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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2004-2005 - 6ème jour de séance, 15ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 12 JUILLET 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

            HABILITATION À PRENDRE PAR ORDONNANCE
            DES MESURES D'URGENCE POUR L'EMPLOI (CMP) 2

            COMPARUTION SUR RECONNAISSANCE
            PRÉALABLE DE CULPABILITÉ 6

            EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 10

            ARTICLE UNIQUE 16

            LOCAUX DU CONGRÈS DE VERSAILLES
            (troisième lecture) 17

            ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 13 JUILLET 2005 20

La séance est ouverte à quinze heures.

HABILITATION À PRENDRE PAR ORDONNANCE
DES MESURES D'URGENCE POUR L'EMPLOI (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée nationale le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'urgence pour l'emploi.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.

M. Claude Gaillard, rapporteur de la CMP - Tout d'abord, je souhaite remercier l'ensemble de mes collègues : leurs interventions ont honoré le débat démocratique. Je tiens également à vous remercier, Monsieur le ministre, pour la part active que vous avez prise à ce débat, et à remercier aussi Jean-Louis Borloo et le Premier ministre.

Au terme de la lecture du Sénat, les positions des deux assemblées étaient largement convergentes, les amendements adoptés au Sénat ayant eu essentiellement pour objet de compléter le texte adopté par l'Assemblée nationale.

S'agissant du contrat nouvelles embauches, vous vous étiez engagé devant nous à ce qu'il fasse l'objet d'une évaluation. Grâce au Sénat, c'est désormais chose faite. En outre, le texte comporte désormais un dispositif d'accompagnement des salariés dont le contrat a été rompu à l'initiative de l'employeur, en vue de leur retour à l'emploi.

Par souci de simplification face à une mesure dont la mise en œuvre pouvait s'avérer délicate, la participation des employeurs au financement des transports en commun a été extraite du dispositif tendant à neutraliser le surcoût du passage du seuil des dix salariés. Je regrette qu'on n'ait pas pu effacer le seuil pour le versement transport, tout en étant bien conscient qu'une telle mesure serait particulièrement difficile à mettre en œuvre.

Conformément enfin à l'engagement pris par le Premier ministre, le Sénat a prévu que le chèque emploi entreprise pourra tenir lieu de contrat de travail et de bulletin de paie.

Seul restait en discussion l'article premier, l'article 2 ayant été adopté conforme par les deux assemblées. Un seul amendement, présenté conjointement par Alain Gournac, rapporteur du texte au Sénat, et moi-même, a permis de clarifier la rédaction du deuxième alinéa tel qu'il résultait de la lecture au Sénat. Il s'agit de ne pas exclure ceux qui n'ont pas encore acquis de droits à l'assurance chômage des garanties apportées par le contrat nouvelles embauches.

Telles sont les quelques adaptations adoptées à la majorité par la CMP pour améliorer un texte d'équilibre, destiné à la fois à lever les obstacles à l'embauche et à apporter les garanties indispensables aux salariés. Encore une fois, merci à vous tous - et en particulier à Guy Geoffroy, porte-parole du groupe UMP - pour votre participation active. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Vaxès - Je confirme l'opposition à ce texte des députés communistes et républicains, pour les raisons que notre collègue Maxime Gremetz a largement exposées devant vous la semaine dernière.

Notre vote exprime un double rejet.

Rejet de la méthode d'abord, car il n'est pas acceptable que vous refusiez à la représentation nationale de débattre des choix du Gouvernement sur un sujet aussi sensible que l'emploi. N'évoquez surtout pas l'urgence après trois ans de règne sans partage de votre majorité : vous y perdriez encore en crédibilité à moins que vous ne considériez que votre prédécesseur ait été particulièrement mauvais dans ce domaine. Mais alors, il faut le dire et surtout ne pas vous inscrire dans les mêmes logiques.

Le choix de ce passage en force est l'illustration parfaite de votre défiance à l'égard des élus du peuple, ce peuple qui s'est exprimé avec force et clarté le 29 mai dernier pour rejeter les logiques libérales qui, en Europe et en France, se nourrissent de la souffrance d'un nombre toujours croissant de nos concitoyens.

En vérité, votre politique prolonge celle de votre prédécesseur. Comme la sienne, elle répond, quand elle ne les anticipe pas, aux exigences du MEDEF : plus de flexibilité, de précarité et d'insécurité sociale.

M. Guy Geoffroy - Encore !

M. Michel Vaxès - Vous faites mine de vous distinguer des modèles anglo-saxons, mais en tout point vos décisions s'apparentent à celles de Tony Blair et des milieux d'affaires. Votre politique relève d'une philosophie anti-humaniste : voilà pourquoi vous refusez d'en débattre et pourquoi nous la rejetons avec la plus grande énergie ! Vous savez mieux que personne que les contrats nouvelles embauches ne serviront que les intérêts du Medef qui rêve de bousculer, jusqu'à le détruire, notre code du travail. Jusqu'à ces dernières années, ce code honorait pourtant les choix de la France en matière de législation du travail.

Les organisations syndicales ne s'y sont pas laissé tromper, elles qui rejettent unanimement votre plan, en vous promettant une rentrée sociale particulièrement combative, ce qui n'est en rien étonnant, quand votre projet est une provocation de plus adressée au monde du travail. Les députés communistes et républicains seront à ses côtés pour exiger une autre politique ; une politique exactement inverse à celle que conduit le groupe Nestlé qui s'obstine à vouloir condamner le site pourtant rentable de Saint-Menet dans les Bouches-du-Rhône. Agissez donc - vous gagnerez en crédibilité - pour sauver cette entreprise et la vie de centaines de familles Marseillaises ! Le ferez-vous ? Entendrez-vous la voix de tous les salariés de cette entreprise ?

Mme Arlette Grosskost - C'est la CGT qui bloque !

M. Michel Vaxès - C'est aux actes que notre peuple vous jugera ! Vos premiers pas n'inspirent la confiance ni aux Français, ni aux députés communistes qui refusent d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance.

M. Guy Geoffroy - Au moment où nous nous penchons une dernière fois sur ce texte, après un travail très utile en CMP, je veux rendre hommage au Gouvernement pour son engagement et la manière dont il nous invite à discuter de ce projet.

M. Gaëtan Gorce - C'est du masochisme !

M. Guy Geoffroy - Notre assemblée a été appelée non pas à voter à la sauvette un texte la dépossédant de ses attributions fondamentales, mais à travailler en profondeur. Les ministres, il faut le souligner, ont tenu à répondre aux préoccupations comme aux critiques des parlementaires. Cela n'empêchera pourtant pas certains de dénoncer une procédure inacceptable et inadmissible.

Que le Gouvernement recoure aux ordonnances lorsqu'il y a urgence à mettre en place des mesures pour l'emploi n'a rien d'extraordinaire, d'exorbitant ou d'anormal. M. Floch, pendant la réunion de la CMP, a justifié le recours fait aux ordonnances en 1982 en affirmant qu'il s'agissait alors simplement de ratifier l'un des engagements pris devant le peuple par le candidat Mitterrand lors de la campagne présidentielle. Est-ce à dire que ses 110 propositions auraient pu passer par une procédure d'habilitation ? Pour notre part, nous nous en tenons au texte de la Constitution qui prévoit que le Parlement peut être appelé par le Gouvernement à lui donner l'autorisation de prendre des ordonnances dans des conditions bien déterminées.

Ce projet de loi a permis des avancées incontestables. Il facilitera l'accès à l'emploi des personnes qui en sont les plus éloignées et des jeunes - un de nos jeunes sur cinq peine à entrer dans le monde du travail - en soutenant les petites entreprises.

