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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 13ème jour de séance, 31ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 26 OCTOBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY

vice-président

Sommaire

        FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
        POUR 2005 (suite) 2

        QUESTION PRÉALABLE 2

        ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 27 OCTOBRE 2004 22

La séance est ouverte à vingt-deux heures quinze.

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2005 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable.

M. Alain Claeys - Alors que s'engage le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, une question préalable s'impose tout naturellement, qui pourrait être réduite à sa plus simple expression : que restera-t-il de la solidarité et des principes qui fondent notre système de protection sociale depuis soixante ans ? Que restera-t-il de la sécurité sociale à la fin de cette législature ?

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance-maladie - Tout !

M. Alain Claeys - Presque rien ! Une peau de chagrin !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Oh !

M. Alain Claeys - Le travail de liquidation entrepris par le Gouvernement et la majorité depuis deux ans et demi fait son œuvre...

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances - Quelle exagération !

M. Alain Claeys - ...et ce projet ne fait que refléter la « performance » qui devra être inscrite à votre bilan : vous avez réussi à mettre en déficit l'ensemble des comptes sociaux. De fait, le déficit du régime général pour 2004 est historique. Non seulement c'est, avec 14 milliards, le plus élevé jamais connu, mais il a quadruplé par rapport à 2002. De plus, l'ensemble des branches sont déficitaires, tout comme le sont le régime agricole et le fonds de solidarité vieillesse. La loi organique sur les lois de finances vous conduit à substituer au budget annexe des prestations sociales agricoles le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles. Mais la loi ne vous a pas contraints à l'inaction ! Or, le fonds sera en déficit l'année prochaine, déficit qui s'ajoutera à celui du régime général. Vous prévoyez un plafond d'avance de trésorerie de 6,2 milliards au régime social agricole, soit la moitié de celui du régime général. Mais que prévoyez-vous d'autre, Monsieur le ministre, après que votre Gouvernement s'est rendu responsable de la plus forte dégradation financière de toute l'histoire de la sécurité sociale ?

Depuis juin 2002, nous assistons à une fuite en avant : les déficits et la dette sociale ont explosé mais votre Gouvernement a préféré multiplier les allégements fiscaux ciblés sur les hauts revenus plutôt que de soutenir l'activité économique et l'emploi. D'ailleurs, les débats sur le projet de loi de finances l'ont amplement démontré, puisque nous ont été successivement proposées une baisse des droits de succession qui ne concerne que 20% des contribuables - les successions les moins importantes étant déjà exonérées -, une baisse de l'ISF qui ne concerne, celle-là, que moins de 1% des contribuables et encore l'augmentation de la réduction d'impôts pour emplois à domicile, au bénéfice d'à peine 40 000 familles.

Les résultats de cette politique sont sans appel : notre pays compte aujourd'hui 200 000 chômeurs de plus qu'en juin 2002 et, de ce fait, la sécurité sociale a perdu bien trop de recettes...

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance maladie et les accidents du travail - A cause des 35 heures !

M. Alain Claeys - Je reviendrai sur ce point, mais, non contents de faire plonger les recettes, vous avez abandonné toute tentative de maîtrise médicalisée des dépenses et choisi de revaloriser certains actes sans aucune contrepartie, refusé toute réforme de l'organisation de l'offre de soins, vous contentant d'une réforme de la gouvernance de l'assurance-maladie qui fera porter la responsabilité des futures décisions de déremboursement sur le tout puissant directeur de l'Union des caisses d'assurance maladie, ce qui vous permettra, Monsieur le ministre, de vous en exonérer. Enfin, vous avez reporté sur les générations futures les dizaines de milliards de dette sociale qui résultent des déficits cumulés.

En guise de défense, votre majorité ne cesse d'évoquer le coût qu'auraient imposé les 35 heures, M. Douste-Blazy se réfugiant derrière « l'héritage ». Parlons-en donc ! Les chiffres sont éloquents : les déficits accumulés du régime général de la sécurité sociale se sont élevés à 40,49 milliards entre 1993 et 1997, 3,17 milliards entre 1998 et 2001 et 24,7 milliards entre 2002 et 2004. Au vu de ces chiffres, chacun jugera de l'efficacité de la gestion de la sécurité sociale au cours des différentes périodes considérées !

Seulement, à la mauvaise gestion vous avez ajouté l'injustice et l'inégalité en réformant les retraites d'une manière telle que les pensions en seront diminuées et la capitalisation développée. Quant à la réforme de l'assurance maladie, elle pénalise uniquement les assurés sociaux et instaure une médecine à deux vitesses. En maintenant le déficit de la sécurité sociale, votre seule intention est de la fragiliser : vous avez délibérément accepté de la mettre en faillite pour mieux la démanteler.

C'est une démarche purement libérale par laquelle le financement des dépenses de santé et des pensions de retraite est progressivement transféré de la collectivité nationale vers les individus, en fonction des moyens de chacun.

C'est dans ce contexte pour le moins préoccupant que se place notre débat dont les grandes lignes sont maintenant connues. Selon le Gouvernement, le déficit du régime général serait ramené à 10 milliards, soit encore le triple de celui de 2002. Mais en y regardant de plus près, on se rend compte que le déficit annoncé sera, en fait, comparable à celui de 2004, car la prétendue réduction du déficit, et particulièrement du déficit de l'assurance maladie, est entièrement fictive. Les seuls éléments certains, ce sont l'augmentation des prélèvements sociaux, de la CSG et de la CRDS sur les salaires et les allocations chômage ; l'augmentation de la CSG sur les pensions imposables ; la nouvelle hausse du forfait hospitalier ; enfin, la création d'une franchise, pour l'instant fixée à un euro, sur les consultations et les actes médicaux. Mais, malgré ces prélèvements supplémentaires et les nouveaux déremboursements, la diminution annoncée du déficit pour 2005 est artificielle. Pourquoi ?

En premier lieu, la sécurité sociale bénéficiera de la soulte versée par EDF-GDF, soulte dont le versement, vous le reconnaîtrez, arrange bien les comptes publics pour 2005... Quoiqu'il en soit, il serait inconcevable que les consommateurs de gaz et d'électricité soient amenés à la financer, directement ou indirectement. Et pourtant ! L'article 28 du projet prévoit d'augmenter les fourchettes d'évolution de la contribution sur l'acheminement d'énergie.

Ensuite, la progression prévue de la masse salariale est de 4%, contre 2,6% en 2004. Nous aimerions vous croire, Monsieur le ministre, mais rien ne permet d'espérer que la situation de l'emploi s'améliorera en France l'année prochaine. Or, un point en moins d'augmentation de la masse salariale signifie une perte de recettes de 1,5 milliard.

Troisième raison : le chiffrage des économies à attendre de la loi sur l'assurance maladie est irréaliste. Vous prévoyez un milliard d'économies alors qu'aucun outil de maîtrise ne sera réellement mis en place. Vous recourez en revanche à des procédures qui s'apparentent à des détournements de fonds. Je pense aux ressources initialement destinées au financement des établissements hébergeant des personnes âgées, et qui passent de la Caisse nationale de solidarité et d'autonomie vers l'assurance maladie dans le seul but d'atténuer son déficit.

La diminution du déficit du régime général est très artificielle. C'est pourquoi je souhaite, Monsieur le ministre, que nous prenions rendez-vous pour le printemps prochain, quand se réunira la commission des comptes de la sécurité sociale. Je fais aujourd'hui le pari que le déficit du régime général sera malheureusement supérieur aux 10 milliards que vous affichez. Mais si je vous propose ce rendez-vous, c'est que je souhaiterais - à l'opposé de la logique comptable qui sous-tend votre loi sur l'assurance maladie - que le pouvoir politique occupe une place centrale dans l'avenir de la sécurité sociale. Il l'occupera si au Parlement, nous engageons un débat serein, si ce débat ne se réduit pas à une simple formalité où vous venez faire valider par votre majorité vos objectifs et vos prévisions, sans jamais devoir rendre des comptes en cours d'exécution de la loi de financement.

En attendant, Monsieur le ministre, je vous pose une question simple mais très importante pour la sincérité et la crédibilité de nos débats. Vous engagez-vous à présenter un projet de loi rectificatif en cas de dépassement des prévisions ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Très bonne question.

M. Alain Claeys - Ce qui m'amène à la première série de questions qu'appelle votre projet de loi de financement : est-il sincère ? Votre objectif d'évolution des dépenses d'assurance maladie est-il réaliste ? La réponse est négative, et voici pourquoi. Vous présentez un ONDAM en augmentation de 3,2%, en affirmant qu'il s'agit d'une rupture avec le passé. Il n'en est rien. C'est un pur affichage, car rien ne permet de croire que cet objectif est réaliste et réalisable.

Pour ce qui est des ONDAM du passé, je vous ferai remarquer - répondant indirectement à M. Douste-Blazy - que, s'ils étaient supérieurs, ils étaient accompagnés d'une évolution dynamique des recettes. J'ai rappelé l'évolution des déficits de 1993 à 1997, de 1998 à 2001, puis depuis 2002. Ils montrent l'importance capitale, pour préserver notre régime de sécurité sociale, d'avoir des recettes à la hauteur des besoins légitimes des Français. Depuis deux ans, vous avez fait l'impasse sur ce point. L'augmentation du nombre de chômeurs porte un coup fatal à l'évolution des recettes.

Cette impasse sur les recettes est malheureusement aggravée cette année par une quadruple impasse sur les dépenses. Première impasse : selon le rapport de la commission des comptes, pour ramener la tendance actuelle d'une augmentation de 5,5% à 3,2%, il faut réaliser 3,5 milliards d'économies. Vous en prévoyez 2,9 milliards. Dans votre propre présentation, il y a déjà un écart de 600 millions d'euros sur lequel vous devez des explications à la représentation nationale.

Deuxième impasse : sur ces 2,9 milliards d'économies, vous annoncez sans précision un milliard d'économies liée à la maîtrise médicalisée. Vous faites peut-être allusion aux moindres remboursements que subiront les assurés sociaux qui n'auront pas choisi un médecin traitant, ou à la liberté tarifaire accordée aux spécialistes qui recevront en consultation un patient non adressé par un médecin traitant.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat - N'importe quoi...

