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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 9ème jour de séance, 21ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 20 OCTOBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

SITUATION DE L'OUTRE-MER 2

DIFFUSION D'UN CD À BOBIGNY 3

COURS DU PÉTROLE 3

LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE DROGUE 4

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE 5

DÉVELOPPEMENT DE L'AGRICULTURE À MAYOTTE 5

COURS DU PÉTROLE 6

SÉCURITÉ ROUTIÈRE 7

RENSEIGNEMENTS ADMINISTRATIFS 7

POLITIQUE SOCIALE 8

TRANSMISSIONS D'ENTREPRISES 8

ATOFINA 9

LOI DE FINANCES POUR 2005 -première partie- (suite) 9

ERRATUM 32

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

SITUATION DE L'OUTRE-MER

M. Victorin Lurel - Le devoir de tout ministre de la République est de respecter de façon absolue les institutions républicaines et leurs règles. Alors que les coups fourrés fomentés en Polynésie sont en passe d'aboutir, je témoigne, en tant que nouveau Président de la région Guadeloupe, des obstacles mis par ce Gouvernement à l'alternance démocratique voulue par les citoyens français de l'outre-mer (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), alternance dont le seul tort est d'avoir mis fin à des systèmes claniques et clientélistes (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP. En Guadeloupe, il y eut de nombreuses tentatives de déstabilisation politique orchestrées par l'Etat : des sanctions disciplinaires ont été prises contre les fonctionnaires qui refusaient de s'y plier, des illégalités, couvertes lors de leur commission par l'exécutif précédent, ont été brusquement découvertes, l'Etat a refusé de saisir la Chambre régionale des comptes pour faire constater le déficit abyssal creusé par l'équipe précédente ; il y eut également de nombreux sabotages informatique et téléphonique et les plus hautes autorités ont laissé se présenter des personnes manifestement inéligibles. Dans toutes ces affaires, la justice tranchera, mais je tiens à témoigner ici de leur véracité.

De plus, alors que vos propos irrespectueux ici-même et au Sénat, Madame la ministre, ont déjà entraîné des protestations officielles, c'est l'intelligence de la représentation nationale que vous insultez par une présentation budgétaire mensongère (Protestations sur les bancs du groupe UMP. Vous fanfaronnez avec une hausse de 52 % du budget alors même qu'à structure constante, il baisse de plus de 8 %. C'est ainsi que le fonds pour l'emploi dans les DOM voit son budget amputé de plus de 124 millions. C'est un véritable largage financier.

Allez-vous, oui ou non, respecter le verdict des urnes et cesser votre gestion partisane de l'outre-mer ? Allez-vous enfin vous battre pour toute la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - La parole est à Mme Girardin, ministre de l'outre-mer.

Plusieurs députés socialistes - Démission !

M. le Président - Soyez corrects ! Cela suffit !

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - J'ai eu l'occasion de le dire hier : le rôle de l'Etat est de faire appliquer la loi et le rôle d'un Gouvernement de respecter les élus et le vote populaire. Si vous avez des griefs à formuler, saisissez la justice, et qu'elle tranche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Quant à vos critiques sur mes prétendues fanfaronnades, vous savez très bien que je ne me suis jamais félicitée d'une augmentation de mon budget. Ceux qui m'ont entendu en commission des lois et des affaires économiques peuvent en témoigner.

L'Outre-Mer est une école de modestie et d'humilité à laquelle je vous invite à adhérer, Monsieur Lurel, notamment après les résultats calamiteux de votre parti lors des dernières élections sénatoriales : ni en Guadeloupe, ni à Mayotte, ni à Saint-Pierre-et-Miquelon le Parti socialiste n'a été capable de gagner un seul siège ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DIFFUSION D'UN CD À BOBIGNY

M. Jean-Christophe Lagarde - La municipalité de Bobigny a diffusé auprès de 4 200 élèves des collèges et lycées un agenda et un CD musical qui comporte deux chansons dont les paroles sont scandaleuses : les policiers y sont caricaturés en racistes violents, les appels à la délinquance et l'apologie de la violence y foisonnent. Y figurent même des propos racistes d'une rare brutalité. Les enseignants, les parents et les policiers sont profondément choqués.

Il y a six mois, un policier a été violemment passé à tabac dans une cité de cette même commune. Un élu municipal a fait l'objet, il y a quelques jours, de poursuites judiciaires et a été condamné à douze mois de prison pour violence envers la police. Hier, le Président du conseil général, qui a co-financé le CD en question, a refusé de condamner les propos qu'il contenait.

Face à ces dérives, que comptez-vous faire pour rassurer la population de Bobigny et soutenir les policiers afin qu'ils puissent travailler dans de bonnes conditions ? Etes-vous prêt, Monsieur le ministre de l'intérieur, à engager des poursuites contre ceux qui diffusent des messages racistes et discriminatoires et portent atteinte à l'honneur des policiers, alors même qu'ils sont censés représenter l'Etat dans la commune ? (Applaudissements bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Ce CD comporte en effet des propos injurieux à l'encontre des policiers, des propos dangereux qui peuvent être considérés comme des appels à la haine raciale et à la violence. Il s'agit d'une initiative d'autant plus condamnable que ce CD a été diffusé dans les écoles, grâce à de l'argent public, par une collectivité publique.

J'ai engagé une procédure contradictoire demandant au maire de Bobigny de me fournir toutes les explications sur les responsables de cette initiative. Dès que je disposerai de tous les éléments, soit avant la fin du mois, je prendrai les mesures qui s'imposent : poursuites pénales ou sanctions administratives.

L'exercice de l'autorité et de la responsabilité implique beaucoup de vigilance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

COURS DU PÉTROLE

M. Jacques Desallangre - Face à la flambée du prix du pétrole, le Gouvernement navigue à vue. Soucieux de satisfaire des revendications au demeurant légitimes, il a successivement cédé à différentes catégories professionnelles, puis, sous la pression, il a évoqué une éventuelle mesure sur le prix du fioul domestique, puis hier, pressé par la majorité, il a annoncé la création d'une commission en 2005.

Bref, à vous, Monsieur le ministre de l'économie, un effet d'annonce de plus, à votre successeur, le travail obscur et la difficulté ! Mais le numéro d'improvisation n'était pas fini : ce matin, nous avons appris que la commission serait en place dès le 15 novembre. En attendant que l'on rase gratis demain, les ménages, déjà victimes d'une politique inspirée par le MEDEF, souffrent de l'envolée des prix à la pompe. Leur situation ne serait-elle pas digne d'intérêt au motif qu'ils ne sont pas, eux, constitués en groupes de pression ? Si vous pensez le contraire, ne remettez pas la décision à plus tard : baissez dès à présent de dix centimes le prix du litre à la pompe et décidez d'un prélèvement exceptionnel sur les compagnies pétrolières. Celles-ci n'en pâtiront guère quand on sait que Total a, à lui seul, réalisé quatre milliards d'euros de bénéfices au premier trimestre 2004 ! Alors, Monsieur le ministre, pas de comité Théodule, pas de patate chaude à refiler à votre successeur, pas d'énième annonce, pas de réflexion dilatoire, mais une mesure simple et efficace : moins dix centimes pour le litre de carburant à la pompe, tout de suite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Il n'y a eu, contrairement à ce que vous affirmez, aucune pression de groupes d'intérêts (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) pour la bonne et simple raison que le Gouvernement a agi à temps, trouvant un accord avec les professions concernées avant que ne s'installe la pagaille. Cela change avec certaines époques que vous avez bien connues ! (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP) Il n'y a pas eu non plus de pressions de la part de la majorité pour la bonne et simple raison que le Premier ministre et moi-même savons que mieux vaut faire la politique de ses électeurs que de ses adversaires car, à faire celle de ses adversaires, on perd ses électeurs sans gagner un seul de ses adversaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Vous le voyez, il n'y a aucune pression de la majorité, simplement son adhésion totale à la politique du Gouvernement.

Par ailleurs, si nous n'avions pas annoncé la constitution d'une « commission contradictoire », j'entends déjà le parti communiste, donc chacun sait qu'il est un adepte de longue date de la transparence, nous réclamer une telle commission pour justifier de nos calculs. Vous souhaitez enfin que le Gouvernement aille vite. Vous serez servis : la commission se réunit la semaine prochaine, les chiffres d'octobre seront connus dès la mi-novembre et si un accord est trouvé d'emblée, c'est dès le 1er décembre que la fiscalité sur les produits pétroliers diminuera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) De votre question, il ne reste donc rien si ce n'est la volonté de faire de la polémique. Excusez-nous, Monsieur le député, nous n'avons pas le temps pour cela (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE DROGUE

M. Bruno Gilles - Le fléau de la drogue frappe de plus en plus de nos concitoyens, en particulier mineurs, proies les plus faciles pour les réseaux criminels. L'économie souterraine mafieuse née du trafic de drogue, qui gangrène l'ensemble de notre territoire, menace, quant à elle, notre cohésion sociale. Enfin, le trafic de drogue, de plus en plus lié aux grands réseaux de criminalité organisée, qu'il s'agisse du trafic d'armes, du terrorisme ou du blanchiment d'argent, représente une menace internationale.

Cette situation appelle une mobilisation urgente de tous les moyens et de toutes les volontés. Monsieur le ministre de l'intérieur, notre collègue Jean-Luc Warsmann, auquel vous aviez demandé de formuler des propositions à ce sujet, vient de vous remettre son rapport. Quelle impulsion nouvelle comptez-vous donner, sur la base de ce rapport, à la lutte contre le trafic de drogue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - En effet, le trafic de drogue constitue une menace grave pour la cohésion sociale de notre pays, les mineurs en étant les premières victimes. Il nourrit également une économie souterraine dont le chiffre d'affaires représente quelque trois milliards d'euros, et est étroitement lié aux réseaux terroristes, vous l'avez dit. Votre collègue, Jean-Luc Warsmann vient de me remettre un remarquable rapport sur le sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), duquel j'ai d'ores et déjà retenu quatre priorités.

Tout d'abord, lutter le plus en amont possible contre les trafics, avec les pays producteurs : c'est ce que nous allons faire par exemple avec le Maroc en liaison avec l'Espagne. En deuxième lieu, frapper fort sur le plan financier : le comité d'identification des patrimoines, dont j'ai décidé la création, devrait permettre de toucher les trafiquants au portefeuille.

Ensuite, mieux coordonner l'action au niveau national, notamment en tirant toutes les leçons du travail des GIR et en mutualisant davantage les moyens des différentes administrations.

Enfin, agir au niveau international, européen en particulier. Sur ce point, un grand pas en avant a été fait le week-end dernier, sur la base du rapport de M. Warsmann, puisque les cinq ministres de l'intérieur du G5 se sont ralliés à plusieurs de ses propositions : créer une plateforme dans l'Atlantique mais aussi dans les Balkans afin de couper la route des trafiquants ; mettre en place des officiers de liaison communs qui agiront en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Asie ; créer des missions d'enquête communes ; enfin renforcer Europol, dont la lutte contre le trafic de drogue était la compétence initiale. N'en doutez pas : c'est avec la plus grande détermination que le Gouvernement s'est attaché au démantèlement des filières. C'est pour nous une priorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. Hervé Mariton - La réduction des déficits et la baisse des prélèvements obligatoires sont deux choix politiques majeurs de ce Gouvernement, que notre groupe soutient totalement ! Pour ce qui est du budget de l'Etat, actuellement en discussion, la ligne est claire. S'agissant du budget des collectivités, tous les élus de l'UMP sont pleinement conscients de la nécessité de ne pas augmenter les impôts et de gérer les finances locales avec la plus grande prudence, la décentralisation ne devant pas être source d'impôts nouveaux. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Reste l'assurance maladie, dont il ne manque pas d'esprits chagrins pour dire que l'avenir de ses comptes serait plus incertain. La réforme votée l'été dernier, cohérente avec nos choix politiques, commence de porter ses fruits. (« Tu parles ! » sur les bancs du groupe socialiste) Pourriez-vous, Monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, nous faire un point précis et nous exposer notamment comment cette réforme participe de la maîtrise de nos finances publiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Deux mois après la promulgation de la loi portant réforme de l'assurance maladie, deux constats s'imposent.

D'abord, nous avons depuis ce matin les résultats du dernier semestre : la tendance s'est inversée. L'augmentation des dépenses d'assurance maladie, qui était de 5,9% en 2001, de 7,2% en 2002 et de 6,2% en 2003, a été ramenée à 4,5% en 2004. En effet les comportements se sont modifiés : alors qu'en 2002 une sur treize des boîtes de médicaments achetées en pharmacie était un générique, c'est aujourd'hui une sur huit, et la moitié des médicaments génériquables sont achetés sous leur forme générique. Ensuite, les dépenses de médecine de ville et celles des établissements de santé sont maîtrisées.

Par ailleurs, M. Xavier Bertrand et moi-même nous sommes engagés à publier 95% de décrets avant la fin de l'année. La réforme commence donc à porter ses fruits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DÉVELOPPEMENT DE L'AGRICULTURE À MAYOTTE

M. Mansour Kamardine - Monsieur le ministre de l'agriculture, vous êtes le premier titulaire de votre ministère à être venu rendre visite aux Mahorais depuis que Mayotte est française, c'est-à-dire depuis 1841 - ce qui vous a même permis d'apprécier la pluie tropicale... Vous avez eu des séances de travail particulièrement riches avec tous ceux qui participent au développement de l'agriculture, et vous avez pu vous rendre compte de la réalité de la recherche appliquée du CIRAD. Vous avez rencontré des partenaires déterminés, qui rejettent l'assistanat mais attendent de l'Etat l'impulsion nécessaire, qui passe notamment par la création de la chambre d'agriculture, attendue pour la fin de cette année, ou encore par l'accès à des prêts bonifiés.

Vous qui proposez une « voie mahoraise de développement agricole », pouvez-vous préciser devant la représentation nationale la politique agricole du Gouvernement pour Mayotte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Comme vous, avec Brigitte Girardin (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), nous sommes attachés au développement de l'agriculture et de la pêche à Mayotte, qui dispose de nombreux atouts, non seulement pour assurer son autosuffisance alimentaire, mais aussi pour développer sa production à l'exportation.