Le texte issu des travaux de la CMP encadre mieux encore le contrat nouvelles embauches. Monsieur le ministre, le groupe UMP veillera à ce que ce nouveau dispositif ne soit pas prétexte à faire passer par-dessus bord l'ensemble de notre droit social mais favorise, dans un cadre précis, l'accès à l'emploi.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe UMP apportera au Gouvernement, en toute conscience et en toute détermination, son soutien pour permettre le retour à l'emploi du plus grand nombre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gaëtan Gorce - Monsieur Geoffroy, vous n'aurez même pas les circonstances atténuantes. Après votre intervention, impossible de dire « Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font. »

Tout d'abord, vous portez atteinte au droit du Parlement. Vous avez utilisé comme un mode normal de législation la procédure d'urgence - et ce, pour la septième fois ! - et celle d'habilitation, privant ainsi le Parlement des conditions d'un véritable débat, voire du débat lui-même. Affirmer, comme M. Geoffroy, que le recours aux ordonnances est une bonne chose dépasse l'entendement. Alors que le Premier ministre a fait de la question de l'emploi la grande affaire de son Gouvernement, comment peut-il écarter outre le débat parlementaire ?

Ensuite, vous mettez à bas le dialogue social. Comment le Gouvernement peut-il prétendre associer les partenaires sociaux en les contournant à la première occasion ? Tous les engagements du passé, notamment ceux pris lors de l'adoption de la loi Fillon, sont bafoués.

Enfin, vous mettez en cause le droit du travail. Malgré les quelques améliorations apportées par le Sénat, ce contrat nouvelles embauches, ou « précarité plus », permettra à l'employeur de rejeter le salarié sans conditions et sans motivation dans un délai de deux ans. Vous laissez l'arbitraire s'installer entre salarié et chef d'entreprise sur la question pourtant cruciale de la poursuite du contrat de travail. Cette solution - M. Geoffroy avait choisi les adjectifs adéquats -, est « inacceptable et inadmissible » et ne correspond pas à l'attente des Français.

M. Guy Geoffroy - Quelle gymnastique !

M. Gaëtan Gorce - Ce n'est pas en accroissant la précarité que vous encouragerez l'emploi et redonnerez confiance en l'économie, mais le contraire.

Chacun peut se tromper mais vous vous trompez avec persévérance. Depuis 2002, vous avez multiplié les erreurs sur le terrain de l'emploi, cassé les outils que nous avions mis en place pour leur substituer aujourd'hui des mesures totalement inefficaces.

M. Guy Geoffroy - Cela reste à confirmer !

M. Gaëtan Gorce - Nous prenons avec vous le triste pari que le taux de chômage, dans deux ans, loin d'avoir décru, sera égal ou supérieur à ce qu'il est aujourd'hui, soit 9,5% de la population active.

M. Guy Geoffroy - Quelle ambition !

M. Gaëtan Gorce - C'est une situation dramatique pour les familles qui en subissent les conséquences.

Par ce vote, vous acceptez de commettre un petit meurtre par ordonnance contre le droit du travail, contre la protection des salariés, contre le Parlement et le dialogue social. Par conséquent, le groupe socialiste rejettera ce texte. Nous le ferons avec regret car nous espérions que, sur un sujet d'une telle importance, nous parviendrions à rassembler les partenaires sociaux et à élaborer un plan ambitieux. Vous avez transformé une « grande affaire nationale » en petite opération de politique vouée à l'échec.

M. Emile Zuccarelli - Très bien !

M. Rudy Salles - En application d'une double procédure - l'habilitation en vertu de l'article 38 de la Constitution et la déclaration d'urgence - le Parlement est aujourd'hui mis devant un fait accompli que les amendements mineurs adoptés au Sénat puis par la CMP ne dissimuleront pas. (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Gaëtan Gorce - Nous ne sommes pas les seuls à être opposés à cette pratique !

M. Rudy Salles - La procédure des ordonnances ne constitue pas une réponse adaptée à la crise sociale et économique que notre pays traverse depuis plus de vingt ans. En économisant quelques semaines de discussion parlementaire, qu'avons-nous gagné ?

Nous avions besoin d'un débat public sur les origines de la crise française. Les Français émettent les pires doutes sur nos capacités à traiter la question lancinante du chômage et, une fois encore, vous avez préféré leur imposer une politique d'en haut qui les laisse spectateurs dubitatifs et résignés de leur propre destin. Nous avions besoin d'associer les partenaires sociaux à ce débat mais leur rôle se limitera à compléter à la marge des mesures dont il aurait fallu débattre avec eux en amont. Sur ce sujet, plus que sur tout autre, nous avons besoin d'associer toutes les forces vives du pays.

Pis encore, le recours aux ordonnances ne permet pas d'adopter un plan global et cohérent pour l'emploi, utilisant tous les leviers. Ainsi, ce nouveau plan de lutte contre le chômage ressemble à s'y méprendre aux précédents. Certes, ce projet comporte des mesures intéressantes, notamment certaines simplifications administratives et le chèque emploi en faveur des petites entreprises, mais elles sont délivrées à dose homéopathique. Quant au contrat nouvelles embauches, malgré les améliorations introduites par le Sénat, il demeure d'une gestion complexe et d'une efficacité discutable.

En première lecture, nous avions émis quatre recommandations pour un traitement de choc. Premièrement, la modification de l'assiette des charges. Notre dispositif des cotisations sociales et patronales, reposant essentiellement sur le travail, est aujourd'hui fortement contreproductif. Nous suggérons donc un transfert significatif vers la CSG dont le socle, plus large, englobe 97% des revenus. Deuxièmement, la nécessaire augmentation du volume de travail afin de pouvoir supporter un niveau de protection sociale élevé. Nous devons trouver des formules souples permettant une meilleure modulation de travail en fonction des âges, de la pénibilité des métiers et de l'exposition aux risques. Troisièmement, la refondation du contrat de travail dans le sens d'une meilleure sécurité pour les employeurs et les salariés. Un nouveau contrat de travail unique à durée indéterminée, assorti d'un renforcement progressif du mécanisme d'indemnisation, nous paraît une solution juste et équilibrée. Quatrièmement, l'accompagnement individualisé du demandeur d'emploi dès les premières semaines de chômage par le service public de l'emploi, procédure qui a donné de très bons résultats chez plusieurs de nos partenaires européens. Peut-on se contenter de la seule expérimentation rendue possible par la loi de programmation pour la cohésion sociale ? Aucune de ces propositions n'a été débattue sérieusement.

Le 29 juin dernier, à l'issue de la discussion générale, M. Borloo avait aimablement indiqué que nous avions soulevé des questions importantes. Quinze jours après, ces questions restent sans réponses. Dans ces conditions, la position du groupe UDF reste inchangée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Je remercie le président de la commission et le rapporteur pour le travail effectué en commission, puis en séance publique. Nul ne peut dire, je pense, que nous avons refusé de répondre aux questions, y compris à celles du rapporteur qui nous a conduit à préciser le contenu des ordonnances.

L'équilibre que M. Geoffroy appelait de ses vœux est bien réalisé. Nous avions d'ailleurs, M. Borloo et moi-même, par un courrier du 30 juin 2004, demandé aux partenaires sociaux de s'interroger ensemble sur la levée des freins à l'emploi dans les PME. Après des consultations en août et en octobre, ils ont conclu qu'ils ne pouvaient pas traiter de ce sujet - alors qu'ils se saisissaient de la question des plus de 50 ans. Sur ce sujet il nous faut attendre la fin de la négociation prévue fin octobre ; en revanche, sur l'emploi il importait que l'Assemblée soit saisie.

Les travaux qui ont eu lieu dans les deux assemblées et en CMP montrent bien qu'il ne s'agissait pas de donner un blanc-seing.

La première ordonnance mettra en place le contrat nouvelles embauches, qui apportera une souplesse supplémentaire aux employeurs et de nouvelles garanties pour le salarié, sur lesquelles les consultations avec les partenaires sociaux se poursuivent. Ce contrat fera l'objet d'une évaluation.

La deuxième ordonnance créera le chèque emploi très petites entreprises, qui ne vaudra que pour un nombre limité de salariés. Il s'agit de donner un coup de pouce à ceux qui créent leur premier, deuxième ou troisième emploi dans l'entreprise.

La troisième ordonnance portera sur les modalités d'allègement du surcoût lorsque l'entreprise franchit un seuil. Sur ce sujet longtemps tabou, les partenaires sociaux sont désormais disposés à discuter.

La quatrième ordonnance facilitera l'accès à l'emploi des jeunes de moins de 26 ans. L'expérience du service militaire adapté sera évaluée.

