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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 14ème jour de séance, 32ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 27 OCTOBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

PROTECTION DES SALARIÉS 2

TURQUIE ET UNION EUROPÉENNE 2

RECHERCHE 3

PRODUCTEURS DE FRUITS ET LÉGUMES 4

LOI D'ORIENTATION SUR L'ÉCOLE 5

CALENDRIER ÉLECTORAL 5

TÉLÉVISION NUMÉRIQUE TERRESTRE 6

EXTRADITION DE CESARE BATTISTI 7

DÉPISTAGE DE LA CONSOMMATION
DE STUPÉFIANTS AU VOLANT 8

LOGEMENT 8

AVENIR DE DCN 9

FERMETURE DE TRÉSORERIES DANS LA CREUSE 10

FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2005 (suite) 11

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 34

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

PROTECTION DES SALARIÉS

Mme Janine Jambu - Monsieur le ministre de l'emploi, au mépris du débat national et de la concertation avec les partenaires sociaux, le Gouvernement a choisi d'intégrer en toute hâte les articles du projet Larcher sur les licenciements économiques, dans le projet de loi sur la cohésion sociale, actuellement en cours au Sénat. Un tel empressement est révélateur de la gravité du projet car il s'agit tout simplement de permettre aux chefs d'entreprise de s'exonérer des obligations du code du travail liées à la sauvegarde de l'emploi et de priver les salariés de la possibilité d'obtenir l'annulation des licenciements. C'est le démantèlement du dispositif issu des lois de 1989 et 1993 et visant à protéger les personnels des entreprises de plus de 50 salariés contre les excès de l'arbitraire patronal en matière de licenciement collectif.

Avec ce texte dicté par les entrepreneurs chers à M. Seillière, l'avenir devient synonyme de précarité. Comment, dès lors, pouvez-vous assumer le paradoxe avec les déclarations du Président de la République en faveur de la cohésion sociale, de l'emploi, du logement et de la formation ? En donnant plus de pouvoir à ceux qui ont le regard rivé sur la rentabilité, en supprimant tous les garde-fous conquis par le monde du travail, vous ouvrez la voie à une véritable désintégration sociale.

Nous vous demandons de retirer ces dispositions néfastes ; y êtes-vous prêt ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - En matière de licenciement économique, notre législation est inadaptée : centrée sur la gestion à chaud des crises, elle pousse à la confrontation plutôt qu'au dialogue, mais surtout, elle est profondément inégalitaire, car elle laisse sans aucune garantie de reclassement plus de 80 % des salariés confrontés au licenciement économique. Et vous avez encore aggravé cette situation en votant la loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale. Dès janvier 2003, le Gouvernement en a suspendu les dispositions, et appelé les partenaires sociaux à élaborer, par la négociation, des règles plus efficaces et plus équilibrées. Il leur a laissé un délai de dix-huit mois, porté, à l'initiative du Sénat, à deux ans. Malgré onze séances de négociations, les partenaires sociaux n'ont pu trouver un accord ; aussi, conformément au calendrier qui avait été annoncé, avons-nous établi un avant-projet de loi tenant compte des points de convergence apparus lors des négociations. Ce projet comporte trois lignes directrices : encourager la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au sein des entreprises et des branches, favoriser le traitement négocié des restructurations grâce à la conclusion d'accords de méthode, offrir à tous les salariés un dispositif de reclassement plus efficace et plus égal.

Le choix du Premier ministre d'inscrire cet avant-projet au projet de loi de cohésion sociale est cohérent car il s'inscrit dans l'accompagnement du retour vers le plein emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

TURQUIE ET UNION EUROPÉENNE

M. Jean Leonetti - Monsieur le Premier ministre, au cours du débat à l'Assemblée nationale sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, la grande majorité des députés UMP s'est prononcée contre l'adhésion, mais pour le développement d'un partenariat privilégié. Jacques Chirac a appelé hier à la création de liens forts, en dehors de l'adhésion, qui permettraient d'accompagner ce grand pays sur le chemin de la démocratie et de la laïcité.

Vous avez rencontré hier le Premier ministre turc, M. Erdogan : quel message lui avez-vous transmis au nom de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Hier, à l'issue du Conseil des ministres franco-allemand, nous avons rencontré M. Erdogan, qui nous a interrogé sur la décision du 17 décembre. Jacques Chirac lui a répondu clairement que la décision d'ouvrir les négociations pour l'adhésion se prendrait à l'unanimité. Par ailleurs, il lui a rappelé que si l'ouverture des négociations se faisait dans la perspective d'une future adhésion, la Turquie devait être consciente des trois issues possibles : l'adhésion - ce qui impliquera un référendum en France -, la rupture, ou, si certains points d'achoppement demeurent, une voie médiane qu'il faudra trouver.

Nous avons été clairs : l'ouverture des négociations n'entraînera pas automatiquement l'adhésion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RECHERCHE

M. Pierre Cohen - La politique gouvernementale a mis notre recherche à genoux, ce dont témoigne d'ailleurs la mobilisation de nombreux personnels ainsi que la démission de plusieurs directeurs de laboratoires. Demain auront lieu des états généraux de la recherche à Grenoble. Un débat s'engagera ensuite pour élaborer une loi de programmation et d'orientation à la fin de 2005.

D'ores et déjà, le budget 2005 pour la recherche aurait pu être un signal fort qui aurait montré que vous aviez admis vos erreurs et que vous étiez prêts à relever les défis. Or, malgré vos déclarations tapageuses, les chercheurs ont eux-mêmes dénoncé un budget en trompe-l'œil. Ainsi, vous vous étiez engagés à consacrer un milliard d'euros par an pendant trois ans à ce secteur, quand, en 2005, 350 millions seulement iront aux laboratoires et que les gels successifs se sont élevés à près de 500 millions en deux ans. Vous vous êtes en fait alignés sur le budget de 2001.

Dans la précipitation, vous proposez une défiscalisation en augmentant le crédit d'impôt recherche alors que celui-ci ne garantit en rien la relance de la recherche dans le secteur privé. Vous proposez également d'abonder une agence qui n'est même pas encore créée, ce qui accentue la confusion sur les mesures incitatives déjà existantes ainsi que sur votre projet d'aide aux fondations.