Le plan du Gouvernement pour l'agriculture, la pêche et l'aquaculture mahoraises comporte donc trois axes : la professionnalisation des agriculteurs, ce qui nous conduit à créer une chambre d'agriculture, avec des élections en mars 2005 ; la clarification des conditions d'adhésion de Mayotte à l'Union européenne, sur lesquelles travaille une mission envoyée sur place ; des mesures spécifiques pour le développement de Mayotte - poursuite de la clarification du régime foncier, dispositions particulières pour la pêche et l'aquaculture, mesures en faveur de l'agriculture vivrière, sur laquelle le CIRAD fait un remarquable travail, et enfin outils financiers, prêts bonifiés en particulier. J'aurai l'occasion dans les semaines qui viennent de préciser tout cela (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

COURS DU PÉTROLE

M. Eric Besson - Comme celle de M. Desallangre, ma question porte sur les conséquences de l'augmentation du prix du pétrole sur la vie quotidienne des Français (« Encore ! » sur les bancs du groupe UMP). Monsieur le ministre de l'économie et des finances, je vous parle des Français, et non de vos électeurs et de vos adversaires, comme vous l'avez fait par une distinction aussi surprenante que choquante (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). L'honneur d'un ministre est de servir l'intérêt général, et non de dresser une partie de ses concitoyens contre les autres (Même mouvement).

Hier, François Hollande vous a posé une question simple, en soulignant que tous les Français, et particulièrement ceux qui sont obligés de prendre leur voiture pour se rendre à leur travail, sont touchés par l'augmentation du fuel domestique et de l'essence. Aux 600 millions de surplus de TVA que perçoit l'Etat du fait de l'augmentation du prix du pétrole, il faut ajouter - on n'en parle pas assez - les 800 liés à l'augmentation de la fiscalité du gazole que vous avez fait voter dans le budget 2004. Hier, vous aviez botté en touche en annonçant la création d'une commission qui déciderait de rendre l'année prochaine ce que les Français paient maintenant. Aujourd'hui, vous changez d'avis et nous en prenons acte. Pourquoi créer une commission, alors que vous ne cessez de dire que procéder de cette façon, c'est refuser de traiter un problème ? Pourquoi attendre le 1er décembre, alors que, semble-t-il, vous ne serez plus ministre ?

Avec le mécanisme de la TIPP flottante, créé par le gouvernement Jospin et que vous avez supprimé, vous disposiez d'un outil simple, qui a fait la preuve de son efficacité et qui avait été accepté par nos partenaires européens. Les Français savent que mécaniquement, lorsque le pétrole augmente, l'essence est plus chère ; mais ils refusent qu'au passage, l'Etat augmente ses taxes ! C'est aujourd'hui qu'ils paient des taxes excessives sur le fuel et sur l'essence, c'est donc aujourd'hui qu'ils attendent de vous une réponse concrète (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je vous remercie pour ce modèle de question impartiale, uniquement motivée, chacun l'a bien compris, par le souci de l'intérêt général (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Il semble que M. Besson ait quelques difficultés à comprendre... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Aussi vais-je prendre le temps de lui expliquer (Même mouvement). Tout d'abord, le parti socialiste ne voulait pas que l'Etat fasse de bénéfices sur le dos du consommateur, ni qu'il y ait de polémiques sur les comptes. Il n'y en aura pas. Tout le monde voulait que ça aille vite. C'est fait. Tout le monde, et en particulier la majorité, voulaient que la TIPP baisse. Elle baissera.

En vérité, vous, Monsieur Besson, avez voulu, avec M. Hollande, monter un petit coup politique sur le dos des Français, mais il a lamentablement échoué, car les Français ont compris notre politique ! Interrogez-nous chaque semaine, nous pourrons ainsi faire la publicité de cette mesure simple et juste (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. Jean-Jacques Gaultier - Le Gouvernement a fait de la lutte contre l'insécurité routière l'une de ses priorités, et les premiers résultats sont encourageants. L'objectif pour 2004 est ambitieux : passer sous la barre symbolique des 5000 tués. La loi du 12 juin 2003 reste le fondement de cette politique, mais il faut explorer de nouvelles pistes pour améliorer encore ce résultat. Vous avez, à cette fin, retenu l'une des propositions du Conseil national de la sécurité routière : l'allumage des feux de croisement de jour pour les voitures. Cette mesure, jusqu'à présent réservée, en France, aux motards, est déjà appliquée dans d'autres pays européens. Vous avez souhaité expérimenter ce dispositif, qui reste encore mal compris de beaucoup de nos concitoyens, à partir du 31 octobre prochain ; pouvez-vous nous en préciser les modalités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - C'est vrai, en matière de sécurité routière, les résultats ne sont jamais acquis, et il faut toujours chercher à les améliorer. Aussi avons-nous décidé, à partir du 31 octobre prochain, d'inviter les automobilistes à allumer leurs feux de croisement, à l'instar de ce qui existe dans dix autres pays européens, comme les pays du Nord, l'Italie, la Slovénie ou la Hongrie.

Il s'agira d'une mesure incitative, hors agglomération. Les motards s'interrogent sur le bien-fondé de cette mesure, mais outre qu'ils continueront d'être vus, ils pourront mieux voir les véhicules.

Certains ont avancé le problème de la surconsommation de carburant, mais il suffirait que les automobilistes réduisent leur vitesse de 3 km/h - et je les y invite - pour que l'allumage des feux reste sans incidence (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Enfin, il s'agit d'une expérimentation, d'une invitation, et j'en appelle à la responsabilité citoyenne de tous. Nous attendons de cette mesure qu'elle épargne entre 300 et 500 vies par an, ça vaut la peine d'essayer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RENSEIGNEMENTS ADMINISTRATIFS

M. Bertho Audifax - Le Gouvernement a mis en place un numéro unique de renseignements, le 3939, grâce auquel les usagers obtiennent en moins de trois minutes une réponse à toutes leurs questions administratives. Cette initiative est à saluer, mais il est regrettable que ce numéro ne puisse être joint de la Réunion, ni des autres régions d'outre-mer. Le Gouvernement entend-il installer un tel service à la Réunion, et plus largement en outre-mer, afin de pallier les difficultés de communication de nos administrés, notamment du fait des particularités linguistiques locales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat - Le 3939, c'est 300 000 appels depuis le 4 octobre ! Le Gouvernement a mis au cœur de sa politique la simplification des rapports entre l'administration et les concitoyens, et le 3939 est un bon exemple de notre action en ce domaine.

L'extension de ce numéro sera progressive. Nous avons commencé par une région, puis deux, puis la métropole. A partir de début 2005, le 3939 sera ouvert aux habitants d'outre-mer, et en particulier aux Réunionnais. Je travaillerai très étroitement avec Mme Girardin sur ce sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE SOCIALE

M. Jean-Marie Le Guen - M. Sarkozy a présenté hier le budget de l'Etat pour 2005, et vous-même, Monsieur le ministre de la Santé, présenterez la semaine prochaine le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Afin de boucler son budget et financer les baisses d'impôts en faveur des plus favorisés, M. Sarkozy a confisqué l'essentiel des recettes provenant de l'alcool et du tabac (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Privé de cette ressource, le budget de la sécurité sociale sera largement déficitaire, alors même que vous allez augmenter au 1er janvier la CSG sur les salaires et les retraites.

M. Sarkozy augmente les déductions d'impôts pour les emplois à domicile, en faveur des plus fortunés, quand les allocations familiales des familles moyennes baissent. M. Sarkozy privatise EDF en refusant de verser son dû au régime de retraite des salariés, quand les pensions de réversion des veufs et des veuves diminuent. M. Sarkozy prétend baisser de 2 % les prix de l'épicerie, quand les primes des mutuelles augmentent de 25 % .

Et pourtant, il est parfois utile de s'opposer à M. Sarkozy, car nous avons obtenu que ce qui n'était pas possible pour la TIPP la semaine dernière, le soit aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La semaine dernière, Monsieur le ministre de la santé, vous avez laissé démanteler la loi Evin. Y-a-t-il encore un ministre de la protection sociale pour défendre les budgets sociaux ? Y-a-t-il encore un ministère qui défende la Santé publique ? En ce 150e anniversaire d'Arthur Rimbaud, votre ministère n'est-il pas un bateau ivre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Merci pour votre ton si modéré et impartial. Comment osez-vous douter de la direction des affaires sociales, quand vous-même avez siphonné la sécurité sociale pour financer les 35 heures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Quant à prétendre qu'il n'y aurait pas de responsable de la santé publique en France, alors que le Gouvernement s'est résolument engagé, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, en faveur de la prévention... (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)... élément essentiel de toute politique cohérente de santé publique, quelle contre-vérité ! A la prévention, le PLFSS consacrera 100 millions supplémentaires. Et qui, sinon le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, a réussi à faire chuter de 2 millions le nombre de fumeurs en France ? Qui a accepté, hier, au Sénat, l'amendement de Mme Payet au projet sur les droits des personnes handicapées, amendement qui permettra de réduire les cas de syndrome d'alcoolisation fœtale, cause majeure de handicap ? Quel Gouvernement a réduit, dans les proportions que l'on sait, l'insécurité routière ? Si, dans ces conditions, vous continuez de prétendre qu'il n'y aurait pas de responsable de la santé publique en France, c'est à douter de votre propre santé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP,exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

TRANSMISSIONS D'ENTREPRISES

M. Edouard Courtial - La structure démographique de notre pays fait qu'au cours de la décennie à venir, on estime à quelque 500 000 le nombre d'entreprises qui devront trouver un repreneur. Des mesures sont nécessaires, qui garantiront la pérennité de ces sociétés et, partant, des emplois qu'elles ont créés. Au-delà encore, les entreprises françaises doivent faire avec un environnement fiscal excessivement contraignant, qui pénalise leur croissance et les empêche d'embaucher. Un rapport à ce sujet a été remis ce matin au Gouvernement. Quelles propositions contient-il ? Quelles seront les orientations retenues par le Gouvernement dans le projet de loi sur les entreprises ?

M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation - Je tiens à remercier MM. Hamelin, Poignant et Cornu qui ont présidé les groupes de travail chargés d'élaborer des propositions dans la perspective de la préparation du projet en faveur des entreprises. Les idées principales qui se dégagent de leurs travaux ont trait au financement de l'entreprise, au statut des conjoints de commerçants et d'artisans ou des collaborateurs de membres de professions libérales, enfin au développement et à la transmission des entreprises. Les mesures proposées, qu'il s'agisse d'aménagements fiscaux ou de simplifications, contribueront à l'élaboration du projet de loi, par lequel le Gouvernement entend bien poursuivre une action déjà efficace, puisque le nombre de créations d'entreprise excédera

240 000 cette année, contre 200 000 en 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Un député communiste - Et combien de faillites ?

ATOFINA

M. Daniel Spagnou - A ma question, qui porte sur l'avenir du site d'Atofina de Saint-Auban, dans les Alpes-de-Haute-Provence, j'associe mon collègue Jean-Louis Bianco et le sénateur Claude Domeizel. Les salariés se sentent en effet extrêmement menacés par les projets de Total, maison mère d'Atofina, qui tend apparemment à se désengager d'une branche jugée peu rentable, en dépit des engagements contraires pris par la direction générale du groupe en début d'année de ne procéder à aucun licenciement et d'investir pour mettre le site en conformité avec les règles communautaires de protection de l' environnement. Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour assurer l'avenir du site ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Je sais l'importance du site Atofina pour le département des Alpes-de-Haute-Provence, soulignée tant par vous-même, Monsieur le député, que par votre collègue socialiste Jean-Louis Bianco et par le sénateur Domeizel, dans une unanimité qui exprime une même inquiétude. Comme vous l'avez indiqué, la direction d'Atofina avait pris l'engagement de ne procéder à aucun licenciement - ce qui est le cas à ce jour - mais aussi d'investir massivement pour supprimer le mercure du processus de fabrication. Or le rythme des investissements s'est très fortement ralenti ; de plus, le directeur général d'Atofina a tenu des propos préoccupants, dont les élus se sont légitimement émus. Soyez-en assuré : le Gouvernement veillera à ce que les engagements pris soient scrupuleusement tenus. Déjà, j'ai demandé aux dirigeants de l'entreprise de venir me faire part de leurs intentions quant à l'avenir du site. Je ne manquerai pas de vous tenir informé de la teneur de cet entretien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous en avons fini avec les questions au Gouvernement .

La séance, suspendue à 15 heures 50, est reprise à 16 heures 15 sous la présidence de M. Baroin.

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

LOI DE FINANCES POUR 2005 -première partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005.

M. le Président - Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

M. Charles de Courson - Ce projet de loi de finances pour 2005, et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, traduisent-ils une bonne gestion ? La réponse du Parlement doit prendre en compte tant l'impérieuse nécessité du redressement des finances publiques que les exigences de la justice sociale. Il faut déterminer si la politique du Gouvernement est à la hauteur de la situation des finances de l'Etat. L'enjeu est en effet historique : comme ne cesse de le répéter l'UDF, nous connaissons, depuis 1981, une période d'accumulation de déficits sans précédent, qui met gravement en péril la croissance et les emplois de demain. La dette publique ne cesse de croître. Elle s'établira, fin 2005, à 65 % du PIB, soit presque 75 000 € par famille ! Face à cette situation, on se doit de dire la vérité aux Français : ce que propose le Gouvernement est tout à fait insuffisant.

Quels sont les critères d'une bonne gestion des finances publiques du point de vue des équilibres globaux ? Les critères de Maastricht ne sont pas adaptés à la situation française car ils sont incohérents : si on veut maintenir la part de l'endettement public dans la richesse nationale en dessous de 60 %, le déficit ne saurait excéder 2,5 %.

M. Guy Geoffroy - Exactement !

M. Charles de Courson - En plus, il faut raisonner sur l'ensemble du cycle économique et rappeler que les 13 milliards de déficit de fonctionnement de l'Etat, comme les 10 milliards de celui de la sécurité sociale, devraient être interdits - comme c'est le cas pour les collectivités territoriales. Nous reviendrons lors de la réforme de la loi organique sur le refus de l'UDF d'accepter le principe laxiste d'un déficit de fonctionnement, et nous proposerons qu'il soit définitivement mis un terme à cette pratique en 2008.