Enfin, une dernière ordonnance permettra une ouverture plus grande de la fonction publique.

Monsieur Vaxès, je recevrai les salariés de Nestlé dans quelques jours, à la demande de Roland Blum, du sénateur-maire de Marseille et de M. Muselier. Mais il y avait des procédures à respecter. Je suis trop respectueux du code du travail pour tomber moi-même dans le délit d'entrave.

Monsieur Salles, le groupe proche du vôtre au Sénat a enrichi ce texte par amendement ; je rends hommage à ce travail en commun.

M. le Président - Ne nous dites pas que la formation de M. Salles est plus sage au Sénat qu'ici. (Sourires)

M. le Ministre délégué - Vous me pardonnerez de penser que le Sénat manifeste toujours une sagesse particulière.

Pour conclure, Monsieur Gorce, je reviens de Belfast où nous avons entamé la réflexion sur le modèle social européen. Je ne peux pas imaginer que des parlementaires parient sur le maintien du chômage. La lutte contre le chômage doit nous mobiliser tous, au-delà de nos choix politiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est un vrai combat pour la cohésion de notre société. Je ne doute donc pas que tous, nous travaillerons à la réussite du contrat nouvelles embauches, du plan d'urgence du Premier ministre et du plan de cohésion sociale. Il y va des valeurs de la République et de notre vivre ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission paritaire, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 35, est reprise à 16 heures 45.

COMPARUTION SUR RECONNAISSANCE PRÉALABLE DE CULPABILITÉ

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi adoptée par le Sénat précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice - L'une des Innovations les plus marquantes de la loi du 9 mars 2004 est la création de la nouvelle procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, dite de CRPC. Cette procédure est innovante parce qu'elle repose sur le consentement du condamné et qu'elle diffère des procédures traditionnelles de jugement pénal. Elle permet en effet au procureur de la République, pour des délits punis de peines pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement, de proposer une ou plusieurs peines pouvant à une personne majeure, assistée de son avocat, qui reconnaît sa culpabilité. La peine proposée peut être un emprisonnement d'une durée maximale égale à la moitié de la peine encourue, sans pouvoir dépasser un an. Si l'auteur des faits est d'accord, là ou les peines proposées doivent faire l'objet d'une homologation, dans le cadre d'une audience publique, par le président du TGI ou un magistrat par lui délégué, le magistrat chargé de statuer sur l'homologation peut statuer sur la demande de dommages et intérêts formulée par la victime. Si l'homologation est prononcée, la peine est exécutoire.

La CRPC tend tout d'abord à alléger les audiences correctionnelles et à diminuer les délais de jugement : elle permet ainsi une meilleure régulation des flux pénaux en donnant plus de temps aux juridictions correctionnelles pour se consacrer à l'examen des procédures complexes. Elle tend ensuite à formuler un prononcé de peines mieux adapté et plus efficace.

La CRPC a suscité des objections qui n'ont pas résisté à l'épreuve des faits : en effet, son application est d'ores et déjà un succès quantitatif et qualitatif. L'excellent rapport d'information de votre commission du 15 juin 2005 sur l'application de la loi du 9 mars 2004 présenté par M. le président Jean-Luc Warsmann note ainsi un taux de succès « considérable » : depuis le 1er octobre 2004, date de son entrée en vigueur, jusqu'au 8 juin 2005, 147 TGI ont appliqué cette procédure, qui a concerné plus de 10 700 personnes, avec un taux d'homologation des propositions de peines supérieur à 87 %. C'est aussi un succès d'un point de vue qualitatif : il suffit pour s'en convaincre de constater une absence quasi totale d'appel.

L'application de la CRPC a toutefois donné lieu à des difficultés pratiques résultant de l'insuffisante précision des dispositions de l'article 395-9 du code de procédure pénale relatif à l'audience d'homologation. La question s'est en effet posée de savoir s'il convenait que le procureur de la République assiste ou non à cette audience. Il ne fait certes pas de doute que l'intention du législateur, dont l'un des objectifs est de simplifier le traitement de certains contentieux, était de réserver la présence du procureur à la première phase de cette procédure, celle de la proposition de la peine. Toutefois, dans un avis en date du 18 avril 2005, la Cour de cassation a considéré que les dispositions générales de l'article 32 du code de procédure pénale, qui prévoient la présence du procureur de la République lors des « débats devant les juridictions de jugement » étaient applicables et que le parquet devait donc assister aux audiences d'homologation. Dans deux décisions rendues en référé le 11 mai 2005, le Conseil d'Etat en a jugé de même. Au vu de ces décisions, les juridictions ont, dans l'attente d'une clarification législative, diversifié leurs pratiques, certaines décidant même de renoncer à la CRPC. Une telle situation, qui n'est évidemment pas satisfaisante, appelait donc d'urgence une clarification législative.

La proposition de loi que vous examinez aujourd'hui est dès lors particulièrement bienvenue.

M. Jérôme Lambert - Bricolage !

M. le Garde des Sceaux - Elle tend en effet à inscrire dans l'article 395-9 du code de procédure pénale que la procédure d'homologation se déroule en audience publique mais que la présence du parquet n'est pas obligatoire. La première précision consacre la décision du Conseil constitutionnel ; la seconde correspond à la fois au caractère sui generis de la procédure et à l'intention du législateur. Le rapport de M. Jean-Paul Garraud développe de façon détaillée et convaincante les différentes raisons justifiant d'adopter conforme ce texte. En procédant ainsi, le Parlement permettra à la procédure de CRPC de conserver un intérêt pratique pour les magistrats du parquet et de poursuive son extension au sein des juridictions dans des conditions homogènes, ce qui accroîtra la célérité et la qualité de la justice répressive, objectifs auquel nous sommes tous attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur de la commission des lois - La loi du 9 mars 2004 dite loi Perben II constitue l'une des réformes essentielles de notre justice et de notre droit pénal. Conscients que l'appareil judiciaire ne disposait plus des outils suffisants pour lutter contre la grande criminalité, le Gouvernement et la majorité ont eu le courage d'innover et de revenir sur les égarements de nos prédécesseurs.

La loi a été critiquée par une minorité active et a même été qualifiée de sécuritaire. Or, je rappelle qu'elle a fait l'objet d'une grande concertation préalable, notamment avec tous les auxiliaires de justice et en particulier les avocats, et que les garanties fondamentales des droits de la défense sont absolument préservées et même renforcées. Néanmoins, dans la balance, symbole de la Justice, il fallait rétablir l'équilibre et ne pas oublier les victimes. Des réformes de structure ont donc été opérées et l'une d'elles, majeure, concerne la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, objet de la présente proposition de loi.

Cette innovation procédurale consiste à tenir compte d'une culpabilité reconnue et confère aux différents intervenants des rôles accrus et nouveaux. Outil supplémentaire mis à la disposition des parquets, elle s'ajoute à la comparution immédiate, à la citation à comparaître, à l'ordonnance pénale, à la composition pénale et à l'audience « classique » afin d'adapter la sanction à l'acte commis et à la personnalité de son auteur. Elle accroît l'individualisation de la peine et permet de mieux s'adapter à certains contentieux de masse dont le traitement était indigne de notre République. Comment, en effet, tolérer qu'une personne parfaitement intégrée dans la société et n'ayant jamais eu le moindre problème avec la Justice soit traduite directement devant un tribunal correctionnel pour une simple conduite occasionnelle en état d'ivresse et attende pendant des heures que son affaire soit appelée à l'audience alors même qu'elle reconnaît sa culpabilité et qu'elle ne disposera que de quelques minutes pour s'expliquer devant son juge ? Ne vaut-il pas mieux lui éviter l'infamie d'un procès correctionnel, lui laisser le temps de s'exprimer, tenir compte de sa reconnaissance de culpabilité pour finalement lui infliger une peine qui tiendra compte à la fois de la gravité des faits et de sa personnalité ?

La procédure de la CRPC, appelée aussi « plaider coupable », diffère de la procédure anglo-saxonne. Elle s'inspire en effet de la même idée de reconnaissance de culpabilité mais elle ne constitue en rien un marchandage : le procureur n'abdique pas ses pouvoirs sur la maîtrise de l'action publique, d'abord parce qu'il peut toujours utiliser une autre voie procédurale et ensuite parce qu'il propose une peine comme il l'aurait fait à l'audience correctionnelle.

