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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 97ème jour de séance, 238ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 2 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

PRIVATISATION D'EDF ET DE GDF 2

ÉLECTIONS EUROPÉENNES 3

CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN 3

EUROPE DE LA DÉFENSE 4

MARIAGE ENTRE PERSONNES DE MÊME SEXE 5

PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS 5

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE 6

PASTORALISME ET PRÉSENCE DU LOUP 7

LUNDI DE PENTECÔTE 8

POLYNÉSIE FRANÇAISE 8

INITIATIVES LOCALES EN FAVEUR DE LA RÉFORME
DE L'ETAT 9

AVENIR DE DEUX ENTREPRISES DE VERGÈZE (GARD) 10

RAPPEL AU RÈGLEMENT 11

DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES (suite) 11

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 23

ARTICLE PREMIER 28

DÉCLARATION D'URGENCE 33

La séance est ouverte à quinze heures.

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à une délégation du Congrès national équatorien, conduite par M. Clemente Vazquez, président du groupe d'amitié Equateur-France.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent)

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président - Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens.

PRIVATISATION D'EDF ET DE GDF

M. François Brottes - Monsieur le ministre d'Etat, ministre de l'économie, les termes « service national » et « établissement public national » sont remplacés par le mot « société » : tel est en substance le contenu de l'article 29 de votre projet de loi sur la privatisation d'EDF et de GDF. Au nom d'une Europe qui ne vous l'a jamais demandé, vous modifiez fondamentalement le statut de nos entreprises publiques. Au nom d'une ouverture à la concurrence qui devait se cantonner aux consommateurs autres que les ménages, comme le prévoyaient les conclusions du sommet de Barcelone de mars 2002, auxquelles vous faites souvent référence, Monsieur le ministre, comme pour vous dédouaner ; au nom d'une idéologie anti-secteur public (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous vous apprêtez à commettre un énorme gâchis avec cette privatisation à la hussarde, menée à grands renforts de publicité et à la faveur de l'été. Que vont y gagner les Français, puisque les tarifs vont augmenter ? Que vont y gagner les salariés, alors que des pans entiers de leur statut risquent d'être démantelés - certes une fois la privatisation réalisée ? Que va y gagner la France, alors que la sécurité de son parc de production d'électricité et de son réseau de transport va faire l'objet de toutes les spéculations ? Êtes-vous prêt à réfléchir un peu (Protestations sur les bancs du groupe UMP) avant de commettre l'irréparable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je ne vous fais pas le reproche de ne pas attacher l'importance qu'il convient à ces grandes entreprises que sont EDF et GDF, mais si vous souhaitez un tant soit peu protéger notre patrimoine industriel, de grâce, ne politisez pas une question qui mérite tellement mieux ! Les employés d'EDF et de GDF ont droit à ce que nous parlions sereinement et de façon transparente de leur avenir, sans en faire un règlement de comptes politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La meilleure manière de vous répondre est de vous poser à mon tour des questions (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Qui était Premier ministre lorsque la décision a été prise, à Barcelone, d'ouvrir le marché de l'électricité à la concurrence ? (Interruptions sur tous les bancs) Vous avez peut-être oublié que c'était Lionel Jospin, mais pas nous ! Vous dites - et pourquoi ne pas vous croire ? - que vous attachez du prix à EDF et à GDF. Mais pourquoi, depuis 1981, les gouvernements socialistes ne leur ont-ils jamais donné un centime pour soutenir leur projet industriel ? Le gouvernement Raffarin, lui, y consacre 500 millions ! Ceux qui parlent ne sont pas les mêmes que ceux qui agissent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Vous avez raison de ne pas vouloir la privatisation d'EDF. Il n'y en aura pas. Vous avez raison de ne pas vouloir que le statut des gaziers et des électriciens change. Il ne changera pas. Mais si les salariés d'EDF et de GDF aiment profondément leur entreprise, pourquoi leur interdire d'en devenir propriétaires, eux aussi, et de participer à ses bénéfices ? Nous avons une grande ambition. Nous ne voulons pas que la France devienne un désert industriel. Vous nous avez laissé tellement à faire ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Rendez-vous en commission cet après-midi : c'est d'un bon texte que nous discuterons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

ÉLECTIONS EUROPÉENNES

M. Yvan Lachaud - Le 13 juin, les Français éliront leurs représentants au Parlement européen. Ce scrutin revêt autant d'importance pour nos concitoyens que pour l'Europe, mais malheureusement beaucoup en ignorent encore les enjeux. Ils ne connaissent pas les compétences du Parlement européen. Ils ne savent pas qui fait quoi au sein de l'Union. Tout le monde se plaint que les Français ne se sentent pas concernés par la campagne électorale. Qu'a fait le Gouvernement pour les y intéresser ? A-t-on par exemple expliqué aux ressortissants européens qu'ils pouvaient voter et être élus en France ? L'UDF a été le premier parti à regretter ce manque d'information, premier devoir d'un gouvernement et condition de la démocratie. Ce ne sont pas les affiches qui suffiront à faire prendre conscience de l'importance de cette élection. Qui mieux que vous, Monsieur le ministre des affaires étrangères, en connaît les enjeux ? Comment inciterez-vous donc les Français à aller voter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes - La participation aux élections européennes est un sujet de préoccupation, en France comme dans les autres Etats membres. La question doit être traitée sans esprit partisan, en considérant à la fois les enjeux européens et la place de la France en Europe. Il est faux de dire que le Gouvernement n'a rien fait. La semaine dernière, nous avons lancé une campagne d'incitation au vote, faisant appel à de nombreux supports. Le Parlement européen et les associations se sont également mobilisés. Michel Barnier et moi avons, dès notre prise de fonctions, parcouru la France pour expliquer, dialoguer et inciter au vote. Aujourd'hui, je lance, avec mes collègues des autres Etats membres, un appel commun. Parmi les 348 millions de citoyens européens, les Français doivent se mobiliser pour faire entendre leur voix. Cela leur permettra de résoudre à la fois le déficit démocratique de l'Europe - en votant, ils pourront peser sur des décisions qui influent sur leur vie quotidienne - et le déficit d'influence de la France : en votant massivement, ils donneront à leurs représentants plus de légitimité et de poids, comme savent très bien faire leurs collègues allemands, britanniques ou italiens.

Nous devons, au-delà des clivages politiques, appeler les Français à se mobiliser pour les élections européennes. Les élus et les formations politiques ont bien sûr un rôle essentiel à jouer. C'est en votant que nous pourrons choisir notre avenir européen, et non le subir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN

M. Jean-Claude Lefort - La feuille de route pour le Proche-Orient, qui date de 2003, devait déboucher sur la création d'un Etat palestinien en 2005, mais elle n'a toujours pas avancé d'un millimètre. Sur place, la situation continue de se dégrader, ainsi qu'en témoignent les effroyables événements de Rafah. Le malheur au malheur succède : pour combien de temps encore ? Personne ne nie le rôle des Etats-Unis dans cette région, mais l'Europe ne peut plus se résoudre à l'inaction. Rien ne lui interdit de jouer un rôle propre ! C'est d'ailleurs son ambition. Alors que le Proche-Orient brûle et que l'on s'y habitue dangereusement, l'Union européenne doit prendre des initiatives concrètes. La paix ne doit plus être l'otage des extrêmes. Le projet unilatéral d'Ariel Sharon pour Gaza ne consacre ni le retrait de tous les territoires occupés ni la suspension de la construction du mur, pas plus qu'il n'envisage la présence d'une force internationale. A l'inverse, des Palestiniens et des Israéliens de courage nous montrent ce à quoi pourrait aboutir la feuille de route. Mais jusqu'à présent, tout a échoué, par manque d'Europe. Tant que des mères pleureront, l'Union européenne doit porter secours et assistance à ces peuples en danger.

M. le Président - Monsieur Lefort, quelle est votre question ?

M. Jean-Claude Lefort - Que va faire l'Union européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - Oui, il y a urgence à stopper cette spirale de sang, de terreur et de violence, là-bas et pourtant si près de nous. Cette région est un trou noir qui pourrait emporter le monde, puisque le terrorisme international se nourrit des humiliations et de la désespérance. Nous sommes tous d'accord sur l'objectif : deux Etats vivant côte à côte, un Etat d'Israël dans la sécurité, et la France ne transigera jamais sur ce point, et un Etat palestinien viable. La feuille de route est le chemin pour y parvenir. Elle exige la négociation entre Israéliens et Palestiniens. Monsieur Lefort, puisque vous appelez l'Europe, et j'en suis heureux, à agir, sachez que nous ne baisserons pas les bras, ni les Français, ni les Européens. Il n'y a pas de fatalité. Nous voulons mettre en _uvre la feuille de route étape par étape, y compris le retrait de Gaza, à condition qu'elle ne soit pas détruite avant !

Telles sont les positions qui ont été arrêtées avec nos partenaires du « Quartett ». Voilà ce que j'ai rappelé il y a quelques jours aux courageux promoteurs du plan de Genève, MM. Beilin et Rabbo, et ce que je répèterai avec conviction aux interlocuteurs que je rencontrerai sur place dans quelques jours (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF).

EUROPE DE LA DÉFENSE

M. Georges Siffredi - Madame le ministre de la défense, vous menez depuis deux ans une action déterminée en faveur de la construction d'une Europe de la défense forte et autonome. Les réalisations sont nombreuses.

Dans la conduite d'opérations autonomes, tout d'abord : « Concordin » en Macédoine et « Arthémis » au Congo attestent des compétences de nos forces européennes pour remplir des missions humanitaires ou de maintien de la paix. Dans la conduite de programmes de coopération, ensuite. Le plus emblématique est l'avion de transport A400M, décidé à l'été 2003, qui permettra d'équiper les armées européennes de matériels identiques, et je pourrais citer aussi les programmes d'hélicoptère TIGRE ou de missile METEOR. Dans les restructurations industrielles du secteur de l'armement, également, et il s'agit par là de créer des groupes industriels compétitifs. Les progrès sont lents car les intérêts nationaux sont forts, mais le mouvement est en marche et il ne doit pas s'arrêter. Dans le domaine institutionnel, enfin, le résultat le plus tangible du Conseil européen du 12 décembre 2003 de Bruxelles réside dans l'adoption du document proposé par M. Solana sur la détermination d'une stratégie européenne de sécurité et de défense. Il faut aussi souligner la mise en place d'un élément précurseur de l'Agence européenne de l'armement, dont la création avait été décidée au Conseil précédent de Thessalonique.

Par ailleurs, le projet de traité constitutionnel de l'Union contient des dispositions importantes pour la défense européenne. Madame la ministre, quelles sont les prochaines étapes qui vont marquer la lente et difficile réalisation de la grande ambition que constitue l'édification de l'Europe de la défense ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Vous avez relevé à juste titre les progrès considérables de l'Europe de la défense depuis deux ans. Forte d'un crédit retrouvé grâce à la loi de programmation militaire, la France a joué un rôle essentiel dans ces avancées. Parmi les prochaines étapes, dans le domaine opérationnel, l'Union européenne va relever l'OTAN en Bosnie, à la fin de cette année. 2004 verra aussi l'engagement de l'Eurocorps et de la brigade franco-allemande en Afghanistan.

S'agissant des capacités militaires, la cellule autonomie de planification et de conduite d'opérations monte en puissance et sera opérationnelle fin 2005 : les premiers groupements tactiques français et britanniques de 1 500 hommes seront déployables dès 2005. Ils seront au nombre de sept d'ici trois ans. La force de gendarmerie européenne aura son état-major installé en Italie dès cet automne et elle sera opérationnelle en janvier 2005.

Au plan institutionnel, l'Agence européenne de l'armement verra ses statuts adoptés au prochain Conseil européen et elle sera en fonction avant la fin de l'année. Autre initiative française, le Collège européen de défense et de sécurité ouvrira sa première session à l'automne.

La France continuera à jouer un rôle déterminant dans la construction de cette Europe de la défense, indispensable à notre protection et à la défense des intérêts européens dans le monde (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

MARIAGE ENTRE PERSONNES DE MÊME SEXE

M. Pascal Clément - Le maire de Bègles s'apprête, samedi prochain, à célébrer un mariage entre deux personnes de même sexe... (Huées sur les bancs du groupe UMP) ... et le procureur de la République lui a fait savoir que cette décision contrevenait gravement à la loi. Monsieur le Premier ministre, quelles suites entendez-vous donner à cette affaire si cet élu persiste dans son intention ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Glavany - Enfin un vrai sujet ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - En ma qualité de chef du gouvernement, je me place exclusivement sur le terrain du droit pour répondre à votre question.

Je défends l'Etat de droit (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le code civil ne permet ni n'autorise le mariage de deux personnes de même sexe. Si une telle manifestation avait donc lieu, on ne pourrait la qualifier de « mariage ». Il s'agirait d'un évènement nul en droit, nul de tout effet.

Si cette initiative était menée à son terme, le maire, officier de l'état civil, enfreindrait la loi. Ma réponse est donc claire : tout élu ne respectant pas le code civil encourt les sanctions prévues par la loi (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UDF). Ma responsabilité est de faire respecter la loi (Certains députés UMP se lèvent et applaudissent longuement ; vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UDF).

PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

M. Jacques-Alain Bénisti - Dans les années 1970, un acte de délinquance sur dix était le fait d'un mineur. Aujourd'hui, cette proportion a hélas doublé ! Elu du Val-de-Marne, j'ai dans ma circonscription deux quartiers sensibles dans lesquels vivent plus de dix mille habitants. Je puis donc attester de la réalité de ce constat, encore aggravé par le fait que les actes délictueux sont commis par des adolescents de plus en plus jeunes.

Tout le monde s'accorde à dire qu'après les nouvelles mesures découlant de la loi de sécurité intérieure de Nicolas Sarkozy, certes efficaces, le temps est venu de lancer une véritable politique de prévention. Depuis plus de vingt ans, les politiques menées en la matière ont toutes échoué, par manque de moyens et de réelle volonté politique. Élus de terrain, les membres de la commission prévention du groupe d'études sur la sécurité intérieure - que j'ai l'honneur de présider - ont proposé de suivre plusieurs pistes d'action, certaines urgentes à approfondir et d'autres destinées à s'inscrire dans un programme de plus long terme. Toutes devront être engagées en partenariat avec l'ensemble des acteurs éducatifs et des collectivités locales.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez entamé une tournée des quartiers sensibles. Quels sont vos objectifs ? Quel est votre calendrier d'action pour mener à bien votre programme de prévention de la délinquance des mineurs ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Nous assistons dans les quartiers difficiles à une augmentation de la délinquance des plus jeunes et plusieurs facteurs se conjuguent pour l'expliquer : la drogue, la constitution de bandes organisées, la perte des repères personnels et familiaux. Première priorité pour y remédier, réaffirmer l'autorité de l'Etat. C'est l'action que nous menons depuis deux ans et que je suis déterminée à poursuivre, dans la continuité de Nicolas Sarkozy. Elle passe par un renforcement de la présence policière, en particulier la nuit, et par davantage d'interpellations en flagrant délit pour faciliter le travail de la justice. Tel est au reste l'objectif prioritaire que j'ai fixé aux groupements d'intervention régionaux.

