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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 110ème jour de séance, 271ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 24 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

Sommaire

      DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE
      POUR 2005 (suite) 2

      SOUTIEN À LA CONSOMMATION
      ET À L'INVESTISSEMENT 5

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 10

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 22

      AVANT L'ARTICLE PREMIER 22

      ARTICLE PREMIER 26

      APRÈS L'ART. PREMIER 29

      APRÈS L'ART.2 31

La séance est ouverte à quinze heures.

DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2005 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite du débat d'orientation budgétaire pour 2005.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - Je voudrais, au nom du ministre d'Etat et en mon nom personnel, répondre aux différents orateurs de la matinée. Nous avons, Monsieur le rapporteur général, beaucoup apprécié votre propos...

M. Jean-Pierre Brard - Votre goût de la louange vous perdra !

M. le Secrétaire d'Etat - ... tendant notamment à rappeler les deux règles de base de toute politique budgétaire : stabilité de la dépense, prudence dans la prévision de recettes...

M. Didier Migaud - Avec ça, on est bien avancé !

M. le Secrétaire d'Etat - S'agissant de la LOLF, les 132 responsables de programmes sont désormais désignés...

M. Jean-Pierre Brard - Des noms ! (Sourires)

M. le Secrétaire d'Etat - Leur identité et les fonctions qu'ils occupent ne sont pas secrètes et il appartiendra à la représentation nationale de se prononcer sur leur gestion dès 2007, au titre de l'exercice précédent...

M. Jean-Pierre Brard - Lourde responsabilité pour la nouvelle majorité !

M. le Secrétaire d'Etat - Naturellement, les indicateurs de performance et le cadre de mise en _uvre de la loi d'orientation restent perfectibles, et je sais pouvoir compter sur votre commission des finances pour faire à ce sujet d'utiles propositions.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - M. Carrez a également insisté sur la nécessité de lancer une étude d'impact en préalable à la présentation de tout texte législatif et nous souscrivons sans réserve à son analyse...

M. Didier Migaud - Où est l'étude d'impact du texte de cet après-midi ?

M. le Secrétaire d'Etat - De même, mon expérience de dix ans à la commission des lois de votre assemblée m'a instruit de la nécessité de prévoir des dispositifs d'évaluation très complets.

Les propos du président de votre commission des finances ont également retenu toute notre attention. Son idée de réintégrer la prime pour l'emploi dans la fiche de paie mensuelle mérité d'être creusée.

M. Jean-Pierre Brard - Attention ! Si Bercy vous explique que c'est un « vrai sujet », c'est que l'enterrement est proche ! (Sourires)

M. le Secrétaire d'Etat - L'étude des conséquences techniques d'une telle évolution doit être approfondie : est-il préférable de verser 20 à 40 € par mois ou un chèque annuel de 450 € ? Quid de l'année de transition ?

Monsieur Méhaignerie, vous avez eu raison d'insister sur l'absolue nécessité de maîtriser l'évolution des effectifs de la fonction publique, sachant que les charges de personnel représentent 44 % des dépenses du budget de l'Etat. En la matière, notre approche reste pragmatique et tend à rechercher inlassablement de nouveaux gains de productivité. A titre d'illustration, j'indique que 1,5 million de nos compatriotes ont opté cette année pour la télé-déclaration de leurs revenus, soit autant de gagné en efficacité de gestion. S'il ne constitue pas une règle absolue, le choix de ne remplacer le départ à la retraite que d'un fonctionnaire sur deux reste d'actualité.

S'agissant des collectivités locales, votre démarche et celle du Gouvernement convergent, puisque le ministre d'Etat a fait part de son souhait d'organiser une conférence annuelle tripartite de maîtrise de la dépense, associant l'Etat, le Parlement et les associations d'élus locaux.

Monsieur Mariton, le Gouvernement vous remercie pour votre intervention et partage votre diagnostic sur la situation des finances publiques. Il souscrit également à votre analyse selon laquelle la LOLF ne peut que contribuer à une accélération de la réforme de l'Etat en permettant - enfin ! - de fonder les politiques publiques sur des objectifs plutôt que sur l'utilisation de moyens prédéfinis. La mise en _uvre de la loi d'orientation doit aussi contribuer à libérer l'initiative des gestionnaires. Unissons nos efforts pour faire vivre ce texte !

Dans une intervention brillante comme à l'accoutumée, M. Migaud a porté un regard très critique sur ce qu'il appelle la « dégradation » de nos finances publiques. Celle-ci procède de certains évolutions. S'agissant des recettes, la situation présente est essentiellement liée à la conjoncture...

M. Jean-Pierre Brard - C'est passer un peu vite sur les cadeaux fiscaux que vous avez faits aux plus riches !

M. le Secrétaire d'Etat - Monsieur Brard, 32 millions de nos compatriotes - dont une forte proportion de cadres moyens, de fonctionnaires et d'employés - acquittent l'impôt sur le revenu. Les baisses d'IR bénéficient par conséquent à 16 millions de ménages et non à une petite minorité de riches !

J'en viens, Monsieur Migaud, aux dépenses, pour vous rappeler une nouvelle fois et en toute objectivité que nous sommes d'abord les héritiers de vos décisions : 35 heures, recrutements massifs - et même parfois effarants - dans la fonction publique, gaspillages catégoriels... Vos responsabilités en la matière sont désormais bien établies.

La loi de finances sera exécutée selon les prescriptions du Parlement, tant pour ce qui concerne les dépenses que les recettes, le solde budgétaire s'établissant à moins 55 milliards. Alors, M. Migaud nous dit « plus de croissance, mais plus de déficit : cherchez l'erreur ! ». Soit, la croissance est au rendez-vous - les dernières prévisions de l'INSEE l'attestent -, mais il faut tenir compte des aléas de gestion. Songez notamment aux « recalculés » de l'UNEDIC ou à l'incertitude sur l'évolution du produit de l'impôt sur les sociétés. En tout état de cause, le déficit public ne devrait pas excéder 3 % du PIB en 2005.

M. Perruchot a rappelé cinq règles de bonne gestion - maîtrise du déficit, suppression de tout déficit de fonctionnement de l'Etat, réduction des déficits sociaux, économie sur les dépenses nouvelles, moratoire sur les baisses d'impôt si la croissance reste inférieure à 2 % - qui auraient permis de limiter considérablement le niveau de la dette si elles avaient été appliquées dans le passé. Plusieurs d'entres elles sont pour nous d'application immédiate. Nicolas Perruchot a posé le problème intéressant de la fiabilité de la prévision de croissance. En 2002, l'erreur avait été collective : 0,5 % réalisé pour 2,5 % prévus ; pour cette année, MM. Mer et Lambert avaient tablé sur un très raisonnable 1,7 %. L'INSEE projette aujourd'hui une tendance annuelle de 2,3 %.

Avec le talent que chacun lui reconnaît, M. Brard a exposé ses vues fiscales pour le moins originales, au point de nous laisser parfois sans voix...

M. Jean-Pierre Brard - Oh, des voix, vous n'en avez déjà plus guère ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. le Secrétaire d'Etat - Inutile d'épiloguer sur les scores du parti communiste... Refuser, Monsieur Brard, les baisses d'impôt, c'est prendre le risque de pénaliser l'emploi, d'accélérer les délocalisations et de décourager les Français qui travaillent.

M. Jean-Pierre Brard - Calembredaines !

M. le Secrétaire d'Etat - Voudriez-vous que la France soit le seul pays développé où la pression fiscale ne s'allège pas ?

M. Jean-Pierre Brard - Mimétisme n'est pas raison.

M. le Secrétaire d'Etat - Vous serez bientôt le dernier défenseur des 35 heures et l'unique promoteur d'un étrange théorème qui mériterait de porter votre nom. Apprenons donc le théorème de Brard : « plus on donne de l'argent aux privilégiés, plus la consommation baisse » (Rires sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Mais oui !

M. le Secrétaire d'Etat - La réalité, c'est que la consommation a augmenté de 1 % au premier trimestre et que la tendance s'accélère au point de permettre de tabler sur une progression de 2,1 % en année pleine. Avec l'augmentation historique du SMIC qui interviendra le 1er juillet et l'application du récent accord sur la grande distribution - lequel concerne les hypermarchés et non les boutiques de luxe - , nous distribuons du pouvoir d'achat et nous soutenons la consommation populaire.

Monsieur Bouvard, je l'ai dit, nous avons apprécié la contribution de la commission des finances à l'élaboration de la maquette des futures lois de finances, en application de la LOLF. Vous avez fait part de vos insatisfactions et je puis vous garantir qu'elles seront prises en compte. Le cadre n'est pas gravé dans le marbre et nous comptons sur votre assemblée pour améliorer la copie si elle le juge nécessaire.

Nous interrogerons de nouveau le Parlement à l'automne sur la qualité des outils de mesure de la performance. Nous vous ferons alors connaître les stratégies, les indicateurs de résultats et les critères de réussite retenus par les 132 responsables de programmes dont nous avons transmis les noms. Nous vous remercions, Monsieur Bouvard, de votre précieuse contribution.

Monsieur Bonrepaux, les mesures de régulation budgétaire ont été totalement transparentes. Nicolas Sarkozy et moi-même avons écrit à tous les ministres le 22 avril dernier, leur indiquant que nous mettions en réserve quatre milliards d'euros de crédits de la loi de finances initiale et trois milliards de reports. Nous en avons informé le même jour les commissions des finances des deux assemblées, auxquelles nous avons transmis fin mai le détail de ces reports et de ces réserves (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Tron a développé une analyse sur la logique de résultat, que nous partageons totalement. La réforme de l'Etat ne peut pas se faire contre les fonctionnaires. Elle doit être conduite avec eux, nous en convenons bien volontiers. Oui, il faut restituer aux agents une partie de leurs gains de productivité, c'est-à-dire du fruit de leurs efforts, en améliorant leurs conditions de travail et quand cela est possible, leur qualification et leur rémunération, notamment par le biais de primes au mérite.

M. Sandrier a fustigé une prétendue inefficacité de ce gouvernement. Qu'il me permette de lui faire observer que la consommation a progressé l'an passé de 1,7 % en France contre seulement 1 % dans les autres pays de la zone euro et que les prévisions de croissance pour 2004 se situent à 2,3 % contre 1,7 % dans ces autres pays. Au moment où nous allons revaloriser le SMIC et abaisser le prix du panier de la ménagère, je ne crois vraiment pas que nous puissions être taxés d'inefficacité. Pour ce qui est de la dette publique, qui n'est que la somme des dépenses non financées engagées par la précédente majorité, nous cherchons, pour notre part, d'abord à la réduire, le champion de son augmentation ayant sans conteste été le ministre des finances du précédent gouvernement (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Garrigue a, lui, évoqué à juste titre le niveau trop élevé de cette dette qui représente aujourd'hui 14 % des dépenses de l'Etat. Pour restaurer la capacité d'action de l'Etat, il est en effet indispensable de réduire les déficits. Cela passe par une maîtrise des dépenses sur le long terme et une gestion prudente des recettes, afin que ne se répète pas le malheureux épisode de la « cagnotte ».

M. Besson a défendu le bilan du gouvernement Jospin - il est vrai qu'il faut bien que quelqu'un s'en charge ! Nous payons, nous, le prix des décisions prises alors. Mais après tout, à tout pécheur, miséricorde ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Monsieur Auberger, nous avons bien pris note de vos recommandations empreintes de sagesse sur la stabilisation de l'endettement et la « soutenabilité » des finances publiques. Nombre d'entre elles seront d'ailleurs reprises. Nous pensons, comme vous, qu'il faut stabiliser dans la durée le volume des dépenses de l'Etat. C'est ce que nous avons fait en 2004 et ferons de nouveau en 2005, en contenant la progression de ces dépenses au niveau de l'inflation. Faut-il aller plus loin ? La stabilisation en valeur soulève des problèmes que le rapporteur général du budget que vous avez été connaît bien... Nous verrons ce qu'il est possible de faire, mais soyez assurés que notre démarche sera ambitieuse. Pour ce qui est de la prime pour l'emploi, dont vous avez, comme MM. Carrez et Méhaignerie, souligné les imperfections, le versement d'un acompte en raccourcira le délai de versement. Les pistes que vous avez tracées concernant notamment le rapport entre cette prime et le SMIC seront étudiées.

M. Deniaud a lui aussi évoqué la gestion des finances publiques. Nous ne sommes pas des « accros » de la régulation budgétaire, processus lourd non dénué d'effets pervers. Mais nous sommes comptables, avec le ministre des finances, des autorisations de dépenses ouvertes par le Parlement. Nous serons cette année à la fois fermes et souples, dans l'esprit de la LOLF d'ailleurs qui, à la fois, cadre le montant des dépenses et autorise une certaine souplesse, permettant notamment aux ministères de redéployer les crédits mis en réserve.

M. Descamps a eu raison d'insister sur le fait que les stratégies de l'Etat et des collectivités ne pouvaient être dissociées. Notre stratégie économique globale suppose une réforme ambitieuse de l'Etat. Il faut donc, comme il l'a dit, s'attaquer aux frais de fonctionnement et de structure, et insuffler dans la fonction publique la culture de la performance. La LOLF participe de cet objectif, c'est d'ailleurs pourquoi je suis assez optimiste à ce sujet.

M. Rouault a bien fait de souligner que l'embellie économique et l'amélioration des rentrées fiscales ne suffiraient pas à régler nos problèmes structurels. C'est d'ailleurs ce qui justifie le projet de loi de soutien à la consommation et à l'investissement qui va vous être présenté. Nous avons bien entendu ses recommandations en matière de maîtrise des emplois publics. Nous n'en faisons pas une règle stricte ministère par ministère, mais traitons la question dans son ensemble. Nous souhaitons bien entendu, sans remettre en question le principe de leur libre administration, que les collectivités s'associent à cet effort (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SOUTIEN À LA CONSOMMATION ET À L'INVESTISSEMENT

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Ce projet de loi repose sur une analyse simple de notre situation économique. C'est la consommation qui l'an passé nous a permis d'échapper à la récession, augmentant de 1,7 % alors que le PIB ne progressait que de 0,5 %, que les exportations reculaient et que l'investissement faiblissait. Au premier trimestre 2004, c'est encore elle qui, avec une progression de 1,1 %, a permis un rebond de la croissance à 0,8 %. Dans les prochains mois, les investissements et les exportations devraient fort heureusement repartir mais pour que la croissance redémarre durablement, il faut agir sans retard. Il nous faut anticiper la croissance et la conforter avant tout fléchissement. La difficulté est qu'il nous faut le faire sans creuser les déficits car nous n'avons pas de marges de man_uvre budgétaires.

Jamais la question des prix des biens de consommation courante disponibles dans les supermarchés et hypermarchés n'avait été jusqu'à présent vraiment évoquée.