Définie par les articles 495-7 à 495-16 du code de procédure pénale, cette procédure rend obligatoire la présence d'un avocat. La personne est traduite devant le procureur et peut s'entretenir avec son avocat hors la présence du procureur ; elle fait part ensuite de son acceptation de la peine puis elle est présentée devant le président du TGI ou le juge délégué par lui. Lors de l'audience d'homologation qui suit, le juge entend l'avocat et le prévenu, vérifie la réalité des faits et leur qualification juridique, pose toutes les questions utiles et statue ensuite par une ordonnance motivée en homologuant ou en rejetant la peine.

Suit l'audience d'homologation : le juge entend l'avocat et le prévenu et vérifie la réalité et la qualification juridique des faits. Il statue ensuite par une ordonnance motivée, en homologuant ou en rejetant la peine. L'ordonnance est lue en audience publique et immédiatement exécutoire.

Les droits des victimes sont préservés : informées de la procédure, elles peuvent se constituer parties civiles et faire appel de l'ordonnance d'homologation. Bref, cette procédure rapide et rationnelle préserve à la fois les droits de la société, ceux de la victime et ceux du prévenu. Elle a donc connu dès son entrée en vigueur, le 1er octobre 2004, une grande réussite. Elle a concerné 1 930 dossiers au dernier trimestre 2004, mais 2 480 pour le seul mois de mai 2005. Près de 11 000 affaires ont donc fait l'objet d'une CRPC à ce jour.

Si les parquets ont aussitôt compris l'intérêt de cette procédure, le barreau la sollicite aussi de plus en plus. Il auraient tort de s'en priver, car elle permet de lutter contre les contentieux de masse qui encombrent nos juridictions et exaspèrent à juste titre nos concitoyens. La CRPC est principalement utilisée pour les conduites sous l'empire d'un état alcoolique, pour les violences urbaines, pour les contentieux familiaux - non-paiement de pension alimentaire, non présentation d'enfant - et certains contentieux techniques tels que le non-respect des règles d'hygiène et de sécurité en droit du travail. On constate également que les parquets l'utilisent comme une réponse graduée en fonction de la gravité des faits. La loi a ainsi apporté souplesse et efficacité à une institution judiciaire qui en a bien besoin.

Cette réussite pleine et entière doit se poursuivre. C'est pour cette raison que nous revenons sur ce plaider coupable avec la proposition de loi de notre excellent collègue, le sénateur Beteille, qui répond aux exigences posées par la Cour de cassation et le Conseil d'Etat.

Ces juridictions suprêmes ne remettent pas en cause le bien-fondé de la CRPC, mais seulement un aspect procédural qui a suscité débat. Saisie à titre préjudiciel par le tribunal de grande instance de Nanterre, la Cour de cassation a rendu le 18 avril 2005 un avis estimant que la présence du parquet était obligatoire à l'audience publique prévue pour l'homologation ou le refus d'homologation de la peine proposée par le procureur. Dès le 19 avril, le Garde des Sceaux a adressé une circulaire aux parquets pour faire savoir que cette présence n'était exigée que pour la lecture publique de l'ordonnance. Cette circulaire a été suspendue le 11 mai par le Conseil d'Etat, statuant en référé.

Il faut sortir de cette situation pour éviter d'entacher d'irrégularité cette procédure. Le rôle du parquet est certes prépondérant - c'est lui qui choisit cette voie procédurale et propose la peine -, mais faut-il pour autant exiger sa présence au cours de la phase finale, lors de l'audience d'homologation alors que le procureur, comme l'indique le Professeur Pradel, « a déjà tout dit au prévenu lors de l'audience de cabinet » ? Exiger cette présence, qui n'est en fait que formelle, c'est amoindrir considérablement les avantages de la procédure. S'il s'agit de désencombrer les juridictions et d'accélérer les procédures, pourquoi revenir à un débat contradictoire au cours de l'audience, alors que les droits de la défense sont préservés, que l'auteur des faits reconnaît sa culpabilité et accepte la peine proposée, peine néanmoins soumise à l'appréciation d'un juge du siège ?

Il ressort des débats préparatoires de la loi Perben II que la présence du procureur lors de cette phase procédurale était considérée comme inutile et superflue. II est d'ailleurs cocasse que ce soit le syndicat des avocats de France qui ait saisi le Conseil d'Etat pour obtenir la suspension de la circulaire : c'est bien la première fois que je vois un syndicat d'avocats réclamer la présence du procureur à l'audience !

Une clarification législative s'impose. La nouvelle rédaction proposée pour l'article 495-9 est la suivante : « la procédure prévue par le présent alinéa se déroule en audience publique, la présence du procureur de la République à cette audience n'est pas obligatoire ». Cette rédaction reproduit littéralement celle de l'article 464 du code de procédure pénale, qui n'impose pas la présence du procureur lors d'une audience correctionnelle statuant sur les seuls intérêts civils. Elle assure également la publicité de l'audience d'homologation, conformément aux exigences du Conseil constitutionnel.

Nous confirmerons ainsi l'intention qui était la nôtre lors des débats précédents, tout en encourageant une procédure qui a fait ses preuves et a vite été adoptée. Voilà qui démontre que lorsque les réformes sont justes et utiles, les mentalités peuvent évoluer au même rythme. C'est un exemple à méditer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - Nous votons les lois de la République, et non des lois qui portent des noms de personnes. J'aimerais que cette tradition républicaine soit respectée. Je le dis d'autant plus volontiers que nous examinerons tout-à-l'heure une proposition de loi que j'ai signée, que je souhaite voir appeler loi de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jacques Floch - Merci de nous montrer qu'il y a encore un républicain dans cette Assemblée, Monsieur le président ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Comment corriger cette innovation que constitue dans notre code de procédure pénale la loi instaurant la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ? Comment cette réforme censée améliorer le fonctionnement de la justice a-t-elle pu subir autant d'affronts, qui plus est infligés par nos plus hautes juridictions ? Le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation, le Conseil d'Etat, cela fait tout de même beaucoup...

L'idée était pourtant séduisante : les petits délits qui encombrent les tribunaux ne méritent pas tout l'apparat judiciaire. Peuvent-ils pour autant se satisfaire d'une apparence de justice ? Nous parlons en effet d'une procédure particulière applicable aux affaires simples et en état d'être jugées - un magistrat du parquet reçoit un prévenu qui reconnaît sa culpabilité, et lui propose une sanction.

Affaires simples, dites-vous. « Les conduites sous l'empire d'un état alcoolique, sans permis, sans assurance ou en récidive d'un très grand excès de vitesse, faits pour lesquels la culpabilité est rarement contestée, et qui ne causent pas de victime » dit le rapport. S'y ajoutent les violences urbaines, les contentieux familiaux - qui recouvrent tout de même les violences conjugales - et les « contentieux techniques et répétitifs concernant des faits simples tels que le non-respect des règles d'hygiène et de sécurité du code du travail » ou le « travail dissimulé », autrement dit le travail clandestin. La lutte contre le travail clandestin a pourtant été érigée en priorité nationale en 1997, et le travail clandestin est passible de trois ans d'emprisonnement et de fortes amendes.

En état d'être jugées, dites-vous. C'est là que le bât blesse. Une affaire en état d'être jugée, c'est une affaire connue du juge, et non pas seulement dans laquelle il y a aveu du coupable présumé. Ensuite, que doit être un jugement dans une société libre et démocratique ? La commission consultative des Droits de l'homme, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ont rappelé que la CRPC fait partie intégrante du code de procédure pénale, et ce au chapitre des jugements classiques. La justice doit donc comprendre tous ses éléments et disposer de tous ses attributs : un prévenu à qui on reproche un méfait, un avocat pour le défendre, un procureur pour assurer l'accusation et proposer une sanction, un juge pour juger ; c'est ce qui fonde le droit et la sanction équitable.