Parallèlement, il faut engager un travail en profondeur et c'est tout le sens du projet de loi relatif à la prévention qui vous sera soumis avant la fin de l'année. A cet effet, nous avons engagé une démarche interministérielle, associant MM. Fillon, Borloo, Perben et Lamour, ambitieuse et pragmatique, qui part de l'expérience des vingt-quatre quartiers retenus comme sites pilotes. Je me suis d'ores et déjà rendu à Mulhouse et à Tourcoing. Nous avons fixé un calendrier et des missions précises aux préfets, lesquels seront tenus d'organiser des réunions hebdomadaires de suivi de la situation. Place Beauvau, une cellule sera chargée de collecter l'ensemble de l'information sur les outils de prévention à privilégier. Nous souhaitons aussi que l'action soit mieux coordonnée, avec le maire et le conseil général...

M. François Hollande - Ce n'est plus une réponse mais une circulaire !

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - ...et en liaison avec le juge pour enfants pour le prononcé de mesures alternatives. Enfin, nous voulons que la sécurité soit mieux prise en compte dans les projets d'urbanisme et dans les transports publics, grâce notamment au développement de la vidéosurveillance. Il convient aussi de rappeler la règle aux plus jeunes, pour aider les parents dans leur mission éducative et lutter contre l'absentéisme et les violences scolaires.

M. le Président - Monsieur le ministre, veuillez conclure.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Il faut redonner espoir à toute une partie de notre jeunesse, et tel est l'objet du comité interministériel qui se réunira tout à l'heure à Matignon sous l'égide du Premier ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Monsieur le Président, le Règlement de l'Assemblée nationale a-t-il changé pour ce qui concerne les questions d'actualité ? Systématiquement, le ministre de l'économie ne répond pas aux questions de l'opposition, se contentant de lui poser d'autres questions. Mais sans doute est-ce là sa conception du débat démocratique... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

J'en viens à ma question qui s'adresse au Premier ministre. L'ensemble des organisations syndicales de salariés appelle à manifester samedi 5 juin pour demander le retrait de votre projet de réforme de l'assurance maladie, lequel ne permettra ni de combler les déficits que vous avez creusés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ni d'engager notre système de soins dans les évolutions nécessaires, attendues des malades comme des professionnels de santé (Brouhaha croissant sur les bancs du groupe UMP).

Sous couvert de responsabilisation des malades, vous leurs demandez de payer un euro de plus par consultation... (« Et alors ? » sur les bancs du groupe UMP)

Si vous analysiez l'exemple allemand, vous comprendriez vite que cette mesure inégalitaire, qui conduira les malades, surtout les plus graves d'entre eux, qui sont obligés de consulter souvent, à payer davantage que les bien portants, est une fausse bonne idée (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Il en va de même pour l'augmentation du forfait hospitalier. On est loin de l'idéal de solidarité collective qui inspirait les pères de notre assurance maladie. En réalité, vous proposez purement et simplement de dérembourser les consultations médicales, ce qui pénalisera d'abord les ménages modestes et les malades. Dans la pratique, les malades paieront-ils cet euro en début ou en fin de consultation ? Les praticiens le reverseront-ils à l'assurance maladie, auquel cas ils deviendraient des percepteurs ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Comment nous faire croire qu'en taxant les seuls malades, vous faites appel à la responsabilité de tous ? Vous savez pertinemment que le déremboursement des soins, s'il a toujours creusé les inégalités, n'a jamais permis de réduire les dépenses de santé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Madame la députée, le ministre de l'économie a parfaitement répondu à l'opposition tout à l'heure. Il y a d'un côté ceux qui parlent, vous, de l'autre, ceux qui agissent, nous... (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

J'en viens à l'assurance maladie, objet de votre question. Ses déficits sont tels aujourd'hui - 23 000 € par minute, dix milliards d'euros par an et une dette cumulée de 32 milliards - qu'une réforme est indispensable. Vous souhaiteriez peut-être attendre. Pas nous !

La réforme que nous proposons repose sur la responsabilisation de chacun. Des malades tout d'abord. Je m'étonne que vous critiquiez les mesures prises en ce sens par vos amis sociaux-démocrates allemands, car l'exemple de l'Allemagne montre au contraire que la responsabilisation des malades porte ses fruits. Les malades, à l'exception des enfants de moins de 16 ans et des bénéficiaires de la CMU, devront en effet s'acquitter d'un euro par consultation. La réforme que nous proposons est par ailleurs parfaitement équitable puisqu'elle répartit l'effort entre les entreprises, les retraités imposables, les actifs, les professionnels de santé, les usagers, sans oublier la mise à contribution des revenus financiers et la taxation des jeux.

Je n'oublie pas, Madame la députée, que vous avez été ministre d'un gouvernement qui a laissé filer les dépenses d'assurance maladie de 5 % à 6 % par an sans lancer la moindre réforme, alors même que la croissance était au rendez-vous. Ce n'était pas là une erreur, mais une faute grave (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PASTORALISME ET PRÉSENCE DU LOUP

Mme Henriette Martinez - A l'approche de la saison d'estive, les éleveurs ovins du massif alpin et tous ceux qui pratiquent le pastoralisme s'inquiètent des attaques que vont de nouveau subir leurs troupeaux dans les alpages. Ainsi dans mon département des Hautes-Alpes a-t-on dénombré l'an passé 70 attaques de troupeaux et 240 bêtes égorgées par des loups. Suite aux conclusions de la commission d'enquête parlementaire sur le loup, un plan de gestion vient d'être élaboré pour la période 2004-2008. Si les éleveurs ont pris acte avec satisfaction de la volonté de l'Etat de mieux protéger leurs troupeaux, ils s'inquiètent du coût des mesures de protection si celles-ci ne sont pas entièrement financées par l'Etat.

Vu le nombre croissant de loups et la progression géographique de ces prédateurs, ils s'inquiètent également de leur présence dans de nouvelles zones où ils ne sont pas établis de façon permanente et où, de ce fait, les mesures de prévention ne s'appliquent pas. En cas d'attaque dans ces nouvelles zones, il faudra débloquer d'urgence des moyens financiers pour garantir la protection des troupeaux.

Monsieur le ministre de l'agriculture, je vous demande, et avec moi tous les députés du massif alpin, de rassurer les éleveurs sur ces deux points. Le pastoralisme, indispensable au maintien de l'agriculture en montagne et à la préservation des milieux naturels, doit pouvoir continuer d'exister dans des conditions acceptables pour tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Oui, dans nos alpages, les éleveurs vivent dans l'angoisse du loup. La commission d'enquête parlementaire sur le sujet, présidée par M. Estrosi et rapportée par M. Spagnou, a bien dit ce qu'il convenait de faire. Il faut tout d'abord protéger les éleveurs : l'Etat mettra deux millions d'euros sur la table pour remplacer l'aide du programme européen arrivé à échéance le 31 décembre dernier, et je vous confirme que ces crédits concerneront également les nouvelles zones de colonisation. J'ai demandé aux préfets des départements concernés d'adapter le dispositif de façon qu'il tienne compte de la taille des troupeaux, de la dispersion des alpages ainsi que de l'ampleur des protections nécessaires.

Pour ce qui est du plan de gestion du loup, lequel a été élaboré sous la responsabilité de mon collègue chargé de l'écologie, nous aurons l'occasion d'annoncer très prochainement les mesures envisagées pour le contrôle de ces prédateurs qui angoissent tant les éleveurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

LUNDI DE PENTECÔTE

M. Jean Auclair - Monsieur le ministre délégué aux personnes âgées, au surlendemain du week-end de Pentecôte, des rumeurs persistantes, naturellement malveillantes, continuent d'être colportées, visant à faire croire que ce lundi de Pentecôte était le dernier férié (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

La majorité de nos concitoyens trouve tout à fait normal que s'exerce une solidarité au profit des personnes âgées et handicapées et les Français ont montré qu'ils savaient se mobiliser pour les causes nobles. Pour autant, ils considèrent que le choix d'un autre jour pour cette journée de solidarité devrait être possible. Le week-end de Pentecôte, souvent passé en famille, marque aussi le lancement de la saison touristique d'été (Mêmes mouvements). A Nîmes ou bien encore Vic-Fesenzac, la féria traditionnelle attire une foule importante d'aficionados (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). D'une manière générale, dans nos villes et nos villages, sont organisées le week-end de Pentecôte toutes sortes de manifestations sportives et culturelles, qui ont d'importantes retombées économiques. Je souhaiterais donc que vous nous précisiez la position du Gouvernement sur cette journée de solidarité au bénéfice des personnes âgées et handicapées (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF).

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées - La solidarité et la liberté ne s'opposent pas. Nous avons laissé la plus grande liberté, dans le public comme dans le privé, pour la fixation de cette journée de solidarité. Ce n'est qu'à défaut d'accord que le lundi de Pentecôte s'imposera. La féria de Nîmes et les autres manifestations organisées ce week-end-là ont donc encore de beaux jours devant elles !

Nous avons souhaité mettre en _uvre une véritable politique de solidarité au profit de nos aînés. Cette journée de solidarité permettra de créer 160 000 lits médicalisés supplémentaires dès 2004, de pérenniser et financer l'APA - ce que n'avaient pas fait nos prédécesseurs de gauche -, d'ouvrir 15 000 postes de soignants en établissement et 8 000 à domicile. En un mot, cette journée va nous permettre d'agir quand d'autres n'ont fait que parler... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

POLYNÉSIE FRANÇAISE

M. René Dosière - N'étant pas député de la majorité, je ne parlerai ni de loups ni de corridas, mais de la Polynésie française. Madame la ministre de l'outre-mer, quand allez-vous reconnaître l'alternance en Polynésie ? Les partisans de votre ami, Gaston Flosse, ont obtenu 54 000 voix et leurs adversaires 64 000. Mardi dernier, vous m'avez répondu ici même que « le processus électoral n'était pas terminé ». Les nombreux appels téléphoniques que vous passez personnellement auprès de certains responsables polynésiens pour leur demander de se rallier à votre ami font-ils partie de ce « processus électoral » ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Hier, Gaston Flosse assurait dans tous les médias locaux que vous lui aviez dit que si Oscar Temaru devenait président de Polynésie, le Gouvernement « fermerait les robinets ». A d'autres interlocuteurs, vous déclarez que le Gouvernement « coupera les vivres » (Exclamations indignées sur les bancs du groupe socialiste). Ces déclarations sont indignes d'un ministre de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

Vous n'avez pas, Madame la ministre de l'outre-mer, à vous comporter en ministre des colonies (Mêmes mouvements). Allez-vous enfin respecter le vote populaire qui a placé Oscar Temaru en position d'être élu président de Polynésie le 10 juin prochain ? Allez-vous enfin respecter la dignité des habitants de Polynésie et l'autonomie des institutions de ce territoire ? Pourquoi y avoir envoyé deux escadrons de gendarmes mobiles alors que le calme règne partout ? Quel mauvais coup préparez-vous ? Pour tous les démocrates que nous sommes ici, il n'est qu'un comportement républicain face au suffrage populaire : se soumettre ou se démettre (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - ...(Cris sur les bancs du groupe socialiste : « Démission ! ») La Polynésie, c'est encore la France et, là comme sur le reste du territoire national, l'Etat a une mission régalienne de sécurité à assumer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Vous seriez sans doute le premier, d'ailleurs, à reprocher à ce gouvernement de n'avoir pas pris les moyens de parer à tout incident... La démocratie requiert la paix publique et la sérénité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Je sais bien, avec vos partenaires et amis indépendantistes, vous souhaitez que la Polynésie se sépare de la France ! (Mêmes mouvements) Mais il y va aussi de l'avenir économique de cette collectivité française : la confiance des investisseurs ne se décrète pas et, si elle venait à manquer, les investissements, défiscalisés ou non, se tariraient d'eux-mêmes. L'Etat ne pourrait à lui seul remédier à leur disparition.

Quant aux propos que vous me prêtez, je dois dire que je suis agréablement surprise de vous voir vous préoccuper de l'avenir de cette « manne » que vous n'avez cessé de critiquer ! (Mêmes mouvements)

Je vous appelle à plus de respect pour les Polynésiens. Nul ne peut dire aujourd'hui quelle majorité politique va se dégager de l'assemblée de Polynésie. Ne vous substituez donc pas à des élus qui ont reçu un mandat le 3 mai mais qui n'ont pas encore élu leur assemblée territoriale et leur gouvernement ! Ils ne vous ont pas mandaté pour décider à leur place ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

INITIATIVES LOCALES EN FAVEUR DE LA RÉFORME DE L'ETAT

M. Jean-Paul Charié - On dit souvent que la réforme de l'Etat est impossible. La sous-préfecture de Pithiviers vient de prouver le contraire. Avec la participation de tous les agents et après plusieurs réunions d'un comité d'usagers, elle vient de signer une charte comportant quinze engagements. Les résultats sont d'ores et déjà éloquents : alors que le nombre de cartes grises délivrées a crû de 10 %, celui des cartes d'identité de 17 % et celui des passeports de 27 %, le nombre d'erreurs a diminué de 35 % et les délais ont été de même considérablement réduits - les réponses données par téléphone le sont en moins de quatre minutes et tous les documents sont remis dans la journée -, cependant que le budget de fonctionnement a baissé de 41 % et que l'absentéisme a cessé.

Faire mieux avec moins d'argent grâce à des fonctionnaires motivés : oui, la réforme de l'Etat est possible ! Que fera le Gouvernement pour que tous les arrondissements en bénéficient ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat - Dès mon entrée en fonctions, j'ai souhaité rencontrer l'administration et, en particulier, celle à laquelle nos concitoyens ont affaire tous les jours. Je me suis notamment rendu à Pithiviers le 10 mai et j'ai pu y saluer le travail remarquable effectué par les services de l'Etat. J'ai également visité, la semaine dernière, une ANPE de la Côte-d'Or où j'ai constaté les mêmes initiatives des agents de l'Etat. Ces initiatives améliorent indéniablement le service public et transforment très positivement les relations entre administration et usagers.

Ces expériences réussies d'une démarche de qualité foisonnent en France, mais elles sont trop souvent méconnues par l'administration comme par l'usager, qui continue d'avoir une image injuste du service public. C'est pourquoi, tout à l'heure, M. Dutreil et moi-même remettrons les trophées du service public, afin de reconnaître comme il convient les nouvelles pratiques qui méritent d'être généralisées. Cette année, nous récompenserons la qualité de l'accueil, qui est l'exigence première, mais nous avons l'intention d'aller plus loin et de faire de la démarche de qualité une priorité du service public. D'ici à la fin de l'année, nous donnerons corps à la charte « Marianne », conformément au v_u du Président de la République et du Premier ministre. Ce document définit pour l'ensemble des administrations un « tronc commun » d'engagements : réduction des files d'attente et des délais de réponse, accueil plus courtois... Nous nous attacherons également à mesurer la qualité des services publics, grâce à un « baromètre ».

