures pour assurer une première étape de la péréquation, et cela continuera dans le cadre du PLF de 2005.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur les amendements identiques 25 à 39.

Mme Ségolène Royal - Le Gouvernement s'est enorgueilli d'avoir inscrit la péréquation dans la Constitution, mais aucun dispositif effectif n'a été prévu lors du transfert du RMI et du RMA, non plus que dans le projet sur les responsabilités locales ou dans le texte dont nous débattons. Une telle lacune est d'autant plus problématique que le Conseil constitutionnel sera amené à concilier deux principes d'égale valeur : l'autonomie financière et la péréquation.

Or, nous l'avons vu, la notion d'autonomie financière telle que vous l'entendez est floue ; il ne faudrait pas qu'il en soit de même pour la notion de péréquation.

L'amendement 25 vise donc à inscrire la péréquation dans la loi organique, tant son objectif, une capacité égale des collectivités à assurer le service public, que ses moyens, les transferts entre collectivités ou dotations de l'Etat.

Une telle mesure est d'autant plus urgente que l'on observe un désengagement de l'Etat quant aux dotations globales d'équipement à l'ensemble des communes rurales.

M. Bruno Le Roux - La notion de péréquation aurait dû être au c_ur de nos débats, car il y va de l'égalité devant le service public local. Non seulement il aurait été nécessaire de réaliser un état des lieux quant aux transferts liés aux premières lois de décentralisation, mais la notion de péréquation devrait être approfondie.

Aucun dispositif de péréquation n'était prévu dans le texte créant le revenu minimum d'activité, ni dans le projet sur les collectivités locales. Il n'y a rien non plus dans ce projet de loi organique. Par ailleurs, les dotations de péréquation verticales, qui proviennent du budget de l'Etat, ne doivent pas être comptabilisées dans le calcul du taux d'autonomie financière, ou bien leur attribution aura pour effet de dégrader ce taux. Pire, la définition des ressources propres se combinant à votre mode de calcul du taux d'autonomie financière risque de constituer un frein à toute politique de solidarité et d'aménagement du territoire.

Dans ce débat, tout est lié.

M. Augustin Bonrepaux - Mon amendement 26 est identique.

Mon collègue vient de montrer l'hypocrisie de ce texte. La Constitution garantit, paraît-il, la péréquation, mais on refuse dans la loi organique d'exclure les dotations verticales du calcul du taux d'autonomie. Vous me répondrez que la loi de finances a prévu des dispositifs en faveur des communes, des départements et des régions, mais vous savez qu'ils seront inefficaces.

Vous vous en remettez en somme au comité des finances locales, qui ne souhaitera jamais de fortes péréquations. De toute façon, votre texte va rendre contraire à la Constitution une forte hausse des dotations en faveur des collectivités les plus pauvres.

Il est faux que la Constitution garantisse la péréquation. Ce qui est vrai, c'est qu'il existe de fortes disparités entre les collectivités locales. Un récent rapport du Sénat montre que l'écart va de 1 à 40. Avec votre dispositif, il faudrait vingt-quatre ans pour trouver les 250 millions d'euros dont nous avons besoin pour mettre à niveau les régions en difficulté.

La péréquation n'est qu'une annonce, une de plus ! Je me rappelle que la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, dite loi Pasqua, prévoyait pour le 2 avril 1996 un rapport du Gouvernement sur le calcul des ressources des collectivités locales, des propositions en vue de créer un indice synthétique permettant d'évaluer les ressources et les charges des collectivités locales, ainsi que des propositions visant à renforcer les concours et les dotations. Mais en 1996, nous n'avons rien vu venir.

Cette même loi prévoyait aussi que les résultats de la révision générale des évaluations cadastrales seraient pris en compte au plus tard le 1er janvier 1997.

La péréquation n'est qu'une nouvelle annonce. Malheureusement, ce texte risque d'empêcher sa mise en _uvre.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Je veux rassurer mes collègues sur la péréquation. Le terme est désormais inscrit dans la Constitution. En outre, elle pourra être mise en _uvre dans le cadre de la loi simple. Nous avons d'ailleurs commencé à le faire dans la loi de finances pour 2004. M. Bonrepaux le sait puisqu'il appartient au groupe de travail qui, au sein du comité des finances locales, a formulé un certain nombre de propositions dans ce domaine.

