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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 108ème jour de séance, 267ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 22 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Sommaire

      SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ
      ET DU GAZ (suite) 2

      ARTICLE PREMIER 2

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 23 JUIN 2004 24

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

ARTICLE PREMIER

M. Jean Gaubert - L'article premier met en avant la notion de contrat. Depuis un certain nombre d'années, les relations entre les entreprises publiques, EDF et GDF en particulier, et l'Etat sont réglées par des contrats, qui ont la particularité de lier bien davantage les entreprises que le Gouvernement - quel qu'il soit d'ailleurs. L'Etat fait strictement respecter les engagements de diminution des tarifs par exemple, mais il a beaucoup plus de mal à honorer ses propres engagements à assumer les charges de service public ! Récemment encore, le Premier ministre a opéré un tour de passe-passe : il a accepté de comptabiliser les charges de service public, mais en demandant à EDF de baisser ses tarifs à due concurrence... Ce sont donc les abonnés d'EDF qui payent la totalité des charges de service public ! Cela ne peut pas durer. Vous ne pouvez réaffirmer le recours au contrat sans l'asseoir sur un respect scrupuleux de ses engagements par le Gouvernement.

On trouve également dans cet article de nombreux alinéas qui partent tous d'une bonne intention, mais qui posent problème à y regarder de plus près. Il en est ainsi de l'accès au service public pour tous. Chacun sait, même si certains voudraient rester évasifs pour ne pas inquiéter la population, qu'en 2007 la libre concurrence s'appliquera à tous les particuliers, ce qui se traduira par une hausse des tarifs. Que deviendra la notion d'accès au service public ? L'accès au réseau restera réglementé, mais non celui à l'électricité et au gaz eux-mêmes, et nous ne pourrons plus parler d'égal accès au service public. Il faut prendre conscience de l'importance de cet article et du risque qu'il comporte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Daniel Paul - L'intitulé choisi par le Gouvernement pour le titre premier de son projet de loi, « Service public », est résolument trompeur. Les modalités et les missions de service public en sont en effet absentes, comme d'ailleurs de tout le texte.

La loi de 2000 dispose que le service public « concourt à la cohésion sociale en assurant le droit à l'électricité pour tous, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique ». Le présent projet de loi affirme, lui, qu'EDF et GDF « contribuent à la cohésion sociale, notamment au travers de la péréquation nationale des tarifs de vente de l'électricité aux consommateurs domestiques, de l'harmonisation de ces tarifs en gaz et de la péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution ». La nouvelle définition de la cohésion sociale se réduit donc à la question de la péréquation tarifaire. Celle-ci est loin d'être mineure, mais le texte de 2000 est bien plus large.

Deux philosophies s'affrontent : l'une sociale, l'autre financière. L'article 16 de la loi du 3 janvier 2003 concernant le service public du gaz, par exemple, énumère des règles générales techniques, sans faire aucune allusion, contrairement à la loi de 2000, à la philosophie du service public. Le présent projet est à un tel point incompatible avec cette loi de 2000 que l'on peut se demander si l'imprécision de son premier article, et la prééminence du contrat, ne cachent pas une abrogation implicite de l'article premier de la loi de 2000, qui équivaudrait à une remise en cause totale du service public. L'essentiel est renvoyé au contrat, qui ne peut que privilégier les intérêts économiques les plus puissants, et les missions de service public sont pratiquement vidées de leur substance. Dans le « Manifeste de la réforme heureuse », signé par Renaud Dutreil et publié dans « Le Monde », le ministre l'explique d'ailleurs : « nous réformons l'Etat pour que le service public soit avant tout le service du public ». Cette conception pour le moins étroite est celle de l'Etat Prévoyance voulu par le Gouvernement, voire de l'Etat Pénitence, qui balaye l'Etat Providence !

On comprend pourquoi les mots « clients » et « salariés » ont remplacé ceux d' « usagers » et d'« agents ». C'est toute une vision du monde qui s'exprime ainsi, une vision absolument opposée à la nôtre. Nous voterons donc contre cet article premier.

M. Pierre Ducout - Votre titre Ier a beau s'intituler « Service public », il n'est en rien comparable à la loi du 8 avril 1946, qui mettait en place le service public de l'électricité et du gaz, ni à celle du 10 février 2000 par laquelle la gauche a transposé a minima la directive européenne, sous le nom de loi de « modernisation et développement du service public de l'électricité ». Votre définition du service public semblant se résumer au rappel de ces deux lois, ajouté à une liste vague d'éléments constitutifs, nous ne sommes pas sûrs que vous y incluiez tout ce qui nous semble essentiel. L'existence de tarifs sociaux notamment en est absente, ainsi que la garantie en faveur des plus démunis, qui leur évite les coupures d'électricité. L'électricité est en effet indispensable, et il suffit d'avoir été touché par les tempêtes ou d'évoquer les époques où l'on s'éclairait à la bougie pour comprendre l'importance du droit à l'électricité pour tous.

La confiance dans le service public s'appuie sur son adaptabilité. EDF et GDF ont montré leur efficacité et ont donné tout leur sens aux notions de qualité et de continuité du service. Leurs agents ont su s'adapter à l'évolution des besoins et des modes de vie, tout en apportant ce service sur l'ensemble du territoire, jusqu'aux fermes les plus perdues dans les montagnes.

S'en remettre au contrat, c'est céder à la dictature de l'intérêt privé. On ne peut comparer l'électricité et l'eau, qui est un bien commun qu'il ne faut pas produire, mais traiter et distribuer. Et ce n'est pas par des contrats, mais par la loi, qu'il faut définir les grandes orientations pour l'avenir. Même la recherche-développement, dans votre projet, est liée aux entreprises, non au service public. Enfin, on ne peut que s'inquiéter de l'évolution pluriannuelle de la tarification, quand on observe les hausses actuelles. Dans ce texte, le service public n'a plus sa place.

M. Christian Bataille - Hier après-midi, nous avons passé un moment remarquable avec Mme de Palacio, femme d'Etat, mais aussi membre du PPE. Elle a exprimé une opinion différente de celle du commissaire Mario Monti.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - C'est comme au PS !

M. Christian Bataille - M. Monti jugeait que l'Etat actionnaire devait se faire rémunérer comme un actionnaire privé, et surtout, que l'Europe a besoin avant tout d'entreprises compétitives. Qu'elle soient privées ou publiques n'a pas d'importance et relève de la sagesse des Etats membres. Voilà ce qu'il disait, il y a un an, devant une commission présidée par M. Douste-Blazy et qui a remis ses conclusions à l'Assemblée en juillet 2003. Mme de Palacio, qui est une femme de parti, s'est exprimée aujourd'hui moins en commissaire européen qu'en membre du PPE. Elle a ses opinions, nous avons les nôtres, et nous allons en débattre jusqu'à la fin de l'examen du texte.

M. le Ministre délégué - Nous l'avons fait cet après-midi !

M. Christian Bataille - Pour nous, le service public est incompatible avec le statut de société anonyme que vous proposez. Le rôle de l'Etat pour définir les orientations économiques, assurer l'aménagement d'un territoire, le service au public, est gommé par cet article premier. La citoyenneté, notion clé, disparaît comme disparaît la tarification sociale.

Vous prétendez que l'Europe vous oblige à changer le statut, sans nous convaincre. Aucun des prétextes que vous invoquez ne résiste à l'analyse. Nous allons le démontrer tout au long de ce débat.

M. Michel Vaxès - Avec une certaine éloquence, et avec une audace certaine, pour expliquer que nos amendements avant l'article premier visant à pérenniser le service public étaient superflus, excessifs, on nous a renvoyés à l'article premier de la loi de 2000. Eh bien, comparons, en toute bonne foi.

Dans cette loi, on nous disait à l'alinéa premier que le service public de l'électricité « a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national dans le respect de l'intérêt général ». Il ne reste dans votre texte que « les exigences du service public en matière de sécurité d'approvisionnement et de qualité de service rendu aux usagers ». Ce sont deux conceptions bien différentes du service public !

L'alinéa 4 de l'article premier de la loi de 2000 précise que le service public de l'électricité est géré « dans le respect des principes d'égalité, de continuité, d'adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique ». Dans votre texte, ces principes fondamentaux sont résumés dans cette formule lapidaire, « les moyens permettant d'assurer l'accès au service public ».

Bref, la dimension sociale a complètement disparu d'un texte qui se soucie essentiellement du coût des obligations de service public pour les entreprises. Dans ces conditions, parler de service public dans l'intitulé du projet relève de la provocation. Nous ne voterons pas l'article premier.

M. Jacques Desallangre - Dans l'article premier, vous réaffirmez les missions de service public, mais en les renvoyant au contrat. Vous dépouillez la représentation nationale de la responsabilité de les définir. Nous ne pouvons l'accepter.

En outre, les quelques éléments de service public que vous mentionnez sont très limités. En fait, il s'agit surtout pour vous de diminuer les garanties offertes aux usagers. Par ailleurs, il n'y a pas un mot sur la protection de l'environnement ni sur la nécessité de favoriser les économies d'énergie.

Il est bien question de péréquation, mais pour les clients domestiques. Quand elles auront subi de grandes disparités de tarifs, les entreprises se rendront compte de l'intérêt que présentait une entreprise publique performante.

Ce serait la moindre des choses que cet article évoque le tarif public et la péréquation pour les services. Il n'est en effet pas possible de séparer la production, le transport et la distribution et de ne pas maintenir la péréquation tarifaire sur toutes ces activités.

Ce qui auparavant relevait du service aux usagers devient avec les opérateurs privés une prestation. Dès lors, il n'y a plus aucun frein aux augmentations tarifaires - c'est ce qui s'est produit avec France Télécom. Le directeur de l'Agence internationale de l'énergie reconnaît d'ailleurs lui-même que la libéralisation n'entraîne pas nécessairement une baisse des tarifs, que le but est seulement de convaincre le client qu'ils lui sont favorables tout en faisant le plus de profits.

Les fournisseurs privés mis en concurrence feront d'ailleurs tout pour rendre difficile toute contestation. Que l'on songe, là encore, à France Télécom et à l'impossibilité de comparer les offres.

Le service public tel que vous le concevez est en fait un service minimum.

