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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 6ème jour de séance, 13ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 13 OCTOBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

RÉFORME DE L'ÉDUCATION 2

RELATIONS COMMERCIALES FRANCO-CHINOISES 2

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE 3

UTILISATION DES RÉSERVES FONCIÈRES
DU MINISTÈRE DE L'ÉQUIPEMENT 4

TARIFICATION BANCAIRE 4

MOYENS DE LA SÉCURITÉ CIVILE 5

TAXE INTÉRIEURE SUR LES PRODUITS PÉTROLIERS 6

MISE EN œUVRE DE LA LOI « PERBEN 2 » 7

PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ 7

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE 8

SERVICES À LA PERSONNE 9

MALTRAITANCE DE PERSONNES ÂGÉES 10

DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX -deuxième lecture- (suite) 10

AVANT L'ART. 38 10

ART. 38 11

APRÈS L'ART. 38 12

ART. 39 15

APRÈS L'ART. 39 18

ART. 39 BIS 20

ART. 41 21

ARTICLE PREMIER A 25

ART. 2 26

APRÈS L'ART. 2 26

APRÈS L'ART. 3 26

APRÈS L'ART. 3 BIS 27

ART. 3 TER 27

APRÈS L'ART. 3 TER 29

ART. 3 QUATER 30

AVANT L'ART. 4 A 30

ARTICLE 4 A 30

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement .

RÉFORME DE L'ÉDUCATION

M. André Chassaigne - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, la commission Thélot a rendu son rapport au Premier ministre. Après un débat qui ne fut qu'une mascarade (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et la démission de plusieurs membres de cette commission qui ont constaté que les dés étaient pipés, nous disposerions donc des fondements de la future loi d'orientation sur l'école. Grande est notre inquiétude face à ce futur démantèlement de notre système éducatif, (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et une manifestation est déjà organisée à proximité de l'Assemblée.

Certes, vous prétendez vouloir garantir la réussite des futurs élèves. Chiche ! Mais faut-il pour cela tirer vers le bas notre système éducatif et instaurer un SMIC scolaire fondé sur une orientation précoce ? Faut-il pour cela allonger le temps de service des enseignants du secondaire sans répondre aux besoins en médecins scolaires, d'infirmières, d'assistantes sociales, de psychologues ? ( « Caricature ! » sur les bancs du groupe UMP) Faut-il avoir pour seule ambition la formation d'une masse de travailleurs précaires et flexibles au savoir minimum ?

La réussite scolaire pour tous ne passe pas par l'élitisme, le fatalisme ou le passéisme, aussi notre groupe formulera-t-il des propositions ambitieuses et efficaces. Ma question est simple (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) : allez-vous enfin répondre aux attentes de nos concitoyens et relever le défi d'une école adaptée à notre temps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Je ne retiendrai de votre intervention que votre promesse de nous faire des propositions pour cette réforme si importante. Cessez de caricaturer notre action ! Le débat a eu lieu, un million de personnes ont été consultées. Leurs conclusions n'ont pas été les mêmes que les vôtres, ce qui n'empêche pas ce débat d'avoir été le plus important organisé sur l'école depuis bien des années.

La commission Thélot a fait des propositions, sur lesquelles le Gouvernement ne s'est pas engagé, mais qui n'ont rien à voir avec le tableau que vous en dressez. Le socle de connaissances fondamentales n'est pas un SMIC culturel, mais la reconnaissance du fait que la maîtrise de la langue française, du calcul, ou d'autres notions de base est absolument indispensable à la poursuite des études. La réforme du statut des enseignants ne signifie pas un accroissement de leur charge de travail, mais la reconnaissance de leur rôle en dehors des cours ; la commission propose du reste de les rémunérer pour cela.

Cela étant, ce rapport n'engage pas le Gouvernement : c'est au Parlement de décider à partir des propositions que celui-ci lui fera, et je me réjouis de pouvoir prochainement discuter des vôtres (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RELATIONS COMMERCIALES FRANCO-CHINOISES

M. Francis Saint-Léger - Monsieur le ministre des affaires étrangères, depuis le 10 octobre, la Chine accueille la France dans le cadre de l'Année de la France en Chine. Plus de 200 manifestations vont ainsi se dérouler dans de grandes villes chinoises pour faire découvrir à un public divers les réalités françaises. Parallèlement, vous avez accompagné le Président de la République dans un long voyage en Chine, dont l'intérêt fut autant économique que diplomatique.

Certaines de nos grandes entreprises ont pu conclure des contrats d'un montant sans précédent - plus de 4 milliards d'euros. Par ailleurs, ce fut l'occasion d'envisager une approche multilatérale et multiculturelle des problèmes auxquels le monde est confronté. Quel est le bilan de ce déplacement, et quelles sont les perspectives, tant pour la France que pour la Chine ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - En 1964, le général de Gaulle fut l'un des premiers à reconnaître la Chine, sa place et son rôle.

M. Maxime Gremetz - Il a eu raison !

M. le Ministre des affaires étrangères - « Voilà un pays qui est plus vieux que l'Histoire », disait-il.

Regardons l'avenir : ce pays compte 1,5 milliard d'habitants - le quart de l'humanité - et a un taux de croissance de 9 %. Comment faire des projets pour notre planète sans y intégrer la Chine ? L'objectif de ce voyage fut justement de renforcer notre partenariat stratégique et global, dans lequel l'économie a aussi sa place. En effet, nos entreprises, grandes ou petites, doivent aller chercher la croissance là où elle est, pour reprendre les mots de Jacques Chirac.

Hier matin, j'étais dans le métro de Shanghai avec Gilles de Robien et le président d'Alstom, qui a finalisé pour 1,5 milliard d'euros de contrats, consolidant ainsi des centaines d'emplois à Valenciennes, Tarbes, ou d'autres circonscriptions que vous représentez (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Enfin, à travers cette Année de la France en Chine, c'est une image de notre pays, de son identité culturelle, de son inventivité, de son dynamisme, de son ouverture, que nous voulons donner. Je remercie enfin l'Assemblée nationale et son groupe d'amitié France-Chine, présidé par Guy Drut (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. Gérard Bapt - Monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, la réforme de l'assurance maladie que vous avez fait voter dans la torpeur estivale (Protestations sur les bancs du groupe UMP) prévoit un retour à l'équilibre en 2007 avec, pour l'an prochain, une réduction du déficit à 8 milliards d'euros.

Votre plan est socialement injuste : il demande l'essentiel de l'effort aux assurés et aux patients et reporte le poids de la dette, présente et à venir, sur les générations futures. En outre, de l'avis de tous les experts - y compris ceux de Bercy -, il est économiquement irréaliste (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il repose en effet pour beaucoup sur des économies aléatoires. De surcroît, depuis le vote du 30 juillet, vous ne cessez d'ajouter des dépenses nouvelles - 150 millions d'euros pour la chirurgie libérale, 200 à 250 millions pour la réforme de la classification des actes - alors qu'on évalue le coût du dossier médical personnel à un milliard d'euros environ pour 2005 et que la Fédération hospitalière dénonce l'aggravation de la situation financière des hôpitaux. Ainsi, vous creusez le déficit de quelque deux à trois milliards d'euros supplémentaires pour 2005... (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP)

Entendez-vous renvoyer ces futurs déficits aussi aux générations futures, en les transférant à la caisse de la dette sociale ? Allez-vous plutôt décider de nouveaux déremboursements ou demander un collectif ? Au moment où nous apprêtons à débattre des budgets de l'Etat et de la sécurité sociale, il importe de connaître la réponse à ces questions : allez-vous enfin dire la vérité aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - La vérité, c'est que vous n'avez pas réformé l'assurance maladie, vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Nous, nous l'avons fait. Et nous allons présenter au Parlement un ONDAM de 3,2 % alors que, de votre temps, la progression était de 5,5 à 7 %. Si nous le pouvons, c'est que, grâce aux députés qui ont voté cette réforme courageuse, nous disposerons d'un milliard pour la maîtrise médicalisée. Le plan médicaments sera doté de 700 millions et 200 millions iront à la politique d'achat des hôpitaux. S'y ajouteront la contribution d'un euro et le forfait hospitalier.

Si l'on veut sauver l'assurance maladie, il faut oser affronter les chiffres et ne pas craindre de réformer ! Le déficit va passer de 13 à 8 milliards : ce n'est pas à vous, mais à cette majorité qu'on le devra ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

UTILISATION DES RÉSERVES FONCIÈRES DU MINISTÈRE DE L'ÉQUIPEMENT

M. Jean-Christophe Lagarde - Monsieur le ministre de l'équipement, il y a un an, un rapport que vous aviez commandé a révélé que votre ministère et ses établissements publics étaient propriétaires en Ile-de-France de quelque trois millions de m² de terrains dont il n'a plus l'utilité. Or les experts estiment les besoins de construction dans la région à plus de 53 000 logements nouveaux par an cependant que, dans les douze derniers mois, on n'en a mis en chantier que 34 000. Cette « sous-construction », constatée depuis des années, oblige nos concitoyens les plus modestes à se loger dans des zones périphériques, les contraignant à passer un temps déraisonnable dans les transports. En outre, elle handicape l'économie de la région : alors que la qualité de vie en Ile-de-France était autrefois un de ses meilleurs atouts pour attirer les investisseurs, les entreprises étrangères répugnent maintenant à implanter leur centre de recherches ou leur siège européen dans une région où leurs collaborateurs ne peuvent trouver à se loger à proximité et à un prix raisonnable.

Dès votre arrivée, vous avez cherché à mobiliser ces terrains disponibles. Où en êtes-vous de cette action et quelles sont vos ambitions pour les années à venir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Prenant mes fonctions, je pressentais bien que mon ministère et ses équipements publics disposaient d'importants « gisements » fonciers. Une première mission en a identifié pour 3 millions de m² et, à la suite de son rapport, j'ai demandé à des experts d'évaluer la constructibilité de ces terrains et les coûts financiers impliqués, en bref de préparer la remise sur le marché de ces terrains. Cependant, j'ai eu la surprise de découvrir que ce n'étaient pas 3, mais en fait 9 millions de m² qui étaient disponibles ! Il y a là de quoi construire 40 000 logements, pour quelque 100 000 habitants !

Dès demain, M. Daubresse et moi commencerons à voir les maires de la région pour discuter de l'utilisation de ces terrains, une fois les transferts nécessaires opérés. Nous entendons agir avec la plus grande célérité possible de manière à vous permettre de développer votre politique du logement : il faut passer d'une gestion foncière « dormante » à une gestion active ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

TARIFICATION BANCAIRE

M. Philippe Auberger - Monsieur le ministre d'Etat, ministre de l'économie et des finances, les consommateurs, relayés vigoureusement par leurs associations, se plaignent de plus en plus de la cherté des tarifs bancaires et de l'obligation où ils sont de payer pour des services auparavant gratuits. D'autre part, la Cour de justice européenne vient de rendre un avis où elle considère que la règle du « ni, ni » - ni rémunération des comptes, ni paiement des chèques - constituait une entrave à la concurrence et devait donc être abolie.

La semaine dernière, vous avez réuni le comité consultatif du secteur financier. Quelles sont vos intentions sur le sujet ? Sous quelle forme et dans quel délai les Français peuvent-ils attendre des décisions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Les Français s'interrogent en effet à propos des services bancaires. Titulaires à 98 % d'un compte, ils exigent de comprendre les règles présidant à la tarification de ceux-ci. Ils estiment en outre, généralement, que cette tarification est à la hausse. Or les indices vont en sens contraire... J'ai donc demandé à l'INSEE de mettre au point un nouvel indice, d'ici à trois semaines. Les conditions d'une évaluation consensuelle seront alors réunies.

D'ici à un mois, les Français verront des résultats concrets, non seulement pour ce qui est de la clarté de la clarification, mais aussi pour ce qui est du coût des services et de l'accès des plus démunis à ces services. Il est anormal qu'on ait à payer quand on change de banque ou qu'on facture plus cher que son montant le chèque exigé de parents interdits bancaires pour payer la cantine de leurs enfants.

Vous le voyez, il y avait du travail, et nous aurons les premiers résultats avant un mois. Mais je tiens à préciser dès maintenant que les banques jouent le jeu. Le Gouvernement ne cherche pas de bouc émissaire, car cela ne mène jamais à rien. Sa stratégie est uniquement tournée vers le concret et les résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

MOYENS DE LA SÉCURITÉ CIVILE

M. Jean-Pierre Grand - Il y a un mois, Monsieur le ministre de l'intérieur, lors du 111e congrès national des sapeurs pompiers à Montpellier, vous avez fixé le calendrier de mise en œuvre de la loi de modernisation de la sécurité civile, emportant la satisfaction de l'ensemble des sapeurs pompiers présents. Vous avez également salué le courage de tous ceux qui s'engagent pour protéger notre environnement contre des incendies trop souvent criminels. Après un été 2003 au bilan dramatique, les conditions climatiques ont été heureusement différentes cette année. Les leçons de ces deux années contrastées ayant été tirées, pouvez-vous confirmer le renforcement des moyens que l'Etat entend consacrer à la surveillance et à la lutte contre les incendies dans nos forêts ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Nous avons en effet réussi à inverser la tendance. Nous avions déploré dix morts à la suite des tragiques feux de forêt de 2003, et 60 000 hectares partis en fumée. Cette année, seuls deux pompiers ont été tués dans l'accident d'un hélicoptère au-dessus de la Corse, et 10 000 hectares seulement ont brûlé. Ces progrès sont dus à un effort d'anticipation : des colonnes de renfort ont été déployées sur l'ensemble du territoire, en fonction du risque météo. Par ailleurs, nous avons accompli un effort important de répression, puisque 60 auteurs d'actes criminels ont été interpellés.

La loi de modernisation de la sécurité civile va nous donner de nouveaux instruments pour être encore plus efficaces, tels que les plans préventifs, les réserves communales et une réglementation plus sévère quant au débroussaillage. Elle sera très rapidement opératoire, et nos moyens seront confortés dès 2005 par deux nouveaux avions gros porteurs. Nous fournissons donc un effort constant de mobilisation et de modernisation mais aussi d'humilité, car il faut en permanence tirer les leçons des actions que nous entreprenons. Aujourd'hui même, d'ailleurs, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur réunit l'ensemble des acteurs pour préparer au mieux la campagne 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

TAXE INTÉRIEURE SUR LES PRODUITS PÉTROLIERS

M. François Brottes - Monsieur le ministre des finances, il est un domaine où la politique du Gouvernement ne flotte pas ; où elle traduit une écoute intense, au cas par cas, où elle génère d'abondantes ressources et où tous les Français sont égaux devant la fermeté. Bref, un domaine où l'on pourrait croire que vous saurez nous dire comment notre pays va éviter le scénario catastrophe.

Il y a quelques jours, ce n'était pas une sardine qui bouchait nos ports de grand trafic, ni les camionneurs qui bloquaient nos dépôts de carburants, mais bien les agriculteurs ! Alors que les Français sont lourdement touchés par l'augmentation des tarifs à la pompe, vous nous avez dit, Monsieur le ministre, que rétablir la TIPP flottante, que la droite s' était empressée de supprimer, n'aurait qu'une très faible incidence sur le prix à la pompe. Mais personne n'oublie que le centime d'euro est plus lourd que le centime de franc ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). En tout état de cause, la TIPP flottante réduirait significativement la facture des Français qui remplissent leur réservoir ou leur cuve de fioul ! Certes, elle priverait le Gouvernement de plusieurs centaines de millions d'euros, mais faire baisser de 1,5 % le prix à la pompe est aussi important, sinon plus, qu'essayer de réduire, sans vrai succès, les prix dans les supermarchés. Alléger les charges de millions de ménages est plus juste, plus efficace et plus solidaire que baisser l'impôt sur les grandes fortunes ou sur la transmission du patrimoine.