J'en viens au détail de ce budget qui, en matière de dépenses, est moins rigoureux qu'il n'y paraît. Certes, le ministre d'Etat nous a dit qu'en 2005 la dépense nette n'augmenterait que de 1,7 % et que cela représentait un très gros effort. Mais les règles de présentation ne permettent pas d'avoir une vision exacte de la réalité. D'abord, parce que le budget de l'Etat, c'est le budget général, certes, mais c'est aussi les comptes spéciaux et les budgets annexes. Ensuite, parce que la dépense nette n'est pas la dépense brute, on le voit en comparant le document annuel de l'INSEE sur les comptes de la nation et les comptes présentés par le Gouvernement.

En fait, l'an prochain la dépense brute augmentera de 2,7 %, il faut le dire, quel qu'en soit le coût politique à court terme, et cesser d'infantiliser les Français, qui doivent être associés au redressement des finances publiques.

Tout d'abord, ne figurent pas en recettes les prélèvements sur recettes de l'Etat : ceux qui vont aux collectivités locales, en progrès de 2,6 % et celui au profit du budget européen, qui augmente de 8 % par rapport à l'exécution 2004. Ensuite, les dégrèvements sur la TP augmentent eux aussi fortement : de 25,1 %. Or ce sont de vraies dépenses, comme la prime pour l'emploi - transformée dès l'origine en dégrèvement et qui augmentera de 264 millions -, et comme tous les crédits d'impôt. De même, le dispositif qui remplacera le prêt à taux zéro coûtera à terme 1,2 milliard, mais seuls 330 millions sont inscrits au budget, contre 550 en 2004, par le jeu artificiel d'un crédit d'impôt décalé d'un an et étalé sur sept ans. Le financement du plan de cohésion sociale bénéficie aussi de cette ingénierie budgétaire, avec une réduction apparente de 200 millions des dépenses de l'Etat, grâce à un dispositif mal ficelé autour de la taxe d'apprentissage, qui inquiète les élus locaux. Autre exemple, la création de l'Agence pour le financement des infrastructures terrestres, que je ne critique pas, mais qui permet de débudgétiser 150 millions. La recherche a été dotée d'un milliard supplémentaire, mais un tiers de cette somme vient de la vente d'actifs publics, inscrite en recettes sur un compte spécial du Trésor et ressortie, sans transiter par le budget de l'Etat, sous forme de dotation à un établissement public... La réforme du mode de perception de la redevance bénéficie aussi de cette présentation avantageuse : on exonère un million de personnes supplémentaires et on décale de deux ans la suppression de l'exonération dont bénéficiaient 900 000 autres.

C'est l'ensemble de ces retraitements qui donne un point supplémentaire de croissance de la dépense que ce qui est affiché. La maîtrise est donc insuffisante. D'ailleurs, le rapporteur général montre que sur les 18 milliards de marges de manœuvre sur les recettes, 8,43 sont consacrés à l'augmentation des dépenses, 4,52 à des réductions d'impôts et 4,99 à la réduction des déficits. On est donc loin des montants affichés.

Le Premier ministre avait déclaré qu'il fallait supprimer un emploi public pour trois départs en retraite, soit un total de 20 000 suppressions. On en trouve 7 000 dans ce budget...

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - 7 088 !

M. Charles de Courson - On verra en exécution... Est-il raisonnable de faire aussi peu d'efforts quand on est en déficit de fonctionnement ? On en avait supprimé 19 600 en 1987 et 13 000 en 1988.

Nous n'avions pas critiqué les prévisions économiques de l'an dernier, d'ailleurs, les résultats ont été meilleurs. Cette année, elles étaient déjà optimistes et les économistes montrent qu'une hausse de 10 % du pétrole représenterait 0,5 point de croissance en moins. Or on est au-dessus de 52 dollars le baril. Pour tenir la prévision de 36,5 dollars en moyenne annuelle, il faudrait finir l'année à 25 dollars. Je comprends que le Gouvernement ne veuille pas revenir sur ses hypothèses en cours de débat, mais la sagesse voudrait au moins qu'il annonce un gel de crédits pour faire face à la dégradation de la conjoncture économique.

L'opinion publique voit dans l'évolution des prix du pétrole un « hold-up » de l'Etat, dans la mesure où les recettes fiscales augmentent. Il faut donc agir vite. M. le ministre d'Etat s'est engagé à le faire. La TIPP flottante n'étant pas euro compatible, nous devons trouver un mécanisme suffisamment souple.

Il est également nécessaire de mettre en œuvre une véritable politique de maîtrise de l'énergie. Nous avons déposé un certain nombre d'amendements concernant les biocarburants, mais ils ont été repoussés en commission. Néanmoins, sans la création d'une taxe sur la qualité de l'air pour obliger les pétroliers à les utiliser, il ne sera pas possible de développer cette filière, et les propos du Premier ministre à Compiègne seront démentis.

Nous devons parallèlement repenser notre fiscalité sur l'énergie : pourquoi taxer de la même façon les énergies renouvelables et non renouvelables ? Les énergies renouvelables devraient, comme en Allemagne, être exonérées.

En outre, certaines évaluations budgétaires des dépenses sont fragiles. Ainsi, le Gouvernement a fait l'hypothèse d'une stabilité des taux d'intérêts sur la masse de la dette publique. Or, la hausse des taux a déjà commencé et pourrait très vite déraper. Je ne crois pas que le refinancement de la dette compensera cette hausse sur la partie flottante de la TIPP.

Concernant l'estimation des rémunérations des fonctionnaires, je note que le Gouvernement a pour la première fois supprimé toute réserve, alors qu'il y a deux ans elle se chiffrait à 800 millions. Assume-t-il donc vraiment l'absence de toute revalorisation du point au-delà de ce qui est aujourd'hui acquis ?

Concernant la sécurité sociale, le laxisme des comptes grève fortement les finances publiques. En 2005, les comptes de la sécurité sociale seront déficitaires de 10 milliards. Or, tous les experts considèrent qu'il y aura un dérapage supplémentaire d'un à deux milliards.

Enfin, la soulte payée par les industries électriques et gazières est un symbole très important de la façon dont notre pays est gouverné. L'UDF a appelé à mettre fin à tous les régimes spéciaux de retraite pour les nouveaux entrants, sans avoir été entendue. Qui financera ces régimes ? Les Français, car 60 % de la soulte sera payée par une taxe sur les transports de l'électricité, acquittée par les consommateurs. L'accepteront-ils sans mal ? Et je vous mets en garde sur le financement de la deuxième soulte, celle de l'adossement de l'AGIRC et de l'ARRCO, dont les partenaires sociaux estiment qu'elle coûtera de 9 à 10 milliards. Il faudra également compter avec la provision pour le régime « chapeau ». Dès lors, faudra-t-il recapitaliser EDF pour maintenir les retraites ?

Concernant les collectivités territoriales, les prévisions de dépenses et de recettes sont hélas sous-estimées : les régions ont d'ores et déjà annoncé une augmentation de 10 % en moyenne, et les hausses seront également conséquentes pour les conseils généraux et les communes. Cela signifie que l'augmentation des prélèvements obligatoires sera plus forte que ne le pense le Gouvernement, dont j'espère par ailleurs qu'il ne se trompe pas sur l'estimation de la croissance. Or, les Français ne veulent plus de ces hausses.

Le vote de l'UDF sera conditionné à plusieurs avancées, rappelées cette nuit par mon collègue Perruchot. J'y ajoute une action structurelle résolue de la part de l'Etat pour anticiper les évolutions énergétiques. Je suis certain de votre bonne volonté : vous montrerez que le Gouvernement peut enrichir son action grâce à des propositions déjà formulées l'année dernière, et dont les événements ont montré la pertinence. Le pluralisme politique au sein de la majorité est utile car il limite ou évite bien des erreurs. M. le ministre d'Etat aura, je l'espère, l'occasion de le montrer avant de prendre ses nouvelles fonctions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Claude Sandrier - Votre budget, Monsieur le ministre, me rappelle cette phrase prononcée à Davos par M. Tietmeier, alors président de la Bundesbank, devant un parterre de chefs d'Etat : « Désormais, vous êtes sous le contrôle des marchés financiers ». Dans leur ouvrage, Michel Aglietta et Antoine Reberioux s'appliquent à démontrer et démonter les dérives du capitalisme financier en stigmatisant l'« idéologie de la souveraineté actionnariale » qui a pour corollaire la seule variable tangible aux yeux des décideurs : la rentabilité des actifs financiers.

Est-il besoin de rappeler le scandale Enron, les dessous de l'affaire Vivendi, pour comprendre que le monde dans lequel nous entraîne les puissances de l'argent est une véritable jungle ? Vos orientations contribuent à nous enfoncer dans ce monde inégalitaire.

M. le Secrétaire d'Etat - Simpliste !

M. Jean-Claude Sandrier - L'annonce que vous venez de faire concernant les licenciements, prouve, malgré un recul provisoire, votre indéfectible soutien aux puissances d'argent.

M. le Secrétaire d'Etat - Ce n'est pas ce que dit M. Seillière !

M. Jean-Claude Sandrier - Matignon l'a, paraît-il, immédiatement rassuré...

C'est en vérité une répartition plus juste des richesses qui devrait guider l'action publique, un combat acharné contre la pauvreté et pour l'emploi. Votre dogme qui consiste à croire qu'enrichir les riches crée de l'emploi fait de vous le protecteur de quelques privilégiés.

Vous présentez un budget de régression dangereux pour l'équilibre social de notre pays. Ce n'est pas M. Camdessus, ancien responsable d'une institution dont on sait quels ravages économiques et sociaux elle a provoqués, qui peut venir donner des leçons de développement et de justice sociale. Ce monsieur peut sans doute expliquer comment travailler plus pour accroître le rendement des dividendes, mais non comment obtenir une meilleure répartition des fruits du travail. Car comme l'indique l'économiste Patrick Artus, ce qui est en cause ce n'est pas la durée du travail mais « le niveau trop élevé de rentabilité du capital exigé par les entreprises». M. Camdessus devrait plutôt se pencher sur cette question.

Pour faire avaler la pilule de votre budget, vous parlez de justice sociale, or votre politique aggrave les inégalités. Les deux colonnes de votre bilan sont accablantes. D'un côté l'aggravation de la situation pour une grande partie de nos concitoyens : le nombre des allocataires au RMI a progressé de 10 % en un an, celui des ménages surendettés de 14%, le chômage continue d'augmenter et la précarité ne cesse de croître. L'APL a été supprimée à 800 000 personnes, et deux millions d'enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Le Secours Populaire et le Secours Catholique sont débordés. Sur l'autre colonne : explosion des profits, du rendement des dividendes : Axa, +591 %, Arcelor, +142 %, Eads, +119 %, Lafarge, +154 %, Thales, +122 %. Les grands patrons français se sont eux-mêmes augmentés de 12 à 20 %, et ce chacune des trois dernières années. En trois ans, BNP Paribas a augmenté ses salariés de 3,45 % et les dividendes de ses actionnaires de 200 % !

Quant au PDG de Michelin, il n'a pas hésité à annoncer simultanément une hausse de 102 % des profits de son entreprise, de 146 % de son salaire... et la suppression de trois mille emplois.

Et comme si cela ne suffisait pas, votre seule préoccupation est de diminuer l'impôt sur les sociétés, alléger l'impôt sur la fortune, prélude à sa suppression et à l'amnistie fiscale des évasions de capitaux. Belle morale et belle conception de la justice sociale !

Quant aux déficits, que vous ne cessez d'invoquer...

M. le Secrétaire d'Etat - C'est le cadeau que vous nous avez laissé !

M. Jean-Claude Sandrier - ...ils vous servent d'alibi pour justifier tous les mauvais coups. En revanche, pas un mot des grands fortunes des actifs financiers ! Il ne faut surtout pas braquer les projecteurs là où pourraient exister des solutions alternatives. Sait-on que les actifs financiers des seuls acteurs institutionnels représentent 140 % du PIB des pays de l'OCDE ? Les déficits de notre pays ne sont que la conséquence de votre refus de mettre à contribution les marchés financiers. Entretenus, ils vous servent à rogner sur les services publics, à pressurer les salariés et à justifier des reculs sociaux majeurs.

Autre leitmotiv de vos discours : le retour de la croissance.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est la vérité.

M. Jean-Claude Sandrier - Mais quelle croissance ? Celle des dividendes, celle des salaires des grands patrons, celle du chômage, celle de la TIPP ? A quoi sert un point de croissance supplémentaire, voire un taux de 4 % comme aux Etats-Unis, si c'est, comme le reconnaît un économiste américain, pour renforcer les marges des entreprises et ne pas créer d'emplois ? En France, sur les douze derniers mois, le PIB a augmenté de 2,5 % et l'emploi salarié reculé de 0,1 %. Où sont passés les fruits de la croissance ? Qui les a accaparés ?

Tous les budgets qui, par nature et par fonction, peuvent servir de garde-fous contre la déferlante libérale, diminuent en 2005. Celui de l'éducation est sacrifié, la progression annoncée d'un milliard étant intégralement absorbée par l'augmentation des pensions, tandis que 4 000 postes statutaires sont supprimés, s'ajoutant à la disparition en moins de deux ans de 50 000 adultes des établissements scolaires. En euros constants et hors pensions, le budget de l'éducation nationale régresse de 3 %. De même, loin du milliard annoncé, les 356 millions d'euros dont progresse le budget de la recherche ne compensent même pas les annulations et gels intervenus en 2003 et 2004. Le ministère de l'équipement et des transports est lui aussi mis au régime sec, en diminution de 4 % en euros constants, ce qui confirme l'abandon par l'Etat de nombreux projets des contrats de plan Etat-région.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est faux !

M. Jean-Claude Sandrier - Je vous invite à venir voir la situation dans ma région. Nous connaissons tous, dans nos territoires, des investissements routiers ou ferroviaires stoppés par les gels de crédits ou repoussés aux calendes grecques.

De même, en matière de logement, la réalité est tout autre que les envolées médiatiques sur le sujet ! Nous demandons, pour notre part, que la taxe destinée à favoriser la mixité sociale soit au moins triplée.