M. le Ministre délégué - On ne peut balayer d'un revers de main tout ce qui a été fait en matière de péréquation, d'autant qu'il s'agit d'une construction collective à laquelle ont participé différents gouvernements.

Nous avons pris notre part de cet effort puisque, pour 2004, les dotations communales augmentent de 3,27 %, les dotations départementales de 8 % et la nouvelle dotation régionale de 24 %.

Surtout, nous avons inscrit la péréquation dans la Constitution. Contrairement à ce que disait Mme Royal, ce n'est pas un vain mot : la péréquation figure dans la norme la plus élevée de notre hiérarchie juridique. Nous avons l'obligation constitutionnelle de respecter cette nouvelle exigence et le Gouvernement ne sera pas prix en défaut. Simplement, il nous faut procéder dans le bon ordre. Nous élaborons d'abord les concepts, comme celui d'autonomie financière. On peut certes contester nos choix, mais nous serons au rendez-vous : nous assumerons notre obligation constitutionnelle.

M. André Chassaigne - J'ai le sentiment qu'on nous demande un acte de foi. Pour utiliser une expression auvergnate, « vous nous faites acheter un âne dans un sac », puisque ce texte n'apporte aucune garantie en termes de péréquation.

Celle-ci n'apparaît qu'indirectement, dans le rapport entre ressources propres et ressources totales.

M. Augustin Bonrepaux - Ni le ministre délégué, ni le rapporteur général n'ont répondu à l'objection soulevée par mon collègue Le Roux : si nous adoptons ce texte en l'état, la Constitution empêchera d'augmenter les dotations, rendant impossible la péréquation. Pourquoi ne pas adopter nos amendements ? La loi organique n'a-t-elle pas pour objet de préciser la Constitution ?

Vous prétendez par ailleurs avoir augmenté les dotations communales. C'est oublier que, par un artifice comptable, vous répartissez 20 millions d'euros qui n'existent pas ! C'est la première fois que je vois cela depuis que je siège au comité des finances locales.

Quant aux propositions de ce comité, monsieur le rapporteur général, elles sont calquées sur la loi de finances. Ce n'est pas le comité des finances locales qui peut garantir la péréquation, à moins que le Gouvernement lui abandonne ses responsabilités politiques. C'est au Gouvernement de réduire les écarts entre les régions, et le rapport du Sénat a estimé qu'il faudrait vingt-quatre ans pour cela !

L'amendement 6, mis aux voix, n'est pas adopté.

A la majorité de 16 voix contre 9 sur 25 votants et 25 suffrages exprimés, les amendements 25 à 39 ne sont pas adoptés.

M. André Chassaigne - Le principe de la péréquation est certes inscrit dans la Constitution, mais la loi organique ne s'y intéresse que très peu ! La péréquation est pourtant le seul moyen de compenser les inégalités d'impôts locaux entre les territoires, puisque 90 % des bases de taxe professionnelle sont concentrées dans 10 % des communes ! L'amendement 7 vise donc à fixer des critères afin que la péréquation tienne compte du potentiel fiscal des communes, mais aussi des handicaps sociaux de chacune.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais il a encore moins de rapport avec la loi organique que les précédents. A titre personnel, je lui donne un avis défavorable.

L'amendement 7, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne - L'amendement 8 prévoit que l'évaluation des valeurs locatives, constitutives des bases des impôts locaux, est révisée tous les dix ans. Je vous rappelle que les bases de la taxe foncière sur les propriétés non bâties n'ont pas été révisées depuis 1961 et celles des taxes foncières et des taxes d'habitation depuis 1970...

M. le Président - Vous souhaitez donc qu'elles soient révisées tous les dix ans.

M. André Chassaigne - C'est important, car ce sont les impôts locaux qui paieront les transferts de compétences au final !

L'amendement 8, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - M. Dosière, qui n'a pu être ici ce soir alors qu'il avait été présent tout au long du débat la semaine dernière, m'a chargé de défendre l'amendement 166. Il s'agit de garantir que les collectivités locales peuvent, au moins, recourir librement à l'emprunt. L'emprunt constitue un élément important de leur autonomie financière, qu'il ne faut pas réduire à la fiscalité. Si la Constitution garantit réellement l'autonomie financière des collectivités locales, vous ne pouvez qu'accepter cet amendement.