Plus inquiétant encore, l'abandon du plan pluriannuel d'emplois scientifiques impulsé par Lionel Jospin et Roger-Gérard Schwartzenberg et qui visait à relever le défi des dix prochaines années afin d'atteindre le chiffre de 3 % du PIB consacré à la recherche d'ici 2010. C'est d'autant plus catastrophique que vous ne proposez aucune perspective pour les jeunes qui se détournent désormais des carrières scientifiques. La désindustrialisation et le rapport entre les sciences et la société sont deux défis majeurs qui nécessitent une grande réforme. Pensez-vous vraiment disposer de la confiance du pays pour la mener à bien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - S'il est un sujet qui s'accommode mal de la caricature, c'est bien celui de la recherche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). S'il est exact que la crise de la recherche s'est nouée autour d'une décision mal comprise, la crise de ce secteur est néanmoins plus ancienne : notre système de recherche est en effet en crise depuis des années car ni les uns ni les autres n'avons su apporter les réponses nécessaires à l'évolution mondiale de ce secteur.

Les chercheurs sont engagés dans un processus de réflexion dans le cadre des états généraux de la recherche, à Grenoble, où François d'Aubert et moi-même serons présents demain. Sur la base d'un rapport, nous proposerons une loi de d'orientation et de programmation qui sera soumise à l'Assemblée au printemps prochain et qui permettra d'envisager sérieusement l'avenir des carrières scientifiques.

Le budget de 2005 témoigne d'un effort supplémentaire en faveur de la recherche puisque les crédits dédiés seront supérieurs de 10 % par rapport aux années précédentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Cohen - C'est faux !

M. le Ministre - Notre recherche doit être réorganisée. Il faut répondre aux questions posées en ce qui concerne l'évaluation des chercheurs, les liens entre la recherche universitaire et les grands organismes, l'attractivité des carrières scientifiques. C'est précisément ce que nous allons faire, et je l'espère avec votre aide (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PRODUCTEURS DE FRUITS ET LÉGUMES

M. Jean Dionis du Séjour - Les producteurs de fruits et légumes viennent de subir une crise sans précédent alors que cette filière dynamique emploie plus de 200 000 personnes. Nos producteurs sont parfois payés à hauteur de la moitié du prix de revient de la production et les consommateurs, eux, paient un kilo de pommes 2,40 euros alors qu'il a été payé 40 centimes au producteur. L'accord du 17 juin n'a donc pas atteint son but.

Les charges sociales, dans ce secteur sont trop élevées. M. Hervé Gaymard s'est engagé à faire des propositions à l'occasion de la deuxième lecture du projet sur les territoires ruraux au Sénat. Dès lors, Monsieur le ministre de l'agriculture, « de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace ! »

En outre, les rapports de force sont déséquilibré entre la grande distribution et la production : cinq centrales d'achat contre 360 organisations de production. Il est d'ailleurs regrettable que nos collègues de l'UMP aient refusé une commission d'enquête sur cette question (Protestations sur les bancs du groupe UMP) car bien des pratiques devraient être assainies.

M. Gaymard nous a renvoyés au rapport Canivet, que nous avons lu avec soin, mais dont les propositions, hélas, écartent la voie prometteuse du coefficient multiplicateur qui consiste à obliger la grande distribution à mieux rémunérer les producteurs. Je souligne d'ailleurs qu'une proposition de loi de M. Ferrand qui va dans ce sens a été soutenue par 121 parlementaires.

Quelle est la position du Gouvernement quant au coefficient multiplicateur, et compte-t-il rééquilibrer les rapports de force entre producteurs et distributeurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Si je comprends bien, après avoir fait un reproche aux députés de l'UMP, vous souhaitez que le Gouvernement retienne une proposition émanant de ce même groupe ?

Si la situation et la législation actuelles étaient satisfaisantes, M. Gaymard et moi-même n'aurions pas eu à gérer la crise de cet été. Le prix de revient d'un kilo de tomates est de 0,70 centimes chez nous et il est de 0,15 centimes en Pologne : ce n'est donc pas facile.

Le rapport Canivet est important car son auteur est le premier magistrat de France. Nous pouvons lui faire confiance quand il estime que la remarquable proposition de coefficient multiplicateur de Jean-Michel Ferrand n'est pas conforme au droit communautaire : c'est celui qui aura à en juger qui le dit.

M. Jean-Michel Ferrand - Ce n'est pas vrai !

M. le Ministre d'Etat - Le rôle d'un gouvernement n'est pas de faire adopter une législation dont il sait qu'elle sera invalidée par les tribunaux (Protestations sur plusieurs bancs).

A la demande du Premier ministre, j'ai donc pris contact avec le président Barroso (Mêmes mouvements) pour examiner ce que nous pourrions faire, M. Gaymard et moi-même, pour retenir cette proposition. En protestant que ce n'est pas vrai, vous vous faites plaisir : le but n'est pas de condamner à la désespérance des agriculteurs en leur faisant miroiter de fausses promesses et de fausses solutions (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Monsieur Glavany, à votre place je ne prendrais pas la parole sur ce sujet ! (Huées et applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Si j'ai à gérer avec M. Gaymard une situation aussi épouvantable pour les agriculteurs, c'est de votre faute et de la vôtre seule ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Evitons les attaques personnelles.

M. le Ministre d'Etat - Les contrats-types obligatoires, les prix garantis, le plafonnement des marges arrières : la formation des prix agricoles ne peut s'opérer dans le cadre normal. C'est ce que dit le rapport Canivet. D'ici trois semaines, nous ferons avec Hervé Gaymard des propositions précises et applicables par les juridictions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

LOI D'ORIENTATION SUR L'ÉCOLE

M. Richard Dell'Agnola - Il y a un an, Monsieur le ministre de l'Education nationale, le Gouvernement lançait le grand débat national sur l'école voulu par le Président de la République, qui aboutira bientôt à une nouvelle loi d'orientation.

Quinze ans après la loi de 1989, tous les acteurs du monde éducatif attendent une redéfinition de cette mission essentielle qu'est l'éducation. Vous avez associé l'ensemble des Français à ce grand chantier (« Pas vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste) : 26 000 réunions publiques ont été tenues, 50 000 messages électroniques et 1 800 courriers ont été reçus. Cette consultation d'une ampleur sans précédent (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) a permis d'établir un diagnostic et de dégager les grands axes qui présideront à l'élaboration de la loi. Le rapport Thélot a constitué la deuxième étape de ce débat. Parmi ses multiples propositions figure le retour à un socle commun de connaissances, gage de la réussite de tous. Un nouveau pas a été franchi jeudi dernier quand vous avez lancé avec le Premier ministre la concertation avec les organisations syndicales et les associations de parents d'élèves, que vous avez reçus. Cette dernière phase de dialogue est essentielle à la réussite du chantier.

