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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2004-2005 - 5ème jour de séance, 12ème séance

1ère SÉANCE DU LUNDI 11 JUILLET 2005

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

        MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR 2

        CONSTITUTION D'UNE CMP 2

        LOIS DE FINANCEMENT
        DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (deuxième lecture) 2

        AVANT L'ARTICLE PREMIER 12

        ARTICLE PREMIER 13

La séance est ouverte à dix heures.

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

Mme la Présidente - A la demande du Gouvernement, l'ordre du jour prioritaire du mardi 12 juillet est modifié comme suit : l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'urgence pour l'emploi est placé en tête de l'ordre du jour de la séance de l'après-midi.

CONSTITUTION D'UNE CMP

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il avait décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises.

LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Permettez-moi de souligner l'importance, pour l'avenir de nos politiques de sécurité sociale, de ce texte que vous avez enrichi. Il concrétise notre engagement d'adapter notre système aux évolutions démographiques de la société et, venant après la réforme des retraites et celle de l'assurance maladie, il permettra de réformer et de renforcer le pilotage de l'ensemble des politiques publiques de sécurité sociale.

C'est le Parlement qui est à l'origine de cette réflexion, et je salue le travail remarquable du rapporteur de la commission des lois, M. Warsmann, ainsi que des rapporteurs des deux commissions saisies pour avis, MM. Bardet et Bur.

Parce que 350 milliards, soit plus du cinquième de la richesse nationale, transitent chaque année par les comptes de la sécurité sociale, il est essentiel que le Parlement ait une vision claire de l'usage de ces sommes et qu'il puisse en contrôler l'emploi après avoir fixé des priorités. Avant la réforme constitutionnelle de 1996, qui a introduit dans notre droit les lois de financement de la sécurité sociale, son rôle était limité. Depuis neuf ans au contraire, il est appelé chaque année, à l'automne, à arrêter le cadre de cette politique, ce qui est une garantie de démocratie sociale.

Dans le même esprit, l'association des partenaires sociaux à cette politique est une réalité qui se traduit par la négociation de conventions pluriannuelles d'objectifs et de gestion.

Par ailleurs, ce projet s'est largement inspiré de la réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, intervenue en 2001.

Il a tout d'abord pour ambition de donner plus de portée aux lois de financement de la sécurité sociale, grâce à un vrai débat sur l'équilibre de chacune de ses branches - le vote des recettes par branche, et non plus par catégorie, permettra au Parlement de se prononcer sur le solde des régimes obligatoires de base en votant leurs tableaux d'équilibre - mais aussi grâce à la possibilité offerte au Parlement de voter les différentes composantes de l'ONDAM. S'agissant de la détermination de ce dernier, je rappelle qu'elle découlera de l'analyse des besoins de santé et des propositions des trois principales caisses nationales d'assurance maladie. Les lois de financement ne seront pas des lois strictement financières. C'est bien la maîtrise médicalisée qui guide notre action et notre réflexion.

La portée de ces lois est également élargie, puisqu'elles intégreront les fonds qui participent au financement de la sécurité sociale.

Le projet vise ensuite à donner plus de crédibilité aux lois de financement grâce à un cadrage pluriannuel des prévisions financières. Chaque loi de financement fixera les perspectives de recettes et de dépenses pour les quatre années à venir. Cette pluriannualité, qui répond à la logique de la maîtrise médicalisée des dépenses, était déjà présente dans la réforme de l'assurance maladie et le Conseil constitutionnel nous avait encouragés à poursuivre dans cette voie, dans sa décision d'août 2004.

La sincérité des lois de financement sera également confortée, puisque la Cour des comptes sera appelée à certifier les comptes du régime général et à se prononcer sur la cohérence des tableaux d'équilibre du dernier exercice clos.

Enfin, afin de donner plus de sens aux lois de financement, le projet de loi introduit une démarche « objectifs-résultats » : les programmes de qualité et d'efficience de la politique seront ainsi présentés en annexe.

Grâce au travail de la représentation nationale, ce projet a gagné en cohérence et en efficacité. Les modifications apportées, en particulier à l'initiative de l'Assemblée nationale, permettront ainsi de structurer les lois de financement en quatre parties - la première portera sur le dernier exercice clos, la deuxième sur celui de l'année en cours, la troisième sera relative aux recettes et à l'équilibre de l'année à venir, et la dernière aux dépenses de l'année à venir. Elles permettront en outre un contrôle plus étroit de la dette et des excédents et un vote plus précis de l'ONDAM, qui sera détaillé à cet effet en sous-objectifs - et, à ce propos, je précise à l'intention de M. Bur que les sous-objectifs relatifs aux personnes âgées et aux personnes handicapées seront distincts.

Il sera par ailleurs possible d'inclure les organismes concourant au financement des régimes de sécurité sociale dans le cadrage pluriannuel - je pense à la CADES ou au Fonds de réserve pour les retraites -, et d'approuver chaque année le montant des compensations d'exonérations présenté en annexe - les dérogations à la règle de compensation de ces exonérations ne pouvant désormais être décidées que dans le cadre de la loi de financement. Enfin le texte renforce les pouvoirs de contrôle et de suivi des commissions.

Voilà donc un texte ambitieux, que vous ne manquerez pas d'enrichir encore grâce aux amendements adoptés par la commission des lois.

A l'issue de cet examen, le Gouvernement souhaite que la troisième lecture intervienne rapidement au Sénat, afin que les mesures votées par le Parlement puissent s'appliquer dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois - Je salue la volonté de voir cette loi organique entrer en vigueur le plus rapidement possible, et je ne doute pas que notre excellente coopération avec la commission des affaires sociales et la commission des finances y aura contribué.

La commission des affaires sociales du Sénat a, quant à elle, approuvé les grandes lignes de notre travail, en particulier la structuration en quatre parties des lois de financement de la sécurité sociale, l'extension du principe de sincérité et l'engagement pris de limiter à l'avenir les transferts de dettes à la CADES, qui devront s'accompagner d'un transfert de recettes. A son initiative, ou à celle du Gouvernement, la Haute assemblée a, à son tour, adopté des amendements, notamment pour conforter la place de la CNSA, ou pour restreindre le nombre de votes requis pour l'adoption de la loi de financement, cela dans une optique de clarification qui me paraît défendable. En revanche, si l'on peut comprendre que nos collègues aient tenu à poser le principe d'un monopole de la loi de financement pour toute dérogation à la règle de compensation des exonérations de charges, je crains les conséquences négatives de cette disposition sur le droit d'amendement.

M. Yves Bur - Tout à fait, et c'est inacceptable.

M. le Rapporteur - La commission, elle, a adopté 28 amendements. Outre des amendements rédactionnels ou de cohérence, elle en a adopté d'autres visant à réparer l'oubli du régime des non salariés agricoles, à préciser le concept de neutralité financière, à rendre obligatoire la transmission triennale de la liste des régimes obligatoires et du nombre d'affiliés par régime et à restaurer le caractère obligatoire du rapport d'orientation du Gouvernement sur les finances sociales. Nous souhaitons enfin l'institution d'un débat d'orientation sur les finances sociales, concomitant ou non avec le débat budgétaire.

Avec ces propositions, nous entendons bien poursuivre le travail constructif mené en première lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Nous en venons à la discussion générale.

M. Gérard Bapt - Je commencerai mon intervention par une note positive en saluant votre présence à tous deux, Messieurs les ministres, alors qu'un seul nous avait honorés de la sienne en première lecture !