Nous comptons de la sorte convaincre l'administration de passer d'une culture « procédurière » à un véritable engagement au service du public (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

AVENIR DE DEUX ENTREPRISES DE VERGÈZE (GARD)

M. Etienne Mourrut - Les sociétés Source-Perrier et Verreries du Languedoc, appartenant au groupe Nestlé Water France, sont depuis plusieurs semaines le siège de conflits sociaux. Les dirigeants du groupe ont en effet proposé un plan prévisionnel de gestion de l'emploi et des compétences qui prévoit le départ en préretraite de 1 046 personnes, dont 356 chez Perrier. Ces départs, qui seraient volontaires et étalés sur quatre ans, ne seraient compensés que dans la proportion de 6 % ! Malgré de multiples réunions paritaires, syndicats et direction n'ont toujours pas trouvé un accord. La semaine dernière, les syndicats de Perrier ont reçu un ultimatum aux termes duquel, si cet accord n'était pas signé le 30 juin, ce fleuron de l'économie gardoise sortirait du groupe Nestlé Water France, à moins qu'il ne soit purement et simplement vendu.

Premier employeur du Gard, Perrier est une entreprise de notoriété internationale et tire ses ressources de notre sol. Nous ne pouvons être insensibles à l'émoi des salariés, de la population et des élus locaux. Ces difficultés ne font au reste que s'ajouter à beaucoup d'autres, dans notre département : inondations, fermeture d'une usine à Saint-Gilles et de l'entreprise Le Cabanon de Lédenon... Que va faire le Gouvernement pour éviter un nouveau sinistre et pour faire prévaloir une solution acceptable dans les meilleurs délais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Le Gouvernement est bien conscient de cette nouvelle difficulté imposée à un département déjà éprouvé. Le groupe Nestlé Water France négocie en effet avec les organisations syndicales un accord visant à faire bénéficier un quart des salariés de Perrier du dispositif de cessation anticipée d'activité de certains travailleurs salariés - CAATS. Ce dispositif est conçu pour faciliter la modernisation des entreprises sans qu'il y ait recours à des licenciements : il favorise donc les embauches de substitution. Des salariés ayant souffert de conditions de travail pénibles peuvent ainsi partir en préretraite totale, à la faveur d'une convention signée avec l'Etat. Ainsi défini, le CAATS repose sur la responsabilisation des partenaires sociaux, qui ont l'initiative de sa mise en _uvre, et c'est bien dans cet esprit que nous travaillerons avec l'entreprise.

Plus largement, les services du ministère du travail suivent avec la plus grande attention la situation des entreprises de votre département, particulièrement de celles qui se réorganisent. Ils veillent également à l'application des mesures de revitalisation : ce qui fut fait l'an passé à Bagnols-sur-Cèze le sera cette année au Vigan, après la fermeture de l'entreprise Well.

Voilà comment nous travaillons concrètement avec les entreprises et les partenaires sociaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à16 heures 35, sous la présidence de M. Bur.

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Jean-Marc Ayrault - Ce matin, dans la cour de l'Elysée, à l'issue d'un Conseil des ministres, M. Devedjian a tenu des propos qui motivent mon rappel au Règlement.

A plusieurs reprises, avec Didier Migaud, nous avons demandé que, en raison de la flambée des cours du pétrole, soit remis en place le mécanisme de régulation du prix du carburant à la pompe connu sous le nom de TIPP flottante. Cela nous a été jusqu'à présent refusé.

Il est grave qu'un ministre de la République ait prononcé des paroles à ce point mensongères. Cette attitude à l'égard de la représentation nationale est inacceptable. Nous attendons du Gouvernement qu'il assume pleinement ses responsabilités. Dire que le rétablissement de la TIPP flottante est impossible du fait de la réglementation européenne est totalement inexact, et Didier Migaud a parlé avec raison de mensonge. Alors que les Français sont appelés à désigner leurs représentants au Parlement européen, une fois de plus l'Union européenne est stigmatisée et rendue responsable de toutes les difficultés. Au fond, on cherche à faire accroire que le Gouvernement est impuissant et que tout est de la faute de Bruxelles, ce qui est absolument faux. Ce genre de comportement, de la part d'un membre du Gouvernement, est dangereux vis-à-vis de la démocratie européenne. La directive européenne relative à la fiscalité de l'énergie, entrée en vigueur le 1er janvier dernier, autorise explicitement les Etats membres à appliquer des exonérations ou des taux réduits d'imposition. C'est ce que nous demandons au Gouvernement, qui ne doit pas fuir ses responsabilités. Qu'il nous réponde par oui ou par non.

M. Guy Geoffroy - C'est la onzième question au Gouvernement !

M. Jean-Marc Ayrault - Pas du tout ! Nous souhaitons que l'Assemblée soit respectée. Il n'est pas supportable que le Gouvernement, lorsque nous l'interrogeons, réponde par des questions à l'opposition, alors que le Règlement nous interdit de répondre. Déjà la Constitution limite étroitement les pouvoirs du Parlement, le Gouvernement s'efforce de les réduire davantage encore.

Ainsi M. Sarkozy a annoncé sa décision de modifier les conditions de cession du patrimoine des parents et grands-parents à leurs enfants et petits-enfants, avec application immédiate, alors que le Parlement ne s'est même pas prononcé (Murmures sur les bancs du groupe UMP). J'attire l'attention sur le caractère anticonstitutionnel de cette décision. Nous demandons simplement que notre assemblée serve à quelque chose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

M. Alain Ferry - Le Président de la République a fait de l'intégration des personnes handicapées l'une des trois priorités de son quinquennat.

La loi de 1975 posait pour la première fois le droit pour les personnes handicapées d'exister dans notre société, mais elle n'a pas toujours atteint son objectif d'intégration. Trente ans après, elle doit donc être réformée.

Intégrer une personne handicapée, c'est la considérer comme un être à part entière et lui donner la possibilité de choisir son mode de vie. Ce libre choix est garanti par la création de la prestation de compensation, pour laquelle il serait souhaitable de supprimer les conditions de ressources. Les modifications votées par le Sénat sur les conditions d'attribution de l'allocation adulte handicapé faciliteront la reprise d'une activité professionnelle, puisque le cumul avec des revenus provenant d'activité professionnelle est autorisé. J'avais du reste déposé, en décembre 2003, une proposition tendant à permettre le cumul de l'AAH avec les revenus du travail à temps partiel.

Les personnes souffrant d'un handicap ne peuvent être véritablement intégrées que si elles ont accès à tout, et d'abord à l'école : l'obligation pour l'éducation nationale d'accueillir tous les enfants, de préférence en milieu ordinaire, est réaffirmée. Pour cela, il sera nécessaire de disposer d'un nombre suffisant d'auxiliaires de vie scolaire, et de ménager davantage de passerelles entre le milieu ordinaire et les institutions médico-sociales.

Il est inadmissible que 26 % des personnes handicapées soient sans emploi. Pour y remédier, la formation continue est indispensable. Pour que les entreprises embauchent des personnes handicapées, la sanction financière infligée aux employeurs récalcitrants doit être suffisamment forte. La commission des affaires sociales a déposé un amendement en ce sens. Les entreprises pourront bénéficier d'une aide à l'aménagement au poste de travail, de même que les personnes handicapées qui souhaitent créer leur entreprise ou se mettre à leur compte.

La création d'un fonds pour les trois fonctions publiques va rendre la situation plus équitable. Désormais, les employeurs publics pourront être financièrement sanctionnés pour non-respect de l'obligation d'emploi, car l'Etat doit être exemplaire.

L'accès à l'école et à l'emploi ne pouvant se faire que si la cité tout entière est accessible, il est bon que le projet impose un délai de six ans pour rendre le cadre bâti et les transports complètement accessibles. Les contrôles par les commissions d'accessibilité devront être intransigeants.

Un mot sur le chapitre de la citoyenneté et de la participation à la vie sociale, ajout fait par le Sénat et dont je me réjouis. Une pleine citoyenneté suppose des bureaux de vote accessibles. A ce sujet, ne pourrait-on aller plus loin en autorisant le vote par internet, comme je l'avais proposé en 2001 ?

Les mesures qui nous sont soumises sont globalement positives mais quelques interrogations demeurent. En premier lieu, il n'est pas assez tenu compte de la diversité des handicaps, et des programmes d'action spécifiques auraient peut-être été plus judicieux. Ensuite, cinquante-deux renvois à des décrets, c'est beaucoup trop ! L'amendement adopté en commission visant à ce qu'ils soient publiés dans les six mois suivant la promulgation de la loi est donc essentiel.

Je soutiendrai, bien sûr, ce projet qui doit être encore amélioré par notre assemblée, mais qui, déjà, offrira aux personnes handicapées des chances supplémentaires d'épanouissement. Il était temps, car une société se juge au sort qu'elle réserve aux plus fragiles des siens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Hugon - Le projet relève autant d'un principe fondamental de notre République que d'un devoir moral absolu. Le chef de l'Etat l'a affirmé solennellement : la lutte contre le handicap est avec la lutte contre le cancer et l'insécurité routière l'une des trois priorités du quinquennat. Elle doit l'être pour chacun de nous, au-delà de nos appartenances politiques et philosophiques.

Le 30 juin 1975 déjà, Jacques Chirac, alors Premier ministre, avait fait voter une loi qui se traduisait par des progrès notoires pour les personnes handicapées. C'est l'honneur de ce gouvernement que de reprendre ce chantier. Notre devoir est d'aller beaucoup plus loin et d'élaborer ensemble un texte novateur et ambitieux. Le projet répond à cet objectif et ouvre de nouvelles voies. J'en retiendrai trois. D'abord, le texte vise à assurer aux personnes handicapées la compensation des conséquences de leur handicap. Elle doit permettre la prise en charge - au nom de la solidarité et non de l'assistance - des dépenses liées à leur situation, telles que l'achat de livres en braille, de chiens d'aveugles ou de fauteuils spécialisés, indispensables à leur mieux-être et à leur dignité.

Le principe du droit à compensation ne peut être subordonné ni à l'âge, ni au revenu. Qu'il me soit permis de me faire l'interprète des associations de non-voyants, pour lesquels une allocation forfaitaire est une priorité.

Ensuite, le projet vise à permettre la participation des personnes handicapées à la vie sociale. En clair, il s'agit d'obliger tous les services publics à leur rendre les lieux accessibles. Si je n'étais pas valide, Madame la ministre, je n'aurais pas accès à cette tribune ! Pourtant, le principe de l'accessibilité relève de l'égalité des chances et des droits, l'un des fondements de notre République. C'est vrai pour la scolarisation des enfants handicapés, qui doit pouvoir se faire au plus près de chez eux, c'est vrai aussi pour les étudiants handicapés, qui doivent être à même de poursuivre leurs études dans les conditions matérielles les meilleures. On se réjouira donc que le droit à l'éducation, à la formation professionnelle et à l'emploi des personnes handicapées constitue l'essence de ce projet.

De fait, le texte privilégie l'emploi en milieu ordinaire, chaque fois que cela est possible et il contribuera à responsabiliser plus fortement les employeurs. Mais si les entreprises sont, justement, mises à contribution, l'administration se doit de faire les efforts nécessaires et de montrer l'exemple, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Il est donc bien que les collectivités publiques participent à la création d'un fonds pour l'insertion professionnelle dans la fonction publique, signe manifeste d'un effort partagé exemplaire.

Enfin, le projet prévoit la création dans chaque département d'une maison des personnes handicapées, vouée à informer, conseiller et faciliter les démarches des personnes concernées.

Ces principes simples traduisent la volonté de rompre l'indifférence dans laquelle les personnes handicapées ont été trop longtemps maintenues par les pouvoirs publics et celle du Gouvernement de s'engager dans une démarche nouvelle, visant à faire prendre en charge les dépenses liées au handicap par la solidarité nationale.

Les déclarations du Président de la République et la volonté affichée du Gouvernement ont suscité un immense espoir chez les personnes handicapées et au sein de leurs associations, auxquelles je tiens à rendre hommage en les remerciant pour leur inestimable contribution à l'élaboration de ce texte. Peut-être considèrent-elles que nous ne sommes pas encore allés assez loin - mais qu'elles ne doutent pas de notre détermination, qui se traduit déjà dans ce texte. Ce projet marquera un nouveau départ. Il devra être très rapidement suivi d'autres mesures, tendant notamment à créer des structures d'accueil permettant aux citoyens handicapés de vivre à côté de leur famille, ce qui est, hélas, exceptionnel aujourd'hui.

Voter une loi, c'est bien, l'appliquer, c'est mieux. Je souscris donc sans réserve à la proposition de notre rapporteur et je veillerai scrupuleusement à ce que les décrets d'application soient pris rapidement et appliqués. J'aurai alors la fierté d'avoir soutenu votre action, Madame la ministre, en votant cette loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse - Alors même que nous débattons, la majorité des associations s'accorde à reconnaître le manque cruel d'audace de votre texte. Hier encore, réunies, elles ont dénoncé un projet a minima, sans ambition, aux moyens financiers décevants... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Il faut leur reconnaître le mérite de la franchise ! Mais comment pourraient-elles comprendre qu'au moment où un cadeau de plusieurs milliards va être consenti aux restaurateurs et aux buralistes, sans parler de la baisse scandaleuse de l'impôt sur les grands fortunes, l'« attention » portée aux personnes en situations de handicap va se traduire par une aide de 40 centimes par handicapé et par jour ? Où est le grand chantier dit prioritaire du Président de la République ?

Le verbiage de votre texte ferait pâlir plus d'un professeur de sémantique, mais les six millions de personnes handicapées qui vivent en France ont largement dépassé le stade de la compassion ou de la complaisance ! Le rapporteur l'a bien compris, qui a accepté d'importants amendements. Certains étant tombés sous le coup de l'article 40, un engagement financier du Gouvernement s'impose : il doit lever le gage, notamment en ce qui concerne les revenus d'existence, et témoigner ainsi d'une réelle volonté politique.

M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Elle existe !