M. Alain Claeys - Sans insister sur le fait qu'il s'agit de déremboursements comptables, symboles d'une médecine à deux vitesses, comment pourront-ils produire de telles économies, puisqu'ils ne seront pas mis en place à si court terme ? Si je dis « n'importe quoi », Monsieur le ministre, et s'il s'agit d'autres instruments de maîtrise que ceux que je viens de citer, alors dites-nous lesquels, quelles économies et selon quelles modalités .

Troisième impasse : cet objectif de 3,2% n'intègre pas les mesures nouvelles que vous devrez financer en cours d'année. Je fais référence à la nouvelle convention médicale, sauf à considérer qu'elle ne conduise à aucune revalorisation des professionnels de santé ; mais je n'imagine pas que vous puissiez demander aux médecins de la négocier sans leur indiquer que des moyens financiers nouveaux sont prévus. Je fais référence également à la refonte de la nomenclature des actes médicaux, et aussi aux dépenses liées à la mise en œuvre du dossier médical personnel.

Quatrième impasse : votre ONDAM est irréaliste sur l'hôpital. L'évolution des dépenses que vous retenez ne permet de financer que l'évolution de la masse salariale, sans intégrer aucune mesure nouvelle, et les seules dépenses liées aux nouvelles molécules. L'écart entre les besoins et les moyens des hôpitaux ne pourra que s'accroître. Vous dites qu'il faut faire 800 millions d'économies, mais vous refusez d'aménager la réforme de la tarification à l'activité pour renforcer les missions de service public de l'hôpital. Voilà qui mériterait démonstration ! Admettez, Monsieur le ministre, qu'il est difficile pour un parlementaire de comprendre vos objectifs. Une chose est sûre cependant. Par simple souci d'affichage, votre ONDAM est très sous-estimé. La sincérité de ce projet s'en trouve totalement compromise, ce qui pourrait bien conduire le Conseil constitutionnel à renouveler les observations qu'il avait formulées sur l'insincérité de la loi de financement de 2003.

Vous ne pouviez évidemment pas, après la loi sur les retraites puis la loi sur l'assurance maladie, présenter un projet de loi de financement qui ferait apparaître les mesures prises comme insuffisantes. Mais ce n'est pas une raison pour travestir à ce point la réalité. A cet égard aussi, je vous donne rendez-vous pour la commission des comptes de la sécurité sociale au printemps prochain.

J'en viens à ma deuxième série de questions, Monsieur le ministre. Ce déficit, qui sera inévitablement supérieur à celui que vous affichez aujourd'hui, ne remet-t-il pas en cause les principes de solidarité et d'égal accès à la protection sociale et à la santé, prévus par notre Constitution ? La réponse est malheureusement positive, et votre schéma de nouvelle gouvernance de l'assurance maladie y conduit inexorablement. En présentant un ONDAM irréaliste, vous poussez le tout-puissant directeur de l'Union des caisses à prendre demain les nouvelles mesures de déremboursement que vous ne voulez pas assumer. Vous vous défaussez de vos responsabilités, accentuant encore le fossé entre les politiques et les citoyens.

L'article 40 de la loi sur l'assurance maladie a créé un comité d'alerte chargé d'informer le Parlement, le Gouvernement et les caisses de l'évolution des dépenses lorsqu'elle est incompatible avec l'objectif voté. Il s'agit d'une structure administrative, liée à la commission des comptes de la sécurité sociale et sans légitimité politique, dont le rôle doit conduire les caisses à prendre des mesures de redressement. Tous les décrets d'application de la loi sur l'assurance maladie ne sont pas publiés, mais je constate que le décret relatif à ce comité, lui, est paru. Ainsi, dès que l'ONDAM risquera d'être dépassé de seulement 0,75%, le comité d'alerte en informera notamment le directeur de l'Union des caisses.

Pour 2005, 0,75% de dépassement représente un écart de 1,01 milliard d'euros. Comme votre ONDAM, je l'ai montré, est sous-estimé d'au moins 1,6 milliard d'euros, le comité d'alerte ne pourra que pousser très rapidement les caisses d'assurance maladie à des mesures dites de redressement. Quelle sera la réaction de l'Union des caisses d'assurance maladie ? Quelle sera l'attitude du tout-puissant directeur de cette Union ? Quels mécanismes sont prévus par la loi sur l'assurance maladie ?

L'article 55 de la loi sur l'assurance maladie crée l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, qui hérite d'une compétence fondamentale que la CNAM exerçait avec les autres caisses : négocier et signer les conventions avec les professionnels de santé exerçant en ville. Vous avez également transféré à l'UNCAM de nombreuses compétences jusqu'alors exercées par l'Etat. Elle décidera ainsi de l'admission au remboursement des actes et prestations ; elle fixera le niveau de remboursement en déterminant le forfait hospitalier, le niveau du ticket modérateur, celui de la franchise sur les actes et les consultations. Le ministre ne pourra s'opposer aux décisions de l'UNCAM que pour des motifs de santé publique, mais pas si elles portent atteinte au principe d'égal accès aux soins.

Le conseil de l'UNCAM comprendra douze membres du conseil de la Caisse nationale d'assurance maladie - dont six représentants des salariés et six des employeurs -, trois membres du conseil de la caisse des non-salariés agricoles et trois membres de la MSA. La composition du conseil de l'UNCAM offre de nouvelles possibilités aux représentants des employeurs dans la gestion de l'assurance maladie. Ils peuvent désormais trouver des appuis parmi les non-salariés. Ils ne sont plus obligés, comme au sein du conseil de la CNAM, de s'entendre durablement avec des organisations de salariés.

C'est le directeur de l'UNCAM qui déterminera désormais le niveau de prise en charge des soins par la collectivité nationale. Ce rôle, déterminant, sera double : il agira sur les niveaux de déremboursement, et interviendra en tant que négociateur des conventions par l'attitude qu'il adoptera à l'égard du secteur 2.

Même s'il est nommé par le pouvoir politique, le directeur de l'UNCAM est en fait une véritable institution à lui tout seul - point sur lequel nous ne nous sommes peut-être pas assez attardés lors de notre débat de juillet. Il cumule les fonctions de directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des salariés et de directeur de l'UNCAM. Il est nommé par le Gouvernement pour cinq ans, mais c'est le Conseil de la CNAM qui peut mettre fin à ses fonctions à la majorité des deux tiers.

Si une mesure de redressement est nécessaire, le directeur de l'UNCAM pourra décider d'augmenter la franchise sur les actes médicaux. La loi sur l'assurance maladie fait de lui le gardien de l'ONDAM ; le Parlement va voter un objectif, sur la base d'hypothèses plus ou moins réalistes, et n'aura pas la possibilité d'intervenir a posteriori. Les parlementaires ont souvent souligné que des dépassements d'objectifs devaient entraîner le vote de lois rectificatives, mais cette perspective s'éloigne encore un peu plus.

Pour couvrir une dérive de 2,5 milliards, il faudrait augmenter la franchise d'au moins 4 €. Cette décision pourra être prise dès 2005 par le directeur de l'UNCAM, sans intervention du Gouvernement ni du Parlement. Il faut dire que la diminution des remboursements est un exercice à haut risque pour le pouvoir politique... Ce transfert de compétences, qui vous permet d'éluder vos responsabilités, est très dangereux pour notre démocratie ; organiser l'impuissance ou l'irresponsabilité du politique, c'est affaiblir la légitimité.

Vous avez mis en marche une formidable machine à dérembourser. Le Conseil constitutionnel vous a pourtant mis en garde contre le risque de compromettre l'accès aux soins si la franchise devient trop importante.

Pour les socialistes, l'Etat est le responsable de l'organisation du système de soins, de la définition de la politique de santé et de l'équilibre des comptes. La réforme de l'offre de soins doit précéder celle de l'assurance maladie. Ce n'est pas comme cela que ce gouvernement a voulu procéder, et nous voyons dans ce PLFSS les conséquences néfastes de ses choix.

Nous refusons cette démission du politique. Il serait plus judicieux que le Parlement se prononce tous les ans non pas sur un objectif d'évolution des dépenses de santé ou sur l'évolution des dépenses et des recettes de chacune des branches, mais plutôt sur le niveau de prise en charge des dépenses de santé par la collectivité ou le niveau des pensions de retraite : c'est dans ce sens qu'il faut réformer la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale.

Monsieur le ministre, vous remettez en cause le principe de solidarité qui fonde la sécurité sociale, parce que - sans en assumer la responsabilité - vous faites du déremboursement la variable d'ajustement de la politique de santé. C'est pourquoi j'invite l'Assemblée à voter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat - Je serais tenté de répondre à votre virulence par notre transparence (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), celle dont nous avons fait preuve dans tous les débats parlementaires.

J'ai le souvenir d'avoir passé dans cet hémicycle 145 heures de débat, dont une très grande partie en votre compagnie. Visiblement, vous considérez que ce n'était pas assez, et vous tentez de recommencer la discussion. Il semble que vous ayez une certaine aigreur, mais peut-être est-ce parce que vous, vous n'avez pas eu le courage de réformer l'assurance maladie, alors que la croissance vous aurait permis de le faire plus facilement.

Nous pensons, nous, qu'il est possible de sauvegarder notre régime d'assurance maladie tout en maintenant l'exercice libéral de la médecine. Ce n'est pas votre position, vous l'avez clairement montré : les masques sont tombés ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Si vous manifestez de l'aigreur, c'est aussi parce que vous sentez bien que les principes fondateurs et les modalités de cette réforme sont acceptés par les Français, qu'ils soient usagers ou professionnels de santé (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Ce que vous avez dit sur la gouvernance relève du procès d'intention.

M. Alain Claeys - Répondez à mes questions !

M. Xavier Bertrand, Secrétaire d'Etat - Vous travestissez la réalité de cette nouvelle gouvernance. La preuve en est que tous les partenaires seront présents après-demain pour l'installation du nouveau conseil d'administration.

Vous nous avez reproché d'avoir déjà publié le décret sur le comité d'alerte. Celui-ci est pourtant en tous points conforme à ce qu'avait décidé le Parlement. Par ailleurs, vous avez été comme tous les parlementaires, au début du mois de septembre, destinataire des dates de publication de l'ensemble des décrets.