Les budgets de la jeunesse, du sport, de la vie associative, de l'environnement, du développement durable, de l'agriculture, du travail, de la santé, de l'industrie...sont également sacrifiés. Hormis celui de la culture, dont l'augmentation ne compense toutefois pas le terrain perdu les deux dernières années, les seuls budgets qui progressent sont ceux qui servent à maintenir le couvercle sur la marmite, à savoir ceux de la police, de la justice et de la défense.

M. le Secrétaire d'Etat - Ce sont les compétences régaliennes de l'Etat.

M. Jean-Claude Sandrier - Je ne connais pas ce terme d'un autre âge. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Second axe du budget pour 2005 : la poursuite d'une politique fiscale injuste. Votre unique objectif semble être de diminuer les seuls impôts justes, à savoir ceux qui sont progressifs. Les inégalités s'en trouveront ipso facto accrues. En dépit de tous vos discours, les prélèvements augmenteront bel et bien l'année prochaine, surtout pour les couches moyennes et modestes. Alourdissement de la CSG pour les salariés et les retraités, cotisation obligatoire à une retraite complémentaire pour les fonctionnaires, hausse de 50 % du forfait hospitalier en trois ans, paiement systématique d'un euro par consultation médicale - véritable cheval de Troie dans notre système d'assurance maladie -, nouveau mode de calcul des allocations logement qui exclut de nombreuses familles de ce droit, hausse des prix de tous les services primaires comme l'eau, l'énergie, les transports -, mais aussi de la TIPP et, bien entendu, des impôts locaux, que vous estimez vous-mêmes à 4,5 %, sans parler de celle de la taxe sur les ordures ménagères qui atteint 10 % -, voilà qui grèvera lourdement les budgets familiaux. Est-ce là votre conception de la justice sociale ? S'agissant de la TIPP, vous vous êtes contentés d'apporter des réponses catégorielles aux différentes corporations. Nous demandons, pour notre part, une baisse immédiate de dix centimes d'euros du litre d'essence et de gazole pour tous.

A ces nouvelles ponctions sur les ménages, s'ajoutent les conséquences de ce que vous appelez l'acte II de la décentralisation, et qui devrait s'appeler l'acte majeur du désengagement de l'Etat. D'ores et déjà , les départements et les régions se trouvent en difficulté, les transferts financiers ne compensant pas les nouvelles charges qui leur incombent. Ainsi le Cher doit-il trouver trois millions d'euros de plus, ce qui représente plus de quatre points de fiscalité, pour financer le RMI.

Au total, en euros constants, ce sont plus de dix milliards d'euros supplémentaires qui seront exigés des contribuables, et d'abord des plus modestes. En effet, les seuls allègements fiscaux prévus le sont à l'intention des plus aisés. Certes, me dira-t-on, la prime pour l'emploi va augmenter, mais il faudrait préciser que sa hausse représentera en moyenne, et en euros constants, deux euros par mois pour les ménages bénéficiaires qui, dans le même temps, paient 8 à 12 € plus cher un plein de carburant !

De même, la réforme envisagée des droits de succession est profondément inégalitaire. Sous couvert de favoriser les couches moyennes, l'objectif recherché est bien d'en finir, insidieusement, avec cet impôt. Votre réforme ne profitera qu'aux 10 % de ménages dont le patrimoine excède 200 000 €. Votre entourloupe consiste à confondre, opportunément, le patrimoine moyen, lequel s'élève bien à 100 000 €, et le patrimoine médian, lequel n'est que de 55 000 €.

Autre disposition, si emblématique de votre politique : l'augmentation de la réduction d'impôt pour les emplois familiaux, ce que notre collègue Brard appelle « les valets de pied ». Cette mesure, conçue au bénéfice de quelques-uns seulement, nous choque profondément.

S'agissant de l'ISF, que d'aucune parmi le Gouvernement et parmi les parlementaires UMP et UDF vouent aux gémonies et que vous voulez supprimer au motif qu'il ferait fuir hors de France fortunes et entreprises, le Conseil national des impôts, lequel n'est pas, que je sache, un repaire de marxistes, explique que son éventuelle réforme ne saurait être justifiée « au nom de l'attractivité du territoire ou du maintien des activités en France ».

A tout cela, s'ajoutent encore la baisse de l'impôt sur les sociétés, la prorogation des dégrèvements de taxe professionnelle sur les nouveaux investissements, et le fameux plan pompeusement dénommé « anti-délocalisations ». Aux maîtres chanteurs qui menacent de délocaliser leurs entreprises, le Gouvernement cède en instituant un grand marché de la défiscalisation ! Vous allez aider, dites-vous, à la création de pôles dits de compétitivité. Pour être originaire d'un territoire en grande difficulté économique, je sais que la première des mesures nécessaires serait de stopper, dans ces territoires, les fermetures de bureaux de poste, de perceptions, de tous les services publics en général, et d'y honorer les engagements pris dans les contrats de plan.

Pour notre part, nous formulons cinq grandes propositions. Tout d'abord, diminuer les impôts indirects au profit de l'impôt progressif, augmenter de manière significative l'ISF, instituer une taxe spécifique sur les actifs financiers, dans les entreprises corréler le niveau de l'impôt sur les sociétés à l'emploi et à la valeur ajoutée créée et réinvestie, ce qui supposer d'en finir avec les allègements de cotisations sociales uniformes qui coûtent plus de 17 milliards d'euros à la collectivité. L'objectif serait de créer un fonds spécifique permettant de garantir à chaque personne un emploi et une formation tout au long de sa vie.

Deuxième proposition : relancer le pouvoir d'achat, notamment en allouant immédiatement une allocation de 300 € aux plus modestes, qui pourrait être financée par un prélèvement sur les insolents profits boursiers. Un relèvement substantiel des salaires les plus bas est également impératif.

Troisième proposition : redonner la priorité à l'investissement dans le budget de l'Etat...

M. Michel Bouvard - Mais pour cela, il faut diminuer les dépenses de fonctionnement !

M. Jean-Claude Sandrier - ...qu'il s'agisse des investissements directs ou indirects, par le biais de crédits sélectifs ou bonifiés.

Quatrième proposition : renforcer la coopération au niveau européen s'agissant des services publics, afin de ne pas laisser partout triompher la concurrence, cette guerre qui brise les hommes et les territoires. Des secteurs aussi essentiels que ceux de l'énergie, de l'eau, de la santé, de l'éducation, des communications, doivent rester sous maîtrise publique, sous peine d'aggraver encore les inégalités territoriales.

Enfin, s'agissant des délocalisations, nous proposons de poser le problème au niveau européen et de créer une taxe sur les transactions financières, poser des règles communes sur les investissements directs à l'étranger, interdire de verser des subventions aux entreprises qui délocalisent ; d'instituer une taxe sur les différentiels sociaux et de supprimer les paradis fiscaux.

Quand le capitalisme perd la tête, pour reprendre le titre d'un ouvrage d'un prix Nobel d'économie américain, eh bien vous vous le suivez ! C'est pourquoi nous nous opposons à votre budget.

M. Hervé Mariton - Le budget qui nous avait été proposé pour 2004 était pour l'essentiel un bon budget, mais il posait quelques problèmes de cohérence, et j'ai fait partie de ceux qui ont critiqué ouvertement, à l'époque, l'augmentation de la fiscalité du gazole - j'ai même voté contre. Je n'en suis que plus à l'aise pour dire que ce budget pour 2005 est réellement un bon budget, à la fois performant, cohérent et juste (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud - Rien que ça !

M. Hervé Mariton - Performant, parce qu'il répond à notre objectif essentiel, la croissance : en effet sans croissance, nous le savons tous, on ne peut rien.

Cohérent, d'abord parce qu'il respecte les engagements, notamment ceux qu'avait pris le Premier ministre l'an dernier devant notre groupe concernant la réforme de la fiscalité des successions ; ensuite parce qu'il respecte les priorités fixées, telles la cohésion sociale, la sécurité et la recherche.

Juste, parce qu'il ne cherche pas à jouer les uns contre les autres (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) : certains y trouveront une augmentation du SMIC, d'autres un allègement des impôts sur les successions ; c'est un budget « gagnant-gagnant ».

En premier lieu, ce budget veut établir une solidarité réelle.

Premier exemple : la réforme des prêts à taux zéro. Alors qu'actuellement l'enveloppe n'est pas pleinement utilisée, la modification proposée permettra de faire plus que doubler le nombre des bénéficiaires.

Deuxième exemple : le SMIC. Faire en sorte qu'il y ait un SMIC réel pour tous, en dépassant l'effet des 35 heures et en portant au niveau général le SMIC hôtelier, ce n'est pas rien ! Cela contribuera largement à résoudre les difficultés de recrutement dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration.

En deuxième lieu, ce budget poursuit l'objectif d'une croissance durable.

D'abord, par la manifestation dans ce domaine d'un volontarisme qui prolonge celui de 2004. Nos collègues socialistes en revanche, à force de semer l'inquiétude, ne peuvent que contribuer à créer les difficultés qu'ils annoncent : ils voudraient aggraver l'impact de l'augmentation du prix du pétrole qu'ils ne s'y prendraient pas autrement ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) !

Ensuite, par l'encouragement au travail. Une mesure, passée inaperçue, a une grande portée symbolique même si elle est modeste : l'exonération d'impôt des jobs d'été des jeunes.

M. Yves Durand - On ferait mieux d'aider les étudiants à trouver un logement !

M. Hervé Mariton - Recherche d'une croissance durable, encore, à travers une politique familiale dynamique. Le groupe UMP approuve le dispositif proposé par le Gouvernement concernant la fiscalité des successions ; je souhaite que cette première étape soit suivie, en 2006, d'une autre qui tienne davantage compte de la taille des familles. S'agissant des emplois familiaux, j'approuve la proposition du Gouvernement de relever le plafond de la réduction d'impôt : la France est très en retard en termes d'emplois de services, de services à la personne en particulier, et se résigner à cette exception française serait se priver de centaines de milliers d'emplois. Mais là encore, il serait bienvenu de tenir compte de la taille de la famille, en décomposant l'avantage fiscal autorisé entre une part fixe et une part calculée en fonction du nombre d'enfants. En effet les dispositifs fiscaux doivent être à la fois simples et adaptés à nos objectifs politiques.

Nous devons, en 2005, poursuivre les réformes engagées. C'est vrai, il y a beaucoup de rigidités dans notre pays, et il est de la responsabilité du Gouvernement d'agir, avec pédagogie et persévérance. La situation de la France n'appelle pas davantage l'autosatisfaction que l'autoflagellation.

Dernier objectif : l'efficacité de l'Etat. Par ce projet de loi, vous avez fait le choix de la maîtrise des dépenses, et c'est une œuvre de longue haleine qui vous demandera de la discipline et de la patience. Parmi les différentes stratégies ministérielles de réforme engagées, on peut dire que certaines sont plus audacieuses que d'autres, et leurs résultats sont d'ailleurs inégaux. Ainsi, les dossiers de présentation de certains budget continuent de proclamer avec satisfaction que les dépenses augmentent !

La maîtrise des dépenses suppose la maîtrise des dépenses de fonction publique. A cet égard, je voudrais rebondir sur une réflexion de M. Méhaignerie. Chacun comprend que le budget ne prévoie aucune augmentation indiciaire pour les fonctionnaires. L'on s'était interrogé il y a quelques semaines, pour savoir si le débat budgétaire pourrait être l'occasion d'une quelconque évolution. Pour ma part, je reste persuadé que cette question relève de l'exécutif, et n'entre pas dans les compétences du Parlement. Simplement, nous pourrions nous fixer un objectif pour 2006 : un plus grand effort de maîtrise des effectifs et, en contrepartie, une évolution de l'indice. Personne n'imagine que l'indice de la fonction publique soit gelé jusqu'à la fin des temps...

La maîtrise des dépenses rappelle votre souci, monsieur le ministre, de diminuer les déficits. Tant mieux. Certains soulèvent le problème particulier de la soulte EDF, mais il est normal qu'elle arrive maintenant. Bien sûr, cette soulte nous oblige à poursuivre l'amélioration du niveau de déficit, et nous devrons en 2006 franchir une étape supplémentaire.

L'efficacité de l'Etat, c'est aussi la vertu de la décentralisation, qui n'est pas synonyme de hausse des impôts locaux.

M. Augustin Bonrepaux - Vous aurez du mal à le démontrer !

M. Hervé Mariton - Enfin, ce projet propose des actions de modernisation et de mise en cohérence, qu'il s'agisse de la modernisation de la redevance, dont seront exonérés un million de foyers modestes, ou de l'impôt de solidarité sur la fortune. D'impôt sur les grandes fortunes en 1982, nous sommes passés à l'impôt sur la fortune, et maintenant, d'une certaine manière, à l'impôt sur les petites fortunes, nombre de nos compatriotes se trouvant « riches » du seul fait du jeu de l'inflation. Le bon sens appelle la réforme de cet impôt devenu inadapté.

Je formulerai un seul regret : la difficulté, pour les parlementaires, d'obtenir de Bercy les informations, et les chiffres, qui leur permettraient de corriger efficacement certains dispositifs.

Le budget 2005 est un bon budget, et le groupe UMP le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Augustin Bonrepaux - Tout d'abord, permettez-moi de vous démontrer que l'assainissement des comptes publics n'est qu'une illusion. En deux ans, vous avez conduit le pays à un véritable crash des finances publiques. Alors que l'audit de juin 2002 situait le déficit entre 2,3 et 2,6 %, nous en sommes à 3,6 fin 2004. Quant à la dette, qui était de 58,8 % en 2002, elle serait de 65 % en 2005.

M. le Secrétaire d'Etat - On paie votre politique !

M. Augustin Bonrepaux - En pleine récession, vous avez multiplié les cadeaux fiscaux, qui ont réduit les recettes fiscales, sans relancer la consommation ni l'activité économique.