Pouvez-vous nous informer sur cette première table ronde ?Quels en sont les thèmes de travail et le calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - L'école est l'affaire de la nation, et nous voulons la rénover avec tous, sans préjugé ni parti pris, sans nous laisser enfermer dans une vision partisane de son avenir. Le Premier ministre avait donc choisi de lancer un grand débat national sans précédent - vous l'avez dit avec raison - avant de solliciter une commission d'experts indépendants, la commission Thélot. J'ai pour ma part invité tous les groupes politiques à me faire connaître leurs propositions. Le Premier ministre a réuni le 21 octobre l'ensemble des organisations représentatives pour leur proposer une méthode de travail qui a été acceptée par tous : cinq groupes de travail traiteront respectivement des finalités de la scolarité obligatoire - avec la question essentielle du socle -, de l'ouverture sur l'école sur le monde d'aujourd'hui - avec la question stratégique des langues -, des premiers apprentissages, des filières des lycées et des métiers de l'éducation. Les fédérations de parents d'élèves et les personnels de direction seront également sollicités. Les partenaires sociaux seront ensuite reçus pour débattre. Le calendrier sera serré : le projet de loi d'orientation devrait être présenté en conseil des ministres début janvier.

Notre école doit être adaptée avec audace, en tenant compte de l'héritage historique dont nous sommes tous les garants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CALENDRIER ÉLECTORAL

M. Jérôme Chartier - Monsieur le ministre de l'Intérieur, vous avez annoncé en conseil des ministres ce matin le report des élections municipales et cantonales au mois de mars 2008. L'année 2007 était en effet une année d'embouteillage électoral, avec pas moins de cinq élections - municipales, cantonales, présidentielle, législatives, sénatoriales - en sept mois. Il n'y a jamais de solution idéale quand on touche aux rendez-vous électoraux, mais dans le cas présent la nécessité du report s'imposait. Vous avez respecté de justes principes : la séparation des rendez-vous nationaux et locaux (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) - qui sera de neuf mois, permettant aux campagnes de se dérouler dans la sérénité - un rendez-vous en une seule année - non de mars à septembre 2007 mais de mai 2007 à mars 2008.

Trois questions se posent néanmoins : quelles conséquences ces élections municipales auront-elles sur la durée du mandat des élus de mars 2008 ? Quelle sera la durée du mandat des conseillers généraux élus en mars 2004 ? Courra-t-il jusqu'en 2010 ou jusqu'en 2011 ? Enfin, quand présenterez-vous le projet de loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Il est un point sur lequel nous serons tous d'accord : le calendrier électoral pour 2007 est intenable en l'état actuel.

M. Maurice Leroy - Pour qui ?

M. le Ministre - Cinq élections en sept mois, ce n'est pas possible, tant pour des raisons pratiques d'organisation, de contrôle, de financement, que pour des raisons juridiques - il faut prévoir le parrainage pour l'élection présidentielle, il y a donc télescopage avec les élections locales - et pour des raisons politiques - on risque de décourager les électeurs et d'alimenter l'abstention.

Comme toujours en démocratie, il faut faire un choix (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Deux options s'offraient : le double report - report des élections municipales et cantonales en septembre 2007, et des élections sénatoriales fin 2007 - ou le simple report -report des élections municipales et cantonales de 2007 à mars 2008. Ce matin, j'ai proposé au conseil des ministres, qui l'a acceptée, la deuxième option. Pourquoi ? Parce qu'elle a le mérite de la clarté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ; parce qu'elle permet de respecter les électeurs et la sérénité du processus électoral (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ; parce qu'elle est simple, puisqu'il suffira de prolonger d'un an le mandat des conseillers généraux élus en mars 2004 pour qu'il aille jusqu'à son terme légal ; parce qu'elle respecte la démocratie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) tout en permettant une adaptation à l'esprit du quinquennat. Comme il se doit, le projet de loi sera soumis au Conseil d'Etat puis présenté à votre Assemblée avant la fin de l'année. L'esprit et le temps démocratiques seront donc parfaitement respectés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

TÉLÉVISION NUMÉRIQUE TERRESTRE

M. Didier Mathus - M. Fillon vient de nous expliquer que, sous la pression des chercheurs, les crédits de la recherche augmenteront de 10 % en 2005, mais faut-il vraiment lui rappeler que cette hausse sera consécutive à une réduction de 20 % de ces mêmes crédits en 2003 et en 2004 ?

Ma question s'adresse au ministre de la culture. Alors que la télévision numérique terrestre, enjeu démocratique majeur, devrait voir le jour, le Gouvernement semble prêter la main aux manœuvres de la société Bouygues, de TF1 et de M6. En effet, tout est prêt. Mais ce serait alors la fin du quasi-monopole de TF1 et de M6 en matière d'offre télévisuelle. Aussi, tout est fait pour que nos medias restent aux mains d'une oligarchie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). C'est ainsi que TF1, par une manœuvre dilatoire, évoque la mise au point d'une nouvelle norme technologique qui rendrait obligatoire l'achat d'un téléviseur neuf coûtant quelque cinq mille euros, ainsi que d'un décodeur. Il est évident qu'un tel système, inusité partout ailleurs, ne bénéficierait qu'à quelques privilégiés. Ce dont il s'agit, c'est bien de tuer dans l'œuf la télévision numérique terrestre gratuite pour tous, afin de préserver les intérêts de TF1 et de M6 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Et c'est ainsi que, contre l'avis unanime du CSA, la France s'apprête à faire un choix incompréhensible. Mais il faut dire que, depuis les dernières élections, le Gouvernement n'en finit pas de payer sa dette à la société de Martin Bouygues, dont on connaît les liens personnels étroits avec M. Sarkozy (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP). La soumission du Gouvernement aux intérêts particuliers (Huées sur les bancs du groupe UMP) étant ce qu'elle est, mieux vaudrait, Monsieur le ministre, céder votre fauteuil à M. Le Lay, puisque c'est lui qui détermine votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe UMP)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Je trouve déplorable ce ton polémique pour traiter d'un sujet qui intéresse nos concitoyens au premier chef. La télévision numérique terrestre constitue en effet une offre audiovisuelle élargie, à la disposition de tous nos concitoyens grâce à une technologie qui est désormais à portée de main. Pour autant, nous serions inconséquents si nous ne procédions pas aux vérifications juridiques et technologiques qui s'imposent. C'est pourquoi je suis allé à Londres, en compagnie du président du CSA, me rendre compte sur place d'une expérience réussie. Il n'y a là rien de dilatoire ! Au contraire, ce que nous avons vu devrait permettre au Premier ministre et au CSA de confirmer, dans un avenir très proche, que la norme que nous allons proposer, et qui permettra au téléspectateur d'accéder à 15 chaînes gratuites supplémentaires, est performante. Il n'y a là aucune manœuvre et je vous serais reconnaissant de ne jamais utiliser le terme de « décodeur », qui donne à penser que la télévision numérique terrestre serait une technologie compliquée ou une forme de télévision payante, alors qu'elle n'est ni l'une, ni l'autre. Le Premier ministre confirmera l'entrée en vigueur de cette nouvelle offre télévisuelle en 2005, ce qui n'exclut pas que d'autres normes puissent voir le jour ensuite (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais cela n'a rien à voir : ce sera une étape ultérieure (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXTRADITION DE CESARE BATTISTI