M. Eric Besson - Si, dans la loi sur les nouvelles régulations économiques.

M. le Ministre d'Etat - C'est pourtant un sujet capital. Nous avons donc décidé d'obtenir, dès le 1er septembre 2004, une baisse de 2 %, puis de nouveau de 1 % au 1er mai 2005, sur quatre mille produits courants. Sans dégrader les déficits publics ni nuire aux prix agricoles, non plus qu'à ceux des PME, exclus du champ du dispositif, nous allons rendre aux Français un pouvoir d'achat équivalent à une année d'inflation. Bien sûr, nos concitoyens doutent, et c'est normal quand il y a si longtemps que les prix augmentent dans notre pays, d'ailleurs beaucoup plus que dans les pays voisins. Il était deux façons de traiter le problème. L'une, idéologique, par la loi, dont on sait qu'elle ne règle rien et ne fait que nourrir les frustrations. Qu'y a-t-il à gagner à ce que s'opposent partisans et adversaires de la loi Galland ? L'autre, celle que nous avons choisie, était de restaurer la confiance, en montrant la voie avec 3 % de baisse effective du prix des produits. Ce n'est peut-être pas assez, ce n'est sans doute pas une grande victoire, mais c'est un premier pas... et 3 % de hausse auraient été sur tous les bancs, considéré comme une catastrophe (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). S'il était si facile de faire en sorte que des partenaires qui ne se parlaient plus depuis des années se retrouvent autour d'une table, que ne l'avez-vous fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La commission présidée par M. Canivet étudiera le problème des marges arrière et des marges avant, l'un des plus complexes qui soient, à la fois sur le plan économique et sur le plan politique. Mais la question de la consommation est cruciale pour note économie.

Ce qui est sûr en tout cas, qu'on juge que c'est bien ou que c'est à peine suffisant, c'est que personne ne conteste l'opportunité de s'occuper de ces questions, ni le fait que 3 %, c'est mieux que rien ! La moindre difficulté n'était d'ailleurs pas d'obtenir sur un même texte la signature des organisations agricoles, FNSEA et CNJA, des associations d'artisans et de commerçants, de la CGPME, de toutes les marques, de toutes les organisations représentatives et d'une des deux organisations de consommateurs ! Je suis sûr que d'autres pourraient faire mieux, mais dans l'avenir, car le passé ne nous offre pas d'exemples.

En second lieu, comment redonner du pouvoir d'achat, afin qu'il serve à la consommation ? C'est la question du SMIC, et elle devrait nous rassembler. Au 1er juillet le SMIC augmentera de 5,8 % pour le salaire horaire dans les entreprises aux 39 heures.

Les experts estiment que ces deux mesures pourraient augmenter la consommation de près de 1 % et le PIB de près de 0,5 %.

Notre objectif était de faire plus, et nous avons trois lignes de conduite. La première est de vous proposer des dispositifs simples, pour qu'enfin on comprenne ce que vous votez. La deuxième est de proposer des dispositifs limités dans le temps, afin que votre commission des Finances puisse les évaluer et décider, selon leur succès, de les poursuivre ou non : c'est ainsi qu'on ne gaspillera pas l'argent du contribuable. Troisième objectif : un faible coût pour les finances publics. Vous l'avez tous dit ce matin, et avec raison : on ne peut continuer à creuser les déficits. Nous devons être cohérents, et ne pas voter cet après-midi des mesures qui les aggraveraient.

Quelles sont dès lors les mesures proposées ? La première est une mesure familiale et de solidarité. La solidarité, c'est de permettre à une génération qui consomme plus, mais qui n'en a pas les moyens, de bénéficier du fruit du travail d'une génération plus âgée qui consomme moins et qui a de l'épargne. Nous voulons transférer l'épargne des plus âgés, qui ont travaillé toute leur vie, vers les plus jeunes, qui ont de plus grands besoins parce qu'ils débutent dans la vie.

J'ajoute, Monsieur Brard, que je vois dans cette mesure beaucoup de moralité. Quand on a travaillé toute sa vie et bâti un patrimoine à la sueur de son front, sans voler personne, faudra-t-il s'excuser de vouloir le transmettre à ses enfants ou petits-enfants ? Si, comme nous, on croit à la famille, on jugera cette disposition à la fois noble et efficace. C'est un choix politique que j'assume pleinement, car s'il n'y avait pas des gens qui travaillent dur, qui financerait les allocations sociales ? Au lieu de montrer du doigt ceux qui travaillent, peut-être faudrait-il de temps en temps les remercier car, sans eux, la solidarité ne serait qu'un discours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il ne s'agit nullement de faire une politique pour les uns et contre les autres...

M. Jean-Pierre Brard - Réduisez donc les droits de succession sur les petits héritages !

M. le Ministre d'Etat - ...mais de reconnaître que le travail est une valeur fondamentale.

Entre le 1er juin 2004 et le 31 mai 2005, ces dons, dans la limite de 20 000 € par don, seront exonérés de droits de mutation, mais aussi de toute formalité - car parfois le ministère des finances rend si complexes les mesures que vous votez qu'elles ne peuvent plus servir à personne... (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP) Il suffira de remplir un formulaire d'une page pour faire un don à ses enfants, et ainsi à la fois aider les jeunes à démarrer dans la vie et soutenir l'emploi par la consommation. Je comprends la tristesse de ceux qui n'y avaient pas pensé avant...

Une deuxième mesure concerne essentiellement la consommation populaire, c'est-à-dire les huit millions de Français qui doivent recourir à l'emprunt pour pouvoir s'équiper, faute d'un revenu suffisant. Nous allons autoriser la déduction de 25 % du montant des intérêts payés par ces Français en 2004 et 2005. Voilà vraiment une aide qui s'adresse aux plus modestes.

M. Jean-Pierre Brard - Ce n'est pas vrai ! Et ceux qui ne paient pas d'impôt ?

M. le Ministre d'Etat - Nous avons choisi de laisser le consommateur libre de choisir quel bien il veut acheter : tout bien acquis grâce à un crédit à la consommation bénéficiera de la mesure.

M. Jean-Pierre Brard - La Rolls comme le vélo !

M. le Ministre d'Etat - Chacun sait que beaucoup de gens achètent une Rolls avec un crédit à la consommation, négocié âprement avec le CETELEM... Voilà qui me confirme que M. Brard a du mal avec la réalité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Cette mesure encore favorise la consommation et l'emploi.

Troisième mesure : le déblocage des sommes épargnées dans le cadre de l'épargne salariale, ou leur versement direct, sans remise en cause des avantages fiscaux ou sociaux liés au blocage. Le déblocage de ces fonds permettra, du 16 juin au 31 décembre, d'introduire dans notre économie une somme considérable, qui pourrait atteindre cinq milliards d'euros, soit 10 % des encours de l'épargne salariale, qui viendront soutenir la consommation, donc l'emploi. Si l'on considère ces trois premières mesures sans esprit partisan, chacun devrait les voter, pour conforter la croissance revenue.

Quatre autres mesures sont ciblées sur l'emploi et l'investissement. La première est une aide aux employeurs dans l'hôtellerie et la restauration. Ici il faut être clairs. Est-il raisonnable de tenir pour acquis le fait que les restaurateurs qui mettent de nombreux emplois au service de leur clientèle paient plus de TVA que d'autres qui ne le font pas ? Est-il normal que, plus on crée d'emploi, plus on paie de TVA ? Sur ce point, un engagement a été pris par le Premier ministre. Lors de mes négociations avec la profession, celle-ci m'a indiqué que 70 000 offres d'emploi restaient insatisfaites. Pourquoi ? Parce que le travail est dur, mais aussi parce que les salaires sont trop bas : c'est la question du SMIC hôtelier. Les employeurs qui voudront garder le SMIC hôtelier le pourront, mais n'auront pas la prime à l'emploi ; elle ira à ceux qui voudront augmenter les petits salaires. C'est donc à la fois une mesure de justice sociale et d'efficacité économique, et je suis sûr que nul ne s'y opposera.

Pour l'investissement, nous proposons un dégrèvement de la taxe professionnelle jusqu'aux impositions établies en 2007 pour les investissements réalisés entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005. Chacun a admis ce matin que l'investissement en France avait régressé : comment refuser cet après-midi d'exonérer de TP les investissements nouveaux réalisés pendant quelques mois ? Cette mesure favorisera le développement industriel dont notre pays a besoin.

Pour ce qui est enfin de la réforme de la taxe professionnelle, sur laquelle nous travaillons, je suis personnellement très attaché au maintien d'un lien entre l'activité financière, l'activité économique et les collectivités locales (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous risquerions sinon une situation où plus aucune collectivité n'accueillerait d'activités économiques, au grand dam de l'emploi. Si l'on brise le lien entre ces activités et le financement des collectivités locales, on pourrait voir un jour des groupes de pression imposer à une commune de faire uniquement des jardins publics, chose fort agréable, mais peu apte à donner du travail à nos concitoyens...

M. Didier Migaud - Il faudra expliquer cela au Président de la République !

M. Jean-Pierre Brard - Là, vous aurez besoin de l'opposition...

M. le Ministre d'Etat - Le projet propose deux mesures fiscales complémentaires pour maintenir les activités de proximité. La question du petit commerce en centre ville vous préoccupe tous. On a assisté, depuis une vingtaine d'années, à une dévitalisation du c_ur de nos villes parce que les petits commerçants et les artisans en ont disparu les uns après les autres. Cela montre, je l'observe au passage, que l'arsenal législatif existant n'a nullement permis de freiner ce phénomène, mais juste d'augmenter les prix des biens de grande consommation... Si les petits commerces disparaissent, c'est tout simplement parce que leurs propriétaires, qui ont travaillé dur toute leur vie, jouent leur retraite au moment de la vente de leur fonds de commerce. Nul ne peut leur faire reproche de vouloir vendre au plus offrant dans la mesure où personne ne viendra les aider pour leur retraite, mais force est de constater qu'un commerçant de bouche ne pourra trouver un repreneur dans la même activité et qu'il y a donc toutes les chances qu'il soit remplacé par une succursale bancaire, une compagnie d'assurances ou une agence immobilière.

Nous proposons donc une mesure simple qui vise à rétablir la concurrence entre les différentes catégories d'acheteurs. Ainsi, si un petit commerçant vend son fonds de commerce dans la même catégorie, selon la définition de la chambre des métiers...

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Ou plutôt selon la branche d'activité.

M. le Ministre d'Etat - Nous y reviendrons. Dans ce cas, l'opération sera exonérée de droits d'enregistrement et de plus-value.

Cette mesure très attendue sera de nature, ainsi que l'augmentation du FISAC, à soutenir le commerce de proximité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Afin d'éviter tout effet d'aubaine, celui qui bénéficiera de ces exonérations s'engagera à exercer l'activité transmise pendant au moins cinq ans.

L'exonération des plus-values professionnelles à l'occasion de la cession d'un ou plusieurs fonds de commerce ou des clientèles de professions libérales d'offices ministériels concernera les cessions intervenues entre le 16 juin 2004 et le 31 décembre 2005, dont la valeur soumise aux droits n'excède pas 300 000 €.

Vous le voyez, ces mesures ne relèvent pas de l'idéologie ; elles sont destinées à répondre de façon pragmatique à des problèmes concrets. Surtout, nous essayons ainsi d'anticiper, ce qui est sans doute le plus difficile en matière de politique économique. Il est en effet très important de n'être pas contracyclique, c'est-à-dire de ne pas prendre des mesures au moment où l'économie repart, car elles ne servent à rien, pas plus qu'au moment où elle est exsangue, car il est trop tard. C'est bien pourquoi nous vous proposons celles-ci à ce moment de l'année, quand il est encore temps de soutenir la croissance au profit des créations d'emplois. Parce qu'elles sont ambitieuses et pragmatiques, je ne doute pas qu'elles seront adoptées par l'Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Rapporteur général - Le texte qui nous est soumis est opportun car, comme le ministre vient de le montrer, il vient au bon moment, alors que l'économie repart, ce que confirment les dernières prévisions de croissance publiées par l'INSEE ce matin.

Il est aussi équilibré car il va au c_ur de ces moteurs de la croissance que sont la consommation des ménages et l'investissement des entreprises.

Il est enfin vertueux. D'abord parce qu'il est simple : si nous voulons que les dispositions que nous adoptons aient un effet immédiat, il faut que les acteurs économiques puissent les comprendre et se les approprier. Nous constatons d'ailleurs déjà que nos concitoyens ont compris les mesures qui sont entrées en application le 1er mai et le 1er juin et qu'ils les appliquent. Ensuite, parce qu'il est peu coûteux pour les finances publiques : dès que ces mesures marcheront, elles s'autofinanceront. Il est même probable qu'elles seront à l'origine d'un surcroît de recettes de TVA, d'IR et d'IS. Elles seront aussi limitées dans le temps ce qui permettra de les évaluer et, éventuellement, de les corriger.

La donation jusqu'à 20 000 € par bénéficiaire répond à un phénomène que l'on observe de plus en plus, les jeunes se tournant moins vers leurs parents que vers leurs grands-parents pour trouver l'apport personnel nécessaire à l'achat d'un logement ou d'un véhicule. Il est donc bon de permettre aux générations qui se sont constitué une épargne grâce à leur travail de la transmettre à celles qui suivent, afin qu'elles consomment les biens dont elles ont besoin. C'est l'ensemble de l'économie qui s'en portera mieux.

Autre mesure, la réduction d'impôt pour les prêts à la consommation. Les Français sont moins endettés que leurs voisins, peut-être parce qu'ils sont plus inquiets pour l'avenir en raison des déficits accumulés par la nation. Cette disposition en tient compte et elle s'assortit de l'engagement de la profession bancaire de ne pas en profiter pour augmenter ses marges et d'être beaucoup plus vigilante sur les problèmes de surendettement.

Le déblocage des fonds de l'épargne salariale devrait également permettre de soutenir la consommation. Aujourd'hui, 60 à 70 milliards sont affectés à cette épargne ; 8 milliards de plus l'ont été pour la seule année 2001. Les sommes versées au titre de l'intéressement et de la participation jusqu'au 31 décembre de cette année pourront être utilisées directement par les bénéficiaires. C'est une démarche réaliste, qui respecte les partenaires sociaux puisqu'il y aura un accord d'entreprise, et qui respecte aussi les entreprises elles-mêmes.

L'aide à l'emploi dans la restauration est une excellente mesure, qui sera liée à la sortie du SMIC hôtelier. En région parisienne, des dizaines de milliers d'emplois potentiels dans ce secteur ne sont pas pourvus parce que les conditions de travail sont dures et la rémunération insuffisante.

Pour la taxe professionnelle, le dégrèvement des nouveaux investissements est une bonne mesure dont j'aurais toutefois préféré qu'elle fût annoncée de façon un peu moins brutale. Les exonérations étant traitées comme des dégrèvements, les finances des collectivités locales seront totalement protégées. Il restera à régler la question de l'atterrissage de ce dispositif onéreux, sur laquelle la commission Fouquet n'avance qu'à pas comptés. Je m'interroge par ailleurs sur le cas des entreprises plafonnées à la valeur ajoutée, qui ne bénéficieront pas du dégrèvement alors qu'elles supportent la taxe professionnelle la plus lourde.

L'aide à la reprise des activités de proximité est une disposition pragmatique qui satisfera les maires qui voient avec douleur les fonds de commerce sans repreneur et les centres villes qui se désertifient. Peut-être pourrait-on imaginer que les collectivités territoriales accompagnent l'Etat au titre de leurs propres droits d'enregistrement.

M. le Ministre d'Etat - Elles peuvent le faire.

M. le Rapporteur général - La commission des finances a adopté trois amendements importants. Le premier vise à réparer un oubli dans la loi de finances pour 2004. Nous avons mis en place un dispositif favorisant la location-accession sociale, mais omis de prendre une mesure d'exonération de la taxe sur le foncier bâti et de réduction de TVA correspondante. Nous réparons cet oubli.