M. Pierre-Louis Fagniez - Voilà qui commence bien !

M. Gérard Bapt - Ce texte comporte quelques éléments positifs : il clarifie sur plusieurs points, et il conforte le contrôle exercé par le Parlement. Mais il souffre aussi de manques ou d'insuffisances. Ainsi, nous aurions préféré que les sous-objectifs relatifs aux personnes âgées et à la dépendance soient considérés comme des programmes, sur lesquels le Parlement aurait pu intervenir. Surtout, nous regrettons que ce projet ne rende pas obligatoire une loi de financement rectificative chaque fois que les objectifs retenus en matière de solde et de déficit, de dépenses et de recettes, doivent être reconsidérés. Le Sénat a même supprimé l'article habilitant le Gouvernement à prendre des décisions par ordonnances en la matière. Si nous sommes a priori opposés à cette procédure, elle aurait au moins permis un débat, bien nécessaire lorsque tous les clignotants sont au rouge, comme c'est actuellement le cas.

M. le Ministre - Pardon ?

M. Gérard Bapt - La commission des comptes de la sécurité sociale a en effet indiqué que le déficit du régime général devrait atteindre 11,6 milliards cette année. Ce dérapage n'est pas exclusivement dû à la branche maladie, dont le déficit devrait être un peu moins important qu'en 2004 avec 8,3 milliards.

M. le Ministre - Sans notre réforme, il serait de 16 milliards.

M. Gérard Bapt - Une note de Bercy avait précisé qu'en 2007, le déficit devrait se situer entre 8 et 15 milliards...

M. le Ministre - Nous vous donnons donc rendez-vous en 2007.

M. Gérard Bapt - ...et tel sera sans doute le cas.

Il faut également sauver de la quasi-faillite le Fonds de solidarité vieillesse dont le déficit atteindra près de deux milliards, mais aussi le régime social des exploitations agricoles pour lequel il est de 1,6 milliard. L'Etat n'assurant plus ses obligations, l'assurance maladie pourrait en outre être mise à contribution - ce qui serait du plus mauvais effet pour le ministère de la santé -, afin de prendre en charge les dettes du fonds spécial vieillesse. Dans ce contexte, la CNSA est également inquiète et son conseil d'administration a fait savoir que les deux milliards de recettes de la journée de solidarité ne devront pas se substituer aux dépenses de l'assurance maladie - la manœuvre est d'autant plus tentante que cette caisse est en excédent de 500 millions et qu'une nouvelle mise en réserve de 200 millions est prévue en 2006. Je demande donc à M. le ministre de s'engager à ce que les fonds de la CNSA ne soient pas affectés à d'autres objectifs que la médicalisation des maisons de retraite et le financement des prestations de compensations du handicap.

Quant à la CADES, j'ai constaté sur son site que le mandat de son conseil de surveillance, dont le représentant de l'opposition, M. Besson, a démissionné il y a un an, avait expiré au mois de mai et que le nouveau conseil n'était toujours pas en place. Ne serait-il pas opportun de le renouveler au plus tôt ? J'ai par ailleurs interrogé le Gouvernement sur le compte ouvert par cet établissement public sur une chambre de compensation luxembourgeoise, la Clearstream.

M. le Ministre - Je vous ai répondu précisément.

M. Gérard Bapt - Comment le ministre de l'économie a-t-il pu me répondre que la CADES ne disposait pas d'un tel compte alors que la photocopie d'une page de l'annuaire de la Clearstream - que je tiens à votre disposition -indique que le compte SO 0155 correspond bien à un compte CADES Trésor public ?

J'aimerais par ailleurs des éclaircissements sur un amendement que, semble-t-il, le Gouvernement s'apprêterait à déposer pour élargir aux organismes relevant du champ des lois de financement de la sécurité sociale la procédure budgétaire de prélèvement sur recettes prévue à l'article 6 de la LOLF. Je m'étonne qu'un tel amendement soit déposé en deuxième lecture alors même qu'un projet est actuellement en navette concernant le budget de l'Etat.

Quel peut être l'intérêt de débudgétiser ainsi 19 milliards d'euros d'allégements de cotisations ? S'agit-il uniquement de respecter la norme de dépenses ? Nous redoutons pour notre part que ce prélèvement sur recettes ne soit qu'un moyen de transférer à l'assurance maladie - donc aux assurés sociaux - la charge des exonérations de cotisations sur les bas salaires. Cet amendement a-t-il été adopté en commission au titre de l'article 88 ? Si tel est le cas, comment expliquer qu'une disposition de cette importance puisse nous être soumise à ce stade de la discussion ?

M. Jean-Luc Préel - Près de trois mois après la première lecture, ce texte important nous revient du Sénat avec quelques modifications.

Jusqu'en 1995, le Parlement ne pouvait se prononcer sur les dépenses sociales, dont le montant est pourtant supérieur à celui du budget de l'Etat et l'impact économique et social, majeur. La loi organique de 1996 a certes marqué un tournant, mais elle a vite montré ses limites : pas plus que ceux des partenaires sociaux et de l'Etat, les rôles respectifs du Gouvernement et du Parlement n'ont été définis. Il est vrai que la Constitution encadre strictement l'initiative parlementaire, mais le Parlement se bride lui-même, en raison du phénomène majoritaire - quoi qu'elle puisse penser, la majorité soutient le Gouvernement, automutilation fort regrettable. Il ne serait pourtant pas scandaleux, loin de là, que les parlementaires puissent améliorer le texte du Gouvernement par voie d'amendement, ce qui est aujourd'hui rarissime. La pratique actuelle est l'une des raisons du mauvais fonctionnement de notre démocratie et de la crise politique que nous traversons.

Parce qu'il était nécessaire de modifier la loi organique, ce texte, même imparfait, n'en constitue pas moins un progrès. Il nous permettra de nous prononcer sur le solde de tous les régimes obligatoires de base - et non plus des seuls régimes comptant plus de 20 000 adhérents - et d'intégrer les fonds sociaux. Les lois de financement auront une dimension pluriannuelle et le projet prévoit en outre la certification des comptes par la Cour des comptes. La première lecture a permis de l'améliorer en intégrant la CADES, le FRR et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, et en prévoyant un vote en quatre parties - règlement de l'année passée, rectification portant sur l'année en cours, recettes et dépenses de l'année à venir - ainsi que le financement des futurs déficits transférés à la CADES, cela grâce à un « amendement remords » visant à ne pas pénaliser une fois de plus, après la réforme de 2004, nos enfants et petits-enfants.

Le texte demeure cependant imparfait : l'UDF avait bien déposé des amendements en première lecture, mais ils ont tous été rejetés. Il n'est pas trop tard pour réparer cette erreur.

M. le Rapporteur - Nous la réparerons !

M. Jean-Luc Préel - Vous ne dites rien des partenaires sociaux, déjà mis sur la touche lors de la réforme de l'assurance maladie. Il faut pourtant relancer le dialogue social, ce qui suppose de laisser les représentants des salariés et des entreprises prendre leurs responsabilités dans leur domaine de compétence, au demeurant financé par les cotisations salariales et patronales. C'est pourquoi l'UDF propose que les partenaires sociaux disposent d'une réelle autonomie pour gérer le régime de retraite de base, comme c'est le cas pour celui des retraites complémentaires - excédentaire cette année - et pour le régime d'assurance chômage, et qu'ils puissent librement décider des prestations et des cotisations, en évoluant vers un régime par points. Nous demandons de même autonomie et gestion paritaire pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, et avons déposé deux amendements en ce sens. Il serait dommage de ne pas profiter de ce texte pour responsabiliser davantage les partenaires sociaux.

Le projet ne réglera pas, non plus, le problème de la définition et du respect de l'ONDAM. En effet, si le vote des objectifs concernant la retraite et la famille ne pose pas de problème majeur, l'évaluation des recettes étant relativement aisée, il n'en est pas de même pour la santé. L'absence de respect des objectifs de dépenses, et donc du déficit, est dû à la volonté du Gouvernement de surestimer les recettes et de sous-estimer les dépenses, en proposant un ONDAM irréaliste, le pourcentage d'augmentation étant fixé par Bercy à partir d'une estimation réalisée en octobre. Cette pratique, aggravée par le rebasage systématique, aboutit à un ONDAM déconnecté de toute donnée médicale et à des déficits considérables, supportés par la CADES.