Vous n'avez que le mot de « déremboursement » à la bouche ; la vérité, c'est que nous avons maintenu intangible la frontière entre régimes obligatoires et régimes complémentaires et qu'il n'y a aucun déremboursement dans cette réforme. Vous, vous aviez renoncé à la veille des élections aux déremboursements que vous aviez précédemment annoncés.

Quant au directeur général, il est là pour travailler dans un esprit constructif avec l'ensemble des partenaires sociaux. Il agira dans le cadre des orientations définies par le conseil.

Je vous avais donné rendez-vous fin 2005, pour voir si la maîtrise médicalisée avait réussi.

Vous voulez que nous prenions rendez-vous plus tôt ? Soit. Nous verrons les chiffres. J'observe que vous n'avez pas commenté ceux de la semaine dernière, qui montrent qu'une politique de longue haleine menée par la CNAM porte ses fruits, qu'il s'agisse d'indemnités journalières, d'antibiotiques ou de génériques (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Nous voyons que les comportements sont capables d'évoluer. Vous ne faites pas confiance aux Français. Nous, si ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Sur le respect du principe d'égalité d'accès aux soins, le Conseil constitutionnel, que vous aviez saisi, a répondu clairement en ne censurant aucune des dispositions de notre texte. Oui, l'égalité d'accès aux soins, qui est notre préoccupation permanente, est une réalité. Nous avons tenu compte de recommandations qui nous ont été faites. Il n'y a pas de franchise dans cette réforme...

M. Jean-Marie Le Guen - Ca c'est vrai !

M. le Secrétaire d'Etat - ...mais une participation forfaitaire d'un euro. Si nous n'avions pas réformé l'assurance maladie, nous ne parlerions même plus d'égalité d'accès aux soins. Monsieur Claeys, voulez-vous donc refaire ce soir le débat de l'été dernier ? Je constate que, si les Français sont disposés à évoluer, ce n'est pas votre cas. Vous restez prisonnier d'un certain archaïsme, ce qui ne peut être bon pour la sécurité sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bertho Audifax - La question préalable est destinée à établir qu'il n'y a pas lieu à délibérer. Comment nos collègues socialistes peuvent-ils le soutenir, alors qu'ils dressent un tableau apocalyptique de la situation ? Si tout va si mal, il est encore plus nécessaire de délibérer. Vous nous assénez des affirmations péremptoires : « Vous ne maîtriserez pas les comptes ! Vous augmentez les prélèvements sur les plus modestes ! Votre noir dessein est de démanteler la Sécurité sociale ! » Tout se passe comme si les déficits sociaux n'existaient que depuis 2002. Comment ignorer que les autres pays européens ont pris des mesures encore plus dures que les nôtres pour redresser les comptes de la sécurité sociale ? Que diraient nos socialistes s'ils devaient subir les mesures prises par M. Blair ou M. Schröder ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Augmenter les prélèvements sur les entreprises comme vous le souhaitez, c'est affaiblir leur compétitivité et donc accroître le chômage. Vous voulez démanteler la médecine libérale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). M. Le Guen l'a dit clairement ! Pensez-vous que le service public en deviendrait moins cher et meilleur ? Les députés du groupe UMP vont repousser la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - Nous allons, nous, la voter, car votre PLFSS n'est pas à la hauteur des difficultés rencontrées par l'assurance maladie. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez répondu de façon un peu étonnante...

M. Jean-Louis Idiart - De façon pédante ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - Vous avez tenu des propos autistes, avec des formules toutes faites, du genre « Vous allez nous refaire le débat de juillet »... Pas du tout ! Alain Claeys vous a interrogé sur ce qui se passera réellement l'an prochain. Présenterez-vous, oui ou non, un projet de loi rectificative si l'ONDAM est dépassé en dépit de l'assurance que vous étalez sur la maîtrise des dépenses ? Et quel sera le contenu de la négociation avec les partenaires sociaux pour élaborer une nouvelle convention ? Quel mandat donnerez-vous à ce fameux proconsul ? Dites-le nous !

Oui ou non, allez-vous vous prononcer pour la libération des honoraires ? Les Français ont le droit de le savoir. Quel sera le montant du déficit à la fin ou même au milieu de l'an prochain, après trois années de dépassement massif de l'ONDAM ? Vous devez répondre, pour que notre discussion ait un minimum de sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Leteurtre - Monsieur le président, c'est la première fois que je parle ici sous votre autorité, dont la majesté est quasi-royale ! (Sourires et applaudissements sur divers bancs)

Les Français se préoccupent du sort de la sécurité sociale. Les réponses qu'ils ont reçues cet été les ont mis mal à l'aise, puisqu'on a transféré sur nos enfants et petits-enfants la charge de financer les soins que l'on n'est pas capable de prendre en charge aujourd'hui. Les Français se demandent s'ils continueront d'être bien soignés, si les médecins seront assez nombreux, s'ils doivent s'attendre à des déremboursements. Oui, l'inquiétude est profonde, comme l'est celle des milieux hospitaliers. Les gestionnaires ne savent pas comment finir l'année. Les reports de charges n'ont pas été compensés. Alain Claeys a posé, sans polémique, de bonnes questions. Il importe de lever les incertitudes. Quel sera, par exemple, le montant exact de la TAA ? Il varie de 10% à 30%. Les dépenses structurelles ne sont absolument pas prises en charge. Mais comme il convient d'ouvrir le débat et d'apporter des réponses dans la sérénité, le groupe UDF ne votera pas la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - Nous en venons à la discussion générale.

Mme Jacqueline Fraysse - Il y a longtemps que le Gouvernement ne nous avait pas présenté un tel PLFSS, qui ne propose pratiquement rien, se bornant à prolonger les orientations de la loi précédente, le plan Hôpital 2007 et la réforme encore fraîche de l'assurance maladie. Il tend à réduire la part des ressources consacrées aux prestations de sécurité sociale, alors que les inégalités sociales devant la santé et la mort se creusent. Vous accentuez le désengagement de l'Etat de ses missions de santé publique, en en reportant le coût sur l'assurance maladie. Vous instaurez une visite gratuite de prévention pour les enfants de cinq ans, alors qu'on ne compte que 1 346 médecins scolaires pour 12 millions d'élèves ! C'est illusoire !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Il ne s'agit pas des enfants de cinq ans, mais des élèves de cinquième !

Mme Jacqueline Fraysse - Sous couvert d'élargir la définition de l'urgence sanitaire grave, vous réduisez le champ d'intervention de l'Etat dans de tels cas d'urgence en en transférant le coût sur l'assurance maladie. La loi de santé publique votée l'été dernier semble déjà être oubliée.

En matière de gestion hospitalière, vous allez au bout de la mise en œuvre de la taxation à l'activité dans les établissements publics et privés, malgré l'opposition de plus en plus ouverte des personnels et les doutes des responsables hospitaliers. Pourtant, le financement des hôpitaux à l'activité est un facteur d'inégalités sociales et territoriales. Il nuit à la qualité du service public médical rendu et pourrait même conduire de grands hôpitaux comme celui d'Argenteuil, déjà étranglés par le rationnement de l'offre, au dépôt de bilan. Ces hôpitaux ont simplement besoin de personnels qualifiés et de moyens pour fonctionner, mais vous refusez d'entendre nos propositions en ce sens.

Vous prévoyez aussi de majorer le tarif des consultations en établissement pour les patients n'ayant pas reçu l'accord préalable de leur médecin traitant. Et ce sont les plus pauvres qui seront les premiers touchés puisque ce sont eux qui, faute de moyens, utilisent le plus l'hôpital.

Vous réorientez les interventions du fonds de modernisation des établissements de santé afin de donner une prime aux bons élèves du rationnement. Ce fonds sera autorisé à reverser aux établissements une partie des économies qu'il aura lui-même réalisées dans cette course à la réduction des prestations au nom des bonnes pratiques hospitalières.

Au final, vous nous proposez un ONDAM de 3,2% alors que les prévisions pour 2004 sont de 5,7%. On voit là que vous avez pour seul objectif une diminution des dépenses de santé prises en charge par l'assurance maladie !

Vos choix sont similaires pour la branche accidents du travail maladies professionnelles, Maxime Gremetz y reviendra.

Votre politique familiale se borne une fois de plus à une individualisation de la prise en charge de la petite enfance. La hausse de la prime pour les familles adoptantes répond certainement à une attente, mais en faire une mesure de politique en faveur des familles est quelque peu démagogique...

Rien n'est fait pour la prise en charge collective de la petite enfance, alors que les moyens sont très insuffisants pour répondre aux demandes des familles.

Pour la branche vieillesse, vous tirez logiquement les conséquences catastrophiques de la réforme des retraites et de la privatisation annoncée d'EDF-GDF. Vous proposez aux fonctionnaires des collectivités locales ayant effectué de longues carrières de partir en retraite anticipée dans des conditions inacceptables, sans même que leur remplacement soit prévu. A seule fin de réduire le déficit public, vous prenez le risque de déséquilibrer et de paralyser le fonctionnement des administrations locales. C'est irresponsable !

Ce n'est pas tout : vous financiarisez, via le fonds de réserve des retraites, la soulte que EDF et GDF doivent verser à la CNAV pour la retraite de leurs personnels de ces entreprises.

Enfin, l'ensemble des branches sera en déficit l'an prochain en dépit des vingt milliards d'économies que vous prévoyez sur la couverture sociale, en particulier maladie, des assurés sociaux. Aucun financement ne permet de répondre aux besoins, de garantir des ressources pérennes à la sécurité sociale, d'assurer la prise en charge des assurés sociaux. Pourtant, les moyens existent !

Dans ces conditions, qui donc est censé retrouver la confiance ? Le Gouvernement ? Le patronat, qui retrouve le chemin des instances de régulation ? Ou les assurés sociaux, qui seront encore à la peine en 2005 ?

Ce PLFSS pour 2005 incarne une nouvelle fois votre volonté de faire régresser la sécurité sociale, dans le cadre de ce totalitarisme de marché qui caractérise votre politique. Depuis votre arrivée, vous vous employez à dynamiter l'ordre social public, au nom d'un libéralisme qui vous pousse à introduire la flexibilité et la régulation marchande dans toute l'organisation sociale, au mépris des besoins économiques et sociaux de nos concitoyens.