Il s'agit en second lieu de la taxe d'archéologie. Il est arrivé ce qui devait arriver, c'est-à-dire des aberrations. Nous proposions il y a un an de greffer cette taxe sur la taxe locale d'équipement. Nous n'avons pas été suivi, mais notre amendement d'appel souligne la nécessité d'une réforme rapide.

Enfin, depuis dix ans on évoque la réforme de la redevance audiovisuelle, et M. Migaud avait fait un excellent rapport à ce sujet. Tout en la maintenant, il faut la collecter de façon plus intelligente (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP), c'est-à-dire avec la taxe d'habitation. Je rassure les 1 400 fonctionnaires concernés. Leurs emplois seront maintenus, mais ils pourront être affectés à d'autres tâches. Cela prendra le temps qu'il faudra. Et diminuer le coût de la collecte permettra peut-être de baisser un peu la redevance. Voilà la réforme de l'Etat telle que nous devons la faire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

C'est « un bon petit texte » a dit un de nos collègues. Il en est qui font de grandes lois, et ce sera le cas. La commission des Finances l'a donc approuvé et vous demande de faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. Augustin Bonrepaux - Ce projet n'est pas le plan ambitieux de relance qu'on nous annonçait, mais un catalogue de mesurettes, pour traduire dans la loi, de façon tardive, les engagements multiples du Président de la République et du ministre de l'économie.

Depuis l'été 2002, votre stratégie a conduit à l'effondrement de la croissance et à la dégradation des comptes publics. Mais vous refusez une nouvelle fois de soutenir vraiment la consommation des ménages en augmentant le pouvoir d'achat des plus modestes. Votre politique économique a pour seul objectif de multiplier les baisses d'impôt et les niches fiscales.

Dans le programme de stabilité des finances publiques transmis à Bruxelles à la fin 2003, la France s'engageait à affecter les recettes d'une croissance supérieure aux prévisions à la réduction du déficit. M. Sarkozy propose d'y affecter les deux tiers du surplus. En 1999, c'est la quasi totalité des surplus qui y avaient été affectés. Votre politique est finalement peu volontariste. Vous proposiez de supprimer sur cinq ans les niches fiscales pour, en contrepartie, diminuer l'impôt sur le revenu. Mais, comme l'a demandé le Président de la commission des Finances dans la presse, à quoi bon poursuivre cette politique qui aggrave les injustices et le déficit ?

Le ministre s'engage aussi à vendre en 2004 100 000 m2 de bureaux qui sont dans le patrimoine public et la banque de France vendrait une certaine quantité d'or. Mais que se passera-t-il quand on aura tout vendu ? Comment ferons-nous alors pour redresser des finances en difficulté ? J'ai d'ailleurs demandé une mission de contrôle de la vente de ce patrimoine de l'Etat. Etant donné l'état de nos finances, il ne faudrait pas le brader. Pour les privatisations, on nous annonce la vente de 35 % du capital de la SNECMA et celle de sociétés d'autoroute. Leurs revenus devaient pourtant permettre de financer les infrastructures. Va-t-on s'en priver ?

Mais ce projet n'est pas à une contradiction près. On affiche la volonté de maîtriser les comptes publics, mais on baisse les impôts. On prétend alléger les prélèvements, mais on les multiplie pour les plus modestes, et dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, le Gouvernement s'apprête à prélever 3 milliards sur l'ensemble des ménages - tout en prétendant soutenir la consommation ! En outre, la perspective d'une hausse incontrôlée de la dette publique, et notamment le renvoi de plus de 50 milliards supplémentaires vers la caisse d'amortissement de la dette sociale, conduira à une hausse des prélèvements à terme. Et comment prétendre inciter à consommer et à épargner en même temps ? L'épargne, d'ailleurs, vous prétendez l'orienter vers les investissements productifs, et en même temps, vous débloquez les sommes collectées sur les plans d'épargne entreprise !

Je reviens sur la suppression des niches fiscales qui permettrait de se donner des marges budgétaires. Fidèle à son habitude, la droite fait le contraire de ce qu'elle dit, elle en crée de nouvelles.

A l'inverse, nous proposons un vrai plan de soutien à la croissance, avec la montée en charge de la prime pour l'emploi, la transformation de la réduction d'impôt en crédit d'impôt, par exemple pour l'emploi à domicile, l'achèvement de la suppression de la part de taxe professionnelle assise sur les salaires.

D'autre part, sur l'évaluation du coût de ces mesures, le ministre est resté évasif. En réponse à Didider Migaud qui demandait une telle évaluation du coût des projets dans son rapport sur la proposition visant à créer une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics, le ministre avait répondu que les simulations ont montré leurs limites, et que les mesures proposées rapporteraient des recettes ou, en cas d'inefficacité, seraient de toute façon peu coûteuses. On peut aussi faire l'hypothèse inverse.

En réalité, il s'agit d'une nouvelle opération de communication. Ces mesures ont été appliquées avant le vote de la loi. Ainsi l'exonération de droits de succession a été mise en _uvre au 1er juin, et la réduction d'impôt sur les prêts contractés, au 1er mai.

M. le Ministre d'Etat - C'est que nous sommes efficaces.

M. Augustin Bonrepaux - Dans ces conditions, Monsieur le Président de la commission, à quoi bon voter ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Il y a une tradition.

M. Augustin Bonrepaux - A propos des donations aux petits-enfants dans la limite de 20 000 € par bénéficiaire, on peut se demander combien de contribuables seront en état de faire de tels dons. Cela ne concerne pas les travailleurs méritants, mais dont les revenus sont modestes. Selon la tentative de chiffrage de l'OFCE, si la mesure était utilisée à plein, l'Etat perdrait de 1,4 à 2 milliards sur les successions à venir. Mais en dehors de l'effet d'aubaine immédiat, l'impact sur la consommation resterait à démontrer.

De même, la réduction d'impôt de 25 % sur les intérêts payés en 2004 et 2005, dans la limite de 600 €, ne s'adresse qu'aux 50 % de contribuables imposables. Le risque est que les organismes de crédit ne mettent cette mesure en avant de telle sorte que les efforts pour lutter contre le surendettement des ménages modestes en sera compromis. Le discours du Gouvernement est encore contradictoire. Le coût de la mesure est de 250 millions. Si elle était ouverte aux personnes non imposables, le coût serait proche de 400 millions d'euros mais l'efficacité serait plus importante.

Concernant l'hôtellerie et la restauration, vous avez prévu une aide en fonction du nombre de salariés payés au-dessus du SMIC et de la part prise par l'activité de restauration sur place, hors boissons alcoolisées, dans l'activité globale de l'entreprise. L'article vise seulement à proposer une mesure de compensation aux restaurateurs puisque la promesse de Jacques Chirac concernant la baisse de la TVA n'a pu être tenue. Je rappelle que la majorité est allée jusqu'à inscrire la baisse de la TVA, de façon fictive, dans le PLF pour 2004 en suspendant son effectivité à un accord communautaire.

M. Didier Migaud - Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux - A vous entendre, c'était fait !

M. Didier Migaud - Ils avaient même envoyé M. Raffarin !

M. Augustin Bonrepaux - Le coût de cette mesure serait supérieur à trois milliards, mais il s'agissait surtout, avant les élections, de calmer les professionnels de ce secteur.

Le coût de la mesure que vous proposez aujourd'hui peut être évalué à 500 millions pour 2004 et 1,5 milliard en année pleine. Elle doit cesser en 2005 mais quelle sera votre attitude si la baisse de la TVA ne pouvait être obtenue ? A l'inverse, si elle est accordée avant le 31 décembre, rien n'est indiqué dans la loi quant à un possible chevauchement des deux mesures.

La rédaction de l'article même montre qu'on peut difficilement considérer cette mesure comme favorable à l'emploi puisqu'elle est fonction du nombre de salariés présents et non des embauches éventuelles. Le président de la commission des finances n'est lui-même pas convaincu du tout.

Enfin, la condition d'un salaire hors prime supérieur au SMIC pourrait avoir un effet néfaste pour les salariés : leur prime pourrait, en effet, être intégrée au salaire sans assurance aucune sur leurs revenus une fois l'aide supprimée. A l'inverse, il serait souhaitable de plafonner le niveau des salaires pris en compte.

La TP au titre des années 2005 à 2007 ferait l'objet d'un dégrèvement pour la part assise sur la valeur locative des investissements réalisés entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005. Les investissements visés sont ceux éligibles à l'amortissement dégressif : biens d'équipements autres que les immeubles d'habitation ou les chantiers. Cela conduira à une dégradation de l'équilibre budgétaire en année pleine évalué à 2,5 milliards d'euros.

Un dispositif pérenne de réforme de la TP serait en tout état de cause préférable. Nous avions nous-mêmes proposé d'encadrer la TP entre une cotisation minimale et un plafond fixés en référence à la valeur ajoutée. Cette mesure, outre qu'elle va dans le sens souhaité par les employeurs et les salariés, n'aggraverait pas le déficit.

A ce plan nous opposons une stratégie de croissance solidaire. Le retour de la croissance mondiale ne pourra se faire sentir en France qu'à la condition d'adopter une stratégie de croissance fondée sur l'emploi et le pouvoir d'achat. A défaut, seuls les plus aisés pourront en bénéficier et la consommation des ménages ne sera pas dynamique.

Nous ne nous résignons pas à une croissance molle. L'outil le plus efficace pour relancer la consommation est la prime pour l'emploi, qu'il faut fortement revaloriser plutôt que de continuer à baisser l'impôt sur le revenu. Nous proposons une augmentation de 50 % de la prime, soit plus de 660 € pour une personne payée au SMIC

L'autre urgence est la réactivation de la TIPP flottante.

Enfin, la réduction d'impôt correspondant aux intérêts payés dans le cadre d'un crédit à la consommation serait plus efficace si elle était transformée en un crédit d'impôt dont pourraient également bénéficier les ménages non imposables.

Nous souhaitons achever le mouvement de réforme de la TP initié sous la précédente législature afin de favoriser l'emploi. Nous proposons de revenir sur la réforme Juppé afin que la cotisation payée par les entreprises soit totalement plafonnée en fonction de la valeur ajoutée. Il s'agit ainsi de préserver l'autonomie financière des collectivités territoriales, de favoriser les investissements et les entreprises industrielles, d'éviter enfin une aggravation du déficit.

D'autres gisements de création d'emplois existent, notamment chez les particuliers. Nous proposons de transformer l'actuelle réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile en crédit d'impôt. Sous sa forme actuelle, le dispositif ne bénéficie qu'aux foyers les plus aisés.

Le Gouvernement évoque la remise en cause des niches fiscales, mais il n'a de cesse d'en créer de nouvelles. A l'inverse, nous souhaitons revenir sur les cadeaux fiscaux les plus injustes et élargir le bénéfice des incitations fiscales profitables à l'ensemble des ménages.

Nous proposons de supprimer les multiples allègements de l'ISF accordés depuis 2002. L'heure est venue, également, de proposer un plafonnement de l'avantage qu'un contribuable peut tirer des multiples réductions d'impôts dont il peut bénéficier.

Tous ces arguments justifient notre exception d'irrecevabilité (Applaudissements bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud - Très bien !

M. Yves Censi - Ma réponse sera aussi courte que l'argumentation de M. Bonrepaux, qui est intervenu sans la passion que nous lui connaissons.

M. Augustin Bonrepaux - Nous avons fait des propositions.

M. Yves Censi - D'habitude, il nous réveille, mais là, il nous a plutôt endormis (Sourires).

M. Didier Migaud - Il peut recommencer si vous voulez ! (Sourires)

M. Yves Censi - Rien, dans l'intervention de M. Bonrepaux, n'est venu justifier le vote d'une exception d'irrecevabilité. Il n'y croit d'ailleurs pas lui-même tant ses propos relevaient déjà de la discussion du texte.

Le Groupe UMP votera contre cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Le groupe socialiste appuie bien sûr cette exception d'irrecevabilité, étayée à la fois par des convictions et par des faits. J'observe d'ailleurs que le Gouvernement est resté sans voix : c'est dire la valeur de l'argumentation de M. Bonrepaux !

M. Jean-Pierre Brard - Le rapporteur général a tout à l'heure beaucoup parlé de vertu. Si la vacuité en est une, M. Censi est le plus vertueux d'entre nous. Quant au fait que le Gouvernement reste sans voix, c'est très compréhensible : Monsieur le ministre d'Etat est un homme méticuleux, consciencieux, travailleur, acharné... (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il avait donc parfaitement appris son rôle, mais dès la représentation finie, il n'a plus rien à dire !

On dit souvent que les hommes politiques abusent de la chiromancie. Tel semble être votre cas : vous vous réfugiez dans les prévisions pour mieux échapper aux constats. Alors que l'INSEE vient de nous apprendre que la consommation avait baissé au mois de mai, vous préférez nous parler de l'avenir ! Mais comme vous agissez de même depuis deux ans, les déconvenues sont là. Moi qui suis marxiste et matérialiste, je sais qu'il faut toujours partir du réel pour anticiper le futur !

Dans ce projet de loi, apparaît tout votre talent médiatique, puisque vous nous demandez de délibérer sur des dispositions que vous avez déjà mises en _uvre. C'est à se demander d'ailleurs si vous considérez le Parlement autrement que comme une boîte à enregistrer, comme sous le Second empire. Mais je vous vois bien dans le rôle de Napoléon IV... Vous nous demandez donc, par exemple, de légaliser les dons d'une génération à l'autre. Ceux-ci s'effectuaient jusqu'à présent sous le manteau, et je suis tout à fait favorable à l'idée de les rendre plus transparents. Mais on ne peut bien sûr en escompter aucun effet économique, puisque ces mouvements existaient déjà ! Une véritable mesure d'équité et de justice aurait été l'allègement des droits de succession, qui s'appliquent à partir d'un seuil beaucoup trop bas. Il n'est pas normal que des enfants qui héritent de la maison de leurs parents, qui vaut entre 150 000 et 200 000 €, soient obligés de la vendre pour payer les droits de succession. Voilà une mesure d'équité, bien supérieure à la vôtre ! Vous savez tellement bien envoûter les membres de l'UMP que vous croyez posséder le même pouvoir sur tout le pays. Mais les Français sont gens pragmatiques, et ils verront vite que ce que vous leur proposez n'a aucun effet réel.

M. le Ministre d'Etat - Dans le cas que vous évoquez, il existe déjà une exonération, qui porte sur 50 000 ou 55 000 € par part. Tout à l'heure, lorsque nous vous avons présenté une mesure d'exonération sur les dons pour 20 000 €, vous nous avez accusés de ne prendre des mesures que pour les riches. Une heure après, vous nous blâmez de ne pas relever l'exonération qui porte sur 50 000 € ? Et c'est nous qui favorisons les riches ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Je maintiens que la mesure de légalisation que vous proposez n'aura aucun effet économique alors que la baisse des droits de succession pour les petits héritages serait un acte de justice, particulièrement apprécié par les personnes concernées.

Vous écoutant parler de la baisse des prix dans la grande distribution, on se serait cru à la caisse, écoutant les clients s'extasier sur leur note. Mais c'est oublier la fraude ! Il y a, par exemple, dans les grandes surfaces, des caisses déconnectées.

M. Hervé Mariton - A vous écouter, il n'y a que des fraudeurs !

M. Jean-Pierre Brard - C'est que vous ne faites pas grand chose pour les faire cesser. Il n'y a pas de petits ou de grands fraudeurs : le rapport entre le citoyen et l'Etat doit de toute façon se marquer par le combat contre la fraude. Il est donc urgent de travailler sur la démarque inconnue dans les grandes surfaces, y compris en termes pénaux.

