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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 104ème jour de séance, 255ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 15 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

      MODALITÉS D'APPLICATION DE LA RÉFORME
      DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE 2

      FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 26

      A N N E X E ORDRE DU JOUR 27

La séance est ouverte à neuf heures trente.

MODALITÉS D'APPLICATION DE LA RÉFORME
DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

L'ordre du jour appelle un débat sur les modalités d'application de la réforme de la politique agricole commune.

M. le Président - L'organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe UMP, la parole est au premier orateur de ce groupe.

M. Antoine Herth - Je remercie M. le ministre de se prêter à ce débat essentiel. Les accords de Luxembourg, s'ils ont le mérite d'offrir une perspective budgétaire à moyen terme, doivent être adaptés aux réalités françaises. Une réflexion a déjà été menée avec les professionnels dans le cadre du CSO, mais il faut élever la question au niveau politique, et définir les bases de la future loi de modernisation qu'a souhaitée le Président de la République, et que vous avez annoncée, Monsieur le ministre.

Nous devons pour cela réfléchir dans deux directions.

Tout d'abord, il faut reconsidérer les orientations et les finalités de la politique agricole au regard des principes du développement durable, qui conjuguent économie, social, et environnement. Depuis deux décennies, le respect de l'environnement est devenu une préoccupation majeure pour les agriculteurs et, plus largement, l'ensemble de la société - l'adoption récente de la Charte de l'environnement en témoigne.

Les professionnels ont réalisé de gros efforts de mises aux normes, et nous avons franchi une étape supplémentaire avec l'introduction de l'écoconditionnalité dans la PAC. D'autres pistes restent cependant à explorer. Nous sommes loin d'avoir épuisé toutes les potentialités de l'agriculture biologique, et l'agriculture raisonnée n'en est qu'à ses débuts, sans parler du développement des énergies et matériaux renouvelables à partir des matières premières agricoles - sous réserve du résultat des négociations avec le MERCOSUR, ainsi que de notre politique fiscale.

Au-delà des exigences environnementales, il ne faut pas négliger les équilibres économiques et sociaux de l'agriculture. Face à la concurrence, les productions françaises doivent se moderniser, en consolidant leurs filières, en renforçant le rôle des interprofessions et en généralisant les dispositifs d'assurance-récolte. Il faut mettre l'accent sur l'innovation technique, en redonnant toute sa place à la recherche agronomique française.

S'agissant de la dimension sociale, plusieurs de nos collègues ont souhaité, lors de l'examen de la loi sur le développement des territoires ruraux, remettre en cause le parcours d'installation, aussi essentiel, pourtant, que l'enseignement agricole.

Donner toutes ses chances à l'agriculture française au XXIe siècle, c'est lui permettre de tirer le meilleur parti de la politique européenne de développement rural, c'est garantir la qualité de nos produits, c'est maintenir une activité sur les territoires fragilisés, c'est préserver la biodiversité.

Deuxième axe de notre réflexion: la gouvernance. Le rôle de l'Europe est renforcé, par le projet de Constitution qui donne plus de pouvoir au Parlement européen, mais aussi par l'euro. A l'autre bout de l'échelle, les collectivités territoriales doivent adapter la politique à la diversité de nos campagnes. Entre les deux, les pouvoirs publics nationaux doivent organiser un cadre commun, veiller à la solidarité, contrôler, défendre certaines exceptions.

Enfin, la modernisation de la politique agricole passe par une rénovation du dialogue social. Les organisations professionnelles doivent exprimer leurs choix, mais aussi assumer leur part de responsabilité dans les arbitrages que consacre la loi, qu'il s'agisse de régulation des marchés ou de politique des structures. C'est dans cet esprit qu'ont été élaborées les lois d'orientation de 1960 et 1962, et c'est à cette condition que nous pourrons consolider les fondations d'une agriculture française tournée vers l'avenir.

Soyez assuré que le groupe UMP s'engagera dans ce chantier avec détermination et enthousiasme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Je tiens, au nom de la commission des affaires économiques, à souligner l'opportunité de notre débat : oui, nos agriculteurs sont inquiets quant à l'avenir de la PAC et se posent des questions.

L'intérêt qu'a suscité l'examen, en première lecture, du projet sur le développement économique des territoires ruraux a témoigné de notre attachement aux questions de la ruralité : la commission a ainsi passé plus de trente heures sur ce texte.

Depuis près de cinquante ans, les agriculteurs français savent que l'avenir de leur profession se joue largement à Bruxelles. Sans la PAC, il est probable que notre agriculture n'aurait pas occupé le rang qui est le sien au niveau mondial. Mais le monde change et la PAC connaît depuis quelques années une mutation sans précédent.

La libéralisation mondiale des échanges menace les protections et les aides dont bénéficient les agriculteurs européens ; de plus, la population européenne souhaite consommer des aliments produits selon des normes sanitaires et environnementales toujours plus élevées.

Nous sommes cependant en droit de nous interroger sur la méthode proposée par les instances communautaires pour relever ces défis. Certes, le bouleversement que constitue l'élargissement de l'Union a été correctement anticipé pour les dix prochaines années, puisque l'accord conclu à Berlin en 1999 prévoit une stabilité globale du niveau des aides communautaires accordées aux agriculteurs français jusqu'en 2013. Mais après ?

La mise aux normes des exploitations des pays d'Europe centrale et orientale aura un coût très élevé. En outre, la volonté d'aboutir rapidement à un accord au sein de l'OMC a conduit la Commission européenne à proposer en juillet 2003 une réforme de la PAC reposant notamment sur un découplage total du niveau des aides agricoles et de celui de la production. Vous avez obtenu, Monsieur le ministre, et nous vous en remercions, un découplage partiel des aides, mais les concessions unilatérales de la Commission n'ont pas permis d'aboutir à un accord lors du sommet de l'OMC à Cancun en septembre dernier.

Cet échec montre combien les stratégies choisies par les commissaires Fischler et Lamy était imprudente, ce qu'avait d'ailleurs souligné notre collègue Raison dans son excellent rapport.

Or, contre toute attente, la Commission persiste dans sa démarche : elle a ainsi suggéré au conseil des ministres de l'agriculture de proposer la suppression des subventions à l'exportation pour l'agriculture européenne afin de relancer les négociations dans le cadre de l'OMC. Pourquoi cette nouvelle concession, alors que l'échec de Cancun n'était pas dû à la PAC mais aux divergences entre les Etats-Unis et les pays les moins avancés ? Est-il utile que l'UE prenne de nouvelles initiatives unilatérales, alors que les Etats-Unis n'envisagent même pas de réduire leurs « marketing loans », leurs subventions ni leur aide alimentaire ? Je rappelle que les aides agricoles américaines représentent 174 € par habitant, contre 127 pour la PAC.

L'Europe doit changer de stratégie, d'autant que l'agriculture européenne est également affectée par des décisions prises dans des négociations commerciales entre ensembles régionaux, c'est-à-dire hors de l'OMC. La Commission suggère ainsi d'accorder aux pays du Mercosur un accès supplémentaire au marché européen pour 100 000 tonnes de viande bovine et pour 10 millions d'hectolitres de bioéthanol, tout en facilitant l'importation, par l'UE, de divers produits agricoles comme les volailles ou le maïs. Ces propositions risquent de déstabiliser des filières déjà en crise, et vous les avez à juste titre dénoncées, Monsieur le ministre, mais il faut à présent convaincre nos partenaires européens, comme vous vous y employez d'ailleurs.

Après la réforme de la PAC, le paiement des aides communautaires sera subordonné au respect des règles sanitaires et environnementales ainsi qu'à l'identification et au bien-être des animaux. Ces nouvelles contraintes nécessiteront de nouveaux investissements pour de nombreuses exploitations, qui sont donc en droit d'attendre un soutien approprié de la nation. Par ailleurs, il faut doter les directions départementales des moyens leur permettant de mener des contrôles coordonnés, ce à quoi vous travaillez, Monsieur le ministre.

S'agissant de la modulation des aides dites du « premier pilier », c'est-à-dire des aides agricoles stricto sensu, la proportion d'aides orientées vers le développement rural, dites du « second pilier », s'élèvera à 5 % dès 2007. Il me semble essentiel de ne pas pénaliser les exploitations les plus modestes, qui se voient appliquer le même taux de modulation que les autres. L'avenir dira si le seuil de 5 000 €, à partir duquel s'applique la modulation, constitue une solution appropriée.

S'agissant du découplage des aides, bravo, Monsieur le ministre, pour avoir sauvé l'indemnité compensatoire de handicap naturel et la prime herbagère agro-environnementale ! La France pourra ainsi maintenir un couplage à hauteur de 25 % pour les céréales et de 100 % pour la prime au maintien de troupeaux de vaches allaitantes.

Il est essentiel d'éviter deux écueils : une agriculture réduite à l'assistanat, d'une part ; une spéculation foncière sans précédent, d'autre part. C'est pourquoi vous avez annoncé que le transfert des « droits à paiement unique » serait encadré par plusieurs mesures, notamment celle qui consiste à ne permettre les échanges de droits qu'à l'intérieur d'un même département, ainsi que la taxation de 3 % à 10 % de ces échanges - seuls les jeunes agriculteurs échappant à cette imposition. J'espère qu'elles suffiront à limiter les effets pervers des mécanismes de la réforme de la PAC.

La France est le premier producteur agricole d'Europe et ne doit pas renoncer à sa vocation de puissance agricole majeure dans le monde...

M. François Sauvadet - Très bien !

M. le Président de la commission des affaires économiques - ...car elle dispose de plaines fertiles, de techniques modernes et de professionnels compétents.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. le Président de la commission des affaires économiques - Il faut accompagner les producteurs dans les mutations que traverse le secteur. La future loi de modernisation agricole doit ainsi être l'occasion de faciliter la mise en _uvre de la réforme de la PAC. La commission des affaires économiques et votre majorité, Monsieur le ministre, vous font pleinement confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Les agriculteurs se sentent aujourd'hui isolés en Europe car minoritaires, incompris - en raison de l'image trop souvent donnée à l'agriculture - et déstabilisés par la réforme de la PAC. Que faire ?

Tout d'abord, leur dire la vérité : les agriculteurs savent que la mondialisation est inévitable, que la PAC de demain ne sera pas la même. Exploiter les peurs n'a jamais été un moyen de préparer l'avenir.

Ensuite, dire la vérité à l'opinion publique : l'image d'une agriculture subventionnée et trop polluante est fausse. Les subventions ne sont qu'une compensation partielle de la baisse des prix organisée depuis quinze ans. Peu de secteurs, en quarante ans, ont fait autant d'efforts d'adaptation et de productivité. Malgré quelques excès, notre pays a ainsi pu développer un pôle économique fort.

Il s'agit enfin de redonner confiance en l'avenir. L'agriculture a déjà su faire face à deux adaptations lourdes, dans les années 1950 - produire pour faire face aux besoins alimentaires - et dans les années 1960 - s'adapter au marché européen.

Rares sont les secteurs qui ont su organiser une certaine solidarité. Pour avoir participé pendant plusieurs années aux négociations sur les prix agricoles, je peux dire que la majorité de nos partenaires européens voulaient une augmentation plus forte sur les céréales que sur les produits animaux. Mais une solidarité entre céréaliers et éleveurs s'est développée en France pour assurer une redistribution équitable.

C'est une troisième mutation qui s'engage aujourd'hui. Evitons donc la caricature qui consisterait à prétendre que tout va mal. Nous partons au contraire avec de sérieux atouts, et j'en citerai trois. D'abord, la qualité des hommes et des femmes qui travaillent dans ce secteur. Ils sont bien formés et bien organisés. Ensuite, les 10 milliards d'euros qui viennent soutenir l'agriculture française. S'ils sont bien utilisés, ils peuvent être un formidable outil, non seulement pour la sécurité des revenus, mais aussi pour l'orientation des productions. Nous nous félicitons donc que le Président de la République et le Gouvernement aient su les préserver pour l'avenir. Enfin, nous pouvons nous appuyer sur notre système social, exemplaire, qu'il s'agisse de la politique familiale, de la santé ou des retraites.