Il faut donc médicaliser l'ONDAM et responsabiliser tous les acteurs. Or nous n'en prenons pas le chemin. Certes, le vote en quatre parties et la perspective pluriannuelle ne manquent pas d'intérêt. Mais comment faire respecter un ONDAM qui ne prend pas en compte la réalité médicale ? Ainsi, les hôpitaux représentent 50% des dépenses de santé et consacrent 65% de leur budget aux dépenses de personnel : la moindre des choses, si l'on veut éviter les reports de charges, serait que la ligne budgétaire correspondante permette le financement des salaires, du GVT et des revalorisations statutaires.

L'UDF préconise une réelle régionalisation de la santé, avec une définition des besoins et des priorités au niveau des conseils régionaux de santé. Un Conseil national de santé, émanation de ces conseils régionaux, serait institué pour définir les priorités de santé, permettant au Gouvernement de soumettre au printemps un projet de loi d'orientation. Les conseils régionaux de santé et les ARS géreraient l'ONDAM régionalisé. Tous les acteurs deviendraient ainsi responsables. Nous avons déposé des amendements en ce sens.

Par ailleurs, si nous approuvons le principe du vote de sous-objectifs, il serait étonnant de laisser l'administration décider de la répartition de l'ONDAM entre l'ambulatoire, les établissements, le sanitaire et le médico-social. Le deuxième reproche majeur adressé à la pratique actuelle est en effet la non-fongibilité des enveloppes. L'UDF a donc déposé des amendements visant à remplacer le vote des sous-objectifs par celui d'enveloppes régionales confiées aux ARS.

Reste à voir comment respecter l'ONDAM, si nous ne voulons pas que le vote ne soit qu'un vœu pieux. La réforme de l'assurance maladie a créé le comité d'alerte qui, lorsque les dépenses dépassent de 0,75% les prévisions, demande à la CNAM et au Gouvernement de prendre dans un délai d'un ou deux mois les mesures pour « revenir dans les clous ». Nous proposons un délai d'un mois. Nous avions voté en première lecture, sur la suggestion d'Yves Bur, un amendement habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Cela avait l'inconvénient de « court-circuiter » le Parlement : le Sénat a donc supprimé cette disposition. L'UDF propose donc une loi rectificative avec déclaration d'urgence.

Permettez-moi encore deux remarques. Yves Bur avait fait adopter un amendement revenant à interdire le rebasage systématique. Le Sénat est revenu, me semble-t-il, sur cette disposition. Il faut la rétablir. Par ailleurs, la LOLF prévoit la définition de programmes et d'indicateurs de performance. Il est regrettable de n'avoir pas retenu le même principe pour les finances sociales.

Ce projet constitue certes un progrès, mais demeure imparfait. L'UDF vous propose de l'améliorer, en renforçant le pouvoir des partenaires sociaux au sein de la CNAVTS, en créant une caisse spécifique maladies professionnelles-accidents du travail gérée paritairement, en médicalisant l'ONDAM, en responsabilisant tous les acteurs de la santé, en instaurant la fongibilité des enveloppes entre l'hôpital, l'ambulatoire, le sanitaire et le médico-social, en régionalisant notre système de santé et en exigeant la compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales.

Si vous acceptez nos amendements, nous voterons ce texte avec enthousiasme !

Mme Muguette Jacquaint - Ce texte conforte la mainmise de l'Etat sur la sécurité sociale qu'opéraient vos précédentes réformes. En imposant un cadre comptable indépassable aux lois de financement de la sécurité sociale, vous confirmez la stratégie de privatisation de notre couverture sociale.

Ce texte instaure une nouvelle procédure d'évaluation et de vote des lois de financement de la sécurité sociale. Sa dernière mouture maintient la règle de la subordination des dépenses aux recettes : le Parlement entérinera les recettes de l'année antérieure, puis votera les dépenses pour l'année à venir en fonction des recettes passées et de l'estimation des recettes futures. Or, votre politique de l'emploi ne laisse aucun doute : ces recettes ne suffiront pas à financer les besoins sociaux. Les soldes seront donc vite dépassés, et vous aurez beau jeu d'imposer une réduction méthodique du périmètre de la couverture socialisée en désignant, comme à l'accoutumée, une série de coupables. Curieuse vision de la transparence, du contrôle parlementaire et de la sincérité des comptes !

Ce qu'il faudrait au contraire, c'est adapter les ressources aux dépenses nécessaires à une bonne prise en charge des assurés sociaux. Vous confortez une société à deux vitesses, dans laquelle certains sont couverts correctement, d'autres pour le minimum.

Pourtant, comme l'a montré l'échec de la réforme Juppé de 1995, cette logique n'a jamais assuré l'équilibre financier ni l'efficacité sociale. Ces lois de financement ne font que soumettre notre système de sécurité sociale aux impératifs monétaires européens, et offrir aux appétits de la finance internationale ce gâteau de 350 milliards.

Car tel est bien l'objectif que vous poursuivez depuis trois ans, sous couvert de résorber les déficits ! Les prélèvements augmentent, les prestations se réduisent. De 1992 à 2005, assurés et contribuables ont contribué pour 5 points supplémentaires de PIB au financement de la sécurité sociale. Pour 2005, cette hausse est de 5,7 milliards, dont 1,7 milliard suite à la réforme des retraites, un milliard au titre de la CNSA et 3 milliards pour la réforme de la branche maladie. Et pour 2006, le transfert au régime général du déficit de la branche agricole coûtera 1,3 milliard. Pendant ce temps, comme le note le rapport provisoire de la commission des comptes de la sécurité sociale pour 2004 et 2005, les dépenses de la branche maladie ralentissent, ce qui explique d'ailleurs son apparent redressement. En effet, vos « économies » consistent à faire payer les assurés - un milliard pour la maîtrise médicalisée, 300 millions sur les indemnités journalières, 600 millions pour le forfait de un euro, 100 millions par relèvement du forfait hospitalier ! Au total, ce sont 2 milliards qu'ils auront à payer de leur poche, s'ils ne veulent pas payer de leur santé. Quant aux autres branches, pour la première fois elles seront toutes déficitaires cette année, ce qui laisse prévoir d'autres mesures restrictives.

Pour préparer le terrain, vous invoquez la conjoncture, le cours du pétrole, et vous houspillez les Français qui vivraient au-dessus de leurs moyens, ce qui obligerait à trancher dans les dépenses sociales. Foin de ces poncifs d'un libéralisme éculé, parlons plutôt de la politique calamiteuse que vous menez à bride abattue depuis trois ans !

Vous avez jeté sur le pavé 230 000 chômeurs supplémentaires, fait de la précarité un mode de régulation sociale, saccagé l'emploi industriel et finalement détruit plus d'emplois qu'il n'en a été créé. Vous avez persévéré dans les allégements de charges et les exonérations fiscales inefficaces, encouragé la finance au détriment de l'emploi, et même lié certaines rémunérations aux résultats financiers des entreprises.

Prétendant sauver les PME, vous avez mis à contribution les organismes de sécurité sociale, mais épargné les banques et assurances qui asphyxient ces entreprises, et laissé intact le système qui en fait des variables d'ajustement pour les grands donneurs d'ordre.

Tel est votre bilan. Et les dindons de cette mauvaise farce, ce sont les organismes de sécurité sociale et les assurés sociaux. La victime de votre ultra-libéralisme, c'est notre système solidaire de sécurité sociale que vous privez de ressources vitales, celles-ci étant tributaires de l'emploi.

Vous voulez aujourd'hui nous faire cautionner votre logique en validant une procédure qui subordonne les dépenses sociales à des recettes que vous voulez réduire au maximum. Une telle attitude est totalement irresponsable, quand déjà, des malades renoncent à se soigner, que les établissements ont du mal à assumer leurs missions de service public, que le pouvoir d'achat des retraités stagne, que la dépendance est très insuffisamment prise en charge et que les besoins des familles augmentent !

Pour résoudre tous ces problèmes, vous ne faites aucune proposition et, quand nous avons présenté les nôtres, vous les avez balayées d'un revers de main.