M. Daniel Paul - Très bien.

M. Jean Launay - L'article mentionne la notion de cohésion sociale en se référant à la péréquation nationale des tarifs. Qu'en sera-t-il en 2007 lorsque la concurrence sera ouverte pour le service des usagers domestiques ? Ce sera pire que pour les clients éligibles d'aujourd'hui.

Le laboratoire que constitue la libéralisation en Angleterre montre que les consommateurs aisés font l'objet de toute l'attention des opérateurs alors qu'aux consommateurs les plus pauvres on impose des compteurs à pré-paiement dont les tarifs sont honteusement élevés. Les autres consommateurs sont l'objet de démarchages voyous tendant à les faire changer d'opérateurs sans réel bénéfice. Enfin, l'ensemble des usagers domestiques est transformé en vache à lait. Voilà le beau résultat de la concurrence présentée comme une terre promise !

Ce douloureux bilan commence à alerter les élus locaux et les collectivités locales concédantes directement menacés d'être dépouillés de leurs droits.

Je crains que désormais la pénurie ne soit la règle, et nous serons alors bien loin de la cohésion sociale affichée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Brottes - Cet article est celui de la bonne conscience.

M. le Ministre délégué - Le pire, c'est la mauvaise conscience.

M. François Brottes - Les objectifs et les modalités de mise en _uvre des missions de service public assignés à EDF-GDF seront désormais traités par contrat. Quels en seront les moyens et les exigences ? Comment seront précisées les modalités d'évaluation des coûts ? Comment la péréquation des tarifs s'organisera-t-elle ? Le texte ne le dit pas.

En outre, cette procédure dépossède le Parlement de ses prérogatives et ce n'est pas acceptable. Nous proposerons donc des amendements afin que les règles du jeu soient inscrites avec précision dans la loi.

M. David Habib - L'article premier introduit une rupture dans le service public de l'énergie en confiant à un processus contractuel le soin d'énumérer les responsabilités, les missions, les obligations d'EDF-GDF mais aussi les objectifs fixés par l'Etat. Cette situation entraînera instabilité politique et juridique.

Nous aurons à c_ur, à travers nos amendements, de revenir à l'esprit même des fondateurs d'EDF-GDF qui ont donné à l'entreprise les moyens de se développer.

Mme la Présidente - Les amendements identiques 885 à 896 sont de suppression.

M. Christian Bataille - Cet article risque de priver le législateur du pouvoir de définir les obligations de service public d'EDF-GDF, en particulier en ce qui concerne la péréquation nationale des tarifs de vente. L'amendement 885 vise donc à le supprimer.

M. François Brottes - Sans doute M. le ministre nous dira-t-il qu'en voulant supprimer cet article, par l'amendement 887, nous voudrions supprimer toute référence au service public. Mais c'est en fait la rédaction proposée que nous voulons supprimer puisqu'elle supprime en la matière le rôle du Parlement.

Cet article, en effet, ne garantit pas le bon accomplissement des missions de service public. La meilleure garantie, c'est le statut d'établissement public d'EDF-GDF. C'est ce statut qu'elles doivent garder.

M. Pierre Ducout - Si nous demandons par notre amendement 890 la suppression de l'article premier, c'est qu'il va à l'inverse de ce qui serait souhaitable pour le service public de l'électricité et du gaz. Celui-ci doit être assuré par des entreprises à 100 % publiques, comme M. Borotra en exprimait d'ailleurs le souhait lorsqu'il était ministre de l'industrie. C'est indispensable notamment pour des raisons de sécurité et de continuité de l'approvisionnement. S'il était besoin de s'en convaincre, il suffirait de regarder ce qui s'est passé à l'étranger.

M. Jean Gaubert - On se demande vraiment à quoi sert le Parlement ! En effet, alors que le rapport de la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques - à laquelle plusieurs d'entre nous ont participé -, insistait dans ses conclusions sur la nécessité de renforcer le contrôle du Parlement sur ces entreprises, voilà qu'au détour de cet article premier, on dessaisit le Parlement ! Nous ne pouvons l'accepter, pas plus d'ailleurs que ne le devraient nos collègues de la majorité qui avaient appuyé encore plus que nous le rapport de cette commission d'enquête présidée par M. Douste-Blazy. C'est pourquoi nous demandons par notre amendement 892 la suppression de cet article.

M. David Habib - L'amendement 894 est identique. En effet, cet article premier exclut tout contrôle du législateur, et donc des citoyens, sur le contrat conclu entre l'Etat et les sociétés chargées des missions de service public. Outre que cette éviction du politique est en soi fâcheuse, il est à craindre qu'elle n'entraîne un appauvrissement de la réflexion stratégique des entreprises. Ce n'est pas par un dialogue entre l'Etat et les actionnaires privés, fussent-ils minoritaires au départ, que pourront se dégager des perspectives de long terme. Le législateur ne peut pas être ainsi dessaisi. Comme nos collègues communistes y ont insisté, à juste titre, à plusieurs reprises, un référendum s'imposait avant toute modification du statut d'EDF.

M. Daniel Paul - L'exposé des motifs du titre premier est réellement stupéfiant, qui pourrait se résumer ainsi : puisque tout va bien, changeons tout !

Ainsi y apprend-on que « la France dispose aujourd'hui en matière d'énergie d'une situation favorable par rapport aux autres pays européens, tant en matière économique qu'environnementale ». L'électricité est, dites-vous, un bien de « première nécessité », une « ressource indispensable », un bien « pas comme les autres », elle est fournie en France à des « conditions de prix acceptables ». Et de conclure que cela ne peut plus durer et qu'il faut changer le statut de l'entreprise ! Comment livrer l'entreprise aux lois du marché après un tel préambule, auquel nous ne pouvons que souscrire ? Ce que nous ne pouvons accepter, c'est la potion qui va être administrée à l'entreprise publique.

EDF-GDF n'a-t-elle pas permis à la France depuis la Libération de couvrir ses besoins d'électricité et de gaz ? N'a-t-elle pas garanti à tous et sur tout le territoire un accès au service public de l'énergie ? N'a-t-elle pas permis de préserver un tarif social de l'énergie, alors que l'on commence aujourd'hui à préparer l'usager à des augmentations importantes ?

Certains ont inventé la doctrine de guerre préventive, d'autres pratiquent déjà depuis longtemps le licenciement préventif. Ce gouvernement vient d'inventer la privatisation préventive. Il profère préventivement des mensonges sur les services publics qui marchent, notamment sur l'un de ceux qui marchent le mieux, avant de les dégrader par des déréglementations successives. Pourquoi transformer le statut d'une entreprise qui a fait ses preuves depuis soixante ans, sinon pour l'empêcher de marcher ?

Rien ne vous oblige à changer ce statut, surtout pas l'Union européenne dont le traité dans son article 295 ne préjuge en rien du régime de la propriété dans les Etats membres, Mario Monti lui-même l'a rappelé. C'est dire que cette privatisation même partielle ne s'impose pas.

M. le Ministre délégué - Psittacisme ! Cela fait cinquante fois que vous le répétez !

M. Daniel Paul - Regardez ce qui se passe dans les pays voisins. Est-il bien opportun de suivre leur exemple ? Par ailleurs, si le bilan des privatisations dans notre pays était aussi excellent que vous le prétendez, nul doute que votre projet serait largement applaudi, ce qui n'est pas le cas. Si vous vous refusez à cette opération-vérité, c'est, hélas, que vous en connaissez d'avance le résultat. A qui profitent les ouvertures de capital ? Qu'y gagne la collectivité ? Comment évoluent les tarifs dans les entreprises privatisées ? Non, décidément, on ne peut pas chercher à fabriquer de la valeur avec un bien d'intérêt général.

Votre projet est anti-économique, anti-industriel et anti-national. Vous prenez la responsabilité historique devant le pays de déstabiliser gravement notre secteur électrique et gazier, nerfs de notre développement économique. Ce projet, qui prépare l'augmentation certaine des tarifs et introduit la concurrence dans la fourniture de biens de première nécessité, est contesté par les personnels, par les usagers, par les économistes, par les chefs d'entreprise comme le président de Saint-Gobain. Il est contesté jusque dans votre famille politique. Nous nous y opposons catégoriquement au nom de l'intérêt supérieur du pays. C'est pourquoi nous demandons par notre amendement 1261 la suppression de cet article premier.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques - Avis défavorable à tous ces amendements.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Jean Dionis du Séjour - Cet article premier nous paraît transposer utilement l'article 3 de la directive, intitulé « Obligations de service public et protection des consommateurs ». Cet article 3 constitue une avancée majeure du droit européen, obtenue par le Président de la République et le Premier ministre au sommet de Barcelone. Ne pas faire figurer dans la loi ces obligations de service public, pour la première fois mentionnées dans une directive relative au marché électrique, serait marcher sur la tête ! Il est d'ailleurs d'autres obligations comme celles de la protection du climat qui mériteraient d'être transposées...

M. le Ministre délégué - Oui, mais pas ce soir, de grâce !

M. Jean Dionis du Séjour - Lors de l'examen du texte au Sénat peut-être.

M. François Brottes - Le président de la commission n'a cessé de nous répéter qu'il fallait en venir aux articles eux-mêmes pour que le débat s'engage véritablement. Nous y voilà, et les réponses du rapporteur comme du ministre restent bien sommaires, même si je reconnais que le ministre nous a répondu lorsque nous l'avons interrogé sur des points très précis.

J'ai deux questions à poser. La première concerne les tarifs. Que recouvre exactement cette notion ? Le prix de l'énergie seulement ? Inclut-elle celui du branchement ou celui des visites ultérieures de contrôle de la sécurité des installations ? Les usagers ont besoin de le savoir.

Ma seconde question concerne la péréquation, dont il est dit qu'elle sera préservée pour les usagers domestiques. Qu'en sera-t-il pour les autres ? Les industriels éligibles, notamment les petites entreprises des zones de montagne si souvent défendues par notre collègue Jean Lassalle et d'autres élus de montagne, ont aussi besoin de péréquation. Quid de la péréquation liée au coût d'utilisation du réseau, qui n'est pas le même pour les consommateurs domestiques et pour les grands utilisateurs ?

M. le Ministre délégué - Que nous ayons un vrai débat et que nous passions du temps à approfondir certains points, je ne demande pas mieux, mais cela suppose que vous changiez de méthode car notre laconisme n'est que la réponse du berger à la bergère : une réponse au caractère répétitif de vos arguments. Mais vous aurez remarqué que si une question nouvelle surgit, je réponds, dans la mesure de mes pauvres moyens. Vous voulez gagner du temps, c'est votre droit et cela peut être considéré comme une méthode, mais comprenez alors que l'attitude du Gouvernement réponde à cette obstruction systématique.