M. Pascal Terrasse - En l'état, la prestation de compensation du handicap aura, et vous le savez, de lourdes conséquences sur les ressources de certaines personnes, puisqu'en raison de la grille d'évaluation, dont on a bien trop peu parlé, une aide différentielle sera versée, qui entraînera inévitablement une baisse de l'allocation de ressources pour certains, et des inégalités. En vérité, les droits pour tous et le plein accès à l'autonomie sont loin d'être acquis. Et comment redonner espoir à tous les salariés du secteur associatif et public qui, sans relâche, sont aux côtés des plus fragiles ? Le projet ne dit pratiquement rien à leur sujet. Quelle déception que ce nouveau rendez-vous manqué ! C'est vrai aussi lorsqu'il s'agit d'une meilleure intégration en milieu scolaire des élèves. Là encore, le verbiage technocratique le dispute à la faiblesse des engagements de l'éducation nationale. Aurez-vous le courage de revoir le système des contrats d'intégration ? Etes-vous disposée à engager une véritable politique de dépistage précoce de certaines pathologies en renforçant pour cela les moyens humains dans les établissements d'enseignement ? Tel n'est pas le cas, et nous le regrettons. Enfin, est-il normal que l'Etat applique une fiscalité si lourde aux matériels nécessaires aux personnes handicapées ? Une réduction du taux de TVA améliorerait pourtant immédiatement leurs conditions de vie...

M. le Rapporteur - On y vient !

M. Pascal Terrasse - De nombreuses associations ont bien du mal à comprendre le financement de votre texte, auquel une partie seulement de la population sera appelée à contribuer, comme pour mieux pointer du doigt celles et ceux de nos concitoyens qui entrent dans le champ du handicap (M. Guy Geoffroy proteste). Il y a une dichotomie flagrante entre la justesse de votre diagnostic et la réalité d'un texte que vous avez pris en cours de route comme pour mieux laisser les handicapés au bord du chemin (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Mansour Kamardine - La solidarité de la nation à l'égard de tous ses enfants est l'un des principes qui fondent notre République et c'est pour respecter ce principe que le législateur de 1975 a adopté une loi qui changeait le regard porté sur les personnes handicapées.

Pour le chef de l'Etat, la notion de citoyenneté nous engage à rendre à nos concitoyens handicapés toute leur place au c_ur de la cité et à leur permettre de jouir des droits fondamentaux, d'être soumis aux devoirs qui s'imposent à tous et de participer à la définition des choix publics. Le nouveau droit de prise en charge de la dépendance due au handicap doit être égal sur tout le territoire.

Je suis heureux de constater que le projet de loi qui nous est soumis apporte des réponses substantielles à cette préoccupation nationale, telles que le principe de non-discrimination dans l'accès à l'emploi, la prestation de compensation, les allocations spécifiques, l'intégration des handicapés dans le milieu universitaire ou l'amélioration de l'accueil et de l'information. En revanche, il ne se préoccupe pas suffisamment des populations des collectivités d'outre-mer soumises au principe de la spécificité législative, telles que Mayotte.

Si l'on comprend aisément qu'en la période agitée de 1975, le législateur n'ait pas cru devoir étendre la première loi d'orientation en faveur des personnes handicapées à Mayotte, il en va différemment en 2004, après l'inscription de Mayotte dans la Constitution. La loi injuste du handicap y frappe, ici aussi, des Français. Mayotte compte d'ailleurs la plus forte proportion d'enfants « de la lune », ces enfants qui ne peuvent en aucun cas être au contact des rayons du soleil. La population handicapée de l'île, environ 2 000 personnes, est pendant très longtemps restée totalement ignorée des pouvoirs publics. Heureusement, des associations se sont organisées. Leur engagement et leur travail au service des handicapés est remarquable mais nous continuons à manquer cruellement d'infrastructures et les moyens ne sont souvent pas à la hauteur de nos espérances. 96 € pour l'allocation adulte handicapé, 150 pour l'allocation simple personne âgée ou 24 pour l'allocation enfant handicapé : qui peut raisonnablement penser que ces sommes garantissent une véritable autonomie, sur une île où le coût de la vie est très élevé ? Et l'absence d'organismes spécifiques ne fait qu'aggraver la situation. Une modification de la législation, pour agréer l'association TOIOUSSI, est devenue indispensable. Pour cela, il faut étendre à Mayotte la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.

Mayotte ne peut, parallèlement, faire l'économie d'un institut médico-éducatif, d'un institut médico-pédagogique, d'un centre d'éducation motrice pour les handicapés moteurs et d'un hôpital de jour pour les maladies psychiatriques. Les adultes ne sont pas mieux lotis que les enfants : comme rien n'existe pour eux, ils sont livrés à eux-mêmes à l'âge de la majorité. Les efforts entrepris en direction des plus jeunes deviennent ainsi vains. La création de maisons d'accueil spécialisées, de foyers occupationnels sur le modèle métropolitain ou de structures telles que les centres d'aide par le travail, pour les plus autonomes, est devenue vitale.

Lors du débat sur la laïcité, la plupart des intervenants ont dénoncé un ascenseur social fondé sur la consonance du nom et la région d'origine. Le présent texte nous donne l'occasion d'offrir à nos compatriotes mahorais une égalité de chances devant le mauvais sort. En un mot, c'est une invitation à construire le droit des handicapés à Mayotte que je vous lance, Madame la ministre. Une nation évoluée se juge à la place qu'elle accorde aux plus fragiles, aux plus démunis, à ceux qui souffrent jusque dans leur chair. C'est l'honneur du gouvernement de Jean Pierre Raffarin, à qui je vous demande de transmettre toute notre gratitude, d'avoir présenté ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Daniel Garrigue - Dans une conjoncture financière difficile, ce projet marque une avancée considérable dans la reconnaissance des difficultés des personnes handicapées. L'élément essentiel est bien sûr le droit à compensation, qui prend en considération la diversité des handicaps et des projets des personnes handicapées. De nombreuses barrières ont ainsi été levées au cours de la préparation de ce texte : concernant l'âge, le taux d'incapacité ou le revenu d'origine professionnelle... Les progrès sont donc substantiels, même si toutes les attentes ne sont pas comblées. Il subsiste une interrogation sur la prise en compte du handicap psychique, qui exige une démarche d'accueil et d'accompagnement plus difficile à définir.

D'autres avancées considérables concernent la scolarité et l'emploi. L'éducation nationale, longtemps réticente à l'égard des enfants handicapés, a depuis quelques années accompli des progrès. Le présent texte ouvre la possibilité d'inscrire l'enfant dans l'établissement scolaire le plus proche. Mais ensuite, de nombreux enfants handicapés sont confrontés au problème de leur intégration dans la vie courante. La question de la préparation à la vie active, que ce soit dans le milieu courant ou en établissement, va donc prendre de plus en plus d'importance. Il faudra assurer une formation professionnelle sous différentes formes, y compris par l'apprentissage, et la réflexion sur ce sujet doit être approfondie.

Ce projet de loi est très exigeant pour l'accessibilité. En la matière, ce sont d'abord les collectivités territoriales qui devront mener la bataille. Je relève que de nombreuses associations refusent le choix entre accessibilité des transports publics et transport adapté : les finalités de ces deux formes ne sont pas les mêmes, et elles ne constituent pas une alternative. Les deux devraient coexister, au moins dans les agglomérations de quelque importance. Enfin, la création des maisons départementales des personnes handicapées est très positive. Le guichet unique est en effet un lieu clairement identifié. Mais, une fois encore, tout sera recentré sur les chefs-lieux de département. Il faudra veiller à ce que des antennes puissent être mises en place, au niveau communal ou cantonal.

Ce texte répond aux exigences légitimes des personnes handicapées et de leurs proches, qui deviennent de plus en plus l'ambition de l'ensemble des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marc Nesme - Aucune loi ne peut supprimer la souffrance des personnes handicapées et de leurs familles, mais il est de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement de l'atténuer et d'amener la société à se montrer plus humaine et plus juste. Le présent projet, après la loi de 1975, voulue par la même majorité, menée par MM. Giscard d'Estaing et Chirac, respectivement Président de la République et Premier ministre, constitue une nouvelle avancée. Il vise à garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie en améliorant leur participation à la vie sociale et en les plaçant au c_ur des dispositifs qui les concernent.

Les consultations que j'ai menées m'amènent à soulever quatre questions. La première concerne le revenu d'existence des personnes handicapées et la revalorisation de l'AAH. Le projet de loi propose qu'une partie des revenus d'activité soit exclue des ressources prises en compte pour l'attribution de l'AAH, tout en autorisant le maintien d'un complément pour les personnes exerçant une activité professionnelle. C'est une avancée incontestable, mais toute garantie doit être apportée sur le plan fiscal. D'autre part, l'AAH doit être revalorisée, pour atteindre le niveau du SMIC. L'AAH et la prestation de compensation venant en complément doivent assurer aux personnes handicapées les moyens d'une vie décente.

Deuxième point : la prise en considération à tout âge du handicap, du poly-handicap et de l'altération psychique et cognitive. Le projet de loi propose, pour la première fois, une définition globale du handicap. Il intègre ainsi dans le droit français la classification de l'OMS. Le handicap est la résultante d'une interaction entre toutes les déficiences, quelles qu'en soient la nature et la cause. On pourra ainsi sortir de la logique de catégorisation et des effets de seuil liés au taux d'invalidité. Ainsi, la compensation des incapacités deviendra universelle, sans limite d'âge ni de ressources. Le projet de loi donne une impulsion significative, qui mérite d'être confirmée lors de l'examen des amendements. Pour ce qui est de l'obligation d'intégration scolaire en milieu ordinaire, il me semble nécessaire d'organiser des formations spécifiques pour les enseignants. En ce qui concerne l'intégration professionnelle des personnes handicapées, notamment au sein des entreprises, qui devient une priorité, ne serait-il pas possible que chaque comité d'entreprise examine le reclassement des accidentés du travail et des personnes handicapées au sein de leur entreprise ? Il est intolérable que des personnes devenant handicapées soient licenciées pour inaptitude sans aucun espoir de retrouver un travail à l'extérieur. Et je crains qu'une augmentation - même importante - de la sanction financière ne soit inopérante, comme le prouve l'expérience.

Troisième point, les aides à domicile et les auxiliaires de vie. Le Sénat propose l'élargissement de leur recrutement, en dehors des associations d'aide, en prévoyant, pour ceux qui le désirent, un statut d'indépendant - compte tenu de la professionnalisation de ces interventions et de leur caractère éminemment sensible je m'interroge sur l'opportunité d'une telle évolution. Leur qualité est une garantie de bien traitance des personnes dépendantes. Veillons à préserver la noblesse des métiers d'aide aux personnes.

Quatrième point, la réduction des inégalités de traitement et de prise en charge. L'on constate en effet que d'un département à l'autre, l'offre de services aux personnes handicapées varie considérablement, de même que les modalités de financement des prestations de services, l'écart allant de 1 à 2,8. En outre, les inégalités territoriales sont amplifiées par l'insuffisance de l'offre de places, les besoins étant estimés à 40 000 places, avec des distorsions considérables d'un département à l'autre. La création d'un droit à compensation du handicap doit être complétée par la création d'un Observatoire national de suivi, chargé de rendre publiques les carences constatées et de proposer des solutions appropriées.

Ce projet de loi est bon, car il redonne espoir à tous ceux qui attendent depuis près de trente ans une meilleure prise en compte du handicap. Il jette les bases d'une architecture plus humaine, plus respectueuse des plus vulnérables. Il nous reste à présent à bâtir l'édifice dans les meilleurs délais et à prévoir les financements appropriés. Ce texte nous y invite et je le voterai (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Madame la ministre, vos propos et l'ensemble de nos travaux depuis hier - notamment en commission - témoignent d'une situation d'impréparation pour le moins préoccupante. Alors que les enjeux de ce débat sont posés depuis plusieurs semaines, les réponses apportées varient considérablement d'un texte à l'autre. C'est ainsi qu'à la faveur de la première loi de décentralisation, dans la nuit et en catimini, l'ensemble des compétences relatives aux personnes âgées et dépendantes ont été transférées de l'Etat ou de la sécurité sociale au département.

Et vos propos, Madame la ministre, ne viennent pas éclaircir une situation désormais bien confuse. Qu'a-t-on transféré ? Que reste-t-il à l'Etat ou aux caisses de sécurité sociale ? Nul ne peut le dire précisément ! Etes-vous par exemple en mesure d'affirmer que la maison du handicap restera bien dans le champ de l'Etat ? N'est-ce pas pour le moins contradictoire avec les dispositions de la loi relative aux responsabilités locales que votre majorité a adoptées ? Où est la cohérence de votre dispositif ?

M. Gérard Bapt - Et où sont les crédits ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - De même, vous avez décidé de créer une Caisse nationale de solidarité et d'autonomie, sans être aujourd'hui en mesure de nous préciser ce qu'elle a vocation à financer. Sera-t-elle en charge de la couverture du droit à compensation ?

Le flou dans lequel vous maintenez la représentation nationale sur des questions aussi essentielles n'est guère rassurant. Il n'est que temps de lever toute ambiguïté. Une infirmière libérale intervenant au domicile d'une personne à mobilité réduite pour l'aider à faire sa toilette doit savoir si ses actes seront couverts par l'assurance maladie ou s'ils seront considérés comme du paramédical relevant spécifiquement du handicap. Prenez garde aux conséquences de vos décisions. La séparation entre le médical et l'accompagnement social peut entraîner une cassure très profonde...

M. Pascal Terrasse - Parole d'experte !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Quant à la suppression de toute barrière d'âge pour l'exercice du droit à compensation, nous sommes dans l'improvisation la plus inconséquente...

M. Jean-Marie Le Guen - On peut même parler de bricolage !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Garantie hier, la suppression de toute barrière d'âge serait aujourd'hui compromise par la présentation de nouveaux amendements gouvernementaux. Il serait donc envisagé de revenir sur des dispositions que notre commission avait adoptées à l'unanimité.

Sachez, Madame la ministre, que nous sommes prêts à participer à une réflexion très approfondie sur les modalités d'exercice du droit à compensation. Las, il ne semble pas que soyez disposée à privilégier cette orientation raisonnable. (« Excellent ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - La parole est à Mme Christine Boutin (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse - N'applaudissez pas trop vite !

Mme Christine Boutin - Chacun connaît ma liberté de ton et mon indépendance d'esprit et je dois vous dire, Madame la ministre, que malgré toute l'amitié que je vous porte, votre texte ne me paraît pas à la mesure des attentes des personnes handicapées, notamment parce qu'il ne témoigne pas d'un nouveau regard porté sur les situations de handicap. Et si les travaux des sénateurs et de notre commission ont permis de l'améliorer, votre projet reste marqué par une vision du handicap vieille de près de trente ans. L'occasion nous était pourtant enfin donnée de progresser, en considérant que le handicap résulte moins des limites fonctionnelles liées à l'état physique d'une personne que de l'incapacité de son environnement à les compenser au mieux. Selon ces vues, il y a situation de handicap dès lors qu'une personne rencontre un obstacle, total ou partiel, dans l'accomplissement d'un acte de la vie quotidienne, personnelle ou sociale. Les conséquences qu'emporte une telle approche sont considérables.

Voyez l'accessibilité. Abaisser le seuil d'un trottoir ne profite plus exclusivement à la personne en fauteuil mais aussi au jeune en roller, à la ménagère qui traîne son chariot à commissions et à la mère de famille avec sa poussette ! (« Mais oui ! » sur les bancs du groupe socialiste).