Votre politique ne répond pas aux besoins sociaux, n'assure pas l'équilibre financier des organismes, ni l'avenir de la France en Europe. En l'état, nous ne pouvons approuver ce texte.

M. Jean-Pierre Door - La loi de financement de 1996 a atteint ses limites, sur la forme comme sur le fond. Il fallait donc la rénover, instaurer des mécanismes plus clairs et mieux assurés pour mieux gérer les comptes sociaux.

La nouvelle loi organique rejette la maîtrise comptable des dépenses, instaure un cadre pluriannuel pour le budget de la sécurité sociale, organise le vote par branche, en vue d'assurer l'équilibre des différents régimes. Elle fixe des objectifs clairs et prévoit une évaluation.

Nous en sommes satisfaits, mais nous regrettons, comme les sénateurs, qu'il ne soit pas traité au fond de la compensation intégrale par l'Etat des exonérations de cotisations mises à la charge de la sécurité sociale car, de ce fait, les comptes de l'assurance maladie sont faussement transparents. Néanmoins, puisque le texte rend les lois de financement plus lisibles et plus crédibles, nous nous contenterons de l'annexe qui fait le bilan des exonérations.

C'est pour nous inscrire dans une logique d'objectifs et de résultats que, sur le modèle de la LOLF, est créée une annexe contenant ces informations. Elle présentera les programmes de qualité et d'efficacité de chacune des branches de la sécurité sociale et nous informera mieux sur l'état sanitaire du pays et sur les besoins de santé publique.

Quant à l'ONDAM, l'objectif voté n'est jamais respecté et il est impossible de déterminer comment il doit s'ajuster dans chaque domaine. Gouvernement et Parlement y perdent en crédibilité et les professionnels de santé restent sceptiques sur la maîtrise qui leur est demandée. Instaurer des sous-objectifs détaillés permettra de mieux distinguer les grands postes de charges et de passer à une véritable maîtrise médicalisée, ainsi que de rendre l'ONDAM opposable en cas d'évolution anormale de l'un des sous-objectifs. A cet égard, il importe de retenir comme catégories les soins de suite, l'hospitalisation publique, l'hospitalisation privée, les personnes handicapées et les personnes âgées. Cette nouvelle architecture de l'ONDAM confirme la maîtrise médicalisée. Par ailleurs, ce projet de loi est bâti de manière à prendre en compte les perspectives financières sur quatre années, ainsi que l'ensemble du contexte économique.

Ce texte, certes très technique, était attendu depuis la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. Il propose une structure plus claire, des comptes mieux établis. Il embrasse l'ensemble des régimes de sécurité sociale et les pouvoirs parlementaires de contrôle et de suivi en sortiront renforcés. Il apportera plus de lisibilité et de sincérité. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP le votera. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Bur - Ce projet de loi organique représente un véritable progrès sur le chemin de la transparence en matière de finances sociales. Il est temps de rappeler à nos concitoyens que notre attachement désespéré à un modèle social ne prépare pas la France à relever les défis d'un monde où émergent de nouveaux pôles de développement économique, d'autant plus que ce modèle, producteur d'inégalités, de chômage et d'exclusion, est financé à crédit.

Comme l'a souligné le rapport Camdessus, la France est confrontée au risque de décrochement si nous n'engageons pas rapidement des réformes structurelles afin de reformater le fonctionnement de l'Etat et de maîtriser les dépenses sociales. L'immobilisme nous conduit collectivement à nous décharger honteusement de notre fardeau sur les générations futures qui, dans un monde plus exigeant encore, auront à assumer notre irresponsabilité.

Pour avancer sur le dur chemin des réformes, nous devons faire œuvre de pédagogie et convaincre nos compatriotes que le statu quo ne constitue qu'une illusion de sécurité. En effet, le monde ne nous attend pas pour changer et personne ne nous envie notre modèle social car il est injuste.

Ce texte nous donne l'occasion de franchir un pas supplémentaire vers plus de transparence et de sincérité dans les comptes sociaux, conditions nécessaires pour une plus grande rigueur dans la gestion des finances sociales. La réalité des chiffres doit nous convaincre d'en finir avec la fuite en avant des dépenses. Pour moi, la loi organique n'est pas un outil technique de maîtrise comptable, mais un outil de rigueur morale au service de l'intérêt général (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP), pour assurer la survie de notre système de solidarité.

Parce que l'Allemagne a affronté à bras le corps la dérive de son système de santé, elle a su en un an ramener le déficit de ses comptes sociaux de 7 à 1,8 milliard d'euros. Nous devons suivre son exemple. Quel que soit le mode de financement proposé par le Gouvernement et retenu aujourd'hui, il nous faut assurer la pérennité de notre sécurité sociale sans en faire porter la charge aux les générations futures. Ayons le courage d'assumer nos responsabilités ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles Carrez - Les allégements de charges sociales patronales de droit commun, après l'unification du SMIC intervenue le 1er juillet dernier, atteignent 19 milliards d'euros, soit 7% des dépenses de l'Etat. Face à un effort aussi important de la nation, il convient tout d'abord, puisque le système est stabilisé, de cerner plus précisément le montant des exonérations de charges et celui des cotisations patronales. Par ailleurs, il faut mettre fin à la politique des coups de pouce au SMIC, qui consiste à financer ce dernier par des allégements de charges sociales pesant sur les contribuables.

Ensuite, il convient de procéder à l'évaluation du dispositif. Ces allégements favorisent-ils efficacement l'emploi ? En réalité, c'est une véritable bouteille d'encre car nous devons faire face, sur un mode défensif, à l'héritage des 35 heures et soutenir, sur un mode offensif le dispositif mis en place entre 1993 et 1997, pour favoriser la création d'emplois - je veux parler de la « ristourne dégressive ». Plus personne n'y voit clair. Les emplois les plus vulnérables aux délocalisations bénéficient-ils de ce dispositif ? N'y a-t-il pas un risque de trappe à bas salaires ? L'augmentation préoccupante du nombre de Français rémunérés au SMIC semble le suggérer.

Enfin, ces allégements de charges relèvent-ils du budget de l'Etat ou de celui de la sécurité sociale ? Monsieur le ministre, vous nous présenterez sous peu, par un amendement, votre solution. D'ores et déjà, l'on peut avancer qu'il en existe trois : reconstituer un FOREC, opérer un prélèvement sur recettes ou transférer la dépense aux collectivités en leur accordant des fractions de recettes fiscales pour faire face à cette nouvelle dépense.

Le FOREC, créé sous la précédente majorité, était tout sauf satisfaisant, avec ses ressources si diverses qu'on aurait dit un catalogue à la Prévert. Dans un souci de transparence, l'actuelle majorité a budgétisé le FOREC dès 2004. Mais, en 2006, nous serons dans l'incapacité d'absorber les 2 milliards d'euros supplémentaires que coûteront les exonérations de charges patronales en régime de croisière.

M. Gérard Bapt - Quel aveu !

M. Gilles Carrez - Comment faire ? Le prélèvement sur recettes a ma préférence car il est encadré par l'article 6 de la LOLF - il suffisait d'ajouter aux deux catégories d'intervenants autorisés, l'Europe et les collectivités locales, les relations contractuelles entre le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale au titre des exonérations de charges sociales patronales. J'ai soumis cette proposition par écrit au ministre du budget il y a quinze jours.

Enfin, reste la possibilité de transférer la dépense et, le moment venu, de transférer à l'euro près les recettes correspondantes, dont une fraction de la taxe sur les salaires et de la TVA.

M. Gérard Bapt - Encore une charge supplémentaire pour les régions !

M. Gilles Carrez - Cependant, si ce type de transfert vaut pour les collectivités locales, les exonérations de charges sociales patronales ne relèvent pas de la responsabilité de la sécurité sociale...

M. Gérard Bapt - Très bien !

M. Gilles Carrez - ...mais de l'Etat, qui reste le décideur principal s'agissant de la politique de l'emploi. Il ne serait donc pas cohérent de transférer ces dépenses aux collectivités.