Sans bâcler l'examen du projet, il serait possible d'aller plus vite si vous n'étiez pas cinq à répéter la même chose, à nous relire ce qu'a dit M. Monti...

M. Pierre Ducout - Vous nous parlez bien sans cesse de Barcelone !

M. le Ministre délégué - Je veux bien ne plus vous parler de Barcelone si vous ne me parlez plus de M. Monti !

Tout à l'heure, je n'ai pas répondu, c'est vrai, à l'argument maintes fois répété selon lequel le contrat constituerait un dessaisissement du Parlement. Mais enfin je vous renvoie à l'article et à son deuxième paragraphe où il est dit que ces contrats se substituent à l'ensemble de ceux définis à l'article 140 de la loi du 15 mars 2001. Les contrats, vous y avez recouru !

M. François Brottes - Mais sans changer le statut !

M. le Ministre délégué - Le fait que vous soyez contre le changement de statut ne vous oblige pas à faire cette tirade sur les contrats qui dessaisiraient le Parlement. Quoi qu'il en soit, je ne répondrai pas si longuement à chaque fois car je ne veux pas tomber par trop moi-même dans le travers du psittacisme, sachant qu'au-delà d'un certain seuil, ce ne serait plus du psittacisme mais quelque chose que je préfère ne pas nommer.

Vous trouverez la réponse à la question des tarifs, Monsieur Brottes, à l'article 30. Je veux bien parler de cet article dès maintenant, mais je crains que vous ayez oublié ce que j'aurai dit lorsque l'on y arrivera, dans très longtemps. J'attendrai donc l'article 30. Si vous êtes pressé d'y arriver, sachez que moi aussi.

Les amendements 885 à 896 et l'amendement 1261 mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Présidente - Nous en arrivons aux amendements identiques 897 à 908.

M. Christian Bataille - J'ai moi-même été enseignant, Monsieur le ministre, et je connais donc les vertus pédagogiques de la répétition.

M. le Ministre délégué - Vous nous prenez donc pour des enfants ?

M. Christian Bataille - Le service public de l'électricité est la pierre angulaire du marché de l'électricité. Il garantit un approvisionnement pour tous et partout. Nous craignons que cela ne soit plus le cas demain, comme ce n'est déjà plus le cas sur le marché américain. Vous remettez en cause un système qui marche bien pour aller vers un système qui ne marchera peut-être pas.

Notre amendement 897 rappelle que les objectifs et les modalités de mise en _uvre des missions de service public assignées à EDF et GDF sont définis par les lois du 8 avril 1946, du 10 février 2000 et du 3 janvier 2003. Vous trouverez peut-être que nous donnons dans le psittacisme législatif, mais lorsque les choses sont bien dites, il n'est pas inutile de s'y référer. Vous semblez par ailleurs nous reprocher le temps que nous allons passer ensemble à discuter de ce projet, mais nous nous en serions volontiers dispensés. C'est vous qui avez voulu cela, ou plutôt M Sarkozy qui aujourd'hui vous laisse le soin de défendre son projet.

M. le Ministre délégué - C'est beaucoup d'honneur !

M. François Brottes - Je défends l'amendement 899.

Je comprends votre discours sur la méthode, Monsieur le ministre, mais le fait générateur de tout cela, c'est bien le choix qu'a fait le Gouvernement de changer, dans l'urgence et l'impréparation, le statut d'EDF et GDF.

J'ai regardé l'article auquel vous m'avez renvoyé tout à l'heure. Il ne dit rien du périmètre des prestations dans les tarifs, ni pourquoi la péréquation n'intéresse pas aussi les clients éligibles. Et quand bien même je poserais des questions qui ont déjà été posées, cela serait pour nous l'occasion de vérifier si par hasard la position du Gouvernement n'a pas varié, comme elle a varié par exemple à l'article 22, où l'on est passé au fil des semaines d'une participation de 50 à 70 voire 100 %. Nous ne désespérons donc pas de voir le Gouvernement se rendre compte, au fil de nos interventions, qu'il fait une bêtise.

Quoi qu'il en soit, je répète ma question : y a-t-il dans les tarifs autre chose que le prix du Kw/h ?

M. Pierre Ducout - Je crois qu'il faut insister sur la qualité et la continuité du service. Je pense en particulier aux progrès réalisés par EDF et GDF dans les secteurs ruraux. Il y a quelques années, le moindre orage occasionnait des interruptions de service qui pouvaient durer toute une nuit. Aujourd'hui les interventions sont très rapides : un quart d'heure ou une demi heure au maximum.

Dans certains pays européens, par exemple en Suède, il y a malheureusement un service à deux vitesses pour les villes et pour les campagnes. Je crains que des entreprises privées, qui sont par définition soumises à des obligations de résultats, ce qui les amène parfois à réduire considérablement leur personnel, ne soient pas en mesure de respecter les obligations de service public. Parmi celles-ci, citons aussi la sécurité, en particulier nucléaire. On voit bien que des pays comme la Russie ont du mal à assurer la maintenance de leurs centrales. Et d'ailleurs EDF apporte un appui technique très fort à certains pays de l'Est.

Je pense donc que notre amendement 902, qui conserve au législateur le pouvoir de définir ces missions, devrait être retenu par l'Assemblée.

M. Jean Gaubert - L'amendement 904 est identique. Je souhaite réfléchir sur quelques notions mises en jeu par l'article premier, et d'abord celle de péréquation. En l'évoquant, on sait qu'on fait toujours plaisir. Mais il ne faut pas s'y tromper : pour tous ceux qui deviennent éligibles, la péréquation ne peut jouer que sur le réseau, et non sur l'achat de la fourniture, puisque celle-ci sera à un prix libre, issu de la négociation. Si l'on poursuit dans cette voie, que traçaient en novembre 2003 les promesses de Mme Fontaine au Conseil européen, en 2007 cette situation sera celle de tous nos concitoyens.

Quant à la notion de tarif, elle s'entoure d'une certaine hypocrisie. On ne devrait en effet l'employer qu'en parlant de tarifs administrés, alors que nous allons vers une situation où les prix seront débattus entre vendeur et acheteur. Et dès lors qu'on est dans un rapport entre offre et demande, on sait que si la première l'emporte c'est la seconde qui fait le prix, et en l'occurrence le fait baisser ; mais si l'offre est inférieure à la demande, comme il est probable, alors l'offre fait le prix, qui a tendance à monter. Cessons donc de parler de « tarifs » : à terme le tarif, ce sera pour les gogos, ceux qui ne savent pas que cela se négocie - comme dans les catalogues de certains fournisseurs où figurent, à titre d'indication, des prix qui en réalité ne sont appliqués à personne...

Un mot enfin sur les artisans et commerçants, notamment ruraux. Nous avons voté en première lecture une loi sur les territoires ruraux, et l'un des principaux éléments de ce débat concernait notre capacité à aider les artisans et commerçants à s'installer sur les territoires ruraux les plus défavorisés. Croit-on que la hausse prévisible des prix du gaz et de l'électricité va les y aider ? Je vous souhaite à tous beaucoup de plaisir quand il faudra leur expliquer qu'ils peuvent désormais négocier leurs tarifs, et qu'ils comprendront que « négocier » veut dire payer plus cher qu'avant...

M. David Habib - L'amendement 906 est identique. Je veux rendre hommage à la démarche du Gouvernement. En avril, Monsieur le ministre, vous avez souhaité nous interroger à l'occasion d'un débat sur l'énergie ; puis la loi d'orientation sur l'énergie a permis un deuxième débat. Vous avez voulu ainsi indiquer le chemin intellectuel qui devait nous conduire à ce deuxième texte. Cette volonté de réintroduire le politique dans le champ énergétique est précisément ce qui nous inspire ces amendements. En souhaitant que la définition des missions de service public relève du législateur et non du contrat, nous ne faisons qu'exprimer avec force notre attachement à la démocratie. Il y a une cohérence à refuser un abandon de compétence du Parlement au profit de quelques hauts fonctionnaires, certes compétents et qualifiés, mais sans légitimité. Il faut réintroduire le politique dans ce champ de l'énergie dont nous savons la portée stratégique.

Un mot à mon collègue aquitain Dionis du Séjour. La directive évoquée a eu le mérite de fixer un certain nombre d'objectifs, notamment en fait d'efficacité énergétique. Nous aurions pu espérer que l'article premier du projet soit au moins aussi précis que la directive : ce n'est pas le cas. Nous avons la possibilité d'améliorer ce texte en rendant au législateur la tâche de fixer les orientations dans ce domaine.

M. Jacques Desallangre - L'amendement 1641 tend à refuser que s'accentue la contractualisation des missions de service public assignées à EDF et à GDF. Le contrat est en effet chose fragile. En outre le choix prévisible de la privatisation aura de graves conséquences sur la politique énergétique et la sécurité d'approvisionnement de la France et de l'Europe. Celle-ci n'a guère de pétrole, et son gaz sera un jour épuisé. En revanche elle peut trouver ses approvisionnements en Russie, en Algérie, en Iran, au Proche-Orient. Mais pour garantir ces ressources, l'Europe ne peut s'en remettre aux grandes compagnies anglo-américaines et à leurs alliés : les crises pétrolières l'ont montré. L'Europe a besoin d'acteurs énergétiques forts et indépendants de ces firmes, elle a besoin de firmes électriques et gazières de grande taille et de grande expérience industrielle, capables de financer les infrastructures nécessaires. Avec EDF et GDF, la France peut constituer un pôle public agissant en coopération - car si vous voyez la politique énergétique dans l'optique de la concurrence, nous la voyons dans celle de la coopération -, par exemple avec la nouvelle firme allemande Eon-Ruhrgas, constituée avec l'appui des pouvoirs publics. Nous donnerions ainsi à l'Europe des capacités multipliées. Malheureusement la privatisation d'EDF et de GDF rendrait impossible un tel projet ; or Total ou Suez, firmes privées dépendant des fonds de pension américains, sont déjà sur les rangs pour contrôler EDF et GDF.