L'exonération de la taxe professionnelle est, comme d'habitude, un cadeau sans condition. Mais il faudrait discuter avec le patronat de contreparties, et, là aussi, vous engager dans la lutte contre la fraude en combattant les entreprises qui ont plusieurs implantations et qui font de fausses déclarations de rattachement.

M. le Président - Monsieur Brard, il faut conclure.

M. Jean-Pierre Brard - En ce qui concerne l'aide à l'hôtellerie, il n'y a pas d'engagement. Une des mesures concrètes que vous auriez pu prendre était la baisse de la TIPP, qui aurait amélioré le pouvoir d'achat des petites gens, mais vous ne l'avez pas fait !

M. Carrez a dit la vérité.

M. le Président - Monsieur Brard, vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Jean-Pierre Brard - Je termine : M. Carrez a donc dit que votre projet de loi ne coûterait « presque rien ». Mais qui a déjà vu des mesures qui ne coûtent presque rien produire des effets économiques ? Monsieur le ministre d'Etat, vous comptez sur votre pouvoir d'envoûtement pour créer la confiance, mais les Français sont terriblement inquiets. Rappelez-vous qu'en mars, pour les régionales, on a parlé de « l'effet Sarkozy ». L'avez-vous vu se manifester dans les urnes ? Pensez-vous qu'il se produira davantage sur le plan économique ?

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Jean-Claude Sandrier - D'après la série d'indicateurs publiés en mai, les dépenses de consommation des Français sont en chute libre et la confiance connaît sa plus forte baisse depuis mars 2003, ce qui s'explique par la remontée de l'inflation et la tendance à la hausse du chômage et de la précarité. Dans le même temps, la confiance des dirigeants des PME ne cesse de fléchir, ce qui affecte l'investissement et l'emploi. On voit ainsi l'extrême fragilité de la timide reprise observée par l'INSEE. On sait par ailleurs que la consommation des ménages et les investissements des collectivités locales ont permis d'éviter de justesse la récession en 2003. On attendait donc, pour ce débat d'orientation, des mesures à la hauteur des enjeux. Le Premier ministre ne pourra éternellement se contenter de chanter la croissance pour la faire tomber du ciel, selon l'expression d'une journaliste, d'autant que, dans ce monde de guerre économique, croissance n'est synonyme ni d'emploi, ni de résorption des inégalités.

Le soutien à la consommation des ménages, qui fait l'objet du titre premier de ce projet, est un excellent objectif. Les trois articles ne font cependant montre ni d'innovation, ni d'audace. L'article premier renforce les tendances lourdes de votre politique fiscale en créant une niche qui profitera essentiellement aux hauts revenus. Le transfert de richesses des plus pauvres vers les plus riches se poursuit. Après vos annonces grandiloquentes en matière de baisse de l'impôt sur le revenu et de l'ISF, qui devait être la panacée, le Gouvernement multiplie les dispositions dérogatoires. Sur les 27 dispositions nouvelles adoptées en matière d'impôt sur le revenu en 2003, toutes, sauf le relèvement dérisoire de la prime pour l'emploi - dix euros par an -, présentent un intérêt immédiat pour les contribuables aisés, mais seulement la moitié bénéficieront aussi aux autres. Et 2004 sera l'année de la niche fiscale, bien que le rapporteur général ait affirmé que leur suppression était en cours.

Nous ne sommes pas dupes : cette nouvelle niche ne permettra pas de relancer la consommation populaire, celle qui porte le plus de croissance immédiate. En outre, nous n'avons aucune certitude sur le fait que les sommes exonérées de droits de mutation seront orientées vers la consommation, et non vers l'épargne.

Cela n'est pas anodin, sachant que le taux d'épargne des ménages - 16% du revenu disponible - se situe à un niveau historiquement élevé.

Les dispositions de l'article 2 présentent des risques majeurs. Le ministre Jean-Louis Borloo, à qui nous devons des avancées en matière d'approche curative du surendettement, sait pertinemment que le crédit à la consommation est bien souvent à l'origine de ces situations. Las, il s'est arrêté au milieu du gué, puisque la question du renforcement des moyens de prévention reste en suspens. Sauf à combler cette lacune, nous ne pouvons décemment pas accepter un article qui vise à favoriser le recours au crédit à la consommation et les banques, au détriment du consommateur.

Au reste, on est surtout frappé par l'extraordinaire contraste entre des mesures aux résultats aléatoires - et de toute façon faibles -, et des contre-mesures freinant la consommation, comme les différentes hausses de prix annoncées, dont certaines sont liées à des décisions gouvernementales.

Le titre II prévoit une série d'aide à l'emploi, à l'investissement dans les entreprises et au maintien des activités de proximité. Bon objectif ! Mais assorti de quels moyens ? Ainsi, à l'article  4, les aides financières prévues pour encourager les recrutements dans les hôtels, cafés et restaurants ne sont assorties d'aucune obligation d'embauche effective. Les députés communistes et républicains se sont toujours prononcés en faveur de la baisse de la TVA sur la restauration, à condition que l'Etat soit assuré d'un retour direct sur investissement. Tel que rédigé, cet article comporte une seule contrepartie identifiable - celle portant sur le salaire de chaque employé, mais aucune obligation quant à l'embauche de personnel supplémentaire. L'engagement des syndicats hôteliers de créer 40 000 emplois doit à nos yeux figurer dans le texte.

Pour ce qui concerne l'article 5, on constate que le dégrèvement législatif de la taxe professionnelle afférente aux investissements productifs nouveaux, instauré pour 18 mois, provoquera un transfert de charge du contribuable local - l'entreprise - vers le contribuable national. Les ménages seront donc bien mis à contribution à la place des entreprises bénéficiant des dégrèvements. Cet état de fait augure mal de la réforme annoncée de la taxe professionnelle. Pour nous, cette réforme, nécessaire compte tenu du fait que l'assiette de la TP pénalise les industries à forte intensité de main-d'_uvre, ne saurait en aucun cas se traduire par une suppression pure et simple de la taxe. Le lien économique et fiscal entre l'entreprise et le territoire mérite d'être préservé. Aucune réforme ne peut avoir pour conséquence de transférer définitivement sur les ménages le montant de l'impôt supporté par les entreprises.

C'est pourquoi nous plaidons depuis plusieurs années pour une réforme d'ensemble de la fiscalité locale, et que, dans le cadre de ce projet, nous proposerons que soient ajustés les dégrèvements existants en matière de taxe d'habitation.

La seule certitude qui se dégage de l'analyse de votre texte, c'est que l'application de ses dispositions va entraîner une diminution des recettes de l'Etat. Et la grande incertitude, c'est que vous n'avez aucune idée de leur éventuelle contribution à une appréciation des recettes. Il est pour le moins étrange qu'après avoir prononcé un grand discours sur la dette publique, vous n'en teniez aucun compte dans votre premier exercice de travaux pratiques !

Et il est vain de prétendre soutenir la consommation des ménages sans créer les conditions d'une rupture avec la politique salariale actuelle et sans engager une politique de l'emploi digne de ce nom.

L'augmentation des salaires et des pensions de retraite les plus modestes apporterait un potentiel de plusieurs milliards pour la consommation, de même qu'une baisse ciblée de la TVA sur les produits de premières nécessité. Quant à l'emploi, il est urgent de convertir l'ensemble des aides et cadeaux divers en un projet de sécurité-emploi-formation tout au long de la vie, de verser des aides modulées en fonctions des emplois créés et de prévoir des mesures pour orienter les capitaux vers l'emploi plutôt que vers la spéculation ou les gains hors normes de dividendes. De même qu'il n'est que temps d'instituer une taxe Tobin et de pénaliser fiscalement les délocalisations dont le seul but est d'accroître le taux de profit des entreprises. Nous sommes également favorables à l'instauration d'une taxe modulée en fonction des différentiels sociaux et sur les importations à faibles coûts. Enfin, nous luttons de longue date pour la suppression des paradis fiscaux, afin de réorienter tous les capitaux vers l'emploi.

Encore faudrait-il une volonté politique pour mener à bien toutes ces indispensables réformes.

Ce dont on peut être sûr, c'est que votre projet de loi ouvre la voie à de nouveaux cadeaux fiscaux sans garantie de résultats pour l'emploi et le budget de l'Etat. Nous sommes bien dans la continuité d'une politique, qui, depuis deux ans, a fait la preuve de son inefficacité en matière d'emploi, lequel reste pourtant la première des préoccupations de nos concitoyens.

M. Michel Bouvard - Au moment où l'INSEE annonce une amélioration de la perspective de croissance, il est particulièrement opportun de donner un coup de pouce à la consommation, dont elle est l'un des moteurs essentiels. Il faut du reste se réjouir que la consommation des Français soit sensiblement plus dynamique que celle des autres européens.

Premier levier pour soutenir la consommation des ménages : favoriser la progression des revenus. A cet égard, la hausse historique du SMIC va améliorer notablement le pouvoir d'achat de centaines de milliers de nos concitoyens qui travaillent dur, de même que les mesures fiscales en faveur des prêts à la consommation. Parallèlement il faut veiller à amplifier la tendance à la baisse du taux d'épargne des ménages, constatée en 2003.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP se félicite des mesures que contient ce texte. Veillons cependant à ce que la baisse de la fiscalité sur les prêts à la consommation n'entraîne pas une remontée du taux d'intérêt, au risque de priver une large part de ses bénéficiaires potentiels de l'intérêt de la mesure.

Contrairement à ce qu'avancent certains, l'exonération de droits de mutation limitée à 20 000 € pour les dons consentis aux enfants ou petits-enfants ne constitue nullement un cadeau aux plus riches. Il s'agit au contraire d'une décision morale - dans la mesure où il est anormal de taxer excessivement la solidarité entre les générations - et économiquement performante. J'observe au passage que l'opposition serait mieux inspirée de se dispenser de ce type de critique, puisque c'est elle qui a supprimé les recours sur succession consécutifs à l'attribution de l'APA, et ce quel que soit le niveau de ressources des bénéficiaires. Enfin, la mesure est entourée de suffisamment de garanties, son impact devant être évalué avant toute décision de la prolonger.

Quant à ceux qui considèrent que ce texte est une « petite loi », qu'ils se rappellent que les petits ruisseaux font les grandes rivières.

M. le Ministre d'Etat - Très bien !

M. Michel Bouvard - A partir d'un taux de croissance de 1,2 %, chaque dixième supplémentaire crée des milliers d'emplois. C'est donc bien un cycle vertueux de croissance que ce coup de pouce à la consommation et à l'investissement a vocation à enclencher.

Notre groupe salue tout particulièrement le fait que le texte soit orienté en priorité sur le soutien aux activités de service, et notamment sur l'hôtellerie-restauration où des milliers d'emplois restent non pourvus. Pour être comme moi un élu du massif alpin, M. Migaud peut témoigner de la pénurie de main-d'_uvre à laquelle sont confrontés nos services touristiques. La baisse de charges proposée peut avoir un effet immédiat. En vue d'assurer une meilleure égalité de traitement entre les salariés du secteur et de renforcer le pouvoir d'attraction de métiers certes contraignants mais où les possibilités de promotion sont réelles, il faut aussi favoriser la sortie du SMIC hôtelier.

Monsieur le ministre d'Etat, je souhaite appeler votre attention une nouvelle fois sur un problème persistant auquel sont confrontées les zones touristiques de montagne. Il s'agit de la règle autorisant les entreprises étrangères à employer des salariés moins de cent jours consécutifs sous leur régime social national. S'il ne concernait que quelques dizaines de salariés à l'origine, le sujet touche aujourd'hui plusieurs centaines - voire des milliers - d'emplois, en particulier pendant la période des sports d'hiver. Il concerne essentiellement des tours opérateurs britanniques employant des nationaux. La perte de recettes pour nos régimes sociaux est conséquente et je ne parle pas des conséquences pour l'emploi local de telles situations. Je regrette que les questions écrites que j'ai posées à ce sujet au cours des deux dernières législatures soient restées sans réponse.

Notre groupe souscrit à la mesure d'exonération de taxe professionnelle. Dans le respect du principe de l'autonomie financière des collectivités la compensation sera traitée par la voie du dégrèvement. La compensation concernera également les fonds départementaux de taxe professionnelle et il faudra évaluer l'impact de la mesure sur le maintien des commerces traditionnels.

Simple, aisément compréhensible, d'effet immédiat, vertueux, ce texte reçoit le soutien sans réserve du groupe UMP. Nous approuvons également les amendements de la commission des finances concernant le logement, la redevance audiovisuelle - à laquelle il n'est que temps de faire franchir une étape significative dans le sens de la simplification et des économies de gestion -, et la redevance archéologique. Celle-ci, conformément à nos pires prévisions, crée des situations proprement aberrantes. Nous ne pouvons qu'espérer que le Gouvernement soutiendra les amendements qui ont été déposés pour revenir sur cette mesure que je n'hésite pas à qualifier d'imbécile. Nous avons eu en effet à connaître nombre de situations où la taxation exigée était finalement supérieure au montant de la construction projetée. Je crois qu'on atteint là un niveau d'aberration fiscale difficilement dépassable.

Nous soutenons donc sans réserve ces mesures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - C'est toujours avec grand intérêt, Monsieur le ministre d'Etat, que nous vous écoutons, et notre plaisir est visiblement largement partagé sur les bancs de l'UMP puisque depuis que je suis député, c'est la première fois qu'autant de collègues ont assisté ce matin à un débat d'orientation budgétaire.

M. Hervé Mariton - Oui, nous étions plus nombreux que vous !

M. Didier Migaud - Si c'est à vous que nous le devons, Monsieur le ministre, merci. Nos collègues de la majorité étaient admiratifs, comme envoûtés à vous écouter...

M. Eric Raoult - Jaloux !

M. Didier Migaud - Il est clair que vous savez mobiliser, au moins une partie, du groupe UMP, et l'on comprend d'ailleurs facilement pourquoi nos collègues se laissent charmer. C'est qu'en effet, lorsqu'ils retournent dans leurs circonscriptions ou lorsqu'ils sont confrontés au suffrage universel, l'affaire est autrement plus redoutable !

J'en viens à votre projet de loi. Il n'est pas à la hauteur de la situation dégradée des finances publiques. Les mesures prises par votre prédécesseur immédiat en matière de soutien à la consommation et de croissance ayant à l'évidence échoué, vous vous lancez, avec le talent que l'on vous connaît, dans un exercice périlleux, qui consiste à paraître adapter la stratégie sans en réalité rien changer au fond.

Ce projet de loi sans moyens n'est qu'un catalogue de mesurettes sans cohérence et surtout en total décalage par rapport aux besoins des ménages et de notre économie. Une nouvelle fois, le Gouvernement se refuse à soutenir efficacement la consommation, préférant multiplier les niches fiscales et les réductions d'impôts au profit des plus aisés.

Alors que M. Bussereau et vous-même ne cessez de critiquer les niches fiscales et d'appeler à leur évaluation, ce projet comporte de nouvelles niches et n'a paradoxalement fait l'objet d'aucune étude d'impact préalable - vous l'avez vous-même, Monsieur le ministre, en toute honnêteté reconnu dans une réponse à l'un de mes courriers. Ce texte s'apparente davantage à un chenil qu'à un projet de loi ! (Sourires)

Je m'étonne par ailleurs que certaines de ses dispositions soient d'ores et déjà entrées en vigueur alors que le Parlement n'en a pas encore débattu. Je peux comprendre que certaines, comme celles relatives à la TVA ou à la consommation, aient été appliquées par anticipation de façon à éviter les effets pervers, mais d'autres, comme celles relatives aux donations, n'avaient aucun caractère d'urgence. Vous l'avez vous-même indirectement reconnu en décidant qu'elles ne s'appliqueraient qu'à compter du 1er juin 2004 alors que les mesures concernant la consommation s'appliqueront, elles, à compter du 1er mai.