A ce propos, Monsieur le ministre d'Etat, il n'est pas acceptable de prétendre que seuls ceux qui ont un patrimoine ont travaillé. Des millions de Français ont travaillé dur toute leur vie sans réussir à mettre de l'argent de côté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Les pêcheurs et les agriculteurs souffrent bien sûr, mais des millions de nos concitoyens aussi ! Didier Migaud vous l'a déjà demandé : à partir de quel prix du baril allez-vous rétablir la TIPP flottante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Monsieur Brottes... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés socialistes - Sarkozy, dégonflé !

M. le Président - Laissez parler M. Devedjian !

M. le Ministre délégué - Quel spectacle éloquent ! Vous ne voulez pas entendre nos réponses à vos questions ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Monsieur Brottes, qui êtes inquiet pour les agriculteurs, rassurez-vous : ils ont levé les barrages. Hervé Gaymard s'était fait le porte-parole de leurs inquiétude et, sur proposition de Nicolas Sarkozy, (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) le Premier ministre a baissé la TIPP, pour eux, de quatre centimes d'euro par litre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Croyez-moi, c'est bien mieux que la TIPP flottante ! La situation était en effet injuste pour les agriculteurs, qui ne peuvent pas répercuter l'augmentation des coûts dans leurs prix et ont besoin donc d'un effort particulier de la part de la nation. Pour les marins pêcheurs, la situation est également réglée, et François Goulard réunira demain les transporteurs pour arrêter les mesures à prendre. Quant aux particuliers, le crédit d'impôt pour les travaux d'isolation passera de 15 à 25 % (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Mais vous, les socialistes, qui êtes si attentifs au pouvoir d'achat des Français dans le domaine de l'énergie, pourquoi n'avez-vous pas voté le programme EPR, programme d'avenir qui est le seul moyen d'amoindrir notre dépendance à l'égard du pétrole ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

MISE EN œUVRE DE LA LOI « PERBEN 2 »

M. Jean-Paul Garraud - La loi du 9 mars 2004 portant adaptation des moyens de la justice à l'évolution de la criminalité, dite loi Perben 2, est venue répondre à l'attente de nos concitoyens en matière de lutte contre la délinquance. Celle-ci, qui a « explosé » sous la précédente législature, devait être combattue énergiquement, et il fallait pour cela écarter certaines idéologies paralysantes. En complément des lois Sarkozy sur la sécurité intérieure, qui ont apporté à la police et à la gendarmerie des moyens pour agir et une véritable considération pour leurs personnels, la loi Perben 2 a réformé en profondeur l'organisation de notre justice, notre droit et notre procédure pénale. C'est la mise en œuvre d'une vraie volonté politique, pour maîtriser la montée des nouvelles criminalités, diversifiées, structurées, organisées et souvent internationales. A un régime juridique renforcé pour les infractions commises en bande organisée s'est ajoutée une organisation nouvelle de la lutte contre la criminalité organisée : je pense aux pôles régionaux de lutte contre la grande criminalité.

La loi est entrée en vigueur le 1er octobre, Monsieur le Garde des Sceaux, et la représentation nationale souhaite savoir si cette nouvelle organisation est effective, si les pôles ont reçu les moyens de leur mission, s'ils ont commencé à l'accomplir, et si vous entendez procéder à une évaluation et à un suivi de leur activité (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Un des défis les plus difficiles auxquels est confrontée notre organisation judiciaire est en effet l'existence de nouvelles formes, souvent internationales, de criminalité conduites par de véritables entreprises, contre lesquelles on ne peut lutter efficacement que si l'on dispose d'une organisation concentrée. C'est pourquoi, dans la loi en question, nous avons procédé un regroupement de compétences, afin qu'aux cent quatre-vingt-deux tribunaux de grande instance se substituent huit tribunaux spécialisés, sept en métropole et un aux Antilles, ce qui permet de centraliser les informations, de regrouper les procédures et de spécialiser un certain nombre de magistrats.

Ce dispositif devait être mis en place au 1er octobre : il l'a été. J'ai pu en effet, grâce au budget de 2004, nommer à temps 77 magistrats et 135 fonctionnaires des greffes, et mettre en place les moyens matériels correspondants, notamment informatiques. Comment les choses vont-elles se passer maintenant ? Ces juridictions voient déjà arriver des dossiers qu'avaient commencé à traiter certains parquets. Des réunions interrégionales se tiennent entre magistrats spécialisés et services de police et de gendarmerie, afin de faire le tri entre les affaires courantes et celles qui relèvent du nouveau dispositif. Mes services vont suivre attentivement la façon dont se fera la distribution des dossiers entre les différentes juridictions, afin de s'assurer que le dispositif est efficace (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ

M. Patrick Ollier - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Dans la compétition économique que lui imposent l'ouverture des marchés et la mondialisation, notre pays souffre de handicaps bien connus : poids des charges, surfiscalisation, loi aberrante sur les 35 heures, surréglementation insupportable - bref, l'héritage de vingt ans de socialisme (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Notre production industrielle reste pourtant une des plus compétitives, et représente quelque 20 % de notre PIB. Aujourd'hui surgissent toutefois deux nouvelles difficultés. La première concerne la recherche. Nos chercheurs sont certes considérés comme les meilleurs du monde ; mais le nombre de brevets en France est inférieur à la moyenne européenne. Plus grave, il est inférieur de plus de 50 % au résultat de nos amis allemands. J'y vois la preuve que nos entreprises, nos laboratoires, nos instituts de formation présents sur un même territoire ne sont pas assez capables de travailler ensemble, contrairement à ce qui a lieu dans les autres pays européens. Le deuxième problème est la déstructuration de notre politique d'aménagement du territoire provoquée notamment par la loi Voynet, qui mettait fin à la politique que nous avions voulue (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Posez votre question ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Ollier - Le dernier CIADT a prévu un certain nombre de mesures. Sont-elles à la hauteur de l'enjeu ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Le savoir, le savoir-faire et la transmission du savoir - c'est-à-dire la recherche, l'industrie et la formation : c'est pour avoir compris la synergie entre ces trois facteurs que des pays comme l'Italie, la Norvège ou la Finlande ont su résister aux méfaits de la mondialisation et en faire un levier pour leur croissance, en créant des pôles d'excellence.

Les pôles de compétitivité, en France, sont un sujet en jachère. M. de Saint-Sernin et moi-même avons donc proposé au Premier Ministre, lors du dernier CIADT, de fonder nos espoirs sur le génie local. Il s'agit, partout où il y a des entreprises - souvent performantes, mais un peu cloisonnées -, des universités - souvent excellentes, mais un peu cloisonnées elles aussi -, des laboratoires de recherche - qui parfois travaillent en vase clos - de mettre tout cela en synergie pour créer de varis pôles de compétitivité, et d'appeler avec les collectivités territoriales à des projets que nous validerons et aiderons. Le CIADT a décidé de mobiliser 750 millions d'euros d'ici 2007, dont plus de la moitié en fonds budgétaires, le reste provenant de l'ANVAR, de la Caisse des dépôts et de la Banque des PME. Je suis convaincu que nous saurons ainsi maîtriser la mondialisation et en faire une source de croissance et d'emplois pour notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE

M. Alain Claeys - L'enseignement supérieur et la recherche, Monsieur le Ministre de l'éducation nationale, doivent être une priorité nationale. Mais, depuis deux ans et demi vous y avez renoncé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il suffit pour s'en convaincre d'observer l'évolution des crédits. Plus qu'une erreur, vos choix en la matière sont une faute majeure.

Selon l'OCDE, la France est en retard : la dépense nationale par étudiant est inférieure à celle des pays comparables, l'effort public de recherche civile est très insuffisant. La rentrée universitaire se déroule dans de mauvaises conditions, alors que des réformes aussi essentielles que le LMD sont en cours.

Le budget que vous proposez pour 2005 ne comble pas le retard qui a été pris depuis deux ans et demi.

M. Yves Fromion - Et avant !

M. Alain Claeys - Vous annoncez 356 millions d'euros pour le budget civil de recherche et de développement, alors que les crédits de la recherche publique ont été amputés de 500 millions d'euros en 2003 et 2004. Les Français l'ont bien compris, vous avez sacrifié l'avenir de nos universités et de la recherche. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Je vous pose deux questions : à quand une loi de programmation pluriannuelle sur la recherche ? Etes-vous prêt à répondre aux besoins urgents de nos universités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Si une loi de programmation sur la recherche était nécessaire, vous auriez dû la présenter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) L'OCDE montre en effet que les universités et l'enseignement supérieur reçoivent moins de fonds publics en France que dans les autres pays développés. Mais ce n'est pas nouveau : cela fait vingt ans que perdure cette situation, et vous n'y avez jamais apporté la moindre réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous avons décidé d'augmenter ce budget de 3 % en 2005 : il progresse deux fois plus que le budget de l'Etat. Cela est certes insuffisant, mais du moins le Gouvernement affirme-t-il une priorité en faveur de l'enseignement supérieur. Nous avons créé 1 000 postes en cours d'année : ils sont consolidés dans le budget 2005. Nous créons 150 postes supplémentaires de maître de conférences, ce qui porte à 850 le nombre de postes créés sur les deux ans.

Nous avions jusqu'en 2007 pour mettre en oeuvre la réforme du LMD initiée par Claude Allègre : les trois quarts de nos universités l'ont déjà engagée avec succès.

S'agissant de la recherche, le Premier ministre avait promis un milliard d'euros supplémentaires en 2005 : il y aura un milliard d'euros supplémentaires.

M. Alain Claeys - C'est faux !

M. le Ministre - Ces crédits permettront à la recherche française de rattraper son retard. Nous discuterons de son avenir dans le cadre de la préparation de la loi d'orientation sur la recherche. Mais sur le sujet, la modestie est de mise, car les responsabilités sont très partagées (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

SERVICES À LA PERSONNE

M. Jean-Michel Fourgous - Vous avez participé hier avec plus de 3 500 personnes, Monsieur le ministre de l'Emploi, au lancement de la Maison de l'emploi « nouvelle génération » d'Elancourt. Cette structure associe l'ensemble des acteurs de l'emploi et de l'orientation, avec une cité des métiers très innovante. Elle facilite la rencontre entre chômeurs et entrepreneurs.

La croissance et l'emploi sont le fruit d'un rapport nouveau entre le travail et le capital, entre la compétence et l'initiative, un rapport de confiance et non de défiance comme le voudraient certains.

La croissance approche les 2,5% pour 2004, et nous nous en réjouissons. Encore faut-il la transformer en emplois durables. Les majorités d'aujourd'hui et de demain seront jugées sur leur capacité à créer des emplois. Or il existe un gisement d'emplois encore insuffisamment exploité en France, celui des services à la personne, qui répondent à une véritable exigence de lien social et de qualité de vie. Nous avons un retard à rattraper : songez que le premier employeur américain est un fournisseur de services à la personne !

Réduire les charges sur ces emplois n'est donc pas un cadeau fait aux riches, coMme le disent les plus archaïques d'entre nous (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), mais aux exclus du travail.

Vous avez annoncé un plan permettant de créer 500 000 emplois de services en trois ans. Je salue cette initiative, propre à revaloriser ces métiers de proximité et de solidarité. Comment concrétiserez-vous les espoirs de création d'emplois ? Pouvez-vous nous détailler les modalités de préparation de ce plan ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - J'ai été heureux de participer hier à Elancourt au lancement de la Maison de l'emploi, et 220 propositions semblables nous ont d'ores et déjà été faites.

Le secteur des services à la personne compte 1 300 000 salariés en France et affiche une croissance annuelle de 6%. Les professionnels estiment qu'ils pourraient, en trois ans, doubler le nombre des créations d'emplois, qui passerait alors de 250 000 à 500 000. Nous les avons rencontrés. Le Premier ministre m'a autorisé à créer une mission d'aide à la personne qui réunit associations, collectivités locales, monde de la santé, entreprises et particuliers, pour examiner les modalités d'un plan de soutien global à ce secteur. Nous avons mis en place avec M. Douste-Blazy, Mme Montchamp et M. Falco, un comité de suivi pour encourager ces actions. Le plan sera présenté à Noël (« Ah ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). N'en doutons pas, il s'agit là de métiers nobles - et non délocalisables - qui ne sont pas encore reconnus en tant que tels : ce sera notre révolution (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

MALTRAITANCE DE PERSONNES ÂGÉES

M. Lucien Degauchy - Le cas de maltraitance de personnes âgées signalé à Arras il y a peu est inquiétant à plus d'un titre. S'agit-il d'un cas isolé, ou existe-t-il d'autres épisodes cachés ? Il faut donc s'assurer que les structures spécialisées sont suffisamment contrôlées, mais aussi que l'on ne laisse pas se commettre des maltraitances à domicile. En novembre 2002, un comité de vigilance a été constitué et, en janvier 2003, une action spécifique a été lancée. Quels en sont les résultats ? Quelles actions nouvelles sont prévues, destinées à prévenir et à sanctionner ce fléau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Vous voyez, Monsieur Degauchy, qu'il est agréable de ne pas être interrompu ! (Sourires)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - C'est un problème social majeur que celui qu'a révélé le cas de maltraitance signalé à Arras il y a quelques semaines. Une enquête judiciaire a naturellement été lancée et j'ai en outre diligenté une enquête de l'IGAS. Malheureusement, la maltraitance des personnes âgées est une réalité, aussi bien dans les établissements spécialisés qu'à domicile De plus, le comité de vigilance auquel vous avez fait référence indique que parmi les personnes âgées maltraitées, 43 % sont porteuses d'un handicap physique, 14 % souffrent d'une maladie psychique et 11 % de la maladie d'Alzheimer.

Le Gouvernement a donc décidé de renforcer son plan d'action contre la maltraitance. A cette fin, pour briser le tabou qui explique le silence des victimes, le réseau « allô maltraitance » aura désormais des annexes départementales. Par ailleurs, les contrôles seront renforcés. Depuis 2003, 370 contrôles ont eu lieu, et 66 maisons de retraites ont été fermées après que des cas de maltraitance eurent été confirmés. De telles ignominies ne permettent naturellement pas de considérer avec suspicion l'ensemble des personnels de ces établissements qui, dans leur immense majorité, travaillent avec compétence et générosité. Cela étant, lorsque des cas de maltraitance sont avérés, la sanction doit être exemplaire, car c'est une indignité que de s'en prendre aux plus vulnérables d'entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Baroin.

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX
-deuxième lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

AVANT L'ART. 38

M. François Brottes - Il a été décidé en première lecture que les collectivités qui le souhaitent pourraient accorder des exonérations fiscales afin d'inciter des professionnels de santé ou des services de soins à s'installer sur leur territoire. Nous demandons par l'amendement 623 que ces exonérations leur soient compensées par l'Etat. C'est bien à la solidarité nationale de jouer en faveur des collectivités qui souffrent d'un manque de professionnels de santé et de services sanitaires.

M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques - La commission n'a pas examiné cet amendement. J'y suis, pour ma part, défavorable, tout en en comprenant les motivations. Autant il est normal que les exonérations imposées aux collectivités leur soient intégralement compensées, autant on risquerait de provoquer un effet d'aubaine si leur étaient également compensées celles qu'elles consentent librement.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Outre les aides que peuvent consentir les collectivités, il existe aussi celles accordées par les caisses d'assurance maladie et par l'Etat lui-même, et toutes ces aides se cumulent. Il n'est pas possible d'accepter cet amendement.

M. Jean-Claude Lemoine - Nous attendons avec impatience, tout particulièrement dans une région comme la mienne qui connaît une grave pénurie de professionnels de santé, les décrets d'application qui nous permettront d'octroyer ces exonérations.