La tentation de la simplification abusive est venue à M. Perben. L'avocat ? Pas nécessaire : cela a été « retoqué » par les hautes juridictions. L'audience publique, pourquoi faire ? « Retoqué » aussi. La présence du procureur tout au long de la procédure ? Encombrante et mangeuse d'un temps précieux. L'article 32 du code de procédure pénale - que vous n'avez pas modifié - nous dit pourtant que toutes les décisions doivent être prononcées en présence du parquet. Le plaider coupable ne serait donc plus un acte judiciaire ?

Cela témoigne en réalité de la difficulté d'adapter le droit anglo-saxon - qui négocie tout, même la loi - au droit continental, pour qui la loi est au-dessus de tout marché. Le dispositif de la loi que je me garderai d'appeler Perben II, Monsieur le président, a tenté l'expérience. Il peut dès lors présenter deux natures différentes : soit il s'inscrit dans le droit fil de la médiation pénale ou de la composition pénale, soit il opère une mutation du rôle du parquet. Dans la première hypothèse, le plaider coupable peut être considéré comme une organisation un peu plus sophistiquée de la composition pénale : le parquet fait des propositions après avoir entendu l'avocat du prévenu qui reconnaît les faits et accepte la proposition. Il repose alors sur un principe bien établi : celui de l'opportunité des poursuites, qui reste le monopole du procureur. Le juge garde son entier pouvoir d'appréciation, et la décision d'homologation est une véritable audience. Dans la seconde hypothèse, le juge voit ses pouvoirs rognés et la séance d'homologation perd sa nature d'audience. Il devient un fonctionnaire : au procureur, le pouvoir de juger, et au juge, le pouvoir de finalisation du prononcé de la peine. Ce « couper en deux » serait unique dans notre droit et d'autant plus choquant que le procureur reste statutairement aux ordres du politique.

La loi de 2004 a donc fait l'objet d'une censure et d'une importante réserve d'interprétation. La première tenait au caractère non public de la séance d'homologation. Le juge homologue bien en public, au cours d'une audience de plein exercice. Or, le Conseil constitutionnel a rappelé qu'il possède des prérogatives dont il doit se servir, et qu'il ne peut homologuer qu'après avoir vérifié la compatibilité de la proposition du procureur avec les exigences de l'individualisation de la peine et le droit des victimes. Le juge est donc libre d'accepter ou de refuser d'homologuer la peine qui lui est proposée en fonction de sa propre analyse des faits. Il pourra notamment refuser d'homologuer si les déclarations de la victime, entendue seulement lors de cette ultime étape, apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l'infraction a été commise.

Ce faisant, le Conseil a rendu à l'ordonnance d'homologation sa nature de jugement, le juge ayant la possibilité de ne pas suivre le procureur de la République. Les choses ne sont donc pas aussi simples que vous l'affirmiez !

Que propose l'article unique de la proposition de loi ? Le mécanisme initial est maintenu. Je rappelle au passage que le procureur de la République peut demander au juge des libertés et de la détention que l'intéressé soit placé sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire, ce qui n'est pas rien. Lorsque, en présence de son avocat, la personne accepte la peine proposée, elle est présentée devant le Président du tribunal de grande instance qui procède ou non à l'homologation en chambre du conseil. L'ordonnance ayant les effets d'un jugement de condamnation, elle est immédiatement exécutoire.

Le condamné peut faire appel à titre principal, le ministère public à titre incident, ce qui est encore heureux !

La victime est invitée à comparaître en même temps que l'auteur des faits, et peut se constituer partie civile et demander réparation de son préjudice. Quand même !

Quant aux modifications envisagées, elles se résument en une petite clarification sur la publicité de l'ensemble de l'audience d'homologation, et une absurdité de taille : la présence facultative du procureur à l'audience publique d'homologation !

Cette proposition est inacceptable, tant en en droit qu'en fait. Le Conseil constitutionnel l'a lui-même précisé, une audience juridictionnelle implique la publicité, mais aussi la présence du procureur. Une audience sans procureur serait une preuve de mépris, à l'égard du procureur lui-même qui a dirigé la procédure jusqu'à ce stade, à l'égard des victimes qui pourraient ne pas comprendre le sens de cette nouvelle procédure particulièrement occulte et à l'égard du prévenu lui-même.

C'est enfin mésestimer la justice que de permettre à un magistrat du parquet de se désintéresser subitement du sort réservé à sa proposition, et à un magistrat du siège de rendre une décision en fonction de motifs qui n'auront pas forcément été pris en compte par le procureur, et ce en son absence.

Quid du principe du contradictoire ? Peut-on encore parler de procès équitable ? Je pose ces questions, mais j'en connais déjà les réponses...

On peut aller très loin dans l'exercice autorisé de l'opportunité des poursuites, mais il est des limites à ne pas dépasser : le procureur ne saurait s'ériger en juge et le juge en greffier. C'est pourtant ce que propose ce texte que ni le Sénat, ni la majorité de l'Assemblée, je le crains, n'auront le courage de refuser, malgré la censure et les réserves émises par le Conseil constitutionnel. En scindant le couple magistrat du siège et magistrat du parquet, vous mettez en place un dispositif à l'anglo-saxonne dans lequel la notion d'audience n'a pas le sens que nous lui donnons de ce côté-ci de la Manche.

Dans les faits, cette proposition aboutit à la création d'une sorte de tribunal d'exception.

M. Guy Geoffroy - Joli sens de la nuance !

M. Jacques Floch - C'est en effet la première fois que cela se produit ! Que faites-vous de l'article 32 du code de procédure pénale, lequel dispose que le ministère public est représenté auprès de chaque juridiction répressive, qu'il assiste à tous les débats des juridictions de jugement et que toutes les décisions sont prises en sa présence ?

Et ce texte fondamental, vous voudriez le modifier au prétexte que le plaider coupable, « ça marche » ! Outre que je n'en suis pas aussi persuadé que vous, je m'inquiète des propos du procureur du tribunal d'Evry, qui se félicitait naïvement que les procédures aillent deux fois plus vite. Pensez donc : onze cas en une heure, soit huit minutes par prévenu ! Comment garantir dans ces conditions la qualité de la justice rendue, alors que les infractions jugées sont en l'espèce passibles de peines d'emprisonnement, et non pas seulement de peines d'amende ?

M. Charles Cova - Quand les faits sont patents...

M. Guy Geoffroy - Et reconnus !

M. Jacques Floch - Le manque de magistrats et les lacunes dans l'organisation de la justice ont pu vous pousser à de telles extrémités, mais vous auriez dû vous garder de jouer à l'apprenti sorcier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Votre replâtrage ne trompe personne, et vous risquez fort d'être à nouveau censurés par le Conseil constitutionnel, car vous violez l'article 66 de la Constitution et les articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 assurant le droit à un procès équitable, tout comme l'article 34 de la Constitution qui affirme l'égalité des citoyens devant la justice.

Sauf à faire de l'emploi du temps des magistrats le critère nécessaire et suffisant pour justifier les différences de composition des juridictions répressives, votre texte ne saurait échapper à la censure.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, vous voterez cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - Nous en venons à la discussion générale.

Mme Anne-Marie Comparini - Nous voici réunis pour parler à nouveau de cette nouvelle procédure, issue de la loi du 9 mars 2004 et baptisée « le plaider coupable », dont le but est de désengorger les tribunaux d'un grand nombre de petits délits qui ne nécessitent pas toujours une audience devant le tribunal. En effet, nul ne peut le nier, les délais de traitement, de plus en plus longs, sont un véritable fléau pour le bon fonctionnement de la justice, et il était temps de s'y attaquer. Je vous renvoie du reste, sur cette question, à l'excellent rapport de M. Warsmann.

Bien sûr, comme toute nouvelle procédure, le plaider coupable a pu connaître des débuts difficiles, mais il faut reconnaître, un an plus tard, que les avocats l'ont apprivoisé, et que les magistrats du siège en ont reconnu les mérites - allègement des audiences, traitement plus personnalisé de l'infraction pénale.

Toutefois, selon l'avis rendu par la Cour de cassation et la procédure de référé du Conseil d'Etat, des risques d'interprétation contradictoires sur le caractère public de l'audience d'homologation et la présence du parquet existeraient. Parce que le droit doit être le même pour tous et qu'il ne saurait être source d'incertitudes, il fallait légiférer à nouveau.