Notre système de retraite par répartition, institué pour surmonter l'insécurité de la dernière période de la vie, a atteint son but. Vous, vous l'avez laminé pour introduire les fonds de pensions et les marchés financiers. Notre système de prise en charge solidaire des soins par l'assurance maladie répondait à un impératif de sécurité des parcours de vie et d'amélioration de la santé de nos concitoyens. Malgré ses imperfections, sa réussite exemplaire est reconnue par tous. Mais, pour répondre aux ambitions des marchands de la santé, vous préparez rien de moins qu'une privatisation. Vous voulez aussi liquider les services publics, cette colonne vertébrale du développement de la Nation, en les privatisant. Après France-Télécom et EDF-GDF, vous vous apprêtez offrir La Poste en pâture aux appétits des tenants de la finance. Pour mieux atteindre vos objectifs, vous vous attaquez aux droits sociaux. Après avoir déjà généralisé la flexibilité dans l'entreprise en faisant exploser le droit de la négociation collective, vous vous apprêtez à poursuivre sur la base du rapport Camdessus.

Votre but est de refonder notre organisation sociale selon les plans des marchés financiers et du grand patronat. Nous ne saurions entériner pareil projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste)

M. Bertho Audifax - Nous sommes amenés ce soir à nous préoccuper d'une masse financière supérieure de 70 milliards à celle du budget de l'Etat,...

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Eh oui !

M. Bertho Audifax - ...et qui concerne la vie quotidienne de tous les Français.

Par cet exercice, il s'agit de veiller au bon fonctionnement de notre protection sociale, fondement même de notre pacte social voulu par le général de Gaulle.

Le PLFSS 2005 est toutefois particulier en ce qu'il s'inscrit dans le cadre de l'adoptions récentes de trois réformes sociales majeures de ce gouvernement : retraites, de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, assurance maladie, ainsi que de la loi de santé publique et du plan Hôpital 2007.

En outre, la réforme de la loi organique sur le financement de la sécurité sociale sera présentée au Parlement avant la fin de cette année. Ainsi, dès l'année prochaine, le budget de la sécurité sociale s'inscrira dans un cadre pluriannuel avec un vote par branche, l'équilibre pour les différents régimes, la fixation d'objectifs clairs, l'évaluation des résultats de cette politique.

Dans ce contexte, ce projet allégé et de transition suscite nombre d'interrogations, même s'il paraît exagéré de vouloir faire de ce débat un nouvel examen de la loi de santé publique ou de la loi sur les retraites... Ce texte se limite à l'essentiel, il fixe normalement les grands objectifs de recettes et de dépenses par branche et comporte quelques mesures techniques ou d'ajustements.

Tous les efforts sont logiquement centrés sur la mise en œuvre de la réforme de l'assurance maladie votée l'été dernier. Alors que les comptes se dégradaient inexorablement - 14,1 millions de déficit pour l'ensemble des régimes de base -, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a eu le courage de lancer cette réforme, contrairement à ceux qui, en période de croissance, se sont contentés de mesures de redressement comptable, de baisses des prestations et de hausses des prélèvements...

La voie choisie est plus responsable, mais forcément difficile. La réforme de l'assurance maladie vise à faire émerger de nouveaux comportements et de nouvelles structures, avec la nouvelle gouvernance. Sa réussite est loin d'être assurée, tant la situation de départ est grave : selon le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, en l'absence de réforme, le déficit de la branche maladie pourrait atteindre 66 milliards en 2020, hors charge de la dette. En outre, le vieillissement de la population et le progrès médical entraînent les sociétés modernes à consacrer de plus en plus de ressources à la santé.

L'avenir de l'assurance maladie réside donc davantage dans les décrets d'application de la réforme, que dans les dispositions de ce PLFSS, dont nous comprenons donc la concision.

L'ensemble des régimes de base devraient enregistrer en 2005 un déficit de 10,9 milliards, soit en diminution de 3,2 milliards.

Ce solde recouvre une amélioration du déficit de la branche maladie qui devrait atteindre 7,9 milliards en 2005 contre 13,2 milliards en 2004. Le taux de progression de l'ONDAM 2005 est relativement rigoureux, encore qu'en 1999 ce taux fut fixé à un niveau encore plus bas de 2,9%. Certains, en commission, ont ironisé sur le caractère irréaliste de cet objectif. Or, ce taux, en réalité, n'est pas de 3,2% mais de 3,8%, car il faut raisonner à périmètre égal et intégrer la contribution forfaitaire de un euro ainsi que la hausse du forfait hospitalier.

On a indiqué en commission que le volet hospitalier de l'ONDAM serait « probablement » fixé à 3,6% pour les secteurs public et privé, ce qui implique une enveloppe relativement « serrée » pour la médecine de ville. Or, les médecins libéraux font entendre un discours volontaire. Il est vrai que pour que cet ONDAM mobilise leur énergie, il est indispensable que les négociations conventionnelles soient reprises et aboutissent. Là encore, le Gouvernement a pris le bon chemin puisque le ministre a déclaré le 21 octobre dernier : « Il y avait un problème de confiance entre les professionnels et l'assurance-maladie. Certains n'ont pas de contrat depuis dix ans. Une convention sera signée avant la fin de l'année ».

D'ores et déjà, plusieurs faits militent en faveur de la justesse de la prévision d'amélioration du déficit de l'assurance maladie : l'année 2005 enregistrera la fin de la montée en charge du financement des 35 heures à l'hôpital. Je rappelle que la RTT a non seulement déstabilisé les établissements de santé, mais qu'elle a engendré un coût de près de 3,3 milliards d'euros.

Au-delà, les données provisoires publiées par la CNAM montrent une inflexion de tendance. L'augmentation des dépenses d'assurance maladie s'élevait à 5,9% en 2001, 7,2% en 2002 et 6,2% en 2003. Elle a été ramenée à 4,5% en 2004, alors que le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale annonçait un taux d'évolution de 5,2%. Pour le quatrième mois consécutif, la progression des dépenses d'assurance-maladie, a été ralentie à la fin du mois de septembre. Cette embellie affecte plusieurs postes sensibles. La progression des soins de ville n'a été que de 4,9% en 2004, après trois années d'évolution supérieure à 7%. La hausse des dépenses d'honoraires médicaux sur les neuf premiers mois de l'année serait limitée à 2,5%.

Enfin, même si le poste global des prescriptions continue de croître à un rythme élevé, des signes encourageants sont observés sur la consommation de médicaments génériques, qui représentent désormais plus de 12% du volume des ventes en pharmacie.

De même, on constate une inflexion en matière de consommation d'antibiotiques puisque leur consommation a baissé de 16% depuis 2002, permettant d'éviter plus de six millions de traitements inappropriés.

Concernant les arrêts maladie, les indemnités journalières remboursées par le régime général, qui avaient fortement augmentées entre 1999 et 2003, sont en net recul : + 2,6% en juin dernier, + 1,8% fin .juillet et 0,6% fin août. Alors que nous avons entendu les sempiternelles rengaines sur l'échec annoncé de la réforme, ces données chiffrées attestent bel et bien d'une évolution des comportements.

Dans la partie branche maladie de ce PLFSS, les dispositions les plus notables portent sur la TAA, ce qui montre que le secteur hospitalier est partie prenante de la réforme du système de soins. La tarification à l'activité poursuit sa montée en charge. La part du budget « médecine chirurgie obstétrique » financée par l'activité en 2005 sera au moins égale à 20%. Le projet de loi facilite cette montée en charge en permettant aux caisses de consentir des avances remboursables aux établissements privés et en proposant également que l'activité de prélèvement d'organe soit financée dès 2005 à 100% sur la base de tarifs de prestations afin de mieux valoriser cette activité.

Le PLFSS alloue la dotation au fonds d'aide à la qualité des soins de ville, ce qui doit être l'occasion de s'interroger sur la durée de vie d'un fonds qui devrait disparaître en décembre 2006. Nous sommes nombreux à considérer qu'il doit être pérennisé afin de lui permettre de continuer à financer des projets tels que les maisons médicales de garde.

Il me paraît utile d'étendre le champ d'intervention du fonds dit « biotox », initialement conçu pour faire face au risque bio-terroriste. Cette initiative est particulièrement opportune à l'heure où un cas probable de transmission d'homme à homme de la grippe aviaire a été annoncé en Asie.

Enfin, nous souhaitons obtenir des éléments sur l'avenir du régime social des exploitants agricoles.

M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l'équilibre général - Très bien !

M. Bertho Audifax - En tant que député de la Réunion, je vous rappelle, Monsieur le ministre, le problème spécifique posé par l'application de la CMU. Succédant à un régime de tiers payant local, la CMU a bouleversé le système réunionnais et son application a entraîné pour les plus âgés et les handicapés une sortie du tiers payant. Le surcoût de la santé à la Réunion et le coût élevé des mutuelles locales accentuent encore cette injustice. J'ajoute que bon nombre de nos confrères médecins souhaitent que la Réunion soit choisie à titre expérimental comme région d'application du dossier médicalisé généralisé.

La branche des accidents du travail et des maladies professionnelles est marquée par l'évolution des dépenses des dispositifs de prise en charge des maladies provoquées par l'amiante. En l'absence des dotations aux deux fonds consacrés à cette prise en charge, le FIVA et le FCAATA, le solde de la branche aurait été positif d'environ 150 millions en 2003, 50 millions en 2004 et 100 millions en 2005. En conséquence, le projet de loi propose d'instituer une contribution spécifique pour les entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante, cette opération étant neutre pour les salariés dont les droits ne sont pas modifiés. Jacques Le Guen propose d'exonérer de cette contribution les PME de sous-traitance, en particulier de la construction et de la réparation navale, lorsqu'elles ont maintenu l'emploi lors des cessations d'activités, ce qui signifie qu'elles n'ont pas voulu profiter de l'effet d'aubaine offert par la cessation d'activité, qu'elles ont recruté et formé du personnel et qu'elles sont aujourd'hui confrontées à une conjoncture difficile.

Le solde de la branche famille devrait rester proche de l'équilibre en 2005. Le conseil d'administration de la CNAF a émis un avis favorable sur ce PLFSS car il contient plusieurs dispositions intéressantes pour les familles. Ainsi institue-t-il un entretien de santé personnalisé à destination des 750 000 élèves en classe de cinquième. Bien entendu, cette consultation se fera sans reste à charge pour les familles. Une autre disposition double le montant de la prime à l'adoption qui passera de 812 à 1 624 euros à compter du 1er janvier 2005. Enfin, à l'initiative de Béatrice Pavy et Dominique Tian, la commission des affaires sociales a adopté un amendement visant à accroître le congé de maternité en faveur des femmes ayant accouché d'un enfant prématuré.