Quoi qu'il en soit, Messieurs les ministres, je vous remercie d'avoir abordé cette question essentielle, que nous n'avons pu évoquer la semaine dernière lors du débat sur la révision de la LOLF.

M. Gérard Bapt - Pourquoi ?

M. Gilles Carrez - Disons que nous nous sommes réveillés un peu tard ! (« Belle franchise ! » et sourires sur les bancs du groupe UMP) Quoi qu'il en soit, l'idée du prélèvement sur recettes mérite d'être approfondie. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Je remercie à mon tour M. Warsmann, pour la qualité exceptionnelle de sa contribution, ainsi que les rapporteurs de vos commissions des affaires sociales et des finances. Il est heureux que ce texte soit discuté avant que ne s'achève la session extraordinaire, de sorte que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 puisse être présentée dans le nouveau cadre ainsi dessiné. Compte tenu de la qualité des travaux parlementaires, votre commission des lois n'a adopté qu'un nombre limité d'amendements, et j'indique d'emblée que le Gouvernement souscrit à la plupart d'entre eux.

Les sénateurs ont conservé telles quelles la plupart des dispositions que vous aviez adoptées en première lecture, notamment pour ce qui concerne les modalités d'amortissement des dettes transférées à la CADES. Ils ont en outre adopté plusieurs amendements importants, tels celui intégrant la CNSA dans le cadre de la loi de financement ou celui qui assure à cette dernière un monopole sur la dérogation au principe de compensation et qui, - contrairement à ce qui a été dit - restera sans conséquence sur le droit d'initiative parlementaire.

Vos nouveaux amendements apportent d'utiles précisions, notamment pour ce qui est du régime des non-salariés non agricoles.

Je n'ignore pas que la possibilité d'organiser au Parlement un débat d'orientation sur les finances sociales vous tient à cœur. S'agissant d'une affaire qui concerne au premier chef l'organisation de vos travaux, vous comprendrez que le Gouvernement s'en remette sur ce point à la sagesse de votre assemblée.

Je remercie Jean-Pierre Door d'avoir exprimé le soutien du groupe UMP à ce projet de loi organique...

M. Gérard Bapt - C'est le moins qu'il puisse faire !

M. le Ministre délégué - S'agissant de l'ONDAM, il y a tout lieu de se féliciter qu'il puisse être désormais décliné en au moins cinq sous-objectifs : soins de suite, hospitalisation publique, hospitalisation privée, personnes âgées, personnes handicapées. Je confirme donc s'il en était besoin que, pour ce qui concerne le secteur médico-social, deux sous-objectifs distincts retraceront respectivement l'évolution attendue des dépenses relatives aux personnes âgées et celle des dépenses concernant les personnes handicapées... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) L'ensemble de ces objectifs témoigne de l'inscription de ce projet dans une démarche de maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Le texte confirme en outre le caractère pluriannuel des lois de financement et je remercie M. Door d'avoir souligné qu'il permettrait que les comptes soient plus transparents, tout en confortant le pouvoir de contrôle du Parlement.

Oui, cher Yves Bur, il ne faut plus se décharger du fardeau des déficits sur les générations futures ! Oui, il faut, pour y parvenir, faire œuvre de pédagogie, de sincérité et de transparence. Oui, la rigueur morale doit être mise au service de l'intérêt général : c'est du reste l'esprit de cette loi organique et des grandes réformes sociales - assurance maladie et retraites - qui l'ont précédée.

Je remercie Jean-Luc Préel d'avoir souligné les progrès qu'apporte ce texte tel que la première lecture l'a modelé. Avec la réforme de l'assurance maladie, il contribuera en effet à accroître la fiabilité et la portée de l'ONDAM, qui sera désormais construit à partir des prévisions de charges - et de recettes - de l'association des différentes caisses. Grâce à sa déclinaison, l'objectif national sera également plus précis et il présentera de meilleures chances d'être respecté, le comité d'alerte devant émettre avant le 30 juin de chaque année un « avis d'alerte », si un risque de dérapage de plus de 0,75 point était à déplorer.

M. le Rapporteur général Carrez a légitimement insisté sur l'exigence de transparence, en particulier pour ce qui concerne la compensation des exonérations de cotisations sociales patronales décidées en application de la politique de l'emploi du Gouvernement. Grâce à vos travaux de première lecture, les loi de financement de la sécurité sociale comporteront désormais un tableau annexé des exonérations et des compensations. Je sais cependant que cela ne répond pas totalement à votre préoccupation d'assurer la neutralité financière des décisions prises par l'Etat en matière de cotisations patronales de sécurité sociale sur les comptes de la sécurité sociale. Dès lors, comment traiter les exonérations ? Plusieurs possibilités s'offrent à nous. Il y avait la formule ancienne du FOREC, patchwork confus de recettes incertaines : elle a été abandonnée et il n'est pas question de la rétablir...

M. Gilles Carrez - Très bien !

M. le Ministre délégué - Il est aussi possible de recourir à une subvention d'Etat, d'opérer des prélèvements sur recettes ou d'affecter des recettes fiscales à la sécurité sociale. La réflexion est engagée, dans le cadre de la préparation du PLF et du PLSS pour 2006. Je rappelle à toutes fins utiles qu'en 1994, au moment de l'adoption de la loi Veil - laquelle est toujours en vigueur -, 70% des exonérations de cotisations employeurs décidées par les gouvernements antérieurs successifs ne faisaient l'objet d'aucune compensation à la sécurité sociale. Grâce à la politique conduite depuis plusieurs années, nous n'en sommes plus là, puisque 10% seulement des exonérations de cotisations sociales ne sont toujours pas compensées aujourd'hui. A l'avenir, il faudra s'assurer que la perte de recettes constituée par les exonérations soit compensée à l'euro près, en se souvenant que cette perte porte de surcroît sur la part la plus dynamique de la masse salariale. Le vecteur de compensation devra être choisi à la lumière de cette caractéristique importante, dans le strict respect des principes de la loi Veil.

Comme nous tous, Monsieur Préel, vous êtes très attaché à la régionalisation et vous avez proposé à ce titre que les enveloppes régionalisées deviennent fongibles. C'est une idée à creuser, mais, dans un premier temps, la priorité du Gouvernement est de mettre en œuvre la loi du 13 août 2004, qui va permettre d'expérimenter les agences régionales de santé, à partir des ARH et des URCAM. A l'instar de M. Bur, vous avez évoqué les indicateurs de performance : il est heureux que la loi organique - s'inspirant à cet égard de la LOLF - prévoie des programmes de qualité et d' « efficience », dans la ligne des conventions quadriennales d'objectifs et de gestion introduites par l'ordonnance de 1996. A ce sujet, je suis heureux d'indiquer que la convention avec la CNAF a fait l'objet vendredi dernier d'un accord de principe qui vient régler des difficultés non résolues depuis plusieurs mois.

M. Bapt a bien voulu reconnaître que ce texte permettrait des avancées en ce qui concerne l'information du Parlement, le dispositif proposé gagnant en clarté, et je le remercie de cette appréciation. Il a par contre évoqué - de même que Mme Jacquaint - une « lourde aggravation » des déficits de la sécurité sociale et je me dois par conséquent de rétablir certaines vérités : cette année, les comptes de la sécurité sociale s'améliorent enfin ! Avant la réforme de l'assurance maladie, en tendance, le déficit pour 2005 était estimé à 14 milliards et on prévoyait qu'il serait de 16 milliards en 2006. Nous avons ramené - et ce n'est pas moi qui le dis mais la Commission des comptes de la sécurité sociale - le déficit de l'assurance maladie pour 2005 à 8,3 milliards, et nous allons continuer de le réduire, en concertation avec les partenaires sociaux et les signataires de la convention médicale. C'est la seule façon d'assurer à tous les Français un haut niveau de protection sociale. Le souci du Gouvernement est de permettre l'égal accès aux soins et le financement du progrès médical, source de dépenses croissantes liées aux nouvelles technologies médicales, aux nouveaux médicaments et au vieillissement de la population. Il faut donc appliquer cette politique de maîtrise médicalisée des dépenses.