La proposition de loi votée au Sénat nous permet d'être clairs, et en premier lieu sur la présence du procureur de la République à l'audience. L'audience d'homologation de la CRPC est une alternative à l'audience correctionnelle. La présence du procureur n'est dès lors plus nécessaire après la phase de proposition et d'acceptation de la peine. D'ailleurs, si le représentant du parquet ne restait que pour indiquer qu'il s'en remet à l'appréciation du tribunal, serait-ce une bonne administration de la justice ?

En rendant facultative la présence du procureur à l'audience d'homologation, nous ne révolutionnons pas notre droit. Ainsi le juge des libertés prononce-t-il des peines privatives de liberté, et le juge des enfants peut-il statuer hors la présence d'un représentant du Parquet.

Cette proposition de loi réaffirme par ailleurs le caractère public de l'audience. Ce point avait fait débat entre les deux assemblées en mars 2004. Notre groupe se réjouit de voir consacrée cette publicité, tant la justice ne saurait être rendue en catimini.

Nous voterons donc ce texte qui confère plus d'efficacité à la CRPC. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Michel Vaxès - J'avoue avoir été surpris à la lecture de cette proposition de loi et de son exposé des motifs, comme devraient l'être la plupart des juristes avertis, nombreux sur ces bancs. Le sénateur Béteille nous explique que des difficultés sont apparues lors de la mise en œuvre de la CRPC du fait de l'insuffisante précision de l'article L. 495-9 relatif à l'audience d'homologation, et que la Cour de cassation a considéré, dans son avis du 18 avril dernier, qu'au regard de l'article 32 de notre code de procédure pénale, le parquet devait assister aux audiences d'homologation, le Conseil d'Etat en ayant jugé de même dans deux décisions rendues en référé un mois plus tard. Il convient donc, conclut le sénateur, de clarifier le dispositif. Le raisonnement est jusque là logique. Il ne l'est plus lorsque le sénateur propose de préciser que la présence du procureur de la République n'est pas obligatoire à l'audience d'homologation, prenant ainsi délibérément à contre-pied l'avis des deux hautes juridictions.

Il appartient certes au législateur de légiférer. Encore doit-il le faire avec le souci de la qualité des dispositions qu'il adopte. Or, en l'espèce, non seulement il fait peu de cas de l'application de nos principes juridiques, mais il propose d'inscrire dans la loi leur non-application. Cette proposition de loi n'a en effet d'autre objet que de contourner un des principes essentiels de notre procédure pénale, sans doute jugé trop contraignant. Le Gouvernement nous avait donné un avant-goût de ces petits arrangements avec la loi dans la circulaire du 19 avril dernier, par laquelle le Garde des Sceaux appelait les magistrats à passer outre l'avis de la Cour de cassation de la veille - circulaire d'ailleurs à l'origine des décisions ultérieures du Conseil d'Etat.

L'article 32 de notre code de procédure pénale est pourtant limpide, disposant que « le ministère public est représenté auprès de chaque juridiction répressive. Il assiste aux débats des juridictions de jugement. Toutes les décisions sont prononcées en sa présence. » Qu'importe à l'auteur de la proposition de loi, soutenu par le Gouvernement, qui nous propose de reprendre le texte de l'article 464 du même code, concernant les audiences correctionnelles relatives aux seuls intérêts civils, et pour lesquelles en effet, la présence du parquet est facultative ! Mais le cas est différent puisqu'en l'espèce, des peines pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement peuvent être prononcées.

Dans le cadre d'une audience d'homologation qui est, comme le rappelle le Conseil constitutionnel, une audience correctionnelle, le ministère public doit soutenir l'accusation comme dans toute autre audience de même nature. Dans la mesure où il peut prononcer une peine privative de liberté, il doit pouvoir justifier sa proposition au regard des faits, de la personnalité de l'intéressé, de l'intérêt de la société et de la victime. Il ne le pourra s'il est absent.

Que sa présence ne soit pas obligatoire ne signifie certes pas a contrario qu'elle soit impossible. Mais sur quels critères en décidera-t-on ? Le procureur assistera-t-il à ces audiences en fonction de son envie, de la peine prononcée ou de son temps disponible ? La question, posée à l'auteur de la proposition de loi et au Garde des sceaux au Sénat, est restée sans réponse. Nous la reposons donc aujourd'hui avec insistance.

Nous sommes défavorables à l'article unique de cette proposition de loi, pour des raisons à la fois de fond et de méthode. L'institution de la CRPC, procédure d'urgence à laquelle nous nous sommes fermement opposés lors de l'examen de la loi Perben II, vise à accélérer la justice. L'intention est louable. Encore faudrait-il ne pas porter atteinte à la qualité de la justice rendue. Or, en l'espèce, au nom d'une justice plus rapide, le Gouvernement sacrifie l'un des piliers de notre procédure pénale. A vouloir rendre la justice plus rapidement, sans se donner les moyens humains d'y parvenir, on s'oriente vers une justice d'abattage peu respectueuse des droits de l'homme, ceux des prévenus comme ceux des victimes.

L'encombrement des tribunaux, qui explique largement la lenteur du traitement des affaires, devrait conduire tout législateur raisonnable à s'interroger sur les raisons de la judiciarisation de notre société et sur les moyens d'y remédier. Or, le Gouvernement refuse de s'y intéresser, n'ayant pour seul souci que d'accélérer les procédures. Cette proposition de loi en est une parfaite illustration. Il n'a tenu aucun compte ni de nos mises en garde ni des critiques des professionnels, et en dépit des « observations critiques » du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat, il s'obstine. Le souci d'affichage et les intérêts partisans l'ont définitivement emporté sur les grands principes républicains. Cela n'est pas tolérable. On ignore le principe fondamental du procès contradictoire, pourtant garant d'une justice de qualité, au motif que cela ferait perdre du temps ! Du rapport de la justice au temps... Voilà un bien beau sujet !

Nous avons, pour notre part, une trop haute idée de la justice pour accepter de la sacrifier au nom de la rentabilité. Ce ne serait servir ni les justiciables ni les victimes. Nous voterons contre cette proposition de loi bâclée. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Guy Geoffroy - Il serait sage de limiter notre propos au contenu exact et à la portée, somme toute limitée, de cette proposition de loi. La loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité visait, entre autres, à accélérer le traitement de certains délits bien identifiés, dans l'intérêt de l'ordre public, des victimes et des justiciables eux-mêmes. La CRPC, instituée dans cet objectif, n'a d'autre objet que de susciter un sursaut de responsabilisation. Il n'est en effet de meilleur moyen de prévenir la récidive que de faire prendre conscience à l'auteur d'une infraction ou d'un délit de la dangerosité de ses actes. A cet égard, la CRPC est une procédure novatrice porteuse de progrès. Nos tribunaux de grande instance en ont tous, les uns après les autres, mesuré tout l'intérêt, et ce sont aujourd'hui quelque 11 000 décisions qui sont rendues dans ce cadre. Ce succès, à lui seul, témoigne de la pertinence du dispositif, qui améliore le fonctionnement de notre justice dans l'intérêt des victimes, mais aussi dans celui bien compris des auteurs d'infractions.

Pourquoi cette proposition de loi ? Tout d'abord, parce que le Conseil a exigé que soit expressément mentionné dans la loi le caractère public de l'audience d'homologation. Dont acte. C'est en fait le manque de précision de la circulaire appelée à en préciser les contours qui a conduit la Cour de cassation et le Conseil d'Etat à rédiger respectivement un avis et deux décisions. Ceux qui les ont lus savent que ces deux juridictions n'ont pas exigé la présence du ministère public et qu'en l'absence de formulation explicite, la circulaire n'avait pas un fondement légal suffisant pour être appliquée. La proposition de loi que nous examinons n'a d'autre ambition que de préciser que l'audience sera bel et bien publique, mais que la présence du ministère public n'y sera pas obligatoire.