Le déficit de la branche vieillesse pour 2005 amoindrit l'amélioration du déficit de la branche maladie et la stabilité du solde des branches accidents du travail et famille. Ce déséquilibre est dû à la montée en charge du départ anticipé des travailleurs âgés, mesure de justice sociale introduite dans la réforme des retraites grâce à laquelle plus de 100 000 personnes ayant commencé à travailler très jeunes ont pu, dès 2004, cesser leur activité. Le coût de cette mesure - 1,3 milliard en 2005 - pèse donc sur les comptes de la CNAV d'autant que les mesures structurelles contenues dans la loi sur les retraites porteront leurs fruits ultérieurement.

La mesure la plus notable réside dans les conséquences de la réforme du régime spécial d'assurance vieillesse des industries électriques et gazières. Le Gouvernement a retenu la formule de l'adossement au régime général et aux régimes complémentaires et de la soulte pour réaliser le transfert : la CNAV a demandé 9,2 milliards. Le Gouvernement a élaboré le projet de loi sur la base d'un versement de 6,9 milliards. Un accord est intervenu ces jours derniers fixant finalement la soulte à 7,7 milliards d'euros, 40% étant versés au Fonds de réserves des retraites début 2005 et les 60% restant sur les vingt ans qui viennent. A cela s'ajoute 1,3 milliard correspondant au financement des avantages familiaux de l'assurance vieillesse des personnels des IEG qui seront pris en charge par le Fonds de solidarité vieillesse. Quant aux soultes dues aux régimes complémentaires, AGIRC et ARRCO, elles sont en cours de négociation.

Enfin, il conviendrait d'apporter une réponse au problème de la retraite de maîtres de l'enseignement privé sous contrat, question à propos de laquelle Yves Censi a déposé une proposition de loi en juillet dernier.

M. François Rochebloine - Nous en avons déposé plusieurs sans être écoutés !

M. Bertho Audifax - J'espère que vous serez écoutés cette fois-ci avec notre collègue Censi.

Vous pouvez compter, Messieurs les ministres, sur le soutien déterminé des députés du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gaëtan Gorce - On peut reprocher bien des choses à un gouvernement. De prendre des mesures injustes : le fait est que ce Gouvernement-ci ne s'en est pas privé, on l'a vu tout récemment en matière fiscale. D'être inefficace : depuis deux ans et demi, qu'il s'agisse de l'économie ou de l'emploi, la critique est hélas facile. De mal évaluer la situation et de choisir de mauvaises orientations : pour vérifier que tel est le cas, il suffirait de prendre l'exemple du chômage. Mais le pire des reproches que l'on puisse adresser à un gouvernement est celui que nous sommes amenés à formuler ce soir à votre encontre, c'est de laisser croire à l'opinion qu'un problème est réglé alors qu'il ne l'est pas, c'est de prétendre avoir fait le nécessaire alors qu'en réalité rien n'est résolu, qu'il s'agisse du financement des retraites, de l'assurance chômage ou de l'assurance maladie.

Si nous faisons les additions, elles nous amènent à des milliards d'euros, qui restent à trouver pour assurer non seulement l'équilibre de ces régimes mais aussi des principes qui les fondent, en particulier la répartition et la solidarité. Il faudra ainsi trouver 43 milliards d'euros pour les retraites d'ici 2020. Admettons que les réformes qui ont été votées en apportent - je suis généreux - 20. Il en reste tout de même 23 à trouver. Vous les attendez notamment d'une augmentation des cotisations vieillesse, opportunément reportée à 2008 et gagée sur les économies réalisées sur les cotisations chômage, dans l'hypothèse où celui-ci serait à 5% en 2020 - on en est loin !

Pour l'assurance maladie, vous nous annoncez, Monsieur le ministre, des mesures de redressement, qui produiront au mieux 15 milliards d'euros, alors qu'il faut s'attendre d'après Bercy à une dérive de 20 milliards. Il manquera donc, dans la meilleure des hypothèses 5 milliards d'euros.

Il est de toute façon permis de douter de l'efficacité desdites mesures de redressement, à commencer par le dossier médical personnalisé, dont vous attendez plus de 3 milliards d'euros mais qui ne sera pas mis en place avant plusieurs mois, voire plusieurs années.

Il faut donc que nos concitoyens sachent que sur trois questions essentielles, et en particulier sur l'assurance maladie, rien n'aura été réglé d'ici 2007-2008 et que tout restera à faire. Cette réalité, vous ne l'assumez pas. Oh, certes, vous vous exprimez avec beaucoup de talent, mais en général pour persuader tout un chacun que vous agissez alors que les problèmes restent entiers. Vous prétendez laisser des réformes, vous ne laisserez que des ardoises.

Selon Camus, il faut imaginer Sisyphe heureux. En l'occurrence, je vois plutôt quelqu'un qui laisse retomber la pierre, s'en remettant à d'autres du soin de la remonter...

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - C'est ce que vous avez fait pendant cinq ans !

M. Gaëtan Gorce - Je dirais donc, car c'est malheureusement l'image que vous m'inspirez, qu'il faut imaginer Sisyphe habile, voire cynique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel - Nous entamons aujourd'hui la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, qui porte sur la somme considérable de 365 milliards d'euros. Son contexte est un peu particulier, puisqu'il fait suite à la réforme partielle des retraites et de l'assurance maladie ainsi qu'à divers autres textes ayant une incidence prévisible sur les finances sociales, et qu'il précède la loi organique qui doit prochainement modifier profondément le contenu et les modalités des PLFSS mais dont nous ignorons le contenu.

La réforme de l'assurance maladie devait financer le déficit cumulé de 33 milliards d'euros en trois ans, tendre vers l'équilibre financier et modifier la gouvernance. Mais vous avez décidé de reporter le déficit sur les générations futures - trois ans par année de déficit -, ce que l'UDF a jugé moralement inacceptable. Vous avez renforcé l'étatisation du système, notamment avec ce directeur général disposant de pleins pouvoirs et nommé par le Gouvernement. Vous vous abritez derrière un pseudo-paritarisme rénové et vous avez renoncé à la régionalisation, qui est pourtant, pour l'UDF, la seule solution d'une part pour avoir un responsable unique, d'autre part pour responsabiliser tous les acteurs en les associant en amont aux décisions et en aval à la gestion.

Quant à l'équilibre financier, si les recettes sont quasi assurées, les économies de dépenses sont très aléatoires.

La loi de financement 2005 est très succincte et le rapport annexé très ramassé - c'est un euphémisme. Il permet au Gouvernement d'indiquer ses priorités et d'exposer comment il compte résoudre les divers problèmes, mais curieusement il ne comporte aucune ligne sur l'hôpital, les cliniques, la démographie médicale, la permanence des soins, la prise en charge des urgences. Tous ces problèmes seraient-ils résolus ? Je ne pense pas. Il mérite donc d'être amélioré. J'ai déposé quelques amendements à cet effet, que le rapporteur a jugé excellents mais dont il a cependant demandé le rejet.

S'agissant de la santé, la première question à se poser est celle-ci : l'ONDAM est-il réaliste ? Comme nous l'avions annoncé il y un an, l'ONDAM 2004 sera largement dépassé pour se situer autour de 5%, avec un déficit supérieur à celui qui avait été prévu. Pour 2005, l'article 17 du projet prévoit un ONDAM de 134,9 milliards. Cet ONDAM « pifométrique » ne repose sur aucune donnée médicale, contrairement à nos demandes répétées et au rapport de M. Coulomb. Sur quelles bases, le Gouvernement s'est-il appuyé pour le définir ? Sans doute est-il volontariste, mais il est permis de douter de son réalisme.

Cet ONDAM sera-t-il respecté ? Question essentielle pour la crédibilité de la première année de la réforme. La loi portant réforme de l'assurance maladie prévoit qu'en cas de dérapage supérieur à 0,75%, le comité d'alerte informe le Gouvernement, le Parlement, les caisses et doit demander dans un délai d'un mois que des mesures soient prises pour rentrer dans les clous. Mais quelles mesures pourront-elles être proposées en dehors d'un moindre remboursement et d'une augmentation des recettes ?

Avec un ONDAM irréaliste, non médicalisé et un comité d'alerte qui préconisera des mesures comptables, nous sommes plus dans la maîtrise comptable que dans la maîtrise médicalisée.

Irréaliste, l'ONDAM sera très probablement dépassé, car la tendance naturelle est une augmentation de 5 à 6%. Certes, le fait qu'un plan ait été voté conduit à une décélération spontanée et transitoire des dépenses, mais qu'en sera-t-il ensuite ?

Nous ne pensons pas que les économies escomptées par le Gouvernement soient au rendez-vous. De la maîtrise médicalisée, il attend 1 milliard d'économie. Mais les outils ne sont pas en place. Quant au dossier médical personnel, le ministre a prévu qu'il conduirait à une économie de 3 milliards en 2007, mais sa mise en œuvre sera longue et onéreuse et Il demandera une implication forte des professionnels. Côté médicaments, l'économie attendue est de 700 millions. Il est vrai que de nombreux médicaments deviennent « généricables », mais il est vrai aussi que nous sommes en attente de nouvelles molécules, qui risquent d'être onéreuses. Une progression zéro de la ligne médicament serait déjà une bonne chose. Enfin, l'économie qui pourrait découler pour les hôpitaux de leurs groupements d'achats semble quelque peu illusoire, au regard de la situation financière des établissements.

Si les économies proposées sont aléatoires, on sait en revanche que des engagements de dépenses non intégrées en 2004 augmenteront mécaniquement l'ONDAM. Il en est ainsi de la mise en œuvre de la CCAM technique ; de la revalorisation des astreintes chirurgicales, libérales, des astreintes des médecins libéraux en cours de négociations, de la revalorisation des praticiens hospitaliers ; de l'augmentation du KCC ; de la rémunération du médecin traitant...