En 2004, le déficit reste de 3,6 %, malgré le retour de la croissance, et pour 2005, sa réduction n'est qu'une illusion ! Tout d'abord, la soulte versée par EDF s'élèvera en réalité à 9 milliards d'euros. Sans elle, le déficit serait de 3,4 %. De plus, ces 9 milliards, que vous engrangez fictivement cette année, ne sont pas définitivement acquis, puisqu'il faudra les reverser pour payer les retraites ! C'est une dette que vous transmettez à vos successeurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Ensuite, la transformation du prêt à taux zéro allège le budget de 1,2 milliard cette année, mais le coût sous forme de crédit d'impôt pèsera, une fois de plus, sur vos successeurs.

Enfin, vous avez opéré un transfert massif de charges vers les collectivités locales, qui devront, en contrepartie, augmenter leurs impôts locaux.

Parallèlement, la dette publique atteindra 65 % du PIB en 2005, soit une hausse de 10,5 % depuis 2002 ! Puisque M. le ministre des finances ne cesse de souligner le caractère fondamental de ce critère pour juger de l'état de nos finances, force est de constater qu'il est calamiteux !

Et que dire des aléas qui pèsent sur les hypothèses économiques retenues ? Le budget est construit sur une prévision optimiste de croissance de 2,5%, contraire à celles de tous les économistes, et alors même que les Etats-Unis et l'Asie subissent un ralentissement - sans parler de la hausse du prix du pétrole ! Dès maintenant, en refusant de réactiver la TIPP flottante, vous aggravez la situation de tous les ménages modestes !

L'assèchement des finances publiques menace le fonctionnement des services publics et la plupart des investissements. Certes, les dépenses augmentent de 1,8 %, mais la régulation budgétaire est devenue la règle pour ce Gouvernement ! En 2004, elle aura porté sur 7 milliards, ce qui est tout de même étonnant avec une croissance supérieure de 0,8 point aux prévisions ! Comme il vous faut toujours un bouc émissaire, vous vous en prenez au coût de la réforme de la durée du travail.

Cet argument ne fait que témoigner de votre mauvaise foi, puisque l'allégement des charges salariales n'est due que pour moitié au financement de la RTT - et, grâce à vous, les employeurs peuvent désormais en bénéficier sans contrepartie en termes d'emplois -, l'autre moitié découlant de la politique que vous avez mise en œuvre. Cette politique est au demeurant inefficace et injuste, puisqu'en dépit d'une croissance de 2,5 % le chômage ne cesse d'augmenter et la précarité gagne, comme en témoigne l'accroissement de 10 % du nombre des RMIstes. Rien de cela n'empêche le Gouvernement de prendre des initiatives qui sont autant d'aubaines pour les entreprises.

J'en viens aux crédits de l'aménagement du territoire, dont la réduction va compromettre tous les projets de développement des territoires ruraux, dont beaucoup ont déjà été privés de crédits européens, détournés par le Gouvernement pour compenser le désengagement de l'Etat (Protestations sur les bancs du groupe UMP). On constate déjà des retards de deux à trois ans dans la réalisation des projets prévus dans les contrats de plan, notamment pour les routes, dans toutes les régions...

M. le Secrétaire d'Etat - Socialistes ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Augustin Bonrepaux - ...où même les travaux réalisés ne peuvent être payés faute de crédits !

M. Didier Migaud - Scandaleux !

M. Augustin Bonrepaux - Dans le domaine ferroviaire, la situation est pire, et l'insuffisance des crédits affectés au renouvellement des voies a un impact désastreux, au point que sur 1 500 km la SNCF doit réduire la vitesse, faute que la sécurité soit assurée...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - C'est faux !

M. Augustin Bonrepaux - Vraiment ? C'est en tout cas comme ça dans mon département...

M. le Secrétaire d'Etat - La région n'a qu'à prendre ses responsabilités ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Augustin Bonrepaux - ...si bien que l'on use du matériel tout neuf parce que l'Etat ne remplit pas ses obligations !

M. le Président de la commission - C'est la conséquence des 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Augustin Bonrepaux - Une fois de plus, le Gouvernement n'est pas à une contradiction près : d'une part, il soumet au Parlement une charte de l'environnement, de l'autre il laisse péricliter les moyens de transport à l'énergie électrique, provoquant ainsi l'invasion de nos campagnes et de nos vallées par des convois de poids lourds polluants ! Ce mépris de l'environnement est aussi une aberration économique, si l'on a bien suivi le cours que le ministre des finances nous a dispensé hier, nous expliquant à quel point notre économie dépend du prix du pétrole. Et pendant ce temps, vous mettez en danger le service public de l'énergie électrique !

L'enseignement n'est pas davantage la priorité du Gouvernement, non plus que la recherche qui devra se contenter de 356 millions au lieu du milliard promis.

M. Didier Migaud - Affichage !

M. Augustin Bonrepaux - La prétendue maîtrise des dépenses publiques se fait aussi sur le dos des collectivités territoriales (Protestations sur les bancs du groupe UMP), qui devront assumer les transferts des charges de l'Etat. Qu'est donc devenue la promesse d'autonomie fiscale du sénateur Raffarin ? (« Et l'APA ? Et les 35 heures ? » sur les bancs du groupe UMP) Jamais un Gouvernement n'a autant promis et si peu tenu ! Les charges de RMI ayant augmenté de 10 % et les crédits diminuant, le déficit devra obligatoirement être couvert par les impôts locaux...

M. le Président de la commission - Qu'en est-il donc de l'augmentation des droits de mutation en Haute-Garonne ?

M. Augustin Bonrepaux - ...impôts locaux qui seront encore augmentés pour couvrir les frais de personnel non compensés par l'Etat.

Quant à la péréquation dont vous vous targuez d'avoir inscrit le principe dans la Constitution, elle tient surtout de l'anti-péréquation, puisque vous privilégiez les collectivités les plus riches en gelant la dotation forfaitaire pour toutes les communes, même les plus pauvres. Le même mécanisme vaut pour les départements ; c'est ainsi que Paris, les Hauts-de-Seine - par hasard, sans aucun doute -, les Alpes-Maritimes, le Bas-Rhin ou la Haute-Savoie, tous départements qui ont le potentiel fiscal le plus élevé, se verront attribuer une dotation de solidarité, cependant que les départements ruraux pauvres que sont la Haute-Loire, le Cantal, la Lozère, l'Ariège, la Creuse, l'Aveyron, le Gers ou le Lot devront se contenter d'une dotation en progression minimale. Cette singulière conception de la solidarité aura pour conséquence que le Gouvernement aggravera les inégalités que les précédents gouvernements avaient tenté de réduire.

M. Yves Jego - N'importe quoi !

M. Augustin Bonrepaux - Absolument pas ! Lisez le rapport de M. Carrez, tout cela y est décrit ! Selon son habitude, la droite ne prête qu'aux riches, ce qu'illustrent vos mesures budgétaires socialement injustes et économiquement inefficaces. Les cadeaux fiscaux sont concentrés sur les ménages les plus aisés, qu'il s'agisse de la baisse des droits de succession - qui concernera moins de 20% des ménages - ou de la hausse à 15 000 € du plafond de déduction pour emploi à domicile, aubaine exorbitante pour les privilégiés mais qui ne bénéficiera en rien aux quelque 900 000 familles modestes à la fois employeurs à domicile et non imposables.

Mais comme ces mesure injustes ne suffisaient toujours pas, votre majorité s'est aussi penchée sur le sort des 300 000 privilégiés redevables de l'ISF, la commission allant jusqu'à envisager de leur accorder l'exonération complète de droits sur la résidence principale, car il n'y en a jamais assez pour les plus riches !

M. Jean-Pierre Brard - Insatiables gloutons !

M. Yves Jego - Cessez ces pitreries !

M. Augustin Bonrepaux - Le Gouvernement reconnaît que les prélèvements obligatoires augmenteront en 2005 ; ils pèseront donc sur les plus pauvres. Dans ce contexte, l'augmentation de 4 euros par mois de la prime pour l'emploi...

M. Didier Migaud - A peine !

M. Augustin Bonrepaux - ...signe l'injustice de votre politique puisque, dans le même temps, ce sont 65 millions que vous accordez aux 40 000 ménages les plus aisés, soit 135 fois plus !

M. le Secrétaire d'Etat - Et l'emploi ? Vous vous en moquez !

M. Augustin Bonrepaux - Mais cette mesure n'en créera pas un seul !

M. le Secrétaire d'Etat - Et qui s'occupera des personnes âgées ?

M. Augustin Bonrepaux - L'injustice à l'égard des plus modestes est sans limites, puisque vous allez jusqu'à remettre en cause le prêt à taux zéro, rendant plus difficile l'accès au logement. Quant à l'exonération des résidences secondaires de la redevance télévision, elle est à la fois incompréhensible et injuste, car les propriétaires concernés ne sont pas parmi les moins favorisés. Qui plus est, l'Etat refuse de compenser ces exonérations !

Vous accordez des avantages fiscaux aux entreprises, mais sans aucune contrepartie pour l'emploi. Pour lutter contre les délocalisations, vous faites une fixation sur la fiscalité, mais c'est l'ensemble de votre politique qui compromet les atouts de notre pays : recherche, infrastructures, qualité de la main d'œuvre ! Vos mesurettes n'auront aucun effet face à cette politique de réduction aveugle des dépenses, sans compter que l'aide communautaire sera chichement mesurée ! Et là encore, vous êtes face à vos contradictions : vous prétendez inciter les entreprises à revenir en France grâce à une réduction d'impôt de 30 000 €, mais vous ouvrez le dispositif du bénéfice mondial consolidé à Vivendi, qui va ainsi économiser 3,8 milliards, au motif avoué de stimuler l'implantation à l'étranger des entreprises françaises !

M. le Secrétaire d'Etat - Vous ne savez absolument pas de quoi vous parlez !

M. Augustin Bonrepaux - Ce sont vos propres termes ! Monsieur le ministre, révisez vos textes !

M. le Secrétaire d'Etat - Quelle incompétence !

M. Augustin Bonrepaux - Nous ne pouvons donc que combattre votre projet : au lieu d'une stratégie pour donner des perspectives à notre pays, on y trouve une politique fiscale au service du dogme libéral, une situation sociale alarmante, le désengagement d'un Etat désargenté, des collectivités locales qui doivent se substituer à lui pour offrir à leurs habitants des services publics à la hauteur de leurs besoins. On y trouve toujours plus de charges pour les plus modestes et toujours plus de moyens pour les plus aisés. Ainsi, vous préparez une France à deux vitesses - vous en aurez bientôt des échos de vos circonscriptions rurales -, où l'Etat n'assure plus sa mission de gardien de l'égalité des chances ni la solidarité sur l'ensemble du territoire. Nous ne voulons pas de cette France, et nous combattrons avec détermination cette politique qui sacrifie l'avenir de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Secrétaire d'Etat - Encore abasourdi de ce discours passéiste, je me propose de répondre plus tard à l'ensemble des orateurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Brard - Le Gouvernement est aphone !

M. Yves Deniaud - La persévérance sera récompensée : c'est le postulat qui fonde la politique financière de la majorité pour cette législature. Il y a deux ans et demi, le Gouvernement a entrepris un assainissement en profondeur, dans une période de croissance faible, après avoir hérité d'un déficit plus élevé de 16 milliards que ce qui avait été annoncé. C'était le plus gros mensonge budgétaire depuis celui de 1993 ! La réduction de la dette est le résultat d'une croissance forte, accompagnée d'une gestion des finances publiques rigoureuse, mais qui ne casse pas les chances de reprise. Les ministres ont pratiqué ce pilotage fin sans se laisser griser, contrairement au gouvernement précédent, par une pseudo cagnotte.

M. Didier Migaud - C'est vous qui l'avez inventée !

M. Yves Deniaud - C'est vous qui l'avez dépensée !

Pour la troisième année consécutive, les dépenses de l'Etat n'augmenteront pas plus que l'inflation, le surplus né de la croissance étant exclusivement consacré à une réduction record du déficit. D'aucuns réclament des dépenses supplémentaires, comme si la dette le permettait ! D'autres nous reprochent de ne pas réduire assez le déficit, mais l'exemple des Pays-Bas montre qu'on peut détruire la croissance par une rigueur trop brutale. Et puis, trois ans sans que les dépenses réelles ne dépassent les dépenses annoncées, sans que leur augmentation ne dépasse celle de l'inflation, depuis quand n'était-ce pas arrivé ?

M. Didier Migaud - C'est un simple effet d'optique ! La Cour des comptes l'a démontré !

M. Yves Deniaud - Si c'était si facile, pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

C'est la bonne voie qui a été choisie. L'assainissement suppose deux conditions : la durée et la mesure, car il doit pénétrer les mentalités et les habitudes. Il faut comprendre qu'il est illusoire d'espérer un supplément de ressources autrement que par des économies sur d'autres dépenses : c'est ce qui fera admettre les nouvelles règles de la gestion publique. C'est tout le sens de la loi organique que vous allez nous proposer, qui régira également l'utilisation des surplus éventuels. Il faut du temps pour opérer de tels changements, particulièrement dans des administrations habituées à être peu contrôlées. Entre 1997 et 2002, les dépenses constatées ont été chaque année largement supérieures à la loi de finances initiale ! Il faudra sans doute le même temps pour que les nouvelles règles soient intégrées.

La difficulté à faire entrer dans les esprits ces bonnes pratiques s'observe dans le comportement des collectivités locales qui ont changé de direction au printemps. Alors que les lois de décentralisation n'ont encore produit aucun effet pratique, on entend hurler au loup contre un prétendu impôt Raffarin.

M. Jean-Pierre Brard - On en voit la queue ! (Sourires)

M. Yves Deniaud - Mais c'est la hausse des dépenses de fonctionnement, la résurrection des emplois jeunes, les subventions très orientées, les recrutements massifs, l'inflation des vice-présidences, des cabinets, des secrétariats, des voitures et des chauffeurs qui sera la source des augmentations d'impôt pour 2005, pas la décentralisation ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je vous donnerai les chiffres et les noms !

M. Didier Migaud - C'est misérable !

M. Gérard Bapt - Parlez-nous plutôt de Gaston Flosse !

M. Yves Deniaud - On reproche également à ce budget de ne pas être social. Nous n'avons aucun complexe à cet égard. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Brard - On sait !