M. Gérard Bapt - Et le FIPSA ?

M. le Ministre délégué - Cette politique a commencé à porter ses fruits. Elle ne mène, Madame Jacquaint, ni à une étatisation, ni à une privatisation - et comment pourrait-elle conduire aux deux à la fois ? Le système de sécurité sociale à la française est préservé et dix ans de pratique des lois de financement de la sécurité sociale ont prouvé que le rôle des partenaires sociaux ne s'en trouvait pas marginalisé : au contraire, leur responsabilité de gestion a été confortée, notamment grâce à la contractualisation avec l'Etat dans le cadre des conventions d'objectifs et de gestion. Et quant aux remboursements, rien dans la réforme de l'assurance maladie ne les a modifiés non plus que la frontière entre couverture de base et complémentaire. Notre réforme structurelle, reposant sur la maîtrise médicalisée et les changements de comportement, vise à sauver l'assurance maladie pour, justement, préserver notre système, afin que les droits des assurés sociaux continuent à être garantis et des soins de qualité offerts à tous.

Mme Muguette Jacquaint - On dit la même chose depuis des années, et on n'a rien sauvé !

M. le Ministre délégué - Je me réjouis donc que l'Assemblée examine ce projet de loi organique qui permettra la maîtrise médicalisée des dépenses et évitera de reporter le fardeau du déficit sur les générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt - C'est déjà fait !

Mme la Présidente - J'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Gérard Bapt - L'amendement 55 vise à supprimer quelques articles de la loi sur la solidarité et l'autonomie des personnes âgées pour réaffirmer notre opposition de principe à la journée de travail gratuit imposée aux seuls salariés, d'autant que le bilan que l'INSEE a tiré de son impact sur la croissance est négligeable.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 55, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Bapt - L'amendement 56 est dans le même esprit.

L'amendement 56, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Bapt - En ce qui concerne les compensations, s'il est incontestable que nous avions trouvé des solutions compliquées, avouez que vous avez fait au moins aussi bien, ne serait-ce qu'avec la CNSA ! J'avais voulu croire M. Douste-Blazy lorsque, par une déclaration solennelle, il avait affirmé que la loi Veil serait intégralement appliquée et que toute exonération de charge patronale serait compensée, mais celles de la loi de cohésion sociale concernant les nouvelles catégories d'emplois aidés ne le sont pas ! L'amendement 58 vise donc à vous faire souvenir des engagements pris par vos prédécesseurs.

M. le Rapporteur - Cet amendement a déjà été rejeté en première lecture. Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 58, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur - L'amendement 1 est rédactionnel.

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Gérard Bapt - L'amendement 64 reprend une idée émise dans le rapport Coulomb - dont nous regrettons qu'il ne soit pas mieux pris en considération dans la loi organique - en faveur de la médicalisation de l'ONDAM. Il est important de réaffirmer la dimension essentielle, pour la construction de cet objectif, des déterminants de santé.

L'amendement 64, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Ainsi que M. Bapt vient de le dire, l'un des principaux reproches faits à l'ONDAM est de ne pas être médicalisé. L'autre est la non-fongibilité des enveloppes : les budgets sont différents pour l'hôpital et la ville, pour le sanitaire et le médicosocial. Or, peut-on dire, lorsque quelqu'un vient en urgence à l'hôpital, ou pour une consultation, s'il s'agit d'ambulatoire ou d'hospitalisation ? Faire voter des sous-objectifs revient à figer la non-fongibilité des enveloppes. L'amendement 28 vise donc à les supprimer. La constitution d'enveloppes régionales me paraît une perspective d'avenir bien plus intéressante.

M. le Rapporteur - Nous sommes attachés au principe des sous-objectifs. En revanche, ils ne seront pas fixés dans la loi organique, précisément pour laisser la souplesse nécessaire pour l'avenir. Avis défavorable.

M. le Ministre - Nous n'avons pas de divergences sur la question de la régionalisation, mais peut-être sur la méthode et le calendrier. Même dans les régions qui portent déjà des projets, on ne sait pas encore précisément ce que doit être la régionalisation. Sur la question, nous avançons conformément au calendrier qui a été précisé l'an dernier. En ce qui concerne les enveloppes régionales, qui peuvent être une déclinaison de la régionalisation, le Gouvernement n'a donc rien changé à sa position. Quant aux sous-objectifs, il n'est pas question de figer les choses ici et maintenant. Nous souhaitons continuer à en discuter, pour trouver la logique la plus conforme à la volonté des parlementaires d'avoir une vision beaucoup plus fine des choses. Une chose est sûre, c'est que les sous-objectifs que nous avons évoqués pour l'instant vont permettre au Parlement d'aller beaucoup plus loin dans l'analyse des besoins médicaux. Nous partageons donc la même finalité, mais la démarche du Gouvernement correspond mieux à l'état de la situation.

M. Gérard Bapt - Il reste que le lien entre le médical et le social doit être le mieux possible adapté aux besoins régionaux. A cet égard, je pense que l'amendement 28 ouvre une piste aux futures agences régionales de santé, même si la majorité semble renâcler devant leur création. Vous avez fait un pas en avant avec les missions régionales, dont on constate déjà les limites - il suffit de parler avec des gens de l'URCAM pour en être persuadé. La loi avait prévu l'expérimentation d'agences régionales de santé dans quelques régions. Où en est-on ? Je rappelle que la région Midi-Pyrénées, entre autres, était candidate.

M. Jean-Luc Préel - Le ministre m'a répondu de la façon la plus urbaine, mais il reste étonnant que des parlementaires voient très bien un problème et renoncent à le résoudre par voie d'amendements ! On sait tous que la non-fongibilité des enveloppes est un grave défaut, et vous allez faire voter des sous-objectifs qui vont la conforter ? Vous avez dit, pour répondre à l'interrogation légitime de certains lobbies, qu'il y aurait une enveloppe pour les personnes âgées et une pour les personnes handicapées. Vous confortez encore la non-fongibilité ! C'est absurde ! Lorsqu'une personne âgée est en long séjour, s'agit-il d'hospitalisation ou de médicosocial ?

Personne ne pourra se sortir de ce système tant il est cloisonné !

M. Jean-Pierre Door - Je ne comprends guère le raisonnement de M. Préel. Tel qu'il existait, l'ONDAM n'était jamais validé, et M. Coulomb lui-même - je vous renvoie à son excellent rapport - est favorable à cette déclinaison en sous-objectifs. Il faudra alors décliner un objectif national en plusieurs enveloppes, dans des domaines différents. Cette mesure est excellente, et nous ne voterons pas l'amendement de M. Préel.

M. le Ministre - Parce que je suis très attaché à la démographie médicale, je me permettrai de répondre de manière un peu moins urbaine à M. Préel, en lui rappelant, s'agissant des lobbies, qu'il faut prendre garde aux propos tenus, car ce n'est pas la première fois que le Gouvernement insiste sur la nécessité de ne pas mélanger la question des personnes âgées et celle des personnes handicapées, comme le souhaite du reste l'ensemble des acteurs.

Par ailleurs, seule la logique de sous-objectifs nous permettra d'y voir plus clair, et de renforcer le contrôle parlementaire. Nous savons d'ores et déjà faire fonctionner les réseaux, qui se sont multipliés depuis 2002 grâce à la multiplication de leurs crédits par sept. Les choses seront encore plus faciles grâce à notre nouveau dispositif.

Monsieur Bapt, les MRS sont un premier pas et donnent déjà de bons résultats, notamment pour ce qui est de définir les besoins au plus près du terrain, mais elles n'ont pas vocation à remplacer les ARS. S'il y a un problème de calendrier, il n'y a pas de divergence sur le fond.