De plus, la manière dont l'ONDAM est déclinée demeure floue. Ainsi, nul ne sait sur quelles bases est calculé l'ONDAM hospitalier, dont on peut douter qu'il permette la simple reconduction des moyens nécessaires. D'autre part, on ignore quelle sera sa déclinaison régionale et si, comme nous nous y étions engagés, il est prévu de corriger les inégalités. On ne sait pas davantage si le pourcentage de budget financé par la TAA sera de 20 ou de 30%, ni ce que sera, à terme, le pourcentage retenu pour le MIGAC.

Certes, la TAA a du bon, en ce qu'elle permet des restructurations fondées sur des données de santé. Elle a cependant un aspect inflationniste et elle suppose une grande réactivité si l'on veut éviter que certaines décisions médicales ne soient prises en fonction de critères strictement budgétaires. De plus, son application exige un rebasement préalable. En juin, le Gouvernement a déclaré qu'il remettrait les compteurs à zéro et a débloqué une enveloppe de 300 millions, mais cette enveloppe ne convient pas, non seulement parce que, calculée sur les comptes administratifs pour 2002, elle est insuffisante pour couvrir les besoins hospitaliers, mais parce qu'elle n'est pas reconductible, si bien que les besoins demeureront. D'une manière générale, on peut s'attendre que le déficit de la branche santé sera supérieur aux prévisions puisque l'ONDAM, sous-évalué, sera certainement dépassé et que, dans le même temps, les recettes sont, de l'avis général, fortement surévaluées. De ce fait, le déficit sera malheureusement reporté sur les générations futures.

S'agissant à présent de la pension de réversion, point n'est besoin de rappeler que le décret du 24 août a suscité un tel tollé que le premier ministre a décidé d'en suspendre l'application. Curieuse situation que celle-ci, puisque le décret controversé ne faisait que mettre en musique la loi votée en juillet 2003 par un groupe UMP alors enthousiaste... J'avais pourtant, au nom de l'UDF, et en ma qualité de président du groupe d'étude sur les conjoints survivants, appelé l'attention du ministre de la santé de l'époque sur les conséquences prévisibles de la réforme engagée et, comme d'habitude, déposé, au nom du groupe UDF, des amendements tendant à pallier des inconvénients que j'estimais majeurs. Mais, comme d'habitude, le Gouvernement avait exprimé un avis défavorable, et il a été suivi par les députés du groupe UMP. On m'expliquera que le COR doit proposer des modifications à ce décret ; seulement, le décret appliquant la loi de 2003, c'est la loi qui doit être changée.

J'en viens maintenant aux retraites, pour aborder en premier lieu le problème du pouvoir d'achat des retraités. Il semble en effet que la revalorisation de la retraite de base sera inférieure à l'inflation alors même que les retraités constateront dès janvier l'augmentation de 0,4% de la CSG sur leur pension. Cette baisse du pouvoir d'achat de la retraite de base constitue un problème politique majeur. La situation n'est pas plus satisfaisante pour les enseignants du privé, qui cotisent davantage que leurs collègues de l'enseignement public pour obtenir une retraite inférieure de 20%. C'est une iniquité ; pourtant, le projet ne prévoit pas de créer la caisse complémentaire initialement prévue pour amorcer une nécessaire égalité. Cet article, déjà insuffisant, ayant été retiré du projet qui nous est soumis, quels engagements prendra le Gouvernement à ce sujet ?

Toujours au chapitre des retraites, je constate que le problème des IEG demeure. Charles de Courson et moi-même y reviendrons lors de la discussion de l'article 28, ce qui me donnera l'occasion de rappeler que, lors de la réforme des retraites, j'avais, au nom du groupe UDF, demandé l'extinction progressive des régimes spéciaux. Le Gouvernement a reculé et, n'ayant pas satisfait cette demande, l'équité entre les Français n'a pas progressé. L'ouverture du capital des entreprises électriques et gazières étant désormais impérative, il convient pourtant de se préoccuper des retraites des IEG. A cette fin, le Gouvernement a prévu un mécanisme complexe et, pour que les retraités salariés du régime général ne soient pas pénalisés, le versement d'une soulte - dont le montant n'a cessé de varier - est prévue par EDF-GDF. Il n'empêche que des avantages importants demeureront pour ces régimes spéciaux, qui seront payés soit par les retraités du régime général, soit par les consommateurs d'électricité ou de gaz, soit par les contribuables. Comment, sinon, recapitalisera-t-on EDF pour lui permettre de financer la seconde soulte - celle qu'elle devra verser pour les régimes complémentaires ?

En conclusion, ce projet est moins succinct et moins anodin qu'il n'y paraît, et il est inquiétant car, hélas, les bases qui ont servi au calcul des recettes nous semblent optimistes, cependant que l'ONDAM, volontariste, nous paraît sous-estimé. Le risque est donc patent que le comité d'alerte ne contraigne à une maîtrise comptable. Voilà pourquoi le groupe UDF souhaite vivement que le Gouvernement accepte certains de ses amendements concernant tant les pensions de réversion que les retraites des enseignants du privé, les IEG, la création d'une caisse autonome pour les maladies professionnelles et les accidents du travail ou encore des mesures urgentes ayant trait aux budgets hospitaliers, à la démographie médicale et à la permanence des soins.

Les députés UDF se détermineront à l'issue du débat en fonction de l'accueil qui aura été réservé à leurs propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Maxime Gremetz - Tiens ! M. Bayrou avait pourtant annoncé qu'il voterait contre ce projet ! Aurait-il changé d'opinion ?

M. le Président - Vous avez la parole, Monsieur Gremetz, mais pas pour organiser le groupe UDF... (Sourires)

M. Maxime Gremetz - Comme nul ne l'ignore, une réforme de l'assurance maladie est intervenue cet été en catimini. Le Gouvernement a beau pratiquer la méthode Coué, il doit prendre garde à ne pas se rassurer trop vite puisque, selon les sondages les plus récents, 68% de la population conteste cette réforme. Sachez-le : elle n'est pas passée dans l'opinion, et elle ne passera jamais. De plus, de très intéressants articles parus dans la presse montrent que vous êtes loin du compte même sur le plan technique, puisque ce que vous voulez faire aboutir en deux ans n'est toujours pas au point après une décennie, ni aux Etats-Unis ni au Royaume-Uni. Le ministre se prendrait-il pour Superman, avec tous les risques que cela comporte ?

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est présenté aujourd'hui apparaît très logiquement comme le prolongement de la réforme de l'assurance-maladie. Il y transparaît en effet un souci de rationnement des dépenses ainsi que des restrictions budgétaires consécutives à une pénurie que vous organisez vous-même pour mieux brader, à terme, notre sécurité sociale. Dans le même temps, les exonérations de cotisations sociales patronales, qui dépassent aujourd'hui 20 milliards, grèvent le budget de la sécurité sociale, sans aucun résultat en faveur de l'emploi. Et que dire des 2 milliards de dettes impayées à l'URSSAF par les grandes entreprises ? Quant à l'Etat, il n'est pas en reste : où passe le surplus de recettes dû à l'augmentation des taxes sur le tabac, qui devaient initialement servir à soigner les victimes du tabagisme ?

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Démagogie !

M. Maxime Gremetz - Et pourquoi donc ? Pourquoi les produits excédentaires ne servent-ils pas à rembourser les patches anti-tabac, comme ils le devraient ? Parce que, comme vous le savez parfaitement, cet argent passe ailleurs. De même, rien n'est prévu pour utiliser les recettes des taxes prélevées sur l'alcool en faveur de la lutte contre l'alcoolisme. Dans ces conditions, ce n'est plus d'une persistance dans l'erreur qu'il s'agit, mais d'un hold-up aux dépens de la sécurité sociale, et, par ricochet, des salariés, auxquels vous faites régler l'addition.

Alors que les besoins en matière de santé sont toujours plus grands dans le monde du travail, ce projet ne présente aucune disposition nouvelle d'ampleur et les questions de fond sont survolées, voire purement et simplement escamotées. Tout au plus le texte crée-t-il une contribution nouvelle à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés au risque de l'amiante. Seulement, cette mesure ne touchera pas les entreprises réellement responsables, à savoir les donneurs d'ordres. C'est pourquoi les députés du groupe communiste et républicains proposeront un amendement tendant à substituer la notion de « site d'utilisation » à celle d'« établissement ».

De plus, les grandes entreprises sont, une fois encore avantagées, puisque le montant de la contribution sera plafonné à 2,5% de la masse salariale et ne pourra excéder 2 millions par an pour chaque entreprise concernée. Nous proposerons un amendement tendant à supprimer ces plafonnements. De même, nous refusons le principe de l'automaticité de l'exonération consentie en faveur des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire ; nous formulerons donc des propositions alternatives. J'ajoute que le montant envisagé des contributions de la branche accidents du travail et maladies professionnelles au FIVA et au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante est notoirement insuffisant. Il ne permettra ni de répondre aux besoins ni de rattraper les baisses passées.

Il apparaît en outre que le montant de la contribution que verse la branche accidents du travail et maladies professionnelles au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, fixé par l'article 19 du projet à 200 millions d'euros, ne permettra pas l'indemnisation de l'ensemble des victimes, dont le nombre augmente chaque jour.

Enfin, les reversements de la branche accidents du travail et maladies professionnelles à la branche maladie sont ridiculement faibles. Le coût des cancers d'origine professionnelle supporté par l'assurance maladie depuis dix ans est estimé à 144 milliards d'euros à lui seul, et le cancer est loin d'être la seule maladie d'origine potentiellement professionnelle. Que représentent, dès lors, les 330 millions d'euros reversés à la branche maladie au titre des frais supportés par cette dernière et qui auraient dû relever de la branche accidents du travail et maladies professionnelles? Une broutille!

D'autres questions essentielles concernant la santé en milieu professionnel sont occultées dans votre action. J'évoquerai notamment la place du patronat dans la gestion de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, la prévention et la place de la médecine du travail et des inspecteurs du travail dans ce cadre, la menace des éthers de glycol et d'un certain nombre d'autres produits sur la santé publique. Mentionnons également l'exclusion des fonctionnaires du bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs de l'amiante : c'est un véritable scandale, qui suggère que, pour l'Etat employeur, la prévention des risques professionnels est une question de coût avant d'être un véritable enjeu humain et politique. Comment s'étonner alors que les employeurs privés cherchent à contourner des obligations dont l'Etat lui-même se défausse en qualité d'employeur ? Comment son action en tant que puissance publique ne serait-elle pas ainsi sapée ?