M. Yves Deniaud - Le social ne se confond pas avec l'assistance. Cette loi de finances, par ce qu'elle prévoit pour les entreprises, l'apprentissage, la recherche et l'innovation ou les services à la personne, comme tout ce que nous avons déjà fait - contrats jeunes en entreprise, contrats initiative emplois, hausse du SMIC - vise à promouvoir de vrais emplois, non des ersatz et la précarité. L'extension du prêt à taux zéro, les mesures sur les droits de succession et les donations relèvent de la même ligne de conduite. La France, après tant d'années socialistes, ne compte que 55 % de propriétaires de leur logement, contre 66 % en Grande-Bretagne et 80 % en Espagne ! Rendre trois millions de foyers propriétaires de leur logement en une décennie est un grand objectif social. Nous préférons le droit à un véritable emploi et à la propriété au droit aux HLM et au RMI !

Maîtriser strictement la croissance des dépenses publiques et changer les mentalités ne peuvent se concevoir sans une réforme de l'Etat, qui doit devenir plus mince mais plus musclé, plus efficace et plus simple. Ce n'est possible que sous l'action de la contrainte. S'il suffisait de se débrouiller pour grappiller un peu d'argent ici ou là, on ne ferait pas l'effort d'imagination nécessaire pour tout remettre en cause. C'est la pression financière qui fait avancer les stratégies ministérielles de réforme. Par ailleurs, la loi organique sur les lois de finances et le renforcement du contrôle parlementaire aideront puissamment à la réforme de l'Etat.

Nous nous félicitons particulièrement de la réforme de la redevance audiovisuelle, entamée sous la précédente législature à l'initiative de Didier Migaud et achevée par Patrice Martin-Lalande. J'espère que nos travaux sur l'archéologie préventive, sur les outils d'analyse et de prospective économique, sur la journée de préparation à la défense et sur le financement du système ferroviaire, connaîtront le même sort. L'Etat ne peut qu'y être gagnant. En tout état de cause, nous aurons à cœur de suivre ces sujets dans le discussion budgétaire : c'est dans la durée et l'obstination que le contrôle parlementaire peut montrer ses effets.

Je voudrais enfin vous inciter à aller encore plus loin quant au respect des engagements de l'Etat. C'est la première fois que le montant voté des dépenses est respecté et que les lois de programmation - sur la défense, la sécurité et la justice - sont scrupuleusement exécutées. Il nous manque de nous montrer meilleurs dans l'exécution des contrats de plan. L'opposition s'est emparée de ce sujet, oubliant que, malgré une forte croissance, elle n'a exécuté ceux qui finissaient en 1999 qu'à 80 % et n'a fait avancer ceux de la période 2000-2006 que de 10 % en deux ans ! Pour autant, nous avons des progrès à accomplir sur l'exécution des budgets d'investissement civil. Ce sont toujours les dépenses d'investissement qui trinquent, ce qui nuit à la croissance, fait manquer l'Etat à sa parole et mène inéluctablement à un gâchis financier, ainsi que le relève régulièrement la Cour des comptes. Les changements heureux auxquels vous présidez dans le comportement de l'Etat doivent encore être approfondis. Ce sera à l'honneur de l'action publique.

Au bout du compte, l'effort d'assainissement qui caractérise ce budget, le parti qui est tiré de la croissance, le choix judicieux de mesures de soutien à l'activité, à l'emploi, à du social durable plutôt qu'à de l'assistance, et tout cela malgré les conditions dont vous avez hérité, méritent, Monsieur le ministre, un soutien à la mesure de l'exceptionnel travail que vous avez accompli (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Balligand - La démocratie veut qu'on respecte la volonté des électeurs et il n'est guère convenable, Monsieur Deniaud, d'attaquer les nouveaux élus des conseils généraux et régionaux. J'ajoute que, quand on soutient un gouvernement qui doit 200 millions aux départements au titre du RMI-RMA, on est mal placé pour donner des leçons de morale ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. Marc Laffineur - Et l'APA ? Et les SDIS ?

M. Jean-Pierre Balligand - Ce budget est contraint par la conjoncture et par deux années de gestion économique libérale. Ce n'est donc pas totalement par choix que le ministre d'Etat s'est attelé à la réduction du déficit, ce en quoi je l'approuve. Je le suis moins, il est vrai, quand il veut faire du rapport Camdessus le nouveau Petit livre rouge...

J'ai repéré dans ce projet les mêmes caractéristiques regrettables que dans ses prédécesseurs : quelques tactiques, beaucoup d'incohérence, une très grande injustice. Les Français ont d'abord eu droit à des ballons d'essai lancés en plein été, en catimini ; le Gouvernement les y a habitués. Certes, cette méthode a parfois des issues heureuses : votre projet d'amnistie fiscale pour le retour des capitaux a finalement été repoussé. Quant au versement des pensions de réversion et à l'enterrement du prêt à taux zéro, ils continuent à faire entre vous l'objet de tractations, signe que dans ce gouvernement l'action précède le plus souvent la réflexion !

Mais il y a aussi là une volonté délibérée de laisser les médias se concentrer sur un leurre, pendant que les députés UMP modèlent tranquillement le reste de la loi de finances et taillent des coupes claires... Le président de notre commission des finances, dont le libéralisme est de plus en plus débridé, est le chef d'orchestre de ce mouvement...

M. Jean-Pierre Brard - C'est le Karajan de l'Assemblée ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Balligand - ...dans lequel s'inscrit le relèvement du plafond de la réduction d'impôts pour l'emploi d'un salarié à domicile. Vous vous êtes bien gardés de chiffrer le coût de cet avantage infondé qui touchera moins de 40 000 familles. Le plafond de 15 000 € sera sans doute revu à la baisse et l'addition sera bien en deçà de celle de la réduction de l'ISF : près de 200 millions d'euros...

A force de concessions et de compromissions, ce budget louvoie sans ligne directrice globale et recèle pour le moins six paradoxes. En premier lieu, la réduction du déficit tient presque uniquement à la soulte de 6,9 milliards...

M. Jean-Yves Chamard - Ça n'a rien à voir avec le budget de l'Etat !

M. Jean-Pierre Balligand - ...qu'EDF et GDF vont verser au budget de l'Etat en échange de la prise en charge de leurs retraites.

M. le Secrétaire d'Etat - Lisez le projet !

M. Jean-Pierre Balligand - Le problème, c'est que la CNAV juge cette soulte sous-évaluée de 33 % par rapport à son propre déficit prévisionnel et que la différence sera réglée in fine par tous les Français, sur leur bulletin de paye !

Ensuite, cette stabilisation apparente du budget de l'Etat dissimule mal une aggravation historique de la dette publique, qui frôlera 65 % du PIB en 2005. Vous voilà soudain plus discrets sur le respect des critères de Maastricht...

M. Arnaud Lepercq - Et que disait l'audit ?

M. Jean-Pierre Balligand - Par ailleurs, la « croissance zéro » des dépenses n'est acquise que par la transformation d'une partie de ces dépenses en moindres recettes fiscales. Cette manipulation comptable portant sur 2 milliards grèvera les marges de manœuvre de tous les successeurs de Nicolas Sarkozy...

Quatrième paradoxe, alors que vous prétendez avoir suspendu le mouvement de baisse des impôts, vous acceptez de baisser l'ISF, supporté par les plus riches, tandis que les Français verront au final les prélèvements obligatoires augmenter en raison de la croissance de la fiscalité locale...

M. Arnaud Lepercq - Dans les régions !

M. Jean-Pierre Balligand - Non, surtout dans les départements, en raison de vos transferts de compétences non financés. Cette hausse tiendra aussi aux 6,5 milliards d'euros de prélèvements sociaux supplémentaires autorisés par vos réformes de l'assurance-maladie et des retraites.

Cinquième paradoxe, alors que le Gouvernement et sa majorité se sont engagés à en finir avec les niches fiscales, ils s'apprêtent à entériner la création de trois nouvelles méthodes de défiscalisation.

Enfin, le Premier ministre avait mis un point d'honneur, après le fiasco du budget 2003 - 2,5 % de croissance prévus pour 0,2 % réalisé -, à se montrer moins irréaliste dans ses prévisions budgétaires. Or tous les économistes jugent utopiste un budget basé sur un baril de pétrole à 36,5 $.

M. le Secrétaire d'Etat - Vous n'en savez rien !

M. Jean-Pierre Balligand - Vos prévisions de croissance pour 2005 apparaissent donc une nouvelle fois largement surestimées, avec le risque d'un alourdissement d'au moins 0,4 % du déficit et de lourds dommages sociaux.

Il faut dire que, sur le terrain social, l'hypocrisie le dispute au mépris. Alors que le nombre d'allocataires du RMI a augmenté de 1,1 million en 2003 et que l'on compte 200 000 chômeurs de plus depuis juin 2002, la plupart des dispositions que vous envisagez sont criantes d'injustice. Ainsi, tandis que la hausse de 2,3 % de la prime pour l'emploi, qui coûtera 410 millions, n'apportera que 4 € de plus chaque par mois - 4 € ! - aux 8,5 millions de bénéficiaires, outre que l'ISF sera réduit, le réaménagement des droits de succession profitera aux 20 % de ménages les plus aisés, pour un coût de 600 millions... La justification de cette mesure est d'ailleurs mensongère, puisque le montant moyen des successions n'est pas de 100 000 mais de 55 000 €. En outre, 90 % des transmissions entre époux et 80 % des transmissions en ligne directe ne donnent déjà lieu à aucun droit.

Ce projet, qui porte la marque du clientélisme, néglige les vrais problèmes des Français. Alors que les cours du pétrole sont source d'inégalités entre les Français et que 40 % des ménages vivent avec un revenu inférieur à 1 600 € par mois, la crise pétrolière justifie une autre réponse que le saupoudrage catégoriel auquel on a assisté.

M. le Secrétaire d'Etat - Et vous payez comment ?

M. Jean-Pierre Balligand - J'espère du moins que les derniers revirements du ministre d'Etat à ce sujet seront suivis d'effets pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

La séance, suspendue à 18 heures 10, est reprise à 18 heures 20.

M. le Secrétaire d'Etat - M. le ministre d'Etat, Nicolas Sarkozy, regrette de ne pas être parmi nous, car il est en ce moment retenu à une réunion de l'Eurogroupe à Luxembourg, en particulier pour évoquer les problèmes pétroliers dont nous avons débattu ici-même. Il vous prie de bien vouloir l'excuser.

M. Marc Laffineur - Alors que les deux premières années de la législature ont été difficiles, des réformes nécessaires ont été entreprises qui commencent à porter leur fruit : réforme du régime des retraites, baisses de l'impôt sur le revenu, réforme de la sécurité sociale, lutte contre l'insécurité. Les Français ont retrouvé la confiance, l'épargne a ainsi diminué et la consommation augmenté. Notre pays renoue avec une croissance forte, en moyenne supérieure d'un point à celle des autres pays européens. La consommation des ménages et l'investissement des entreprises reprennent, le déficit public recule et passera l'an prochain sous la barre des 3 % : toutes les conditions sont là pour le rétablissement d'une croissance saine et durable.

M. Yves Cochet - Oh non !

M. Marc Laffineur - Le PLF pour 2005 prévoit un déficit de 44,9 milliards, soit une réduction de plus de 10 milliards, c'est-à-dire la plus forte réduction jamais réalisée en une année depuis vingt-trois ans. Un tel effort est le résultat conjugué d'une augmentation plus importante que prévue des recettes mais, surtout, de la discipline budgétaire : pour la troisième année consécutive, les dépenses de l'Etat sont stabilisées en volume. C'est ainsi que la France pourra respecter son engagement et que son déficit pourra être ramené à 2,9 % l'année prochaine.

Par ailleurs, afin d'éviter toute polémique en cas de surplus imprévu de recettes, une loi organique permettra d'en définir à l'avance la répartition.

En outre, le Gouvernement engage un plan volontariste de lutte contre les délocalisations. Nous devons et pouvons relever ce défi en maintenant l'activité dans des zones en mutation industrielle, en favorisant la relocalisation d'activités délocalisées ou la constitution de pôles de compétitivité qui créeront une synergie entre recherche, enseignement et entreprises.

M. le Secrétaire d'Etat - Absolument.

M. Marc Laffineur - Nous ne pouvons nous passer d'une politique ambitieuse concernant la recherche, car les emplois de demain sont dans les secteurs innovants, à forte valeur ajoutée. Il est donc impératif d'investir dans les secteurs d'avenir - nanotechnologies, sciences du vivant, espace - si nous voulons rester en tête de la compétition internationale. Comme nous l'avions promis, la recherche est ainsi considérée comme un secteur prioritaire et reçoit un milliard de moyens supplémentaires.

Cette politique, qui vise à restaurer l'attractivité de notre territoire, s'accompagne d'une série d'allègements fiscaux : dégrèvement de taxe professionnelle prolongée de six mois pour les nouveaux investissements, suppression en deux ans de la contribution additionnelle de 3 % à l'impôt sur les sociétés, exonération d'impôts sur les sociétés et d'impôts locaux, allègements de charges sociales dans le cadre des pôles de compétitivité, soit plus de un milliard en faveur des entreprises, donc de l'emploi.

Il faut encourager l'initiative individuelle, récompenser le goût du risque et de l'effort en libérant ceux qui créent des richesses de tous les carcans administratifs et de toutes les contraintes financières qui les entravent. La réforme de l'Etat est indispensable.

Ce budget est également équitable et assure une plus grande justice sociale. Outre la réunification des SMIC par le haut afin de permettre aux allocataires de recevoir un treizième mois et la revalorisation du barème de la prime pour l'emploi de 4%, le plan de cohésion sociale bénéficie de un milliard.

De plus, une franchise de 100 000 € sur les droits de succession - le patrimoine moyen des Français - est instaurée. Cette mesure prolonge celle du mois de mai en faveur des donations aux enfants et petits-enfants : en trois mois, plus de 90 000 donations ont ainsi été effectuées. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de mesures de bon sens : quoi de plus légitime que de vouloir transmettre son patrimoine à ses enfants ? Or Le renchérissement de l'immobilier a encore accru injustement cette fiscalité dissuasive.