L'amendement 28, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 78 est rédactionnel. Je le préfère au 79 de M. Bur.

M. Yves Bur - L'amendement 79 est de clarification.

M. le Ministre - La préférence du Gouvernement va également à l'amendement de la commission.

L'amendement 78, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 79 tombe.

M. Jean-Luc Préel - Monsieur Door, nous n'avons sans doute pas rencontré les mêmes personnes, car celles que j'ai vues se sont toutes plaintes de la non-fongibilité des enveloppes !

Quant à l'amendement 30, il tend à ce que le Parlement vote les enveloppes régionales. Le ministre nous a demandé d'être patients, mais s'il faut attendre la prochaine loi organique, le délai risque d'être long !

L'amendement 30, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Les amendements 2, 3 et 4 sont rédactionnels.

Les amendements 2, 3 et 4, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.

M. Gérard Bapt - L'amendement 43 tend à ce que les partenaires sociaux puissent exprimer leur avis sur le montant et les modalités de la compensation des exonérations et réductions de recettes de la sécurité sociale.

L'amendement 43, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Bapt - Selon le ministre, la réforme de l'assurance maladie est en passe de réussir et le déficit de la sécurité sociale en train de fondre. Prenons-le au mot en adoptant l'amendement 42 qui dit que la loi de financement de la sécurité sociale fixe un objectif national de couverture des dépenses de santé par les régimes obligatoires de base.

L'amendement 42, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Bapt - L'amendement 44 est défendu.

L'amendement 44, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Bapt - L'amendement 45 tend à substituer à la dernière phrase du 2° du D du I de cet article l'alinéa suivant : « Les sous-objectifs correspondent à des ensembles cohérents d'actions visant à une modalité de prise en charge identifiée d'un risque sanitaire ou social. Leur création est d'initiative parlementaire ou gouvernementale. »

M. le Rapporteur - Outre que nous faisons le choix de la souplesse, nous préférons que les sous-objectifs soient proposés par le Gouvernement après avis du Parlement. Avis défavorable à cet amendement déjà rejeté en première lecture.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 45, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Du fait du rejet successif de tous nos amendements, je ne pense pas que l'UDF vote avec enthousiasme ce projet, ce qui me chagrinerait beaucoup !

M. Yves Bur - Il n'y a pas de fongibilité possible entre l'UMP et l'UDF. (sourires)

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 29, dans la lignée des précédents, tend à ce que la loi de financement détermine la répartition des enveloppes régionales permettant de financer la prévention, les soins ambulatoires et en établissement.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis. Cela dit, je me souviens que l'UDF avait voté ce texte en première lecture, jugeant qu'il allait dans le bon sens. J'ose espérer que l'enthousiasme ne vous aura pas quitté à la fin de ce débat !

L'amendement 29, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Bapt - L'amendement 46, dans la suite logique des précédents, tend à renforcer le rôle du Parlement. Pourquoi le Gouvernement tient-il tant à conserver la maîtrise de la définition des sous-objectifs ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même position, nous avons déjà débattu de cette question en première lecture.

L'amendement 46, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Bapt - L'amendement 74 s'inscrit également dans la lignée des précédents. Je voudrais attirer votre attention sur l'importance de l'accès primaire aux soins dans la politique de prévention. Fin juin, nombre de grandes organisations vous ont demandé de reporter l'entrée en vigueur du dispositif du médecin traitant au 1er janvier 2006, afin d'avoir le temps de se préparer, et de mesurer les conséquences de cette réforme pour les usagers. Vous avez refusé, prétextant la nécessité de mettre progressivement en place ce dispositif qui, selon nous, serait sans incidence pour les usagers respectueux de la procédure.

Nous savons parfaitement que, dans les faits, les usagers peuvent avoir des difficultés à s'inscrire dans ce schéma, et que les moindres remboursements peuvent les décourager de consulter, en particulier les moins fortunés d'entre eux.

C'est pourquoi des médecins, dans une dépêche AFP du 8 juillet, réitèrent leur demande afin que l'application de ce nouveau dispositif soit retardée tant que les mutuelles et les assurances complémentaires n'auront pas adapté leurs contrats.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis. Le dispositif du médecin traitant est une réussite puisque plus de deux Français sur trois se sont désormais engagés dans ce parcours.

M. Gérard Bapt - En l'occurrence, ce n'est pas la question.

M. le Ministre - Si, car les Français ont compris que seule cette réforme permettait de sauvegarder notre système de soins et que la logique dans laquelle s'inscrit le médecin traitant est la même que celle du médecin de famille. La réforme renforce en outre l'égalité des soins car les contrats complémentaires responsables assureront une meilleure prise en charge des familles dès le 1er janvier. Nous avons également apporté un certain nombre de garanties quant à la prise en charge du ticket modérateur pour les consultations mais également pour les prescriptions. Nous avons en outre décidé de relever le plafond du tiers payant pour nos concitoyens les plus démunis mais ne bénéficiant pas de la CMU, de même que nous leur avons assuré un meilleur accès à l'assurance complémentaire. Ce sont-là autant d'avancées sociales dont les parlementaires qui ont voté ce projet peuvent être fiers. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Bapt - Ce n'est pas ce que constatent un certain nombre de familles.

L'amendement 74, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Bapt - L'amendement 47 va dans le sens du Gouvernement puisqu'il s'agit de faire preuve d'ouverture en ne prévoyant pas, de manière rigide, un nombre donné de sous-objectifs.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Comment M. Bapt et ses amis peuvent-ils soutenir dans cet amendement que le Gouvernement a « une conception perverse » des sous-objectifs puisque l'encadrement des sous-objectifs résulte d'un amendement parlementaire ?

M. le Ministre - Comment avoir une position différente ?

L'amendement 47, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - La non-fongibilité des enveloppes, j'ai eu l'occasion de le dire, est l'un des défauts majeurs de notre système de soins, tout comme la non médicalisation de l'ONDAM. L'UDF considère qu'il faut instituer de vrais conseils régionaux de santé afin d'élaborer des priorités régionales. Un conseil national de la santé, qui en serait l'émanation, reprendrait les priorités définies sur le plan régional et aiderait le Gouvernement à élaborer un projet : à l'automne, la loi de financement financerait ainsi les priorités définies au printemps. Une conférence régionale de santé appliquerait ensuite l'ONDAM médicalisé, de manière à ce que les acteurs de la santé soient associés en amont aux décisions et en aval à la gestion, seule façon de les responsabiliser, donc d'atteindre les objectifs fixés.

Cela dit, je voterai peut-être ce projet mais sans enthousiasme, à moins que le Gouvernement n'accepte les améliorations proposées par notre groupe.

M. Yves Bur - L'essentiel, c'est de voter ce texte.

M. Jean-Luc Préel - Pourquoi pas, car c'est mieux que rien, mais que M. le ministre reconnaisse au moins que j'ai raison et qu'il m'assure que, demain, nous aurons une chance d'obtenir cette médicalisation de l'ONDAM.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - La loi du 13 août 2004 a défini l'élaboration de l'ONDAM et le dispositif préconisé par M. Préel irait à son encontre. Je le précise, car je ne considère pas encore votre manque d'enthousiasme comme acquis, Monsieur Préel. (Sourires)

M. Gérard Bapt - Vous ne faites pas beaucoup d'efforts pour que M. Préel vote ce texte, Monsieur le ministre. (Sourires)

M. le Ministre - Je compte sur vous (Sourires).

M. Gérard Bapt - J'essaie de soutenir M. Préel lorsqu'il a de bonnes idées, mais je constate qu'il se heurte à un mur.

M. le ministre parle d'égal accès aux soins mais il sait bien qu'à partir du 1er juillet les honoraires augmentent, qu'il faut compter avec les espaces dits de « liberté tarifaire » et que la charge laissée à l'assuré, globalement, augmentera. A l'évidence, les conditions d'accès aux soins seront plus difficiles pour les ménages les plus modestes...