M. Richard Mallié - J'associe à ma question mes collègues Franck Gilard et Pierre Lellouche. Le 6 juin 1978, à Milan, le gardien de prison Antonio Santoro a été assassiné par plusieurs coups de feu tirés dans le dos. Le 16 février 1979, à Mestre, le boucher Lino Sabbadin a été tué parce qu'il s'opposait à un vol avec violence commis à l'encontre du bijoutier Pierluigi Torregiani, lui-même assassiné ce jour-là devant son jeune fils qui, également touché par balles, est à présent paraplégique. Enfin, le 19 avril 1979, le policier Andre Campagna a, lui, été assassiné de cinq balles tirées à bout portant. C'est pour ces quatre meurtres que la justice italienne a condamné Cesare Battisti, par contumace, en 1990. Et c'est pour qu'il purge sa peine que l'Italie a demandé son extradition, le 3 janvier 2003, à la France, où il vivait, libre. Après que toutes les voies de recours eurent été utilisées par Battisti, le Premier ministre a signé le décret d'extradition samedi dernier. Mais, depuis l'origine, de multiples voix se sont élevées à gauche, chez les Verts et à l'extrême gauche, voix de donneurs de leçons (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) qui se sont répandues dans la presse et qui ont multiplié les pétitions, non pour dénoncer ces crimes odieux mais pour fustiger le Gouvernement et tenter de mettre Battisti sous la protection de la ville de Paris ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP) Je vous le demande donc avec solennité, Monsieur le Garde des Sceaux, réaffirmez la voix de la raison !

Une démocratie et un Etat de droit ne peuvent que répondre favorablement à cette demande (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et de nombreux bancs du groupe UDF).

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - La voix de la raison, c'est le respect du droit (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP). La Cour d'appel de Paris ayant donné un avis favorable à la demande d'extradition de Cesare Battisti formulée par l'Italie, le Premier ministre a logiquement signé, sur ma proposition, le décret d'extradition (Mêmes mouvements).

Je rappelle tout d'abord que M. Battisti a été condamné dans des conditions jugées conformes à la convention européenne des droits de l'homme, après que l'Italie a modifié sa législation en 1989 pour respecter cette convention. J'indique ensuite que le Gouvernement considère que l'on ne peut pas participer sérieusement à la construction d'un espace judiciaire européen, visant notamment à lutter efficacement contre le terrorisme et la grande criminalité, et dans le même temps ne pas respecter ses engagements internationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) J'affirme enfin que le Gouvernement a respecté ses engagements et sa parole car la parole de la France s'exprime dans les traités internationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

DÉPISTAGE DE LA CONSOMMATION DE STUPÉFIANTS AU VOLANT

M. Jean-Pierre Dupont - Monsieur le ministre de l'intérieur, il ne se passe pas de jour sans que la presse ne se fasse l'écho d'accidents de la route dus à la consommation de drogue - j'en ai encore eu récemment un bien triste exemple dans ma circonscription.

Plusieurs députés socialistes - Et à cause de l'alcool ?

M. Jean-Pierre Dupont - Depuis le vote en janvier 2003 de la proposition de loi de notre collègue Richard dell'Agnola, notre pays dispose d'un arsenal législatif permettant de sanctionner sévèrement les automobilistes conduisant sous l'emprise de stupéfiants, mais aussi d'effectuer des dépistages aléatoires sur les routes, à l'instar de ceux pratiqués pour la consommation d'alcool. Les résultats des contrôles, qui se sont multipliés ces derniers mois, confirment l'importance de la consommation de drogues, de cannabis en particulier, par les conducteurs. Hélas, les seuls tests pour l'instant reconnus légalement consistent en des analyses d'urine et de sang, qui permettent de détecter la consommation de stupéfiants et la date de cette consommation. Ils sont toutefois lourds à mettre en œuvre. La solution réside sans doute dans la généralisation des tests salivaires, beaucoup plus simples tout en étant fiables, et qui sont déjà utilisés depuis longtemps dans les pays voisins, en Allemagne en particulier. Une expérimentation concluante a déjà eu lieu en Vendée et en Seine-Saint-Denis. La mise sur le marché de ces tests est donc très attendue dans notre pays. Quand aura-t-elle lieu ? Quels sont les résultats des opérations policières de ces derniers mois et d'une manière plus générale, Monsieur le ministre, que bilan dressez-vous de la loi de février 2003, près de deux ans après son adoption ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - La conduite sous l'emprise de drogues se révèle particulièrement meurtrière, à l'origine de 15 % des accidents graves et même du quart d'entre eux dans les villes les nuits de week-end.

Après le vote de la loi de février 2003, qui a créé le délit de conduite sous l'emprise de stupéfiants, il nous fallait nous doter des outils techniques permettant d'appliquer cette loi. Je les ai commandés au centre d'études et de recherches logistiques de la police nationale, qui a mis au point un test salivaire, simple et fiable. Maintenant validé, et après avoir été testé lors de plusieurs opérations, notamment dans les Yvelines et en Seine-Saint-Denis, ce test peut maintenant être généralisé. Il le doit lorsque les contrôles réalisés en septembre dernier, essentiellement à la sortie de boîtes de nuit, ont montré que sur 41 conducteurs interpellés, 38 d'entre eux, en très grande majorité des jeunes, étaient réellement sous l'emprise de stupéfiants. En dépit de son coût relativement élevé - de quinze à vingt euros -, nous avons bien la ferme intention de généraliser ce test dans le courant de 2005, comme cela a été fait en Allemagne où il est utilisé à titre préventif et répressif, ou bien encore en Italie où il n'est utilisé qu'à titre répressif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

LOGEMENT

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ma question s'adresse au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, dont les promesses en matière de logement ne sont pas crédibles. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Hier, lors des questions au Gouvernement, le secrétaire d'Etat au logement a, comme d'habitude, imputé la très grave crise du logement actuelle au gouvernement précédent. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP), ce qui est particulièrement scandaleux. En effet, en 2001, 44 000 logements neufs ont été financés contre seulement 43 000 en 2003, et en 2000, 112 000 logements ont bénéficié d'une aide à la réhabilitation, contre seulement 80 000 en 2003. Qui donc trompe les Français ? (« Vous ! » sur les bancs du groupe UMP) Et près de 300 000 ménages bénéficieront d'un allègement de l'impôt de solidarité sur la fortune en 2005... quand dans le même temps, vous en avez exclu 200 000 d'aides au paiement de leur loyer. Pour qui gouvernez-vous donc ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Aujourd'hui s'ouvre au Sénat le débat sur le projet de loi de prétendue cohésion sociale, lequel prévoit la construction de 500 000 logements sociaux en cinq ans. Mais le Gouvernement, pour qui la solution de la crise du logement n'est pas une priorité, n'a pas accordé les crédits nécessaires et les engagements ne pourront être tenus.