En outre, la recherche de la rentabilité des capitaux conduira à utiliser au maximum le parc nucléaire existant, plus quelques centrales à gaz. Pourtant, le statut public permettrait de développer un grand programme à long terme pour créer une nouvelle filière nucléaire propre en déchets, alors que les firmes privées réduisent à néant leur programme de recherche. Il est désolant qu'on s'apprête à détruire deux outils publics qui sont des atouts considérables, quand nos partenaires allemands, grâce à une politique publique forte, sont en train de se doter du même type de firmes énergétiques que celles dont nous pourrions disposer. C'est pourquoi nous proposons de récrire l'article et de ne pas nous en remettre au contrat.

M. Jean-Pierre Dufau - L'amendement 907 est de suppression. Il réaffirme ce qui est fondamental : les objectifs et modalités de mise en _uvre des missions de service public définies par les pères fondateurs en 1946. Même si les choses ont évolué, ces principes demeurent. La loi de 2002 apporte les réponses que demandait la directive européenne. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir : laissons le législateur définir les missions de service public. Ce qui est essentiel, c'est la notion de progrès, en particulier pour les usagers. Ce projet n'est pas un progrès. Qu'on se souvienne des tempêtes de 1999 : chacun a pu apprécier, notamment en Aquitaine, l'engagement et le dévouement des agents du service public. Le législateur doit continuer à veiller à l'accomplissement de ces missions sur tout le territoire.

M. le Rapporteur - Le Gouvernement a choisi à l'article premier une démarche très volontariste, tenant notamment compte de l'expérience des dernières années. La notion de service public n'apparaît dans notre droit que depuis quelques années. On en trouve des traces en 1906, puis en 1946 ; mais c'est la loi de 2000 qui en donne la première définition, et ce à la demande des autorités européennes, qui ont demandé cette précision pour tenir compte de la spécificité de notre droit. Les textes que vous avez adoptés ensuite sont plus déclaratifs que réellement normatifs. La loi de 2000 mentionne la notion de service public, mais sans en faire un contrat avec les entreprises. En revanche la loi de 2001 - dont il est curieux que votre argumentation ne la mentionne pas, comme il serait logique - prévoit des contrats. Mais le dispositif s'est révélé peu lisible. Le Gouvernement a choisi de rassembler les deux contrats existants en un seul contrat de service public pluriannuel, qui contient des objectifs chiffrés : ceci est une nouveauté.

Un mot à M. Brottes sur la question tarifaire. Quand on parle de péréquation tarifaire, il est clair qu'on parle des tarifs, c'est-à-dire de tarifs régulés, administrés. Un tarif s'applique dès lors que la personne n'est pas éligible pour l'ensemble des prestations apportées par le fournisseur, jusqu'au compteur. Si en revanche quelqu'un fait jouer son éligibilité, il y aura dans le prix qu'il paiera une partie « tarif », correspondant au transport et à la distribution, et une partie "prix", non régulée, pour la fourniture d'électricité.

La commission a émis un avis défavorable à ces amendements.

Mme la Présidente - Sur le vote des amendements identiques 897 à 908, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.

M. Gilles Cocquempot - L'homme a besoin d'air, d'eau et d'énergie. Par bonheur, le premier n'est pas dans le domaine marchand. C'est parce que l'énergie était un élément stratégique et un moyen de pouvoir qu'elle a été nationalisée, afin de donner au pays les moyens de se défendre. Aujourd'hui, certains se demandent s'il ne conviendrait pas de nationaliser aussi la distribution et l'alimentation en eau dans la mesure où les entreprises nationales et multinationales qui interviennent dans ce secteur dépossèdent la nation d'un élément fondamental et en font un simple facteur de leur propre richesse.

J'insiste donc tout particulièrement sur la nécessité de lier missions de service public et élément stratégique et de faire en sorte que la représentation nationale contrôle les contrats passés avec ceux qui sont chargés de fournir ces éléments fondamentaux à notre peuple (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Christian Bataille - M. Lenoir a voulu engager le débat sur le service public. Rappelons à ce propos que la loi de 2000 a souligné son importance dans la définition des politiques sociales, environnementales et d'aménagement du territoire. Dans la politique des prix, dans le choix des modes d'énergie, dans la péréquation tarifaire, on retrouve bien ces objectifs dont la vision économique de ce projet nous éloigne fortement. C'est une vraie divergence entre nous. Pour notre part, nous pensons que vous devriez renoncer à faire de cet établissement public une vulgaire société anonyme.

A la majorité de 76 voix contre 32, sur 108 votants et 108 suffrages exprimés, les amendements 897 à 908 ne sont pas adoptés.

L'amendement 1641, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes - Rappel au Règlement, sur le déroulement des scrutins. Si nous ne remettons pas en cause celui qui vient d'intervenir, nous avons un peu de mal à retrouver le nombre des votants dans celui des présents...(Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Bouvard - Vous mettez en cause la Présidence, c'est scandaleux !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Comptez aussi de leur côté, Madame la présidente !

Mme la Présidente - Je ne fais qu'annoncer les résultats enregistrés, qui tiennent compte des délégations de vote. Le vote est bon (Très bien sur les bancs du groupe UMP).

M. François Brottes - Sans mettre en cause la Présidence, je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 23 heures 10, est reprise à 23 heures 15.

M. Michel Vaxès - L'amendement 1262, qui est de repli, tend à supprimer le premier alinéa de l'article premier, selon lequel les objectifs et les modalités de mise en _uvre des missions de service public assignées à EDF, GDF et leurs filiales gérant un réseau de transport d'électricité ou de gaz font l'objet de contrats conclus entre l'Etat et chacune de ces entreprises. Cette rédaction place sur le même plan les entreprises mères et leurs filiales et permet à l'Etat de conclure directement des contrats avec ces dernières. Dès l'article premier, il est donc question de la désintégration des deux entreprises nationales, par la filialisation des services de gestion des réseaux de transport. Ces services font aujourd'hui l'objet d'une séparation managériale, mais demeurent intégrés aux deux entreprises. Vous prétendez que les directives européennes imposent la séparation juridique. Nous contestons cette interprétation. Ce caractère intégré a fait toute la force des deux entreprises, et leur permet de mener à bien un projet industriel cohérent. Y renoncer serait économiquement irrationnel. Nous ne pouvons accepter la filialisation et demandons la suppression de cet alinéa.

L'amendement 1262, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François-Michel Gonnot - L'amendement 1183 évoque l'idée que, dans un marché de plus en plus concurrentiel, d'autres opérateurs qu'EDF, GDF et leurs filiales sont susceptibles de remplir des missions de service public. Total, par exemple, possède son propre réseau de distribution et de transport du gaz. Ces missions, évoquées à l'article premier, peuvent concerner la qualité du service rendu au consommateur ou les moyens garantissant l'accès au service public. Dans un marché concurrentiel, comme dans celui de l'eau par exemple, ces missions peuvent faire l'objet de contrats, limités, avec les opérateurs.

M. le Rapporteur - La commission a adopté deux amendements que j'ai déposés sur ce sujet : l'un sur les contrats et l'autre qui prévoit la mobilisation de toutes les capacités de production en cas de crise. Ces deux amendement satisfont le vôtre et je vous demande de le retirer.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement préfère l'amendement de la commission, qui donne une faculté au Gouvernement, mais ne lui donne impose pas de faire. Je vous serais donc reconnaissant de retirer votre amendement.

M. François-Michel Gonnot - Compte tenu de ces explications, je retire l'amendement 1183.

Mme la Présidente - Les amendements 425 à 437 sont identiques.

M. Augustin Bonrepaux - Certes, Monsieur le ministre, il y avait déjà des contrats auparavant, mais ils visaient à assurer le service public ! Or, depuis deux ans, vous organisez la disparition des services publics : Banque de France, France Télécom, trésoreries... sans parler de La Poste ! Pensez-vous vraiment que la meilleure façon d'organiser la distribution des journaux en Ariège consiste à passer par Marseille pour conclure des contrats avec La Poste ? Est-ce ainsi qu'on assure un bon service de proximité ? Nous redoutons que le seul service public qui fonctionne bien aujourd'hui, qui est apprécié de la population, soit démantelé. Vous dites que vos décisions seraient imposées par Bruxelles, mais votre véritable motivation est plutôt de rétablir les comptes publics ! Vous comptez sur la soulte d'EDF pour résorber les déficits de l'Etat !

Nous regrettons à ce propos d'engager le débat sans savoir exactement de quoi il retourne. Le rapporteur lui-même, malgré sa bonne volonté et toute sa compétence, est bien incapable de nous dire à combien se monte cette soulte, qu'il évalue entre sept et dix millions ! Parmi les trois évaluations différentes - celle de l'Etat, celle de la Commission européenne et celle d'EDF GDF - laquelle retiendrez-vous ? Il serait temps de savoir, alors que nous abordons l'article premier ! Et comment utiliserez-vous cet argent ?

Nous n'avons pas plus de réponse sur le prix de l'énergie. Pouvez-vous vous engager au moins à ce que le prix de l'énergie n'augmente pas ? (Rires sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP - On bloque aussi le prix de la viande ?

M. Augustin Bonrepaux - La plupart des industriels sont inquiets, estimant que la hausse du prix de l'énergie allait briser l'attractivité de la France, dont vous vous plaignez depuis deux ans qu'elle soit en baisse. Nombre de nos industries sont compétitives grâce au prix de l'électricité, comme les usines d'aluminium par exemple. Notre amendement vise donc à conserver l'intégralité des missions de service public de l'électricité et du gaz. Et maintenir un prix compétitif, n'en fait-il pas partie ? (Très bien ! sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Brottes - Je défends l'amendement identique 428. M. Bonrepaux a justement rappelé les enjeux globaux qu'on l'on tend à perdre de vue. Pour notre part, nous pensons l'inverse de M. Gonnot. Quand tout le monde s'occupe d'un sujet, personne ne s'en occupe bien.

M. le Ministre délégué - C'est un peu ce qui se passe chez vous !

M. François Brottes - Je n'aurais pas osé le dire du Gouvernement, mais puisque vous avancez l'idée...

M. le Ministre délégué - Vous, nous n'en avez pas beaucoup !

M. François Brottes - C'est effectivement une bonne description du gouvernement Raffarin III.

Mais je reviens au sujet, pour ne pas donner le sentiment que nous perdons du temps (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Le service public est le propre d'EDF et GDF. SI l'on banalise leurs missions, ces entreprises perdront leur âme. Nous sommes donc totalement opposés à cette sorte de « démantèlement » du service public, que le rapporteur proposera également. C'est pourquoi nous insistons pour écrire que les opérateurs publics doivent en conserver l'intégralité. En revanche, que l'on sollicite l'ensemble des opérateurs pour financer ces missions assumées par l'opérateur historique me paraît normal.