L'accessibilité est un droit, car elle participe de la liberté fondamentale d'aller et de venir. Liberté, égalité, fraternité, accessibilité, telle devrait être la devise de notre République pour le siècle qui vient !

M. Jean-Marie Le Guen - On en est loin !

Mme Christine Boutin - Lutter pour la dignité des personnes handicapées et affirmer leurs droits, c'est aussi dépasser le clivage stigmatisant entre les personnes « valides » et les autres. Prenons conscience que le handicap nous concerne tous et qu'en résolvant les problèmes spécifiques des personnes handicapées, c'est le sort de chacun qu'on améliore.

Dans le monde du travail, plutôt que d'appliquer un système défensif de quotas, défendons le principe de l'entreprise « accueillante pour tous ». Il suffit d'un peu de volonté politique pour atteindre l'objectif.

Las, je le répète, ce texte ne tend pas à faire évoluer notre regard sur le handicap...

M. Pascal Terrasse - Quelle lucidité !

Mme Christine Boutin - Certes, l'idée de revenu universel en application du principe du droit à compensation constitue une belle avancée, qui s'inscrit du reste dans le droit fil de mon rapport au Premier ministre de septembre 2003 sur l'isolement et la cohésion sociale...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Très bon rapport !

Mme Christine Boutin - La création d'un revenu d'existence, accordé à tous, sans condition d'âge ni de ressources, est une nouvelle déclinaison du droit à compensation d'un handicap. C'est pourquoi, il faut renoncer, Madame la ministre, à toute condition d'attribution. Seule une loi fondée sur une conception moderne de la personne et de son insertion dans la vie sociale serait à la hauteur des enjeux qui concernent la vie quotidienne de toutes les personnes dont l'autonomie est réduite et celle de leur entourage.

Tel est le sens des amendements que je défendrai (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP ; « Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Robert Lecou - Bien des lois pleines de bonnes intentions n'ont pas eu les effets escomptés et ont même parfois été suivies d'effets pervers, à tel point que nous nous demandons parfois s'il est opportun de légiférer. Pour ce qui est du présent texte, nous ne pouvons pas douter. Que de changements en effet depuis la loi fondatrice de 1975 sur le handicap ! Si nul ne peut contester l'utilité de cette loi en son temps, nul ne peut nier non plus qu'elle a besoin d'être profondément revue. C'est l'honneur de notre société que de faciliter l'insertion des personnes handicapées, c'est le devoir de chacun d'entre nous que de favoriser une reconnaissance mutuelle. Il nous faut changer le regard sur le handicap, c'est précisément ce que permet ce projet de loi.

Député d'une circonscription où l'on dénombre plusieurs centres d'aide par le travail, plusieurs instituts médico-éducatifs et de rééducation, où a été créé à Fabrègues un collège pilote en matière d'accessibilité aux handicapés, j'ai souhaité m'appuyer sur toutes ces expériences de terrain et écouter les professionnels et les associations qui aident au quotidien les handicapés. Je tiens ici à saluer tous ceux qui ont contribué à enrichir ma réflexion.

Ce projet de loi non seulement définit le handicap, mais ouvre de nouveaux droits aux personnes handicapées, et en favorisant l'évolution des mentalités, améliore leurs conditions de vie. La reconnaissance d'un droit à compensation du handicap représente un grand pas en avant, de même que la création des guichets uniques que seront les maisons départementales des personnes handicapées. Enfin, l'alignement des administrations sur les entreprises privés en matière d'embauche de personnes handicapées met un terme à une situation injuste et anormale. Ce sont là autant d'avancées conformes aux demandes des associations.

Pour autant, il faut aller plus loin. C'est dans cet esprit que nous avons déposé de nombreux amendements. Il faut ainsi reconnaître l'universalité du droit à compensation, et, partant, supprimer toute condition d'âge et de ressources.

De même, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, née de la fusion dans chaque département de la CDES et de la COTOREP, dont le Sénat a déjà utilement précisé la composition, doit associer le médecin traitant de la personne handicapée afin de garantir la meilleure orientation possible.

L'accueil des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire doit être la règle, sauf nécessité médicale contraire. Un habitant de ma circonscription, père d'un enfant autiste, me faisait ainsi récemment part des importants progrès réalisés par son fils scolarisé dans une classe ordinaire, ce qui d'ailleurs profite à l'ensemble de la classe et change le regard de tous sur la personne handicapée. La réussite d'un tel projet éducatif exige toutefois l'accord préalable des parents, des médecins, de l'enseignant et de toute l'équipe éducative. Les enseignants doivent également recevoir la formation nécessaire et bénéficier de mesures d'accompagnement.

Cet objectif de scolarisation en milieu ordinaire ne doit pas conduire à relâcher l'effort en matière de créations d'établissements adaptés, lesquels restent parfois la seule solution. Le manque de places est aujourd'hui criant : ainsi, dans l'Hérault, qui compte 17 établissements spécialisés, on recensait au 1er novembre 2003, 417 demandes d'admission non satisfaites.

Il faudra enfin, Madame la ministre, veiller à la publication rapide des décrets d'application de cette loi.

Ce texte, qui a le mérite, après celui de 1975, de faire avancer la cause des handicapés, sera incontestablement une grande loi, notamment si nous pouvons l'améliorer par voie d'amendement. En témoignage de mon espoir, je voudrais seulement dire les attentes d'Yvan, Noëlle, Max et Eliott, et ce que me rappelle Pierre dans un courrier électronique venant de Ganges : « Une petite modification permet parfois de grandes choses. » Puisse cette loi, au-delà des droits nouveaux qu'elle créera, briser des solitudes, favoriser l'évolution des mentalités et aider les personnes handicapées à dépasser leur handicap (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Claude Greff - Ce texte ambitieux répond au souhait exprimé, dès 2002, par le Président de la République de faire du handicap l'un des trois grands chantiers du quinquennat. Je me félicite de pouvoir le voter, en ce qu'il apporte une réponse digne et pertinente à la question du handicap, laquelle n'avait plus été traitée depuis la loi de 1975.

Garantir l'autonomie des personnes handicapées, c'est leur donner toutes les chances de participer à la vie sociale, d'exercer pleinement leur citoyenneté, leur permettre, en un mot, d'être, comme vous et moi, les acteurs de leur destin. Avec la reconnaissance du droit à compensation, attendu depuis longtemps par les personnes handicapées et leurs familles, ce projet de loi représente un pas en avant considérable. C'est une question de solidarité nationale que de permettre aux handicapés d'être des citoyens à part entière.

La prestation de compensation, destinée à prendre en charge les surcoûts induits par le handicap, quelle qu'en soit l'origine, va bien au-delà de l'actuelle allocation compensatrice, qui ne répond aux besoins qu'en matière d'aide humaine.

La condition des personnes travaillant en CAT sera aussi améliorée puisque leur sera désormais garantie, comme à tout salarié, la rémunération de leur période d'essai.

L'expérience le montre, l'accès à l'école est un facteur déterminant de la participation à la vie sociale pour les enfants handicapés. Il était impératif de modifier la loi de 1975 afin que l'obligation d'intégration scolaire en milieu ordinaire devienne, enfin, réalité. Chaque enfant doit pouvoir être suivi dans le cadre d'un projet individualisé, élaboré avec ses parents et les enseignants. Ceux-ci doivent bien entendu être formés à l'accueil d'élèves handicapés. Nous ne pouvons que nous féliciter des dispositions du texte en ce sens.

Comment préparer au mieux l'avenir d'un enfant handicapé ? Marie-Thérèse Boisseau, dont je salue l'action, avait favorisé le recrutement d'assistants de vie scolaire. Notre collègue Pierre Cardo avait déposé une proposition de loi relative à l'intégration des étudiants handicapés. Aux difficultés physiques et morales qui peuvent naître du handicap, n'ajoutons pas en effet de barrières invisibles mais ô combien pernicieuses. Que ce grand chantier présidentiel ait été lancé fait qu'aujourd'hui la présence d'enfants handicapés dans des classes ordinaires est considérée comme naturelle. Il faut s'en féliciter : c'est le signe d'une société fraternelle et solidaire.

Le projet de loi insiste sur une autre question essentielle, celle de l'accessibilité effective de tous les lieux publics. Combien de difficultés rencontrées en effet par les personnes qui se déplacent en fauteuil roulant ! Les communes devront bien sûr faire des efforts pour que les établissements recevant du public soient tous accessibles aux handicapés. Mais, j'y insiste, il s'agit là de solidarité nationale. Les coûts induits doivent être acceptés de chacun d'entre nous.

Solidaires des personnes handicapées, de leurs familles, des associations qui les aident, nous sommes heureux de participer à l'élaboration de cette grande loi de solidarité, qui permettra à tous de mieux vivre ensemble (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - Chacun d'entre nous ne peut que reconnaître le retard de notre pays en matière d'égalité des chances pour les personnes handicapées...

Mme Claude Greff - Vous avez été au pouvoir pendant des années !

M. Jean-Marie Le Guen - Vous oubliez que le Président de la République en est à son deuxième mandat et qu'avant d'occuper ces fonctions, il a été à une époque Premier ministre ! Je ne souhaitais pas polémiquer sur ce grave sujet du handicap.

Ce projet de loi était attendu des personnes handicapées elles-mêmes, de leurs familles, des associations et des professionnels, mais aussi de nos concitoyens, pour qui le handicap et l'insertion des handicapés sont devenus un réel sujet de préoccupation.

Par ce projet, vous prétendez donc satisfaire une demande sociale de plus en plus forte en exauçant le v_u émis par le Président de la République de faire de l'intégration des handicapés un des trois grands chantiers de son quinquennat. Malheureusement, ce texte manque cruellement d'ambition et est bien loin de constituer la réforme radicale attendue par tous. Sur certains points, il conduira même à des régressions : ainsi sur le principe de la compensation, qu'il définit de façon plus restrictive que la loi de modernisation sociale de janvier 2002. Alors que cette compensation devrait être versée à tous sans condition d'âge et sans considération de la nature du handicap, vous refusez la prestation prévue aux moins de vingt ans comme aux personnes âgées, qui ne pourront bénéficier pour les uns que de l'allocation spéciale d'éducation et pour les autres que de l'APA. Mais cette insuffisance de la loi est également sensible en ce qui concerne l'information et l'accueil, ou encore le financement des maisons d'accueil, renvoyé à une Caisse de solidarité et d'autonomie aux contours bien incertains.

S'agissant de l'insertion professionnelle, nous ne pouvons guère nous satisfaire des politiques incitatives actuelles. Puisque le président du Medef considère que la santé ne concerne que l'Etat, qu'elle n'est plus l'affaire des entreprises, ne faudrait-il pas en tirer les conclusions qui s'imposent ? Jusqu'ici, nous avons trop souvent accepté, sous l'influence des entreprises, une vision quelque peu paternaliste. Saisissons donc la balle au bond et affirmons la responsabilité de l'Etat ! Puisque le Président de la République entend créer une autorité indépendante chargée de combattre les discriminations, prenons toutes dispositions pour attaquer en justice les entreprises auteurs de discriminations à l'encontre des handicapés ! Il est temps qu'à une culture de la compensation succède une culture de l'exigence...

Les maisons départementales des personnes handicapées regrouperont les différentes commissions existantes mais on peut s'interroger sur leur avenir au vu d'un budget pour 2003 bien réduit pour les COTOREP. Surtout, les polyhandicapés sont les grands oubliés de ce projet. Aux termes de la loi sur les malades, les parents ne peuvent obtenir réparation qu'au titre de leur seul préjudice propre, la compensation des charges résultant du handicap de leur enfant relevant exclusivement de la solidarité nationale. Mais comment ces familles seraient-elles rassurées quand on voit le traitement accordé à la Caisse nationale de solidarité et d'autonomie ?

Le titre de ce projet est bien loin de correspondre à son contenu. Ce texte ne permettra pas aux personnes handicapées de participer pleinement à la vie de notre société. Il affirme de bonnes intentions, mais il n'est qu'une coquille vide. Cela étant, nous ne sommes qu'au début de la réflexion : puissent le Gouvernement et la majorité explorer les pistes que j'ai indiquées et, notamment, reconnaître le rôle essentiel de l'insertion professionnelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marie Geveaux - Près de trente ans après la loi fondatrice de 1975, la nation va donc, sous l'impulsion du Président de la République, se préoccuper comme il convient des personnes handicapées. Point d'orgue du troisième grand chantier ouvert par le chef de l'Etat, ce projet est porteur d'espoirs que nous ne devons en aucun cas décevoir. Les handicapés ont trop souvent été oubliés et laissés aux seuls soins de leurs proches et il reste par conséquent beaucoup à faire pour qu'ils ne se sentent plus seulement objets de la solidarité, pour qu'ils s'éprouvent comme étant les égaux de tous.

Nos collègues sénateurs, puis notre commission, animée par un excellent rapporteur, ont notablement amélioré ce projet : en particulier, le handicap a été redéfini et la barrière de l'âge a été levée pour l'attribution de la prestation compensatoire, ce qui devrait conférer à celle-ci un caractère réellement universel, si le Gouvernement en est, comme je l'espère, d'accord. D'autres avancées ont été faites en ce qui concerne la scolarisation et l'accessibilité. Cependant, il faut y insister, pour les personnes handicapées, le problème majeur demeure l'emploi. Soyons conscients que le handicap peut nous atteindre tous à tout moment et faisons tout ce qui est possible pour améliorer la vie de ceux qui en sont frappés. Ils nous donnent si souvent des leçons de ténacité, de courage et de lucidité qu'ils nous aideront à nous transformer nous-mêmes à notre tour, à élargir notre regard et notre c_ur, en bref à grandir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Marty - L'an passé, les débats sur le handicap ont été nombreux et j'y ai participé dans ma circonscription, en présence du délégué interministériel, avec le souci de présenter les expériences menées, d'aider les acteurs à se grouper en réseau et de doter d'un lieu d'échanges les familles et les professionnels. Deux témoignages m'ont particulièrement frappé : d'abord celui de parents d'une petite fille de trois ans et demi, handicapée à la naissance en raison d'un accident vasculaire cérébral survenu pendant la grossesse. Cette famille a eu toutes les difficultés du monde pour se procurer l'équipement nécessaire : refus de rembourser un siège spécial pour la voiture et le matériel assurant la mobilité de cette petite Tina, nécessité de remplir une multitude de dossiers et de relancer sans cesse l'administration, obligation de prendre sur le temps de travail pour conduire l'enfant chez les professionnels de santé... L'autre cas est celui d'une maman dont le fils est placé dans une maison d'accueil spécialisé, à 140 kilomètres de son domicile : en raison de conflits avec cet établissement, elle a le plus grand mal à accueillir son fils chez elle.

Les insuffisances sont donc patentes et ce projet constitue indéniablement une avancée. Il affirme notamment le droit à la solidarité de toute personne handicapée et, à ce propos, la polémique ne devrait pas être de mise : l'honneur de la politique est de protéger les plus fragiles. Mais il conviendrait aussi de faire de ce droit à la solidarité un droit universel et, à mon tour, j'insisterai pour que toutes les personnes handicapées en bénéficient sans condition de ressources.