Un autre scandale est que les locataires sont rançonnés pour remplir les caisses de l'Etat. Ce sont en effet les bailleurs sociaux qui assurent la trésorerie de l'Etat : celui-ci leur doit 500 millions d'euros, soit l'équivalent d'une année des subventions qui leur sont promises dans le futur plan.

M. le Président - Posez votre question, je vous prie.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Est-ce aux locataires, qui subissent déjà de fortes hausses de loyer, de supporter encore le poids de cette dette colossale ?

M. Borloo est-il un magicien ou un bonimenteur ? s'interrogerait un prestigieux quotidien. Ma question traduit le même doute : le ministre de la cohésion serait-il celui de l'illusion sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Marc-Philippe Daubresse, secrétaire d'Etat au logement - La grande cause nationale du logement mérite mieux que de la politique politicienne ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Elle requiert de la vérité. Vous n'empêcherez pas les chiffres de parler : je maintiens que, durant les vingt dernières années, le record historique de la baisse de production de logements sociaux, c'est sous le gouvernement Jospin en 1999, avec 40 000 produits quand il en fallait 80 000 ! (Mêmes mouvements) C'est donc bien le gouvernement Jospin qui nous a fait entrer dans la crise, et le gouvernement Raffarin nous en fera sortir. Y a-t-il, Monsieur Le Bouillonnec, deux catégories d'élus socialistes, ceux que je rencontre sur le terrain, tous les jours, et qui disent merci pour le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo, et ceux qui à l'Assemblée tiennent un autre discours ? Ceux qui comme Jack Lang, devant des millions de téléspectateurs, disent que le plan Borloo est un bon plan, et ceux qui souffrent aujourd'hui d'amnésie ? (Mêmes mouvements) Ceux qui comme vous, Monsieur Le Bouillonnec, me disent au congrès HLM de Montpellier : si vous tenez les engagements pris légitimement à la demande du président Delebarre, je soutiendrai votre plan - et qui disent ici le contraire ? (Mêmes mouvements ; huées sur les bancs du groupe UMP) Vous souffrez de schizophrénie !

Regardez plutôt le budget du logement pour 2005. A périmètre équivalent, il augmente de 8 %. Regardez les aides personnelles au logement : 333 millions d'euros de plus, soit une hausse de 7 % ! Cessez donc de mentir. Il y a ceux qui comme vous se cherchent des excuses, et ceux qui comme nous trouvent des moyens ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

AVENIR DE DCN

M. Charles Cova - Ma question, à laquelle s'associe M. Guy Teissier, président de la commission de la Défense, s'adresse à Mme la ministre de la Défense. Madame la ministre, comme rapporteur des crédits de la marine, j'ai été attentif au discours par lequel vous avez inauguré lundi le dix-neuvième salon Euronaval. Vous avez signé avec votre homologue italien un accord de coopération sur vingt-sept frégates multi-missions, dont dix-sept pour la France. Cet accord est important pour deux raisons. Il confirme d'une part une politique de coopération que vous avez su relancer et défendre dès votre arrivée ; il conforte d'autre part le bien-fondé de la création en juillet 2002 d'ARMARIS, société commune DCN-Thales pour la maîtrise d'œuvre des programmes navals à l'exportation.

Mais la réussite de ce programme franco-italien ne peut occulter le fait que l'industrie navale en Europe est très dispersée : vingt-et-un industriels et vingt-trois chantiers navals contre quatre industriels et six chantiers aux Etats-Unis. Comment, dans ces conditions, rester compétitifs, en France mais aussi en Europe? Je ne peux donc qu'approuver votre stratégie, et je vous cite : « clarifier le secteur de l'industrie navale, c'est rapprocher ceux qui conçoivent les navires de ceux qui conçoivent leurs systèmes de combat ». En Allemagne, c'est quasiment fait entre HDW et Thyssen-Krupp ; en Angleterre, on parle du printemps 2005. Notre pays ne peut rester hors de ce processus. C'est pourquoi vous avez annoncé l'ouverture du capital de la DCN, pour lui permettre des alliances, françaises puis européennes ; le capital de la société mère ou de ses filiales restant majoritairement public.

C'est une décision majeure que je soutiens et l'occasion pour moi de vous poser deux questions. Tout d'abord, avec la disposition de la loi de finances rectificative pour 2004 qui ouvre le capital de DCN, l'industrie française pourra-t-elle répondre à temps aux défis de la consolidation européenne et aux attentes des pays partenaires ? D'autre part, la transformation en deux ans de DCN en société de droit commun traduit aussi le remarquable soutien apporté par son personnel à travers le contrat d'entreprise. L'ouverture du capital est-elle susceptible de remettre en cause les cadres juridiques de ce personnel ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - La transformation de DCN est une réussite. La société est même en avance sur son plan pluriannuel, et remplit totalement les demandes de la marine, avec un excellent résultat en termes de coût et d'efficacité. Nous pouvons aujourd'hui passer à une nouvelle phase. Face à la concurrence internationale, seules les sociétés de dimension européenne pourront résister. C'est pourquoi je souhaite que DCN puisse s'appuyer sur des partenaires qui puissent l'aider au plan commercial et industrie à acquérir cette dimension, qui permettra ensuite des rapprochements européens. C'est le but du texte d'ouverture du capital, qui intervient alors même que DCN et Thales poursuivent leurs discussions. Ce texte apportera la souplesse nécessaire pour permettre des rapprochements. Il sera bien entendu présenté à l'ensemble des personnels. Il garantira que la société reste une entreprise publique, et que l'unité du groupe sera maintenue, ainsi que les statuts des personnels et leurs droits. J'ai souhaité que ce texte intervienne maintenant, et non au détour d'un amendement comme il est arrivé, parce que je veux une totale transparence vis-à-vis des parlementaires comme des personnels. Car c'est en s'appuyant sur la qualité des personnels, ainsi que sur la nouvelle souplesse offerte, que nous gagnerons le pari de la réussite de DCN. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