M. Pierre Ducout - Mon amendement 431 tend à ce que les deux entreprises conservent l'intégralité de leurs missions de service public, notamment deux de celles définies par la loi de 2000, à savoir la fourniture d'électricité aux meilleures conditions de prix et d'efficacité économique. Sur le premier point, le sort du client éligible, le rapporteur n'a pas été clair. Va-t-il rester au tarif de péréquation, dont on sait qu'il va augmenter fortement ? Je pense ici aux artisans, aux petites collectivités. L'obligation de gérer le service public dans les meilleures conditions de prix ne conduit-elle pas à tenir compte de façon transparente du prix de revient dans le tarif ? Sinon on ira vers un prix de marché, tiré vers le haut par le prix allemand, qui est supérieur au prix de revient d'EDF. Comment, donc, seront traités nos artisans du 1er janvier 2004 au 1er janvier 2007 ?

M. Jean-Louis Dumont - EDF assure bien un service public universel. C'était moins vrai pour GDF, mais elle a commencé à assurer ce service sur une grande partie du territoire. Outre ce caractère universel, il faut aussi s'intéresser à la qualité du service rendu. Il y a quelques décennies, ce qui comptait, c'était que l'électrification se fasse. Aujourd'hui, ce qui compte, c'est aussi la qualité du courant. L'extension du télétravail par exemple en dépend. La première entreprise éligible à quitter EDF fut une entreprise sidérurgique à laquelle, en raison du principe de spécialité, EDF et GDF ne pouvaient faire une offre conjointe sur l'ensemble des fluides dont elle avait besoin. Il faut donc donner aux deux entreprises toutes les compétences, toutes les qualifications dans leur diversité...

M. Hervé Novelli - C'est ce que prévoit le texte.

M. Jean-Louis Dumont - ...pour qu'elles puissent intervenir sur l'intégralité du territoire pour l'intégralité des services. L'article premier est un frein à cette liberté. D'où mon amendement 432.

M. Jean Gaubert - Je défends l'amendement identique 433. Le rapporteur a donné des éclaircissement sur le tarif. Nous en prenons acte. Il y aura donc péréquation sur les tarifs des réseaux, mais pas sur le prix de l'énergie produite (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous qui allez voter cette loi, vous irez donc expliquer au petit commerçant multiservices qu'à partir du 1er juillet, il devra négocier le prix de l'électricité et que c'est grâce à vous que ce prix va augmenter.

M. Hervé Novelli - Vous voulez faire peur !

M. Jean Gaubert - Le service public doit être assuré par l'Etat. Vous en voulez le moins possible, donc vous en parlez beaucoup. Il en est du service public comme d'autres choses, moins on en a, plus on les étale ! Ce que vous proposez, c'est le système en vigueur pour la distribution d'eau. On connaît les différences de tarifs d'une commune à l'autre, la pratique des opérateurs qui poussent des collectivités à faire des investissements non nécessaires pour des travaux que vont réaliser leurs filiales. Est-ce dans ce sens qu'il faut aller ?

M. David Habib - Nous n'aurions pas déposé ces amendements, dont le 435 que je défends, si le Gouvernement avait accepté d'en revenir à une énumération exhaustive des missions de service public, et s'il n'avait pas recouru à la notion de contrat qui écarte le législateur de la définition des missions à assigner à EDF et GDF.

Nous voulons, pour notre part, garantir la stabilité juridique des relations que l'Etat va désormais nouer avec EDF-GDF. Faire référence à l'intégralité des missions de service public, consiste à revenir à l'esprit du texte fondateur de 1946. Nous souhaitons que notre désir d'exhaustivité apparaisse clairement dans les débats parlementaires auxquels on pourra se référer après l'entrée en vigueur de la loi.

M. le Rapporteur - Ces amendements sont un peu improvisés (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Ce n'est pas parce que l'intégralité des missions de service public figure dans un contrat que EDF et GDF assument toutes les charges du service public.

Vous allez d'autre part un peu loin : en cas de canicule ou de grand froid, qui serait chargé de fournir l'électricité nécessaire ? Seulement EDF-GDF ! Vous oubliez ce qu'est le paysage énergétique français.

Monsieur Bonrepaux, vous qui êtes arrivé un peu tardivement... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux - C'est faux ! Je demande la parole !

M. Didier Migaud - C'est honteux, lamentable !

M. le Rapporteur - ...ne me reprochez pas d'avoir fait des réponses insuffisantes sur des questions, dont la soulte, qui seront abordées dans le cadre de la discussion du régime des retraites dans les industries électriques et gazières.

Concernant les tarifs, prenons l'exemple d'un boulanger : s'il ne fait pas jouer son éligibilité, il paie un tarif ; s'il fait jouer son éligibilité, la péréquation s'applique sur tous les tarifs. S'agissant du prix, EDF peut proposer un prix et un autre fournisseur un autre prix. EDF propose alors, selon un barème national, un prix harmonisé quel que soit le lieu. Les autres fournisseurs peuvent quant à eux proposer le prix qu'ils souhaitent. Les obligations de service public sont les mêmes pour l'ensemble des fournisseurs.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

Ceux qui ont choisi d'exercer leur droit à l'éligibilité auront affaire à plusieurs fournisseurs et chacun d'entre eux devra proposer un barème identique à chaque catégorie d'entreprise. Je vous renvoie au paragraphe 5 de l'article 30 du projet.

M. Augustin Bonrepaux - J'ai demandé la parole !

Mme la Présidente - Vous l'aurez.

M. Pierre Cohen - Il est vrai que M. le rapporteur se livre à des attaques personnelles déplacées, lui-même n'étant pas toujours exempt de reproches.

M. Sarkozy a déclaré qu'il ne voulait pas remettre en cause le service public. Il n'y a donc aucune raison pour ne pas voter nos amendements.

Il est fondamental de préciser l'« intégralité » des missions sur l'ensemble du territoire pour que le service public ne soit pas remis en question, ce que les Français n'accepteraient pas.

M. Augustin Bonrepaux - Je tiens à rappeler que le rôle du Rapporteur est de rapporter en argumentant. Depuis 21 heures 30, je suis présent dans l'hémicycle et il ne peut dire le contraire.

De plus, je souhaiterais que M. Lenoir soit un peu plus attentif aux travaux de la commission des finances. Il aurait ainsi pris connaissance de mes interventions et du travail accompli (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président de la commission - Cela n'a rien à voir avec les amendements.

Les amendements 425 à 437, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François-Michel Gonnot - L'amendement 87 de M. Nicolas est défendu.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Ministre délégué - Avis favorable.

M. François Brottes - Au moment où le rapporteur commence d'apporter des réponses dans ce débat, il serait bon qu'il s'abstienne d'attaques personnelles.

Il nous a assuré que tous les tarifs feraient l'objet d'une péréquation. Or, l'article premier garantit « la péréquation nationale des tarifs de vente de l'électricité aux consommateurs domestiques » et seulement « la péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution », ce qui n'est pas la même chose. Artisans, commerçants et petites entreprises doivent savoir qu'ils seront exclus du champ de la péréquation (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 87, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Goldberg - Cet article premier abroge l'article 140 de la loi de 2001 relatif aux contrats d'entreprise pluriannuels en disposant que « les objectifs et les modalités de mise en _uvre des missions de service public assignées à EDF et GDF (...) font l'objet de contrats conclus entre l'Etat et chacune de ces entreprises. » C'est dire que l'Etat entend conserver la maîtrise de ses relations avec lesdites entreprises, non par le biais de la loi, mais par celui du contrat. La place prééminente de ces contrats est d'ailleurs renforcée du fait que leur durée n'est pas précisée. La loi de 2001 disposait que les contrats d'entreprise ne comportent que des clauses contractuelles, garantie qui disparaît dans ce texte. Dans la droite ligne de ce que souhaite le Medef, vous entendez remplacer la loi par le contrat. A vous croire, la loi, ce serait l'oppression et le contrat, la liberté. Or, que de cas où la liberté, au sens où vous l'entendez, opprime quand la loi affranchit ! C'est bien le respect des prérogatives du Parlement qui est ici en jeu. Soucieux de ce que les pouvoirs des représentants du peuple soient respectés, nous souhaitons l'adoption de l'amendement 1642.

M. le Rapporteur - Le Gouvernement ne fait ici qu'appliquer la loi sur les nouvelles régulations économiques de 2001. Ne le lui reprochez pas car, que je sache, cette loi, vous l'avez votée ! Avis défavorable donc.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 1642, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Dans le droit fil de l'amendement précédent, nous proposons, par l'amendement 1644, de supprimer la référence aux contrats entre l'Etat et chacune des entreprises EDF et GDF, et de préciser dans la loi les missions de service public garanties aux usagers. Il y va en effet de la sécurité et de la continuité des approvisionnements, présents et futurs.

Je lis dans La lettre de l'électricité, publication de l'Union française de l'électricité, que l'on ne peut suspecter d'être influencée par la place du colonel Fabien que « la libération du marché réduit le degré de sécurité du système électrique. A court terme, le nouveau cadre concurrentiel dilue les responsabilités et « désoptimise » le système. Alors que, dans le modèle intégré, un seul opérateur était responsable de la sécurité d'approvisionnement sur un territoire donné, celle-ci résulte désormais des interactions entre une multitude d'acteurs - producteurs, transporteurs, régulateurs, Bourse... - sans qu'aucun d'entre eux soit pleinement responsable. L'indépendance de gestion des réseaux de transport et de distribution imposée par la directive met fin à la coordination et à l'optimisation des moyens. Il en résulte que, pour parvenir à un même degré de sécurité, un système électrique déréglementé nécessite davantage de lignes de transport... ». Les points de suspension sont de l'auteur lui-même de ces lignes, le président de l'UFE !