La moindre aide requérant des familles de trop nombreuses démarches, des simplifications s'imposaient. Mais, puisque les COTOREP ont souvent été présentées comme des tribunaux du handicap, veillons, de grâce, à ce que le guichet unique ne se transforme pas à son tour en un système bureaucratique.

Enfin, s'agissant de l'insertion professionnelle, nous ne pouvons indéfiniment tout demander à l'entreprise privée. La fonction publique doit se montrer exemplaire et, lorsque des collectivités ne feront pas l'effort indispensable, je suggère qu'on prélève une partie de la DGF qui leur est allouée pour la consacrer à l'accueil des handicapés dans cette même fonction publique (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Ce projet marquera donc plusieurs progrès importants mais, pour que se réalisent les espoirs qu'il suscite, les conditions de son application seront déterminantes. Votre rôle sera donc essentiel, Madame la secrétaire d'Etat. Pour ma part, je vous fais confiance pour permettre aux handicapés de concrétiser leurs projets de vie en exploitant pleinement toutes leurs potentialités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Liebgott - Le président Ayrault regrettait tout à l'heure le peu de considération accordé au Parlement. Sur un sujet aussi important, nous aurions en effet souhaité un meilleur traitement : ne venons-nous pas de découvrir que le Gouvernement avait déposé des amendements de dernière minute, d'ailleurs bien critiquables puisque, s'agissant de la compensation, ils prévoient un plafond de ressources fixé par décret ? Une fois de plus, la technostructure l'emporte !

D'aucuns ont rappelé que la loi de 1975 avait été adoptée sous la pression des associations, dont l'action inlassable mérite une fois encore d'être saluée. C'est vrai, les politiques n'ont pas à s'approprier ce qui est issu du mouvement social.

Deux enjeux majeurs s'imposaient à nous : sortir le handicap d'une définition strictement thérapeutique, et le replacer dans un contexte plus général. Or, sur ce point, le projet n'est pas satisfaisant, d'autant que les moyens accompagnant sa mise en _uvre sont sujets à caution.

Sur le droit à compensation, réfléchissons un instant : imagine-t-on un salarié entrant dans un métier sans aucune perspective de progression de carrière durant trente ans ? Il en va ainsi du droit à compensation, qui au reste n'est pas universel. Déplorons également le recours excessif aux dispositions réglementaires. La loi est-elle à ce point dévaluée qu'il faille s'en remettre constamment au règlement ? Ne sommes-nous donc pas capables, ici, de changer la vie quotidienne ? Monsieur le rapporteur, comment pouvez-vous continuer à vous battre alors que le Gouvernement que vous soutenez renvoie systématiquement aux décrets, nous mettant ainsi devant le fait accompli, comme presque toujours dans le domaine social ?

« Bercy ne veut pas », nous oppose-t-on sans cesse. C'est bien ce que nous craignons en l'espèce, alors que sévit le manque de places en établissements et que les COTOREP sont engorgées. 52 000 enfants handicapés sont scolarisés en milieu ordinaire, mais vous supprimez des postes de surveillants et d'enseignants. Comment faire mieux avec moins de personnels ?

Nous aurions souhaité qu'une grande loi sur le handicap soit comme une oasis dans le désert social qu'organise le Gouvernement. J'espère du moins que le travail du Parlement permettra d'améliorer un peu le texte, mais nous n'en attendons pas de vraies solutions aux drames endurés par les handicapés et leurs familles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées -Je remercie tous les députés qui ont participé à cet échange nourri et dense. La qualité des propos tenus à la tribune m'a touchée. Beaucoup parmi vous ont choisi d'illustrer la diversité de situation des handicapés par des témoignages précis, souvent issus du terrain, au contact des associations auxquelles nous rendons tous hommage. MM. Nesme et Marty ont ainsi exposé des exemples touchants, ainsi que Mme Grosskost. Louis Cosyns a insisté sur le cas peu évoqué des traumatisés crâniens, Daniel Garrigue et Jean-Marie Geveaux ont traité de l'autisme, Mansour Kamardine a attiré l'attention sur le cas si particulier, à Mayotte, des « enfants de la lune », et Catherine Génisson sur celui des malentendants. Permettez-moi d'accorder une mention particulière à Mme Boutin, qui s'est exprimée avec le c_ur qu'on lui connaît.

D'autres orateurs ont choisi de s'avancer sur un terrain plus polémique, voire politicien, en s'interrogeant sur le financement des mesures proposées, comme s'ils ignoraient qu'un texte précédemment voté ici comportait le financement du droit à compensation. Nous avons parfois ressenti le propre doute éprouvé par certains d'entre vous, qui usaient de périphrases pour ne pas désigner par son nom le handicap, et ainsi éluder l'action nécessaire. Mieux vaut nous appuyer sur les expériences de terrain où nous nous retrouvons unis pour faire face à des situations brûlantes, sans songer d'abord si nous sommes de gauche ou de droite ; là, c'est l'action qui guide nos pas.

Nombre d'entre vous ont traité de la recherche, de l'accès aux soins, et de l'articulation du projet avec la loi de santé publique. Claude Leteurtre, Louis Cosyns et d'autres se sont exprimés dans ce sens.

Vous avez insisté sur un point en effet crucial, le droit à compensation. Je vous ai entendus, et le texte répondra à vos attentes sur la suppression des barrières d'âge (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Je salue la contribution de Geneviève Lévy, qui nous a éclairés sur la notion, en effet fondamentale, de chaîne d'accessibilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Je n'oublie pas l'accès au système éducatif dont a parlé Marie-Renée Oget, en lui indiquant qu'il faut s'interroger sur le médiocre succès du dispositif Handiscol. Yvan Lachaud a fait valoir l'importance de la scolarisation, pour l'enfant handicapé lui-même et pour toute la société, qui doit apprendre à regarder autrement le handicap. Catherine Génisson a présenté d'intéressantes remarques sur les temps scolaires pour les enfants malentendants. L'école saura en tirer profit pour combattre l'échec scolaire.

S'agissant de l'emploi, vous avez tous souligné la nécessité pour le secteur public, et en particulier pour les collectivités territoriales, de s'engager résolument dans la voie de l'embauche...

M. Daniel Paul - Et aussi pour l'Etat !

Mme la Secrétaire d'Etat - Sans aucun doute ! Le projet présente dans ce domaine des avancées importantes. Au-delà, il faudra agir, et nous aurons à en reparler.

Daniel Paul a raison : cumuler chômage et handicap est une lourde discrimination. Le taux de chômage de longue durée pour les handicapés est en France particulièrement scandaleux.

Sur les maisons du handicap, Jean-Pierre Dupont nous a proposé d'aller voir les expériences réalisées dans son département. L'idée d'un voyage en Corrèze est toujours séduisante (Sourires), et il est indispensable de confronter les expériences de terrain pour mieux répondre aux besoins de simplification et de proximité exprimés par le monde du handicap.

Quant au supposé manque de concertation avec les départements qui m'a été reproché, il n'est pas de mise, puisqu'elle a bel et bien été engagée.

Je ne reviendrai pas sur le financement du projet, car je m'en suis déjà largement expliquée.

Je tiens à la disposition de Mme Bello, qui m'en a fait la demande, les données détaillées de la programmation prévue à La Réunion. Le Gouvernement est conscient du retard considérable accumulé, et il a la volonté de le combler. Et que M. Kamardine en soit convaincu : la situation de Mayotte n'est pas davantage oubliée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

Mme Muguette Jacquaint - La loi de 1975 est considérée comme fondatrice en matière de solidarité nationale à l'égard des personnes en situation de handicap car elle a créé des droits, des services, des prestations et des institutions. Elle a ensuite été complétée pour faciliter leur accès à l'emploi, à l'éducation, aux lieux publics et à leurs habitations. L'obligation de solidarité nationale a été renforcée par l'affirmation d'un droit à compensation du handicap dans la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. Pourtant, les personnes en situation de handicap et les associations qui les représentent ne cessent d'appeler l'attention sur les difficultés qu'elles continuent d'affronter. La société se doit de les aider à les surmonter. Or, les évaluations successives de la loi de 1975 montrent que l'effort de la collectivité demeure davantage orienté vers la protection et l'assistance que vers l'intégration professionnelle et sociale. De plus, le dispositif administratif et financier en vigueur, gravement déficient, ne répond pas aux intentions du législateur.

De fait, l'accès à l'emploi reste un objectif très imparfaitement atteint, l'intégration des personnes handicapées demeure largement insatisfaisante et les politiques prévues en leur faveur reposent sur des moyens en tous points insuffisants.

Au niveau européen, toutes les politiques menées en direction des personnes handicapées, s'appuyant sur la déclaration des droits des personnes handicapées de 1975 et sur la résolution de l'assemblée générale des Nations unies de 1993, font référence à l'égalité des chances et, en décembre 1996, le Conseil de l'Union européenne invitait les Etats membres à la promouvoir. Par ailleurs, en décidant d'instituer 2003 « Année européenne des personnes handicapées », le Conseil se donnait comme objectif de sensibiliser la population de l'Union aux droits des personnes handicapées et de chercher à les promouvoir conformément aux conclusions adoptées par la conférence sur la politique des personnes handicapées qui s'est tenue à Madrid en mars 2002. Pour permettre l'intégration sociale des personnes handicapées, une approche fondée sur la lutte contre les discriminations était alors proposée.

Malheureusement, le projet ne reprend pas ces orientations, et il existe un important décalage entre son exposé des motifs, ambitieux, et le texte proprement dit, dont les associations, les instances consultatives et les organismes de protection sociale s'accordent à dénoncer le manque d'envergure. Tous disent leur déception.

Pour commencer, le texte donne du handicap une définition archaïque. La référence prééminente à la « déficience », euphémisme pour infirmité, est inacceptable car elle est fondée sur une conception médicale dépassée. Nous ne comprenons pas votre obstination à vous affranchir arbitrairement de la définition donnée du handicap par l'OMS, qui le décrit comme étant le résultat d'une interaction entre les déficiences physiques, sensorielles, mentales ou psychiques entraînant des incapacités plus ou moins importantes, renforcées par un environnement inadapté ou inaccessible.

Auriez-vous retenu cette définition que vous auriez permis d'en finir avec la catégorisation et l'aide sociale, dont les effets pervers sont la stigmatisation et la marginalisation. Seule cette acception universelle permettrait d'éviter des effets de seuil liés à la prise en compte des taux d'invalidité, de l'âge ou des conditions de ressources. Mais, en l'état, votre texte ne permettra pas de restaurer la dignité des personnes en situation de handicap qui vivent dans la pauvreté, la dépendance ou la réclusion, et pas davantage d'accroître leur participation à la vie sociale. Comment le pourraient-elles, si leurs revenus sont encore inférieurs au SMIC ? Les plus pauvres demeureront marginalisés car, sans autonomie financière, quel projet de vie est possible ?

Votre texte ne permettra pas non plus d'améliorer l'accessibilité aux lieux essentiels à la vie publique, ni la participation à la vie économique et sociale, si bien que les discriminations à l'encontre des personnes en situation de handicap perdureront.

Quant au droit à compensation, il doit être universel. Il suppose à la fois un droit à l'aménagement de l'environnement domestique, scolaire, professionnel et urbain, l'accessibilité aux moyens de transport et de communication courants, les aides techniques et humaines indispensables, mais aussi la prise en compte des besoins et des charges des familles.

Certes, le projet rend les obligations d'accessibilité plus strictes pour les constructions neuves et impose des travaux dans les bâtiments déjà existants. Cependant, les possibilités de dérogations pour des motifs techniques, architecturaux et économiques laissent à penser que l'accessibilité deviendra encore davantage facultative, pour les nouvelles constructions, que maintenant ! Vous donnez une base légale à l'absence de mise en accessibilité !

Certes, le texte renforce la responsabilité de l'Etat et des collectivités territoriales en matière d'insertion professionnelle des travailleurs handicapés, et c'est une véritable avancée. Toutefois, il n'est pas conforme à la directive européenne relative à l'emploi et n'est pas suffisamment coercitif. Le fait de ne pas procéder à des aménagements raisonnables du poste de travail en fonction des besoins de la personne n'est pas expressément considéré comme une discrimination indirecte. De même, aucun article n'est consacré en particulier à la formation continue des personnes en situation de handicap. Mais sans une qualification professionnelle reconnue, l'insertion restera, pour ces personnes, un vain mot !

Certes, la mise sur pied d'un guichet unique constitue aussi une avancée : la multiplicité des interlocuteurs crée aujourd'hui un véritable parcours du combattant. Pourtant, nous craignons qu'une seule équipe pluridisciplinaire par département soit insuffisante pour évaluer l'ensemble des besoins - je pense en particulier au traitement des dossiers COTOREP ou aux placements. Nous craignons aussi que l'évaluation des besoins de compensation ne se fasse d'une façon tout à fait déshumanisée, qui serait absolument contraire au but poursuivi.

Enfin, pour soutenir réellement l'égalité des chances, de nombreuses associations demandent à ce que le plan de la loi soit révisé, afin de mieux articuler le préambule et les dispositions générales. Un plan cohérent serait passé d'une définition acceptable aux principes d'accessibilité et de compensation, puis à la reconnaissance des droits des personnes en situation de handicap, et enfin aux modalités de mise en _uvre et de programmation des actions.

Le Président de la République avait posé, le 14 juillet 2002, l'insertion des personnes en situation de handicap comme l'un de ses trois grands chantiers, aux côtés de la sécurité routière et de la lutte contre le cancer. Le projet de loi n'est pas à la hauteur de cette ambition. Au regard de tous les arguments évoqués, il mériterait d'être renvoyé pour examen en commission. La dernière réunion de celle-ci n'a-t-elle d'ailleurs pas remis en cause les dispositions concernant les barrières d'âge et de ressources ? Aucune garantie n'a été apportée, sur ce point, malgré les assurances du ministre. Je vous demande donc de voter ce renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Mme la Secrétaire d'Etat - Madame Jacquaint, vous posez une question d'importance : celle de la structure des minima sociaux. Mais elle ne relève pas de la logique du texte ! J'entends bien vos arguments sur les ressources des personnes handicapées, mais je ne peux vous suivre. Certes, pour assurer à la personne handicapée le libre choix de son projet de vie, le droit à compensation vise à prendre en compte tous les obstacles qui s'y opposent, et la question des ressources est évidemment liée, mais il s'agit de deux niveaux différents. Le droit à compensation est une avancée considérable par rapport à la situation actuelle, puisqu'il s'ajoute aux ressources de la personne handicapée. Il serait regrettable de ne pas l'instaurer.