Ces atouts pourraient être renforcés par des politiques nationales qui dépendent de nous et qui rendraient plus facile cette troisième mutation.

Il nous faut, tout d'abord, simplifier davantage. L'empilement des réglementations, combiné demain à l'application bureaucratique de l'éco-conditionnalité, peut conduire à des réactions très vives. Nos voisins européens pensent en général que la France est sur-administrée et sous-organisée. Beaucoup reste donc à faire.

Autre piste : faire le choix d'une agriculture plus économe et plus autonome de facteurs de production. Mieux vaut une stabilité de la production et une plus grande valeur ajoutée qu'une croissance de production avec des investissements lourds.

Nous devrions aussi adapter notre politique des structures. Dans les régions de l'ouest, faut-il à tout prix obliger un éleveur de 54 ans à investir dans la mise aux normes alors que la succession n'est pas assurée ? Quoi qu'il en soit, avec l'évolution probable des prix et les investissements de mise aux normes, celui qui a un quota inférieur à 200 000 litres doit être prioritaire dans l'affectation de quotas supplémentaires.

Autre devoir pour nous : nous montrer fermes sur la protection communautaire. Si demain, comme il est prévisible, les restitutions devaient être sévèrement réduites, il faudra veiller au strict respect des conditions de concurrence sur le plan sanitaire et environnemental, y compris au niveau intra-communautaire. Le président de la FNSEA souhaite d'ailleurs la mise en place d'un observatoire permanent des conditions de concurrence. Cela pourrait se faire sans forcément créer de nouveaux emplois publics, car sur les 220 ingénieurs généraux et inspecteurs généraux de l'agriculture, beaucoup se sentent insuffisamment utilisés.

Une dernière piste : les dotations globales de fonctionnement aux collectivités. C'est en France que les différences sont les plus importantes en fonction de l'importance de la population. L'aide peut en effet varier de un à trois. Or, comme le niveau de service public n'est pas le même dans une ville de 200 000 habitants et en milieu rural, le niveau de l'impôt ne peut pas être du même montant.

M. François Sauvadet - Tout à fait !

M. le Président de la commission des finances - Il faut donc assurer une meilleure péréquation entre collectivités pauvres et riches.

La confiance retrouvée du milieu agricole nous impose un devoir de vérité et d'accompagnement de la troisième mutation qui s'engage. Monsieur le Ministre, votre tâche est difficile mais, vous le savez, l'agriculture reste pour notre pays et pour son avenir un atout essentiel. Puissions-nous faire partager ce message. Pour ma part, ayant partagé cette ambition depuis quarante ans avec le monde agricole, j'y suis déterminé (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDF).

M. Jean Gaubert - Nous avons eu il y a quelques semaines un débat sur l'énergie, nous avons aujourd'hui un débat sur la réforme de la PAC. Contrairement, peut-être, à nos collègues de la majorité, nous apprenons en général trop tard la tenue de ces débats généraux, ce qui fait que nous n'avons guère le temps de nous y préparer. Je ne me plains cependant pas de l'organisation de celui-ci, car cela fait un an que l'accord de Luxembourg a été conclu et que nous attendons les décisions nationales qui devaient suivre.

Je rappelle le contenu de cet accord : découplage partiel ou total des aides ; renvoi à des références historiques, ce qui va créer des rentes de situation et interdit certaines réorientations ; modulation, principe que Jean Glavany avait commencé à appliquer et que plusieurs collègues de l'actuelle majorité avaient alors combattu ; conditionnalité des aides. Je n'aurai probablement pas le temps de développer ces quatre points.

Le découplage est une bonne idée, mais son application va poser quelques problèmes. Il sera en effet total ou partiel selon les productions et selon les pays. Comment organiser le marché d'un produit dans ces conditions ?

De plus, ce système aura forcément des conséquences sur les volumes de production. Or, je n'ai pas encore entendu parler des évolutions nécessaires en amont et en aval.

Quant au fameux marché des droits à prime, vous avez beau dire, Monsieur le ministre, que vous allez l'encadrer, cela n'empêchera pas que les plus gros s'arrogeront le maximum de droits, tandis que les jeunes auront beaucoup de mal à tirer leur épingle du jeu. Avec ces mesures, on crée une sorte de fonds de commerce agricole, c'est-à-dire une plus-value supplémentaire liée à la ferme et qui se transmettra avec l'exploitation.

Le système qui va ainsi se mettre en place est dangereux, car il conduira les gens qui s'installent ou qui s'agrandissent à amortir leurs droits à produire. Il faudra verser à celui qui prend sa retraite une sorte de soulte que l'on tentera d'amortir par les primes que l'on recevra plus tard. Je ne suis pas sûr que nos concitoyens comprennent bien que les primes agricoles seront en fait versées par anticipation au cédant, c'est-à-dire à celui qui cesse de travailler la terre...

Concernant la modulation, on ne sait pas encore grand chose, sinon qu'elle commencerait à 5 000 €. Mais quelle sera sa progressivité ?

M. le Président - Il faut conclure.

M. Jean Gaubert - Les organisations agricoles craignent beaucoup un surcroît de paperasses et ont le sentiment que le système qui se met en place constitue une usine à gaz. Ils attendent comme nous celle qui fait de plus en plus figure d'Arlésienne : la loi de modernisation agricole (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Sauvadet - La réforme de la PAC suscite beaucoup d'interrogations concernant l'avenir de l'agriculture et du monde rural.

En proposant ce débat, le groupe UMP a pris une bonne initiative.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Merci !

M. François Sauvadet - Je regrette simplement que ce débat ne porte que sur les modalités d'application de la réforme de la PAC, et non sur le fond de la réforme, ce qui aurait supposé qu'il soit organisé plus tôt.

La réforme de la PAC a été décidée le 26 juin 2003 à Luxembourg, à l'issue d'un conseil-marathon des ministres de l'agriculture de l'UE et avec l'aval des chefs d'Etat et de Gouvernement. Cette réforme ne devait être, à l'origine, qu'une révision à mi-parcours. Elle devait nous permettre de peser au sommet de Cancun en nous présentant comme de bons élèves pour la réduction des subventions publiques à l'agriculture. Mais, après l'échec des négociations, il nous faut appliquer cette réforme. Depuis bien des années, la PAC est considérée de façon purement budgétariste, sans souci du sentiment d'impasse que peut susciter l'affaiblissement des prix, dont les bénéficiaires ne sont pas forcément les consommateurs, comme l'ont fait apparaître nos travaux en commission. Le débat relatif à l'agriculture ne concerne pas seulement une catégorie socio-professionnelle, il intéresse la société tout entière. Il s'agit en effet de son alimentation, qui est un bien essentiel. C'est lorsque la confiance disparaît que la population se soucie de son alimentation, comme on l'a vu à propos de la crise de l'ESB. Or, redisons-le, notre système de sécurité alimentaire est excellent, il est même le meilleur du monde.

Notre débat a trait également à l'aménagement du territoire, ainsi qu'au maintien de la diversité alimentaire, qui est l'une de nos richesses. Prenons garde au risque de banalisation de nos produits, qui a pesé, permettez-moi de le rappeler, sur le fromage d'époisse... (Sourires) Au moment où en Europe, par l'affaiblissement des prix, on essaie de maîtriser la production, les Etats-Unis développent avec une intensité sans égale leurs exportations alimentaires. Pourquoi, et dans quelles conditions les Etats-Unis aident-ils leur agriculture ? N'est-il pas paradoxal que les pays en voie de développement se fassent sur ce point leurs alliés ?

En 2003, comme en 1992, nous nous sommes trompés de méthode. Il aurait fallu, à ce moment, définir un nouveau modèle européen d'agriculture, et faire des nouveaux adhérents de l'Union européenne des alliés de la PAC. En effet, pas plus que nous ces pays, où la population agricole est proportionnellement encore élevée, n'ont intérêt au choc brutal provoqué par l'affaiblissement des prix. C'est dire que, dans l'approche budgétariste de la PAC, on n'a pas suffisamment évalué l'utilité de la dépense communautaire au regard des dommages économiques et sociaux qu'elle risque de provoquer. Ayons le courage de le dire, nous n'atteindrons pas nos objectifs dans une Europe à 25 sans augmenter notre contribution budgétaire. Cette évolution nécessitera un dialogue plus soutenu à l'intérieur de l'Union et aussi avec les pays en voie de développement.

Les agriculteurs sont placés devant une insupportable complexification administrative. La notice relative à l'application de la réforme ne compte pas moins de vingt pages ! Un effort vigoureux de simplification s'impose . Cette réforme a conduit, par ailleurs, au fameux découplage, qui rompt le lien avec la production. Parler d' « aide » aux agriculteurs est un terme impropre. Il faut bien expliquer aux consommateurs qu'il s'agit en réalité de la compensation partielle de la baisse organisée des prix. La mise en place des droits marchands inquiète les agriculteurs, comme on l'a constaté naguère dans le secteur du lait. Il est capital de veiller à maintenir sur certains territoires des droits et des aides à produire.

Voici, Monsieur le ministre, une proposition. Dans les années 1960-62, le législateur s'est trouvé face au défi de l'autosuffisance alimentaire, n'est-ce pas, Monsieur Méhaignerie ? Il a alors fixé un cap général à l'évolution de notre agriculture. Aujourd'hui, où en sommes-nous ? Sans doute avons-nous adopté une loi relative aux territoires ruraux, qui comporte de bonnes dispositions, comme celle relative à la filière cheval. Mais il nous faut à présent fixer le cap pour les quinze à vingt ans qui viennent. Les agriculteurs comme les consommateurs attendent une réponse claire. Nous souhaitons, à l'UDF, l'élaboration d'une véritable loi d'orientation : non pas un texte fourre-tout, mais un projet qui fixe le cap.

Trois défis majeurs sont devant nous. D'abord, il importe de rendre confiance à ceux qui aiment le métier de la terre, et qui veulent en vivre. Là est aussi la clef de la transmission et donc de la survie des exploitations. On le sait, depuis quelques années se pose en France un problème de rapport au travail. Tandis que certains bénéficient de sa réduction, on demande toujours davantage d'efforts aux agriculteurs, dans de nombreux domaines, par exemple celui de la mise aux normes. Je demande que celle-ci ne soit pas imposée de façon uniforme. Sachons cibler avec discernement les mesures de protection de l'environnement. Nous attendons aussi des outils destinés à faire face aux aléas climatiques. Bref, le projet que nous appelons de nos v_ux devra donner aux agriculteurs le sentiment qu'ils sont reconnus et compris.

Le second défi consiste à assurer la production et la diversité en garantissant la sécurité alimentaire. Pour le relever, il faudra proposer aux agriculteurs de nouveaux contrats d'objectifs par filière, destinés à assurer des productions diversifiées. Prenons soin d'encourager les filières les plus courtes, celles qui rapprochent le producteur du consommateur, et qui permettent de bien identifier les efforts de qualité. Sur ce point, il serait souhaitable d'harmoniser les labels.

Enfin, nous avons besoin d'une politique qui prenne en compte les difficultés propres à chacun de nos territoires. Je suis partisan de créer des zones franches rurales ; pourquoi en effet ce qui est reconnu bon dans certaines zones urbaines n'aurait-il pas de sens pour des territoires ruraux ? Comme cela a été le cas pour la montagne, Monsieur le président Ollier, des élus ne devront pas hésiter à déclarer que, sur certains territoires, l'intervention publique est nécessaire.

M. le président de la commission des affaires économiques - Les ZRR sont un bon exemple !

M. François Sauvadet - S'agissant de la sécurité alimentaire, on ne pourra indéfiniment multiplier les contraintes imposées à nos agriculteurs, si légitimes soient-elles, tout en continuant à importer des denrées produites hors de toutes règles. La volonté d'harmonisation qui s'affirme à l'échelle de l'Europe doit donc également prévaloir au sein de l'OMC, c'est-à-dire à l'échelle du monde.

Pour ce qui est, enfin, des biocarburants, il existe une directive qui nous impose d'en incorporer à terme 5,7 % et qui nous permet de consacrer de nouvelles surfaces à leur production. Sachons donc anticiper, pour ne pas avoir à en importer !