M. le Secrétaire d'Etat - Ils ne relèvent pas du texte adopté cet été et réformant l'assurance maladie. Nous essayons actuellement de définir les critères les plus pertinents car nous le savons bien que, pour garantir la permanence des soins sur le terrain, ce sont, plus que les dispositions générales, des dispositifs « sur mesure » qui sont les plus efficaces.

M. François Brottes - Tout d'abord, je remercie M. Lemoine et ses collègues de la majorité de leur soutien... (Sourires) Je ne pense pas, comme le dit le rapporteur, que les collectivités consentent librement ces aides. Elles n'ont tout simplement pas d'autre choix pour disposer des services, dont d'autres bénéficient gratuitement !

L'amendement 623, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 38

M. Yves Coussain, rapporteur - L'amendement 118 est rédactionnel.

L'amendement 118, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 333 est rédactionnel.

L'amendement 333, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Coussain, rapporteur - L'amendement 119 est rédactionnel.

L'amendement 119, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Simon - Les investissements immobiliers réalisés par une collectivité ne sont pas aujourd'hui éligibles au FCTVA lorsque les locaux sont loués, à moins que la collectivité n'ouvre un budget annexe, ce qui complique tout de même la gestion ultérieure. C'est d'ailleurs pourquoi les collectivités hésitent souvent à investir en ce domaine. Mon amendement 364 rendrait éligibles au FCTVA les investissements réalisés pour l'installation de professionnels de santé.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, quoi qu'elle ne conteste pas le bien-fondé de ses motivations.

M. le Secrétaire d'Etat - La loi offre un large panel d'aides destinées à favoriser l'installation des professionnels de santé dans ces zones déficitaires. Vous proposez d'alléger la TVA sur les opérations immobilières conduites dans ce cadre par les collectivités locales. Les allègements du Fonds de compensation de la TVA en faveur des collectivités locales constituent des aides à l'investissement pour des dépenses entrant dans leur champ de compétence sur des biens intégrés à leur patrimoine. Ainsi les travaux sur des biens mis à la disposition de tiers non bénéficiaires du Fonds sont en principe éligibles au FCTVA, sauf dans le cas d'une mission de service public. Il est plus simple pour les communes d'envisager la réévaluation du loyer annuel versé par les allocataires. Le problème que vous soulevez est beaucoup plus large que celui sur lequel nous travaillons cet après-midi, aussi vous demanderai-je de retirer votre amendement. A défaut, je serais désolé d'en demander le rejet.

M. François Brottes - Vous venez de dire qu'il suffirait que les communes augmentent les loyers pour payer la TVA, mais n'oubliez pas qu'en la matière, il y a un manque de moyens, et un manque de personnel médical. Je regrette que nous ne puissions être qu'incitatifs et non coercitifs en ce domaine.

Vous prétendez que la TVA n'est pas récupérable au prétexte que les travaux n'entreraient pas dans le champ de compétence des collectivités locales, alors que ce texte donne justement compétence aux communes rurales pour accueillir les professions de santé ! Bien sûr, vous vous empressez d'ajouter qu'il s'agit d'une activité commerciale, et vous visez là une disposition de M.Charasse, mais rien ne vous interdit de corriger les erreurs de la majorité précédente.

M. le Secrétaire d'Etat - Il y aurait beaucoup de travail !

M. François Brottes - L'augmentation des loyers n'aura pour résultat que de faire fuir les médecins !

M. Jean-Claude Lemoine - Si les loyers ne sont pas attractifs, les professionnels de santé ne viendront pas ! Par ailleurs, je ne pense pas que cette mesure soit d'un coût insurmontable pour l'Etat.

M. le Secrétaire d'Etat - Je comprends votre préoccupation, monsieur Lemoine, mais l'installation dans les zones défavorisées dépend davantage des conditions de travail que de la rémunération des professionnels de santé. Je vous l'ai dit, le Gouvernement a fait le choix d'une aide directe et lisible, et l'on ne peut pas dire qu'il se désintéresse de ce problème. Avec le texte de M. Gaymard, nous faisons un effort supplémentaire.

Monsieur Brottes, il n'est pas dans mes capacités de réparer les erreurs du gouvernement précédent, ni de rapprocher votre point de vue de celui de M. Charasse. Je préfère consacrer mon énergie à ce projet de loi.

Vous avez dit que vous préfériez la coercition à l'incitation. Nous pensons qu'il est possible de concilier le développement des territoires ruraux avec l'exercice de la médecine libérale.

M. Yves Simon - Ce n'est pas aussi simple que cela pour les maires des petites communes. Pour ce qui concerne ma ville, les loyers n'ont pas permis de récupérer le montant des investissements, et pour des questions d'ordre budgétaire, je ne vois pas comment on pourrait aujourd'hui se passer du remboursement par le FCTVA, ce qui, du reste, ne pénaliserait pas outre mesure l'Etat.

L'amendement 364, mis aux voix, est adopté.

M. François Brottes - Je me réjouis de l'adoption de l'amendement 364, qui procède de la même démarche que le 624. il s'agit là de majorer forfaitairement la dotation globale de fonctionnement pour les communes rurales.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais elle y avait déjà été défavorable en première lecture. Dans le cadre des lois votées cet été, il a déjà été prévu une majoration de la DGF en fonction de la surface, justement destinée à couvrir les dépenses visées par M. Brottes.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable. J'ai déjà indiqué les choix du Gouvernement.

L'amendement 624, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 38 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 38

M. Robert Lecou - L'amendement 30 tend à modifier l'article 85 du code de déontologie médicale qui encadre l'implantation des cabinets médicaux secondaires par un délai de trois ans renouvelable, et la possibilité de révoquer l'autorisation à tout moment, alors qu'il faudrait justement pérenniser leur implantation.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable. Cette question relève du domaine réglementaire, mais surtout le Conseil national de l'ordre des médecins a proposé cet été d'assouplir cette réglementation, et le Conseil d'Etat a été saisi pour avis.

M. le Secrétaire d'Etat - En effet, le Conseil national de l'ordre des médecins vient de réécrire l'article 85 pour favoriser la création de cabinets multisites et nous avons un projet de décret qui sera prochainement publié. Pour cette raison, je vous demande de retirer votre amendement.

M. Philippe Folliot - Je doute de l'impact de cette solution à moyen terme sur la couverture médicale des zones rurales. Pourquoi ne pas appliquer aux médecins le dispositif en vigueur pour les pharmaciens et qui a déjà fait ses preuves ?

M. François Sauvadet - Il a raison !

M. Robert Lecou - Puisqu'on me garantit que le code de déontologie va évoluer, je retire ma proposition.

L'amendement 30 est retiré.

M. François Brottes - Je ne suis pas sûr que la majorité puisse réitérer, pour la pharmacie, le coup de la boulangerie qu'elle nous a fait pour la poste !

Le seuil de 2 500 habitants paraît inadapté en zone rurale et, surtout, en montagne où les distances sont souvent importantes et les conditions de circulation peu favorables. Afin de garantir l'accès au médicament et la proximité des soins, nous proposons donc par l'amendement 626 rectifié d'abaisser le seuil, dans ces territoires, à 1 500 habitants.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement, auquel elle s'était montrée défavorable en première lecture. Toute la profession est pour le seuil actuel. Abaisser le seuil à 1 500 habitants pourrait entraîner une déstabilisation préjudiciable à de nombreuses officines.

M. François Brottes - Pas dans les zones de montagne !

M. le Secrétaire d'Etat - On ne peut chercher à renforcer le tissu des officines sans se préoccuper de leur viabilité économique, Monsieur Brottes ! En abaissant le seuil, vous pensez mieux garantir des soins de proximité mais, en fait, vous compromettez la survie des pharmacies - et vous allez donc exactement dans le sens inverse de celui que vous croyez suivre.

M. Jean-Marie Le Guen - Le propos du secrétaire d'Etat est révélateur des limites de notre organisation actuelle des soins. Ce que nous devrions considérer avant toute chose, ce sont les besoins des habitants et les possibilités qu'ils ont ou non d'accéder à des soins de qualité. A l'évidence, le système libéral - la philosophie politique de cette majorité - ne peut satisfaire à ces exigences. Selon votre conception, très dogmatique, l'offre de services devrait être dictée par le marché. Dans ces conditions, comment répondre aux besoins de la population ?

M. Philippe Folliot - Chacun constate que, grâce à notre réseau de pharmacies, l'accès au médicament est nettement plus aisé que l'accès au médecin. Pour les secteurs où ce n'est pas le cas, il existe un recours : la propharmacie. Cependant, ce système utile a parfois été remis en question : pourrions-nous avoir des garanties sur sa pérennité ?

M. Jean-Claude Lemoine - Ce qu'a dit le secrétaire d'Etat est tout à fait pertinent pour les zones rurales que je connais. Mais si l'on a modifié par le passé les conditions d'implantation des officines et si l'on a essayé de supprimer la propharmacie, il serait intéressant de savoir sous quel gouvernement...

M. le Secrétaire d'Etat - Il est bon en effet de rafraîchir la mémoire de certains...

Oui, Monsieur Folliot, des solutions existent et ce sont des solutions pragmatiques car nous laissons le dogmatisme, inefficace, à M. Le Guen. Les communes peuvent faire appel à des sociétés de portage de médicaments à domicile...

M. Jean-Marie Le Guen - ...et à internet !

M. le Secrétaire d'Etat - Il est également possible de dispenser des médicaments à domicile lorsque l'état de santé du patient l'exige et le préfet peut autoriser les médecins installés dans une commune dépourvue d'officine à avoir chez eux un dépôt de médicaments.

L'amendement 626 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Ménard - L'amendement 444 vise à faciliter le remplacement des généralistes exerçant dans les zones médicalement défavorisées. Le Gouvernement a agi en faveur de l'installation de médecins dans ces zones, mais très peu a été fait pour le maintien des praticiens déjà installés. Je propose donc une défiscalisation des remplacements pour une durée limitée.

Pour avoir exercé pendant trente-quatre ans comme généraliste dans une zone qui manquait de médecins et d'infirmières, je puis vous assurer que les médecins, qui travaillent dix à douze heures par jour, aimeraient pouvoir souffler un peu de temps à autre. Mais, pour cela, il faut trouver un remplaçant qui accepte de venir dans cette zone défavorisée, ce qui n'est vraiment pas chose facile.

M. Yves Coussain, rapporteur - Rejet. Le dispositif apparaît complexe et difficile à gérer. Les exonérations de taxe professionnelle prévues pour les ZRR nous semblent suffire. Par ailleurs, nous ne pouvons créer une catégorie de professionnels non imposables...

M. le Secrétaire d'Etat - Pour m'en être entretenu avec vous, je crois que le problème qui se pose dans votre département - mais on peut extrapoler à d'autres - est avant tout celle de la permanence des soins. Or, qu'il s'agisse de la préserver si elle existe ou de convaincre les acteurs de la mettre en place si elle n'existe pas, il ne s'agit pas prioritairement d'une question financière ou fiscale : il s'agit avant tout de définir qui fait quoi, entre les médecins libéraux, les collectivités, l'Etat et l'assurance maladie. Jusqu'ici, on n'a pas laissé sa chance à l'incitation. Nous rompons avec cette logique grâce à l'évaluation, laissons à ce dispositif ses chances.

M. Jean-Claude Lemoine - Il n'y a pas permanence des soins sans visites de nuit, sans gardes le dimanche... Pourquoi existait-elle en zone rurale avant que ne soient créés les centres 15, et pourquoi n'existe-t-elle plus ? Parce que les médecins libéraux sont surchargés et que, travaillant 70 heures par semaine, ils envient les médecins de PMI qui, ne travaillant que 35 heures, peuvent consacrer du temps à leur famille tout en gagnant plus ! L'amendement permettrait de rétablir cette permanence. Pourquoi les heures de nuit ne seraient-elles pas mieux rémunérées ? N'est-ce pas le cas dans la fonction publique ?

La collectivité gagnerait beaucoup à ce que l'on ne soit pas obligé de faire traiter une angine à l'hôpital. Je défends donc bec et ongles cet amendement que j'aurais signé si j'en avais eu connaissance plus tôt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Brottes - Je partage les réserves du rapporteur : il y a risque d'inégalité de traitement au sein d'une même profession.

Le raisonnement du secrétaire d'Etat demeure strictement sectoriel. Oublie-t-il que ce projet vise au « développement des territoires ruraux », ce qui exige une approche globale ?

M. Marc Bernier - J'appuie mes collègues Ménard et Lemoine, mais, plutôt que de zones « défavorisées », je préférerais qu'on parle de zones « déficitaires ».

S'agissant de la permanence des soins, il faut bien voir que tout est lié et ne pas refuser les incitations. Ainsi, dans mon rapport sur la démographie médicale, j'avais suggéré d'offrir des bourses aux étudiants en médecine qui accepteraient de venir dans ces zones déficitaires pour y faire des remplacements : grâce à cet avantage fiscal, ils auraient l'occasion de mieux connaître ces territoires et, peut-être, l'envie de s'y installer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Secrétaire d'Etat - Monsieur Brottes, l'objet du projet de loi ne nous a pas échappé : c'est bien de dispositifs spécifiques que nous parlons !

Monsieur Lemoine, nous partageons la même analyse. Le véritable problème est la surcharge de travail : dans les zones déficitaires, les médecins font énormément d'heures, sans même parler des gardes, et la féminisation de la profession accentue encore les difficultés. Quant à la juste compensation des gardes, vous proposez qu'elle se fasse par le biais de la défiscalisation. Il y a plus simple : la rémunération ! C'est un domaine dans lequel l'assurance maladie a vocation à agir. C'est pourquoi nous avons demandé aux partenaires sociaux de travailler à nouveau sur ce sujet, alors que le Gouvernement n'avait pas régularisé l'avenant 14, qui s'intéressait à la rémunération des heures de garde. Il me semble bien préférable que la rémunération soit l'aboutissement d'un accord conventionnel, plutôt qu'elle se fasse par une défiscalisation. Je ne tente pas de repousser le débat aux calendes grecques, mais de trouver la meilleure solution. C'est ce que vont faire les partenaires le plus rapidement possible.

M. Jean-Claude Lemoine - La défiscalisation constituerait un signe fort, qui serait très apprécié par le monde médical. Par ailleurs, elle représentera un bénéfice important pour le budget, puisqu'elle permettra d'éviter des dépenses très lourdes d'intervention du 15 ! Sans compter les économies pour les collectivités territoriales, car ce sont souvent des ambulances du SDIS qui interviennent.

M. le Secrétaire d'Etat - Il serait surprenant que nous ne finissions pas par nous accorder : nous partageons le diagnostic, mais pas la thérapie !

Je ne peux pas laisser dire que le 15 coûte trop cher. La permanence des soins, lorsqu'elle existe vraiment, permet d'éviter le recours à l'hôpital par l'intervention des médecins libéraux. Lorsque la régulation fonctionne bien, elle assure le meilleur service au meilleur coût. Elle fait donc partie des priorités de l'assurance maladie, et c'est pourquoi je ne peux être d'accord avec la défiscalisation. C'est la logique de dialogue entre elle et les professionnels de santé qui doit prévaloir. En la matière, l'Etat ne doit être qu'un garant.

M. Jean Lassalle - Moi, je soutiens la proposition de M. Lemoine. Le mal est profond. Il faut remettre nos territoires à la mode. Aujourd'hui, les jeunes prennent pour une fatalité d'avoir à s'installer chez nous, comme dans les banlieues d'ailleurs. L'Etat doit largement utiliser l'incitation, et mettre en place de maisons de soins. Il faut reprendre le système à zéro, sans quoi les médecins ne reviendront pas. Ils ont trop peur, de beaucoup de choses - en premier lieu de perdre leur femme, et ils ont raison ! Elles partent ! (Rires) Les pouvoirs publics doivent travailler ensemble, mais sous la direction de l'Etat, sans quoi les conseils général et régional se disputeront et nous n'arriverons à rien. Il faudra procéder de la même manière pour les vétérinaires tout à l'heure. Si nous remettons les campagnes d'aplomb, tout ira beaucoup mieux (Applaudissements sur divers bancs).