Je déplore ce dessaisissement du Parlement. J'observe d'ailleurs avec regret que nul ne vous le reproche, ni le président de la commission des finances, ni le rapporteur général. Il serait pourtant salutaire que des protestations s'élèvent contre cette méthode de gouvernement. La Révolution française est née de questions fiscales : il est dommage que le Parlement aujourd'hui abandonne ses pouvoirs et laisse le Gouvernement se substituer à lui.

Après ces questions de forme, j'en viens au fond. Notre collègue Bonrepaux a dit tout à l'heure ce qu'il fallait penser des mesures de ce texte. Outre que cela est inefficace, il est vraiment de mauvaise méthode de poursuivre dans la voie d'une fiscalité dérogatoire. Vous n'avez peut-être pas été, Monsieur le ministre, destinataire du rapport que le Conseil national des impôts a remis au Président de la République sur la question des niches fiscales. La communication entre l'Élysée et les différents ministères gagnerait sans doute à être améliorée... (Murmures) Ce rapport comporte quantité de propositions qui auraient pu être appliquées sans tarder et ce projet de loi aurait pu être l'occasion de revenir sur certaines niches fiscales, afin de retrouver des marges de man_uvre.

Il aurait aussi fallu retrouver une stratégie de croissance solidaire, fondée sur la progression de l'emploi et du pouvoir d'achat. Même s'il faut se réjouir de la réévaluation à la hausse des prévisions de croissance par l'INSEE, celle-ci sera inférieure à ce qu'elle pourrait être si nos concitoyens les plus modestes ne profitent pas de son retour.

Une politique de soutien active de la consommation et du pouvoir d'achat est nécessaire. La prime pour l'emploi devrait être augmentée et la TIPP flottante rétablie. M. Bussereau a tout à l'heure qualifié la TIPP flottante, que nous avions instituée, d'idée farfelue d'un « Professeur Tournesol ». Eh bien, qu'il me permette d'en être flatté, car l'amateur de Tintin qu'il est n'ignore pas que le Professeur Tournesol a souvent d'excellentes idées ! Oui, nous pensons opportun de pouvoir jouer sur le niveau de la TIPP afin que l'augmentation du prix du baril de pétrole n'ampute pas trop le pouvoir d'achat de nos concitoyens par une flambée des prix à la pompe.

Il conviendrait de même que les réductions d'impôt prévues soient transformées en crédits d'impôt, de façon qu'elles profitent aussi aux millions de Français qui ne sont pas imposables. Elles seraient d'ailleurs ainsi plus efficaces...

M. le Ministre d'Etat - ...mais aussi plus coûteuses.

M. Didier Migaud - Certes, mais elles auraient un effet immédiat sur la consommation. Des économies sont possibles ailleurs pour en compenser le coût.

Quant à la taxe professionnelle, il ne nous paraît pas que cette réforme soit la plus urgente. M. Bonrepaux a formulé à nouveau notre proposition, qui vise en quelque sorte une troisième étape de la réforme de la taxe professionnelle qu'avait engagée le gouvernement de Lionel Jospin, d'abord en créant la taxe professionnelle unique, puis en supprimant la base salaires de cet impôt. Nous pensons qu'on pourrait maintenant compléter cette réforme par un plafonnement réel par rapport à la valeur ajoutée. Nous pourrions ainsi faire l'économie d'une réforme coûteuse et inefficace comme celle qu'a paru souhaiter le Président de la République, après le vote du budget et sans qu'il ait, je crois, une parfaite connaissance de ce dossier.

Nous souhaitons également qu'on revienne sur la disposition relative aux emplois salariés à domicile, soit pour réduire l'avantage fiscal, soit pour l'élargir à ceux qui ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu : 900 000 foyers non imposables emploient un salarié à domicile sans aucune aide de l'Etat.

Nous pensons que certaines marges de man_uvre peuvent être retrouvées, par exemple en supprimant un certain nombre d'allègements de l'impôt sur le revenu et de l'ISF accordés depuis 2002. Vos propositions, certes peu coûteuses, sont aussi tout à fait inefficaces, et ne sont pas à la hauteur des problèmes que rencontrent aujourd'hui nombre de nos concitoyens. Nous réaffirmons nos réserves et nos oppositions devant ce projet, et je me permets de terminer, Monsieur le ministre d'Etat, en vous remettant le rapport du Conseil des impôts sur la fiscalité dérogatoire et pour un réexamen de certaines dépenses fiscales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Hillmeyer - Le groupe UDF partage l'objectif de ce texte et l'analyse du ministre d'Etat sur la nécessité de mesures conjoncturelles limitées dans le temps pour soutenir la consommation et l'investissement. La croissance revient progressivement, mais sa composante consommation est encore trop faible pour permettre un taux de croissance supérieur à 2,5 %. Il est donc opportun de stimuler la croissance par des incitations fiscales, et nous approuvons la démarche générale du texte.

L'article 4 du projet prévoit une aide à l'emploi pour le secteur de la restauration, contrepartie en quelque sorte de l'impossibilité d'instaurer la TVA réduite à 5,5 %. Le groupe UDF a toujours défendu l'application d'un taux réduit, notamment pour rétablir l'égalité entre la restauration à emporter et la restauration sur place. Ce secteur doit être aidé car il représente un réservoir d'emplois considérable. Nous soutenons donc toute démarche favorisant à la fois l'embauche et la revalorisation des bas salaires. Mais ce n'est pas le cas du dispositif dans sa rédaction actuelle. L'aide sera versée en fonction du nombre de salariés dont le salaire est supérieur au SMIC dans un même établissement. L'objectif du Gouvernement est d'inciter les restaurateurs à augmenter les salariés payés en deçà du SMIC et à embaucher, rien ne les oblige à respecter l'objectif fixé. Pour l'UDF, une aide d'un montant de 1,5 milliard d'euros doit être assortie de réelles contreparties. Le versement de l'aide doit être lié à l'embauche ou à l'augmentation des salaires inférieurs au SMIC. En quoi une aide sans contrepartie sert-elle l'intérêt général, dès lors que les chefs d'entreprises peuvent l'utiliser sans aucun contrôle ni contrepartie ? Nous défendrons un amendement qui créé deux fractions de l'aide : une fraction embauche et une fraction augmentation des bas salaires. Il nous semble qu'ainsi les objectifs que vous défendez, Monsieur le ministre d'Etat, seraient plus efficacement servis.

La deuxième mesure importante de ce projet de loi est le dégrèvement de la taxe professionnelle pour les investissements réalisés entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005. Le groupe UDF approuve ce dispositif et attend avec impatience une véritable réforme de cet impôt. Toutefois il serait fiscalement injuste et politiquement dommageable de calculer ce dégrèvement sur les taux votés en 2003, comme il est prévu. Globalement, les taux de taxe professionnelle ont augmenté en 2004 : calculer le montant du dégrèvement en fonction des taux de 2003 revient donc à un appauvrissement des collectivités locales. A quoi l'on répond que les collectivités étaient au courant de ce dispositif lors du vote du taux de 2004 et qu'il faut revenir à un taux 2003 plus neutre afin d'éviter les abus et les effets d'aubaine. L'UDF ne partage pas ce point de vue. Le dégrèvement porte sur les nouveaux investissements pour une durée limitée, non sur les stocks. Ainsi, une commune qui aurait augmenté très fortement son taux en 2004, pour bénéficier de ressources nouvelles liées au dégrèvement sans nuire aux entreprises implantées sur son territoire, puisque le dégrèvement est à la charge de l'Etat, aurait nécessairement eu tort car les entreprises subiraient cette hausse sur les stocks d'investissement. Cet argument n'est donc pas recevable. Dans le climat de doute qui affecte les élus locaux, face à une loi organique sur l'autonomie financière pour le moins perfectible, il importe de donner un signe fort aux collectivités en appliquant au dégrèvement le taux voté en 2004.

Outre des mesures conjoncturelles, le groupe UDF considère que deux grands sujets doivent être traités pour relancer la consommation. Le premier est le surendettement des ménages. Chaque année, des centaines de milliers de foyers sortent à cause de lui des circuits de la consommation. Il nous apparaît essentiel, alors que l'on incite les ménages à souscrire des crédits à la consommation, de prévenir plus efficacement le risque de surendettement. Le groupe UDF propose à cette fin de donner aux banques les moyens de vérifier la solvabilité des emprunteurs. On voit aujourd'hui des personnes qui souscrivent des prêts à la consommation sans qu'aucune pièce justificative des revenus ne soit exigée. Il serait simple de dire aux prêteurs que dès lors que ce travail n'est pas fait, ils ne peuvent exiger le remboursement. Protégeons ceux qui ont besoin de l'être en étendant à tous les organismes de crédit les pratiques des grands établissements, qui sont, sur ce point, exemplaires.

S'agissant de la baisse des prix dans la grande distribution, condition indispensable d'une relance de la consommation, si nous partageons les objectifs du ministre d'Etat, nous proposons une méthode quelque peu différente. Comme l'a demandé le groupe d'études de la commission des affaires économiques, nous devons nous orienter vers l'établissement de prix nets dans la grande distribution afin de rétablir la confiance entre producteurs et distributeurs. C'est le seul moyen de pérenniser la baisse des prix.

Nous poursuivons trois objectifs. Le premier est de clarifier les pratiques commerciales entre les producteurs, les fournisseurs et la grande distribution. Vous avez cité les marges arrière, Monsieur le ministre. Des pratiques abusives ont été recensées par la DGCCRF. En intégrant la coopération commerciale dans le schéma du seuil de revente à perte, qui aujourd'hui ne va que de la production à la commercialisation, on pourrait donner un contenu juridique aux opérations de promotion en renvoyant la définition et la répartition au décret, et d'autre part encadrer et réduire le coût de ces services que le distributeur pourra proposer.

Il faut en second lieu établir les bases d'une négociation des prix à la baisse. La maîtrise des prix par les pouvoirs publics ne peut porter que sur la régulation juridique des contrats commerciaux. La seule approche législative possible pour accompagner les négociations entre les pouvoirs publics et les acteurs économiques consiste à imposer une facturation à l'achat en prix nets comme cela se pratique sur les factures des hard-discounters. On peut en attendre une baisse du seuil de revente à perte, puisque les fournisseurs anticipaient dans leurs prix le coût des marges arrière.

Troisième objectif : faciliter les contrôles de la DGCCRF. Le rapport du groupe de travail de la commission des affaires économiques souligne la difficulté de la DGCCRF pour faire appliquer le droit existant. Nous défendrons un amendement qui facilitera ce travail.

Sur tous ces points, le Gouvernement a entrepris d'agir, sous l'impulsion très volontaire du ministre d'Etat. Mais le succès n'est pas total. Une baisse des prix de 3 % est en soi une victoire. Mais dès aujourd'hui le Parlement peut engager le nécessaire aménagement des marges arrière, pour avoir enfin un dispositif clair et simple.

Le groupe UDF salue les mesures d'incitation à la consommation, et souhaite que, sur les autres points, M. le ministre d'Etat, comme à son habitude, fasse preuve de l'ouverture d'esprit nécessaire à l'amélioration de ce texte.

M. Luc-Marie Chatel - Voici un texte important, qui touche à la vie quotidienne de nos concitoyens et laisse présager de bonnes perspectives pour la croissance. J'approuve les mesures d'aide aux investissements et aux activités de proximité. Il faut ici saluer le volontarisme du Gouvernement , qui a pris de nombreuses initiatives pour tenir les engagements du Président de la République, qu'il s'agisse de la restauration ou de la taxe professionnelle.

M'étant beaucoup impliqué dans le domaine de la consommation, j'y consacrerai mon propos. La consommation est le moteur de l'activité économique, et les ménages contribuent pour 54 % au PIB. Le Gouvernement s'est attaché dès son arrivée à créer une dynamique en faveur de la consommation et des ménages, grâce à la baisse de l'impôt sur le revenu, qui a permis à 17 millions de foyers de payer en 2004 10 % d'impôt de moins qu'en 2002, et à la hausse de la prime pour l'emploi. Sans oublier l'augmentation historique du SMIC, soit 11,4 % pour la période 2002-2004, en termes réels, et 16,4 % si l'on prend en compte l'inflation.

Je pourrais citer aussi l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire ou l'assouplissement des 35 heures, qui permet à ceux qui veulent gagner plus de travailler plus.

Toutes ces mesures ont eu un réel impact sur la croissance. Dans un environnement international incertain, marqué par un tassement de la croissance dans la zone euro, en France, c'est la consommation des ménages qui a porté la croissance et qui a permis à d'éviter la récession. Selon l'INSEE, au cours des douze derniers mois, la consommation des produits manufacturés s'est accrue de 4,8 %. Mais c'est surtout du côté de l'épargne que se situe la bonne nouvelle : alors que ces dernières années notre pays battait des records avec un taux d'épargne d'environ 17 %, ce taux aurait baissé de 1,5 point en 2003-2004. Cela confirme l'impact de la politique menée par le gouvernement sur la consommation des ménages. Alors que l'embellie point et qu'une croissance de 3 % s'annonce, il est indispensable de conforter ce mouvement afin qu'il ait un véritable effet de levier sur la croissance.

A cet effet, ce projet traduit une détermination exemplaire pour la relance de la consommation. Il s'adresse à tous les échelons de notre économie et complète efficacement l'ensemble de votre action.

Vous avez choisi d'activer plusieurs leviers en même temps. Tout d'abord la mobilisation de l'épargne. Les français continuent à beaucoup plus épargner que leurs voisins et il est donc urgent d'aller chercher ces réservoirs de croissance. La disposition consistant à transférer l'argent depuis les plus âgés d'entre nous - qui en ont mais qui consomment peu - vers les plus jeunes - qui n'en ont pas mais qui ont de réels besoins de consommation - nous semble particulièrement astucieuse. Le déblocage d'une partie des réserves de participation va également dans ce sens.

Le deuxième levier, c'est le crédit à la consommation, outil très utile notamment pour les ménages les plus modestes car il permet au plus grand nombre d'accéder à certains biens d'équipement ou à des services qu'ils pourraient difficilement se payer comptant.

S'il existe, en France, une frange de 3 à 4 % de la population très surendettée, la grande majorité de nos concitoyens sont moins endettés que leurs voisins européens. Ainsi, l'encours moyen par habitant de crédit à la consommation est de 1 650 € en France contre 2 400 en Allemagne et 4 000 en Grande Bretagne. Le crédit à la consommation peut donc se développer et constituer un levier efficace de la croissance, à condition d'être bien utilisé et mieux encadré. Il convient donc de s'attaquer parallèlement aux dérives et aux excès du crédit.

Le Gouvernement l'a fait avec la loi Borloo sur la procédure de rétablissement personnel mais aussi en travaillant plus en amont sur l'information et la protection du consommateur dans la loi de sécurité financière et en soutenant la proposition de loi encadrant mieux le crédit revolving que j'avais déposée et que le Sénat vient d'adopter.