Les paysans ne rêvent pas des 35 heures ni ne demandent l'aumône. Ce qu'ils veulent, c'est qu'on reconnaisse leur travail et qu'on leur fixe un cap : tel doit être l'objet de la grande loi à laquelle nous entendons travailler avec vous, Monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. André Chassaigne - Ce débat s'ouvre presque un an exactement après l'accord, ou plutôt après votre démission de Luxembourg, Monsieur le ministre ! Voilà un anniversaire que nous aurions préféré ne pas fêter...

Réformée trois fois depuis 1992, la politique agricole commune a entretenu pendant cette douzaine d'années une crise quasi permanente de presque toutes les productions. Des millions de paysans ont ainsi disparu et la difficulté ne peut que s'exacerber.

Un débat assez curieux s'est ouvert aux Etats-Unis, voici quelques années : jugeant inhumaine la pratique de la pendaison, certains juristes ont voulu lui préférer l'injection létale - la mort douce plutôt que la mort violente. Jamais ces philanthropes n'ont posé la question de fond, celle de l'inhumanité de la peine de mort elle-même ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous jugez le rapprochement contestable ? Mais n'avez-vous pas scellé à Luxembourg la mort de notre agriculture et, aujourd'hui, ne voulez-vous pas nous faire débattre des modalités de cette mise à mort, en cherchant probablement à nous convaincre des bienfaits de la méthode douce ? Votre politique agricole, c'est la politique de la morphine ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Jamais, au cours de l'année passée, vous n'avez saisi le Parlement des propositions de réforme de la Commission ! Le gouvernement a, seul et de façon discrétionnaire, engagé notre pays sur la voie suicidaire du découplage et de la baisse des prix agricoles. Dès lors, nos gesticulations de ce jour apparaîtront bien futiles à tous les agriculteurs de notre pays.

Leurs organisations représentatives ne s'y sont d'ailleurs pas trompées : toutes ont sévèrement dénoncé vos propositions, après le Conseil supérieur d'orientation du 18 mai dernier. La Coordination rurale a condamné une « trahison qui livre les agriculteurs européens en pâture à l'idéologie libre-échangiste », la FNSEA une réforme « qui risque de conduire à l'élimination des plus fragiles » et la Confédération paysanne des « politiques de bas prix qui mettent les paysans en faillite, s'accompagnent de délocalisations et de concentration des productions, et découragent les installations ».

M. le Président de la commission des finances - Démagogie !

M. André Chassaigne - Quant au MODEF, il demande que « la France prenne l'initiative d'une autre politique agricole commune ».

M. le Président de la commission des affaires économiques - Parlez-vous au nom du MODEF ?

M. André Chassaigne - Votre splendide isolement prêterait à sourire si le sort de centaines de milliers de paysans et de salariés n'était en jeu. Votre acharnement pathétique à transformer en victoire les accords de Luxembourg m'évoque le comportement de l'empereur d'Allemagne Henri IV à Canossa : l'histoire n'a retenu de cet épisode que son humiliation ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il est vrai que le commissaire Fischler n'est pas le pape Grégoire VII, mais le gouvernement semble incapable, lui, de reconnaître l'acuité du problème. En lançant sa croisade pour la baisse des prix des produits de grande consommation, le ministre de l'économie, par exemple, accorde un blanc-seing à la grande distribution pour pressurer encore davantage les paysans. Comment peut-on ainsi déléguer la lutte contre l'inflation aux pires vautours ? Vous ne pouvez pourtant ignorer que, derrière ces Auchan ou Carrefour qui s'autoproclament défenseurs des consommateurs se cachent les plus grosses fortunes de France, des affairistes dont le monopsone est en grande partie responsable de la chute brutale des prix à la production...

M. le Président de la commission des finances - Qu'avez-vous fait contre, lorsque vous étiez au pouvoir ?

M. André Chassaigne - Obsédé par cet objectif suicidaire de baisse permanente des prix, le Gouvernement ne peut que se montrer applicateur zélé de la réforme de la PAC. Les modalités qu'il a annoncées le 18 mai ne seront pas de nature à apaiser les inquiétudes des agriculteurs. La nouvelle gestion des aides se ferait par exemple à budget constant ; jusqu'en 2013, la France conserverait chaque année dix milliards d'euros de retours agricoles, mais ce que vous présentez comme une assurance est en fait de bien mauvais augure. En effet, compte tenu de la réduction prévisible des prix agricoles, conséquence de la dérégulation et des capitulations de M. Lamy à l'OMC, cette stabilité budgétaire ne pourra qu'amplifier la baisse des revenus agricoles. Cette nouvelle gestion des aides pourra d'autant moins recueillir notre assentiment que c'est par prélèvement sur les aides du premier pilier que seront abondés les crédits destinés au développement rural et à la gestion des crises de production... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Cette usine à gaz prouve certes que vous n'êtes pas adepte des méthodes brutales, Monsieur le ministre. Vous avez indubitablement cherché à protéger nos paysans des ventes de l'ultra-libéralisme, à maintenir des liens entre les droits à prime et le foncier, à dissuader la spéculation foncière et à encourager l'installation de jeunes. Mais, par là-même, vous reconnaissiez implicitement les défauts de la nouvelle PAC. Dès lors, pourquoi avez-vous signé le prétendu compromis de Luxembourg, comme si la source des problèmes n'était pas là ?

Pour encourager l'installation, vous instituez une réserve nationale de droits non utilisés. Mais quel avenir auront les jeunes qui en bénéficieront s'il s'avère, au bout de trois ou quatre ans, que son exploitation n'est pas viable, du fait de la baisse des prix ? Et nous contestons vigoureusement le choix de calculer les aides découplées en fonction de références historiques : il aura surtout pour effet d'assurer une rente aux 20 % des agriculteurs qui perçoivent aujourd'hui près de 80 % des aides, et donc d'affaiblir encore davantage les petits, qui animent pourtant nos campagnes.

En outre, il est plus que probable que les barrières que vous opposez à la spéculation ne permettront nullement de freiner la croissance des prix du foncier et l'agrandissement des exploitations. Et d'ailleurs, comment justifier que les droits à prime puissent devenir marchands ? La surtaxation des échanges de droits sans terres ne réduira jamais les risques de spéculation sur les terrains auxquels sont attachés ces droits à prime. Une fois de plus, il s'agit de promouvoir une agriculture capitaliste, organisée sur des exploitations très étendues et supposant un développement du salariat agricole. La terre appartiendra de moins en moins à ceux qui la travaillent, et de plus en plus aux gros qui se contentent de la posséder !

Enfin, subordonner l'octroi des aides au respect de critères environnementaux pose plus de problèmes que cela n'en règle. Passons sur la complexité du dispositif : quelle foi accorder aux nouveaux croisés européens de cette conditionnalité écologique ? Ce sont les mêmes qui, pendant des années, ont poussé à l'utilisation croissante des engrais chimiques, au nom de la productivité ! D'autre part, alors que le premier critère devrait être le respect du vivant, l'Europe ne vient-elle pas d'autoriser la mise sur le marché d'organismes transgéniques ? Quelle cohérence y a-t-il de commander aux agriculteurs, dans le même temps, d'implanter en bandes enherbées 3 % de la surface de céréales et d'oléoprotéagineux ? La conditionnalité n'est en fait que le paravent d'une politique vouée tout entière à servir les intérêts des affairistes de l'agriculture et de l'agro-alimentaire.

Pour toutes ces raisons, comme la très grande majorité de nos agriculteurs, les députés communistes et républicains rejettent fermement la nouvelle politique agricole commune et les modalités d'application que vous proposez. Fidèles à nos principes, nous continuerons de revendiquer une politique de prix rémunérateurs pour les paysans et la promotion de notre souveraineté alimentaire, qui sont les conditions indispensables du maintien d'une agriculture sur nos territoires (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Alain Marleix - Ce débat intervient à un moment crucial pour notre agriculture, un an tout juste après l'accord de Luxembourg, à un moment de tension dans les négociations OMC avec le volet MERCOSUR et les propositions irresponsables du commissaire Lamy, et tandis que se prépare le projet de loi de modernisation de l'agriculture après le vote en première lecture de celui sur le monde rural. Il nous faut donc tracer des perspectives claires, donner aux agriculteurs de nouveaux repères et montrer aux jeunes, qui sont encore nombreux à s'installer, quel est l'avenir de leur profession. Etant, comme rapporteur spécial de la commission des finances, particulièrement sensibilisé au volet financier, j'y consacrerai cette intervention.

Grâce à l'accord de Berlin, conclu au printemps 2003 entre le Président Chirac et le Chancelier Schröder et entériné par l'Union européenne, la France dispose, après cinq années d'incertitudes, d'un cadre budgétaire clair, ambitieux et contraignant. Nous savons désormais que le « retour budgétaire » agricole de la France sera toujours de 10 milliards, que ce cadre budgétaire durera au moins jusqu'en 2013 et qu'en plus, la possibilité d'une augmentation annuelle de 1% a été obtenue. Le budget de l'agriculture représentant plus de 45% du budget de l'Union, c'est là un accord essentiel, qui est aussi un succès personnel pour vous-même, Monsieur le ministre.

Il est d'autant plus essentiel que si l'on fait le bilan financier « franco-français » de notre agriculture, il y a tout lieu d'être inquiet car on nous a légué une facture de plus de 3 milliards (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Tout d'abord, 1 milliard 170 millions d'impasse budgétaire en 2002, sinistre qui se répartit ainsi : 500 millions de dépenses du ministère - 105 millions de charges de bonification des prêts antérieurs à 2002, 75 millions de déséquilibre financier de l'ONF, 75 millions d'impasse sur les CTE signés avant mai 2002, 58 millions d'interventions non financées des offices, 45 millions de dépenses agri-environnementales, 41 millions non budgétés pour l'indemnité viagère de départ, 23 millions d'apurement des comptes du FEOGA antérieurs à 2002, 75 millions de dépenses diverses non prévues, parmi lesquelles les contentieux avec l'enseignement privé, dont certains professeurs n'avaient pas été payés ; 670 millions de déficit du BAPSA, accumulé au cours de la précédente législature - du fait de reports de charges qui ont fini par rompre profondément l'équilibre des comptes sociaux agricoles, ce qui a nécessité d'opérer différents prélèvements.

Ensuite, plus de 2 milliards d'engagements pris pour la législature actuelle, véritables bombes à retardement : 1 milliard pour les CTE 2002-2007 ; 300 millions pour la mise en _uvre du PMPOA ; 800 millions pour le financement de la retraite complémentaire obligatoire.

Ce trou de 3 milliards représente l'équivalent des dépenses nationales d'intervention d'une année - 3,2 milliards !

M. le Président - Je vous prie de conclure.

M. Alain Marleix - Notre pays dispose de la deuxième agriculture mondiale. Donnons-nous les moyens de la garder ! Pour ce faire, Monsieur le ministre, vous avez notre soutien le plus entier et notre confiance la plus totale.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Raison - L'agriculture est une activité sérieuse, complexe, mais certainement pas subalterne. Elle contribue à notre puissance économique et doit donc faire partie de la stratégie nationale.

La PAC a toujours été une chance et un moteur extraordinaires pour notre pays. Je souffre chaque fois qu'elle est présentée comme une empêcheuse de tourner en rond. En 1984, on a combattu les quotas, aujourd'hui on se bat pour les garder...

La réforme de Luxembourg a provoqué également un coup de tonnerre. Faut-il rappeler que notre combat doit être replacé dans son cadre mondial ? Il est rude, mais vous avez notre confiance, Monsieur le ministre - une confiance exigeante, bien sûr.

Une fois les négociations passées, le pragmatisme doit suivre, par la mise en place des armes de la compétitivité nationale - réforme des offices, fiscalité, politique de l'eau biocarburants... -, et avec un objectif de visibilité.

Nous devons aussi être conscients de la diversité de notre agriculture : diversité du climat, du relief, du sol, des productions, mais aussi des hommes et de leurs goûts. Méfions-nous de ce qu'on appelle le « modèle européen » ou le « modèle français » : comment pourrait-il y avoir un modèle avec tant de diversité ?

De même, soyons conscients de l'existence, au-delà de la PAC et des aides, d'un marché.