Le deuxième point de mon intervention porte sur l'égalité d'accès au service public de l'énergie sur l'ensemble du territoire. Qu'en sera-t-il désormais ? Depuis le 23 décembre 2003, le prix des services d'EDF a littéralement explosé, passant par exemple de 12,4 à 25,3 € pour le déplacement chez un particulier afin d'y relever le compteur, soit aune augmentation de 108 %, ou bien encore de 29,9 à 39,47 € pour le contrôle d'un appareil, soit une augmentation de 35 %. Comme une future mariée qui souhaite séduire les prétendants revêt ses plus beaux atours, l'entreprise publique EDF, pour attirer les actionnaires, cherche à montrer qu'elle peut réaliser de beaux profits !

Le dernier point de mon intervention aura trait au prix de l'énergie et des services associés qui devraient être fixés au plus près des prix de revient, mais risquent de s'en écarter toujours plus. Le prix du gaz a fortement augmenté ces dernières années. Si celui-ci n'avait fait que répercuter la hausse du prix d'achat de la matière première, la marge de GDF aurait dû rester constante, à la différence près de l'augmentation de ses ventes. Or, elle a progressé de 934 millions d'euros pour les deux années 2001 et 2003, dont 636 millions pour les seuls usagers domestiques, lesquels ne représentent pourtant que 23 % de la consommation. Il est clair que GDF a préféré faire payer davantage les usagers domestiques que les industriels !

Nous souhaitons donc que ces fameux contrats de service public ne soient pas tenus pour l'alpha et l'oméga, mais au contraire que la loi précise expressément ce qui est garanti aux usagers des services publics.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. François Brottes - M. Paul aurait dû demander un scrutin public sur cet amendement, mais sans doute M. Gremetz, qui vient d'arriver va-t-il lui en donner l'idée... Je ne comprends vraiment pas ce qui nous empêcherait de voter tous cet amendement qui ne fait que préciser les missions de service public. Chacun d'entre nous, de retour dans sa circonscription, devra rendre des comptes et assumer son vote. Comment expliquerez-vous, chers collègues que vous avez voté contre la garantie de la sécurité et de la continuité des approvisionnements, contre l'égalité d'accès au service public de l'énergie, contre la fixation d'un prix de l'énergie et des services associés au plus près des prix de revient ?

M. le Président de la commission - Toutes ces garanties figurent dans le texte. Lisez-le !

M. François Brottes - Nous demandons depuis le début que tout cela figure expressément dans la loi, ce qui n'empêchera d'ailleurs pas l'Etat de signer un contrat avec les entreprises mais évitera toute hypocrisie.

Mme la Présidente - Je suis saisie par le groupe communiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 1644.

A la majorité de 63 voix contre 28, sur 91 votants et 91 suffrages exprimés, l'amendement 1644 n'est pas adopté.

M. Jean Proriol - L'amendement 410 est défendu.

M. François-Michel Gonnot - Le 1113 aussi.

M. Jean Gaubert - Il ne paraît pas inutile de rappeler dans la loi l'existence des contrats de concession, qui font partie des contrats de service public mais qu'EDF et GDF pourraient oublier. D'où l'amendement 1168.

M. Jean-Jacques Guillet - Je suis content d'avoir une position commune avec MM. Proriol et Gaubert. Si on ne complète pas comme nous le proposons le premier alinéa de l'article, il est bien évident que les contrats qui seraient passés entre l'Etat et les deux sociétés pourraient vider de leur contenu les cahiers des charges des concessions. L'enjeu est de maintenir en l'état le service public local, c'est-à-dire la qualité des réseaux. Tel est le sens de mon amendement 1929.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Ministre délégué - Également.

Les amendements 410, 1113, 1168 et 1929 identiques, mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Présidente - Nous en arrivons aux amendements identiques 438 à 450.

M. Christian Bataille - L'amendement 438 tend à ce que les contrats de service public passés avec EDF et GDF soient soumis au Parlement. Cela répond à une exigence élémentaire de transparence et cela nous permettrait de savoir si la baisse des prix promise naguère par le théoricien libéral qu'est M. Goulard a eu lieu ou non.

M. Eric Besson - L'amendement 439 est défendu.

M. Augustin Bonrepaux - Je renouvelle ma question : quel va être le montant de la soulte versée par EDF au budget de l'Etat ?

M. le Ministre délégué - Au budget de l'Etat, zéro.

M. Augustin Bonrepaux - Le Gouvernement précipite le versement de la soulte pour assurer l'équilibre des comptes, tout le monde le sait, mais on ignore le montant.

Par ailleurs, vous engagez-vous à ce qu'il n'y ait pas de hausse du prix de l'électricité ?

M. le Ministre délégué - C'est vous qui avez libéré le prix de l'énergie !

M. Augustin Bonrepaux - Contre toute vraisemblance, M. Goulard avait annoncé une baisse des prix. Pouvez-vous au moins nous garantir qu'ils n'augmenteront pas ?

M. le Ministre délégué - Non, car le gouvernement Jospin les a libérés.

M. Augustin Bonrepaux - Arrêtez de mettre en cause le gouvernement précédent alors que vous êtes aux responsabilités depuis deux ans ! C'est bien vous qui êtes en train de privatiser EDF.

M. François Brottes - Vous avez compris que nos amendements sont des amendements de repli. Nous sommes en effet contre les contrats, mais puisque vous nous les imposez, nous voulons au moins qu'ils soient soumis au Parlement. Cela pourrait d'ailleurs être pour vous l'occasion de montrer que les socialistes et les communistes vous faisaient un faux procès, Monsieur le ministre. Si vous n'avez pas le courage d'accepter de revenir devant le Parlement pour montrer la qualité des contrats, cela prouve que nous avons raison de nous méfier !

M. Pierre Cohen - M. Sarkozy a essayé d'endormir tout le monde. D'abord les personnels en leur accordant ce qu'il considérait comme un maximum. Mais ils n'ont pas été dupes et sont descendus dans la rue pour le manifester. Ensuite les Français, en essayant de leur faire croire que son projet ne remettait pas du tout en cause le service public. Mais chaque fois que nous voulons préciser ce que recouvre la notion de service public, le Gouvernement refuse nos amendements.

Pour éviter toute collusion entre un gouvernement libéral et une entreprise qui sera, parce que vous l'avez voulu, soumise aux diktats de ses actionnaires, il faut pouvoir débattre en toute transparence des contrats de service public.

M. François Dosé - Il y a entre l'Etat et le Parlement une différence de nature. La raison d'Etat existe, mais dans une démocratie, elle doit pouvoir se vérifier auprès du Parlement. Celui-ci doit donc pouvoir évaluer les contrats passés avec EDF et GDF. Cette évaluation ne peut de toute façon être faite que par une instance qui ne soit pas à la fois juge et partie. Je l'avais déjà dit dans la loi d'orientation sur l'énergie.

M. Pierre Ducout - Vous prévoyez à l'article premier que les objectifs des missions de service public feront l'objet de contrats. Nous demandons que ces contrats soient soumis au Parlement. Certains objectifs des missions de service public sont rappelés dans la loi de 2000, dont l'article 2 mentionne notamment le développement équilibré de l'approvisionnement en électricité, avec un objectif de programmation pluriannuel des investissements de production. Cette mission de service public doit être débattue par notre Parlement et non pas seulement dans un cadre contractuel. En effet cette programmation peut soulever par exemple la question du bouquet énergétique, mais aussi celle de la lutte contre l'effet de serre, de la sécurité ou de la préparation de l'avenir - le traitement de la recherche dans votre projet étant plutôt elliptique.

Quant à l'évolution pluriannuelle des tarifs de vente, on a dit que les petits clients éligibles
- le boulanger qu'on a évoqué - vont bénéficier d'un barème de prix transparent. Mais cela ne signifie pas que ce barème répondra à la mission de service public, qui est d'assurer les meilleures conditions de coût et d'efficacité économique. Il y a donc bien des interrogations sur les risques que comporte le changement de statut pour les petits clients - mais aussi pour les grandes entreprises, comme l'ont rappelé nos collègues communistes - et ceci justifie que les contrats soient soumis au Parlement. D'où l'amendement 438.

M. Jean-Louis Dumont - L'amendement 445 est identique. Devant nos interrogations, Monsieur le ministre, vous répondez qu'il suffit de lire le texte. Mais celui-ci n'est pas complet sur la notion de service public, puisque vous en renvoyez les modalités à un contrat qui ne sera pas soumis au Parlement. Dans ce cadre, je voudrais savoir quel avenir est réservé à l'obligation d'achat. Dans la loi de 2000, l'entreprise publique EDF, chargée d'un service public universel, devait aussi porter l'électricité produite selon des modes nouveaux, notamment à partir des énergies renouvelables ; on l'obligeait donc à acheter le courant aux différents producteurs. Dans votre projet, à ma connaissance, cette obligation court toujours. Il est dans les règles républicaines que soient respectés les engagements antérieurs à une loi. Mais pour les productions futures, dans quelles conditions s'appliquera l'obligation d'achat ? Nous serons sur un marché concurrentiel. Chaque producteur fera ses propositions de prix. Mais l'un d'eux, et lui seul, sera soumis par la loi à l'obligation d'achat : EDF. La CNR fera ses prix comme elle veut, en fonction de sa productivité ; Gaz de France fera de même, ainsi que la Lyonnaise... pour ne rien dire des énergies qui viendront des pays voisins. Même privatisée, EDF resterait soumise à cette obligation ; comment réagiront ses actionnaires ?

Par ailleurs, vous avez refusé d'inscrire dans le texte la référence à la cohésion sociale. Mais je ne doute pas que M. Borloo, quand il nous présentera sa grande loi, invoquera des obligations de solidarité nationale envers les plus démunis. Songez que cela figure déjà dans la loi, et que pourtant on coupe le courant ou l'eau à des ménages, jusque dans le logement social. Qu'en sera-t-il demain de ces obligations de solidarité ?

M. Jean Gaubert - Nous avons bien compris que les barèmes s'appliqueront à tout le monde. Mais on ne voit nulle part qu'il sera interdit de consentir des rabais à certains et non à d'autres. Je ne trouve rien non plus sur le traitement réservé aux vendeurs étrangers, qui pourront éventuellement vendre par internet. J'espère, Monsieur le ministre, que vous pourrez réfléchir à ces questions, qui sont moins simples que vous ne le pensez.

Nous aurions souhaité que la loi précise les engagements de service public. Vous préférez le contrat. Au moins faut-il encadrer ce contrat...