L'amendement 166, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 4

Mme Ségolène Royal - L'article 4 met en place le dispositif de correction d'un éventuel franchissement du seuil d'autonomie financière, mais le délai qu'il prévoit est beaucoup trop long. Le taux d'autonomie d'une année donnée sera en effet connu en septembre de la deuxième année qui suit, et les mesures correctrices pourront attendre jusqu'à la loi de finances de la troisième année à partir de là. Cela fait cinq ans de décalage, et ce n'est pas sérieux. Dans l'hypothèse où le déséquilibre n'était pas prévisible, ce temps de réponse est beaucoup trop long. Rien n'indique, en outre, que les mesures correctrices seront suffisantes. Si le déséquilibre était prévisible, on peut s'interroger sur la conformité de ce dispositif avec l'article 72-2 de la Constitution. Le Gouvernement pourrait-il par exemple, sans encourir la censure du Conseil constitutionnel, dégrader sciemment les taux d'autonomie financière dans une loi de finances en arguant que sa seule obligation constitutionnelle est de proposer des mesures correctrices dans un délai de cinq ans ? Il est donc nécessaire de définir des mécanismes de respect a priori du seuil fixé à l'article 3, en obligeant par exemple à compenser tout transfert ou création de compétence par des impositions dont la collectivité voterait le taux et déterminerait le tarif. Les collectivités territoriales ne veulent pas vivre à crédit.

M. Augustin Bonrepaux - Ces délais sont en effet bien trop longs. La loi de transfert du RMI aux départements prévoit une évaluation de l'augmentation de la charge pour 2004. D'après le ministre, cette augmentation serait corrigée au plus tôt en 2006. Mais le RMI a déjà augmenté de 10 % en trois mois ! Et en attendant, ce sont les départements qui payent... sans bien savoir d'ailleurs comment l'ajustement sera calculé. Deux ans sont déjà bien longs, alors qu'on pourrait envisager une première actualisation à la fin de l'année. Proposer une actualisation du ratio d'autonomie financière sur cinq ans n'est pas sérieux ! Un délai de trois ans serait beaucoup plus raisonnable.

M. le Président - Nous en arrivons aux amendements.

M. Augustin Bonrepaux - L'amendement 168 me donne l'occasion de rappeler au président de la commission des finances, qui voulait instaurer un observatoire pour surveiller les collectivités locales - car chacun sait qu'elles sont responsables des augmentations de dépenses ! - que l'observatoire des finances locales est particulièrement qualifié pour élaborer le rapport prévu à l'article 4.

M. le Président - Je ne suis pas sûr qu'une telle disposition devrait figurer dans une loi organique, ni même qu'elle relève du domaine législatif. Et vous savez que je suis très attaché à la séparation des domaines de l'article 34 et de l'article 37 de la Constitution, tout comme vous l'êtes au respect des institutions de la Ve République...

L'amendement 168, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne - L'amendement 9 propose que ce rapport soit suivi d'un débat dans chaque assemblée.

L'amendement 9, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - On ne peut accepter que la correction de la dégradation de l'autonomie financière prenne cinq ans. L'amendement 167 rectifié propose que les mesures correctrices interviennent dans l'année suivant le constat de franchissement du seuil.

L'amendement 167 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - J'aurais pensé que la commission émettrait un avis sur amendement aussi important !

M. le Rapporteur - La commission pense en effet que ce délai est trop long. C'est pourquoi elle a déposé un amendement 169 proposant que le délai entre la publication du rapport et la rectification soit réduit à deux ans. En revanche, un délai d'une seule année ne serait pas réaliste.

M. le Ministre délégué - Cette question est une de celles sur lesquelles on progresse à petits pas. Il faut trouver une voie moyenne et le Gouvernement se range à l'avis de M. Geoffroy. Un an est trop court, deux ans semblent possibles. Cela obligera sans doute notre administration à beaucoup de célérité, mais lui laisserai le délai nécessaire pour éviter la précipitation.