M. André Chassaigne - Qui cache des choix politiques !

M. Michel Raison - Grâce à la PAC, Monsieur Chassaigne, nous allons peut-être réparer les méfaits du communisme dans les pays de l'Est ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Le marché, ce sont notamment des clients, qui forment la société, laquelle est sensible à l'image de ses agriculteurs. Les détracteurs de l'agriculture moderne, les marchands de peur font passer leur message à travers des affirmations ; à nous de leur répondre en ne nous contentant pas d'affirmer, mais en démontrant, dans un langage compris de tous. A nous de dire que, grâce à cette agriculture moderne, nos concitoyens ne connaissent aucun souci d'approvisionnement, même dans des circonstances comme la sécheresse de 2003 - qui, on l'oublie trop facilement, aurait à cet égard posé de graves problèmes il y a seulement une cinquantaine d'années. De même, en matière de sécurité alimentaire, nous sommes pratiquement arrivés au risque zéro.

Soyons également attentifs aux revenus et aux conditions de travail des agriculteurs - avec lesquels les 35 heures créent une fracture. La future loi de modernisation devra tenir compte de tous ces paramètres. Nous ne sommes plus en 1960, et l'on ne saurait s'arc-bouter à ce qui est dépassé. Pour qu'un jeune ait envie de devenir paysan, il faut en particulier qu'il puisse avoir un projet de carrière et qu'il ne soit pas condamné au SMIC à vie. La France ne peut pas se passer de ses artistes-sculpteurs de paysages : travaillons tous ensemble pour qu'elle ne soit pas un pays sans paysans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Dosé - Je suis député de la Meuse, département rural, agricole, dit de « zone intermédiaire », où les montants compensatoires représentent 75% du revenu de nos exploitants et où l'activité est concentrée sur le lait, les céréales et l'élevage ; département faiblement industrialisé mais dont la filière agro-alimentaire reste l'un des atouts économiques - 80 % du brie de Meaux est d'origine meusienne.

En tant que maire, j'observe que dans les actes de mariage on écrivait « paysans » dans l'entre-deux-guerres, « cultivateurs » à la Libération, « agriculteurs » dans les années soixante, « exploitants agricoles » depuis vingt ans et maintenant « chefs d'entreprise agricole ». Le vocabulaire n'est pas neutre.

Ce débat est tardif. Les agriculteurs ont le sentiment que tout est joué, que les politiques européennes sont décidées par des fonctionnaires. Il faut rendre son crédit à la politique, resituer la PAC dans l'espace européen, l'expliquer. De ce point de vue, les récentes élections européennes ont été une occasion gâchée par tous.

Les agriculteurs regrettent aussi que cette réforme défasse sans construire. La nouvelle donne leur semble faire une trop large part au marché, au risque de piéger les territoires sur lesquels pèsent les plus lourdes contraintes. Il faut protéger à la fois l'efficacité économique et la solidarité territoriale. Travailleurs acharnés, les paysans ont aussi été les premiers mutualistes et coopérateurs.

Les gagnants ne sont ni les paysans du Sud, ni ceux des pays entrant dans l'Union, ni la majorité de nos agriculteurs. Espérons que cette réforme ne sera pas le triomphe des spéculateurs !

Les jeunes redoutent que les nouveaux droits à paiement, dans un marché sans réglementation, compromettent leur installation. Il faudra donc encadrer la gestion de ces droits à paiement.

Enfin, les coûts de mise aux normes ainsi que la démographie des éleveurs risquent de provoquer des cessations d'activité en cascade dans le secteur laitier. Je vous demande d'éviter cette funeste évolution.

Sur tous ces bancs, nous partageons les valeurs humanistes de la République. Acceptez cette conclusion en forme de mise en garde : ne laissez pas démanteler notre agriculture, un tel abandon se paierait au prix fort. Les jeunes quitteront le monde rural et feront autre chose, mais les autres, dans le secret de l'isoloir, se réfugieront dans les votes extrémistes. Dans la Meuse, on ne compte que 2,5 % d'étrangers : ce n'est pas cela qui explique les bons scores du Front national. J'ajoute que le taux de suicide des adultes en milieu rural est de plus en plus fort. Je vous propose donc d'ouvrir un vrai débat sur toutes ces questions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. André Chassaigne - Très bien !

M. Marc Laffineur - Il y a tout juste un an, le 26 juin dernier, une troisième réforme de la PAC était entérinée à Luxembourg. Elle faisait suite aux réformes de 1992 et de 1999.

Cette réforme, sur laquelle la France s'est âprement battue, stabilise le budget agricole de l'Europe jusqu'en 2013. Elle sera effective à partir du 1er janvier 2006. Elle repose sur le découplage et la conditionnalité des aides.

L'accord de Luxembourg nous oblige à examiner la pertinence du modèle agricole européen, qui traverse une crise morale sans précédent. Les agriculteurs se demandent quelle est leur place dans la société. S'il faut se féliciter de l'accord obtenu par la France, accord qui garantit 10 milliards d'euros par an à la PAC jusqu'en 2013, nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation. Cette réforme, si elle sauvegarde l'essentiel, révèle aussi les failles du monde agricole. A cause du système des découplages, nos agriculteurs se sentent dévalorisés : ils sont considérés comme des assistés au lieu d'être rémunérés pour leur production. En outre, la conditionnalité environnementale les transforme en conservateurs du monde rural, en gardiens des campagnes. Ils sont en droit de se demander ce que leur réserve l'avenir.

Dès 2005, les soutiens à l'agriculture seront progressivement conditionnés au respect de dix-huit directives et règlements européens. Les agriculteurs souhaitent savoir comment ils seront contrôlés et quelles seront les pénalités.

La réunification du continent européen, dont nous devons nous réjouir, pose tout de même des problèmes aux agriculteurs, qui s'inquiètent des conséquences de l'élargissement prévu en 2007 : en Roumanie, l'agriculture occupe 44 % de la population active. Vont-ils devoir affronter ce nouvel élargissement à budget constant ?

Cette réforme de la PAC est censée apporter des garanties à nos agriculteurs dans le cadre des négociations de l'OMC. Or, le négociateur Pascal Lamy s'est dit prêt à des concessions supplémentaires devant le Mercosur, en particulier sur les importations de viande bovine. Ce serait catastrophique pour les agriculteurs, mais aussi pour la PAC elle-même. Le Gouvernement compte-t-il demander au commissaire européen de respecter le mandat qui lui a été confié ?

D'autre part, avec cette réforme, les soutiens ne seront plus liés à la production. Les producteurs doivent-ils craindre qu'une partie de ceux-ci soient achetés par des non producteurs, voire par des personnes extérieures à l'agriculture ? En outre, le surcoût sera-t-il supportable pour les jeunes désirant s'installer ?

Il appartiendra au Gouvernement français de préciser la place qu'il souhaite donner à l'agriculture. Pour ma part, je pense qu'elle doit conserver son rôle en matière d'équilibre territorial. La République doit défendre les paysans de France et du monde. L'Europe doit aussi, pour rester indépendante, assurer son autosuffisance alimentaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Marc Le Fur - Longtemps, l'Europe et l'agriculture ont eu une destinée commune. Mariage d'amour, de raison ou d'intérêt ? Peu importe, l'alliance était constante. La PAC a longtemps été la seule politique européenne. De son côté, le monde agricole soutenait la construction européenne. A-t-il été payé en retour ? Oui, jusqu'au début des années 1990. Mais, dès 1992, apparaissaient les signes avant-coureurs de ce que certains appellent aujourd'hui un divorce.

L'Europe aime-t-elle toujours son agriculture ? Ou bien la considère-t-elle comme une survivance, un secteur économique marginal qu'elle se préparerait à sacrifier, comme pourrait le laisser craindre l'initiative récente d'un commissaire européen ? Le Mercosur comporte deux super-puissances agricoles, le Brésil et l'Argentine. Monsieur le ministre, vous avez su bloquer cette initiative redoutable.

L'Europe n'a plus d'ambition exportatrice en matière agricole, comme en témoigne le recul progressif des restitutions, qui sont passées de 30 à 10 % du budget de la PAC en dix ans. Pour la volaille et le porc, marchandises pour lesquelles il n'existe pas d'organisation commune de marché, ces restitutions constituent le seul mode de soutien communautaire. Les Etats-Unis, quant à eux, maintiennent différents dispositifs : l'aide humanitaire leur sert à déstocker, et ils versent en outre des aides directes à leurs agriculteurs. Qu'on ne nous fasse donc pas la leçon !

L'opinion publique s'imagine trop souvent, et à tort, que l'agriculture est l'enfant gâtée de l'Europe. L'abandonner, comme l'ont fait les Britanniques au XIXe siècle, serait une grave erreur. Comment garantirions-nous notre indépendance sans l'autosuffisance alimentaire ? De ce point de vue, l'agriculture vaut le nucléaire. En France, elle représente un chiffre d'affaires de 139 milliards d'euros. Nous sommes toujours au premier rang pour les produits agricoles transformés, et la filière agro-alimentaire continue de créer des emplois.

L'Europe donne le sentiment d'être devenue une usine à normes. Or ces normes, qui sont appliquées chez nous parce que nous disposons d'une administration zélée, ne le sont pas forcément ailleurs, ce qui crée des distorsions de concurrence. J'évoquerai la taille des cages à poules, les modalités de la traçabilité, l'incorporation des graisses animales, admises dans certains pays européens...

Par ailleurs, aux normes européennes s'ajoutent souvent des normes nationales. Prenons l'exemple de l'équarrissage, contrainte supplémentaire, alors qu'il paraîtrait qu'au Brésil, quand une vache meurt, on laisse les vautours faire leur office! C'est dire si les distorsions de concurrence sont d'envergure! Et on nous parle d'une nouvelle redevance agricole sur les pollutions diffuses, alors que ce n'est vraiment pas le moment d'imposer à nos agriculteurs une contrainte supplémentaire.

Face à ces difficultés, il faut savoir anticiper. Nous avions déposé des amendements en ce sens lors de l'examen en première lecture de la loi rurale, malheureusement abandonnés en partie au Sénat, mais j'espère que nous pourrons les rétablir en deuxième lecture.

Mais surtout, il faudra profiter de la future loi agricole pour remettre en cause certaines vérités, et légiférer sur le long terme afin que la France puisse conserver l'essentiel: ses paysans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

M. Jean Launay - L'initiative de ce débat aurait dû être saluée, si elle n'avait été si tardive, voire inutile: y a -t'il encore matière à débattre? Les décisions ont été prises et annoncées. Le Parlement est ravalé au rang de théâtre.

Pis, le gouvernement, depuis deux ans, plonge l'agriculture dans une situation alarmante: abandon du CTE au profit d'un contrat d'agriculture durable qui ignore l'aspect social d'un secteur pourtant en crise, gel de 5 % du budget de l'agriculture française en 2004, annonce du durcissement de la rigueur en 2005, traitement désastreux de la sécheresse.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - 1,2 milliard d'euros ne sont pas rien !

M. Jean Launay - Et je ne parle pas du souhait de ce gouvernement de ne pas augmenter le budget de l'Union, rigueur dénoncée par le commissaire européen à l'agriculture lui-même! N'y a t'il pas là l'une des principales raisons de votre cuisant échec aux dernières élections européennes?

S'agissant des modalités d'application de la réforme de la PAC, vous remettez en place aujourd'hui la modulation facultative des aides instaurée par Lionel Jospin, et que vous aviez supprimée en 2003, non sans profiter des 215 millions d'euros récoltés à ce titre.

Sans parler de l'incohérence de la démarche, les agriculteurs perdent espoir et se sentent trahis par le gouvernement , comme en témoignent les récents propos du président des jeunes agriculteurs.

Venons en au découplage des aides: vous avez choisi un découplage partiel après avoir tant clamé votre opposition au principe même du découplage. Le calcul des aides va devenir d'une complexité telle qu'elle en a été dénoncée par la FNSEA.

A partir de 2006, les aides publiques seront attribuées sous la forme d'une prime, indépendamment de la production. L'essence même de l'agriculture s'en trouve remise en cause, et vous devrez sans doute revoir la définition de l'activité agricole, telle qu'elle résulte de l' article L.311-1 du nouveau code rural. Si l'on ne produit pas, maîtrise t'on encore un cycle biologique? La conservation de la terre en bon état est-elle une activité agricole?