FERMETURE DE TRÉSORERIES DANS LA CREUSE

M. Jean Auclair - Ma question s'adresse à M. Bussereau et concerne tous les élus municipaux, notamment ceux des départements ruraux. J'ai mal à ma Creuse ! C'est un beau département et il y fait bon vivre. Samedi, après l'assemblée générale de l'association des maires, une triste image de la Creuse a été véhiculée par les médias nationaux, à l'initiative des conseillers généraux er régionaux socialistes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Conservateurs et ringards, ils ont poussé les élus municipaux à démissionner, sans le faire eux-mêmes - sauf un, qui n'est pas maire. La raison de ce numéro de basse politique politicienne ? La fermeture de cinq trésoreries, où le nombre quotidien d'opérations allait de 0,6 à 2,5... (Mêmes mouvements) Il est temps de dire aux Français que l'opération « Bercy en mouvement », qui condamne ces trésoreries, est l'œuvre de M. Fabius ! A l'époque c'était le silence radio à gauche. Mais à l'heure où se profile l'élection du président des maires de France, la démagogie et le populisme s'emparent des conseils généraux de gauche de plusieurs départements ! (Mêmes mouvements) Je vous demande, Monsieur le Ministre, de dénoncer cette pitoyable comédie politique. A l'UMP, nous sommes attachés plus que quiconque aux services publics. A la campagne, un café-restaurant, un multiservices, un distributeur de carburant, des professionnels de santé, voilà qui est plus important pour la population qu'une trésorerie peu fréquentée. Et si ces services disparaissent, voit-on les élus démissionner ? Non. Il est temps de dire aux élus locaux que le Gouvernement a la volonté de développer les territoires ruraux en accompagnant la demande de nouveaux services. La gauche demande un moratoire des services publics, donc le gel d'une carte vieille de cinquante ans. Elle n'a pas compris que la société évolue sans cesse. L'avenir du monde rural passe par une modernisation des services publics et une amélioration de leur qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - Le Gouvernement et le Premier Ministre sont particulièrement attachés à la défense de la ruralité.

M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas vrai !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat - Cet attachement a été rappelé solennellement ce matin à l'occasion du conseil des ministres. En ce qui concerne la Creuse, il s'agit d'une manipulation politique et médiatique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) parfaitement orchestrée. Cinq trésoreries vont être fermées, mais après concertation entre le préfet, le trésorier payeur et les élus. Comme vous l'avez dit, elles recevaient en moyenne deux visites par jour, parfois moins. Il fallait trouver une solution. Des permanences seront organisées le jour de marché et une liaison informatique établie entre les mairies et la trésorerie générale. Surtout, nous agissons dans l'intérêt du monde rural. Le département de la Creuse dans son entier a été classé en zone de revitalisation rurale, et, comme l'ont souhaité le Président de la République et le gouvernement, l'ensemble du Limousin recevra le haut débit. C'est là qu'est l'avenir du monde rural. Nous le prenons au sérieux et nous ne nous laisserons pas abuser par des manipulations politiques comme celle que vous avez dénoncée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de Mme Guinchard-Kunstler.

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2005 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

M. Marc Bernier - Le vote de la loi du 9 août dernier, relative à la politique de santé publique, répondait à la volonté de rénover notre politique sanitaire. En effet, s'il était reconnu que notre système de soins curatifs était l'un des meilleurs au monde, il n'en demeurait pas moins que la santé publique souffrait d'une mortalité prématurée, essentiellement due à une politique de prévention lacunaire, et d'inégalités de santé entre les catégories de population, les sexes, ou les régions.

La loi du 9 août a permis de rééquilibrer notre organisation sanitaire, et de développer la politique de prévention, mais j'aimerais vous interroger, Monsieur le ministre, sur le financement du dépistage systématique du cancer du sein.

Cette maladie, dont la prévention est un objectif majeur, est la première cause de décès par cancer chez la femme, malgré de nombreux efforts en la matière, notamment en termes d'informations à l'égard des personnes qui présentent un terrain sensible.

Par rapport à ses voisins européens, la France n'a pas suffisamment développé sa politique de dépistage, et n'a pas résorbé les inégalités d'accès à de telles prestations sanitaires.

Dans ces conditions, j'ai eu l'honneur d'être chargé par Jean-Michel Dubernard de rédiger un rapport sur les résultats du dépistage du cancer du sein. L'étude a mis en évidence la justification médicale des campagnes programmées de dépistage, campagnes qui permettraient selon plusieurs études une réduction significative de la mortalité par cancer du sein sur les populations étudiées et du même coup une réduction importante des coûts liés aux thérapies induites.

On constate cependant une insuffisante participation des femmes invitées à subir un examen de dépistage. Le taux a été de 38 % quand la préconisation européenne était de 70 %. L'autre point noir est le délai moyen de prise en charge - temps écoulé entre la date du dépistage et celui du premier traitement - qui est de 2,6 mois alors que la recommandation européenne est de quatre semaines.

Même si notre programme de dépistage reste assez performant, il doit être amélioré autour de trois objectifs.

Le premier concerne la nécessaire substitution des actions de dépistage organisé au dépistage individuel, qui suppose d'abord qu'on identifie mieux les actions relevant du dépistage organisé de celles relevant d'actions individuelles. On pourrait ne prendre en charge, outre les actes concernant les femmes présentant un risque particulier, que les dépenses engagées lors du dépistage organisé. Favoriser les programmes organisés permettra d'accroître la qualité globale du dépistage et d'en évaluer plus facilement les résultats tout en assurant une meilleure maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie.

Le second objectif serait de limiter le remboursement des dépistages aux femmes âgées de 50 à 74 ans, sauf pour les femmes présentant un risque particulier. L'opportunité de supprimer ou de réduire la prise en charge des examens hors dépistage organisé peut être discutable, mais elle est néanmoins fondée sur les expériences des autres pays européens.

Enfin, il serait intéressant de pouvoir standardiser les indicateurs d'efficacité aux niveaux régional et national et de faire réaliser une évaluation dans quelques départements ciblés. Il faudrait en outre combler les lacunes accumulées en terme d'équipements et anticiper les effets de la diminution prévisible des effectifs des radiologues, des gynécologues et des médecins généralistes. L'organisation du programme de dépistage doit être modernisée pour mieux informer les femmes concernées et réduire les inégalités d'accès aux soins. Il importe également de mieux associer les médecins traitants.

L'assurance maladie, quant à elle, devrait disposer de moyens nouveaux pour améliorer son système d'information, identifier les dépistages spontanés et faciliter la prise en charge immédiate des traitements.