L'amendement 169, mis aux voix, est adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Puisque rapport il y aura, autant qu'il reflète une volonté de péréquation qui nous paraît tout à fait essentielle. Les membres socialistes de la commission des finances, aidés de MM. Dosière et Balligand de la commission des lois, ont donc rédigé un amendement 157 demandant que ce rapport fasse apparaître, « pour chaque catégorie de collectivités, le taux médian de ressources propres constaté par rapport à l'ensemble des ressources, son évolution dans le temps, ainsi que les mesures prises pour assurer son relèvement ». C'est à ce prix que nous aurons un état objectif des finances des collectivités.

Cette disposition est du reste conforme à l'esprit de la loi Pasqua du 4 février 1995, qui prévoyait le dépôt d'un rapport où seraient calculées les ressources des collectivités territoriales et de leurs groupements et qui comporterait des propositions en vue de réduire les écarts constatés. Nous comprendrions mal, je l'avoue, que la majorité refuse d'inscrire dans cette loi organique ce qu'elle a déjà voté à l'époque et qui rassurerait les élus sur l'avenir de la péréquation.

M. le Rapporteur - La commission a donné un avis défavorable : le rapport aura pour objet de constater l'évolution des niveaux d'autonomie, mais non de préciser les mesures à prendre. Celles-ci relèvent de la responsabilité du Gouvernement !

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 157, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bruno Le Roux - L'amendement 10, comme les quatorze suivants, vise à faire en sorte que ce rapport soit aussi utile que possible pour le Gouvernement. Or le projet ne fait référence qu'à des moyennes, négligeant l'existence de différences très importantes au sein de chaque catégorie de collectivités - le taux d'autonomie financière peut ainsi varier de près de 5 % à 95 % ! Ces variations sont particulièrement fortes outre-mer et entre communes, selon leur taille. A défaut d'en tenir compte, acceptez à tout le moins de prendre en considération cette forte dispersion interne.

Mme Ségolène Royal - Ce n'est certainement pas vous, Monsieur le Président, qui nous reprocherez ces amendements : n'avez-vous pas à plusieurs reprises exprimé votre refus d'une République à plusieurs vitesses ?

M. le Président - Mais je ne vous reproche rien !

Mme Ségolène Royal - La référence faite dans cet article à des catégories de collectivités repose sur une moyenne. On ne pourra donc appréhender comme il convient l'extrême diversité des niveaux d'autonomie financière au sein de chaque catégorie - notamment parmi les communes ou parmi les collectivités d'outre-mer. Puisque vous avez refusé nos amendements qui auraient permis de tenir compte de ces écarts, vous devriez à tout le moins compléter la référence à la moyenne par une prise en considération de cette forte dispersion interne ! D'où nos amendements 10 à 24.

M. Augustin Bonrepaux - Amendements qui éviteraient une contradiction entre cette loi et la Constitution ! Cette dernière, dites-vous, garantit l'autonomie des collectivités locales et la péréquation, de sorte qu'il ne faudrait pas en parler dans la loi organique. Mais à quoi sert donc celle-ci ? Nous ne faisons que reprendre ce qui figurait dans la loi Pasqua et qui n'a d'ailleurs jamais été appliqué. La garantie constitutionnelle est une chose, encore faut-il agir concrètement ! Et nous n'avions pas eu besoin de la Constitution pour faire de la péréquation, nous, avec la DSU et la DSR ! De grâce, cessez cette hypocrisie !

Les amendements 10 à 24, repoussés par la Commission et le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 4

M. le Président - Sur les amendements 40 à 54 et 55 à 69, je suis saisi par le groupe socialiste de deux demandes de scrutin public.

Mme Ségolène Royal - Par l'amendement 40, nous entendons à nouveau dénoncer l'absence de dispositions en faveur de la péréquation. L'argument selon lequel il serait inutile d'inscrire celle-ci dans la loi organique au motif qu'elle figurerait déjà dans la Constitution est assez curieux, Monsieur le ministre délégué. On pourrait même le retourner comme un gant et dire que, si vous refusez de l'introduire dans cette loi, c'est que cela vous obligerait à lui donner une existence effective ! Nous tenons, nous, à asseoir ce principe sur une base juridique incontestable et nous demandons donc que des mécanismes soient systématiquement prévus à cet effet, comme cela aurait dû être fait lors du vote sur le RMI et sur le RMA, chaque fois que sera créée ou transférée une compétence. Tous les départements ne sont pas concernés également par l'exclusion sociale, en effet, et n'ont pas les mêmes moyens d'y faire face ! La loi organique doit donc affirmer clairement l'égalité de chacun devant le service public.