L'amendement 444, mis aux voix, est adopté.

ART. 39

M. Jean-Marie Le Guen - On savait déjà que le texte contenait beaucoup de choses : en l'occurrence par exemple, il s'agit de faire la santé alors que dans quelques minutes, nous parlerons de la défaire (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP). Mais la méthode est toujours la même : vous empilez des solutions partielles à des problèmes globaux.

Monsieur le ministre, on connaît votre maîtrise du domaine de l'assurance maladie, mais il est évident que vous ne vous intéressez guère au problème de la médecine dans le monde rural. Si vous connaissiez votre dossier, vous sauriez que toute les études sont claires : le problème principal n'est pas celui des revenus. Ce que le Gouvernement propose, c'est de procéder à une évaluation d'ici 2010. Allez donc expliquer cela à vos mandants ! En attendant, et comme vous êtes inquiets, vous essayez de trouver un biais, un jour fiscal, le lendemain une aide indirecte ou des moyens supplémentaires, pour favoriser la venue de professionnels de santé dans des territoires désertés. Mais cela n'aura aucune incidence sur le cœur du problème : la qualité de vie, aussi bien quotidienne que professionnelle. Tant qu'ils auront le sentiment d'être isolés et de ne pouvoir prendre ni une heure, ni une semaine de repos, toujours de garde pour satisfaire les besoins de la population, ils ne viendront pas. Aucune aide financière ne résoudra ce problème.

La solution impose de rompre avec le dogme libéral, qui ne voit de salut que dans l'incitation financière. Tant que les soins ne seront pas organisés de telle sorte que le médecin soit conforté par une équipe de paramédicaux, qui l'assiste et lui permette de prendre un peu de distance, vous n'arriverez à rien. Une telle organisation des soins avait été adoptée en première lecture du projet de loi sur la sécurité sociale, en juillet, mais le Gouvernement est revenu dessus. Obligation avait été faite à l'assurance maladie d'ouvrir des services de soins dans les zones déficitaires. Ce n'est pas aux maires ou aux conseiller généraux de courir après un médecin ! C'est à l'assurance maladie d'organiser les soins dans vos cantons. Mais cela, le Gouvernement l'a refusé. Tant que le dogme libéral prévaudra, que chacun pourra s'installer où il veut, vous n'aurez pas satisfaction et vos concitoyens ne seront pas égaux dans l'accès aux soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF).

M. François Brottes - L'amendement 627 est défendu.

L'amendement 627, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Antoine Herth - L'amendement 446 prévoit que les chartes de développement des pays intègrent les questions de santé et d'action sociale et médicosociale. J'ai bien conscience qu'il s'agit d'un amendement déclaratif, ce dont nous avons tous horreur, mais il est important d'appeler l'attention sur ce sujet. Contrairement à M. Le Guen, je ne pense pas que nous soyons au bord du précipice. La ruralité est diverse : il est des endroits où l'offre de soins est très bien assurée, et d'autres où la situation est catastrophique. Pour ceux-là, nous devons mobiliser tous les moyens disponibles, et les pays en sont un qui permet de jouer sur la coordination et la solidarité. Je retirerai cet amendement, mais il me semble que des paroles fortes doivent être prononcées en ce sens.

M. Yves Coussain, rapporteur - Cet amendement a été repoussé par la commission car les pays ont déjà la faculté de prévoir des actions sociales ou médicosociales.

M. le Secrétaire d'Etat - Notre souci de coordination est commun. Les pays sont désormais bien implantés et permettent d'ores et déjà de coordonner les politiques et les actions : je le sais pour les avoir vu fonctionner en tant qu'élu local. Par ailleurs, les missions régionales de santé vont avoir pour vocation d'améliorer l'organisation des soins sur les territoire et la nouvelle génération des SROS va permettre de coordonner, dans le cadre de projets territoriaux de santé, l'offre hospitalière et l'offre ambulatoire. Ces projets médicaux de territoire seront adoptés pour septembre 2005. Je crains que votre amendement n'apporte de la confusion. Laissons donc ces nouveaux dispositifs se mettre en place, nous y verrons plus clair ensuite.

M. François Sauvadet - Vous avez bien compris qu'il s'agit d'un amendement d'appel, qui ne touche pas seulement aux pays, mais également aux SROS. C'est à ce sujet que je désire vous entendre, Monsieur le ministre. Il importe d'abord que la nouvelle génération de schémas soit bâtie avec les acteurs locaux. Les consulter alors que les décisions sont déjà prises et les mettre devant le fait accompli n'est pas acceptable. C'est pourtant la pratique habituelle, y compris dans les espaces constitués, où des efforts ont été faits par tous les acteurs de santé. En Côte d'Or par exemple, 344 communes, regroupant quatre hôpitaux locaux, ont accepté de travailler ensemble. Ils doivent être soutenus.

Or une question se pose également pour les choix des personnels de santé, car ils sont placés dans une insécurité permanente : à peine un SROS est-il établi qu'il est rediscuté... Les agents qui ont des choix de vie à faire, et dont certains pourraient envisager d'aller vivre en milieu rural, sont constamment déstabilisés. Je plaide donc pour qu'on ait une vraie stabilité sur des périodes de cinq ans, et que les SROS tiennent compte des spécificités locales.

Reste enfin la question des moyens. Je souhaite qu'un jour soit rouverte la question des moyens alloués à chaque région, car il y a aujourd'hui une forte inégalité territoriale et certaines régions sont nettement sous-dotées. Si nous voulons garantir la permanence des soins, et avoir une réflexion avec les élus locaux et les partenaires de santé sur les territoires, il faudra assurer cette stabilité, et mettre des moyens dans les territoires ruraux - faute de quoi nous constaterons demain de graves problèmes dans certains territoires. Aujourd'hui déjà il est des endroits où il n'y a plus de gardes ; c'est le cas chez moi sur la moitié d'un département... Si l'on veut garantir l'égalité territoriale d'accès aux soins, nous devrons être plus modernes et prospectifs.

M. Jean-Marie Le Guen - Les préoccupations qu'expriment nos collègues ont été quelque peu abordées en juillet lors de la réforme de l'assurance maladie. Nous avons effectivement parlé des SROS, qui aujourd'hui concernent essentiellement les gros équipements, et nous demandions pour notre part que la médecine de ville y soit intégrée, et que les zones désertifiées au plan médical le soient également. La majorité l'a refusé au nom du dogme libéral.

Dans le débat sur l'assurance maladie, d'autre part, nous nous sommes inquiétés de la faible part accordée à la Mutualité sociale agricole, qui elle-même a fait connaître ses inquiétudes par un courrier en juillet. Cette préoccupation a été reprise par l'opposition, mais non par la majorité.

En troisième lieu, puisqu'on parle - à juste titre - de coordination, la majorité a créé la CNSA, la caisse nationale de solidarité autonomie. Cette décision va séparer un peu plus les interventions des différentes caisses de sécurité sociale, en isolant des autres le risque personnes âgées handicapées. Sur les territoires délaissés, cela rendra encore plus difficile la coordination des actions sanitaires et sociales, que chacun prétend souhaiter. Voilà trois sujets, abordés en juillet, qui sont au cœur de vos préoccupations, et qui ne sont pas pris en compte. L'article 39 exprime une préoccupation que nous partageons, et l'amendement est très intéressant ; mais vous menez par ailleurs des politiques qui contredisent l'intention de cet article.

M. André Chassaigne - Je trouve également cet amendement très intéressant, car il s'appuie sur une analyse de terrain qui permet de partir des besoins pour élaborer des chartes de territoire. Il se situe à l'échelle d'un pays, c'est-à-dire d'un bassin de vie, ce qui permet de faire le diagnostic des besoins de la population pour y répondre. Cela rejoint le souci, exprimé par nos collègues Le Guen et Lassalle, d'avoir une organisation au niveau des territoires ruraux, avec le maillage des médecins libéraux, certes, mais aussi des cabinets médicaux, des professions paramédicales, et j'ajoute, au centre de tout cela, les hôpitaux de proximité. Seule une approche territoriale permet d'apporter des réponses.

Je suis donc étonné de la position de M. le ministre, qui est défavorable à cet amendement comme s'il craignait que la réflexion de terrain, sur un bassin de vie, pusse comporter des dangers. Or l'important est que la réponse apportée rencontre les besoins de la population et les réalités du terrain. C'est pourquoi je soutiens avec force cet amendement, que je regrette de n'avoir pas écrit moi-même...

M. le Secrétaire d'Etat - Vous formulez en somme, Monsieur Sauvadet, trois demandes. Tout d'abord la concertation : il faut savoir que, sur les SROS de troisième génération, il y a une meilleure coordination entre l'ambulatoire et l'hôpital, et cette démarche sera confirmée par les missions régionales de santé. Je pense personnellement que la concertation n'est jamais une perte de temps, car elle permet de parvenir à de meilleurs choix. Des consignes ont été données pour que les avis des élus et du terrain soient mieux pris en considération.

Vous demandez aussi de la stabilité et vous avez raison : les décideurs, les élus, les personnels en ont besoin. Quant à votre troisième demande, c'est la démarche régionale. Nous l'avons engagée avec la réforme de l'assurance maladie, avec deux propositions. Ce sont d'abord les missions régionales de santé, mais aussi les agences régionales de santé pour les territoires qui souhaiteraient s'engager dans cette voie. C'est ainsi que des régions comme la Bretagne et l'Alsace ont déjà mené des expériences. Le Gouvernement a indiqué qu'il y avait place, dans un premier temps, pour cinq expérimentations ; nous verrons qui sera candidat. Et nous préparons un décret en vue d'assurer la souplesse nécessaire aux régions qui souhaitent s'engager dans cette expérimentation.

Vos arguments, Monsieur Le Guen, étaient les mêmes que cet été, et ne me semblent pas plus pertinents aujourd'hui, même si vous utilisez pour défendre vos idées un autre véhicule législatif... Je suis par ailleurs étonné de trouver aujourd'hui en vous un fervent soutien de la MSA, car les amendements visant à sa meilleure prise en compte, que le Gouvernement a acceptés, venaient de députés comme M. Censi, et vous étiez plus discrets qu'aujourd'hui sur ce sujet.

Je précise à M. Chassaigne que des expériences comme celles dont nous parlons sont possibles aujourd'hui. Et j'ai dit, contrairement à ce que vous voulez me faire dire, que les initiatives locales au plus près du terrain sont aujourd'hui intéressantes. Telle est la démarche qu'engagent les missions régionales de santé, mais aussi les pays : ne nous faites donc pas un mauvais procès sur ce point.

L'amendement 446 est retiré.

L'article 39, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 39

M. André Chassaigne - L'amendement 423 a pour objet d'alléger les contraintes qui pèsent sur l'installation d'officines de pharmacie en milieu rural. La norme actuelle de 2500 habitants ne tient pas compte d'une double évolution : la baisse démographique sur certains territoires, de sorte que des espaces de plus en plus grands sont dépourvus d'officine, avec les problèmes de déplacement qui en résultent, notamment en hiver ; et le vieillissement de cette population, qui accroît sa consommation de médicaments. Il faut débloquer cette situation et permettre l'installation de pharmacies là où il y a des problèmes et où de jeunes pharmaciens, après étude de marché, estiment qu'ils peuvent vivre sur un territoire.

M. Jean Lassalle - Mon amendement 622 a le même objet. Il est peut-être plus facile, à la campagne, de voir s'installer un pharmacien qu'un médecin, car l'épouse du pharmacien est employée elle aussi par l'officine - alors que le médecin de campagne craint toujours de perdre son conjoint.

Je saisis cette occasion pour évoquer aussi les maisons de retraite, dont nous sommes tous de futurs clients... Un quatrième âge est apparu depuis une décennie. Comme président d'une maison de retraite, je constate que l'âge moyen, qui était de 62 ans il y vingt ans, est aujourd'hui passé à 88 ans et demi. Les problèmes sont devenus très différents, avec la maladie d'Alzheimer, celle de Parkinson, et tous les troubles de la vieillesse qui exigent une rénovation des équipements. Cette rénovation, après avoir mis neuf ans à en bâtir le projet et à accorder tout le monde, voici que je ne parviens plus à la financer : ni l'Etat, ni la région, et à peine le département, n'ont de crédits pour cela. Pourtant l'accueil des personnes âgées crée beaucoup d'emplois, notamment pour des jeunes femmes qui sont autant de conjointes possibles pour nos jeunes paysans et artisans.

Je vous demande donc de vous pencher sur la question du financement des maisons de retraite.

M. le Président - Je me dois de vous faire observer que les maisons de retraite ne figuraient pas dans l'exposé sommaire de l'amendement.

M. Yves Coussain, rapporteur - Même réponse sur ces deux amendements qu'à M. Brottes : un équilibre a été trouvé avec la profession sur le seuil de 2500 habitants. Avis défavorable, donc.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Ce seuil a été fixé en concertation avec l'Ordre des pharmaciens et les syndicats de la profession. En deçà de 2500 habitants, on risque en effet de modifier l'équilibre économique des officines et de ne pas avoir de candidat à la reprise.

Le financement des maisons de retraite, Monsieur Lassalle, est au nombre des impératifs que nous impose le vieillissement de la population. J'entendais tout à l'heure parler de la CNSA. Elle a justement été instituée pour faire face aux défis de la dépendance. Plus de 53 000 places seront d'ailleurs créées à domicile ou en établissement pour répondre à la croissance de la demande (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gérard Bapt - Vous êtes, Monsieur le rapporteur, député du Cantal, département où j'ai eu l'occasion de rencontrer des médecins exerçant dans des cantons ruraux. Les préoccupations de nos collègues quant à la présence de pharmaciens dans ces cantons rejoignent celle, plus générale, de la désertification.

Peut-être avez-vous vu le reportage qu'a récemment diffusé une chaîne nationale sur un bourg rural dont le maire se désespérait parce que le seul généraliste de la commune rejoignait l'équipe d'urgentistes d'un hôpital de la région. En effet, il n'arrivait pas à lui trouver un successeur.

Les mesures prises trouvent vite leurs limites : les dispositifs d'incitation fiscale ne suffisent plus à défendre l'attractivité de la profession. Nous devons inventer de nouvelles formes d'exercice et de rémunération, de nouveaux statuts de remplaçants de longue durée.

Bref, c'est tout le problème de la désertification médicale de certaines régions qui est posé. A cet égard, votre réforme n'est pas allée jusqu'au bout. Je regrette qu'il ne soit plus fait mention de l'assurance-maladie.

M. François Sauvadet - Vous avez évoqué, Monsieur le ministre, le nécessaire équilibre d'une organisation territoriale déjà fragile. Cet argument doit être entendu. Mais notre amendement vise les seules communes de moins de 2 500 habitants « dépourvues d'officine ».

D'autres pistes, telles que la propharmacie, qui autorise le médecin prescripteur à délivrer des médicaments, ont été évoquées. J'attire cependant votre attention sur les attitudes corporatistes, qui perdurent parfois chez certaines professions, quelle que puisse être votre volonté de dialogue. Aussi souhaiterais-je que vous demandiez aux préfets d'examiner très attentivement les demandes de dérogation qui seront formulées, notamment pour la propharmacie.

Considérez donc cet amendement comme un amendement d'appel, et donnez des directives fermes afin de résister aux lobbies (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Yves Coussain, rapporteur - La loi autorise actuellement la création d'officines dans les communes de moins de 2500 habitants qui en seraient dépourvues.

M. le Secrétaire d'Etat - Ne pas modifier ce seuil est aussi dans l'intérêt des zones rurales, si l'on veut y préserver la présence de professionnels de santé et de pharmaciens.