Je vous demande donc, Monsieur le ministre, de garantir le financement d'une telle politique et je vous propose la mise en place d'une évaluation du dépistage organisé du cancer du sein afin de vérifier l'amélioration du taux de participation et de dresser le bilan coûts/efficacité de la politique de prévention qui sera mise en œuvre.

Je soutiens un projet qui respecte les engagements législatifs que nous avons adoptés cet été, notamment pour soigner mieux en dépensant mieux, et pour assurer l'égalité des citoyens devant l'offre de soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pascal Terrasse - Vous présentez en fait un budget de transition et non d'action puisqu'il faut attendre la loi organique qui en refondra l'architecture comptable...

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Juridique !

M. Pascal Terrasse - Cette loi aurait dû être présentée à l'automne.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Après le PLFSS.

M. Pascal Terrasse - Depuis les plans Juppé, notre système de financement de la sécurité sociale est un patchwork : il manque de lisibilité et décrédibilise l'action du Parlement.

M. Gérard Bapt - Exact !

M. Pascal Terrasse - Ce budget est insincère et irréaliste. Le niveau de fixation de l'ONDAM est non seulement un enjeu financier mais également un enjeu de crédibilité politique.

M. Gérard Bapt - Tout à fait.

M. Pascal Terrasse - Or, l'ONDAM rebasé est cette année de 131 milliards et l'ONDAM prévisionnel pour 2005 a été fixé à 134,9 milliards. Ainsi, année après année, les objectifs que nous devons atteindre ne sont pas respectés.

A l'occasion de la réforme de l'assurance maladie, M. le ministre a indiqué que si l'on dépense plus de 0,75 % de ce qui est prévu, un système d'alerte permet au Parlement d'intervenir. Or, il apparaît qu'il faudra faire appel à ce système dès le début de l'année prochaine.

Pour le secteur sanitaire et médicosocial, soit on « taille dans le lard » mais je ne pense pas que ce soit votre intention, soit on laisse filer les dépenses. En ce qui concerne l'hôpital, la hausse des dépenses est évaluée à 4,74 % et vous proposez un financement qui progressera de 3,6 % : le déficit sera donc à nouveau au rendez-vous.

De la même façon, pour le secteur médicosocial, l'évolution serait de 5,2 %, mais, sur ce pourcentage, 2,5 % correspondent au financement de mesures nouvelles. Ce secteur bénéficiera donc d'une hausse effective de 2,7 % alors que la réforme « Fillon » relative aux 35 heures représentera un surcoût de 3 % pour l'ensemble des associations qui gèrent ce secteur.

Mme Chantal Bourragué - Ce sont les 35 heures qui ont coûté cher !

M. Pascal Terrasse - Les associations ont d'ailleurs signalé qu'en l'absence d'une réévaluation, environ 13 000 emplois pourraient être supprimés.

La situation n'est guère meilleure en ce qui concerne la branche vieillesse. M. Fillon, estimant que la réforme sur les retraites entraînerait des déficits en 2006, a envisagé la création d'une taxe de 0,2 % sur la masse salariale. Or, j'ai déjà eu l'occasion de dire que les mesures du Gouvernement mettront la CNAV en difficulté dès 2005 : il ne suffit pas de prendre des mesures, encore faut-il les financer.

M. Gilles Artigues - Parole d'expert !

M. Pascal Terrasse - Votre imprévision politique nuit aux comptes sociaux, et ce sont les petits assurés qui devront payer alors que parallèlement vous diminuez l'ISF.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance maladie et les accidents du travail - C'est petit.

M. Pascal Terrasse - Ce budget est en définitive dangereux pour les assurés sociaux, et nous aurons l'occasion de le rappeler, même si cela vous gêne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Chantal Bourragué - L'article 24 du PLFSS prévoit le doublement de la prime d'adoption, qui passe de 812 euros à 1624 euros. Cette prime, désormais adossée à la prestation d'accueil du jeune enfant - la PAJE - offre une reconnaissance identique à tous les types de parentalité. Contrairement à ce que prétend Mme Fraysse, ce n'est pas de la démagogie mais une mesure juste et concrète.

Depuis janvier 2004, 50 000 primes à la naissance sont versées régulièrement aux familles françaises. Plus de 550 000 familles ont bénéficié de l'allocation de base de la PAJE, dont plus de 1 000 familles au titre de l'adoption. Dans 43 % des cas, cette allocation est versée pour la naissance d'un premier enfant, ce qui constitue un réel progrès.

La PAJE aide également les parents qui souhaitent réduire leur activité professionnelle. Elle contribue aussi au libre choix du mode de garde pour les parents qui confient leurs enfants à une assistante maternelle ou à une garde d'enfants à domicile. La PAJE améliore donc la vie des familles. 750 000 familles ont perçu le complément de libre choix d'activité, 100 000 le complément de libre choix du mode de garde : les chiffres interdisent de parler de démagogie.

Vous prenez désormais en considération les besoins des familles adoptantes, qui subissent des contraintes spécifiques et coûteuses : frais de dossier, nombreux déplacements en France ou à l'étranger, frais d'entretien de l'enfant dans certains pays étrangers. Je suis certaine que les familles candidates à l'adoption seront sensibles à cette reconnaissance. L'adoption, démarche volontaire et généreuse, ne doit pas être semée d'embûches ni réservée aux plus aisés.

Au-delà de cette mesure, vous posez les bases de la réforme de l'adoption. Quoi qu'en dise Mme Mignon, votre réflexion ne s'est pas bornée à une mesure symbolique de doublement de la prime d'adoption.

Vous voulez améliorer l'adoption : nous savons en effet combien il est difficile d'adopter un enfant.

La concertation est conduite depuis plusieurs mois avec les associations, le Conseil supérieur de l'adoption et un groupe de travail à l'Assemblée nationale, présidé par Mme Tabarot et auquel je participe.

La réforme devrait aboutir à une procédure plus simple et plus juste.

Deux points majeurs plaident en sa faveur, à commencer par la situation des pupilles de l'Etat dont le nombre, nous avez-vous dit lors de votre audition, Madame la ministre, est en hausse. Voilà qui est étonnant quand tant de familles sont en attente d'adoption. Il faut donc relancer des évaluations et des actions par département.

Pour ce qui est de l'adoption internationale, les couples Français ont parfois le sentiment d'être défavorisés, des rigidités propres à notre pays rendant semble-t-il l'adoption plus difficile pour eux. La réforme devra donc prendre en compte ces dysfonctionnements. Les candidats à l'adoption doivent avoir accès à toutes les informations.