M. Bruno Le Roux - Ces amendements 40 à 54 visent à éviter une grande braderie des services publics. Une décentralisation responsable suppose que chaque transfert de compétences s'accompagne, non seulement d'un transfert de moyens, via la dotation de l'Etat, mais aussi d'une péréquation qui prémunira nos concitoyens contre un service local à plusieurs vitesses. Il convient donc de prévoir les mécanismes nécessaires dès ce projet.

M. Augustin Bonrepaux - Lors du transfert du revenu minimum d'insertion, vous avez refusé toute péréquation, renvoyant cela à la loi qu'évoquait M. Carrez tout à l'heure. Or, si l'on compte en moyenne 3 % de Rmistes dans les départements, certains en comptent 5 % ou davantage. Ainsi, il y en a 7 % dans le Gard et plus de 5 % dans le Nord et le Pas-de-Calais. Le comité des finances locales n'a pu que déplorer la non-compensation de cette disparité. La situation est la même en ce qui concerne les services départementaux d'incendie et de secours...

L'ancien ministre de l'intérieur nous avait promis 1,3 milliard en provenance de la taxe sur les conventions d'assurance. Aujourd'hui le ministre délégué nous explique que ce produit servira à alimenter les dotations destinées à compenser les transferts. En définitive, nous ignorons comment seront compensées les extensions de charges liées aux SDIS. Ces amendements sont donc parfaitement justifiés.

M. le Rapporteur - Le texte vise à assurer l'autonomie financière des collectivités, en application de l'alinéa 3 de l'article 72-2, et ce n'est pas le lieu d'avancer trop sur le sujet de la péréquation, d'autant qu'on ne peut regarder comme rien l'inscription de ce principe dans la Constitution. On ne peut en tout cas attribuer la même importance à une disposition constitutionnelle et à un rapport, qui pourrait n'être pas remis et n'a de toute façon aucune valeur juridique et très peu de valeur politique.

En revanche, s'il advenait que des mesures de péréquation ne soient pas prises, notamment en loi de finances, alors que la Constitution l'exige, le Conseil constitutionnel saurait rappeler le législateur et le Gouvernement à leurs obligations. L'inquiétude de nos collègues n'est donc pas fondée : la Constitution n'est pas un chiffon de papier, et il n'y a pas lieu d'aller au-delà en inscrivant une précision supplémentaire dans une loi organique dont ce n'est pas l'objet.

M. le Ministre délégué - On confond deux notions. Nous sommes tous attachés à la péréquation, et nous sommes d'accord pour la mettre en _uvre à l'occasion de la compensation de charges résultant d'une création ou d'une extension de compétences, mais pas en cas de transfert de compétences : en pareil cas, l'Etat transfère à l'euro près ce qu'il dépensait. Comment voulez-vous qu'on y ajoute une péréquation ? Il faut s'en tenir à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, saisi à propos du RMI, a décidé que tout transfert de compétences n'impliquait pas péréquation.

A la majorité de 17 voix contre 9 sur 26 votants et 26 suffrages exprimés, les amendements 40 à 54 ne sont pas adoptés.

M. Augustin Bonrepaux - Les amendements 55 à 69 touchent à une question d'actualité. En effet, le Président de la République a annoncé la suppression à terme de la taxe professionnelle, et ce avec une certaine précipitation, quelques jours après le vote de la loi de finances. Or, le Gouvernement et la commission des finances s'étaient opposés à un amendement du groupe socialiste qui proposait de réformer la taxe professionnelle en la faisant reposer davantage sur la valeur ajoutée. Depuis, on a appris que les investissements vont être gelés, avec compensation par un dégrèvement. Ceci va coûter environ trois milliards d'euros, dont on aurait pu faire l'économie en adoptant notre amendement à la loi de finances ! Celui-ci tendait à revenir à l'écrêtement par rapport à la valeur ajoutée, établi par le gouvernement précédent, et que M. Juppé avait modifié en 1995. Si on l'avait adopté, les entreprises de main d'_uvre auraient été avantagées, et le financement aurait mis à contribution les entreprises à forte valeur ajoutée et faible main-d'_uvre. Or, j'avais cru comprendre que tel était l'objectif de la réforme, et c'est un peu ce que proposait M. le rapporteur général, dans l'article qu'il a publié jeudi dans un quotidien économique.