C'est d'autant plus vrai que, le plus souvent, le patronat occupe une place dans les instances paritaires qui l'autorise à manœuvrer ou paralyser l'institution, voire à la présider ou à la gérer - ce qui revient souvent à "confier l'extincteur et la boîte d'allumettes au pyromane", pour reprendre une formule de la CGT. Une question majeure est donc celle du rôle des salariés et de leurs représentants dans la gestion du dispositif de prévention.

Comment s'étonner dans ces conditions que la prévention soit négligée ? Les exemples ne manquent pas. Combien de temps la branche accidents du travail et maladies professionnelles plafonnera-t-elle à moins de 2% de son budget la part qu'elle consacre à la prévention? Qu'en est-il de la mise en œuvre de la directive européenne REACH, qui prévoit l'évaluation des effets sur la santé humaine de trente mille produits et substances chimiques déjà en circulation ? Combien de temps sera maintenu l'inique décret du 1er février 2001 qui instaure une fiche d'aptitude, délivrée par le médecin du travail, et attestant qu'un salarié ne présente pas de contre-indication médicale à certains travaux, mais aussi à l'exposition à certains risques ? Un tel décret fait du médecin du travail un auxiliaire patronal, sélectionneur de main d'oeuvre en bonne santé, bonne à être exposée à un risque cancérogène, mutagène ou toxique...

En négligeant la prévention, vous jouez avec la vie de milliers de nos concitoyens. L'ampleur des dégâts provoqués par l'amiante est depuis des années réévaluée à la hausse. Qu'en est-il des éthers de glycol, qui risquent de provoquer une hécatombe encore plus importante, alors qu'on connaît leur nocivité? Le moment venu je rappellerai aux ministres successifs de la Santé leurs responsabilités, y compris pénales... Car il existe des produits de substitution : pourquoi n'y recourt-on pas ? L'amiante remonte à 1910 : combien de temps l'avons-nous subie ? Et on va refaire la même chose avec les éthers de glycol ! Il y a là un manque de responsabilité total. Vous n'avez pas vu vos copains mourir - un toutes les trois semaines - du cancer de l'amiante. Quelle responsabilité vous prenez ! Et ne me dites pas qu'on ne savait pas ! Tout le monde sait... et on ne fait rien !

Pour ces raisons, les députés du groupe communiste et républicain proposent un certain nombre d'amendements afin de combler les lacunes que j'ai dénoncées. Nous souhaitons notamment créer un système d'évaluation du degré d'exposition aux risques que comporte chaque poste de travail; revenir au principe de la gratuité totale des frais entraînés par un accident de travail ou une maladie professionnelle ; permettre aux personnels sous-traitants, intérimaires ou en régie exposés à l'amiante de prétendre au droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs de l'amiante; supprimer la référence au seuil arbitraire de gravité requis pour permettre la reconnaissance d'une pathologie d'origine professionnelle; rendre indicatives et non plus limitatives les listes prévues par l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale de 1999 ; revoir le mode de calcul de l'allocation de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs de l'amiante et la réévaluer.

Les questions relatives aux accidents de travail et aux maladies professionnelles sont d'autant plus préoccupantes aujourd'hui que ces maladies connaissent une hausse spectaculaire, alors que les déclarations sont souvent rejetées pour des motifs administratifs, sans oublier les maladies professionnelles non encore reconnues. Comment pouvez-vous continuer ainsi à ne pas voir la réalité du monde du travail? A moins - je n'ose le croire - qu'il s'agisse d'une politique délibérée de déstructuration du droit du travail, visant à rendre inapplicables dans les faits les obligations du patronat en matière de santé dans l'entreprise? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Philippe Vitel - « L'heure est grave ! L'assurance maladie est bien malade. Notre devoir est de la sauver. La crise que nous affrontons est sans précédent ». C'est par ces mots que, le 30 juin dernier, je commençais mon intervention dans la discussion générale du projet de loi réformant l'assurance maladie. Quatre mois plus tard, ces phrases semblent d'un autre temps - un temps de doute, de désespoir peut-être devant le déficit « abyssal » auquel nous étions confrontés. Même dans les situations catastrophiques, le pire n'est pas toujours sûr... Le pire, le 30 juin, était dans tous les esprits - dans les esprits négatifs de l'opposition, bien sûr, mais aussi dans ceux, reconnaissons-le, de bien des membres de la majorité. C'est que nous étions échaudés par le douloureux souvenir de cette longue propension à se contenter de constats, de bonnes intentions et de thérapeutiques homéopathiques ; à croire, au mépris de la logique et du pragmatisme, que demain serait meilleur, grâce à quelque baguette magique... Selon Socrate, le bonheur est dans l'action : je ne suis pas loin de croire, Madame et Messieurs les ministres, que vous avez reçu ses bons enseignements. Aujourd'hui l'espoir est de notre côté. Oui, nous croyons fortement à la réforme que nous avons patiemment façonnée en juillet. Oui, nous croyons fortement que les acteurs sont conscients de leurs responsabilités dans le sauvetage du système. Oui, nous croyons fortement que cette réforme de la dernière chance sera capable de sauvegarder les principes de solidarité, d'égalité et d'universalité qui gouvernent l'assurance maladie depuis quelque soixante ans.

Nous constatons déjà, dans les derniers chiffres connus, un ralentissement de la hausse des dépenses, ce qui montre que nos efforts ne sont pas vains. C'est une bonne nouvelle, mais pas vraiment une surprise : c'est en effet le fruit d'une implication de tous les acteurs, rendue possible par une meilleure écoute du Gouvernement. Vous avez su, Madame et Messieurs les ministres, rétablir les liens de confiance nécessaires à toue modification des comportements. Responsabiliser sans culpabiliser, construire avec plutôt que sans ou contre, cela permet de faire comprendre qu'on peut user sans abuser, dépenser sans gaspiller. Tel est le résultat essentiel qu'on peut attendre de la responsabilité et du dialogue, mais aussi d'un respect scrupuleux de la feuille de route, d'un « service après vote » sans faille, d'un discours clair, à la fois modeste et conquérant. Les décrets d'application sont prêts, le calendrier est tenu, les engagements sont respectés.

Le 30 juin, je soulignais la nécessité d'associer à toutes les étapes les professionnels de santé. Échaudés par des années d'abandon, ils retrouvent peu à peu confiance, mais les cicatrices sont encore douloureuses. Ils sont aux aguets ; un peu rassurés par la CCAM technique et la tarification à l'activité, espérant la mise en place rapide de la CCAM clinique, ils attendent beaucoup d'un redémarrage du système conventionnel, qui rendrait une visibilité à leur avenir professionnel. J'insiste sur la nécessaire de mettre en place ce nouveau système conventionnel en même temps que les autres volets de la réforme, de sorte que la convention soit opérationnelle au 1er janvier 2005.

Les praticiens souhaitent avoir des précisions sur notre réforme, sur des thèmes aussi variés que l'évaluation des pratiques, l'accréditation en établissement, le mode de fonctionnement de l'union nationale des professions de santé, les limites du règlement arbitral, ou encore les modalités de convention tripartite entre régimes obligatoires, régimes complémentaires et professions de santé. Des réponses qui seront apportées dépendra la confiance de ceux que je désignais le 30 juin comme une corporation désenchantée, sans illusions et sans espoir.

Le budget de redressement dont nous débattons aujourd'hui doit nous permettre de respecter les objectifs que nous avons définis cet été ; il reflète les nouvelles recettes attendues, mais aussi les économies que doit provoquer la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Monsieur le ministre, ceux qui ont toujours cru en votre réforme seront demain toujours à vos côtés pour la conduire au succès, avec la participation de nos compatriotes, qui apprécient beaucoup plus que certains voudraient le faire croire (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) notre volonté de résoudre la crise de structure, d'organisation et de gestion qui affaiblissait dangereusement un système qu'ils continuent de plébisciter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt - De 2 milliards en 2001, le déficit de l'assurance maladie est passé à 6 milliards en 2002, à 11 en 2003 et à plus de 13 en 2004. M. Mattei avait parlé de déficit « abyssal », M. Douste-Blazy a innové en employant l'adjectif « sidéral ». Que trouverez-vous pour 2005, alors que toutes les branches sont dans le rouge ? Le déficit de 8,5 milliards que vous annoncez pour l'assurance maladie est totalement irréaliste ; il faut s'attendre à un niveau proche de celui de 2004.

Mais il vous suffit d'annoncer un chiffre tel que les déficits publics soient limités à 2,9% du PIB - affichage orthodoxe au regard des critères de Maastricht -, puisque, en 2004 comme les années suivantes, vous renverrez le déficit à la CADES !

Cette caisse créée par ordonnance par le plan Juppé en 1996 va voir sa charge considérablement majorée. Vous l'avez déjà utilisée cette année, qui fut la plus critique de l'histoire de l'ACOSS - obligée pour la première fois d'emprunter sur le marché bancaire -, pour reprendre 10 milliards au 1er septembre, puis 25 milliards en décembre.

Les déficits cumulés au 31 décembre 2003 s'élèvent à 35 milliards. Outre les 13 milliards de 2004, il faudra ajouter probablement 30 milliards pour les années 2005 à 2007. La dette est ainsi reportée sur les générations futures. Jugeant ce système immoral, la commission des affaires sociales avait adopté, lors de la réforme de l'assurance maladie, un amendement de M. Bur mettant fin à la vie de la CADES en 2020 ; mais les mêmes qui avaient exprimé ce vote ont repoussé l'amendement en séance, le ministre ayant annoncé que la CADES rembourserait ses dettes anciennes avant 2014 et serait même, à cette date, excédentaire de 10 milliards.

Pourtant, fin 2003, alors que les assurés sociaux avaient payé 34,3 milliards de CRDS en huit ans, la CADES n'avait encore remboursé que 3 milliards sur le déficit de la sécurité sociale proprement dit... Il est vrai qu'elle avait versé 20,6 milliards à l'Etat, 19 pour la dette du FSV et 1,6 pour des exonérations de charges patronales ! Et dans le même temps, banques, fonds de pension américains, grands groupes d'assurances, qui achètent des titres de la CADES pour se constituer un portefeuille diversifié et rentable, se sont partagé quelque 12 milliards d'intérêts !