Les modalités d'application du découplage s'avèrent très complexes, même s'il faut saluer la sauvegarde des primes au maintien du troupeau de vaches allaitantes.

En insistant sur le rôle de conseil et d'information des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, M. le ministre a lui-même reconnu la complexité de la situation. Vous insistez sur l'importance d'un accompagnement personnalisé de chaque exploitant, mais avec quels moyens?

Je souhaite vous répéter notre désaccord sur votre gestion des droits à prime, que vous marchandisez. Ce faisant, vous freinez l'installation des jeunes agriculteurs, même si vous ne taxez pas les transferts aux jeunes agriculteurs. Quel sera, du reste, l'impact de cette mesure? Tirez les leçons des conséquences néfastes du système des quotas individuels transférables dans le secteur de la pêche: les jeunes qui s'installent doivent payer des prix exorbitants pour simplement acquérir des droits à produire. La situation est alarmante (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jérôme Bignon - L'accord de Luxembourg de juin 2003 aura permis de dégager pour notre agriculture des perspectives satisfaisantes de développement à moyen et long terme. La fixation d'un cadre budgétaire jusqu'en 2013 en est un élément essentiel. La France a largement défendu le maintien des outils de régulation des marchés - quotas laitiers, mesures en faveur de l'installation des jeunes.

Cela dit, malgré les efforts du Gouvernement, l'agriculture est inquiète, notamment dans mon département de la Somme, où je vous invite, Monsieur le ministre, à nous rendre visite.

Proust écrivait, dans La Prisonnière, que nous nous représentons l'avenir comme un reflet du présent projeté dans un espace vide alors qu'il est le résultat de causes qui nous échappent pour la plupart.

Tâchons de faire mentir Proust. S'agissant des biocarburants, nous n'allons ni assez loin, ni assez vite, alors que c'est un énorme potentiel pour notre agriculture, à l'heure où l'énergie éolienne divise nos compatriotes, notamment en raison de l'atteinte au paysage. Les biocarburants ont des effets positifs sur l'émission de gaz à effets de serre, sur notre indépendance énergétique, sur l'emploi et le développement rural, sans pour autant perturber le marché alimentaire.

Par ailleurs, la complexité de la réforme inquiète, c'est vrai, et l'on a déjà beaucoup demandé aux agriculteurs, qui ont fait des efforts d'adaptation ces trente dernières années. S'agissant de l'écoconditionnalité des aides, n'ajoutons pas des conditions supplémentaires à celles déjà imposées par Bruxelles, au risque de nuire à notre compétitivité.

Concernant le régime des ateliers laitiers - 1 700 dans la Somme, 420 millions de litres de lait, 3 500 actifs -, la mise aux normes des ateliers d'élevage ne suscite aucun engouement tant la filière doute de son avenir: sur 600 ateliers concernés, 100 seulement ont montré un intérêt et cinq ont déposé un dossier.

Ensuite, il faut favoriser le regroupement des ateliers laitiers.

S'agissant de l'OMC et des négociations avec le Mercosur, j'aurais voulu parler de l'action de M. Lamy, qui a contribué à créer le découplage aujourd'hui dénoncé, mais d'autres le feront.

Il importe enfin de faire de la future loi de modernisation agricole un outil pour l'avenir : simplifions les contraintes et augmentons les chances pour que nos agriculteurs deviennent de vrais entrepreneurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Le Nay - L'avenir de notre agriculture constitue l'une de nos préoccupations majeures.

L'agriculture se transforme de plus en plus au rythme de l'évolution mondiale du commerce et des échanges. Depuis les années cinquante, les agriculteurs ont su s'adapter en investissant et en répondant aux nouveaux besoins. Or, ils sont aujourd'hui confrontés à de nombreuses incertitudes, notamment consécutives à l'élargissement de l'UE aux pays de la zone PECO.

Suite à l'adoption de la réforme de la PAC par le conseil des ministres européens, c'est au Gouvernement d'en arrêter maintenant les modalités d'application.

Nous nous devons tout d'abord de conforter l'installation des jeunes agriculteurs et de pérenniser leurs exploitations. Nous devons les rassurer. Certes des facilités leur seront accordées, notamment l'exonération de toute taxation des droits cédés dans le cadre de leur installation. C'est une mesure intéressante mais des difficultés d'application peuvent se poser dans les GAEC ou en cas d'installation en société. J'aimerais obtenir quelques précisions sur ce point, et d'autant plus que de nombreuses installations ont lieu sous cette forme juridique.

Les agriculteurs installés depuis quelques années, en outre, auront besoin d'étendre leurs exploitations pour qu'elles soient viables. Il importe donc de bien analyser les seuils de surface à partir desquels la taxation des droits à paiement passera de 10 % à 50 %.

Plus généralement, les jeunes agriculteurs doivent avoir une meilleure lisibilité de l'évolution de leur métier en fonction de leurs filières. Les exploitants, en effet, engagent des investissements très lourds et doivent être en mesure de les assumer tout en vivant décemment de leur métier.

Il importe ensuite de faire preuve de souplesse dans l'application de la réforme de la PAC. De nombreux agriculteurs arrivent en fin de carrière et n'ont pas de successeur. Nous ne leur rendrons pas service en leur faisant supporter de nouvelles charges d'investissements. Je pense en particulier aux programmes de mise aux normes qui peuvent atteindre des sommes très élevées.

Il importe enfin que l'application de la réforme soit simplifiée administrativement. Nous rencontrons dans nos circonscriptions de nombreux agriculteurs qui nous font part de leur ras-le-bol face à l'accroissement des démarches administratives auxquelles ils doivent se soumettre. Ils sont excédés face aux nombreux formulaires à remplir, aux multiples déclarations à expédier, démarches auxquelles s'ajoutent des contrôles à répétition.

Je sais, Monsieur le ministre, que vous êtes conscient des enjeux et des défis à relever. La société moderne, avec la réduction du temps de travail, n'encourage pas les jeunes à se lancer dans un métier où il faut travailler sans relâche. Les 35 heures ont considérablement creusé l'écart qui sépare les agriculteurs des autres catégories socio-professionnelles. Or, ils doivent être soutenus et avoir des garanties sur les perspectives de leurs profession et le maintien d'un revenu décent.

Pour ce faire, il est nécessaire de défendre au sein des institutions européennes notre modèle agricole français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Henri Nayrou - C'est au lendemain des élections européennes que vous vous décidez à parler de la réforme de la PAC et de ses modalités d'application. Compte tenu du calendrier décalé par rapport aux règles du travail parlementaire, quel impact aura notre discussion ? Poser la question, c'est y répondre.

Je veux ici faire entendre la voix de la montagne, chère aux élus de l'ANEM et à vous-même, Monsieur le ministre, même si votre politique privilégie les grandes exploitations au détriment de la fonction d'aménagement du territoire qui est aussi celle de l'agriculture.

Alors que les productions sont diverses, il serait dangereux qu'elles soient soumises aux mêmes conditions de marché. L'économie agricole ne peut, en outre, tous les experts le savent, être soumise aux seules lois du marché. Ici plus qu'ailleurs la régulation est nécessaire ; or, la mise en _uvre de la PAC va à l'encontre de cette évidence.

L'Etat doit donc retenir des règles d'application de la PAC propres à conforter l'agriculture de montagne, à faire cohabiter des exploitations attentives à leurs performances et des fermes soucieuses de répondre à une démarche de qualité pour des marchés de proximité. La marchandisation des droits à paiement, de ce point de vue, pénalisera les plus fragiles des agriculteurs.

Je rappelle le credo de l'ANEM : la reconnaissance d'un droit à la différence dans les zones souffrant de handicaps naturels. Il est en effet paradoxal que les professionnels répondant le mieux aux préoccupations de santé et d'environnement aient les revenus les plus faibles et les aides les moins élevées.

Parallèlement, il est essentiel de reconnaître le rôle irremplaçable des agriculteurs dans le développement rural. Or, vous avez supprimé la modulation des aides avant de la rétablir à la suite de l'accord de Luxembourg, mais telle que l'entendez, elle n'est ni juste ni évolutive. Quels sont donc vos choix précis en matière de réorientation ?

L'avenir du principal outil en faveur de l'agriculture de montagne est incertain et le découplage, que vous agrémentez de références historiques, témoigne de toute absence de volonté d'innovation - ce qui condamne les exploitations les plus fragiles à l'être un peu plus. Il est donc primordial d'envisager d'autres solutions permettant de ne pas détourner les montants des ICHN nécessaires à l'agriculture de montagne.

Vous avez dit, Monsieur le ministre, que la compensation des handicaps naturels auxquels sont confrontés les agriculteurs n'est pas un privilège. J'ai néanmoins des doutes quant à la concrétisation de tels propos, surtout depuis que nous avons appris la réforme des offices que vous préparez.

Les agriculteurs ne connaissent que trop la « main invisible » du marché. Vous condamnez trop d'exploitations agricoles de montagne à disparaître pour que nous puissions admettre votre réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Michel Lejeune - Ce débat permettra, je l'espère, d'apporter des précisions à tous les agriculteurs qui sont inquiets mais aussi de faire connaître à nos concitoyens les changements fondamentaux qui s'annoncent. Je remercie tous ceux qui ont permis qu'il ait lieu.

Premier message : produire ne doit pas être considéré comme un péché. La vocation première des agriculteurs est de nourrir les populations.

Deuxième message : nous ne faisons qu'appliquer des décisions prises par le Conseil européen.

A ce propos, Monsieur le ministre, votre détermination a permis de faire entendre avec force la voix des agriculteurs français et le maintien des quotas laitiers jusqu'à 2013 au moins ainsi que la somme de 10 milliards d'euros par an permettront de rassurer nos agriculteurs.

La grande nouveauté apportée par la réforme de la PAC, c'est le découplage des aides. Dans sa sagesse, la France a ménagé la possibilité d'un découplage partiel : ne pas mettre tous ses _ufs dans le même panier est un vieil adage toujours justifié. Il sera toujours temps de s'adapter.

Nous sommes inquiets de la conditionnalité des aides et du renforcement des contrôles. Je vous transmets un message d'alerte : les agriculteurs sont asphyxiés. DDAF, DIREN , ARIC , DSV contrôlent à tout bout de champ.

Ne sous-estimez pas la colère qui monte chez ces agriculteurs, lesquels travaillent parfois douze à quatorze heures par jour pour une rémunération à peine équivalente au SMIC et que l'on traite comme des fraudeurs potentiels. Ils sont accablés de charges et paient des cotisations sociales très élevées. Ils sont en outre soumis à un contrôle de plus en plus pointilleux, étant entendu qu'un bon contrôleur doit absolument trouver quelque chose s'il ne veut pas voir sa fonction remise en question.

La concertation et la formation vaudront toujours mieux que la sanction et la suspicion. Nous l'entendons dire tous les jours sur le terrain. Je transmets donc le message.

Profitons de cette réforme pour redonner confiance aux agriculteurs en leur faisant tout simplement confiance et en les libérant de ce carcan administratif qui devient paralysant. Nous comptons sur vous, Monsieur le Ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Binetruy - II y a deux ans, en mai et juin 2002, comme beaucoup d'entre nous, je sillonnais ma circonscription dans la perspective des législatives. La 5eme circonscription du Doubs est la plus rurale du département, avec 9 cantons et 178 communes.

Les inquiétudes des agriculteurs étaient alors très grandes : suppression de la prime au maintien des systèmes d'élevage extensif, avenir des CTE non financés, crise de la viande bovine...

Deux ans après, que de chemin parcouru, Monsieur le ministre ! La PHAE s'est substituée à la PMSEE, le financement des CTE a été assuré malgré l'explosion des coûts non maîtrisée par vos prédécesseurs, et si la mise en place des contrats d'agriculture durable a été un peu plus laborieuse, elle a permis d'assurer la pérennité de l'aide à une agriculture écologiquement responsable. Par ailleurs, vous avez su faire sortir notre pays de la crise de l'ESB et des farines animales. La conjoncture ne vous a pourtant pas été favorable, avec les gelées tardives du printemps 2003, les inondations et la sécheresse dramatique de l'été. Mais votre sens de l'écoute et du dialogue, votre clairvoyance, votre dynamisme infatigable et votre acharnement à défendre les intérêts de nos agriculteurs ont permis à notre pays de surmonter toutes ces turbulences.