Dès lors, deux questions se posent. Tout d'abord, est-ce là une bonne gestion des finances de l'Etat ? D'autre part, les élus sont aujourd'hui dans une incertitude complète. On voit par exemple nos collègues de l'Isère remettre en cause les soutiens qu'ils apportaient aux entreprises, parce qu'ils ne savent pas ce qu'il en sera de la taxe professionnelle. En outre, toute réforme qui délocaliserait les bases se traduirait par des transferts entre collectivités, souvent au détriment des plus en difficulté, par exemple les bassins industriels.

La méthode raisonnable, à laquelle s'est d'ailleurs rallié M. le rapporteur général, est bien de tenir compte de la valeur ajoutée comme nous le proposions. Nos amendements apportent une garantie, en prévoyant que toute modification de la structure des recettes d'une collectivité requiert une concertation avec les élus, et au moins avec leurs associations représentatives, qui aujourd'hui sont inquiètes.

M. le Rapporteur - Dans son exposé de la semaine dernière, M. Dosière a soutenu que notre projet allait empêcher toute réforme de la fiscalité locale, pourtant souhaitée sur tous les bancs. Mais cet amendement va encore plus loin dans ce que dénonçait M. Dosière. Il crée une véritable rigidité. Il ne s'agit plus d'opérer le rétablissement en temps réel, ou au bout d'un ou deux ans : il s'agit de faire qu'il n'y ait jamais lieu d'opérer un quelconque rétablissement. Cette rigidité est évidemment contraire à l'esprit de cette loi et à celui de la réforme constitutionnelle. Avis défavorable.

M. le Rapporteur général - Cette loi a été motivée avant tout par un constat fait ces dernières années : celui du remplacement des impôts locaux par des dotations. Sur le fond, ces mesures étaient souvent justifiées : la suppression de la part salaires de la TP, la quasi-suppression des droits de mutation étaient de bonnes mesures du point de vue de l'entreprise ; celle de la part régionale de la taxe d'habitation ne manquait pas non plus de justifications. Ce que nous avons contesté, ce sont les modalités, c'est-à-dire le remplacement des impôts par des dotations. Nous avons eu ce débat au sein de la commission Mauroy. Là, M. Huchon, président de la région Ile-de-France, s'inquiétait de voir la région perdre par ce biais toute autonomie financière. Les chiffres sont parlants : entre 1997 et 2003, le taux d'autonomie financière de la région Ile-de-France est tombé de 60 % à 30 %... En Poitou-Charentes, il est passé de 56 % à un peu plus de 30 %. Cela pose problème !

C'est pourquoi la loi organique vise avant tout à établir désormais le principe selon lequel, quand on supprimera des impôts locaux, on essaiera de les remplacer par de nouveaux impôts dont les collectivités auront la maîtrise du taux et de l'assiette. Le Président de la République vient de prendre une décision qui est dans cette ligne. En proposant qu'on supprime la taxe professionnelle sur les nouveaux investissements de 2004 et 2005, il n'a pas demandé qu'elle soit remplacée par une dotation, comme pour la part salaires : c'est la technique du dégrèvement qui sera retenue - celle-là même, Augustin Bonrepaux s'en souviendra, que nous avions proposé dans le débat sur la réforme de la part salaires. En effet, dans le cadre d'un dégrèvement, la collectivité locale garde la maîtrise de l'assiette et du taux. Ainsi les nouveaux investissements des entreprises resteront dans les bases de la TP, et les collectivités locales ne perdront pas un euro. La commission des finances est donc défavorable à ces amendements.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Augustin Bonrepaux - Les propos de M. le rapporteur général ne me rassurent pas, au contraire. Tout d'abord, il parle d'impôts dont les collectivités maîtrisent le taux et l'assiette, mais ce n'est pas le cas pour la TIPP !