Vous avez évoqué des arguments forts en ce qui concerne la situation des personnes handicapées. Nous les comprenons et nous sommes là pour en débattre. Mais vous vous fondez sur ces mêmes arguments pour justifier un renvoi en commission, alors même que le temps presse de faire évoluer la situation ! Les personnes handicapées et les associations elles-mêmes nous demandent d'agir ! Vous comprendrez donc que je ne puisse vous suivre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-François Chossy, rapporteur - J'ai l'impression, en écoutant l'opposition, que nous n'avons pas lu la même chose.

Mme Muguette Jacquaint - Les associations et nous avons lu la même chose !

M. le Rapporteur - La commission a travaillé de façon consciencieuse, et dans une excellente ambiance. Elle s'est réunie sept fois, pour examiner 850 amendements, dont 312 ont été acceptés : 237 du rapporteur, 32 du groupe UMP, 14 du groupe socialiste, 13 du groupe communiste, 5 du groupe UDF et 11 du Gouvernement. Et encore, certains des amendements du rapporteur ont-ils été cosignés par des membres des groupes socialiste, UMP, communiste ou UDF. Ce soir, à 21 heures, se déroulera une autre réunion de la commission (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Martine David - Ce n'est pas sérieux !

M. le Rapporteur - Nous y examinerons notamment un amendement du Gouvernement exposant les modalités et les délais de la suppression des barrières d'âge, qui répond à un reproche fréquent, et inutile (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), de l'opposition. Madame la ministre a assuré que ce verrou sauterait, mais cela prendra du temps : cela ne se fera pas d'un coup de baguette magique !

Ce texte a été travaillé, épluché, amendé en commission. Il a beaucoup évolué. Je vous demande donc de refuser le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrice Martin-Lalande - L'orateur du groupe communiste et républicain a annoncé cette nuit qu'il n'était pas favorable à ce projet de loi.

Mme Muguette Jacquaint et M. Daniel Paul - En son état actuel !

M. Patrice Martin-Lalande - Cette motion, après votre vote en faveur des deux précédentes, est donc parfaitement logique : tout ce qui peut retarder ou empêcher l'adoption de ce texte sera utilisé. Mais Daniel Paul affirmait que notre ambition devait être de franchir de nouvelles étapes, de répondre aux aspirations et de faire entrer de plein droit les personnes handicapées dans tous les aspects de la vie économique et sociale : c'est justement ce à quoi aspire ce texte ! Pourquoi refuser de prendre acte dès maintenant des avancées considérables qu'il contient ?

Les parlementaires ont reçu de nombreuses communications, très intéressantes, des associations. L'une des plus grandes d'entre elles recense les avancées de ce texte - sans cacher du reste qu'elle attend des améliorations. En premier lieu, il y a « l'accès à tout pour tous » : les établissements recevant du public, les bâtiments d'habitation collectifs et les transports devront être rendus accessibles, le prix du transport adapté devra être identique à celui du transport urbain et les aides publiques seront subordonnées à ces travaux d'accessibilité. Les bureaux et techniques de vote devront par ailleurs être accessibles. En matière de scolarité ensuite, le droit à une scolarité ordinaire est affirmé. Les enfants handicapés seront inscrits dans l'école la plus proche de leur domicile, ou dans un établissement spécialisé en tant que de besoin. S'ils ne peuvent accéder à l'école la plus proche, les surcoûts seront pris en charge pour la commune, le département ou la région. Une formation spécifique sera dispensée aux enseignants et à l'ensemble du personnel.

En matière d'emploi, les proches qui assistent la personne handicapée pourront bénéficier d'aménagements d'horaires individualisés et un fonds pour l'insertion dans les trois fonctions publiques sera créé.

A l'instar des salariés du secteur privé, les fonctionnaires pouvant justifier de trente ans d'activité et d'un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 % pourront bénéficier d'une retraite à taux plein dès 55 ans. Les partenaires sociaux sont désormais obligés de prendre en compte la formation et la promotion interne des personnes en situation de handicap dans leur négociation annuelle. Il n'existe plus désormais que deux orientations possibles, le secteur médico-social - les CAT - et le marché du travail. Les ateliers protégés deviennent...

Mme Muguette Jacquaint - Ce n'est pas une explication de vote !

M. Patrice Martin-Lalande - ...des entreprises adaptées et occupent toute leur place dans le milieu ordinaire du travail. En matière de CAT, les personnes bénéficient de nouveaux droits - congés, validation des acquis de l'expérience et droit au retour. Le droit à compensation constitue aussi une avancée majeure. La prestation afférente permettra de dédommager les aidants familiaux, de financer les aides techniques, d'aménager le logement ou le véhicule ou de bénéficier d'aides spécifiques, notamment animalières. Elle ne sera soumise à aucun recours en récupération (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Les associations se félicitent également de l'amélioration des conditions de cumul...

Mme Martine David - La discussion générale est close !

M. Patrice Martin-Lalande - ...entre les revenus d'activité professionnelle et l'AAH. Enfin, chaque maison départementale des personnes handicapées organisera l'information et l'accès au droit des personnes en situation de handicap (Mêmes mouvements). Cela semble ennuyer certains que l'on rappelle les avancées que les associations elles-mêmes ont tenu à souligner !

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Patrice Martin-Lalande - Les auteurs de la motion de renvoi fondent leur demande sur le fait que le projet de loi ne répond pas à tous les problèmes en suspens. J'ai envie de demander à Mme Jacquaint si elle a déjà voté un texte qui règle tout !

Mme Muguette Jacquaint - Trente ans d'attente !

M. Patrice Martin-Lalande - Notre commission a longuement travaillé sur ce texte et examiné nombre d'amendements. Le Sénat a lui-même apporté une contribution importante en première lecture. Grâce au report de l'examen de ce projet voulu par le Gouvernement, Mme la ministre a également pu apporter d'utiles précisions, telles une meilleure définition du handicap et la levée des barrières d'âge...

M. le Président - Je vous prie de conclure.

M. Patrice Martin-Lalande - La gravité et l'injustice des situations vécues par les handicapés et leurs familles, l'importance des acquis qu'entraînera l'adoption de ce texte, l'urgence d'agir vingt-neuf ans après la loi fondatrice de 1975 sont autant de raisons pour lesquelles le groupe UMP s'opposera à cette motion et votera pour la poursuite de notre travail législatif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Daniel Paul - Je vois une certaine contradiction dans le fait de rejeter le renvoi en commission tout en convoquant celle-ci dans l'urgence, avant le début de la prochaine séance ! Comme vous, Monsieur Martin-Lalande, nous sommes à l'écoute des associations, et ce n'est pas vouer ce texte aux gémonies que de rappeler combien il les a déçues ! Quant au fait que nous ayons consacré quelques heures à l'examen de ce texte en commission, nous n'en tirons aucun avantage, dans la mesure où nous n'avons abouti sur aucun point essentiel ! Peut-être finirons-nous par obtenir l'indispensable levée des barrières d'âge, à vingt ans pour l'AES et à soixante ans, mais sans aucune garantie sur le fait que les personnes en situation de handicap perçoivent les ressources leur permettant d'exercer pleinement leur droit à compensation. La suppression des barrières d'âge sans compensation intégrale, c'est du pipeau ! Nous devons garantir l'égalité de traitement de toutes les personnes en situation de handicap...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Très juste !

M. Daniel Paul - Retourner en commission, ce n'est pas retarder l'évolution attendue. C'est au contraire permettre de franchir un nouveau cap, plutôt que de se satisfaire d'un simple toilettage de la loi de 1975 (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine David - J'ai beaucoup apprécié l'intervention de Mme Jacquaint, car elle a permis de dresser un inventaire très complet des problèmes en suspens. Au reste, au-delà de quelques manifestations d'autosatisfaction pour le moins déplacées, nombre de nos collègues de la majorité, et je me tourne notamment vers Mme Boutin, ne trouvent pas dans ce texte toutes les réponses à leurs questions ! Et je vois dans la longueur de la démonstration de M. Martin-Lalande un témoignage des inquiétudes de tout le groupe de l'UMP ! Certes, aucun texte ne peut prétendre à la perfection, mais nous étions tout disposés à améliorer celui-ci, en toute impartialité. Encore eût-il fallu que l'on nous en donnât le temps ! Il serait tout à notre honneur de prendre le temps de la réflexion car dans bien des domaines, qu'il s'agisse de la scolarisation des enfants, de l'insertion professionnelle ou du financement des prestations, beaucoup reste à faire pour passer de l'intention au fait. Quelques heures de travaux supplémentaires en commission ne seront pas de trop, d'autant que notre pays accuse un certain retard par rapport à ses partenaires européens dans le regard porté sur les situations de handicap. Le moment est venu de tenter de le combler, et, quitte à avoir attendu vingt-neuf ans pour nous y attaquer au fond, quelques heures de plus ne nous feront pas perdre la face ! Enfin, le fait que notre commission soit convoquée en urgence pour la troisième fois ne peut manquer de laisser à penser que ce texte est décidément bien mal ficelé ! Le groupe socialiste votera la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Yvan Lachaud - Depuis 1975, aucun gouvernement n'avait osé présenter un texte aussi ambitieux. Il ne s'agit évidemment pas d'un simple replâtrage du texte fondateur mais d'une nouvelle réponse à un enjeu de société, tendant à changer notre regard sur les situations de handicap. Bien sûr, pas plus que tout autre, ce texte n'est parfait. Mais Mme la ministre a pris des engagements et nous sommes confiants dans le sort qu'elle réservera aux amendements de notre groupe. Au reste, l'UDF souhaite que l'on dépasse les clivages partisans pour se retrouver sur l'humain... (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

Mme Christine Boutin - Bravo !

M. Yvan Lachaud - Lorsqu'il s'agit de soulager des souffrances, c'est la dimension humaine qui doit l'emporter sur toute autre considération. Il est temps d'avancer, vite, bien et en toute sérénité. Le groupe UDF ne votera pas la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur les bancs du groupe UMP).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

ARTICLE PREMIER

M. Daniel Paul - La politique en direction des personnes en situation de handicap s'est construite progressivement au cours du vingtième siècle. Il n'est désormais plus question d'assistance charitable mais bien de solidarité nationale. Après l'institution d'un droit à réparation, puis d'un droit à rééducation, le principe de non-discrimination se substitue aujourd'hui à celui de réadaptation.

Cet article premier, pour la première fois, définit le handicap dans la loi et reconnaît le handicap psychique ainsi que le polyhandicap. Si nous saluons cette avancée, nous aurions souhaité une définition moins restrictive. C'est le Britannique Philip Wood qui, au début des années 1980, a clarifié le concept de handicap. Il le définit comme la conséquence des maladies sur la personne, en l'analysant sur trois plans : la déficience, résultat de l'altération d'une structure ou d'une fonction physiologique, psychologique ou anatomique ; l'incapacité, réduction totale ou partielle de la possibilité d'exercer de façon normale une activité ; le désavantage, conséquence de la déficience ou de l'incapacité sur l'insertion sociale, scolaire ou professionnelle. Le désavantage est la résultante de l'interaction entre la personne présentant une déficience ou une incapacité et son environnement. Son importance est étroitement liée à la qualité de l'environnement, qui peut le minimiser comme l'amplifier. Les travaux de Philip Wood ont servi de fondement à la classification internationale des handicaps, élaborée à l'initiative de l'OMS et adoptée par la France en 1988 comme référence des nomenclatures statistiques sur le handicap.

Limiter la définition du handicap à l'altération d'une fonction physique, mentale, sensorielle ou psychique serait donc archaïque et non fondé sur le plan scientifique. En reprenant la définition a minima de la classification internationale, le Gouvernement veut faire admettre que le handicap est consubstantiel à la personne. Le handicap suppose certes toujours une altération anatomique ou fonctionnelle, mais il est clair que l'environnement peut aggraver ou atténuer les difficultés en résultant. Plus que des personnes handicapées, n'y aurait-il pas une société foncièrement « handicapante » ? L'expression « personne en situation de handicap » paraît donc largement préférable à celle de « personnes handicapées », en ce qu'elle exprime plus nettement l'interaction entre facteurs individuels et facteurs sociaux, culturels et environnementaux.

En défendant farouchement cette définition du handicap, nous ne jouons pas avec les mots. Le handicap n'est pas un état, c'est un résultat. L'obstination rétrograde du Gouvernement à refuser cette définition au profit de la sienne, minimaliste, n'augure rien de bon pour la suite de l'examen du texte.

Sa conception de la compensation est, du même coup, trop restrictive, elle aussi. Nous sommes, pour notre part, favorables à un droit à compensation pour toute personne en situation de handicap, quel que soit son âge, dans le respect des particularités de chacun, à partir d'une évaluation personnalisée de ses besoins et de ses attentes s'appuyant sur son histoire et son projet de vie.

Nous avons déposé de nombreux amendements sur cet article et apprécierons votre aptitude à faire évoluer ce texte dans le bon sens à l'aune des modifications que vous y accepterez. J'indique à M. Martin-Lalande que si en l'état, nous ne pourrions que voter contre ce texte, en revanche, nous voterions pour si nos amendements les plus importants étaient retenus.

M. Christian Estrosi - Je remercie le Gouvernement d'avoir inscrit à l'ordre du jour ce texte qui touche à une grande cause nationale, pour laquelle il était temps que nous nous mobilisions. La nation tout entière doit en effet exprimer sa solidarité à l'égard de nos concitoyens handicapés, lesquels doivent être traités sur un pied d'égalité, en un mot pouvoir être des citoyens comme les autres, que leur handicap soit de naissance ou consécutif à un accident de la vie.

En 2001, les prestations versées au titre du handicap ne représentaient dans notre pays qu'un peu plus de 6 % de l'ensemble des prestations de protection sociale. C'est dire l'importance du chemin restant à parcourir ! Il nous faut aller jusqu'au bout. Et si cet article premier, hautement symbolique, constitue une avancée majeure, notamment en ce que, pour la première fois, sont reconnus le handicap psychique et le polyhandicap, des progrès restent à faire. Le droit à compensation devrait ainsi être accordé indépendamment de la nature ou de l'origine du handicap, de l'âge, du mode de vie ainsi que des ressources.

Président d'un exécutif départemental qui s'investit bien au-delà de ses compétences légales en matière de handicap, je souhaiterais dire un mot des futures maisons départementales du handicap. Elles faciliteront les démarches des personnes handicapées et de leurs familles, qui y trouveront un interlocuteur unique chargé de suivre de bout en bout le dossier de chaque personne. Ce guichet unique, qui travaillera dans une logique de service plutôt que d'administration, était attendu depuis longtemps. Nous ne pouvons donc que remercier le Gouvernement de le mettre en place. Pour autant, si je n'ai aucun doute quant à la capacité des départements d'apporter les réponses les plus pertinentes, je ne sous-estime pas non plus les aspects financiers, sur lesquels les services de mon département m'ont par exemple alerté. Nous attendons donc des éclaircissements sur le financement des mesures envisagées, ainsi que sur les moyens et les missions des futures maisons départementales.