L'article 65 de la loi du 27 juillet 1999, un arrêté a été pris par tous les préfets pour identifier les communes de moins de 2500 habitants non desservies par une officine. Sur le fondement de ces arrêtés, des créations peuvent être autorisées dans des zones constituées de communes limitrophes non desservies par une officine proche et dont la population atteint 2500 habitants.

Nous en parlions tout à l'heure suite à la proposition de M. Lemoine. Il convient de bien comprendre la logique des territoires ruraux pour pouvoir faire du sur-mesure. Nous demanderons aux préfets d'être vigilants. Je souhaite aussi que les professions de santé se parlent entre elles. C'est dans cet esprit de décloisonnement qu'a été mise en place l'Union nationale des professions de santé.

Les amendements 423 et 622, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 39 BIS

M. Jean-Marie Le Guen - Nos collègues sont à juste titre préoccupés par l'évolution de la présence du corps médical dans leur canton. Vous connaissez tous la démographie médicale, et vous savez que toute une génération de médecins cesseront leur activité dans les cinq à dix années à venir.

J'ai rappelé tout à l'heure les mesures que ne prend pas ce Gouvernement et l'objectif d'évaluation qu'il s'est fixé : 2010. Prenez-vous l'engagement, Monsieur le ministre, de ne pas attendre cette date pour venir présenter devant l'Assemblée, dans un an par exemple, un rapport sur l'évaluation de ces mesures ?

M. le Secrétaire d'Etat - Pas de mauvaise foi !

M. Jean-Marie Le Guen - Parlons-en : depuis des mois, vous nous dites une chose pour faire le contraire ! Le débat du mois de juillet en fait foi : votre amendement que le Gouvernement a accepté, Monsieur Censi, était bien en deçà des demandes de la MSA !

La convention médicale qui va être négocié le mois prochain va aboutir à la généralisation du secteur à honoraires libres. Dans les cantons ruraux cela aura un impact considérable, car les jeunes médecins s'implantent en fonction du potentiel fiscal et social de leurs futurs patients.

M. le Secrétaire d'Etat - Scandaleux !

M. Jean-Marie Le Guen - ...et cette tendance ne pourra que s'accélérer, étant donné la politique de santé que vous avez choisie, qui consiste à laisser le marché résoudre le problème de l'organisation des soins.

M. Philippe Folliot - C'est méconnaître entièrement la situation dans les zones rurales que de s'exprimer ainsi. Pour ce que j'en sais, le revenu moyen des médecins,dans mon département, s'établit à la moyenne nationale. En revanche, leur charge de travail est très lourde. Voilà ce qui explique les déséquilibres de la démographie médicale ! Il faut donc saisir les occasions qu'offre ce projet, en allant peut-être plus loin dans certains cas et, par exemple, créer des maisons de santé, rassemblant médecins, dentistes, kinésithérapeutes et infirmiers libéraux. Ainsi et ainsi seulement apportera-t-on une réponse globale à ce difficile problème.

M. Jean-Claude Lemoine - M. Le Guen a certainement une grande expérience de l'exercice de la médecine libérale en milieu rural, et c'est sans doute ce qui lui permet de s'exprimer de manière aussi avisée... Je déplore, d'ailleurs, qu'il quitte l'hémicycle en cet instant...

M. Jean-Marie Le Guen - Il me faut m'absenter, mais je reviens !

M. Jean-Claude Lemoine - ...car je lui aurais rappelé que si nous sommes contraints, en effet, de coller des rustines là où nous le pouvons, c'est bien parce que le numerus clausus des étudiants en médecine n'a pas été élargi pendant de trop nombreuses années. Dans ces conditions, on ne peut, en effet, s'attendre à des résultats flamboyants sous six mois ! Il y faudra dix ans.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Il est temps de recadrer le débat et de rappeler que le texte que nous examinons tend à définir une politique d'aménagement du territoire. J'observe que M. Le Guen quitte l'hémicycle à peine son discours prononcé, qui ne fait que répéter celui qu'il a tenu lors du débat sur l'assurance maladie, mais que notre collègue n'a pas pris part au débat en commission sur le texte qui nous occupe aujourd'hui. Venons-en donc, sans plus tarder, à l'adoption des mesure urgentes et utiles qui s'imposent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt - Je tiens à rassurer l'Assemblée : M. Le Guen, contraint de s'absenter, sera de retour dès 18 heures 30. Sur le fond, M. Lemoine n'a pas tort, l'ouverture du numerus clausus a été faite un peu tard. Pour autant, le nombre de médecins thésés est suffisant en France pour assurer une présence médicale sur l'ensemble du territoire. Le problème, c'est que certaines régions sont sous-dotées alors que d'autres sont sur dotées. Dans ces conditions, la formation d'un plus grand nombre de médecins ne garantira pas le rééquilibrage souhaité si rien ne change par ailleurs. Dans l'immédiat, il faut évaluer les perspectives d'installation d'une part, de départs en retraite d'autre part.

M. Yves Coussain, rapporteur - Les amendements 120 et 121 sont rédactionnels.

Les amendements 120 et 121, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 39 bis ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Les articles 39 ter et 40, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 41

M. Gabriel Biancheri - Par l'amendement 215, je propose d'assermenter les vétérinaires investis du mandat sanitaire. Cette proposition, qui s'inscrit dans le droit fil du renforcement des mesures de protection de la santé animale et de la santé publique voulues et annoncées par les pouvoirs publics, suscite une très forte attente de nos concitoyens, attentifs au bien vivre animal.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, qui avait été adopté en première lecture contre son avis. Il lui paraît en effet néfaste de donner des pouvoirs de police judiciaire à des vétérinaires qui ont avec leurs clients des relations commerciales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Même avis.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Ayant entendu l'avis défavorable exprimé tant par le rapporteur que par le Gouvernement, je tiens à appeler l'attention du ministre sur les difficultés que connaissent les vétérinaires inspecteurs, qui ne sont pas assez nombreux pour remplir les missions de contrôle qui leur sont imparties. L'amendement proposé par M. Biancheri n'a rien de déplacé. Au moment où les crises sanitaires se multiplient, les vétérinaires sanitaires, qui sont les sentinelles de la santé animale, voient leurs crédits réduits de budget en budget. Et ce n'est pas le projet de budget pour 2005 qui améliorera la situation, puisqu'il prévoit la disparition de 125 postes de vétérinaires inspecteurs ! Or, ils constituent un maillon essentiel de la chaîne de santé publique. Si l'on poursuit cette politique, le jour viendra où le nombre de vétérinaires en zone rurale sera aussi insuffisant que celui des médecins. Que comptez-vous faire, Monsieur le ministre, pour que les vétérinaires inspecteurs disposent des moyens nécessaires pour exercer leur métier dans de bonnes conditions ?

M. Jean Dionis du Séjour - Elu d'un département d'Aquitaine dans lequel a été déclarée récemment une alerte à la rage, je peux témoigner que les vétérinaires sont en première ligne. Or, alors que ces alertes sanitaires sont de plus en plus fréquentes, les moyens mis à leur disposition sont de plus en plus faibles. C'est pourquoi je voterai l'amendent.

M. Michel Roumegoux - L'argument avancé par le rapporteur ne tient pas. Contrairement à ce qui a été dit, les vétérinaires ne sont pas sous l'influence de leurs clients. Je voterai résolument l'amendement.

M. le Président de la commission - Dieu sait si la commission a veillé à respecter les intérêts des vétérinaires. Toutefois, le législateur ne peut perdre de vue que si les vétérinaires ne sont sans doute pas sous la pression de leurs clients, ils ont néanmoins avec eux des relations commerciales... (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP)... puisqu'il s'agit bien de prestataires de services rémunérés.

Que penserait, d'ailleurs, la commission des lois du précédent que constituerait l'extension aux vétérinaires sanitaires du pouvoir de police judiciaire ? A ce jour, les seuls officiers de police judiciaire, faut-il le rappeler, sont soit des fonctionnaires de l'Etat, soit le maire. Conférer la qualité d'officier de police judiciaire aux vétérinaires ne serait pas anodin et mériterait, à tout le moins, une réflexion approfondie. Avant de prendre une telle décision, il faut en tout état de cause saisir la commission des lois, notamment pour en évaluer les possibles conséquences pénales. Pour l'heure, je vous invite à ne pas adopter cet amendement.

M. Gabriel Biancheri - La plupart des grandes maladies infectieuses, au premier rang desquelles la tuberculose, ont été éradiquées dans notre pays grâce à l'action des vétérinaires. Et que leurs relations avec leurs clients aient été « commerciales » ne les a en rien entravés ! Je pense sincèrement qu'ils sont les mieux à même de conseiller, d'éduquer les propriétaires d'animaux. D'où mon amendement -dont j'admets toutefois qu'il doit recevoir l'aval de la commission des lois.

M. le Ministre - Etant précisé qu'être défavorable à cet amendement ne signifie nullement que l'on en veuille aux vétérinaires, je fais totalement miennes les observations du président de la commission. Avoir qualité d'officier de police judiciaire, ce n'est pas rien ! Seuls aujourd'hui certains fonctionnaires et les maires ont cette qualité, qui leur confèrent des pouvoirs particuliers, qu'ils exercent d'ailleurs toujours sous le contrôle du procureur de la République. En tant que ministre de l'agriculture, je ne me sens pas autorisé ce soir, au détour de ce texte, à créer une nouvelle catégorie, tout à fait inédite, d'officiers de police judiciaire. Je souhaite donc le rejet de cet amendement.

M. Gabriel Biancheri - Je retire mon amendement.

L'amendement 215 est retiré.

M. Gabriel Biancheri - Les produits anti-parasitaires externes pour animaux ont beaucoup évolué et les molécules qu'ils contiennent, non dénuées de dangerosité, les apparentent désormais à des médicaments. C'est pourquoi je propose par mon amendement 182, lequel avait été adopté en première lecture, que la délivrance en soit réservée aux pharmaciens et aux vétérinaires. Une telle mesure favoriserait d'ailleurs le maintien de ces professions en milieu rural.

Certains nous objectent que d'autres professionnels pourraient être aussi « des acteurs du médicament ». Certes, mais ils n'ont pas été formés à leur délivrance et ne possèdent pas la qualification nécessaire. D'autres arguent de questions de prix. Or, on constate que pour un même produit, les prix pratiqués par les cabinets vétérinaires sont tout à fait raisonnables, souvent inférieurs à ceux de la grande distribution et très largement inférieurs à ceux des catalogues de vente par correspondance. La question est bien de savoir si l'on souhaite favoriser la grande distribution ou renforcer le maillage des territoires ruraux.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis favorable. Réserver la vente de ces produits aux pharmaciens et aux vétérinaires participe de la protection de la santé publique.

M. le Ministre - Sagesse.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Les animaux de compagnie sont aujourd'hui très nombreux dans notre pays. Beaucoup, hélas, ne sont pas, en dépit des textes, identifiés. Réserver la délivrance des produits anti-parasitaires notamment aux vétérinaires permettrait que ceux-ci informent davantage les propriétaires d'animaux et expliquent à certains, qui semblent l'ignorer, qu'un animal de compagnie, cela s'éduque, cela se soigne, se vaccine, se tatoue, et ne s'abandonne pas au bord d'une autoroute ou attaché aux grilles d'une mairie !

Je remarque que le ministre ne m'a pas répondu tout à l'heure s'agissant des vétérinaires inspecteurs. J'insiste sur le fait que si nous disposions à nos frontières d'un corps de vétérinaires inspecteurs qualifiés en nombre suffisant, sans doute un chiot enragé n'aurait-il jamais pu être importé illégalement du Maroc et tous les marchés parallèles de vente d'animaux ne seraient-ils pas aussi prospères. Que représente le prix d'un collier anti-puces, puisque c'est essentiellement de cela qu'il s'agit, par rapport à celui auquel les propriétaires achètent leurs animaux sur ces marchés ?

M. André Chassaigne - Les arguments avancés me laissent perplexe. L'objectif est-il vraiment de veiller à la santé publique ? N'est-il pas plutôt de conforter l'activité des pharmaciens et des vétérinaires en milieu rural ? La quasi-totalité des propriétaires de chats et de chiens achètent aujourd'hui le collier anti-puces de leur animal dans une grande surface, une animalerie ou un magasin de proximité -où ces produits sont contrôlés, contrairement à ce qui est dit parfois. Mieux vaudrait dire en toute transparence ce qui motive cet amendement plutôt que de se réfugier derrière des arguments fallacieux.

M. le Président de la commission - Je ne partage pas du tout votre avis, Monsieur Chassaigne, et je suis, pour ma part, très favorable à cet amendement. M. Biancheri nous a parfaitement exposé en commission la dangerosité potentielle de ces produits et même dressé la liste d'une série d'accidents survenus à cause d'une mauvaise utilisation. Pour avoir déjà acheté en grande surface ou autre magasin des colliers anti-puces pour mes chiens de chasse, je sais que personne n'y informe les acheteurs des précautions indispensables d'utilisation.

M. Jean Dionis du Séjour - Je soutiens cet amendement qui bien sûr, personne ne le nie, confortera l'activité des vétérinaires en milieu rural mais répond d'abord à une préoccupation de santé publique. Certaines personnes possèdent plusieurs chiens et jusqu'à vingt chats ! Je crois vraiment au rôle éducatif des vétérinaires. C'est donc une bonne chose que d'inciter les propriétaires d'animaux à se rendre chez eux.

L'amendement 182, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Lassalle - Monsieur le Président, vous présidez remarquablement, car vous laissez à tous ceux qui le souhaitent le temps de s'exprimer, ce qui apaise les esprits et permet d'avancer plus vite. Tel qu'il est rédigé, votre projet exclut des analyses sanitaires animales les laboratoires privés, qui ne pourront intervenir qu'en cas de carence des établissements publics, seuls habilités désormais à procéder aux analyses. Sous couvert de doter l'ensemble des départements de laboratoires publics performants, on en vient à asphyxier les laboratoires privés qui ont pourtant fait preuve d'une réactivité sans égal dans la tragédie de l'ESB. L'amendement 756 tend ainsi à garantir la pérennité des conditions d'exercice des laboratoires privés, aux côtés des établissements publics.

Cela étant, l'amendement 757 étant mieux rédigé que le nôtre, nous nous y rallions et retirons le 756 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Dionis du Séjour - Ralliement historique !

M. Marc Le Fur - Je partage le sentiment de M. Lassalle sur la qualité de la présidence. Grâce à la collaboration des laboratoires publics et privés, nous avons combattu quantité de pathologies animales, prévenu nombre de risques sanitaires, et éradiqué bien des maladies, notamment chez les volailles et les porcs. Les laboratoires privés ont leur rôle à jouer, mais votre projet les réduit à pallier l'éventuelle carence des établissements publics. Bien évidemment, ces laboratoires privés doivent être soumis à un agrément, mais celui-ci ne saurait tenir compte que de leurs qualités intrinsèques. Tel est l'objet de l'amendement 757.

M. Yves Coussain, rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné en commission, mais j'y suis favorable à titre personnel, car les laboratoires privés ont effectivement leur place dans un dispositif national de contrôle sanitaire.

M. le Ministre - C'est un sujet important, et je ne reviendrai pas sur le contexte dans lequel s'est opérée la décentralisation à l'époque, notamment avec la loi de 1983. Peut-être aurait-il été judicieux de choisir la région comme cadre plutôt que le département, mais je n'y reviendrai pas.

Deuxième observation : la situation est fort différente d'une région à l'autre, selon la densité agricole.

Enfin, je comprends vos arguments, aussi m'en remettrai-je à la sagesse de l'Assemblée, mais je souhaiterais que la navette nous permette d'améliorer la rédaction de l'amendement en garantissant une répartition équilibrée du travail entre les structures.