M. le Ministre délégué - J'ai déjà répondu sur ce point.

M. Augustin Bonrepaux - L'idée que nous défendons est très répandue, et même le rapporteur général la partage. Personne ne peut comprendre qu'on parle d'autonomie si on remplace la taxe professionnelle par la TIPP, dont les collectivités ne maîtrisent ni le taux ni l'assiette. On ne comprend pas bien non plus que vous vouliez alléger la taxe professionnelle par un dégrèvement, alors que vous avez tant combattu les dégrèvements. Le plafonnement par rapport à la valeur ajoutée, qu'était-ce d'autre qu'un dégrèvement compensé chaque année ? Et qui a pris comme référence l'année 1995 ? C'est M. Juppé. A l'époque, donc, vous n'étiez pas si favorables aux dégrèvements : qui nous dit ce qu'il en sera dans l'avenir ?

Quant à la compensation que nous avons retenue pour la part salaires de la taxe professionnelle, vous oubliez un point essentiel : c'est que notre dispositif permettait aussi aux communes qui perdent des entreprises de percevoir la compensation, ce qui ne serait pas le cas avec un dégrèvement. Il y avait là un souci de péréquation qui vous a échappé ; ce qui montre bien que la péréquation n'est pas votre principale préoccupation.

A la majorité de 15 voix contre 9 sur 24 votants et 24 suffrages exprimés, les amendements 55 à 69 ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 70 à 84 sont identiques.

M. Augustin Bonrepaux - Lorsqu'il était ministre du budget, Alain Lambert avait voulu faire varier librement les taux de taxe additionnelle. C'était avant le vote de la loi constitutionnelle, mais les collectivités locales en auraient encore plus besoin désormais, car elles vont devoir supporter tous les transferts de charges liés à la décentralisation, qui faute d'avoir été bien évalués, ne seront pas correctement compensés par l'Etat.

La loi de finances 2003 a permis d'aller jusqu'à 1,5 % et les élus locaux, qui n'augmentent quand même pas les impôts pour le plaisir, ont fait la preuve de leur esprit de responsabilité. En leur laissant la faculté de faire varier les taux, comme nous le proposons avec ces amendements, on leur témoignerait un peu de confiance.

M. Bruno Le Roux - Ce gouvernement se présente comme le chantre de l'autonomie fiscale et financière, mais il ne va pas au bout de ses intentions. Un premier pas, timide, vers la déliaison des taux a été accompli dans la loi de finances 2003 : pourquoi ne pas continuer dans cette voie, d'autant qu'à défaut les collectivités qui ont de fortes bases de taxe professionnelle hésitent souvent à augmenter celle-ci, alors que cela dégagerait des ressources supplémentaires au profit de la péréquation ?

M. le Rapporteur - Ces amendements sont un hommage au vice et à la vertu. Au vice puisque, de 1997 à 2002, toutes nos demandes pressantes de déliaison se sont heurtées à l'intransigeance de la majorité de l'époque ; et à la vertu, puisque nous, nous avons amorcé ce mouvement dans la loi de finances 2003.

Si on ajoute que ces amendements ne relèvent pas de la loi organique mais de la loi de finances, on comprend que la commission les ait rejetés.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Augustin Bonrepaux - Si la loi constitutionnelle visait à garantir l'autonomie financière des collectivités locales, cette idée ne se retrouve ni dans la Constitution, ni dans cette loi organique. Et l'autonomie n'est qu'un leurre si les collectivités ne peuvent faire varier librement leurs taux. La réalité contredit donc votre discours et nous verrons bientôt les conséquences désastreuses de ces textes.

Les amendements 70 à 84, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des articles. Sans doute aurait-il été possible de le faire dès jeudi et d'éviter ainsi de siéger cet après-midi...

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du texte auraient lieu demain après-midi, après les questions au Gouvernement.

Prochaine séance, demain, mardi 18 mai, à 9 heures 30.

La séance est levée à 18 heures 20.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 18 MAI 2004

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions orales sans débat.

2. Fixation de l'ordre du jour.

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi organique (n° 1155) pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

3. Discussion du projet de loi (n° 1586) d'orientation sur l'énergie.

Rapport (n° 1597) de M. Serge POIGNANT, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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