M. le Ministre délégué - Mais il l'est.

M. Jean Gaubert - C'est pourquoi nous demandons - c'est l'objet de l'amendement 446 - que le Parlement soit saisi de ces contrats. Que vous vouliez avoir les mains libres pour les négocier, c'est une chose qu'on peut comprendre, à défaut de l'approuver ; mais il faut qu'en fin de négociation la représentation nationale puisse donner son avis. Les citoyens, qu'ils aient voté pour vous ou pour nous, nous demandent de les représenter, de travailler pour eux, non de déléguer notre pouvoir à des fonctionnaires, fussent-ils brillants, qui se substitueraient aux élus que le peuple a choisis.

M. David Habib - Neuvième orateur sur cet amendement...

M. le Ministre délégué - Mais ce n'est pas de l'obstruction...

M. Didier Migaud - C'est une participation à la réflexion.

M. David Habib - ...je souhaite citer une déclaration faite le 21  juin 1995 par notre collègue Gonnot : « Il me semble essentiel, disait-il, que la représentation nationale réaffirme quelques principes fondamentaux qui sont en quelque sorte les limites à l'intérieur desquelles devrait s'inscrire la négociation sur la directive d'ouverture du marché électrique : la préservation de notre indépendance, le maintien du système de la péréquation tarifaire, la préservation d'un outil industriel ». Par là même, notre collègue rappelait le rôle central de la représentation nationale. Mettez donc en _uvre, Monsieur le ministre, les recommandations de vos propres amis, qui ne souhaitent pas que le Parlement soit dessaisi du droit de fixer les orientations du service public de l'énergie.

Je souhaite qu'on mette fin à une double stigmatisation. La première est celle des salariés, envers qui M. le ministre d'Etat a usé de termes qui ont pu choquer - par exemple, si je ne me trompe, le terme « braillards ». La seconde est celle de la représentation nationale : on veut la dessaisir pour définir entre initiés le cadre du développement d'EDF. Il faut sortir de cette logique selon laquelle ni les salariés ni les élus n'ont leur mot à dire sur ces questions. M. Gonnot avait raison en 1995 : neuf ans plus tard il a toujours raison !

M. le Rapporteur - Je ne saurais passer sous silence le sentiment qui est le nôtre devant les man_uvres de l'opposition. Vous avez argumenté pendant trois quarts d'heure sur un même amendement, et en utilisant des arguments qui pour la plupart n'avaient rien à voir avec l'article, mélangeant les divers thèmes du projet de loi, et feignant de ne pas lire ce qu'il contient. J'éprouve personnellement un profond malaise devant cette obstruction. D'autant qu'elle se double d'un autre phénomène : vous en arrivez à remettre en cause des lois que vous avez vous-mêmes votées sous le gouvernement de M. Jospin. Ainsi vous demandez maintenant que l'on revienne devant le Parlement avec les contrats prévus par la loi de 2001. Mais celle-ci n'a jamais prévu un tel retour devant le Parlement ! Il y a mieux. En application de la loi de 2001, il existe aujourd'hui un contrat signé en 2001 entre EDF et l'Etat.

M. Pierre Cohen - EDF était un établissement public ! Il y avait une réelle confiance.

M. le Rapporteur - Dans ce contrat figure un engagement pour EDF d'investir à l'étranger 19 milliards d'euros. Mais en face de cet engagement aucun financement n'était prévu ! Il y avait seulement une formule de révision des prix, tout à fait insuffisante pour financer cette somme. Qu'a fait l'entreprise ? Elle a dû s'endetter. Une partie de son endettement vient de cette période. Ce contrat a-t-il été soumis au Parlement ? Non ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Avez-vous demandé au gouvernement de l'époque qu'il vienne devant le Parlement ? Non ! Alors ne venez pas aujourd'hui reprocher au Gouvernement, qui prévoit dans la loi un contrat rigoureux et contraignant, d'appliquer simplement la loi de 2001 que vous avez votée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement est défavorable à ces amendements qui étaient, M. Brottes l'a dit loyalement, de repli, mais qui nous ont valu d'entendre pendant trois quarts d'heure neuf orateurs dire ce qu'ils avaient déjà dit, pour défendre en outre une idée qui n'a guère de sens : quand des contrats sont soumis au Parlement, ce ne sont plus des contrats, c'est la loi !

M. Pierre Cohen - Vous faites peu de cas de la transparence !

M. Jean Launay - C'est parce le Parlement est écarté de la définition des missions de service public que nous défendons ces amendements destinés à obtenir que les contrats lui soient soumis. Cela sera d'autant plus indispensable si le capital est ouvert à des intérêts privés.

La libéralisation pour les clients professionnels présente de tels risques que la France serait fondée à faire jouer son droit d'exception et à prévoir des étapes supplémentaires avant un éventuel élargissement ultérieur.

Naturellement, ce processus doit être placé sous la responsabilité de la représentation nationale ; il faut y associer les organes de la société civile et non s'en remettre au seul pouvoir discrétionnaire de Bercy ou des entreprises.

M. François Brottes - Avant d'interroger la présidente sur la suite de nos travaux, je souhaite répondre au ministre qu'en effet, quand un contrat est soumis au Parlement, cela signifie que ce dernier légifère, mais tel est bien notre souhait, conforme à son pouvoir de contrôle de l'action du Gouvernement. Pour votre part, si vous préférez que le Parlement ne soit qu'informé, rien ne vous empêche de déposer un sous-amendement...

Monsieur le rapporteur, il n'y a aucune contradiction dans nos positions : vous modifiez fondamentalement les choses en changeant le statut d'EDF-GDF, nous obligeant à revenir sur des dispositions antérieures.

Enfin, quand on a défendu pendant sept heures une motion de procédure, ce qui a amené ensuite à modifier le Règlement, je crois qu'on ferait mieux de s'abstenir de donner des leçons à ceux qui s'opposent légitimement à un texte fondamental ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Les amendements 438 à 450, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Présidente - Je réponds à M. Brottes que nous devrions normalement arrêter nos travaux à 1 heure, mais que je souhaite que nous allions un peu plus loin dans l'examen des amendements.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement aussi !

Mme la Présidente - Je propose donc que nous nous arrêtions à 1 heure 30 (Assentiment).

M. Jacques Desallangre - L'amendement 1263 vise à supprimer le deuxième alinéa de cet article.

Le rapport de notre collègue Jean-Claude Lenoir est très clair sur les difficultés à respecter les obligations de service public une fois changé le statut, qui soumettra EDF et GDF aux critères de rentabilité et aux exigences des marchés.

La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement des territoires et la loi relative aux nouvelles régulations économiques de mai 2001 ont institué deux types de contrats, les contrats de service public et les contrats d'entreprise pluriannuels, dont les objectifs respectifs sont vite apparus incompatibles.

En effet, les premiers, nous explique le rapporteur, « ne constituent en fait qu'une annexe au contrat d'entreprise qui, en tant que contrat de gouvernance contenant des objectifs de rentabilité, s'est trouvé au c_ur du dispositif contractuel ». C'est pourquoi, poursuit-il « bien qu 'il ait contenu des engagements essentiels, le contrat de service public s'est vu jusqu 'ici accorder une valeur juridique peu contraignante». Aussi nous est-il proposé de conserver le principe de la contractualisation entre l'Etat et les entreprises, désormais privées, chargées du service public.

Mais vous vous fourvoyez ! Comment des entreprises soumises à des critères de rentabilité peuvent-elles intégrer des exigences de service public à la hauteur des défis à venir et en respectant ces principes fondamentaux que sont l'égalité, la continuité et l'adaptabilité ?

La réalisation du marché européen se traduit par la mise en place du service universel, qui n'est qu'un service public a minima, voué à s'adapter au cadre concurrentiel. Pour ma part, je demeure persuadé qu'il y a incompatibilité entre service public et privatisation des entreprises publiques. Les exemples des pays pionniers de la déréglementation et de la privatisation le prouvent : la Grande-Bretagne est aujourd'hui obligée de se livrer à ce qui s'apparente à une renationalisation de secteurs entiers de son économie qu'elle avait abandonnés au marché...

L'énergie n'est pas une marchandise mais un bien public, qui doit demeurer accessible à tous. De ce point de vue, il n'est pas innocent que vous ayez oublié dans ce texte toute référence à l'idée de cohésion sociale...

Pour toutes ces raisons, nous refusons la poursuite du processus de contractualisation et nous pensons qu'EDF et GDF doivent demeurer des EPIC : il en va de l'avenir même de notre service public !

L'amendement 1263, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 4 est rédactionnel.

M. le Ministre délégué - Favorable.

M. François Brottes - Cette confusion entre les mois de mars et mai est un peu grosse... Elle montre dans quelle précipitation ce texte a été préparé !

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Les amendements 451 à 463 sont identiques.

M. Christian Bataille - Je trouve injuste de parler d'obstruction sur un texte qui va bouleverser la vie non seulement des salariés, mais de millions de nos concitoyens, dont je crains fort qu'ils aient bientôt autant de mal à lire leurs factures que les Américains, qui ont déjà subi la libéralisation.

Ces amendements visent simplement à ce que les contrats fassent l'objet d'une évaluation dans le cadre du rapport de l'Etat actionnaire prévu par la loi sur les nouvelles régulations économiques. Nous nous contentons de prévoir que ce rapport pourra faire l'objet d'un débat au Parlement. Ce dernier a bien vocation à débattre de la politique des entreprises publiques ; l'Etat doit donc lui soumettre un certain nombre de délibérations.

M. Bonrepaux a parlé de La Poste en Ariège, mais je puis aussi parler de mon village du Nord où le bureau va fermer trois semaines en août, laissant dépourvues les personnes isolées et âgées. Parce que c'est sur la même voie que vous engagez le secteur de l'énergie, il me paraît très souhaitable que l'Assemblée puisse débattre des conséquences de cette décision.

M. le Ministre délégué - Plus c'est long, plus je suis réservé...

M. Christian Bataille - Sans doute la mesure que je propose par l'amendement 451 ne serait-elle pas aussi spectaculaire que les mouvements sociaux que nous observons, mais c'est bien parce que le Parlement ne joue pas complètement son rôle que les salariés du service public sont désespérés ! Et aussi parce que la direction d'EDF a abusé de sa position pour faire une propagande déséquilibrée. Un des moyens d'éviter ces dérives est de rendre toute sa place au Parlement.