Cependant, malgré votre action volontariste, de nombreuses craintes subsistent. Il est vrai que cette belle profession soumise aux caprices de Dame Nature a de tout temps généré l'inquiétude, variable selon les époques : hier, on redoutait le pillage des récoltes, aujourd'hui on craint toujours les aléas climatiques mais la principale source de préoccupation naît de la lisibilité que les agriculteurs peuvent avoir de leur avenir.

Avec le Président de la République, vous avez certes réussi, lors de la négociation des accords de Luxembourg, à donner une lisibilité relative aux agriculteurs en obtenant le maintien jusqu'en 2013 des aides européennes à l'agriculture française et la prolongation durant la même période du contingentement de la production laitière.

Mais dans la difficile négociation européenne, ces garanties ne pouvaient malheureusement pas être obtenues sans contrepartie.

La baisse du prix du lait et de ses dérivés est la plus préoccupante, car elle entraîne pour le producteur une baisse de revenu, la compensation n'étant pas totale et le producteur devenant de plus en plus assisté. L'entrée dans l'Union de dix nouveaux pays risque d'accentuer cette baisse des cours. Je m'insurge en tout cas contre cette course suicidaire aux prix toujours plus bas qui aggrave les difficultés des petits producteurs mais aussi des petits commerçants de proximité. Une réponse partielle peut être trouvée dans la qualité et la spécificité de productions reconnues au niveau européen - AOC, IGP.

Autre contrepartie : le découplage des aides. Grâce à vos qualités de négociateur, Monsieur le Ministre, vous avez obtenu qu'il soit limité, mais même partiel, ce découplage entraîne la mise en place du droit à paiement unique qui constitue une source d'interrogations pour les agriculteurs.

M. le Président - Il faut conclure.

M. Jean-Marie Binetruy - Le dernier point que je souhaiterais aborder est la complexité croissante des procédures et des contrôles. Je suis, bien sûr, conscient du fait qu'une politique administrée appelle des contrôles. Il n'en est pas moins impératif de simplifier au maximum, faute de quoi notre agriculture comme d'ailleurs nos entreprises et même notre société perdront toute réactivité dans ce monde qui en demande de plus en plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Paul Chanteguet - Ayant lu avec intérêt les documents du ministère, j'ai remarqué un certain embarras concernant les droits à paiement unique dits DPU, conséquence du découplage adopté le 26 juin 2003 à Luxembourg . Il n'est en effet nulle part dit que ces DPU pourront être vendus. On parle pudiquement d'échange, de transfert, de transmission, de cession voire de mouvements...

Je ne partage pas votre optimisme, Monsieur le Ministre, à propos du transfert des droits à paiement, car je ne crois pas que l'encadrement prévu évitera la spéculation et favorisera l'installation. Il est faux de dire qu'un lien étroit sera maintenu entre ces droits et le foncier agricole, puisqu'il sera possible de les vendre sans terre, la cession étant alors taxée à 50 %. Vous me rétorquerez sans doute que seul un agriculteur pourra procéder à une telle opération, mais quand on connaît la définition laxiste de l'agriculteur qu'a retenue l'Union européenne - celui qui produit ou qui maintient les terres dans de bonnes conditions agricoles et environnementales -, on ne peut qu'être inquiet.

La taxation à 50 % ne sera à l'évidence pas un élément régulateur suffisant. En effet, rien n'interdira à un agriculteur de proposer au cédant un prix bien supérieur à la valeur des DPU, dans la mesure où il sera assuré, s'il satisfait aux conditions, de percevoir des primes au moins jusqu'en 2013. C'est donc bien le marché qui déterminera le prix de vente de ces droits. Dans ces conditions, on peut craindre une spéculation.

On peut craindre aussi une forte déprise, puisque des surfaces agricoles importantes risquent demain d'être privées de droits à paiement. Il est donc permis de se demander, comme le fait le président du centre national des jeunes agriculteurs, si cette nouvelle PAC ne nous entraîne pas vers une France dans laquelle il y aura moins d'agriculteurs mais des exploitations plus grandes.

L'avenir de notre agriculture passe pourtant par l'installation de jeunes. Or, actuellement, la moyenne de nombreuses régions est seulement d'une installation pour trois départs à la retraite. Ce n'est pas tenable, mais je doute que les dispositions proposées soient de nature à inverser cette tendance. Certes, les échanges de DPU avec des terres ne seront pas taxés pour les jeunes - il en ira de même pour une cession à un jeune agriculteur installé depuis moins de cinq ans et répondant aux critères principaux des aides à l'installation. Mais comme, par ailleurs, deux décisions favorables à l'agrandissement des exploitations - et donc pénalisantes pour l'installation de jeunes - ont été prises, le pire est à craindre.

Ces deux décisions sont d'une part la fixation d'un faible taux de taxation - 10 % seulement - pour les échanges de DPU avec des terres se rapportant à des extensions allant au-delà des seuils qui seront fixés par la CDOA dans chaque département ; d'autre part, la modulation des aides directes, dont le taux sera le même quel que soit le montant perçu par l'agriculteur. Aucune progressivité n'est proposée, alors que dans ce pays, 20 % des agriculteurs continuent de percevoir 80 % des aides.

Elu d'une zone humide, je voudrais maintenant insister sur la nécessité de développer des politiques spécifiques en faveur de ces territoires présentant un grand intérêt environnemental. Un premier pas en ce sens a été fait dans la loi de finances pour 2004, avec l'exonération totale de la taxe sur le foncier non bâti pour les propriétés situées dans une zone Natura 2000, puis dans le projet relatif au développement des territoires ruraux, qui prévoit des exonérations partielles ou totales pour les zones humides à fort enjeu patrimonial, mais nous pensons qu'il faut aller plus loin en étendant à ces zones les mesures arrêtées pour le Marais Poitevin, à savoir l'octroi d'une ICHN.

Je salue l'obligation faite par Bruxelles de maintenir dans une limite de 10 % le rapport entre la superficie des pâturages permanents et la surface agricole utile. La PAC a en effet conduit de nombreux agriculteurs, en particulier dans les régions d `élevage, à retourner les prairies pour produire des céréales et des oléagineux, les primes à l'hectare perçues pour ces productions étant bien supérieures aux aides à l'hectare touchées par les éleveurs. Compte tenu du rôle des prairies, nous ne pouvons que nous féliciter de la décision de Bruxelles.

En conclusion, j'insiste sur le fait que les modalités d'application de la nouvelle PAC risquent d'avoir pour conséquence une baisse du nombre d'agriculteurs et la désertification de nombreux territoires. ((Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Sylvia Bassot - Je voudrais vous faire part de mon étonnement à l'écoute de certains propos. Si je ne me trompe, le découplage des aides et les concessions à l'OMC ont été voulus par M.Lamy, qui est membre du parti socialiste. Nos collègues de l'opposition seraient donc bien inspirés de lui transmettre leurs discours et de lui demander d'agir dans le sens qu'ils souhaitent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

C'est vrai, les paysans redoutent les conséquences de la nouvelle PAC. En effet les accords de Luxembourg, dans le secteur laitier, s'apparentent davantage à une révolution qu'à une réforme. Avec un mécanisme régissant des droits à paiement d'une extrême complexité, avec l'entrée de nouveaux pays comme la Pologne, capables de beaucoup produire à des coûts et avec des normes sanitaires moindres, l'inquiétude se fait jour, en particulier dans mon département. Pourtant, Monsieur le ministre, vous avez « mouillé votre chemise » pour obtenir le prolongement du régime des quotas jusqu'en 2015, la garantie annuelle minimale de 10 milliards de retours agricoles jusqu'en 2013, et la création d'une réserve de droits à taux zéro pour favoriser l'installation des jeunes. Ce dernier point est primordial. En effet la production laitière est de celles qui installent le plus de jeunes, 98 en 2003 dans l'Orne . Mais les jeunes hésitent à se lancer, tant le travail est rude, le revenu incertain, et tant une installation coûte de plus en plus cher. Il faut donc que tout l'appareil d'Etat, au côté des organisations professionnelles, s'implique dans la transmission et la fusion des exploitations. Cela passe par des mesures fiscales sur le foncier et une hausse significative des quotas de préretraite. Bref, il importe de prendre des mesures substantielles d'accompagnement de la PAC, dans la plus grande proximité possible.

Néanmoins, il faut regarder la vérité en face : tout ne peut pas continuer comme avant. Mais nous avons bien des atouts. Nos paysans sont courageux, travailleurs et capables de s'adapter. Si la France demeure, pour notre grand bonheur et celui des étrangers, le temple de la gastronomie, c'est que nos produits sont meilleurs qu'ailleurs, et on le doit au grand talent des paysans français. Faisons leur confiance, comme, Monsieur le ministre, nous vous faisons confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Decool - Les conséquences de l'élargissement de 2004 sont colossales, et donnent l'occasion aux opposants de la PAC de la contester à nouveau. Le 26 juin, à Luxembourg, les principes essentiels de la PAC ont été préservés, en particulier grâce à l'intervention française. Au moment d'appliquer la réforme, nombre d'agriculteurs éprouvent inquiétudes et difficultés, qui tiennent en quatre mots : complexité, erreurs, contrôles, injustice. De fait, la suradministration est flagrante. Ainsi dans le Nord, classé en zone vulnérable, l'empilement des règles entraîne erreurs, sanctions, donc sentiment d'injustice. De plus, le principe de conditionnalité des aides fait que l'agriculteur doit exploiter trois cultures différentes, ce qui dans le Nord est très difficile. Ne serait-il pas concevable de « rompre les pâtures », comme on dit chez nous ? De même, l'obligation de 3% des bandes enherbées le long des cours d'eau est particulièrement gênante, les exploitations en Flandre étant souvent situées en zone de wateringues, et réduit les surfaces exploitables.

Après la régionalisation dont les modes de fonctionnement ont été définis au Conseil des ministres du 29 septembre 2003, bien des questions demeurent en suspens. Dans les pays ayant choisi une répartition de la totalité des aides sur l'ensemble des superficies, les producteurs, en particulier ceux de pomme de terre, pourront toucher de 200 à 300 € par hectare. Ce système crée une distorsion de concurrence au détriment de nos producteurs, la France n'ayant pas adopté le principe de la régionalisation. Notre pays, deuxième producteur et premier exportateur européen de pomme de terre, qui emploie dans ce secteur 9 000 personnes, subira une perte de compétitivité. Comment comptez-vous maintenir la filière à son niveau actuel ?

En outre, comment fonctionnera le dispositif de gestion des crises annoncé dans le cadre de l'accord de Luxembourg ? On sait en effet que les crises, ces dernières années, n'ont pas manqué.

Plus généralement, quel est l'avenir de notre agriculture ? Le tourisme rural ou la pluriactivité ne régleront pas tout. C'est pourquoi le développement des biocarburants tel que l'éthanol offre des perspectives prometteuses. Je suggère donc de réfléchir à une complète défiscalisation de ces productions, et à la culture des jachères pour des plantes non alimentaires. A toutes ces inquiétudes, s'ajoute l'annonce de la baisse de 50 % des majorations mensuelles sur les céréales pour la récolte 2004, qui entraînera une diminution de 3 % du prix garanti. Je vous remercie, Monsieur le ministre, de votre écoute et de vos réponses à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Germinal Peiro - La semaine dernière M. Despey, président du CNJA, a déclaré que les agriculteurs avaient le sentiment d'avoir été trompés. Par qui ? « Par le président de la République et le Premier ministre lors du congrès mondial des jeunes agriculteurs à Paris. ». Le Président de la République avait en effet affirmé refuser tout risque de payer deux fois, une fois à l'occasion de l'accord sur la PAC et une autre fois à Cancun. On sait ce qu'il en a été. « Qu'on ait le courage de nous dire qu'il y aura une nouvelle orientation avec moins de paysans » a déclaré le président Despey. De fait, jamais la profession agricole ne s'est trouvée face à tant de difficultés et d'incertitudes. La réforme signée en juin 2003 à Luxembourg n'apporte aucun apaisement. Avec le découplage, une partie des aides sera versée sans tenir compte du volume de production, en contrepartie de quoi les prix agricoles seront livrés au marché. Cette réforme que la FNSEA a qualifiée d'« ultra-libérale » permettra de démanteler tous les outils de régulation, alors que les prix mondiaux sont artificiels en raison, notamment, des interventions américaines. Pourra-t-on justifier longtemps le versement de primes sans production ? Il est difficile de le croire.