La politique du Gouvernement doit aussi être favorable aux classes moyennes, grandes oubliées de ces dernières années. L'augmentation de la réduction d'impôt pour les emplois à domicile, l'exonération de droits de succession dans la limite de 100 000 euros, l'élargissement des conditions d'accès au prêt à taux zéro devraient leur permettre de retrouver des marges de manœuvre.

La solidarité s'impose également à l'égard des collectivités : tel est bien le cas dans ce budget où augmentent la DGF, mais aussi la DSR et la DSU au profit des territoires ruraux et urbains les plus fragiles. Elle s'impose aussi à l'égard des pays du Sud, et ce budget, qui comporte une augmentation significative de l'aide publique au développement - dont l'objectif est qu'elle atteigne 0,5 % du PIB à la fin de la législature -, rompt opportunément avec le passé où, par exemple, sous le gouvernement de Lionel Jospin, celle-ci n'avait cessé de diminuer.

Enfin, l'Etat ne doit pas abandonner ses fonctions régaliennes. L'effort engagé avec les trois lois de programmation, militaire, de sécurité intérieure et de justice, ne sera pas relâché. Bien au contraire, puisque 1 800 postes seront créés. En matière de défense, condition première de notre indépendance, il est indispensable de mener à bien les grands programmes d'équipement de nos armées pour que la France puisse continuer de peser dans les affaires du monde.

L'autorité de l'Etat est également indissociable de sa modernisation. La rationalisation des effectifs se poursuit avec la suppression programmée de 7 200 emplois dans le budget 2005 - l'effort est certes insuffisant, mais il n'avait jamais été porté à ce niveau jusqu'à présent.

Accompagner la reprise qui se dessine, créer un environnement propice à une croissance durable, redresser nos finances publiques pour redonner à l'action politique des marges de manœuvre et de la visibilité, tels sont les objectifs de ce budget volontariste, juste et équitable, orienté vers la croissance et l'emploi, que le groupe UMP approuve pleinement. Toutefois, si nous souhaitons réduire durablement le niveau des dépenses publiques et rendre crédible une programmation pluriannuelle des finances publiques, nous devrons être plus fermes s'agissant de la réforme de l'Etat, en particulier pour la diminution des effectifs. Non que les agents de l'Etat soient inefficaces mais parce que des gains de productivité sont à l'évidence possibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Cochet - M. le Secrétaire d'Etat nous a indiqué que M. Sarkozy se trouvait actuellement à une réunion de l'Eurogroupe à Luxembourg, où il sera notamment question des cours du pétrole. C'est précisément sur le niveau de ces cours que je centrerai mon intervention.

Devant des prix jugés élevés, le Gouvernement a tout d'abord apporté des réponses ponctuelles concernant certaines professions particulièrement touchées comme les marins-pêcheurs, les transporteurs routiers, les agriculteurs..., puis a annoncé cet après-midi même qu'il envisageait de restituer à nos concitoyens le surplus de TVA encaissé du fait de cette hausse des cours. Certains de nos collègues, notamment socialistes, préféreraient, eux, que l'on rétablisse le dispositif dit de la TIPP flottante. Eh bien, pour moi, ces deux dispositifs sont équivalents et constituent tous deux des leurres.

C'est adresser un bien mauvais signal, d'une part à nos concitoyens en leur laissant penser que la hausse des cours est conjoncturelle et que l'on peut espérer en 2005 des prix plus raisonnables, ce qui ne les incitera pas à rechercher des économies d'énergie, d'autre part aux pays producteurs et aux compagnies pétrolières, auxquelles on laisse penser que, quel que soit le cours du baril, le gouvernement amortira toujours le choc pour les consommateurs, que ce soit par le biais de la TIPP flottante ou d'une restitution des surplus de TVA.

Or, la hausse des cours du pétrole n'est absolument pas conjoncturelle, mais structurelle, et ce pour trois raisons au moins. Tout d'abord, il est avéré, les géologues le confirment, que la production mondiale de pétrole va diminuer, peut-être dès 2006, en tout cas avant 2010, et ce quelles que soient les performances des technologies d'extraction, tout simplement parce que la ressource s'épuise.

Ensuite, alors que depuis toujours, l'offre de pétrole a été supérieure à la demande, il risque de ne plus en aller de même demain avec la très forte croissance de pays comme la Chine, l'Inde, le Pakistan, le Brésil... où la demande en hydrocarbures peut progresser de plus de 30% par an. Pour la première fois de l'histoire donc, l'offre mondiale pourrait être insuffisante. Ne perdons jamais de vue que la seule Chine compte davantage d'habitants que l'ensemble des pays de l'OCDE et que sa classe moyenne, très nombreuse, aspire comme nous à se déplacer, voyager, notamment au volant de grosses cylindrées pour lesquelles elle semble avoir la même fascination que les délinquants, oserais-je dire, qui dans notre pays achètent des 4x4 pour rouler par exemple dans les Hauts-de-Seine !

Enfin, sont à prendre en compte les considérations géopolitiques. On trouve du pétrole essentiellement au Moyen-Orient, au Venezuela, autour de la Mer Caspienne et du golfe de Guinée, au Venezuela... - et en mer du Nord, encore que les gisements de celle-ci s'épuisent. Ces régions - les premières que j'ai citées - ne sont, hélas, pas les régions les plus sûres du monde. Certaines sont même en guerre comme actuellement en Irak où des installations sont régulièrement sabotées. Il n'y a que les Américains pour croire que l'Irak est une base militaire américaine sûre où un pétrole, de surcroît à bas coût d'extraction, coulerait à flots !

Pour toutes ces raisons, structurelles, je ne crois pas réaliste l'hypothèse retenue pour l'élaboration du budget 2005 d'un baril à 36,5 $... alors qu'il dépasse aujourd'hui les 50 $.

Plusieurs hypothèses sont possibles. Ou bien les prix montent lentement mais durablement comme ils l'ont fait depuis le début de 2002 - où le baril n'était, rappelons-le, qu'à 15 $ - pour atteindre 65 ou 70 $. Dans ce cas, la croissance des pays de l'OCDE ne serait que très peu affectée et seule l'inflation repartirait à la hausse. Le scénario est plausible car en dépit de la montée régulière des prix depuis 2002, la demande n'a jamais été aussi forte qu'en 2004, tant nous sommes devenus dépendants du pétrole. Nous sommes de véritables drogués ! Ou bien, autre hypothèse, le prix du baril atteint 80 à 100 $, comme ne l'excluent pas certains spécialistes. En ce cas, il faut s'attendre à une grave récession, voire une dépression de l'ampleur de la Grande dépression des années trente. Enfin, dernière hypothèse, à la suite d'une rupture d'approvisionnement au Nigéria, en Russie, au Moyen-Orient... entraînant une simple diminution de la production d'un million de barils par jour, les prix flambent d'un coup à un niveau insoupçonné car les marges de manœuvre en matière d'extraction, de raffinage, de transport, qui représentaient autrefois 6 % à 8 %, ne dépassent pas aujourd'hui 1 %. Il faut tenir compte de cette vulnérabilité.

On peut toujours espérer que la hausse sera suivie d'une baisse, mais je ne le crois pas. En effet, nous ne sommes plus confrontés comme en 1973 ou en 1979-1980 à un choc pétrolier de type politique. Gardons-nous donc de faire des hypothèses budgétaires extravagantes, et choisissons la sobriété, comme je l'avais proposé lors du débat sur la loi d'orientation sur l'énergie.

M. Philippe Auberger - Ce projet de budget marque une nette avancée dans le rétablissement de nos finances publiques, puisque nous revenons pour le déficit en dessous de la barre des 3 %, ce qui nous permettra de ne plus être mis au ban de nos partenaires de la zone euro. L'effort réalisé en 2004 est poursuivi, et il faut en féliciter le Gouvernement.

La prévision de croissance pour 2005 - 2,5 % - est-elle irréaliste ? Certains la jugent optimiste ; en réalité, les aléas sont très nombreux : nul ne peut dire comment évoluera l'économie américaine après l'élection présidentielle, ni comment va évoluer le prix du pétrole. Mais on ne peut pas sérieusement dire que le budget est « insincère » parce que le prix du pétrole retenu est celui qui était observé au moment de son élaboration. La hausse est récente ; si elle se maintient, voire s'aggrave, le Gouvernement aura toujours la possibilité, d'ici à la fin du débat budgétaire, de déposer une lettre rectificative.

En revanche, il est certain que cette hausse ampute dès maintenant les marges des entreprises. C'est pourquoi le Gouvernement a pris des mesures en faveur des agriculteurs, des pêcheurs et des transports routiers. Il faut aussi, dans le cadre de l'exécution du budget de 2004 - le ministre d'Etat l'a redit cet après-midi -, venir en aide à ceux de nos concitoyens qui sont les plus touchés par la hausse du fuel domestique ou qui sont obligés d'utiliser leur véhicule pour se rendre à leur travail. Des annonces en ce sens ont été faites hier.

Si le déficit est limité à 2,9 %, c'est que pour la troisième année consécutive, il est prévu de stabiliser le niveau des dépenses publiques. Certains auraient souhaité qu'on aille encore plus loin, mai il faut tenir compte des lois de programmation - défense,sécurité, justice - et des priorités qui ont été fixées - recherche, cohésion sociale. Bien entendu, cet effort de maîtrise de la dépense publique ne devra pas s'arrêter en 2005 : il faudra progressivement mettre en place les éléments d'une véritable réforme de l'Etat, réforme qui en est encore au stade des balbutiements, comme le souligne le rapport Camdessus.

M. Pierre Méhaignerie - Très bien.

M. Philippe Auberger - Les moyens consacrés aux allègements fiscaux sont limités à 2 milliards. Compte tenu des augmentations des contributions sociales - CSG et C3S - qu'il a été nécessaire de consentir dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, le niveau des prélèvements obligatoires, même à fiscalité locale quasi inchangée, risque d'augmenter légèrement, ce qu'on peut regretter ; il est souhaitable qu'à l'avenir le mouvement de baisse de la fiscalité soit repris, ou au moins qu'il y ait stabilisation.

Ce projet est marqué par un souci de justice et d'équité. Plusieurs mesures sont prises en faveur des bas salaires et du pouvoir d'achat des plus modestes : troisième et dernière étape du plan de rapprochement des SMIC, allègement des charges sociales sur les bas salaires jusqu'à 1,6 fois le SMIC - effort sans précédent, qui n'a pas d'équivalent à l'étranger -, et revalorisation de 4% de la prime pour l'emploi. Je regrette cependant qu'une fois de plus, la réforme de cette prime qui bénéficie à 8 millions de personnes et coûte plus de 2 milliards - soit différée : il est indispensable de simplifier le barème, de réexaminer les modalités de versement pour éviter le décalage actuel et de faire de cette prime une véritable incitation à la reprise du travail. Je souhaite que le rapport qui nous a été remis sur ce sujet soit rapidement suivi de décisions.

Les mesures proposées en matière d'impôt sur les successions - exonération totale pour certains, allègement pour d'autres - vont toucher essentiellement les successions moyennes.

M. Henri Emmanuelli - Non !

M. Philippe Auberger - Mais si, je suis prêt à vous le démontrer !

En revanche, ce projet ne comporte pas de dispositions sur l'ISF, pour lequel le nombre de redevables a doublé en huit ans. Il apparaît nécessaire, au minimum, de revaloriser le barème, de revoir l'abattement sur la résidence principale pour ne pas frapper un enrichissement fictif, enfin de revenir au plafonnement institué par Pierre Bérégovoy en 1991, pour éviter une fiscalité spoliatrice, provoquant délocalisation de capitaux, d'investissements et d'emplois.

M. Pierre Méhaignerie - Bien sûr.

M. Philippe Auberger - Les ajustements proposés représentent environ 5% du produit de cet impôt et moins d'un cinquième de l'augmentation du produit attendue entre 2003 et 2005.

Enfin, ce budget comporte une réforme essentielle pour les collectivités locales, celle de la DGF. Le Gouvernement poursuit le pacte de croissance, ce qui permettra à celle-ci d'augmenter de 3,27 %.

Bref, ce budget, qui évite à la France d'être considérée, au moment où le débat européen revêt une importance cruciale, comme le mauvais exemple en matière budgétaire, mérite notre approbation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Louis Giscard d'Estaing - J'organiserai mon propos en trois points : ce budget a de la mémoire : il apporte des réponses concrètes ; il s'inscrit dans le cadre de l'effort nécessaire de redressement de nos finances publiques.

C'est d'abord un budget qui a de la mémoire. Plus précisément, il invite nos collègues de l'opposition à un travail de mémoire, moins sélectif que celui de M. Migaud hier soir.

Depuis quand les déficits, avec leur corollaire qu'est l'augmentation considérable de l'endettement public, s'accumulent-ils ? Depuis 1981. Et le taux de l'endettement public n'était que de 20 % en 1980.

Sur les hypothèses économiques et le taux de croissance, rappelons que Laurent Fabius et Didier Migaud ont fait voter le budget 2002 avec une hypothèse de croissance de 2,5%, alors que le budget 2004 reposait sur une hypothèse de croissance de 1,7%, inférieure, donc, au taux qui sera atteint à la fin de l'année.

M. Augustin Bonrepaux - Et celui de 2003 ?

M. Louis Giscard d'Estaing - Ce budget représente par ailleurs un effort de réduction du déficit sans précédent, et je ne reviendrai pas sur la gestion irresponsable de prétendues « cagnottes », dépensées en fonctionnement alors que le budget de l'Etat restait en déficit.

Par ailleurs, la parole de l'Etat était loin d'être tenue dans les contrats de plan Etat-Région, en 2000 et 2001 : dans aucune région, les engagements de l'Etat n'ont atteint le septième théorique, et les retards d'exécution n'ont fait l'objet d'aucun report de crédit.

Enfin, rappelons dans quelles conditions et à qui la France doit son indépendance énergétique à plus de 80 % pour l'électricité.

Ce budget a, en second lieu, le mérite d'apporter des réponses concrètes, notamment pour le soutien de la consommation. Les Français savent bien pourquoi leur pouvoir d'achat a stagné : aucun autre pays d'Europe que nous n'a mis en place, avec la réduction du temps de travail, une mesure dont le financement a grossi à ce point les charges publiques.