Madame Perrin-Gaillard, il est évident que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation que je suis est très fier d'être à la tête de cette grande administration sanitaire et de disposer d'un réseau de direction départementale des services vétérinaires très performant. Il n'est pas question pour nous de baisser la garde dans ce domaine.

M. Pierre Méhaignerie - Par expérience, je pense qu'autoriser les laboratoires privés à ne fonctionner qu'en cas de carence des laboratoires publics est à la fois difficilement compréhensible, injuste et coûteux.

En effet, les laboratoires privés ont joué, à certains moments, un rôle capital. Par ailleurs, la préférence quasi exclusive accordée aux laboratoires publics me semble malsaine. Certes, certains laboratoires privés sont dans une situation très fragile, mais l'agrément accordé par le ministère permet à celui-ci de conserver le contrôle du dispositif. Enfin, je me suis toujours méfié des monopoles, privés comme publics, qui conduisent immanquablement à une augmentation des coûts. Merci, Monsieur le ministre, pour votre sagesse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Brottes - Il faut tout de même garantir le service public !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Adopter ces amendements, c'est mettre à mal les laboratoires publics, notamment départementaux, et je crains que les présidents de conseils généraux qui, depuis des années, dépensent beaucoup d'argent pour offrir un service de qualité, n'apprécient guère ce dispositif.

Vous êtes dans une logique de compétition, et demain, les laboratoires départementaux ne pourront plus suivre, alors qu'ils ont toujours fait preuve d'efficacité et de transparence, pour des coûts peu élevés.

M. Yves Simon - Mon département compte 600 000 bovins, 250 000 brebis. Je sais combien les laboratoires départementaux ont su être réactifs face à la crise de l'ESB, et j'ai vu les prix des tests baisser d'année en année. Ce que vous proposez coûtera cher aux contribuables et aux éleveurs, car les départements devront prendre en charge les problèmes financiers des laboratoires publics face à un marché de plus en plus difficile (Applaudissements de M. Brottes ).

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Bravo !

L'amendement 757, mis aux voix, est adopté.

M. Gabriel Biancheri - La tarification des actes de prophylaxie fait intervenir les exploitants et les vétérinaires, sous le contrôle de l'Etat. La situation étant aujourd'hui bloquée, l'amendement 216 tend à revenir à la liberté des prix, et à faire jouer la concurrence.

Par ailleurs, l'amendement 217 rectifié vise à permettre à l'autorité administrative de rendre obligatoire la participation de chaque éleveur à une campagne de prophylaxie, lorsqu'une action générale de prévention a été engagée sous l'impulsion des organismes à vocation sanitaire.

M. Yves Coussain, rapporteur - Favorable aux deux amendements.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 216, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 217 rectifié.

L'article 41 modifié, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 18 heures 30, est reprise à 18 heures 40.

APRÈS L'ART. 41

M. le Ministre - L'amendement 13 rectifié vise à transposer dans notre droit la directive du 29 septembre 2003 relative à la lutte contre la fièvre aphteuse, ainsi qu'à conforter la base légale des mesures de transposition des directives de 2000, 2001 et 2002 relatives à la fièvre catarrhale du mouton et aux pestes porcines classique et africaine. Il définit de ce fait un cadre législatif homogène pour l'élaboration des plans d'urgence et pour l'application des mesures destinées à enrayer les épizooties majeures.

L'amendement facilitera également la transposition de directives actuellement en projet et portant sur d'autres épizooties - l'influenza aviaire par exemple.

L'amendement 13 rectifié, accepté par la commission et mis aux voix, est adopté.

M. Gabriel Biancheri - L'AFSSA peut actuellement être saisie par des associations, mais non par les vétérinaires, même s'agissant de dossiers les intéressant. Mon amendement 338 vise à corriger cela. Je connais déjà la réponse de la commission. En fonction de celle que me fera le Gouvernement, je retirerai ou non ma proposition.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable. Nous croyons en effet savoir que le Gouvernement nous présentera un rapport sur l' AFSSA où cette question sera évoquée.

M. le Ministre - Les ordres ne figurent pas, en effet, au nombre des autorités habilitées à saisir l'AFSSA mais une évaluation de la loi de 1998 portant création de l'agence est en cours. On peut très bien imaginer que, dans ce cadre, on étende les possibilités de saisine. En revanche, il serait prématuré d'en décider aujourd'hui. Attendons d'avoir une perspective d'ensemble.

L'amendement 338 est retiré.

M. Gabriel Biancheri - J'ai déjà défendu mon amendement 183 rectifié et je me bornerai donc à insister sur la nécessité de freiner le trafic et l'utilisation sans contrôle des antibiotiques.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable, même si nous partageons l'objectif.

M. le Ministre - Même avis. Il est très important de lutter contre l'affairisme de certains vétérinaires, pharmaciens ou groupements qui vendent par correspondance, en grande quantité, des médicaments sans assurer la surveillance des animaux auxquels ils sont destinés. Le Gouvernement va prochainement transmettre au Conseil d'Etat un projet de décret qui améliorera grandement l'encadrement de la prescription. Par ailleurs, le code de la santé publique interdit de délivrer pour plus d'un mois à la fois de la plupart des médicaments vétérinaires. Pour répondre à votre légitime souci, je vous propose de parachever le projet de décret dans les meilleurs délais et de prendre des mesures de contrôle de l'application de la réglementation.

M. Gabriel Biancheri - J'aimerais que la profession soit associée à l'élaboration du décret. Si d'aventure il n'était pas publié d'ici là, pourrions-nous réexaminer ce dossier dans la loi de modernisation agricole ?

M. le Ministre - Oui.

M. Gabriel Biancheri - Dans ce cas, je retire l'amendement 183 rectifié.

ARTICLE PREMIER A

Mme Hélène Tanguy - Il peut paraître curieux d'en revenir à l'article premier A, qui a pour objet de cadrer la loi et d'en définir le principe, après de nombreuses heures de discussion de détail, mais j'en profite pour attirer votre attention sur un problème plus général. Cet article affirme que l'Etat est le garant de la solidarité nationale en faveur des territoires ruraux et de montagne, et reconnaît leur spécificité. Je regrette que le littoral n'y soit pas mentionné. Une bonne partie du littoral français est caractérisée par un développement dynamique, souvent envié. Ainsi que le montre un récent et excellent rapport de la DATAR, le littoral compte 256 habitants au kilomètre carré, soit le double de la moyenne nationale, et son avenir démographique est souriant. Toutefois, on constate de fortes disparités. La variété de nos côtes est certes une richesse, mais aussi une faiblesse, ne serait-ce que parce les élus ne peuvent parler d'une seule voix comme le font ceux de la montagne.

Certains bassins d'emploi dont le patrimoine naturel, historique et culturel est enviable, sont pénalisés par leur éloignement des centres de décision. Cette situation quasi insulaire engendre chute démographique, disparition des services, vieillissement de la population. Mon canton du cap Sizun ne compte que 93 habitants au kilomètre carré. Sa population a chuté de 11 % entre 1990 et 1999 et est pour 40 % âgée de plus de 60 ans. La catégorie des plus de 75 ans est d'ailleurs la seule a augmenter ses effectifs. Le taux d'activité est inférieur à 50%. Le nombre des exploitations agricoles a fortement diminué et l'emploi régresse aussi bien dans l'agriculture que dans l'industrie et la construction - je n'ose même pas parler de la pêche - alors que le tourisme n'est encore qu'émergent.

Les élus du cap Sizun refusent pourtant tout fatalisme. Le Président de la République a annoncé une politique de développement des territoires ruraux fondée sur la solidarité et la modernité. Monsieur le ministre, vous avez souligné qu'une volonté politique forte peut avoir raison de difficultés qui paraissent insurmontables. Au nom de ces principes, je vous demande de tenir compte des difficultés de ces territoires. Je me réjouis de la création du Conseil national du littoral : j'espère qu'il aura les moyens dont il a besoin pour apporter des réponses à mes inquiétudes, et que nous parviendrons à une véritable gestion intégrée de la façade maritime. Je vous demande que les décrets d'application de la présente loi portent un regard particulier sur ces territoires littoraux ruraux, et qu'aucun de soit laissé pour compte.

M. François Brottes - L'amendement 698 est défendu.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission a rejeté cet amendement, qui est une pétition de principe et n'apporte rien au texte.

L'amendement 698, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Coussain, rapporteur - L'amendement 53 est rédactionnel.

L'amendement 53, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Coussain, rapporteur - L'amendement 365 vise à ce que les membres du Parlement soient représentés au sein de la nouvelle Conférence de la ruralité.

L'amendement 365, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. François Brottes - L'amendement 547 est défendu.

L'amendement 547, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier A, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. François Brottes - L'amendement 549 est défendu.

L'amendement 549, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Coussain, rapporteur - L'amendement 62 est rédactionnel.

L'amendement 62, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 2, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. François Brottes - L'amendement 550 prévoit que les collectivités peuvent passer des conventions avec les associations pour encourager les actions culturelles de proximité et les événements qui sont indispensables à la vie de nos villages. Ce cadre conventionnel est d'autant plus nécessaire que l'avenir de l'animation rurale est compromis : en 2004, aucun financement transitoire n'est venu soutenir les budgets associatifs. Le milieu rural a besoin de ces associations, qui font un appel important au bénévolat, et il faut les conforter.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable. Le code des collectivités territoriales leur donne déjà la faculté de gérer de telles activités.

M. le Ministre - Même avis. J'ajoute que ces associations ont d'ores et déjà reçu plus de deux millions d'euros.

L'amendement 550, mis aux voix, n'est pas adopté.

APRÈS L'ART. 3

M. François Brottes - L'amendement 699 vise à assurer le logement des travailleurs saisonniers dans des conditions décentes, notamment dans les stations touristiques de montagne.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement est très directif et pourrait aboutir à l'inverse de ce qu'il recherche. Par ailleurs, un projet de loi devrait bientôt être déposé au sujet des stations classées.

L'amendement 699, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

APRÈS L'ART. 3 BIS

M. François Brottes - L'amendement 551 reprend une proposition d'un rapport que j'ai commis avec le rapporteur de ce texte même. J'espère donc qu'il me soutiendra, d'autant que la majorité est très attachée aux dispositions de défiscalisation. Nous proposons donc que les professionnels installés dans les zones de montagne ou de revitalisation rurale puissent bénéficier d'une détaxe sur les carburants. Ceux qui sont loin de tout supportent en effet une dépense supplémentaire. Il faut encourager l'implantation de services et de commerces dans les zones reculées et cette formule a semblé très pertinente à la Mission sur la montagne.

M. Yves Coussain, rapporteur - Je partage tout à fait cette position, mais la commission a rejeté cet amendement.

L'amendement 551, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 3 TER

M. Yves Coussain, rapporteur - L'amendement 63 a pour objectif d'encadrer l'incitation fiscale dans le temps, entre 1999 et 2006, et de rétablir sur six ans au lieu de quatre la réduction d'impôt, pour que les petits revenus puissent en bénéficier pleinement.

M. Alain Marty - Je comprends votre logique, mais le fait est là : les territoires ruraux sont moins attractifs que les agglomérations ou les sites touristiques. Privilégier l'investissement dans le tourisme, et notamment les résidences de tourisme, favorise un développement qui crée de l'emploi et qui ne peut être délocalisé.

Ces mesures de réduction d'impôt existaient dans la loi, et viennent en extinction au 31 décembre 2006. Le Sénat avait fait tomber cette limite. M. le rapporteur considère à juste titre qu'une incitation fiscale doit être limitée dans le temps. Je m'inquiète toutefois pour la réalisation de résidences de tourisme. Ce sont des dossiers très longs à monter, car les investissements sont importants. Je travaille sur un de ces projets : si la limite du 31 décembre 2006 est rétablie, je sais qu'il n'aboutira pas.

Je souhaite donc deux modifications. Tout d'abord, je propose par l'amendement 395 rectifié qu'on retienne à un délai un peu plus long, soit le 31 décembre 2010 : cela permettra à nombre de projets de mûrir, et les territoires ruraux y seront gagnants. Ensuite, je souhaiterais que le périmètre de la mesure ne se limite pas aux zones de revitalisation rurales, mais englobe les zones aujourd'hui éligibles aux fonds structurels européens, car si elles le sont, c'est bien le signe de leur fragilité. Je demande la compréhension du rapporteur et du Gouvernement sur ces propositions, qui visent directement la revitalisation des territoires.

M. le Ministre de l'agriculture - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 63, mais défavorable à l'amendement 395 rectifié : il est important de concentrer les efforts sur les territoires qui en ont le plus besoin.

L'amendement 63, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 395 rectifié tombe.

M. le Ministre - L'amendement 445 du Gouvernement répond au souci de rendre efficace la réduction d'impôt en faveur des investissements dans les résidences de tourisme en la recentrant sur les zones les plus défavorisées. Les territoires ruraux de développement prioritaire doivent donc être écartés de cet avantage : l'étendre à ces zones, qui couvrent plus des deux tiers du territoire, serait pénaliser les zones en souffrance sur lesquelles doit porter l'effort.

L'amendement écarte par ailleurs la création d'une réduction d'impôt au titre des travaux réalisés dans le cadre d'une ORIL sur des logements situés dans des villages résidentiels de tourisme. Ces logements s'inscrivent déjà dans le cadre juridique de l'ORIL, et qui permet aux collectivités territoriales de verser des aides aux opérateurs. Instaurer une réduction d'impôt sur les travaux portant sur ces logements reviendrait à superposer un avantage fiscal à une intervention publique spécifique à l'immobilier de loisirs : ce cumul d'avantages créerait une distorsion au sein du secteur touristique.

M. Yves Coussain, rapporteur - Favorable.

M. François Brottes - Chacun ici souhaite redynamiser les ORIL, et la disposition votée était plutôt une bonne nouvelle pour ce secteur. En votant cet amendement, on va neutraliser un des très rares apports positifs du Sénat...

L'amendement 445, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Coussain, rapporteur - L'amendement 64 de la commission tend à supprimer le 3° du A du I de cet article, qui n'a pas sa place dans ce projet.

L'amendement 64, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Simon - Mon amendement 389 a pour objet d'ouvrir droit, pour les meublés de tourisme classés, à une réduction d'impôt pour les travaux de rénovation, de réhabilitation, de reconstruction ou d'agrandissement. Il y a cinquante ans, le Sénat lançait le mouvement des Gîtes de France : il souhaitait ainsi permettre aux territoires ruraux de se doter d'hébergements touristiques, et y attirer des gens susceptibles de reprendre un patrimoine voué à l'abandon. On sait que pour un euro dépensé pour la location, deux euros sont dépensés dans l'économie locale. Nous connaîtrons sans doute fin 2006 la fin des fonds structurels européens, qui ont aidé certaines régions à maintenir ou à développer leur parc d'hébergement. Il serait logique de préserver certaines incitations pour ces hébergements. Je ne demande pas une application immédiate, mais il serait bon d'en prévoir une au 1er janvier 2007. Dans certains départements, comme le Cantal ou la Haute-Loire, le parc diminue parce que les propriétaires vieillissent et que leurs enfants ne prennent pas la suite. Il ne faut pas laisser perdre ce potentiel.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, bien qu'elle ait été sensible à l'argumentation de M. Simon. En effet, avec le régime actuel, quand un redevable de l'impôt sur le revenu est soumis au régime des BIC et que son revenu imposable est inférieur à 76.300 €, il bénéficie d'un abattement de 72 % et n'est donc imposé que sur 28 % de ses recettes au titre de ces gîtes. Ajouter à cet abattement une réduction d'impôt peut paraître excessif.

M. le Ministre - Le ministère des finances est défavorable à cet amendement pour deux raisons. La première est celle qu'a énoncée M. le rapporteur. La seconde est que la déduction intervient déjà dans le cadre des bénéfices agricoles : il y aurait donc superposition de deux dispositifs fiscaux pour le même objet.