Il convient aussi de rendre le crédit à la consommation plus accessible et tel est l'objet de ce projet.

Vous travaillez enfin sur le pouvoir d'achat des ménages. Je salue à ce titre l'action que vous avez menée auprès des professionnels de la distribution, des industriels, des producteurs pour parvenir à un accord. Cette baisse des prix des grandes marques dans la grande distribution n'est pas que symbolique : vous allez de la sorte rendre une année d'inflation aux Français. Surtout, c'est le début de la remise à plat des relations entre distributeurs et industriels pour aller vers plus de transparence, de respect mutuel et pour prendre davantage en compte l'intérêt du consommateur. C'est pourquoi ce projet laisse augurer des résultats concrets et un changement des mentalités. Tout ce qui permet ainsi de rendre aux Français confiance dans l'avenir ne peut qu'être salué et soutenu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Béatrice Pavy - Ce texte non seulement a le mérite d'être simple et clair, mais les mesures qu'il comporte sont de véritables leviers pour favoriser la consommation donc la croissance économique et la création d'emplois.

La réduction d'impôt sur les intérêts des prêts à la consommation permettra sans aucun doute aux ménages de s'équiper et d'améliorer ainsi leur qualité de vie. Donner la possibilité d'emprunter en bénéficiant d'allégement fiscaux tout en étant vigilants quant au maintien des taux d'intérêts bancaires, c'est redonner confiance aux consommateurs. Encourager la donation aux enfants ou aux petits-enfants, est un gage de solidarité intergénérationnelle. La possibilité donnée aux salariés de débloquer de façon anticipée les sommes placées sur un plan d'épargne salariale leur permettra de faire face à des dépenses imprévues, en plus du recours à l'emprunt.

Toutes ces mesures vont dans le bon sens : la consommation augmentant, les entreprises devront produire plus, donc embaucher de nouveau. Il est préférable de donner de l'activité aux entreprises pendant une période de croissance, aussi faible soit-elle, plutôt que de les aider à embaucher quand les carnets de commandes sont vides...

J'ai du mal à comprendre les critiques de la gauche, qui prétend que ce projet ne profite qu'aux plus riches et ne favorise en rien la croissance. Il oublient qu'ils sont eux-mêmes à l'origine d'une loi que nous payons tous les jours en termes de compétitivité et d'emplois et qui pèse lourd sur le budget de l'Etat. Ont-ils vraiment imaginé qu'une réduction du temps de travail pourrait être un facteur de croissance et de progrès social simplement en faisant croire aux Français que l'on pouvait travailler moins et gagner plus ? Non seulement les 35 heures n'ont rien apporté à la lutte contre le chômage mais elles ont empêché notre pays de bénéficier à plein des années de croissance !

En marge de votre projet, l'accord que vous avez obtenu le 17 juin dernier des distributeurs, industriels, syndicats agricoles et associations de consommateurs, qui se sont engagés collectivement en faveur d'une baisse durable et significative de 2 % des prix à la consommation, entraînera une progression de 0,2 % du pouvoir d'achat des ménages. Nous ne pouvons que nous réjouir d'un engagement qui profitera directement aux consommateurs, et que les petits commerçants qui s'inquiètent de ne pouvoir afficher la même baisse, se souviennent que quand, comme depuis 1997, les Français ont moins de pouvoir d'achat et n'ont plus confiance dans les prix, c'est toute la filière commerciale qui souffre.

II était donc indispensable d'accompagner cet engagement par des dispositions visant, grâce à des exonérations et à des dégrèvements, à encourager l'investissement des entreprises et le maintien d'activités de proximité.

S'agissant de la récente proposition d'ouverture des grandes surfaces le dimanche, nous souhaitons que le gouvernement prenne les garanties nécessaires afin d'en limiter le nombre par an.

Les mesures en faveur de l'hôtellerie et de la restauration ne font que répondre à un véritable besoin dans un secteur qui manque de vocations, en raison des contraintes horaires et du fractionnement du temps de travail. Il est donc nécessaire de susciter une dynamique d'embauche par des aides à l'emploi permettant une revalorisation réelle des salaires.

Limiter ces avantages fiscaux dans le temps permettra d'en mesurer l'impact les effets sur la consommation et sur l'emploi pour juger de l'opportunité de leur maintien ou de leur suppression.

Ne pas se résigner à une croissance molle c'est savoir, en dépit d'un contexte budgétaire contraignant, prendre les mesures qui s'imposent dans un souci d'équité, d'efficacité fiscale et de justice sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. Didier Migaud - Je suis surpris que, contrairement à son habitude, le ministre d'Etat n'éprouve pas le besoin de répondre aux orateurs et qu'il reste coi, comme il l'a été après avoir entendu l'argumentation très pertinente d'Augustin Bonrepaux.

Au vu de cette attitude, nous préférons engager rapidement le débat et nous concentrer sur la défense de nos amendements que demander longuement le renvoi en commission, d'autant que cette dernière, véritablement envoûtée, est complètement soumise au ministre de l'économie et préfère cibler ses attaques sur le chef de l'Etat et sur le Premier ministre...

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Augustin Bonrepaux - Je souhaite une brève suspension de séance avant le passage à la discussion des articles.

La séance, suspendue à 17 heures 45, est reprise à 18 heures.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur général - L'amendement 79 est rédactionnel.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - Favorable.

L'amendement 79, mis aux voix, est adopté.

M. Didier Migaud - Si l'on n'y prend garde - mais je sais le président de la commission très sensible à ce sujet -, en cumulant les réductions grâce à un conseiller fiscal avisé, quelqu'un qui gagne beaucoup d'argent pourrait ne payer pratiquement aucun impôt sur le revenu. Par souci de justice fiscale, nous proposons donc l'amendement 79 qui plafonne le total des réductions à 40 % du revenu.

M. le Rapporteur général - Nous débattons de cette question depuis des années. Mais la commission a repoussé cet amendement en raison de difficultés techniques que M. Migaud connaît bien. Ainsi, certains avantages fiscaux sont étalés sur plusieurs années. Et sur quels avantages faire porter le plafonnement ? La commission souhaite continuer à travailler sur ce sujet, cher à son président.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement entend les arguments de la commission et propose que, comme M. Sarkozy l'a indiqué, nous ayons un débat sur les niches fiscales lors de l'examen de la loi de finances. Je demande donc à M. Migaud, s'il le veut, bien, de retirer cet amendement.

M. Didier Migaud - Si le ministre et le président de commission des finances s'engagent à ce que nous ayons ce débat sur les niches fiscales, je veux bien retirer l'amendement. Nous sommes d'accord pour constituer un groupe de travail. Mais nous voudrions aussi des précisions sur le rapport demandé par le ministre sur la fiscalité dérogatoire. A qui est-il confié, quand sera-t-il remis ?

M. le Président de la commission - Nous avons l'engagement du Gouvernement de travailler avec nous, opposition comprise, aux moyens à mettre en _uvre pour limiter la portée de certaines niches fiscales. Il n'y a pas à proprement parler de rapport, ou plus exactement c'est la commission des finances qui va en rédiger un.

M. Didier Migaud - L'amendement 37 est retiré.

M. Augustin Bonrepaux - L'amendement 38 a le même objet, et fixe à 10 000 € la réduction maximale de l'impôt obtenue grâce à plusieurs niches fiscales. Si l'on me confirme que cette hypothèse sera examinée, je retirerai l'amendement.

M. le Rapporteur général - Même réponse que précédemment.

M. Augustin Bonrepaux - L'amendement 38 est retiré.

M. Didier Migaud - Sans attendre le rapport sur les niches fiscales, nous pouvons prendre une mesure sur la réduction pour emploi à domicile. Martine Aubry avait proposé ce dispositif pour son effet sur l'emploi. Faute de pouvoir proposer une réduction des taux d'impôt sur le revenu, M. Sarkozy, quand il était ministre du budget, avait transformé cette incitation en privilège fiscal. Nous l'avions ensuite réduit, vous l'avez augmenté une seconde fois alors même que, selon le rapport du Conseil des impôts, sur 2,2 millions de foyer qui déclarent un employé à domicile, 900 000 sont exclus de cet avantage car non imposables sur le revenu. Nous proposons donc par l'amendement 17 de transformer la réduction en crédit d'impôt. La mesure serait financée par une réduction de l'avantage. Ce serait plus juste et plus efficace.

M. le Rapporteur général - La commission a émis un avis défavorable comme elle l'avait fait lors du débat sur la loi de finances pour 2004. Cet avantage, créé en 1992 par le gouvernement Bérégovoy avait été porté à 90 000 F par M. Sarkozy puis réduit à 45 000 F par la gauche. Finalement, en loi de finances pour 2003 nous avons fixé le montant raisonnable de 10 000 €. Cette mesure est très efficace pour l'emploi. Par ailleurs, même si vous avez réduit l'avantage, vous avez toujours considéré qu il s'agissait d'une réduction d'impôt. Il faut poursuivre dans cette voie. Il n'y a rien d'injuste à aider ceux qui payent l'impôt.

M. le Secrétaire d'Etat - Le rapporteur général a raison. Transformer cette réduction d'impôt en crédit d'impôt, ce serait abaisser significativement le plafond des dépenses éligibles, ce qui ne serait pas une bonne chose pour tous ceux qui bénéficient de réductions d'impôt, pour les familles, les personnes invalides qui ont besoin d'être aidées, pour les personnes âgées auxquelles ce dispositif offre une alternative à l'hébergement en maison de retraite.

Enfin, cette mesure constitue une incitation à la création d'emploi et a contribué fortement à lutter contre l'économie grise.

M. Augustin Bonrepaux - Cette argumentation n'est pas acceptable : la réduction fiscale n'a pas créé un seul emploi.

En outre, vous ne faites rien en faveur de ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu.

Enfin, avec les mêmes moyens, vous pouviez réaliser un crédit d'impôt et ainsi aider équitablement tous ceux qui emploient des personnes à domicile.

L'amendement 17, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Didier Migaud - Le rapport du conseil des impôts, Monsieur le rapporteur général, témoigne de l'intérêt qu'il y aurait à étendre la mesure aux foyers qui ne paient pas d'impôt.

L'amendement 16 vise à augmenter sensiblement la prime pour l'emploi, bon moyen pour favoriser la croissance. Vous l'avez certes augmentée, mais très peu, alors même que vous baissiez encore plus l'impôt sur le revenu, ce qui était injuste.

Augmenter la prime pour l'emploi, c'est conforter le pouvoir d'achat des bénéficiaires et donc la consommation.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

Nous avons sensiblement augmenté la prime pour l'emploi.

M. Didier Migaud - Non !

M. le Rapporteur général - Nous avons relevé les taux de calcul et nous avons également amélioré la prime au titre du travail partiel.

Enfin, nous avons créé un système d'acompte qui accélère la perception de la prime dès lors qu'un emploi est retrouvé.

Messieurs les ministres, nous souhaiterions que la PPE soit affichée sur la feuille de paie, peut-être trimestriellement. Nous avons demandé à vos services de réfléchir sur ce point.

M. le Secrétaire d'Etat - Cette question est à l'étude.

Le premier instrument pour donner du pouvoir d'achat, Monsieur Migaud, c'est le SMIC, que nous allons revaloriser fortement.

La prime pour l'emploi, de plus, a été augmentée, en particulier pour les salariés qui travaillent à temps partiel. Nous avons de plus proposé un mécanisme d'avance, comme l'a dit le rapporteur général.

Enfin, la hausse cumulée du SMIC et de la PPE a constitué un important gain de pouvoir d'achat.

La priorité, c'est de restaurer la confiance et la consommation, ce à quoi s'emploie le présent projet.

Avis défavorable.

M. Augustin Bonrepaux - Nous, contrairement à vous, nous proposons de restaurer la confiance et le pouvoir d'achat , mais pour les revenus les plus modestes.

Vos mesures ne concernent que 50 % des Français, ceux qui sont imposables. Pour les autres, il n'y a rien.

Au lieu de baisser l'impôt sur le revenu, si vous aviez agi comme nous le préconisons, nous ne serions pas dans la situation où nous sommes.

Il est temps d'instaurer un peu plus de justice sociale.

L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - L'amendement 19 vise à remettre en cause les cadeaux fiscaux accordés en matière d'ISF à l'occasion de la loi sur l'initiative économique.

Il vise plus précisément la possibilité d'échapper à l'ISF dans le cadre d'un « pacte d'actionnaires » représentant 20 % seulement des droits d'une société dont est membre une personne exerçant dans la société sa fonction principale.

Vous parlez beaucoup d'attractivité, mais celle-ci n'es pas uniquement fiscale : il faut aussi compter avec les infrastructures d'équipement qui facilitent l'implantation des entreprises. Or, c'est cela que votre réforme d'EDF est en train de casser : le prix de l'électricité et du gaz augmentera de 15 %, ce qui rendra notre pays encore moins attractif.

Vous gelez de plus la plupart des contrats Etat-région...

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Vous recommencez depuis le début !

M. Augustin Bonrepaux - ... en retardant ainsi les travaux routiers et ferroviaires.

L'attractivité du territoire, ce sont également les services publics, et en particulier l'éducation nationale et la santé que vous mettez à mal.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

Ce dispositif permet d'éviter les délocalisations. Le pacte d'actionnaires est ainsi possible dès lors que les différents partenaires acceptent de s'engager pour au moins six années. Cela évite que des entreprises françaises passent sous la coupe de multinationales à cause de l'ISF et qu'il y ait des hémorragies d'emplois.

J'ai proposé cette mesure dans la droite ligne de ce qu'a fait mon prédécesseur, M. Migaud, au titre des droits de succession. Le « pacte Migaud-Gattaz » a autorisé en effet un droit d'abattement de 50 % des droits de succession face à des risques comparables.

Nous devons tout faire pour garder nos emplois nationaux. Il faut être pragmatique car la bataille pour l'emploi est absolument prioritaire.

M. le Secrétaire d'Etat - La suppression de cette exonération partielle remettra en cause des dispositions qui participent au soutien à l'investissement et permettent aux actionnaires minoritaires de conserver leurs participations de façon à favoriser le développement économique.

Je souhaite que vous retiriez votre amendement, à défaut, nous demanderons son rejet .

M. Michel Bouvard - Vous présentez des amendements léonins qui visent à présenter le Gouvernement et la majorité comme les défenseurs des riches et des privilégiés, quitte à sacrifier par idéologie nos intérêts économiques. Ce sont les PME, les entreprises à capitaux qui créent des emplois.

Lors d'une succession difficile, le risque de cession de titres est grand : les droits de succession s'ajoutent aux investissement nécessaires, qui vont priver les actionnaires de dividendes pour plusieurs années, alors que, leurs actions étant valorisées, ils vont être lourdement taxés ! La tentation est évidemment de vendre. Voilà comment la France a perdu toute une partie de son industrie à capitaux familiaux, alors qu'en Italie, les grosses PME familiales portent tout le dynamisme économique des régions. Ainsi que l'a dit M. Bonrepaux, l'attractivité du territoire dépend aussi d'autres éléments, tels que les infrastructures - même si, concernant la hausse des prix de l'électricité, je lui rappelle qu'elle est engagée depuis belle lurette, à cause de la décision prise par la gauche d'ouvrir le marché - mais vous avez procédé là à une caricature qui n'est pas honnête.