M. le Ministre - Non.

M. Pierre-Louis Fagniez - C'est faux.

M. Gérard Bapt - ...dès lors que l'augmentation de la part laissée à leur charge en raison des hausses de tarifs des médecins spécialistes ne sera pas couverte à 100%.

M. Yves Bur - Que n'avez-vous donc agi !

M. Gérard Bapt - Et qu'en est-il de la loi Juppé, que vous n'avez même plus le courage d'assumer ? Nous constatons en revanche que, depuis votre arrivée au pouvoir, les déficits se creusent alors qu'un 2001, les comptes de la sécurité sociale et en particulier ceux de la branche maladie étaient presque équilibrés.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement défendu par M. Préel vise à tenir compte des besoins de santé en fonction des régions et je regrette à ce propos que M. le ministre ait parlé d'égalité des soins quand c'est l'inverse qui se produit.

M. Pierre-Louis Fagniez - C'est faux.

Mme Muguette Jacquaint - Nous savons en effet que dans certaines régions, les taux de maladies graves sont plus importants que dans d'autres.

M. Pierre-Louis Fagniez - Ce n'est pas le même sujet.

M. Gérard Bapt - Les deux sont liés.

Mme Muguette Jacquaint - Doit-on ou non prendre en compte les différents besoins de santé tels qu'ils s'expriment sur un plan régional ?

M. Yves Bur - C'est le cas.

Mme Muguette Jacquaint - Lorsque des conférences régionales exposent les besoins de santé, les gouvernements répondent par la baisse des dépenses.

M. le Ministre - M. Bapt connaît suffisamment les questions de santé pour ne pas proférer de contrevérités, sauf à être de mauvaise foi, ce que je ne peux imaginer. Vous savez fort bien que nous devions réformer notre système de santé si nous voulions le sauvegarder. Dans le cadre d'un système à l'américaine, dont nul ne veut, nous ne serions même pas là pour parler d'égalité d'accès aux soins. Je répète en outre, sans me lasser, que le parcours de soins permet de mieux prendre en charge les patients grâce au système des contrats responsables.

Je sais bien, Madame Jacquaint, étant moi-même élu local de la région Picardie, que l'espérance de vie n'est pas la même sur tout notre territoire, mais c'est dans le cadre de la sécurité sociale à la française, qui était en danger, que nous devons traiter cette question.

L'amendement 31, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Les amendements 5 et 6 sont rédactionnels.

M. le Ministre - Avis favorable.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

M. Gérard Bapt - Quand les décrets concernant les contrats responsables et précisant la manière dont les organismes complémentaires prendront en charge les dépassements d'honoraires des médecins spécialistes seront-ils publiés ?

M. le Ministre - Bien que cette question ne concerne pas directement le texte non plus que les amendements 5 et 6, j'ai eu l'occasion de dire que l'UNOC, qui s'est constituée depuis un mois, s'est réunie pour donner son avis. Il s'agissait-là d'une procédure indispensable et, en la matière, le formalisme me semble de rigueur. Nous allons donc poursuivre le processus règlementaire habituel en soumettant notamment ces textes au Conseil d'Etat. Ils s'appliqueront, comme prévu dans la loi du 13 août, le 1er janvier 2006.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Bur - L'amendement 80 vise à supprimer une disposition introduite par le Sénat, qui a voulu instaurer une compétence exclusive de la loi de financement de la sécurité sociale sur toute exonération de cotisation non compensée. La constitutionnalité de cette disposition pourrait être contestée au motif qu'elle outrepasse le champ de l'habilitation constitutionnelle pour une loi organique et restreint par trop le droit d'initiative du Parlement et du Gouvernement.

S'agissant de ce dernier, deux interprétations sont possibles : soit la disposition en cause fait implicitement référence au principe de compensation intégrale des exonérations par l'Etat - auquel cas aucun amendement parlementaire proposant une exonération de charges ne serait plus recevable dans un texte ordinaire, hormis les amendements des sénateurs et dans le cadre des propositions de loi -, soit elle implique seulement qu'une compensation soit prévue par le texte ordinaire qui institue une exonération, ce qui nous laisse la possibilité de gager les pertes de recettes.

M. le Rapporteur - Je remercie Yves Bur d'avoir travaillé sur cette disposition qui soulève une vraie difficulté. La commission n'a examiné ni cet amendement, ni le 81. A titre personnel, je suis défavorable à la suppression pure et simple de la disposition que propose l'amendement 80. En revanche, je suis favorable à la réécriture que propose l'amendement 81 : sans plus faire référence à un principe légal de compensation, elle précise que toute disposition ne respectant pas les règles de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale ne peut figurer qu'en loi de financement de la sécurité sociale. Cette rédaction nous rouvre la possibilité d'amendements gagés.

M. le Ministre - Nous avions quelque peu anticipé sur ce débat en première lecture. Les contributions des uns et des autres nous ont permis de trouver un équilibre avec le dispositif présenté aujourd'hui. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement 80. En revanche, la réécriture à laquelle procède l'amendement 81 va dans le bon sens : j'y suis donc favorable.

M. Gérard Bapt - Le Sénat a de la suite dans les idées : il est fidèle à ce qu'il avait obtenu du prédécesseur de M. Bertrand lors de la discussion de la réforme de l'assurance maladie, à savoir le principe de la compensation intégrale. La disposition qu'il a introduite serait, dites-vous, inconstitutionnelle. Mais M. Carrez ne s'est pas embarrassé de telles nuances pour défendre le principe du prélèvement direct sur recettes pour le financement de la sécurité sociale ! Je voterai donc l'amendement 80.

M. Yves Bur - Je le retire - tant pis pour M. Bapt ! L'amendement 81 nous permettra de clarifier la rédaction du Sénat et de préserver le droit d'amendement des députés.

M. Gérard Bapt - Je viens de dire que je soutenais l'amendement de M. Bur, et voilà qu'il le retire ! Sans doute faut-il y voir l'effet de quelque sectarisme... Quoi qu'il en soit, je le reprends.

L'amendement 80, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 81, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 7 et 8 tombent.

M. le Rapporteur - L'amendement 9 est rédactionnel.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Gérard Bapt - L'amendement 77 vise à rétablir une disposition adoptée par l'Assemblée en première lecture, en réinsérant dans cet article un alinéa ainsi rédigé : « modifiant les règles relatives à la gestion des risques par des régimes complémentaires, si elles sont susceptibles de modifier les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale. »

M. Yves Bur - L'amendement 82 ne modifie pas le champ d'intervention du législateur en ce qui concerne les mutuelles : il prévoit simplement que ce qui est aujourd'hui possible par la loi puisse figurer en projet de loi de financement de la sécurité sociale. Permettez-moi de prendre un exemple qui m'est cher : jamais nous ne pouvons discuter du régime local d'Alsace-Moselle dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale - il faut attendre un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement 77. Nos collègues sénateurs redoutent en effet que les mesures relatives aux régimes complémentaires dépassent le champ constitutionnel des lois de financement de la sécurité sociale, et nous souhaitons que la prochaine lecture au Sénat, qui aura lieu mercredi matin, puisse être décisive. Pour les mêmes raisons, avis défavorable sur l'amendement 82.

M. le Ministre - Sans entrer dans des considérations de calendrier parlementaire - le Gouvernement est dans la main du Parlement -, je souhaiterais qu'Yves Bur retire son amendement. Le Gouvernement est en effet défavorable à ces deux amendements, puisqu'ils sont déjà satisfaits : point n'est besoin, pour que le débat ait lieu dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale, de l'inscrire dans la loi organique.

L'amendement 77, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 82 est retiré.

M. Gérard Bapt - L'amendement 72 vise à substituer les mots « figurent également » aux mots « peuvent également figurer » au début du C du III de cet article. Il s'agit d'assurer une meilleure information du Parlement.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Gérard Bapt - Rien ne me sera épargné ! (Sourires)

L'amendement 72, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 10 est rédactionnel.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 25.

                      La Directrice du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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