M. Yves Simon - Ces deux arguments ne sont pas sans réplique. Tout d'abord, moins de 3% des propriétaires d'hébergements sont au régime des BIC, pour des locations qui durent en moyenne quatorze semaines : vous mesurez la rentabilité de l'investissement, avec des clients nouveaux à accueillir chaque fin de semaine... Sur le second point, seulement 40 % des gîtes ont pour propriétaires des agriculteurs, et 20 % des chambres d'hôte. On a donc besoin des investisseurs extérieurs, qui ne sont pas concernés par ce régime.

M. Jean-Paul Charié - Il a raison !

L'amendement 389, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Simon - L'amendement 392 est de cohérence avec le précédent. L'avantage a pour contrepartie une contrainte : l'obligation de location en meublé de tourisme pendant neuf ans.

L'amendement 392, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 65, 66 et 67 tombent.

L'article 3 ter, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 3 TER

M. Jean Dionis du Séjour - Avec l'amendement 511, je souhaite revenir sur la crise qui affecte le territoire dont je suis l'élu, mais aussi plusieurs autres : tous ceux qui produisent des fruits et légumes. Il y a dans ce projet un volet sur ce problème, mais je souhaite qu'on ne se contente pas de mesures partielles : il faut aller au cœur de la crise. Mesurons-en d'abord l'ampleur : sur un certain nombre de produits, les agriculteurs ont été payés à la moitié du prix de revient ! Il y a urgence ; vous l'avez d'ailleurs reconnu à Nantes, Monsieur le ministre, et je salue le courage que vous avez eu de venir vous exprimer devant les producteurs. Vous avez annoncé des propositions en deuxième lecture au Sénat : mais pourquoi l'Assemblée ne pourrait-elle s'exprimer à ce sujet, sans attendre la CMP ? Vous dites que d'ici cette lecture au Sénat vous aurez reçu le rapport de M. Canivet. Mais nous avons déjà beaucoup de rapports sur les fruits et légumes ; celui-ci apportera un éclairage de plus, mais rien de décisif. Je m'exprime au nom des cinq parlementaires du Lot-et-Garonne et de la profession unanime, ce qui est rare. Les mesures que vous avez proposées à Nantes sont dramatiquement insuffisantes. Vous allez débloquer un million d'euros pour des allègements de charges : mais songez que les pertes s'élèvent chez nous à 23 millions !

Il faut aujourd'hui sortir de cette logique qui vous étrangle : celle d'un budget qui ne vous laisse aucune marge de manœuvre. Je propose donc, par l'amendement 511, d'utiliser le levier de la TACA. C'est une taxe sur la grande distribution, utilisée notamment pour alimenter le FISAC. Cela irait dans le sens du basculement structurel que vous devez opérer, consistant à alléger le travail agricole des charges qui pèsent sur lui pour les faire glisser sur la consommation. Nous ne sommes pas prêts aujourd'hui à les faire basculer sur la TVA ; il me semble donc intéressant de recourir à la TACA, compte tenu en outre du rôle de plus en plus clair de la grande distribution dans la crise des fruits et légumes.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Les taux de la TACA ont été triplés dans la loi de finances pour 2004 pour compenser la suppression de la taxe sur les achats de viande. Le doublement que vous proposez entraînerait une pression fiscale excessive.

M. le Ministre - Sans vouloir exonérer quiconque de ses responsabilités, si les choses étaient simples, cela se saurait, Monsieur Dionis du Séjour ! Du plus loin que je m'en souvienne, les fruits et légumes ont toujours connu des crises, notamment l'été. Ces problèmes doivent donc être abordés avec autant d'humilité que de conviction.

Deuxièmement, il faut dire les choses telles qu'elles sont : le contribuable ne pourra pas toujours se substituer au consommateur. Tant que les relations entre la distribution et la production ne seront pas rééquilibrées, il ne servira à rien de demander au contribuable de passer à la caisse. Ayons le courage de le dire.

Troisièmement, la présentation que vous avez faite des mesures que j'ai annoncées à Nantes est incomplète. Outre un million d'euros pour une première prise en charge des cotisations MSA des entreprises qui en ont besoin, j'ai également annoncé 10 millions d'euros d'aides directes de trésorerie, 50 millions d'euros de prêts consolidés pour une année blanche et un report des échéances et 10 millions d'euros pour des mesures structurelles.

Nous nous attaquons à deux grands chantiers. D'abord celui des distorsions de coût de main d'œuvre : nous avons lancé avec les ministères des Finances et du Travail un audit sur ces distorsions de concurrence à l'échelle intra-européenne et nous sommes, Gérard Larcher et moi-même, pleinement décidés à y apporter des solutions. La relation entre production et distribution, avec le comportement prédateur de la grande distribution, est une autre plaie endémique de notre agriculture. Le ministre des Finances a demandé un rapport sur ce sujet à la commission Canivet, qui rendra son rapport la semaine prochaine. Le Gouvernement décidera alors des suites qui lui seront données, et qui pourraient l'être dans le cadre de la deuxième lecture au Sénat. Je vous propose donc de tenir une réunion avec les ministres et les parlementaires concernés dès que la commission Canivet aura remis son rapport.

M. Jean-Paul Charié - Très bien !

M. le Ministre - Je connais votre engagement en faveur de la filière, Monsieur Dionis du Séjour. Croyez bien que je mets la même énergie à la défendre. Quant à votre amendement, je confirme l'avis défavorable du Gouvernement, suite aux arbitrages ministériels qui sont intervenus.

M. Jean-Paul Charié - Contre l'amendement. En vingt ans, les prix des fruits et légumes sont passés de 100 à 41 au niveau de la production et de 100 à 112 au niveau de la consommation. Vous avez mille fois raison de poser le problème, Monsieur Dionis du Séjour. Nous étions l'autre jour à Nantes avec M. le ministre pour tenter de trouver une solution au problème des rapports avec la grande distribution. Mais l'augmentation de la TACA n'en est pas une. Retirez donc votre amendement.

M. Jean-Marie Binetruy - La TACA est peut-être payée par les grandes surfaces, mais elle l'est aussi par des commerces de centre ville en crise. Réfléchissons donc bien avant de l'augmenter.

M. Jean Dionis du Séjour - Nous ferons des propositions, notamment sur le coût de la main d'œuvre. Je veux bien discuter, mais la filière des fruits et légumes a déjà fait l'objet de nombreux rapports : audit de compétitivité d'Ernst &Young et rapport de MM. Berger, Portet et Faudrin en décembre 2003, rapport Mordant en mars 2004...L'Assemblée nationale a le droit, sans attendre le rapport Canivet, de prendre position. La nôtre est certes novatrice : partant du constat que le ministre de l'Agriculture ne dispose pas des marges de manœuvre budgétaires lui permettant de répondre aux crises, nous proposons un impôt sur la consommation. Nous ferons d'autres propositions à l'article 4, comme le coefficient multiplicateur. M. Ferrand en parle depuis des années !

Je suis convaincu qu'il faudra bien un jour alléger les impôts sur la production et augmenter ceux sur la consommation. En signe de bonne volonté, je veux bien retirer mon amendement. Mais je ne céderai pas sur le coefficient multiplicateur. L'Assemblée nationale a le droit de peser sur le débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

L'amendement 511 est retiré.

ART. 3 QUATER

M. Yves Coussain, rapporteur - Je retire l'amendement 68.

AVANT L'ART. 4 A

M. François Brottes - Les amendements 552 et 553 concernent une excellente boisson : le lait. Les agriculteurs de montagne sont préoccupés par la fin programmée des quotas laitiers et les difficultés croissantes auxquelles se heurte la collecte. Aussi l'amendement 552 affirme-t-il la nécessité de la promotion des produits laitiers. Je vais en définitive le retirer.

Quant à l'amendement 553, il vise à garantir le maintien de la collecte en zone de montagne.

M. Yves Coussain, rapporteur - Défavorable. Cet amendement est de portée déclarative.

M. le Ministre - Je vous rejoins tout à fait sur l'objectif, et pour cause. Mais cet amendement est purement déclaratif et d'autres possibilités - à améliorer, certes, dans le cadre de la future réforme du PDRN - existent déjà. Défavorable.

L'amendement 553, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE 4 A

M. Jacques Bascou - J'interviens au nom des députés socialistes du Languedoc-Roussillon et de Philippe Martin, député du Gers, dans un débat qui a été exagérément médiatisé.

L'assouplissement de la publicité pour le vin ne résoudra pas les maux dont souffre la viticulture française. Les causes de la crise, multiples, tiennent principalement à la concurrence accrue des vins du Nouveau Monde sur les marchés étrangers et à la diminution tendancielle de la consommation française.

Le monde viticole se sent incompris, voire abandonné. Plusieurs décisions gouvernementales ont pu nourrir ce sentiment depuis deux ans : la réduction drastique des crédits à la filière, ceux de l'ONIVINS et de l'ITV, l'institution de la taxe ADAR, qui pèse sur le chiffre d'affaires des exploitations, l'absence de soutien à la promotion et à l'exportation, notamment de la SOPEXA, ainsi qu'aux structures commerciales des entreprises. S'y ajoutent l'attaque contre les campagnes de promotion du Comité Interprofessionnel des vins de Bordeaux et du Bureau Interprofessionnel des vins de Bourgogne, et les campagnes relatives à la sécurité routière, qui ont visé le seul vin. Les viticulteurs ressentent désormais une impression d'hostilité de la part des pouvoirs publics et de l'opinion. En Languedoc-Roussillon, la situation des familles d'exploitants est préoccupante.

Le Gouvernement doit prendre des mesures de soutien du marché, d'aide aux producteurs et aux structures commerciales.

Je ne ferai pas, comme d'autres, un bouc émissaire de la loi Evin. Mais je relativiserai son efficacité pour ce qui est de la lutte contre l'alcoolisme. S'il y a eu diminution de la consommation de vin, c'est plus du fait du changement des habitudes alimentaires que des lois, qu'elles portent le nom de Barzach ou d'Evin. Les consommateurs réguliers ont fait place aux consommateurs occasionnels, avec pour conséquence une baisse de 50% de la consommation.

Nous partageons le souci de lutter efficacement contre l'alcoolisme. Mais une politique de prévention doit être plus nuancée et prendre en compte les spécificités des boissons et les différents comportements sociaux qui s'y rattachent.

Une récente étude montre que si la consommation de cannabis stagne, celle des alcools, dont la bière, progresse chez les jeunes - mais le vin n'est pas concerné. Nous souhaitons que la communication sur le vin soit pédagogique et comporte une forte incitation à la modération. Ce que nous voulons, c'est gagner des consommateurs responsables, mieux informés sur les qualités du produit et des dangers de l'excès : des consommateurs responsables.

L'amendement de la commission ne remet pas en cause la loi Evin, contrairement à ce que j'ai pu entendre, car il s'inscrit dans le respect des impératifs de santé publique. En revanche, qu'il soit voté ou qu'il ne le soit pas, les fabricants de boissons anisées, de whisky, de gin, de premix ou de bière pourront continuer de faire de la publicité sur d'immenses affiches, puisque malheureusement la loi Evin le permet (Mouvements d'approbation sur les bancs du groupe UMP). Et ils peuvent le faire avec des budgets sans commune mesure avec ceux des viticulteurs français.

L' amendement adopté par la commission doit permettre de communiquer différemment. A ce jour, on le sait, les viticulteurs français sont tenus de respecter des règles précises et de pratiquer une politique de qualité exigeante. Quant au droit communautaire, il inclut le vin dans les boissons agricoles, cette définition a d'ailleurs permis à l'Espagne de considérer le vin comme un aliment naturel différent des autres boissons alcoolisées. L'Etat peut donc financer des campagnes d'information et de promotion du vin. Voilà ce que nous voulons mettre en avant. Aujourd'hui, la filière vitivinicole française est privée de moyens de communication efficaces pour faire valoir les aspects culturels, sociaux, alimentaires et environnementaux de sa production. Pour faire valoir ces dimensions, il faut compléter l'article 33-23-4. Tel est le sens de l'amendement de la commission, qui rétablira une cohérence perdue (Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe des députés communistes et républicains, du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Marie Le Guen - J'ai le sentiment que je ne convaincrai pas tous mes collègues ce soir... (Sourires) S'agissant en premier lieu des conditions de ce débat, j'observe que nous traitons d'un problème majeur de santé publique au détour d'un texte fourre-tout dont le Gouvernement n'a manifestement pas souhaité que la commission des affaires sociales soit saisie. Sans doute le ministre de la santé, ici présent, dira-t-il qu'il n'est pas favorable à l'amendement de la commission. Mais la Constitution de la Ve République est ainsi rédigée que l'on voit bien la démarche retenue : si le ministre est autorisé à dire qu'il est contre la disposition envisagée (Protestations sur les bancs du groupe UMP), l'autorisation est donnée dans le même temps au groupe majoritaire de s'exprimer en sens inverse (Mêmes mouvements). Cette liberté de ton nouvelle à l'égard du Gouvernement pourrait d'ailleurs donner d'intéressants résultats lorsque le président de l'UMP aura changé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi - Parlez-nous donc de M. Fabius !

M. Jean-Marie Le Guen - La loi Evin est équilibrée. Contrairement à ce que l'on a pu entendre, elle n'interdit pas la publicité pour le vin, comme peut s'en rendre compte tout lecteur d'hebdomadaire. Même l'affichage commercial est possible ! En revanche, ce que la majorité va proposer, en adoptant le texte du Sénat ou l'amendement de la commission, qui ne présentent pas de différences substantielles, c'est d'ouvrir la porte à une nouvelle forme de communication en faveur de l'alcool.

Nous savons les difficultés que rencontre la filière vini-viticole française, et nous sommes très respectueux du travail accompli par ces professionnels authentiques. Seulement, la publicité banalisée qui s'annonce ne reflètera pas leur tradition, et la loi Evin était beaucoup plus respectueuse des intérêts de la viticulture française dans son combat contre les intérêts des grandes entreprises d'alcool (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Ce dont il s'agit aujourd'hui, c'est de bien autre chose que de la seule viticulture. Par l'amendement qu'elle propose, la commission adresse aux Français un message de santé publique, et nos concitoyens ne s'y trompent pas, que l'on entend à la radio s'étonner, lorsqu'ils ne s'en indignent pas, qu'on leur demande de contribuer à la lutte contre l'insécurité routière et qu'en même temps on libère la publicité sur l'alcool (Mêmes mouvements).