Aujourd'hui, nous manquons cruellement de structures d'accueil pour handicapés, adultes ou enfants, partout dans notre pays et il va nous falloir combler rapidement ce retard. Ainsi dans les Alpes-Maritimes, le nombre de centres d'aide par le travail devrait beaucoup augmenter, celui des maisons d'accueil spécialisé et des foyers médicalisés, carrément doubler. Or, les départements, qui doivent déjà faire face à l'explosion des coûts de l'APA, lesquels ont dépassé toutes les prévisions - j'ai ainsi dû inscrire 16 millions d'euros supplémentaires à ce titre dans mon budget -, et viennent de recevoir compétence totale en matière d'insertion avec la décentralisation du RMI et la création du RMA, attendent, au-delà des garanties constitutionnelles en matière de transfert de ressources, des dispositions précises et concrètes concernant l'évaluation des besoins, ainsi que le calendrier à respecter. Les sénateurs l'ont parfaitement dit il y a quelques jours. Puissent-ils, et nous avec eux, être entendus sur ce sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Georges Colombier - Que l'année 2003 ait été consacrée année du handicap aura certes été un symbole fort, toutefois insuffisant au regard des attentes légitimes des personnes handicapées et de leurs familles. Examinant ce texte, nous honorons une promesse faite de longue date. Il faut saluer la volonté politique forte du Président de la République, qui a fait de l'amélioration de la participation des personnes handicapées à la vie sociale une priorité de l'action du Gouvernement.

Trente ans après le texte fondateur de 1975, il est urgent d'agir. Nos valeurs ont en effet connu depuis lors des bouleversements sans précédent et les évolutions de la science et des techniques ont ouvert de nouvelles perspectives de vie et de nouveaux espaces de liberté aux personnes handicapées. A nouveaux besoins, nouvelles réponses, et c'est là tout l'enjeu de ce texte.

Il est difficile d'appréhender le handicap dans toutes ses dimensions. La nouvelle définition donnée à l'article premier du texte, qui constitue une avancée majeure, est donc particulièrement bienvenue. Je considère pour ma part comme acquis les amendements votés en commission afin d'intégrer le handicap psychique et le polyhandicap dans cette définition.

De nombreuses associations insistent sur l'importance de prendre en considération les conditions de vie d'une personne handicapée pour lui donner le plus d'autonomie possible. Elles souhaitent à cet égard que l'on parle de « personnes en situation de handicap », et non pas de « personnes handicapées ». Certes, la notion de handicap est relative et l'environnement peut aggraver un handicap. Pour autant, une définition trop floue serait de nature à susciter des abus. Je souhaite, à l'instar du rapporteur, que l'on conserve une définition objective du handicap.

Il convient également de privilégier une perspective de non-discrimination. Il ne faut surtout pas priver les personnes handicapées de leur droit à un épanouissement personnel, social et professionnel au sens le plus large, en limitant le champ d'application de ce texte. Enumérer précisément leurs droits reviendrait à les distinguer des citoyens ordinaires, ce qui n'est pas tolérable. Les personnes handicapées doivent rester actrices de leur conquête d'autonomie. C'est pourquoi il est préférable de parler de participation plutôt que d'intégration.

Promouvant une prise en charge globale et dynamique du handicap, cet article premier donne un caractère réellement universel au droit à compensation et donc un contenu concret au principe que la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 n'avait fait que poser. Au nom du droit de chacun à choisir sa vie, nous permettrons aux personnes handicapées d'accomplir au mieux leurs projets personnels. Cependant, à la suite du rapporteur, j'insiste, Madame la secrétaire d'Etat, pour que ce principe généreux entre effectivement en application dans les six mois suivant le vote de la loi : je compte sur vous pour que le Gouvernement respecte l'engagement pris sur ce point. 

Visant à développer une solidarité nouvelle envers les personnes handicapées, ce texte suscite bien des espoirs : veillons à ne pas les décevoir et assurons-nous que ces mesures seront correctement financées. Mais il faut aussi promouvoir une politique de prévention du handicap et, de ce point de vue, la création d'un institut de recherche ne peut être qu'une première étape. En 1975, le législateur a donné corps à une obligation de solidarité nationale : il nous faut maintenant _uvrer en faveur d'une dynamique du résultat, afin que les personnes handicapées ne se sentent plus jamais exclues des étapes essentielles qui rythment la vie de tous les citoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muriel Marland-Militello - Je me ferai ici l'interprète des nombreuses associations qui m'ont demandé de militer, sans jamais lâcher prise, en faveur d'une avancée qui, pour être symbolique, n'en est pas moins essentielle. Malgré les réticences du rapporteur et de la secrétaire d'Etat, dont je salue au demeurant le travail courageux et novateur, je défendrai donc l'adoption de l'expression « personnes en situation de handicap ». Pour ceux qui subissent des altérations physiques, sensorielles, mentales ou psychiques, les gains seraient de trois ordres.

D'ordre philosophique, tout d'abord : la qualification comme « personne handicapée » dénature l'essence même de l'homme, en le définissant exclusivement par référence à un seul des multiples aspects de son humanité (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Les altérations dont je parlais, contrairement à l'humanité qui est, elle, immuable, évoluent, peuvent s'effacer ou au contraire s'aggraver. Elles ne sont en tout état de cause que partielles et on ne saurait donc réduire une personne à de telles caractéristiques.

Mme Christine Boutin - Très bien !

Mme Muriel Marland-Militello - Le gain serait ensuite d'ordre psychologique : en mettant en avant le handicap, on entretient une culture du passé, faite de compassion et de sollicitude mais aussi, parfois, d'un brin de condescendance et d'agacement envers des personnes qui coûtent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). On empêche ainsi de porter sur elles un nouveau regard.

« L'enfer, c'est les autres », disait Sartre : pour nombre de ces personnes que je préfère appeler « personnes en situation de handicap », l'enfer est moins dans la situation qu'elles vivent que dans le regard des autres. Or, un nouveau regard ne sera possible que si nous accomplissons une révolution culturelle. Nous sommes une nation du verbe et, donc, du symbole. Le symbole est le propre des civilisations et le moteur de la vie en société, dans la mesure où il permet les évolutions psychologiques qu'il devance. Sans cette révolution culturelle, il y aura toujours un frein à cette solidarité nationale qui suppose la volonté de tous, et nous devons donc commencer par changer de langage.

Mme Christine Boutin - Tout cela est parfaitement juste !

Mme Muriel Marland-Militello - Enfin, ce projet qui me séduit infiniment même si je parais le critiquer - mais les symboles ne sont jamais un détail -, vise à permettre un saut qualitatif en matière d'insertion sociale. Or il faut avouer que, la plupart du temps, la recherche médicale a avancé plus vite que l'intégration, qui n'en est qu'à ses prémices. Ce bond qualitatif exige donc de travailler sur l'environnement professionnel, scolaire et même ludique pour l'adapter aux différentes incapacités alors que, jusqu'ici, on avait fait le contraire. Il faut dès lors mettre l'accent sur la situation sociale et concevoir nos programmes en conséquence.

On a d'abord parlé de handicap, chosifiant les personnes qui en étaient atteintes. Puis on a dit « handicapés », ce qui revenait à ne pas les reconnaître comme personnes. Nous les désignons aujourd'hui, en général, comme « personnes handicapées » mais ce n'est toujours pas distinguer la personne, dans son humanité, du handicap qui peut lui advenir. C'est pourquoi je préfère parler de « personnes en situation de handicap ». On m'a opposé que l'expression ne ferait pas la différence entre ceux qui se sont cassé la jambe, par exemple, et ceux qui subissent un vrai handicap : je répondrai que l'article premier définit précisément le handicap et qu'il suffira de s'y référer. De plus, ce changement de terminologie permettra de distinguer, à terme, entre le remboursement des surcoûts liés au handicap et ce qui relève du patrimoine ou des ressources - ce dont nous parlerons à l'article 2 (Applaudissements soutenus sur tous les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Billard - Je ne puis que me rallier à ce propos, splendide !

L'article premier, qui définit la philosophie du projet, souffre malheureusement de limites que toutes les associations ont dénoncées. Comme vient de le démontrer Mme Marland-Militello, les symboles importent. Nous devons passer de la charité à une lutte effective contre toutes les discriminations, nous devons en finir avec la conception archaïque qui réduit le handicap à une altération des fonctions physiques, mentales, sensorielles ou psychiques pour enfin prendre en compte les facteurs légaux, réglementaires et environnementaux, dont nul ne peut nier qu'ils participent à l'exclusion des « personnes en situation de handicap ». C'est pourquoi, au nom des députés verts, je défendrai moi aussi ce changement d'appellation, conforme d'ailleurs aux orientations définies par l'OMS et approuvées par la France.

Je regrette que le Gouvernement n'ait pas retenu le principe d'un revenu d'existence équivalent au SMIC : comment vivre avec 587 € par mois ? L'allocation d'adulte handicapé ne peut que maintenir en situation de dépendance, non donner les moyens d'une vie digne.

Le projet réintroduit le droit à compensation, inscrit dans la loi de modernisation sociale mais jamais concrétisé. Malheureusement, le Gouvernement a déçu bien des espoirs en en donnant une définition « mi-chèvre, mi-chou ». J'espère du moins que vous consentirez à des avancées, s'agissant des barrières d'âge, Madame la secrétaire d'Etat !

Je déplore également l'insuffisante attention accordée au développement de la citoyenneté et, en particulier, à la participation aux élections, qui en sont l'expression par excellence. Ne pourrait-on garantir l'accessibilité de tous les bureaux de vote, l'édition de bulletins en braille ou en gros caractères, la diffusion obligatoire des professions de foi à toutes les personnes mal-entendantes ?

D'autre part, quid des propositions des sénateurs About et Blanc visant à créer un statut d'association représentative des personnes en situation de handicap ? Il convient en effet de distinguer de telles associations des associations gestionnaires d'établissements ou services sociaux et médico-sociaux. Toute personne doit être à même d'assumer les responsabilités auxquelles elle aspire sans être obligée de s'inscrire à un certain type d'association !

Il est vrai que cette proposition ne recueille pas le consensus des associations mais il est indispensable d'avancer et que toutes les personnes en situation de handicap puissent se faire représenter par des associations librement choisies.

M. François Vannson - Je souscris pleinement à la brillante intervention de Muriel Marland-Militello. Oui, le choix des mots revêt une importance particulière.

Le projet recèle de grandes avancées, et nourrit des espoirs tout aussi grands. Ne les décevons pas. Le Gouvernement a fait preuve d'ouverture d'esprit lors de la discussion au Sénat ; je ne doute pas qu'il en sera de même ici. Ne craignons pas d'être ambitieux. Ainsi le droit à compensation doit s'expliquer de façon universelle, sans discrimination liée en particulier à l'âge. Sur ce point, vous avez commencé de nous rassurer.

Il importe de mieux connaître les aidants familiaux, dont le dévouement est exceptionnel. Portons le montant de l'AAH au niveau nécessaire pour que les personnes handicapées puissent vivre dans la dignité. La prestation de compensation n'a pas pour objet d'améliorer les ressources mais de prendre en charge les dépenses effectives liées au handicap. Des familles de personnes lourdement handicapées cherchent désespérément des établissements susceptibles de les accueillir après 60 ans. Elles comptent sur le Gouvernement pour les y aider (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Hélène Mignon - Nous approuvons pleinement les propos de Mme Marland-Militello. De ce texte dépendront les conditions de vie de plus de cinq millions de nos concitoyens, qui doivent bénéficier d'un dispositif de véritable égalisation des chances. Personne ici n'a le monopole du c_ur (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Pour nous comme pour vous, derrière la sécheresse des mots bat le c_ur d'hommes et de femmes, jeunes et moins jeunes, qui ont besoin de notre aide pour accéder à la pleine citoyenneté.

Ne nous contentons pas de demi-mesures, qui ne satisferont personne. C'est pour cette raison, Madame la ministre, que j'indiquais hier que l'examen du projet venait un peu trop tôt. Les lois de décentralisation, la refonte de l'assurance maladie, le rapport Brillet-Jamet sont autant d'éléments de nature à faire évoluer notre pensée. Nous ne voulions pas retarder la discussion par plaisir, mais pour être en mesure de mieux répondre aux attentes.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - L'article premier donne au projet, très attendu, son sens général, et c'est avec lui que nous allons franchir le plus grand pas.

Le handicap, a établi l'OMS, est la résultante de l'incapacité née d'une déficience d'une personne et de facteurs environnementaux. Or la définition que vous proposez ne met pas l'accent sur l'interaction entre la société et la personne. Votre conception reste personnaliste et non environnementaliste. Nous attendons une forte inflexion sur cet aspect majeur.

Le titre de votre projet, qui se cantonne dans une définition médicale de la personne handicapée, limite la portée du texte. En effet, si on ne donne pas aux personnes concernées la chance de participer à la citoyenneté, elles resteront largement tributaires de leur cadre de vie. Nous souhaitons donc tenir compte des récents travaux du Conseil économique et social et de l'OMS, ainsi que des évolutions de notre société, des attentes des personnes touchées par une déficience et des associations qui travaillent avec elles. C'est pourquoi je soutiendrai les amendements qui iront dans ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Frédéric Reiss - L'article premier définit, pour la première fois, la notion de handicap de la façon la plus objective possible.

Déjà la loi fondatrice de 1975 a posé des jalons pour l'intégration des personnes handicapées. Mais, à la suite du brillant plaidoyer de Muriel Marland-Militello, je constate que trop longtemps les personnes handicapées et leurs familles ont été livrées à elles-mêmes pour faire reconnaître leurs besoins.

Ce projet, voulu par le Président de la République, renouvelle notre vision sur l'égalité des droits et sur la participation à la citoyenneté des personnes handicapées. Voilà une avancée substantielle.

Aussi, quelles ne furent pas ma déception et mon amertume en prenant connaissance de la lettre ouverte adressée aux députés par vingt-deux associations, selon lesquelles « le projet actuel ne nous convient pas (...) et ne correspond pas aux attentes des personnes en situation de handicap, de leurs familles et de leurs associations ».

Mme Muguette Jacquaint et M. Daniel Paul - Eh oui !

M. Frédéric Reiss - Je crois sincèrement que nous tenons là un bon texte, qui tient compte de l'allongement de l'espérance de vie, et je me réjouis, Madame la ministre, que vous ayez mis l'accent sur la santé des personnes handicapées. Ce texte tend aussi à simplifier les démarches administratives, à faciliter la scolarisation des enfants handicapés, à innover en matière de formation professionnelle, à favoriser l'accessibilité et les déplacements, et à créer une prestation personnalisée de compensation. Depuis 1975, il a fallu l'arrivée d'une nouvelle génération pour proposer cette réforme majeure, qui apportera aux personnes fragiles davantage de solidarité et de dignité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

DÉCLARATION D'URGENCE

M. le Président - Le Premier ministre m'informe que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi relatif à l'octroi de mer.

Acte est donné de cette communication.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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