L'amendement 19, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Didier Migaud - Que M. Bouvard se sente complexé parce que nous reprochons à la politique gouvernementale d'être trop ciblée, je le comprends parfaitement, de même qu'il nous taxe d'idéologie systématique, bien que notre seul objectif soit la relance de la consommation et de l'activité. Mais on est d'autant plus efficace qu'on est juste, et votre politique est spécialement injuste, ainsi que l'ont dit les Français lors des deux dernières consultations électorales.

L'amendement 18 vise à supprimer une disposition de la loi Dutreil qui reconnaît un avantage fiscal lorsqu'on investit dans une PME, y compris dans les autres pays membres de l'Union. Cette disposition qui tend à aider les PME, comporte des effets pervers importants, notamment en encourageant les délocalisations d'entreprises.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Cette disposition concerne l'investissement en numéraire dans les fonds propres des PME. Nos petites et moyennes entreprises ont en effet un important problème de fonds propres, qui fragilise leurs activité. Que l'investissement dans une PME ne soit pas intégré à l'assiette de l'ISF paraît être une simple mesure de bon sens. Vous craignez qu'elle favorise les délocalisations, mais il paraît peu probable qu'un résident français - car il faut l'être pour en bénéficier - aille investir dans une PME d'Allemagne ou d'Italie ! Ces investissements se font plutôt dans la région. Par ailleurs, lorsque vous étiez rapporteur général, vous avez trouvé tout naturel d'élargir les plans d'épargne en action Strauss-Kahn aux actions étrangères de l'Union, pour la bonne et simple raison que nous devons raisonner dans le cadre européen ! Ce n'est pas parce qu'il s'agit d'ISF qu'il faut abandonner tout bon sens. Nous devons combattre tous les effets pervers de l'ISF qui limitent le développement des entreprises sur le territoire.

M. le Secrétaire d'Etat - Supprimer l'exonération d'ISF pour les souscriptions en numéraire dans le capital des PME contredit les objectifs de soutien à la consommation et d'investissement dans ces entreprises. Avis défavorable.

M. Augustin Bonrepaux - Vous voulez supprimer l'ISF, et vous en avez parfaitement le droit. Mais ne présentez pas la disposition dont il s'agit comme un moyen de développer les PME et d'encourager l'emploi ! Il y a de nombreux projets de délocalisation dans l'Union européenne, qui commencent à se réaliser. Votre déduction supplémentaire va les encourager, et détruire des emplois en France.

L'amendement 18, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Alors que la situation des finances publiques est particulièrement tendue, le Gouvernement refuse de mener une politique de soutien à la consommation et à la croissance et choisit d'accorder des cadeaux fiscaux aux plus hauts revenus. La loi sur l'initiative économique avait baissé le seuil de détention de parts dans une entreprise permettant d'obtenir la qualification de bien professionnel à 50 %. L'amendement 20 vise à le rétablir à 75 %.

L'amendement 20, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Hillmeyer - L'amendement 64 est défendu.

L'amendement 64, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Jean-Claude Sandrier - Dans son dernier rapport, le Conseil des impôt déplorait l'existence de 418 mesures fiscales dérogatoires, dont, selon lui, le coût est important, mais l'efficacité incertaine. Il est établi que les 10 % de ménages les plus aisés bénéficient de près de 86 % des réductions d'impôt. Sur les 27 dispositions nouvelles de 2003 sur l'impôt sur le revenu, 26 présentent un intérêt immédiat pour les contribuables, et la moitié seulement pour les autres. Dans le cadre d'un projet de loi visant à soutenir la consommation, on aurait pu s'attendre à un changement de cap, mais l'article premier institue une nouvelle niche fiscale, un nouveau cadeau pour les nantis, sans que l'impact sur la consommation soit certain. La propension à épargner dépend en effet de plusieurs facteurs, comme l'âge par exemple, mais surtout le niveau de revenus : elle d'autant plus forte que le revenu est élevé. L'impact de cette mesure profondément injuste méritera donc d'être évalué, mais son coût, lui, est certain. L'amendement 45 vise donc à supprimer l'article premier.

M. le Rapporteur général - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais je lui donne un avis défavorable car il s'agit d'un excellent article.

L'amendement 45, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Hillmeyer - L'exonération totale des droits de mutation dans la limite de 20 000 € est une bonne mesure pour relancer la consommation. Il serait sain de l'étendre au bénéfice des nièces et des neveux dans le cas de familles sans enfants. C'est l'objet de l'amendement 72.

M. le Rapporteur général - Cet amendement, qui n'a pas été examiné par la commission, est très intéressant. Je pense toutefois nécessaire de le limiter expressément aux cas où le donateur n'a pas d'héritier en ligne directe. C'est l'objet du sous-amendement 85 rectifié.

M. Francis Hillmeyer - Je l'accepte.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable à l'amendement sous-amendé, et le Gouvernement lève le gage.

Le sous-amendement 85 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 72, sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Didier Migaud - La plupart des mesures que vous proposez sont déjà entrées en application. Ainsi la mesure concernant les donations avait été annoncée dans la conférence de presse-spectacle du ministre du 4 mai, de même qu'en commission des finances, mais nous pensions qu'elle serait soumise à l'Assemblée et au Sénat.

Quelle surprise de la voir entrer en application dès le 1er juin, avant même que le projet de loi n'ait été adopté en conseil des ministres. Cela n'est pas de bonne méthode. Il y a certes des précédents...

M. le Ministre d'Etat - Vous avez raison d'être prudent.

M. Didier Migaud - Il est parfois justifié d'anticiper l'application d'une mesure- notamment en matière fiscale - pour éviter de bloquer l'activité économique. Au reste, nous ne contestons pas l'application anticipée de l'article 2. Mais s'agissant des donations, rien ne justifie la précipitation. Si l'on veut restaurer le Parlement dans ses droits, il faut respecter certains principes de préséance, en particulier dans les domaines couverts par l'article 34 de la Constitution. C'est pourquoi notre amendement 21 limite le bénéfice de l'exonération aux seuls dons qui interviendront à compter du 1er juillet de cette année. Plutôt que de se lamenter sur le fait que Parlement ne soit devenu qu'une chambre d'enregistrement, sachons faire preuve d'un peu d'esprit de révolte...

M. le Rapporteur général - Défavorable. M. Migaud a la révolte sélective, selon qu'il est dans la majorité ou dans l'opposition ! Dois-je lui rappeler qu'en 1983, le gouvernement a appliqué un quasi doublement des droits de succession - mesure défavorable aux ménages s'il en est - dans la plus grande précipitation ? Il n'est jamais trop tôt pour appliquer une mesure favorable aux Français.

M. le Ministre d'Etat - Je salue l'honnêteté et la prudence de M. Migaud lorsqu'il reconnaît qu'il y a eu bien des précédents. Mais il aurait dû aussi rappeler que j'ai réservé à votre commission des finances la primeur de l'annonce de cette mesure, avant même ma conférence de presse du 4 mai.

Quant à l'urgence, elle est à mettre en relation directe avec l'efficacité attendue. Si l'on croit à la mesure, il n'y a aucune raison de la différer ou de la lancer au moment où elle risquerait d'avoir le moins d'impact. Ce ne serait pas rendre service aux familles que de la lancer après les départs en vacances ou lorsque la période des soldes sera achevée. Soutenons la consommation par tous les moyens et dès que possible. C'est bon pour l'emploi et les chômeurs ne peuvent pas attendre.

M. Didier Migaud - Monsieur le ministre d'Etat, la caricature et les raisonnement simplistes ne sont pas dignes de notre débat. Qui peut croire que les grands-parents renonceraient à faire des cadeaux à leurs petits-enfants pour les aider à partir en vacances de peur d'avoir à les déclarer au fisc ? Et suffirait-il d'informer notre commission des finances pour qu'une mesure ait force de loi ? Certains précédents étaient justifiés. Votre présente décision ne l'est pas. Et mettre le Parlement devant le fait accompli n'est pas de bonne méthode.

M. Michel Bouvard - Je voterai contre cet amendement sans aucun état d'âme mais je considère en effet, messieurs les ministres, qu'il serait bon de fixer à ce sujet une règle du jeu et de s'y tenir.

L'amendement 21, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Didier Migaud - Notre amendement 22 tend à plafonner à 60 000 € le montant des dons effectués par un même donateur à l'ensemble des bénéficiaires potentiels. Evitons les effets d'aubaine. On ne peut imaginer qu'un contribuable s'exonère finalement de tout imposition en multipliant les dons ! 20 000 € multipliés par 15, cela fait beaucoup d'argent !

M. le Ministre d'Etat - Vous en connaissez beaucoup, des familles de quinze enfants ?

M. Didier Migaud - Le dispositif concerne aussi les petits-enfants. Il faut plafonner pour éviter de créer de nouvelles niches fiscales incontrôlées.

M. le Rapporteur général - Rejet. Il n'y a aucune raison de limiter cette bonne mesure. Permettez-moi de dire que cette proposition n'a pas de sens !

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Venant d'un élu aussi généreux que M. Migaud, je dois dire que cette proposition m'attriste un peu. Notre pays ne doit pas décourager les grandes familles !

L'amendement 22, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - Mon amendement 82 reprend une excellente proposition de MM. Marc Laffineur et Louis Giscard d'Estaing tendant à desserrer les conditions de libération d'une partie des sommes bloquées sur les PEA, en vue de relancer la consommation. Il y a dans notre pays 7,5 millions de plans, représentant un montant d'épargne de près de 75 milliards. Dans le régime actuel, toute retrait - même fort modeste - sur un tel plan entraîne la perte de tous les avantages fiscaux afférents.

Nous proposons par cet amendement de fixer à 10 000 € le montant des retraits anticipés autorisés sur un PEA sans perte des avantages fiscaux en cas de donation. Nos collègues Laffineur et Giscard d'Estaing proposaient, eux, de porter le plafond à 30 000 €. Il nous a paru plus logique d'aligner le montant sur celui prévu en cas de déblocage d'une épargne salariale.

Il serait vraiment dommage que les quelque 75 milliards aujourd'hui placés dans les PEA ne puissent pas servir à soutenir la consommation.

M. le Secrétaire d'Etat - La proposition est ingénieuse. Le Gouvernement ne peut néanmoins pas l'accepter. Les PEA sont assortis d'avantages fiscaux substantiels pour assurer un financement durable des entreprises. Mieux vaut s'en tenir au statu quo. J'invite le rapporteur général à retirer cet amendement.

L'amendement 82 est retiré.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. PREMIER

M. Patrick Bloche - Je défendrai en même temps les amendements 25, 26 et 27 qui, tous trois, visent à améliorer le Pacs. Lors de l'adoption du Pacs, en 1999, le législateur avait veillé à ce que ce nouveau contrat n'induise pas de stratégies d'optimisation fiscale. D'où les délais imposés avant que des partenaires pacsés puissent bénéficier d'une imposition commune ainsi que d'abattements et de tarifs minorés d'enregistrement en cas de donation. Jean-Pierre Michel et moi, qui avions été les rapporteurs du texte, avons rendu dès 2001 un rapport montrant qu'aucune crainte n'était confirmée. Dans la mesure où le Pacs rencontre un très grand succès, avec plus de 230 000 personnes en ayant conclu un, et où le Gouvernement s'est lui-même engagé à l'améliorer, nous proposons aujourd'hui de passer sans attendre des paroles aux actes.

L'amendement 25 propose donc de mettre fin, à compter de l'imposition des revenus de 2004, au délai de trois ans de vie commune exigé pour bénéficier d'une imposition commune. L'amendement 26 supprime, lui, la condition de deux ans donnant droit au bénéfice de tarifs minorés d'enregistrement en cas de donation entre partenaires pacsés. L'amendement 27 enfin supprime cette même condition pour le bénéfice de l'abattement .

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces trois amendements avec les mêmes arguments que ceux qu'elle avait opposés lors de l'examen du projet de loi e finances pour 2004. C'est délibérément que le législateur a voulu distinguer entre le mariage et le Pacs, en accordant des avantages différents dans les deux cas. Le Conseil constitutionnel avait d'ailleurs insisté dans son avis sur l'opportunité de maintenir cette différence. Il n'y a donc pas lieu aujourd'hui de modifier quoi que ce soit, d'autant qu'il existe un risque réel de recherche d'optimisation fiscale par le biais d'un Pacs.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable à ces amendements qui n'ont que peu à voir avec un projet de loi destiné à soutenir la consommation et l'investissement.

Le Garde des Sceaux a mis en place un groupe de travail chargé de réfléchir aux moyens d'améliorer le Pacs. Attendons ses conclusions qui devraient être remises en octobre.

M. Patrick Bloche - Cette réponse, si elle ne me surprend pas, me déçoit. Alors qu'hier matin, le Conseil des ministres a adopté un projet de loi visant à lutter contre les discriminations homophobes et sexistes, et que va se tenir samedi la grande manifestation annuelle de la communauté homosexuelle, j'aurais pensé que des avancées étaient possibles. Le rapporteur a évoqué la nécessité de conserver une différence de traitement entre couples mariés et couples pacsés. Soit, pour les couples hétérosexuels, mais pour les couples homosexuels qui n'ont pas le droit de se marier, cela n'a pas de sens. Refuser l'aménagement du Pacs, c'est pousser à la légalisation du mariage homosexuel (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre d'Etat - Je crois, Monsieur Bloche, que vous avez mal compris la réponse de M. Bussereau. Le Gouvernement ne vous a pas opposé une fin de non-recevoir. Il s'agit d'une question importante, délicate, qui touche à des questions de droit mais aussi de sensibilité. Il est une façon médiatique d'en traiter, qui fait reculer la cause défendue, et je vous remercie, Monsieur Bloche, d'avoir, vous, fait preuve de modération dans vos propos. Il en est une autre, pragmatique, qui sera la nôtre. Oui, des aménagements fiscaux doivent être apportés au Pacs, et ils le seront dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005, après qu'un travail sérieux aura été mené sur le sujet. Le mariage homosexuel n'est pas la solution. Pour autant, le Pacs constitue une réponse insuffisante. Ce que nous souhaitons, c'est progresser ensemble sur le sujet, ce qui exige préalablement de dépassionner le débat afin de ne pas alimenter les positions caricaturales.

Par ailleurs, comme l'a dit M. Bussereau, un groupe de travail a été mis en place à la Chancellerie. Il serait malvenu d'anticiper ses conclusions. Mais le Gouvernement s'engage à revoir la question lors du prochain débat budgétaire.

M. Patrick Bloche - Je prends note de cet engagement.

Pour ce qui est de l'insuffisance du Pacs, Monsieur le ministre, je suis heureux que vous la reconnaissiez mais il faut se souvenir que le Pacs, tel qu'il existe actuellement correspond à l'équilibre qui a pu être trouvé à un moment donné, sans que d'ailleurs l'actuelle majorité nous ait beaucoup aidés dans cette voie... Enfin, il semble que le temps ait fait son _uvre.

Les amendements 25, 26 et 27 sont retirés.

M. Didier Migaud - L'amendement 23 propose de transformer en crédit d'impôt l'actuelle réduction de 50 % accordée pour les cotisations syndicales.

M. le Rapporteur général - Défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 23, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Didier Migaud - L'amendement 24 concerne, dans le même esprit, la réduction d'impôt accordée aux contribuables dont les enfants poursuivent des études secondaires ou supérieures.