Comment peut-on, Monsieur le ministre, prévoir la situation de la CADES en 2014 alors que ses recettes dépendent non seulement de la croissance, mais aussi du taux de la CRDS ? Prévoyez-vous de nouvelles augmentations de ce taux ?

Soyons bien conscients que la CADES n'a remboursé, sur la totalité des dettes reprises, que 15,5 milliards - soit un peu plus que le déficit 2005 ! Les 38 milliards qui restent à payer sont calculés hors intérêts ; quelle conséquence aura la remontée des taux d'intérêt aux Etats-Unis ? La situation est d'autant plus inquiétante que la CADES, qui profitait jusqu'à présent de sa crédibilité auprès des marchés financiers, a dû pour son dernier emprunt, le 9 juin, vendre à perte. En alourdissant considérablement la charge de la CADES, vous aggravez le risque d'une crise financière majeure.

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, ne croyez-vous pas que l'une des premières tâches de la mission d'évaluation sur la sécurité sociale devrait être de se pencher sur la gestion de la CADES ? A défaut, nous demanderons la constitution d'une commission d'enquête. La situation dans laquelle vous mettez la CADES suffirait à motiver notre opposition à ce PLFSS ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bruno Gilles - Après la réforme courageuse de l'assurance maladie, ce PLFSS constitue une première étape du redressement des comptes sociaux.

La loi de financement de l'an passé a conduit à une modification radicale de la gestion des hôpitaux, avec la mise en place de la tarification à l'activité, qui a mis un terme aux effets pervers de la dotation globale. Depuis le 1er janvier 2004, 1600 établissements publics et privés ont basculé dans le nouveau système.

Par ailleurs, le plan Hôpital 2007 a permis de redonner au secteur hospitalier confiance dans l'avenir. Le calendrier initial des opérations est respecté. Ce plan représente 6 milliards supplémentaires d'investissements en cinq ans. Les hôpitaux de l'Assistance publique de Marseille ont bénéficié de 350 millions pour se restructurer. Jamais depuis quarante ans une telle somme n'avait été consacrée aux hôpitaux de Marseille ! La tarification à l'activité apparaît comme l'élément clé du plan Hôpital 2007. Vous avez récemment réuni les représentants institutionnels du monde hospitalier pour constater l'état d'avancement de cette réforme. Le dispositif de soins est rendu plus transparent, et les patients comme les professionnels verront plus clairement ce qui est pris en charge.

Il fallait cependant tenir compte de la disparité des règles de financement entre secteurs public et privé pour les faire converger à une échéance de huit années. La part des budgets hospitaliers financée par la TAA sera portée en 2005 à 20% ou 30% selon les résultats de l'évaluation. Les établissements privés appliqueront à partir du 1er décembre prochain la T2A à la totalité de leur activité, avec toutefois l'application, toutefois, d'un coefficient correcteur pour tenir compte des différences antérieures.

L'article 6 tend à améliorer l'application de la TAA. Or, les établissements hospitaliers de la région Ile-de-France vont bénéficier, dans le cadre du déploiement de la tarification à l'activité, de tarifs de prestation majorés de 7% l'an prochain. Cette région est déjà la seule en métropole, à l'exception de la Corse, à bénéficier de cette correction, les établissements de Paris et de la petite couronne obtenant même un coefficient de majoration de 10% . Ce traitement inégalitaire est destiné à compenser les surcoûts de fonctionnement constatés en Ile-de-France. Mais les grandes agglomérations comme Marseille, deuxième ville de France, supportent des coûts identiques. Ainsi, l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille doit verser tous les ans des indemnités de résidence à ses fonctionnaires qui entraînent un surcoût de 9 millions. L'AP-HM ne pourrait-elle pas bénéficier de la même correction de TAA qu'en Ile-de-France ?

Votre volonté politique de réformes en profondeur commence à porter ses fruits. Ainsi, en septembre, les dépenses de santé ont progressé moins vite pour le quatrième mois consécutif. La régulation des dépenses est donc possible, ce qui permet d'améliorer la situation économique de l'hôpital et de libérer les énergies des établissements de santé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

Mme Hélène Mignon - Madame la ministre de la famille, je me félicite que vous réunissiez le comité de suivi de la loi créant l'allocation de présence parentale. La dernière réunion s'était tenue en 2001, sous l'égide de Ségolène Royal, et j'y assistais avec Marie-Françoise Clergeau et François Brottes. Les dispositions adoptées alors peuvent être améliorées, comme c'est le cas pour toute loi novatrice . De même, il serait bon de rappeler au secteur médico-social l'existence de cette allocation. En effet, 3 200 bénéficiaires est un bien faible chiffre ; nous en attendions le triple. Cependant, 87% d'entre eux se déclarent plutôt satisfaits, 52% regrettant qu'elle ne dépasse pas un an. Ce que vous nous proposez paraît aller dans le bon sens : introduire de la souplesse pour ne pas ajouter le stress au chagrin, améliorer le montant de l'allocation pour éviter que les parents adoptent le système du congé de maladie. Vous nous préciserez quel est l'avenir de cette prestation.

Une mesure qui serait positive si elle n'était pas symbolique est l'allocation à l'adoption. L'adoption d'un enfant recueilli dans une institution à l'étranger coûte cher, ce qui décourage souvent de jeunes couples. Le montant de l'allocation apportera un petit coup de pouce, mais ne résoudra pas le problème. Comment faire pour ne pas pénaliser deux fois ces jeunes couples, par une maternité impossible et par une adoption hors d'atteinte ? La question n'est pas simple, mais l'aide figurant dans votre budget ne pourrait-elle être modulée en fonction des revenus ?

Vous ne donnez pas à la visite médicale que vous instituez en classe de cinquième les moyens de son efficacité. C'est dommage, car elle permettrait d'éviter bien des drames. Vous me répondrez que les comptes de la branche famille font apparaître un déficit d'environ 200 millions en 2004, le retour à l'équilibre étant espéré pour l'an prochain. Mais cette situation financière ne justifie pas la faiblesse du budget de la famille, d'autant que celui-ci n'est pas isolé, mais répond à des exigences nationales.

La conférence de la famille que vous avez présidée en 2004 n'a pas beaucoup inspiré le Gouvernement. Il ne paraît pourtant pas nécessaire d'attendre la prochaine conférence pour répondre aux besoins des enfants, adolescents et jeunes majeurs qui vivent dans des familles pauvres. Cette pauvreté n'est pas seulement absence de ressources immédiates, elle pèse sur la capacité de ces enfants à évoluer, à se construire un capital culturel, social et sanitaire. Leur insertion professionnelle risque de s'en trouver compromise, ainsi que leur aptitude à développer une personnalité autonome. J'emprunte ce constat au rapport du Conseil emploi-revenus-cohésion sociale relatif aux enfants pauvres en France. Tout à l'heure vous avez répondu à une question sur les violences faites aux enfants. Mais ces enfants pauvres ne sont-ils pas eux aussi victimes d'une violence sociale ?

A la veille d'examiner le projet qui a pris le nom de M. Borloo, je ne comprends pas que vous ne vouliez pas vous attaquer à la fracture sociale par des mesures adaptées. Or, tout au contraire, le Gouvernement entreprend de faire des économies sur le dos des plus faibles. Nous critiquons, vous le savez, la hausse de 10 000 à 15 000 euros du plafond ouvrant droit à une réduction d'impôts pour emploi à domicile, qui intéresse au plus 40 000 familles aisées. Comment ne pas faire le parallèle avec les 600 000 enfants pauvres de France ? Un enfant des quartiers défavorisés a droit à une vie décente tout autant que celui qui vit dans une zone pavillonnaire. Mais nous serions naïfs de croire que limiter cette réduction d'impôt suffirait à financer les besoins des familles en grande difficulté.

Oui ou non, votre gouvernement veut-il combattre les inégalités ? La réponse ne peut être que négative, sinon vous n'auriez pas accepté les décrets d'avril et de juillet derniers, qui ont inspiré à l'UNAF un communiqué indiquant que de ce fait 6 000 familles ne bénéficieront plus de prestations telles que l'allocation de rentrée scolaire, le complément familial ou l'allocation de base de la PAJE. Ces familles s'ajouteront aux 130 000 autres qui ne percevront plus d'aide au logement en raison de la hausse du seuil de non-recouvrement des aides, et aux 100 000 pour lesquelles la modification de l'assiette de ressources entraînera la suppression de ces aides.

Alors que le nombre des érémistes a augmenté de 1% en un an, que les statistiques du chômage sont décourageantes, comment ne pas se pencher sur les difficultés qu'éprouvent ces familles tout simplement à vivre ? Le choix du Gouvernement de diminuer les ressources de l'Etat, conjugué à l'augmentation du nombre de chômeurs et à celle des avantages financiers accordés aux entreprises, ne remplira pas les caisses de la sécurité sociale. C'est un choix politique, mais à courte vue.

Alors que le nombre de places en crèche est manifestement insuffisant, le co-financement des crèches d'entreprise n'est pas une bonne idée. Cette formule porterait tort aux droits des travailleurs et à l'avenir des entreprises. En revanche, nous sommes tous convaincus que l'accueil en crèche doit être une chance offerte à la mère et à l'enfant, et aussi à la société. Comment ne pas donner des moyens de vivre plus décemment à toutes ces familles dont le désespoir est tel qu'elles ne remplissent plus leur rôle parental, et que certains adolescents posent dans leur quartier, par leur comportement, des problèmes qui risquent d'aller jusqu'à la rupture du lien social ? Ce qui serait aujourd'hui une dépense budgétaire deviendrait à terme une économie dans les domaines de la santé, de la prévention de la délinquance, de l'insertion sociale et professionnelle. Nous militons tous pour le droit à une deuxième chance, mais convenez qu'il serait préférable de ne pas manquer la première.

Vous l'avez compris, le groupe socialiste ne votera pas votre budget qui, loin de traiter les vrais problèmes, accentue les injustices. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 27 octobre, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure.

                  Le Directeur du service
                  des comptes rendus analytiques,

                  François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 27 OCTOBRE 2004

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 (n° 1830).

Rapport (n° 1876 tomes 1 à 5) de MM. Bernard PERRUT, Jean-Pierre DOOR, Mme Marie-Françoise CLERGEAU et M. Georges COLOMBIER, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Avis (n° 1877) de M. Yves BUR, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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