Ce budget vise à relancer le pouvoir d'achat des Français, en revalorisant la prime pour l'emploi, en allégeant les droits de succession. Il répond aux problèmes de l'emploi, qu'il s'agisse de l'emploi industriel avec le soutien à l'apprentissage et la lutte contre les délocalisations, ou de l'emploi à domicile, grâce à une mesure lancée par Martine Aubry elle-même.

Troisièmement, c'est un budget qui s'inscrit dans le cadre du redressement de nos finances publiques.

La maîtrise de nos dépenses publiques est nécessaire pour sortir de la spirale de l'endettement - le rapporteur général l'a rappelé, la part du paiement des intérêts représente 15 % du budget de l'Etat ! M. Deniaud l'a dit, c'est là le seul moyen pour l'Etat de retrouver sa capacité d'investissement et de relever les défis de la compétition européenne et internationale.

Enfin, ce budget concourt à l'optimisation des ressources tant financières qu'humaines de l'Etat. A cet égard, il est impératif que l'Etat revienne sur la pratique des mises à disposition d'agents publics de ministère à ministère sans facturation et améliore la gestion de son patrimoine immobilier. Il faut accélérer la cession des biens immobiliers vacants ou devenus inutiles et facturer les loyers, afin de responsabiliser les administrations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

M. Pascal Terrasse - Ce budget a été qualifié d'inefficace et d'injuste. C'est en tout cas un budget en trompe-l'œil, d'ailleurs ingénieusement construit.

Tout d'abord, permettez-moi de m'étonner. Vous partez sur une hypothèse de croissance de 2,5 %, qui vous permet d'avoir un déficit pour 2004 de 3,6 %. Certes, la croissance est finalement supérieure aux prévisions, mais cela suffit-il à expliquer ces 3,6% alors que le déficit était estimé à plus de 4% en avril ? Vous me direz qu'il y a eu un surplus de recettes fiscales - vous oubliez d'ailleurs de préciser que ces surplus s'élèvent à 6,5 milliards d'euros, et non 5 milliards, comme vous l'annonciez, du fait des remboursements et dégrèvements consécutifs à la décision du Conseil d'Etat d'annuler la taxation sur les achats de viande.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est progressif !

M. Pascal Terrasse - Il faut tout de même le comptabiliser ! Il y a des « cagnottes » dans ce budget !

Vous avancez encore le bon niveau de laconsommation. C'est vrai pour les deux premiers trimestres, mais non pour le troisième, où elle a été en chute libre, ce qui n'augure rien de bon pour le dernier, sans parler de la situation aux Etats-Unis et du prix de pétrole !

Vous semblez avoir falsifié les chiffres pour 2004, mais attention à la chute quand les vrais résultats seront connus ! M. Sarkozy ne sera plus là et vous vous sentirez alors un peu seul, Monsieur Bussereau, à moins que votre ministre de tutelle ait le courage de donner une conférence de presse comparable à celle qu'il a donnée lors de la présentation du budget...

Autre point contestable : les prévisions de recettes pour 2005 me semblent particulièrement optimistes, en particulier s'agissant de la TVA et de l'impôt sur les sociétés, compte tenu notamment de ce qu'il en sera de la surtaxe Juppé.

M. le Secrétaire d'Etat - La croissance !

M. Pascal Terrasse - Je reste sceptique, d'autant plus que nombre des mesures présentées pèseront en réalité sur les budgets 2006 et 2007, notamment pour la taxe professionnelle.

Vous arrivez ainsi à présenter un budget conforme aux engagements européens de la France, mais à y regarder de plus près, le déficit réel pour 2005 est de 3,2% et non de 2,9, puisque vous comptabilisez la soulte EDF. Des soultes, il risque d'y en avoir encore beaucoup d'autres - la RATP, la SNCF, La Poste....

Je ne m'attarderai pas sur vos prévisions, encore fort optimistes, pour le prix du pétrole. A cet égard, reconnaissez qu'il est paradoxal d'entendre le ministre d'Etat, cet après-midi, promettre de rendre les surtaxes aux Français, alors qu'il s'en sert pour équilibrer le budget !

On aura l'occasion de revenir sur les prévisions irréalistes du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Votre budget n'est ni équilibré, ni sincère, mais le ministre des finances ne sera pas là pour l'assumer.

S'agissant des différentes mesures que vous mettez en place, je vous ai écrit pour vous demander de communiquer à la représentation nationale des informations précises sur le dispositif de réduction d'impôts pour l'emploi d'une personne à domicile. Cette mesure ne favorisera qu'une petite partie de la population, la plus aisée. J'ai cru comprendre que le ministre allait revenir sur ce dispositif, mais il me semble que nous en reviendrions, à quelques euros près, au système actuel. Qu'en est-il exactement ?

Pour ce qui est des droits de succession, la commission expliquait que la réforme envisagée profiterait essentiellement aux ménages les plus modestes, le montant moyen du patrimoine des ménages s'établissant à 100 000 euros.

M. le Secrétaire d'Etat - Ce qui est le prix d'une petite maison.

M. Pascal Terrasse - Seulement, on sait bien que la référence doit être faite au patrimoine médian qui n'est que de 60 000 euros. Compte tenu des exonérations existantes, la mesure s'adressera donc à un nombre très limité de familles. D'ailleurs, comme je l'ai fait en vain, l'année dernière, lorsque le Gouvernement a entrepris de réformer le dispositif des pensions de réversion, je tiens à appeler l'attention sur les effets pervers qu'aura la réforme du droit de succession pour les enfants uniques.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Pascal Terrasse - J'y viens, Monsieur le président, pour dire que les mesures proposées dans ce budget d'asphyxie ne sont ni justes ni sincères, et qu'elles ne sont même pas efficaces puisqu'elles ne permettront pas d'améliorer la croissance ni, donc, l'emploi. J'observe enfin que, contrairement aux souhaits maintes fois réitérés du président de la commission et du rapporteur général, rien n'est fait pour rendre plus lisible notre système fiscal, puisque les « niches » demeurent. On l'aura compris, le groupe socialiste combattra âprement les mesures proposées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Jacques Descamps - Dans le laps de temps qui m'est imparti, je me concentrerai sur les réserves que je tiens à exprimer avec franchise sur un budget qui va dans le bon sens mais qui, comme les précédents, n'y va pas assez vite, compte tenu de la situation financière que nous avons trouvée - encore plus dégradée que ce à quoi nous nous attendions - ...

M. Henri Emmanuelli - Voilà qui est amusant ! Que dire, alors, de la situation actuelle ?

M. Jean-Jacques Descamps - ...de la situation économique et de celle de l'emploi. Le diagnostic de M. Camdessus a confirmé mes craintes et je persiste à penser que nous n'allons pas assez vite. Les Français ont besoin qu'un effort pédagogique considérable s'exerce, qui doit viser à les rendre conscients de la réalité et des risques futurs. Le budget est l'occasion de le faire et les quelques divergences que j'exprimerai ne me décourageront pas de soutenir un ministre que je préfère voir aux responsabilités plutôt qu'un ministre socialiste qui ferait retomber le pays dans l'ornière (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Auberger - Que cela nous soit épargné !

M. Jean-Jacques Descamps - S'agissant des dépenses, le projet affiche un total stable en volume, ce qui est mieux qu'avant mais encore insuffisant. La dépense publique aurait pu être réduite bien davantage et bien plus vite si les ministres, un peu trop nombreux à mon avis et entourés de cabinets un peu trop fournis, avaient appliqué une gestion plus rigoureuse de leurs moyens et de leurs effectifs. Il n'y a pas de miracle : notre avenir passe par la réduction de l'impôt et donc par la réforme de l'Etat, qui suppose un changement de culture. Chacun doit comprendre que l'efficacité de petites équipes est préférable à la sécurité des gros bataillons. Autrement dit, la LOLF est un bon outil, mais cet outil ne vaudra rien si la volonté politique de changer les habitudes manque. A cet égard, je prendrai pour seul exemple celui de la redevance audiovisuelle, que l'on réforme sans aller au bout, puisque cette redevance n'a plus aucune raison d'être à l'heure des satellites et de la télévision numérique terrestre.

J'approuve bien sûr l'affectation à la réduction du déficit des surplus de recettes fiscales dus à la croissance. Je déplore cependant que la réduction des dépenses ne soit pas plus forte, ce qui permettrait d'accélérer le retour de la croissance et, donc, de diminuer davantage le déficit dans le futur.

S'agissant des recettes, l'allégement des droits de succession va dans le bon sens, tout comme celui de l'impôt qui pèse sur les entreprises. Il est bon, aussi, de proposer des incitations fiscales nouvelles, mais tout cela tient de la technique traditionnelle de Bercy : il n'y a aucune simplification réelle de notre système fiscal. En particulier, le prélèvement à la source ne connaît toujours aucun début d'application.

    M. Henri Emmanuelli - Sur ce point, vous avez raison.

M. Jean-Jacques Descamps - Une fois encore, on se contente d'un geste par-ci et d'un autre par-là, sans plan d'ensemble, et l'on se garde de réformer pour de bon l'impôt inique qu'est l'ISF, qui entrave l'esprit d'entreprise et le goût d'épargner.

D'autre part, il serait grand temps de faire comprendre à l'administration que les actifs dormants doivent être cédés le plus rapidement possible pour permettre à l'Etat de mieux exercer ses missions régaliennes...

M. Henri Emmanuelli - Un vrai libéral que celui-là !

M. Jean-Jacques Descamps - Certes, vous avez commencé de le faire, mais les objectifs fixés sont encore insuffisants et je suis frappé par l'absence de motivation de vos services.

Tel est mon sentiment sur les mesures qui nous sont proposées ; je crains qu'elles ne viennent bien tard pour être encore crédibles aux yeux de ceux qui nous ont fait confiance. Bien sûr, certains conservateurs frileux et l'opposition de gauche ne manqueront pas d'expliquer, comme M. Emmanuelli, que ma réflexion est ultralibérale et que, la traduirait-on dans les faits, la France, au bord de la guerre civile, descendrait dans la rue. Je suis convaincu du contraire et certain que de nombreux Français, lucides et responsables, sont beaucoup plus réformistes qu'on ne le croit. C'est donc sur eux que le Gouvernement doit s'appuyer pour adapter notre pays à la concurrence internationale. La politique qui s'exprime dans ce budget va dans le bon sens, mais elle est encore trop classique. Faute de dessiner des perspectives novatrices et plus affirmées, je crains qu'elle peine à redonner confiance à nos propres amis, au risque que nous ne puissions éviter le retour de la sociale-démocratie, ce qui entraînerait l'inéluctable déclin de notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Mais parce qu'il faut vivre d'espoir, je voterai ce projet, en souhaitant que les amendements adoptés par la commission - particulièrement ceux qui ont trait à l'ISF - soient approuvés, au moins en partie, par l'Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Aurillac - N'en déplaise aux railleurs, les motifs de satisfaction ne manquent pas dans ce projet. Le Gouvernement nous propose en effet un budget solide et équitable, qui met fin à certaines dérives. Pour la troisième année consécutive, les dépenses de l'Etat ne progressent pas davantage que la hausse des prix. De plus, si le retour de la croissance se confirme, le déficit public sera réduit de 10 milliards et ainsi ramené sous la barre fatidique des 3 % imposée par le pacte de stabilité. Qui l'eût cru, il y a seulement un an ?

Les deux milliards restants sont affectés aux ménages - rattrapage du SMIC, prime pour l'emploi, accession à la propriété, donations et successions - et aux entreprises. C'est pourquoi ce budget solide est également équitable. Vous allez consacrer par ailleurs un milliard au plan de cohésion sociale, un milliard à l'éducation et à la recherche, un milliard aux délocalisations et à la productivité et un milliard aux grandes lois de programmation et à l'aide publique au développement, ce qui me réjouit.

Je voudrais revenir sur les emplois à domicile, qui participent à la création d'emploi et sont particulièrement utiles aux familles. Je vous remercie au nom de ces « riches privilégiés » que les socialistes et communistes aiment tant à stigmatiser, souvent des personnes âgées dépendantes, des veuves qui n'ont d'autre ressource que des pensions réduites de moitié à la mort de leur conjoint ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse - Grâce à vous !

Mme Martine Aurillac - Elles ont besoin, pour rester à domicile, d'aides de vie, généralement fournies par les associations intermédiaires dont le rôle essentiel. Malgré l'exonération de cotisation patronale, le salaire et les charges sociales qui restent dus par les personnes âgées excèdent souvent leur revenu, même avec l'allocation personnalisée d'autonomie. Elles restent cependant imposables et ne bénéficient, pour ces postes sans rapport avec les services domestiques courants, que de la réduction d'impôt relative aux emplois à domicile. En augmentant cette réduction d'impôt, vous apportez un soulagement exceptionnel à des personnes pour qui le service à domicile est une nécessité, et jamais un luxe.

Je voudrais ensuite évoquer l'ISF, impôt coûteux et aux effets pervers, qui aggrave les délocalisations alors qu'il faudrait lutter contre l'évasion des capitaux en soutenant les entreprises. Pour les particuliers, à défaut de l'exclusion de la résidence principale, il est urgent de rétablir au moins l'indexation du barème. Sans indexation, la hausse vertigineuse du prix de l'immobilier, notamment à Paris, fabrique automatiquement de nouvelles « fortunes », détenues par des familles qui ont tout simplement besoin de plus d'un studio pour se loger, parce qu'elles ont des enfants ! Cet impôt sur leur « fortune » s'ajoute à l'impôt sur le revenu, sans compter les impôts locaux et les vingt pages de déclaration à remplir !

Sous le bénéfice de ces observations, je voterai bien sûr ce budget volontariste et cohérent, qui honore l'engagement que nous mettons à réhabiliter l'effort, le travail et la responsabilité et à lutter contre les gaspillages, et qui devrait renforcer la croissance encore fragile et l'attractivité de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir à 21 heures trente.

La séance est levée à 19 heures 35.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 2ème séance du mardi 19 octobre.

Page 4, au début de la question de M. Lachaud, lire « Par ma question, à laquelle j'associe mes collègues Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet et François Rochebloine,... (le reste sans changement).


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