L'amendement 24, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier - Notre amendement 46 tend à supprimer cet article. Celui-ci crée encore une niche fiscale, mais d'un type particulier puisqu'elle comporte un risque pour ses bénéficiaires. Il s'agit en effet d'encourager le crédit à la consommation. Or depuis des années, et notamment depuis la loi Neiertz de 1989, le lien est bien établi entre surendettement et crédit à la consommation. On a longtemps considéré surtout le surendettement actif, lié à un comportement irrationnel des ménages. Mais aujourd'hui les deux tiers des dossiers soumis aux commissions de surendettement concernent des cas de surendettement passif : il s'agit de personnes fragilisées économiquement et socialement, et qui, pour sortir de leur situation, mettent le doigt dans un engrenage, contractant un crédit pour en rembourser un autre, et ainsi de suite. Si la loi Borloo sur la ville et la rénovation urbaine a constitué une avancée dans la lutte contre le surendettement, elle s'en tient à des solutions réparatrices, ce qui est bien, mais ne suffit pas : il faut développer la prévention du surendettement, et sur ce point notre législation doit être améliorée. La publicité pour le crédit à la consommation reste mensongère, ou à tout le moins tendancieuse, employant couramment des expressions comme « réserve d'argent » ; et les pouvoirs publics hésitent à responsabiliser les organismes prêteurs par des mesures concrètes. Dans l'immédiat, nous ne pouvons donc que demander la suppression de l'article 2.

M. le Rapporteur général - Défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. Luc-Marie Chatel - L'argumentation de M. Sandrier procède en partie d'idées reçues sur le surendettement. Un cabinet britannique a conduit une étude à ce sujet pour la Commission européenne, dont il ressort que le lien entre surendettement et crédit à la consommation n'est pas immédiat. La Grèce a le plus grand nombre de ménages surendettés en Europe, avec un taux de 49 % selon les critères de l'étude ; pourtant le pourcentage de ménages ayant eu recours au crédit à la consommation est de 9 %, le plus bas d'Europe. A l'inverse la Grande-Bretagne a un taux de 34 % pour le recours au crédit à la consommation, mais de 18 % seulement pour le surendettement. On voit que les choses ne sont pas simples.

Par ailleurs le Gouvernement et l'Assemblée ont travaillé sur l'amont du surendettement et du crédit à la consommation. Je rappelle les dispositions du projet de loi de sécurité financière relatives à l'information du consommateur, et notre proposition de loi sur le crédit « revolving », qu'a d'ailleurs approuvée le groupe de M. Sandrier.

L'amendement 46, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Didier Migaud - Beaucoup de ceux qui se sont penchés sur l'impact de la mesure ici proposée ont conclu qu'elle en aurait assez peu, dès lors qu'elle se limite à une réduction d'impôt. Nous proposons de faire en sorte qu'elle concerne beaucoup plus de gens en la transformant en crédit d'impôt. Le ministre objectera que c'est coûteux ; certes, mais c'est efficace. Et en stimulant la consommation on génère aussi des recettes fiscales. Nous proposons donc par l'amendement 28 de transformer la réduction en crédit d'impôt, tout en restant vigilants sur les questions de surendettement.

M. le Rapporteur général - La commission a repoussé cet amendement, je ne vous le cache pas, pour des raisons budgétaires.

M. Didier Migaud - Il y a d'autres mesures qui vous gênent moins...

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis que la commission.

L'amendement 28, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Nous proposons par l'amendement 29 de supprimer le deuxième alinéa du I de l'article. Cette disposition permettra le plus souvent un simple effet d'aubaine, puisque vous autorisez la réduction à dater du 1er mai alors que nous sommes le 24 juin. Elle pourrait en outre être dangereuse en incitant au surendettement. La réduction d'impôt s'adresse à des contribuables déjà engagés dans la démarche de mobilisation d'un crédit à la consommation ; elle n'aura donc pas d'effet notable de hausse de la consommation.

L'amendement 29, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - Les amendements 5 et 6 sont rédactionnels.

Les amendements 5 et 6, acceptés par le Gouvernement , successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 2 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART.2

M. Jean-Claude Sandrier - J'ai bien entendu le propos de M. Chatel. Mais le mien se fondait sur le constat que font en France les commissions de surendettement : c'est que les deux tiers des dossiers relèvent du surendettement passif. Je ne conteste pas les exemples grec et britannique, mais je ne sais ce que donnerait une étude sur les vingt-cinq pays de l'Union.

Je souhaite présenter l'amendement 48, mais aussi les amendements 49, 50 et 51. Le 48 concerne la publicité mensongère ou tendancieuse. Celle-ci, jusqu'à l'adoption de la loi de sécurité financière et notamment de son article 87, ne faisait pas l'objet de dispositions particulières dans le domaine du crédit à la consommation. Cette lacune n'a été comblée que très partiellement. Je rappelle que les articles L. 121-1 à L. 121-15 du code de la consommation régissent la publicité dans le cadre des pratiques commerciales réglementées. A ce titre, l'article L. 121-1, dont il aurait fallu s'inspirer plus largement, prévoit certaines dispositions susceptibles de contribuer à une définition globale de la publicité mensongère. Cet article interdit toute publicité comportant des indications fausses ou de nature à induire en erreur portant notamment sur l'existence, la nature, la composition, les qualités substantielles, la teneur en principes utiles, l'origine, la quantité, le mode et la date de fabrication, les propriétés, le prix et les conditions de vente des biens ou services qui font l'objet de la publicité, et d'autres aspects encore.

Le surendettement demeure un problème chronique en France. Si ses facteurs sont divers, les abus commis par les promoteurs de crédit, dont les pratiques se situent parfois à la limite de la réglementation, méritent d'être sanctionnés. La publicité est un terrain privilégié d'exploitation des failles de la réglementation, d'utilisation de la vulnérabilité des consommateurs et de création d'illusions sur un accès facile et illimité à un pouvoir d'achat supplémentaire d'un coût réduit. C'est pourquoi nous proposons cet amendement 48 qui reprend mot pour mot le texte de l'article 59 ter, futur article 87 du projet de loi de sécurité financière, tel qu'adopté par le Sénat en première lecture sur proposition de Philippe Marini, rapporteur de la commission des Finances. Dans la suite de la navette, la définition de la publicité mensongère ou tendancieuse en matière de crédit à la consommation a été malheureusement édulcorée. En outre, ne sont plus prévues en cas d'infractions que des contraventions de 5° classe, alors tandis que dans la rédaction initiale de M. Marini les sanctions prévues étaient celles visées par l'article L. 213-1 du code de la consommation, c'est-à-dire celles qui s'appliquent en cas de tromperie, et qui peuvent aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 37 500 € d'amende - ce qui est tout de même très différent. On ne peut nier que la publicité mensongère s'assimile à de la tromperie. C'est pourquoi nous vous invitons vivement à voter cet amendement. Il est le seul à pouvoir réellement protéger les consommateurs, et à leur redonner confiance dans les pratiques des établissements de crédit. En outre vous pouvez voir dans le Journal officiel du 19 mars que cet amendement a obtenu le soutien de l'ensemble des groupes politiques au Sénat.

Quant à nos trois autres amendements, le 49 tend à responsabiliser les organismes prêteurs. L'amendement 50 supprime la mesure d'exemption du régime du démarchage au profit des propositions de crédit à la consommation effectuées sur le lieu de vente pour le compte des établissements de crédit. Enfin l'amendement 51 tend à assimiler à du démarchage toute prise de contact, quelle que soit la personne à l'origine de la démarche, dans les bureaux de services financiers quand ceux-ci sont implantés sur le même site que des établissements de grande distribution ou à proximité immédiate.

M. le Rapporteur général - La commission a repoussé ces amendements, considérant qu'ils n'avaient pas leur place dans ce texte. Mais les problèmes que vous soulevez sont importants. Ces derniers mois nous avons d'ailleurs bien avancé sur ces questions. La loi de sécurité financière a amélioré le dispositif, ainsi que la proposition de loi de M. Chatel. En outre la procédure de rétablissement personnel que nous avons instituée vise à aller au c_ur de ce problème du surendettement.

En outre les ministres ont pris contact avec les professions bancaires et obtenu des avancées sur deux points, que le secrétaire d'Etat pourra nous confirmer. Il s'agissait d'abord de veiller à ce que les avantages fiscaux accordés ne soient pas captés pour partie par les prêteurs, mais bénéficient en totalité à l'emprunteur. En second lieu c'était le problème des risques d'incitation au surendettement : je crois, Monsieur le Ministre, que vous avez obtenu des prêteurs leur accord formel pour qu'ils consultent, à l'occasion des prêts à la consommation, le fichier national des incidents de remboursement, et qu'ils soient vigilants en mettant en place un suivi personnalisé. Je sais que cela ne correspond pas à l'élaboration, que nous envisageons, d'un fichier général permettant une connaissance de la totalité des crédits en cours pour chaque emprunteur. Mais vous voyez, Monsieur Sandrier, que nous prenons déjà en compte largement les préoccupations que traduisent vos amendements.

M. le Secrétaire d'Etat - Je confirme l'interprétation du rapporteur général sur les deux points qu'il a cités.

Même s'il en mesure l'intérêt, le Gouvernement est défavorable à l'ensemble de ces amendements : le 48 parce qu'il vise à durcir des dispositions figurant déjà dans le texte, au risque de le déséquilibrer, le 49 parce qu'il est déjà satisfait par le régime détaillé de protection des emprunteurs, le 47 parce qu'il ne fait pas l'unanimité chez les consommateurs, le 51 parce qu'il ferait peser des incertitudes sur le démarchage bancaire et financier.

L'amendement 48, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 49

M. Francis Hillmeyer - Les situations de surendettement ne peuvent nous laisser indifférents. Or 80 % des dossiers comportent des crédits revolving. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 65, que les établissements de crédit connaissent avec précision la solvabilité des demandeurs de crédit à la consommation avant de leur répondre. En cas de dépassement d'un certain seuil, il leur appartiendrait de refuser le crédit, aucune procédure d'exécution ne pouvant être engagée sinon.

Toutes ces précautions paraissent indispensables.

M. le Rapporteur général - La commission a rejeté cet amendement, pour les raisons que je viens d'invoquer.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement mesure l'intérêt de cet amendement, mais il lui semble aller un peu loin, notamment en entravant la liberté des acteurs.

M. Luc-Marie Chatel - La réponse n'est sans doute pas appropriée, mais le sujet est important. La proposition de M. Masdeu-Arus de créer un fichier positif s'est heurtée jusqu'ici aux réticences de la CNIL et à la difficulté de parvenir à un consensus, au sein tant des institutions financières que des associations de consommateurs. Mais je pense que nous pourrons, notamment en nous inspirant de l'exemple belge, trouver un dispositif technique adapté.

M. Francis Hillmeyer - Les maires sont régulièrement confrontés à ces difficultés. Je retire l'amendement, mais je souhaite que nous revenions sur ce sujet important.

L'amendement 65 est retiré.

M. Jean-Claude Sandrier - J'ai bien entendu les arguments du ministre, mais je regrette que l'on se contente des déclarations d'intention des prêteurs, sans s'entourer de véritables garanties.

J'en viens à l'amendement 47.

A l'occasion de l'examen du projet de sécurité financière, la majorité a décidé de suspendre pour 18 mois les dispositions de la loi MURCEF relatives aux conventions de compte de dépôt. Cette mesure, dénoncée par l'ensemble des associations de défense des consommateurs est apparue particulièrement symptomatique de l'incapacité du gouvernement à saisir les raisons du mécontentement des Français vis-à-vis des établissements de crédit, qui augmentent de plus en plus leurs tarifs, qui font de plus en plus payer des prestations traditionnellement gratuites et qui ne préviennent pas leurs clients de tout cela...

Sous le titre « les Français n'ont plus confiance », un article du journaliste Nicolas Gurgand paru dans Le Point en avril dernier posait une question qui fâche mais ô combien légitime : « Les banques nous volent-elles ? »

Selon un rapport du comité consultatif de la Banque de France, les réclamations écrites aux établissements de crédit ont bondi de 48 % en 2001, passant de 37 204 à 55 284. Les enquêtes d'opinion confirment l'urgence de la transparence demandée aux banques. Ainsi, dans un sondage réalisé par l'IFOP les 6 et 7 mars derniers, à la question : « Avez-vous une idée précise du montant que votre banque vous facture au titre des frais bancaires ? », 7 Français sur 10 répondaient par la négative. A la question : « Etes-vous favorable à ce qu'une présentation claire et séparée des frais bancaires soit obligatoire ? », 84 % répondaient par l'affirmative. Deux pour cent seulement des personnes interrogées n'ont pas répondu ! Cela prouve que les Français se posent vraiment ces questions.

Pour comprendre cette crise de confiance, il faut s'aventurer dans la jungle de la tarification bancaire. Une enquête d'UFC Que Choisir menée auprès de 23 établissements de crédit a permis de recenser pas moins de 180 différents types de frais bancaires. Certains d'entre eux semblent particulièrement difficiles à justifier : frais comptabilisés pour établir une procuration, frais de conservation en agence d'un chéquier non retiré depuis six semaines, frais de mise à disposition d'un chéquier en agence. Ainsi, les clients ne savent pas dans la grande majorité des cas que les opérations sont facturées. Ils en connaissent encore moins le prix. L'affichage en agence des tarifs bancaires et l'édition des plaquettes tarifaires ne sont que rarement exhaustifs et lisibles. Surtout, les banques prélèvent a priori sur le compte de leur client et ne l'en informent qu'ensuite par son relevé de compte. Cette absence d'avis préalable est un véritable abus de pouvoir. Au nom de quoi les banques échappent-elles à l'obligation de présenter une facture avant paiement ? De surcroît, ces informations sont noyées parmi toutes celles du relevé de compte. Comment s'étonner de la crise de confiance de déposants privés des informations indispensables à la tenue de leur budget ?

C'est pour y voir un peu plus clair dans cette jungle que nous proposons, sans coût supplémentaire pour les établissements de crédit, que les frais bancaires qu'ils perçoivent fassent l'objet d'une présentation claire et séparée sur les relevés de compte. Nous ne comprendrions pas que cette proposition de bon sens soit repoussée au moment où le Gouvernement entend encourager nos concitoyens à contracter des crédits à la consommation.

M. le Rapporteur général - M. Sandrier a dit des choses parfaitement exactes et nous avons en effet besoin d'une bien plus grande clarté dans les commissions et prélèvements sur les comptes bancaires. Toutefois, la commission a rejeté cet amendement car il n'a pas sa place dans ce texte mais plutôt dans le cadre de la réflexion qu'évoquait à l'instant M. Chatel.

M. le Secrétaire d'Etat - M. Sandrier a en effet raison et si nous avions été interrogés par l'IFOP, nous nous serions sans doute situés dans la majorité des réponses... Mais il est vrai que cet amendement ne se rattache pas vraiment à ce texte. Mieux vaut donc laisser se poursuivre jusqu'à l'automne la concertation engagée à ce propos avant de répondre aux questions que de nombreux Français se posent à ce propos.

L'amendement 47, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 51.

M. Michel Bouvard - L'amendement 60 est défendu.

M. le Rapporteur général - Il s'agit de réparer un oubli relatif aux contrats de location de longue durée dans les dispositions régissant le démarchage bancaire. Sur le fond cela ne pose aucun problème, mais la commission l'a repoussé car elle s'est demandé si cet texte était le bon support.

M. le Secrétaire d'Etat - Je m'apprêtais à m'en remettre à la sagesse de l'Assemblée, mais au vu des explications du rapporteur général, je donne un avis favorable.

L'amendement 60, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 45.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE


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