En revanche il est clair que l'alignement des prix agricoles sur les cours mondiaux va accélérer la disparition de nos exploitations. Seules les grosses, de type industriel, pourront faire face. Pour beaucoup d'autres, la prime de découplage équivaudra à une prime de licenciement. En agriculture aussi, le libéralisme sera bientôt parvenu à ses fins, ouvrant sur un vaste marché mondial livré à la loi du plus fort. A ce jeu, l'agriculture européenne risque de voir bientôt disparaître la moitié de ses actifs. Cette politique va à l'encontre du maintien de la vie dans les zones rurales fragiles, de la préservation de l'environnement et de la qualité sanitaire des aliments. Voilà pourtant, Monsieur le ministre, la politique que vous soutenez. Les agriculteurs n'ont pas oublié que les outils de correction apportés par le gouvernement précédent ont été rayés d'un trait de plume dès votre arrivée, qu'il s'agisse de la modulation des aides ou des contrats territoriaux d'exploitation. Cette politique tourne le dos aux attentes de notre société, qui demande une agriculture couvrant l'ensemble du territoire, proposant des produits de qualité et respectant l'environnement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Feneuil - Au cours de la renégociation de la PAC, vous avez agi, Monsieur le ministre, pour que des agriculteurs français puissent continuer à participer pleinement au maintien de l'agriculture européenne. Reste que cette réforme soulève encore beaucoup d'interrogations. Sans doute, grâce à vous, a-t-elle été comprise par nos agriculteurs qui, en dépit de nombreuses difficultés, sont toujours prêts à s'adapter.

Mais ce qui est bon peut toujours être amélioré et cela vaut pour quelques-unes des modalités d'application de cette réforme. Ainsi, les droits à paiement et donc les aides découplées perçues à compter de 2006 doivent être fonction des aides perçues entre 2000 et 2002, les événements exceptionnels susceptibles d'être pris en compte se limitant au décès, à l'incapacité de longue durée, à la survenue d'une catastrophe naturelle grave, d'une destruction accidentelle de bâtiments ou d'une épizootie. Ne pourrait-on ajouter à cette liste d'autres éléments susceptibles d'affecter le montant des aides couplées, comme la privation temporaire de jouissance due à la construction d'un ouvrage déclaré d'utilité publique, ou les pertes de production dûment indemnisées, consécutives par exemple à la grêle ou à des dégâts de gibier ?

Vous avez obtenu, Monsieur le ministre, que des clauses, insérées dans des actes privés, puissent assurer le transfert des droits à paiement, ce afin de conserver un lien minimal entre droit à paiement et foncier. De telles clauses ne pourraient-elles être également retenues pour des opérations ayant eu lieu pendant la période de référence ? Assurés de percevoir en 2006 des aides en rapport avec la réalité de leur exploitation, les agriculteurs auront moins à solliciter la réserve nationale, ce qui évitera de gonfler celle-ci artificiellement.

Le dispositif paraît exclure la systématisation des transferts de droits à paiement constitués par un fermier. Des clauses de transfert sont bien prévues mais, laissées à la discrétion des intéressés, elles ne pourront concerner que les transferts effectués après le 15 mai 2004. Si un fermier a constitué des droits en exploitant des parcelles, qu'il a ensuite quittées sans faire usage de ces clauses, il conviendrait que les droits « remontent » dès la première année à la réserve nationale, pour pouvoir être redistribués au fermier reprenant ces terres.

Ne serait-il pas souhaitable également d'élargir les cas d'exonération du prélèvement pesant sur les transferts ? Il est prévu de réserver cette exonération aux jeunes qui s'installent et aux transferts effectués dans le cadre d'un héritage : ne pourrait-on l'étendre à tous les transferts opérés au sein de la famille, ce jusqu'au troisième degré ?

Un prélèvement est prévu, d'autre part, sur les transferts effectués dans le cadre d'un agrandissement, au-delà d'un seuil fixé dans chaque département par les CDOA. Sachant que le contrôle des structures est déjà opérant à ce niveau, ne risque-t-on pas une complication administrative coûteuse ?

Par ailleurs, s'il est sans doute souhaitable sur le principe de faire dépendre l'octroi des aides du respect de certains textes réglementaires, les exploitants redoutent de se voir appliquer une double peine : non seulement le non-respect de la réglementation emportera les conséquences prévues en droit français, en sus de la réduction de l'aide, mais celle-ci pourrait frapper l'ensemble des productions de l'exploitation alors même que l'infraction n'en concernerait qu'une seule.

La conditionnalité met aussi en jeu des obligations extra-réglementaires : ainsi pour la mise en place d'une surface équivalant à 3 % de la surface en céréales ou en oléo-protéagineux et pour le gel de l'exploitation en bandes enherbées. Si la mesure semble opportune pour protéger les cours d'eau ou les nappes phréatiques, est-il bien utile de l'imposer dans les autres cas, d'autant qu'elle peut avoir pour effet de réduire les surfaces consacrées à des cultures à usage énergétique ? Privilégions plutôt une gestion collective des jachères existantes, selon le modèle de mutualisation déjà éprouvé pour le gestion des emprises d'autoroute ou de TGV.

Tous les agriculteurs sont avec vous, Monsieur le Ministre : travaillons donc ensemble au succès de cette réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Rouault - La politique agricole commune fait l'objet d'un dénigrement quasi incessant. Pourtant, ses visées sont incontestables : elle a d'abord été conçue pour assurer à l'Europe naissante l'autosuffisance alimentaire, pour stabiliser les marchés et pour garantir des prix agricoles raisonnables, ce qui passait par la modernisation, par l'amélioration de la productivité et par des réformes structurelles ; mais son objectif était aussi de faire de l'agriculture un moteur de l'intégration européenne, en tant qu'illustration concrète d'une véritable Union -l'économique tirant le politique, selon la méthode Monnet.

Les accords de Luxembourg ont le mérite de préserver ces principes essentiels et il faut donc vous féliciter, Monsieur le ministre, d'avoir réussi à sauver ainsi la PAC. La conditionnalité des aides suscite cependant chez moi quelques interrogations, dans la mesure où elle risque de se révéler plus perturbante que la gestion des droits à paiement. En effet, les règles prévues sont tout sauf simples : les règlements européens ne renvoient-ils pas à 19 directives et à plusieurs grands thèmes génériques, telle l'érosion des sols ? En outre, chaque Etat membre sera tenu de maintenir intégralement sa surface d'herbages. Les agriculteurs craignent d'être doublement sanctionnés : à partir de 2005, en sus de l'amende qu'ils encouraient déjà en allant contre une directive, ils risqueront une réduction de la totalité des aides perçues. Quant aux contrôles, nous n'en savons qu'une chose, à savoir qu'ils seront organisés par les directions départementales de l'agriculture, selon des cahiers des charges qui doivent être élaborés avant juillet. Ne pouvez-vous nous donner des précisions et nous garantir qu'ils n'iront pas contre le mouvement de simplification lancé dans l'administration ?

La nouvelle PAC ouvre cependant des perspectives stimulantes : les défis à relever sont autant de chances à exploiter. Ainsi en est-il d'abord pour réduire notre dépendance protéique. La production d'oléo-protéagineux est une nécessité stratégique pour l'Union, dont le déficit est évalué à 70 % de ses besoins. Il est comblé principalement par des importations de soja, qui nous rendent dépendants notamment des Etats-Unis, avec qui nous avons signé les accords de Blair House. Ceux-ci conduisant à une limitation de la culture en Europe, nous importons ainsi l'équivalent de 36 millions de tonnes de tourteaux, ce qui correspond à la production de 10 millions d'hectares. La situation de notre élevage en est fragilisée, compte tenu des aléas politiques et économiques et des réglementations discordances entre Amérique et Europe sur l'utilisation des OGM.

Second défi, et seconde chance : il nous faut mobiliser tous les acteurs de la filière agro-industrielle afin de rattraper notre retard dans la production de biocarburants et de pouvoir nous conformer à l'obligation d'incorporer dans l'essence, d'ici à la fin de 2010, au moins 5,75 % d'éthanol et d'esters d'huiles végétales. Le gain ne sera pas seulement écologique, mais aussi économique : nous pouvons en attendre la création de quelque 30 000 emplois et la revitalisation du territoire agricole.

Enfin, la nouvelle PAC ne peut que pousser la grande distribution à valoriser davantage les produits agricoles. L'un des objectifs initiaux de la stratégie agricole communautaire était de garantir une rémunération juste et équitable des agriculteurs et cela passe à l'évidence par des relations commerciales plus respectueuses des hommes et des entreprises, plus équilibrées et permettant de mieux satisfaire les consommateurs.

Cette réforme exige une fois de plus des efforts prodigieux de nos agriculteurs, mais ils ont su démontrer qu'ils y étaient aptes au cours des quarante dernières années. Notre devoir est donc de les encourager et de les aider (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 12 heures 25, est reprise à 12 heures 30.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Je veux d'abord remercier le groupe UMP d'avoir pris l'initiative de ce débat. Certains ont estimé qu'il venait trop tard ; pour ma part, je suis à la disposition du Parlement, et depuis deux ans nous avons déjà eu beaucoup de dialogues très riches en commission.

Je remercie également les présidents Méhaignerie et Ollier et M. Herth pour leur tour d'horizon aussi précis que concis et pertinent.

La première question à laquelle nous devons répondre est celle-ci : faut-il des politiques agricoles ? Tout le monde n'y répond pas de la même manière. Certains pays estiment que ce n'est pas utile. Nous, nous pensons qu'il en faut, tant dans les pays en développement que dans les pays développés. Tout simplement parce que l'agriculture n'est pas une activité comme une autre et parce que l'équilibre économique des filières agricoles n'est pas comparable à celui de l'industrie ou des services : la combinaison des facteurs de production n'est pas la même, le retour sur investissement est beaucoup plus long, et les aléas sont plus importants.

Ces politiques agricoles se déclinent à trois niveaux : le monde, l'Europe, la France.

Le monde, d'abord.

Jusqu'en 1986, l'agriculture n'était pas l'objet de négociations commerciales internationales. Depuis 1986, nous avons périodiquement des cycles de négociations -désormais dans le cadre de l'OMC. Trois sujets sont discutés : l'accès, c'est-à-dire les droits de douane ; les subventions aux exportations, ou soutiens externes ; les aides compensatoires à l'intérieur des pays ou des ensembles géopolitiques comme l'Europe, ou soutiens internes.

Nous sommes actuellement dans le cycle de Doha, cycle du développement, qui a achoppé à Cancun l'année dernière. Non pas sur le chapitre agricole, qui n'a même pas été abordé, mais sur les sujets dits de Singapour. Quelle est la position de notre pays ?

Premièrement, nous pensons que la conclusion de la négociation doit précéder tout accord avec le Mercosur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il faut en effet donner la priorité au multilatéralisme, et singulièrement aux pays les plus pauvres ; or le PIB des quatre pays du Mercosur représente plus de cinq fois celui de tous les pays de l'Afrique sub-saharienne.

Deuxièmement, nous considérons qu'il ne doit pas y avoir de tyrannie du calendrier : pour nous, mais tout le monde n'est pas de cet avis, la date de l'accord sera la date d'un accord équilibré. Il n'est écrit nulle part qu'il faut, par exemple, conclure avant la fin du mois de juillet.