M. le Président - Je vous prie de conclure.

M. Jean-Marie Le Guen - J'y viens, Monsieur le Président, non sans avoir souligné qu'au-delà du message de santé publique, la majorité va aussi faire passer un message politique. Je comprends bien que, dans chaque circonscription, certains intérêts doivent être défendus ; mais est-ce une raison suffisante pour céder au lobbying ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) Ce n'est pas en mettant en cause l'intérêt général que vous rapprocherez les citoyens de la politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Suguenot - Comme tout ce qui est excessif, ce discours est insignifiant ! Ce dont il s'agit aujourd'hui, c'est de dire que le vin peut être un référent culturel. Le vin a toujours été, en France, un pôle d'exception, mais il l'est un peu moins depuis la loi Evin (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). La seule chose que demande la filière vini-viticole, c'est une reconnaissance, qu'elle n'a pas en France, alors qu'elle existe ailleurs. C'est qu'aujourd'hui, chez nous, une poignée d'intégristes pointe le vin et l'assimile à une drogue. Quant à parler de lobbying lorsque l'on s'adresse à des parlementaires, cela ne se peut ! Décrier le vin, c'est jouer contre les intérêts économiques de la France et contre la morale. Non seulement la loi Evin est démodée mais elle s'est souvent trompée de cible. En associant les alcooliers à la défense des territoires, on a favorisé l'alcoolisation des jeunes... (M. Evin proteste) ...par des premix et d'autres produits conçus uniquement pour détourner la loi. Cela s'est fait au détriment des petits producteurs viticoles qui ne peuvent, eux, communiquer pour expliquer avec pédagogie qu'il ne faut pas boire plus, mais mieux. Ce que nous souhaitons, c'est dire qu'il faut lutter contre l'alcoolisme au moyen d'une communication modérée qui appelle des moyens juridiques nouveaux, et grâce à laquelle les viticulteurs français pourront expliquer aux jeunes gens que la qualité doit primer la quantité. Il ne s'agit donc pas, comme on voudrait le faire croire, d'un combat contre la morale, mais de mettre le vin au service de la santé publique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. François Sauvadet - J'ai été choqué par l'argumentation de M. Le Guen, car le débat porte à la fois sur la santé publique et sur l'avenir de nos territoires. Dans ces conditions, présenter nos travaux comme le résultat d'un lobbying attentatoire à la santé publique est offensant. Ce dont nous traitons, c'est de nos terroirs, et non des seuls viticulteurs. Ce dont nous traitons aussi, c'est de l'avenir d'une production de qualité qui fait la notoriété de la France à l'étranger. Permettre à l'interprofession de communiquer sur un produit d'excellence ne remettrait nullement en cause notre détermination à œuvrer en faveur de la santé publique et contre l'alcoolisme, comme nous l'avons fait lorsqu'il s'est agi de renforcer la sécurité routière. Alors trêve de gesticulation médiatique autour de ces deux thèmes alors que l'on traite d'un sujet aussi important pour l'économie de nos régions et de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

L'amendement proposé encadre très précisément la publicité qui sera autorisée et ne fait qu'adapter la loi Evin. La préservation de la santé publique, notamment en matière de lutte contre l'alcoolisme, passe aussi par une éducation au goût, dans laquelle les inter-professions ont un rôle essentiel à jouer. Peut-on imaginer un seul instant que dans l'éducation au goût puissent ne pas figurer les vins, qui ont fait la réputation de la France ? Ce serait marcher sur la tête ! Ceux qui nous intentent aujourd'hui un procès en sorcellerie se trompent de cible et ne servent pas l'intérêt de notre pays, le seul que nous devions ici tous défendre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Claude Evin - Comme l'a souligné M. Suguenot, il n'est bien sûr pas question de sanctifier quelque texte de loi que ce soit. La loi du 16 janvier 1991, loi de la République, a été adoptée par une majorité convaincue qu'il appartient aux politiques de faire des choix, de trancher entre divers intérêts, et qu'en l'espèce, le souci de la santé publique devait primer. Pour autant, et il est important de le souligner, la loi en vigueur aujourd'hui n'est pas celle de janvier 1991, laquelle fut modifiée en juillet 1994 -alors que M. Douste-Blazy, déjà, était ministre de la santé. Celui-ci nous dira certainement tout à l'heure son opposition à l'amendement proposé mais n'aurait-il pas dû la faire connaître beaucoup plus tôt, s'il était préoccupé d'abord par des considérations de santé publique ? Les atermoiements auxquels on a assisté, notamment lors des élections régionales, ou le fait que M. Gaymard lui-même demande que l'on adapte la loi Evin, tout cela n'a pas contribué à ce que le Gouvernement adopte une position claire et ferme.

Les défenseurs de l'amendement nous expliquent qu'il répondra aux difficultés des viticulteurs. Mais leur texte ne distingue pas entre le vin et les autres alcools, tout simplement parce que cela n'est pas possible -nous l'avions déjà constaté en 1991. Au regard de la santé publique, l'alcool, d'une manière générale, n'est pas un produit comme les autres et il n'est donc pas possible de communiquer à son sujet comme pour les autres produits. Avant 1991, la publicité pour l'alcool était autorisée partout, et les publicitaires pouvaient l'associer -ils ne s'en privaient pas- au sexe, à la fête...pour marquer l'imaginaire, notamment des jeunes. C'est ce recours à des images destinées à frapper les cerveaux que la loi de 1991 a interdit, et non pas toute forme de publicité, comme certains tentent de le faire croire. Il est tout à fait possible aujourd'hui de faire de la publicité pour des vins : une campagne sur les vins d'Alsace est d'ailleurs en cours dans le métro parisien. Les publicitaires, avec l'imagination et l'habileté qu'on leur connaît, s'engouffreront dans la brèche ouverte par votre amendement et soyez sûrs qu'ils ne se contenteront pas de présenter des vignerons dans leurs publicités ! Au contraire, ils pourront même vanter les alcools forts comme le whisky. La loi de 1991 n'était certes pas parfaite et déjà, ils en exploitaient les moindres failles. Vous vous en défendez, mais c'est à la publicité pour les spiritueux que profitera d'abord votre texte. C'est d'ailleurs à se demander si ce sont pas les publicitaires, bien davantage que les viticulteurs, qui vous ont inspiré cet amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Daniel Garrigue - Il faut ici faire preuve d'honnêteté intellectuelle et rappeler quelques faits. Nous nous sommes battus en 1994 pour modifier la loi de 1991, qui limitait quasiment la publicité aux seuls terroirs de production des vins. Retournée au pouvoir en 1997, la gauche n'a pas cru bon de revenir sur cette modification et nous-mêmes, en 2002, n'avons rien fait pour assouplir les dispositions votées en 1994. La difficulté est née de décisions ultérieures de certaines juridictions qui ont eu une interprétation extrêmement restrictive des possibilités de publicité. L'amendement aujourd'hui proposé n'a d'autre but que de rétablir la situation qui prévalait en 1994, ajoutant même que les publicités autorisées devront « être compatibles avec l'objectif d'une consommation modérée ». L'important est ce qu'a voulu le législateur en 1994, qui n'a jamais été remis en question depuis, et à quoi nous proposons de revenir.

M. Kléber Mesquida - Il faut aborder le sujet sans passion, en essayant de faire preuve de pédagogie. Que deviendraient les paysages de la plupart de nos régions si la viticulture disparaissait ? Et quelles seraient les conséquences de cette disparition pour notre économie ? Nos exportations de vins occupent le premier poste de nos exportations agro-alimentaires, représentant l'équivalent de 103 Airbus ou 500 rames de TGV. D'après les données d'Onivins, elles ont toutefois diminué de 4% en volume au premier semestre 2004, n'augmentant qu'en direction des Pays-Bas. Dans le même temps, les exportations intra-communautaires de l'Espagne ont augmenté de 24% et celles du Portugal 17%. Au moment où nos exportations faiblissent, nos importations augmentent. Quant à la récolte 2004, elle promet d'être pléthorique en France comme ailleurs. Et on voit bien que chaque variation au niveau des exportations ou des importations joue sur l'économie.

La consommation est en baisse constante - moins 33% dans les vingt dernières années, et moins 50% dans les trois dernières décennies, alors même que la consommation des alcools forts augmentait de 13% et que l'alcoolisme gagnait du terrain. Je ferai de surcroît remarquer que le taux de maladies liées à l'alcoolisme est moins élevé que la moyenne nationale dans les régions où l'on consomme le plus de vin. Quant à l'impact des lois de 1987 et 1991, je m'abstiendrai de tout commentaire. Certains ont fait de la question sanitaire leur cheval de bataille, mais nous sommes tous responsables et conscients de la nécessité de tenir un langage modéré en matière de consommation. Il s'agit aujourd'hui d'informer les consommateurs, de les inviter à découvrir la viticulture, et non de les pousser à l'excès. Arrêtons cette diabolisation.

Voyez la campagne d'affichage de cet été, notamment à Béziers, au cœur des vignobles ! Deux marques de bière, une marque de pastis, une de whisky ! Et les viticulteurs n'ont pas les moyens de combattre à armes égales.

Sur la sécurité routière, pourquoi fustiger le vin ? Rappelez-vous « Un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts ! » Croyez-vous que le vin soit la cause des accidents à la sortie des boîtes de nuit ? Que dites-vous des alcopops et des prémixes ?

Au niveau européen, pourquoi n'adoptons-nous pas les préconisations de l'Union européenne dans sa directive de 1989, à savoir la mise en place d'un code de bonne conduite, accepté par la profession, et souvent plus restrictif que la législation ? Je ne voudrais pas que la France reste inerte quand l'Espagne a classé les vins en produits agricoles.

M. André Chassaigne - Je voterai cet amendement sur les caractéristiques qualitatives. La baisse de la consommation est une réalité, mais il ne faut pas pour autant affirmer que nous avons trop de vignes, les chiffres de la production dans le bordelais en témoignent. En réalité, le négoce exerce une forte pression pour faire chuter la production et les prix, alors que les producteurs se battent pour pouvoir vivre de leur activité.

Et que dire de l'arrivée sur le marché français des vins du nouveau monde, dont la part sur le marché mondial est passée en vingt ans de 1 à 23,4%, grâce à un négoce qui ne vise que la rentabilité ? Rappeler les caractéristiques qualitatives permettra de réaffirmer qu'il existe, dans notre pays, des appellations d'origine contrôlée, avec des vins issus de notre culture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) .

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Je salue la sincérité de tous les intervenants. Concernant le tabac, la loi Evin est claire et n'autorise aucune publicité, mais elle permet une publicité encadrée sur l'alcool. Il faut aujourd'hui admettre que si aucune discrimination n'est faite en droit entre les alcools, il est plus facile, dans les faits, de faire la publicité d'une marque de bière ou d'un alcool fort, que d'un vin, d'où l'accord donné par le Gouvernement à la première partie de l'amendement César déposé au projet de loi de M.Gaymard en mai, pour faire entrer dans la publicité la représentation géographique et les AOC.

En revanche, en tant que ministre de la santé, je ne peux en approuver la seconde partie, et donner mon aval à la publicité sur les caractéristiques qualitatives d'un vin. En 2003, les investissements publicitaires dans les médias s'élevaient à 72 millions pour les bières, 39 pour les whiskies, et moins pour les vins. Si l'on autorise la publicité sur les caractéristiques qualitatives, ces chiffres vont exploser pour la bière et les alcools forts, et les producteurs de vin n'auront pas les moyens de suivre.

Enfin, nous sommes tous d'accord ici pour combattre l'alcoolisme qui touche près de 5 millions de personnes en France, dont 2 millions de dépendants, et cause la mort de 45000 personnes. C'est un sujet sur lequel je ne peux transiger (Applaudissements de M. Dubernard).

M. François Brottes - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 20 heures 10, est reprise à 20 heures 15.

M. le Président - Sur l'amendement 554, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Jean-Marie Le Guen - Sur cet amendement qui est le seul à tendre à la suppression de l'article introduit par le Sénat, j'ignore quelle sera la position du ministre, même s'il a repris tout à l'heure nos arguments. Je veux donc rappeler que, depuis des mois, démonstration est faite que cet article ne peut qu'être préjudiciable, non seulement à la santé publique, mais aussi aux régions viticoles les moins organisées et les plus faibles financièrement. Que ceux qui veulent autoriser plus largement les campagnes publicitaires mesurent donc le risque qu'ils prennent !

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission préfère son amendement qui apportera modération et équilibre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre - Sagesse.

A la majorité de 98 voix contre 9 sur 111 votants et 107 suffrages exprimés, l'amendement 554 n'est pas adopté.

M. le Président - Sur les cinq amendements identiques 69, 218, 272, 273 et 752, je suis saisi par le groupe socialiste et par le groupe UMP d'une demande de scrutin public.

M. Yves Coussain, rapporteur - L'amendement 69 vise à permettre à la fois une meilleure promotion des boissons alcoolisées, notamment des vins bénéficiant d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique, et une réelle protection de la santé publique. A cet effet, il supprime la référence aux caractéristiques sensorielles et organoleptiques de ces produits, ainsi que la possibilité de donner des « représentations » de ces caractéristiques. En n'autorisant que des références aux qualités des produits, il limite les risques que pourraient comporter pour la santé publique des campagnes de promotion trop agressives. Il précise d'ailleurs que les références autorisées ne doivent pas inciter explicitement à une consommation immodérée, ce qui vaut complément au message d'avertissement déjà obligatoire.

Il y a là une avancée substantielle pour les viticulteurs, qui pourront désormais mettre en avant les qualités spécifiques de vins dont la consommation modérée n'est pas préjudiciable à la santé.

Aujourd'hui, la publicité sur les vins et alcools est limitée à l'identification du produit et à la mention de son degré alcoolique, de sa région d'origine et du nom du producteur. L'article introduit par le Sénat autorisait à y ajouter des références et des représentations relatives aux caractéristiques sensorielles et organoleptiques. Après l'adoption de cet amendement, la publicité ne pourra faire référence qu'aux caractéristiques qualitatives. Nous faisons certes évoluer la législation, mais la rédaction proposée me semble tout à fait équilibrée et il paraît normal que les équilibres bougent quand le monde change.

Quelles sont les qualités objectives dont la publicité pourra faire état ? Le goût du produit, les conditions de son élevage, les qualités de son terroir d'origine, le type de vigne et le cépage, à l'exclusion bien entendu de toute allusion à des éléments prétendument susceptibles d'accroître la virilité ou la force de séduction.

Ne sont concernés, d'autre part, que les vins ou quelques alcools régionaux, comme le cognac ou l'armagnac.

Je comprends votre vigilance, Monsieur le ministre, mais sachez que nous ne sommes pas les otages de quelque lobby viticole que ce soit - et quel pourrait-il être dans le Cantal où la vigne couvre moins d'un hectare ? Mais nous ne sommes pas non plus otages de lobbies bien-pensants et hostiles au vin. Non, nous voulons seulement un équilibre qui permette à notre vin de mieux se vendre et aux Français de boire mieux, et peut-être moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Ferry - Mon amendement 218 est identique et je le retire donc.

M. Jean-Pierre Soisson - Je me rallie de même à l'amendement de la commission. Et assez de ces faux-semblants et artifices de procédure par lesquels, depuis deux heures, on empêche l'Assemblée de se prononcer !

M. Paul-Henri Cugnenc - Je me rallie également à la proposition de la commission.

M. Jean-Paul Garraud - Moi de même.

Les amendements 212, 272, 273 et 752 sont retirés.

M. Claude Evin - Vous n'avez pas été complet en ce qui concerne la loi actuelle, Monsieur le rapporteur : elle autorise la publicité sur le mode d'élaboration et sur les modalités de vente et de consommation du produit, ainsi que des références au terroir et aux distinctions obtenues. En ajoutant à la liste des « représentations » relatives au terroir, vous donnez aux publicitaires une liberté qui peut se révéler dangereuse.

Monsieur le Ministre, vous vous dites opposé à toute référence aux caractéristiques qualitatives mais vous n'avez déposé aucun amendement en ce sens et votre position sur l'amendement de la commission est encore incertaine. Or, prenez garde : si cet amendement n'était pas adopté, on en reviendrait à l'amendement du Sénat. En tout état de cause, on n'aura rien réglé et c'est pourquoi il me semblait préférable d'en rester à la législation actuelle.

M. Kléber Mesquida - Bien que nous regrettions que le texte du Sénat ne soit pas conservé, nous nous rallierons à l'amendement de la commission. J'aimerais toutefois connaître les intentions de M. Suguenot, qui a présenté un autre amendement...

M. Philippe Douste-Blazy, ministre - Avis défavorable à l'amendement.

A la majorité de 102 voix contre 12 sur 114 votants et 114 suffrages exprimés, l'amendement 69 est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - L'amendement 372 rectifié tombe.

L'article 4 A modifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Je vous informe qu'à la demande du Gouvernement, nous examinerons à la reprise de la séance l'article 75 sexies, relatif à la protection du littoral. Nous reviendrons ensuite à l'article 4.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 22 heures.

La séance est levée à 20 heures 30.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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