M. le Ministre délégué - Monsieur Bataille, j'étais disposé à accepter votre amendement, mais votre intervention m'a donné le temps de commencer à le regretter ! Je l'accepterais néanmoins à trois conditions. La première, c'est que vous fassiez mieux que nous... Monsieur Brottes, qu'aviez-vous dit à propos de la loi du 15 mars ? Parce que votre amendement s'y réfère ! (Rires).

Plusieurs députés socialistes - Nous avons copié le texte initial !

M. le Ministre délégué - Lisez-le, au moins !

Ensuite, je trouverais plus raisonnable que le débat ait lieu tous les trois ans, sachant que nous aurons un bilan en 2006. Je suis tout à fait favorable à ce que le contrôle du Parlement soit accru, mais demander un rapport chaque année est beaucoup trop lourd et surtout, ce rapport risque de rester dans les fonds de tiroirs. Enfin, j'aimerais que nous n'allongions pas inutilement le débat sur un amendement qui nous rassemble...

M. François Brottes - Si vous acceptiez nos propositions plus tôt, nous n'aurions pas besoin de défendre des amendements de repli et le débat serait moins long ! La rectification concernant le mois de mai est de bon sens : tout le monde semble avoir été poussé par la précipitation... Quant à l'évaluation triennale, je vous propose de faire chacun un pas : nous l'acceptons, mais en écrivant que ce rapport « fait l'objet » d'un débat, plutôt que « peut faire ». Au final, le Parlement disposera d'un rendez-vous régulier pour évaluer les dégâts.

M. le Ministre délégué - D'accord.

Mme la Présidente - L'amendement 451 rectifié est donc ainsi rédigé : « Ces contrats et leurs conditions de mise en _uvre font l'objet d'une évaluation triennale... » pour le début, puis : « Ce rapport fait l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat ».

Je souligne par ailleurs que si cet amendement rectifié est adopté, tous les autres, qui étaient identiques, tomberont.

M. Pierre Ducout - Je n'ai rien contre un débat triennal, mais il ne faut pas oublier l'échéance de 2007 ! On pourrait préciser que le premier débat a lieu au bout de deux ans, puis tous les trois ans.

Mme la Présidente - Il faut être raisonnable...

M. le Rapporteur - La commission est favorable à l'amendement 451 rectifié.

L'amendement 451 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Daniel Paul - Le groupe communiste a préféré ne pas déposer d'amendements qui auraient pu cautionner la mise en place de ces contrats. Il nous a semblé que cela serait revenu à entrer dans la mécanique infernale du Gouvernement. Mais le rapporteur a tout à l'heure évoqué l'idée que les contrats discutés devant notre assemblée deviendraient des lois. Nous ne voyons aucun inconvénient, au contraire, à ce que la définition des missions de service public, en particulier dans le domaine de l'énergie, soit discutée ici !

Enfin, nous récusons toute accusation d'obstruction. Ce texte est particulièrement important. Il ouvre la voie à de mauvais coups contre d'autres entreprises publiques, telles que La Poste ou la SNCF : une fois le premier texte passé, ce sera beaucoup plus facile ! Vous êtes restés sourds aux demandes des salariés, qui, depuis plusieurs semaines, dans un mouvement responsable, expliquent les dangers que vous faites courir à leur entreprise, une entreprise au service du pays. Vous êtes également restés sourds à l'égard de la population, bien que les Français vous aient dit, en avril puis la semaine dernière, toute leur méfiance envers votre politique. Porter des accusations de blocage et d'obstruction n'est pas digne de ce débat.

Quant à notre amendement 1523, il tend à supprimer le troisième alinéa de cet article. Votre texte est tellement truffé de pièges qu'il faut l'attaquer point par point !

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. François Brottes - L'amendement qui vient d'être voté ne visait en aucune façon à cautionner la démarche du contrat. Il nous a permis, cher collègue, d'obtenir que la majorité revienne devant le Parlement trois ans après la signature du débat, pour conclure peut-être à une remise en cause. Nous donnons ainsi rendez-vous à l'ensemble des Français.

L'amendement 1523, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente - Les amendements 464 rectifié à 476 rectifié sont identiques.

M. Christian Bataille - J'essaierai d'être plus bref, mais sans doute serai-je du coup moins convaincant ! L'amendement 464 rectifié vise à ôter de votre texte un certain nombre d'alinéas redondants - sur les exigences de service public, les modalités d'évaluation, la politique de recherche par exemple - qui figurent déjà dans la loi du 10 février 2000. Il propose de faire tout simplement référence à cette loi.

M. Augustin Bonrepaux - Si le ministre nous donnait son accord sur ces amendements, le débat avancerait plus vite : ce n'est pas nous qui faisons de l'obstruction ! (Sourires) En énumérant, on oublie toujours quelque chose. Votre rédaction ne donne donc pas une bonne garantie pour le service public. Nous proposons que ces contrats soient définis selon les principes énoncés par la loi du 10 février 2000. C'est à la fois plus simple et plus complet.

Nous aurions pu déposer de nombreux amendements pour compléter votre texte. Mais cela aurait prolongé les débats. Par souci de simplicité, nous proposons par l'amendement 466 rectifié cette rédaction.

M. François Brottes - Je défends l'amendement 467 rectifié. Il devrait plaire au rapporteur, qui nous a reproché de nous mettre en contradiction avec la loi de 2000 qu'il a jugée excellente. Nous y faisons référence.

M. Pierre Cohen - L'amendement 468 rectifié a le même objet. Nous avons dit notre opposition aux contrats. Imaginons qu'un contrat soit passé entre un gouvernement ultra-libéral et une entreprise obsédée par la Bourse ! Le ministre a accepté que le Parlement les revoie tous les trois ans, c'est un début. Mais la référence à la loi de 2000 est la meilleure garantie pour les encadrer.

Mme la Présidente - L'amendement 469 rectifié de M. Dosé est défendu.

M. Pierre Ducout - Je défends l'amendement 470 rectifié. La loi de 2000 a défini les missions de service public de la manière la plus exhaustive, alors qu'à l'époque il n'était pas question d'ouvrir le capital ni de fixer une date pour l'ouverture du marché. Il est bon de s'y référer.

M. Jean-Louis Dumont - La loi de 2000 transposait une directive européenne. A cette occasion, nous avions longuement débattu de la notion de service d'intérêt général en tenant compte des spécificités françaises et nous avions fixé au plus près les obligations dans ce cadre. Aujourd'hui, vous êtes bien frileux pour le faire, alors que, pour vous, il s'agit d'une première avec l'ouverture à la concurrence et à de nouveaux opérateurs. Si vous n'organisez pas leurs obligations, les conséquences peuvent être graves pour les populations laissées pour compte. Il s'agit d'organiser une société dans laquelle chacun doit avoir droit au service de l'énergie. Refuser de le faire, c'est manquer gravement au devoir de solidarité, c'est ignorer la réalité sociale. Rassurez-nous en acceptant l'amendement 471 rectifié.

Mme la Présidente - Sur le vote des amendements identiques 464 rectifié à 476 rectifié, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Jean Gaubert - Je défends l'amendement 472 rectifié. A l'origine, l'entreprise devait être privatisée à 50 %. On est revenu en arrière, parlant de 70 %, voire de 100 % de capital public. Mais c'est pour amuser la galerie. En ce qui concerne les obligations de service public, rien n'a changé. Aussi la référence à la loi de 2000 reste-t-elle la meilleure garantie. C'est l'objet de l'amendement 472 rectifié.

M. David Habib - Je défends l'amendement 474 rectifié. Nous vous avons demandé de substituer la loi au contrat, puis de soumettre le contrat au Parlement. Nous vous demandons maintenant de donner pour référence législative à ce contrat la loi de 2000. Sans doute allez-vous refuser. Mais nous vous aurons mis en garde !

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

A la majorité de 47 voix contre 29 sur 76 votants et 76 suffrages exprimés, les amendements identiques 464 rectifié à 476 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - Je souhaite une suspension de séance pour réunir la commission (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Présidente - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 1 heure 30 le mercredi 23 juin, est reprise à 1 heure 45.

M. le Rapporteur - La commission des affaires économiques s'est donc réunie pour voir s'il était possible de prolonger la séance au-delà de l'heure indiquée par Mme la présidente.

Les commissaires de l'opposition nous ont fait savoir qu'ils refusaient ce prolongement et que même dans le cas d'un changement de présidence, ils s'emploieraient à retarder nos travaux.

M. le ministre souhaite néanmoins que l'on puisse examiner les deux amendements suivants. Cette proposition, me semble-t-il, pourrait rallier l'ensemble des parlementaires.

M. le Ministre délégué - Ma proposition est, je le pense, raisonnable. Les deux amendements restant à examiner ne posent aucune difficulté et nous aurons terminé avant deux heures (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Mais nous pouvons aussi aller au-delà sans avancer du tout, si vous en décidez ainsi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Louis Dumont - C'est la présidence qui décide de l'heure de levée de la séance.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement peut aussi, en application de l'article 50 du Règlement, demander à l'Assemblée de décider elle-même de la durée de ses travaux. Je propose une solution de compromis qui paraît sage.

M. François Brottes - Il est très désagréable d'entendre rapporter des choses fausses. Lors de la réunion de la commission qui vient de se tenir, une majorité de ses membres a exprimé le souhait de ne pas poursuivre le débat, dans la mesure où il avait été prévu que celui-ci se termine à 1 heure 30. Il n'y a aucune raison que nous entrions dans quelque négociation que ce soit pour faire plaisir à tel ou tel.

Mme la Présidente - Le ministre propose que nous examinions les deux amendements 1945 et 1264 avant de nous séparer ou bien de consulter l'Assemblée sur la poursuite de ses travaux, auquel cas nous pourrions être amenés à poursuivre le débat sans limitation d`horaire. Je vous invite donc à bien réfléchir.

M. Daniel Paul - Puis-je m'exprimer dans la mesure où l'un des deux amendements en question est le mien ? Examinons-le, afin que je puisse, ainsi que mes collègues, passer une fin de nuit tranquille.

M. le Ministre délégué - Je reconnais bien là votre esprit de conciliation.

M. le Rapporteur - L'amendement 1945 est de coordination.

L'amendement 1945, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Daniel Paul - L'amendement 1264 est défendu.

L'amendement 1264, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure 50.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 23 JUIN 2004

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 1613) relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

Rapport (n° 1659) de M. Jean-Claude LENOIR, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Avis (n° 1668) de M. Bernard CARAYON, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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