Troisièmement, sur le fond de la négociation, d'une part nous voulons favoriser les pays en développement, à travers des systèmes de préférences commerciales, à l'instar des accords de Lomé passés par l'Europe depuis 1975, d'autre part, s'agissant des subventions à l'exportation, nous ne voulons pas d'un marché de dupes. L'Europe a déjà divisé par six ses soutiens aux exportations en moins de dix ans, pendant que les Etats-Unis n'en faisaient rien ; nous sommes prêts à faire des efforts supplémentaires, à la condition que les Etats-Unis fassent de même et que les fameux marketing loans et les fausses aides alimentaires soient inclus dans la négociation. C'est la raison pour laquelle le ministre des finances, le ministre délégué au commerce extérieur, le ministre des affaires étrangères et votre serviteur ont estimé que la lettre des deux commissaires européens, il y a quelques semaines, était complètement inopportune puisque l'Europe faisait des concessions unilatérales supplémentaires sans que nos partenaires ne manifestent la moindre inflexion dans leurs positions.

La Commission a un mandat de négociation, qui a été approuvé en novembre 2000 par l `ensemble des pays de l'Union européenne ; nous ne sommes pas du tout d'accord avec la théorie du mandat implicite qu'a développée M. Lamy dans une récente interview aux Echos (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) car en dernière analyse, la décision doit appartenir aux Etats membres.

Pour répondre à François Sauvadet sur la relation avec les pays du Sud, je voudrais m'élever contre la désinformation invraisemblable que nous avons pu constater depuis dix ans sur la nocivité supposée de la PAC sur le développement des pays du Sud. Il est vrai qu'il y a pu y avoir, notamment sur le coton avant la réforme de l'organisation commune de marché, des politiques discutables. Ce n'est plus le cas, et c'est aujourd'hui l'Europe qui, à elle seule, absorbe 60 % des débouchés agricoles de l'Afrique. Nous qui avons mis en place la Convention de Lomé, le STABEX et le SYSMIN, nous devons expliquer qu'une politique agricole européenne active n'est en rien contradictoire avec le développement agricole des pays du Sud.

Deuxième niveau : l'Union européenne.

Faut-il regretter le choix européen que nous avons fait au milieu des années 60 en matière agricole ? Evidemment non. D'abord parce que l'Europe a toujours donné des opportunités de production et d'exportation à nos agriculteurs : la France ne serait jamais devenue un des tout premiers pays agricoles du monde en l'absence de la construction européenne et de l'union douanière. Ensuite, parce que notre budget national de l'agriculture est d'environ 5 milliards, tandis que chaque année plus de 10 milliards reviennent de Bruxelles vers l'agriculture française : autrement dit, les deux tiers de mon budget sont à Bruxelles.

Chaque réforme suscite des craintes. En 1965, les organisations agricoles étaient pour la plupart contre la PAC ; chacun se souvient, en 1984, des manifestations contre les quotas laitiers - qu'on nous a demandé de prolonger jusqu'en 2015, ce que nous avons obtenu. La réforme actuelle suscite des interrogations, mais il faut rester serein et déterminé.

Qui détient le pouvoir au sein de l'Europe agricole ? En matière agricole, le veto n'existe pas. Les décisions se prennent à la majorité qualifiée. Le rôle de notre pays, qui à lui seul représente le quart de l'Europe agricole, est d'être le pivot de la négociation. Depuis deux ans, j'essaie de faire en sorte que la France ne soit pas isolée et qu'un compromis ne se dessine pas sur notre dos.

Je veux dire à M. Chassaigne que l'accord intervenu il y a un an n'était pas du tout une démission. Si nous avons signé le compromis de Luxembourg, c'est que les intérêts supérieurs de notre agriculture étaient préservés.

Il y a deux ans, quand j'ai pris mes fonctions, une succession de réformes s'annonçait : en premier lieu, le financement de l'élargissement ; pour 2002 et 2003, la révision à mi-parcours des perspectives budgétaires et de la PAC ; à l'horizon 2006, une nouvelle réforme de la PAC. Notre stratégie a été de troquer un allongement des perspectives budgétaires contre une réforme anticipée de la PAC. J'assume ce choix, car nos agriculteurs voulaient avoir des perspectives. Nous en avons sur dix ans, ce qui n'était jamais arrivé depuis la création de la PAC.

En matière budgétaire, MM. Méhaignerie, Laffineur et Bignon ont rappelé que la France a mené un rude combat. Grâce à l'accord trouvé par le Président de la République et le Chancelier Schröder, nous avons pu maintenir les crédits de la PAC jusqu'en 2013. Ils augmenteront même de 1 % par an. Il est prévu une enveloppe distincte pour les quinze Etats membres de l'époque, et une autre pour les dix nouveaux entrants. Si la Bulgarie et la Roumanie nous rejoignaient, il y aurait une enveloppe spécifique. Nous avons donc obtenu la stabilité en matière budgétaire, ce qui était inespéré.

Cette réforme ne concerne que les aides dites « du premier pilier ». Pour les autres, rien n'a changé.

Le découplage, en outre, n'est que partiel. S'agissant des aides animales, nous conservons la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes ainsi que 50 % de la prime avicole et 50 % de l'aide à l'abattage. S'agissant des grandes cultures, il y aura un découplage horizontal, à hauteur de 75 %. Au total, c'est une petite moitié des aides qui sera découplée.

M. Gaubert ne veut pas de « droits marchands ». Il ne s'agit pas d'opposer droits marchands et droits non marchands. Il existe déjà des droits marchands dans notre agriculture : je pense aux droits de plantation viticole. Si les quotas laitiers ne sont pas officiellement des droits marchands, on sait que le prix d'un terrain auquel sont attachés des quotas n'est pas le même qu'un terrain sans quota.

La vraie question se formule ainsi : sommes-nous dans un système administré ou pas ? Nous avons souhaité un système administré pour éviter la spéculation et favoriser l'installation. Les jeunes agriculteurs, en effet, seront exonérés. Si le taux moyen sera de 3 %, nous avons prévu un taux dissuasif de 10 % pour éviter les agrandissements intempestifs. Un seuil de déclenchement sera fixé dans chaque département après avis de la commission départementale d'orientation agricole.

Il s'agit toutefois d'une nouveauté, en France et en Europe. Nous serons donc très vigilants. L'année prochaine, il y aura une simulation. De plus, nous créons un observatoire pour corriger le tir en cas de dérive.

Sur la modulation, sans vouloir polémiquer avec MM. Gaubert et Peiro, celle que nous mettons en place est très différente de la précédente. Elle est obligatoire dans tous les pays de l'Union européenne, alors que la précédente, facultative, n'existait qu'en France, ce qui causait une distorsion de concurrence. Le système est beaucoup plus simple. Il m'a fallu deux ans pour récupérer les 215 millions d'euros bloqués à Bruxelles sur un compte du FEOGA.

Les mesures de conditionnalité ne font que mettre en cohérence de nombreux textes européens. Je souhaite que les agriculteurs travaillent dans une relation de confiance et non de défiance. S'agissant des contrôles, Antoine Herth a indiqué dans quel sens nous voulons travailler. De manière générale, il faut mettre fin à cette crispation sur l'environnement. Les agriculteurs se sentent fustigés (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP). Les agriculteurs sont les premiers environnementalistes de France, il faut le reconnaître.

MM. Gaubert et Decool craignent des distorsions de concurrence, l'Allemagne et le Royaume Uni ayant mis en place une gestion régionalisée des aides. Nous avons prévu des garde-fous pour éviter toute distorsion à l'intérieur des filières. Avec mes homologues européens, nous avons constitué un dispositif de veille. La Commission européenne a d'ailleurs écrit il y a quelques semaines à tous les ministres européens de l'agriculture pour leur demander de se montrer très vigilants sur ce point.

M. Decool a évoqué la gestion de crise. Nous le savons tous, en cas de crise agricole, on ne permet pas à l'échelon national d'agir, mais l'Europe n'agit pas non plus. J'ai obtenu la possibilité de créer des mécanismes de gestion de crise. Un fonds sera alimenté à hauteur de 1 % des crédits prélevés sur la modulation.

Pour mettre en _uvre la réforme, je confirme que nous avons prévu de communiquer de manière précise et personnalisée auprès de chaque agriculteur de France. Nous avons un an et demi pour le faire et nous le ferons.

S'agissant de la politique agricole nationale, je veux dire à Pierre Méhaignerie que j'ai apprécié sa hauteur de vue. Je veux vous proposer une loi de modernisation agricole qui, cher François Sauvadet, pourra être une loi d'orientation. Nous avons besoin d'une grande loi, qui nous ouvre des perspectives pour les quinze prochaines années. En effet, pour l'essentiel, nous continuons de vivre sur les lois pionnières des années soixante et du début des années soixante-dix. Nous sommes en 2004 et nous devons légiférer pour l'avenir. Je compte donc lancer une procédure de concertation associant le Parlement et l'ensemble des acteurs économiques et syndicaux. Je ne peux pas encore préciser les contours de cette loi, mais je sais qu'un certain nombre de débats devront être ouverts : les conditions de vie et de travail des agriculteurs, la politique des structures, la politique foncière, la définition de l'exploitation agricole. Nous sommes passés des « cultivateurs » aux « chefs d'entreprise agricole ». C'est une question économique qu'il faut traiter.

Bien d'autres sujets devront encore être évoqués, mais, Monsieur Chassaigne, il ne s'agit pas d'une arlésienne.

Merci à MM. Binetruy et Marleix pour leur bilan des deux dernières années.

Sur les biocarburants, nous sommes déterminés à aller très vite et le plus loin possible. Les propositions de la commission sont à ce sujet inacceptables, car le quota d'alcool accordé au Mercosur ruinerait l'industrie européenne des biocarburants avant même qu'elle ait commencé d'exister.

Monsieur Chanteguet, nous sommes attentifs à la question des zones humides. S'agissant du prix, il faut absolument rééquilibrer le partage de la marge entre le producteur et le distributeur.

Monsieur Nayrou, la montagne n'a pas été oubliée depuis deux ans, notamment avec l'augmentation des primes herbagères agro-environnementales et des indemnités compensatoires de handicaps naturels permanents.

L'heure tourne, et je répondrai plus précisément à chacun de vous par écrit dans les jours qui viennent.

Ce qui me frappe, c'est le décalage entre le malaise de nos agriculteurs et l'image de la France à l'étranger, qui est celle d'une grande puissance agricole.

L'enjeu de ces prochains mois sera de construire ensemble une politique agricole ambitieuse pour notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au mercredi 30 juin inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents. Il sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à13 heures 5.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

A N N E X E
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au mercredi 30 juin, terme de la session ordinaire, a été ainsi fixé ce matin en Conférence des présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet, adopté par le Sénat, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;

Projet relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

MERCREDI 16 JUIN, à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

Suite de l'ordre du jour de la veille.

à 21 heures 30 :

Texte de la commission mixte paritaire sur le projet relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ;

Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

JEUDI 17 JUIN, à 9 heures 30 :

Proposition de MM. Pascal CLÉMENT et Bernard ACCOYER relative aux conditions permettant l'expulsion des personnes visées à l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945.

(Séance d'initiative parlementaire)

à 15 heures et à 21 heures 30 :

Suite de l'ordre du jour de la veille.

LUNDI 21 JUIN, à 15 heures et à 21 heures 30 :

Proposition, adoptée par le Sénat, modifiant les articles 1er et 2 de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques et relative au recouvrement, par les institutions gestionnaires du régime d'assurance chômage, des prestations de solidarité versées entre le 1er janvier et le 1er juin 2004, aux travailleurs privés d'emploi dont les droits à l'allocation de retour à l'emploi ont été rétablis ;

Éventuellement, suite du projet relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

MARDI 22 JUIN, à 9 heures 30 :

Questions orales sans débat.

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

Suite du projet relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ;

Éventuellement, deuxième lecture du projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

MERCREDI 23 JUIN, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

Suite de la deuxième lecture du projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

JEUDI 24 JUIN, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

Éventuellement, texte de la commission mixte paritaire sur le projet relatif à la bioéthique ;

Débat d'orientation budgétaire ;

Sous réserve de son dépôt, projet pour le soutien de la consommation et de l'investissement.

MARDI 29 JUIN, à 9 heures 30 :

Questions orales sans débat.

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

Sous réserve de son dépôt, projet relatif à l'assurance maladie.

MERCREDI 30 JUIN, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

Suite de l'ordre du jour de la veille.


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