Voilà un travail de précision qui éclairera un texte qui n'a jamais été mis en cause par le Conseil constitutionnel, et dont l'utilité n'a cessé de progresser dans l'esprit de tous les acteurs de la justice de notre pays. Voilà pourquoi le groupe UMP votera cette proposition, qui mettra fin à une incertitude juridique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jérôme Lambert - Avec cette proposition, nous abordons l'examen d'un texte assez misérable, mais préoccupant, qui tend à apporter une modification supplémentaire au projet fleuve qui a réformé, en quelques mois, plus de 400 articles du code de procédure pénale. Rappelons cependant que certaines dispositions nous ont paru suffisamment intéressantes pour être votées, en particulier les chapitres introduits à l'initiative du Parlement et de Jean-Luc Warsmann, spécialement ceux relatifs à l'exécution des peines.

On aurait pu croire qu'une réforme d'une telle envergure avait été suffisamment réfléchie pour présenter une unité et une pérennité souhaitées par tous les praticiens du droit et les justiciables. A peine votée, cependant, cette loi faisait l'objet de rectifications multiples. Des voix s'élevaient dans la majorité pour revenir sur le traitement de la récidive et l'exécution des peines. A peine fait, tout est à refaire ! L'ancien président de la commission des lois que vous étiez, Monsieur le Garde des Sceaux, ne cessait pourtant d'affirmer, lorsqu'il siégeait sur nos bancs, à qu'à trop vouloir légiférer, on légiférait mal.

Vous nous proposez donc aujourd'hui de sauver le fleuron de la loi Perben II, qui a été dans la pratique judiciaire réduit à quasi néant. Cela n'empêche pourtant pas le Gouvernement de se vanter du succès de cette mesure, ni de légiférer sur le sujet dans l'urgence !

Il s'agit donc de rendre facultative la présence du procureur devant le juge de l'homologation de la procédure de plaider coupable, laquelle serait ainsi « saucissonnée ». Est-ce vraiment de cette manière qu'on prétend garantir une meilleure justice ? Mais il est vrai que le Gouvernement entend ainsi économiser des postes de magistrats et de procureurs, accablés de tâches supplémentaires depuis peu. De cette manière, la procédure cessera de s'inscrire dans la logique de la composition pénale. Le juge, lui, devra se faire son opinion sans le concours du procureur, qui représente l'intérêt de la société. C'est tellement absurde que les dispositions initialement votées dans ce sens n'ont pu être mises en pratique. On se souvient notamment des termes de l'article 495-9 de la loi Perben II, de la suppression des mots « en chambre du conseil » dans le texte promulgué et des importantes réserves d'interprétation qu'il a suscitées, notamment en matière de composition pénale.

Mais il est vrai qu'entre temps, le Conseil constitutionnel, que nous avions saisi, a clairement rééquilibré la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. D'après lui, la procédure doit être publique. Quant au juge qui apprécie la proposition, il peut refuser l'homologation en raison de sa propre appréciation des faits et de la gravité de la peine. Le Conseil y a insisté : le juge de l'homologation conserve une mission pleine et entière, et doit procéder aux vérifications indispensables pour répondre aux exigences d'un procès équitable.

Au total, le Conseil a voulu rendre au juge des pouvoirs non dégradés. La phase d'homologation conserve tout son caractère de jugement, et le juge l'ensemble de ses pouvoirs, même si le principe de l'homologation implique une réponse par oui ou par non aux propositions faites. Il eût été difficile de procéder autrement, sauf à inciter le juge à se passer des commentaires du parquet. Que l'on soit satisfait ou non par la décision du Conseil, la Constitution doit s'imposer !

Mais vous avez préféré nous livrer un feuilleton rocambolesque, qui discrédite définitivement le précédent Garde des Sceaux et le Gouvernement. Après un avis défavorable de la Cour de cassation, qui ne fait que tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat a annulé plusieurs circulaires d'application. En désespoir de cause, vous vous en êtes remis à la présente proposition de loi, en porte-à-faux avec plusieurs articles du code de procédure pénale.

Et c'est ainsi que vous entendez respecter les principes fondamentaux de notre République ! Quel aveu ! Sans doute la hiérarchie des normes à laquelle vous êtes attaché, Monsieur le Garde des Sceaux, comme nous tous, est-elle fondamentale. Raison de plus pour m'étonner des pratiques de ce Gouvernement ! Que penser en effet de circulaires qui modifient le sens de la loi promulguée ? Pas du bien, assurément ! C'est cela que la Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont rappelé.

Nous sommes choqués par cette manipulation qui ne vise qu'à pallier les carences de réformes coûteuses, non financées, autant que douteuses. Et c'est avec le replâtrage que vous nous proposez que vous compter sauver la face ! Voilà comment on fait peser sur la justice le soupçon de l'instrumentalisation ! Pour garantir l'égalité de tous, nos concitoyens veulent une justice transparente ! Votre proposition consacre le règne d'une justice opaque, qui ne sert pas nos concitoyens. Voilà pourquoi nous souhaitons le maintien du texte arrêté après l'avis du Conseil constitutionnel et que nous sommes opposés à cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

ARTICLE UNIQUE

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je me souviens très bien des débats que nous avons eus à l'occasion de la loi Perben. Nous n'avions eu de cesse de dire que la procédure du débat contradictoire ne pouvait soustraire le prononcé de la sanction aux règles fondamentales du droit. Souvenez-vous, Monsieur le Garde des Sceaux, des nuits ardentes que nous avons passées sur cette question, alors que vous étiez président de la commission ! Sur le fond, nous nous étions prononcés pour l'intervention du juge. C'est ce qu'a reconnu le Conseil constitutionnel, signalant que le juge devait assurer la plénitude de ses compétences. Comment imaginer, dès lors, que cela ne s'applique pas au débat contradictoire ? Voilà pourquoi l'amendement 1 entend supprimer l'article unique de cette proposition de loi inacceptable. On ne peut accepter la décision du Conseil constitutionnel et refuser que les compétences du juge s'exercent dans le cadre normal du débat contradictoire.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux - Le Conseil constitutionnel a exigé que la séance soit publique et qu'il y ait publicité des débats parce que c'est la condition pour qu'une peine d'emprisonnement, une privation de liberté, soit prononcée. Les auteurs de cette proposition de loi ont plus que satisfait cette exigence puisque l'audience sera publique dans tous les cas. Il n'y a donc pas lieu d'évoquer une inconstitutionnalité du texte.

S'agissant de la présence du parquet, le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel ne l'exigent pas. L'audience d'homologation se déroule en deux étapes en présence de l'avocat : le procureur de la République propose la peine et le juge du siège homologue la peine. La question de la présence du parquet à l'audience dépendra de la volonté du procureur de la République, et non de celle du juge du siège.

Enfin, cette procédure est conforme à la notion de procès équitable, établie par la Cour européenne des droits de l'homme, en ce sens qu'elle est le fruit d'un accord. Dans la justice traditionnelle, nous avons toujours un vainqueur et un vaincu...

M. Jacques Floch - Pas en droit pénal !

M. le Garde des Sceaux - Soit - et encore. La grande originalité de cette procédure - que vous sous-estimez, à mon sens - c'est la sanction acceptée avant même que le juge ne la décide. A mes yeux, cela représente un progrès extraordinaire et nous sommes en train de prophétiser la justice de demain qui reposera principalement sur l'accord, comme la médiation et l'arbitrage.

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Floch - Monsieur le Garde des Sceaux, en tant que professionnel du droit, vous n'ignorez pas que l'accord passé entre le prévenu et le procureur est un marché.

M. Alain Marsaud - Un contrat !

M. Jacques Floch - Si vous voulez. Mais, en matière pénale, cela n'est pas sans poser problème ! Et si le juge du siège peut demander au procureur de la République des explications, pourquoi ne pas l'avoir précisé ? Non, décidément, nous ne saurions voter ce texte.

L'article unique de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté

LOCAUX DU CONGRÈS DE VERSAILLES (troisième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en troisième lecture, de la proposition de loi tendant à mettre à la disposition du public les locaux dits du Congrès au château de Versailles.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement - Cette initiative historique de l'Assemblée nationale permettra de rendre à Versailles son unité et de mettre à la disposition des visiteurs de nouveaux espaces d'accueil dans le monument le plus emblématique de notre patrimoine. Le gouvernement soutient cette réforme et vous en remercie. Elle offre un exemple de politique ambitieuse de valorisation du patrimoine et facilitera la mise en œuvre du schéma directeur de modernisation de l'accueil du château de Versailles, approuvé en 2003, sous l'appellation « Grand Versailles ». Soucieux de respecter le principe de séparation des pouvoirs, le Gouvernement n'interviendra pas directement dans ce débat, et je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée.

Quelques observations néanmoins. Le maintien de l'affectation parlementaire de la salle du Congrès, qui garantit le respect le plus strict de ce haut lieu de la démocratie parlementaire, concerne également les accès de la salle. Cela ne doit en rien entraver la circulation et l'accueil de tous les publics dans le palais. Ensuite, les conventions à conclure pour les locaux actuellement occupés doivent être négociées dans les plus brefs délais afin d'améliorer les conditions d'accueil au fur et à mesure de l'ouverture des chantiers opérationnels du schéma directeur

Ainsi, cette réforme aura-t-elle atteint son objectif ambitieux : que les citoyens de la France et du monde entier se réapproprient ce symbole de notre nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. René Dosière - Très bien !

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois - Par cette proposition de loi, l'Assemblée nationale et son président ont souhaité rendre au public les locaux de Versailles affectés au Parlement - qui ne sont guère utilisés aujourd'hui que lors des réunions du Congrès du Parlement, et cela dans un souci de bonne gestion publique. Ainsi, le château de Versailles retrouvera son unité culturelle et juridique.

Cette volonté s'est matérialisée dans une proposition de loi adoptée par l'Assemblée en première lecture le 7 avril 2005. Le dispositif retenu permettait de concilier l'affectation de l'ensemble des locaux à l'établissement public et la préservation des missions constitutionnelles du Parlement réuni en Congrès par la mise à disposition, en tant que de besoin et à titre gratuit, des locaux nécessaires à la tenue des réunions de ce dernier. Le Sénat a modifié ce dispositif, en première lecture, le 10 mai dernier, en maintenant aux deux assemblées une affectation permanente de la salle des séances du Congrès et de ses accès. Les assemblées ont conservé leurs positions respectives lors de la deuxième lecture intervenue le 9 juin à l'Assemblée, et le 11 juillet au Sénat. Les sénateurs ont également précisé que la salle du Congrès pourrait, dans des conditions définies par les Bureaux des deux assemblées, être utilisée pour des réunions autres que parlementaires, par exemple, internationales.

La commission des lois constate que l'objectif de notre Président, ouvrir le Château le plus largement possible au public, est atteint. Si certaines dispositions rétablies par le Sénat peuvent paraître inutilement méfiantes à l'égard de l'établissement public, ou redondantes, l'intérêt général commande de mettre fin à la navette. Nous vous proposons donc d'adopter la proposition dans le texte du Sénat. S'ouvrira ensuite une période d'intenses négociations sur les modalités de la transition et les conditions de mise à disposition des locaux nécessaires au Congrès. Rappelons aussi que l'automne venu, le Château aura besoin de moyens financiers pour valoriser les espaces qui lui sont rendus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Seul l'objectif compte. Celui de notre Président était de rendre au public tous les locaux du Château affectés au Congrès et au musée du Parlement. Les deux assemblées n'étaient pas en désaccord, mais elles ont manifesté leur adhésion à cet objectif en des termes différents. Le principe étant clair, nous ne voulions pas faire long. Les sénateurs ont préféré être un peu plus précis - je ne sais s'il faut dire méfiants.

Ainsi les locaux sont-ils rendus au public, mais le Congrès pourra s'y réunir lorsque ce sera nécessaire. La commission a jugé avec sagesse qu'il fallait cesser les navettes. Le Gouvernement et le Président nous recommandent la même sagesse. Le groupe UMP votera donc ce texte sans état d'âme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. René Dosière - On a beaucoup raillé au Palais du Luxembourg ce texte jugé inutile et secondaire. Certes, il ne résoudra pas les graves problèmes de l'emploi et du déficit public. Mais est-il si inutile ? Il améliorera l'image de la représentation nationale par son caractère symbolique, et la République vit aussi de symboles.

Le château de Versailles va donc retrouver pleinement sa vocation de musée et son unité culturelle, en retrouvant ces locaux, en particulier les logements de fonction mis à la disposition des présidents des assemblées, des questeurs et des secrétaires généraux. Alors que nos concitoyens s'intéressent aux abus auxquels donnent lieu les logements de fonction, ici ou là, il est bon que la représentation nationale montre l'exemple. L' Assemblée l'a fait sans aucune réticence ; le Sénat a adhéré de façon un peu... contrainte, ce qui suscité quelques réactions d' hostilité déplacée envers notre président.

La navette a eu pour utilité de préserver ce symbole républicain qu'est la salle des séances de Versailles. Le Sénat lui-même a refusé toute utilisation commerciale, folklorique et médiatique et c'est de sa part un pas considérable. Il a même souhaité que les assemblées restent affectataires de ces locaux. Je pense qu'on arrivera à définir assez facilement les accès de la salle des séances.

Les bureaux des assemblées pourront permettre certaines dérogations, mais à l'évidence pour des utilisations de nature parlementaire. Je pense que nous pouvons leur faire confiance sur ce point, même si le texte ne précise pas ce qui se passerait en cas de désaccord entre eux.

Un autre élément est un peu superfétatoire, et même un peu mesquin. En clair, puisque nous n'avons plus les logements, il ne faudrait pas que l'établissement public les utilise à son tour comme tels. Etait-ce utile de le préciser ? Mais supprimer cette disposition aurait entraîné la poursuite de la navette, peut-être indéfiniment puisque le Gouvernement n'avait pas l'intention de provoquer la réunion d'une CMP. Peut-être certains n'attendaient-ils que ces délais supplémentaires. Aussi préférons-nous adopter le texte conforme, pour qu'il devienne loi de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Anne-Marie Comparini - La décision est claire : les locaux du Congrès sont remis à l'établissement public du château et le Parlement pourra les utiliser en tant que de besoin. Elle est bienvenue : l'Etat doit être modeste, ce qui ne l'empêche pas d'être moderne, et l'ouverture au public en est un aspect. Les conventions d'application permettront de régler les détails.

J'avais apprécié la pureté du texte de l'Assemblée en deuxième lecture, mais je conçois qu'il faille mettre fin à la navette alors que nous avons tant de préoccupations plus graves. Je voterai donc le dernier texte qui nous est soumis.

M. le Président - J'appelle dans le texte du Sénat les articles de la proposition de loi pour lesquels les deux assemblés n'ont pu parvenir à un accord.

Les articles premier et 3 sont successivement adoptés.

M. le Président - Grâce au Parlement, le château de Versailles, inscrit par l'Unesco au patrimoine mondial de l'humanité, retrouve son unité avec la restitution à l'établissement public de l'aile des Princes et de l'aile des Ministres. En quatre mois et demi, il a été mis fin à une situation qui, pour être intimement liée à l'histoire parlementaire, ne correspondait plus aux besoins réels du Parlement et risquait d'apparaître comme la continuation de privilèges indus. Comme l'a dit élégamment le président de la commission des lois, l'objectif que l'Assemblée nationale s'était assigné a, malgré certaines réticences ou certaines résistances, été atteint. C'est l'essentiel.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

Prochaine séance, demain mercredi 13 juillet, à 9 heures 30.

La séance est levée à 17 heures 30.

                      La Directrice du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 13 JUILLET 2005

NEUF HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de sauvegarde des entreprises.

Rapport (n° 2459) de M. Xavier de ROUX.

2. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Rapport (n° 2437) de M. Maurice GIRO.

3. Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 2465) portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.

Rapport (n° 2468) de M. Pierre MOREL-A-L'HUISSIER au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.

Rapport (n° 2466) de M. Gilles CARREZ.

2. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises.

Rapport (n° 2464) de MM. Serge POIGNANT et Luc-Marie CHATEL

3. Eventuellement, discussion, en troisième lecture, du projet de loi organique relatif aux lois de financement d


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