Vous demandez aux services consulaires d'apporter un appui renforcé aux familles, avec la création d'un réfèrent adoption. Vous envisagez également de créer une agence française de l'adoption pour accompagner les familles.

Ces mesures vont dans le sens d'une meilleure harmonisation de procédures toujours plus complexes. En harmonisant les dossiers, gardons-nous toutefois de les surcharger. La simplicité est un gage d'efficacité, et la souplesse nous permettra de nous adapter aux évolutions des différents pays.

24 000 familles sont aujourd'hui en attente d'un enfant, pour seulement 5 000 adoptions chaque année, dont 3500 à l'étranger. Les couples français en attente d'adoption ne doivent plus se sentir pénalisés. Nos administrations - dont je salue le dévouement - et la réforme toute entière doivent être guidées par l'intérêt primordial de l'enfant qui est de trouver une filiation stable.

On ne peut imaginer ce que représente pour un enfant adopté son inscription sur le livret de famille : cette filiation reconnue va pour lui de pair avec la stabilité affective.

Madame la ministre, je voterai bien sûr votre projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Elisabeth Guigou - C'est le troisième projet de loi de financement de la Sécurité sociale que vous nous soumettez. Vous avez eu le temps, depuis 2002, de mettre en œuvre vos décisions et de faire voter l'été dernier votre réforme de l'assurance maladie. La situation de notre système de protection sociale est donc l'entier produit de votre politique. Or, que constatons-nous ? Notre sécurité sociale est embourbée et menacée de banqueroute financière.

Votre politique fragilise notre système de protection sociale : cette année, pour la première fois, toutes les branches de la Sécurité sociale sont déficitaires.

M. Pascal Terrasse - C'est unique !

Mme Elisabeth Guigou - Alors que le gouvernement Jospin avait restauré l'équilibre des comptes, vous l'avez détérioré à une vitesse sans précédent. Excédentaire de 1,2 milliards d'euros en 2001, le régime général est déficitaire de 14 milliards d'euros en 2004 ! Pour l'assurance maladie, le déficit a été multiplié par six en trois ans, passant de 2,1 à 13,2 milliards d'euros : c'est la plus forte dégradation financière de l'histoire de la Sécurité sociale.

Sur les dépenses de l'assurance maladie, vous avez fui vos responsabilités, en laissant filer les dépenses pendant les années 2002 et 2003, avant d'engager l'été dernier une réforme en trompe-l'œil qui, au lieu de réorganiser l'offre de soins, se contente de reporter sur les générations futures la note - salée : près de 35 milliards d'euros - de vos déficits passés, actuels et même futurs !

Vous vous félicitez, avec raison, de ce que les dépenses de santé augmentent moins vite depuis un an. Tant mieux. Mais après le pic de 2002 et 2003, vous revenez en fait au rythme des années 1997-2001.

M. le Ministre - Ce n'est pas vrai.

Mme Elisabeth Guigou - Ce ralentissement bienvenu vous a conduit à fixer pour l'ONDAM un objectif optimiste. Je ne vous le reprocherai pas : ce n'est qu'un objectif et ce n'est pas un crime d'être optimiste. Mais je m'inquiète de votre politique hospitalière. Les hôpitaux estiment que les reports de charges accumulés représenteront plus de 600 millions d'euros en 2005, quand vous ne prévoyez que 300 millions. Plus grave, vous avez annoncé hier à la presse que vous exigeriez des hôpitaux pas moins de 850 millions d'euros d'économies en trois ans sur leurs achats. Ceci conduira de nombreux établissements à fermer des services ou à comprimer leurs effectifs. A ce niveau de restriction financière, il ne s'agit plus de rationalisation des tâches : on met en danger la qualité des soins à l'hôpital.

Autre sujet d'inquiétude, les grands programmes de prévention. Bernard Kouchner et moi-même avions lancé en mars 2001, lors de la Conférence nationale de la santé, une série de grands plans pluriannuels de santé publique pour lutter contre le cancer, les maladies cardiovasculaire, le diabète, l'asthme, l'insuffisance rénale chronique, la mucoviscidose, le sida, les hépatites, les maladies émergentes ou orphelines, le suicide. Nous ne nous étions pas contentés d'effets d'annonce : ce plan était doté d'une enveloppe de 1,1 milliard de francs dans le budget du ministère. Qu'est-il advenu de ces financements ? Allez-vous les reconduire ? Nous avions lancé avec Paulette Guinchard-Kunstler et Bernard Kouchner un programme contre la maladie d'Alzheimer, dont souffrent 800 000 personnes dans notre pays. Pour permettre aux familles de souffler et aux malades de recevoir des soins adaptés, nous avions décidé la création de plus de 7000 places dans les structures d'accueil de jour. Rien n'a été fait et les associations ont manifesté leur colère, le 22 juin dernier, au Trocadéro. Vous avez fait des annonces : où sont les financements ?

M. le Ministre - Ils y sont.

Mme Elisabeth Guigou - S'agissant des recettes de l'assurance maladie, vos prévisions sont irréalistes et insincères. Vous tablez sur une progression accélérée de la masse salariale de 4 % en 2005, après 2,6 % en 2004, alors que rien ne permet d'envisager une baisse du chômage en 2005. Le taux de croissance du PIB, sur lequel vous fondez vos prévisions, est fortement compromis, en l'absence de toute politique de soutien volontariste à la croissance et à l'emploi de votre part, par le ralentissement de la croissance mondiale et par le prix élevé du baril de pétrole - 50 dollars - qui excède de loin l'hypothèse de 35 dollars du projet de loi de finances.

Les seules recettes nouvelles proviennent de l'augmentation des charges sur les malades : forfait hospitalier porté à 16 euros, franchise d'un euro sur les consultations, hausse de la CSG.

Au total, avec cette politique qui sacrifie l'hôpital, rogne sur les programmes de prévention et table sur des recettes imaginaires, arrivez-vous au moins à réduire le déficit ? Même pas. Vous espérez un déficit de 8 milliards d'euros pour l'assurance maladie, objectif aussi abyssal que celui de 2003, et ce au lendemain d'une réforme censée rééquilibrer son financement !

Marie-Françoise Clergeau a été très éloquente hier sur la branche famille. Vous pénalisez les familles les plus modestes sans favoriser les équipements collectifs. Je m'interroge également sur la réforme du statut des assistantes maternelles, que l'on sollicite de plus en plus et qui ont droit, elles aussi, à une progression de carrière.

Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance - En décembre !

Mme Elisabeth Guigou - Je terminerai sur un sujet passé à la trappe - celle qui sépare vos attributions de celles de M. Borloo -, celui des accidents du travail. On sait que l'automatisation et l'intellectualisation du travail n'ont en rien supprimé la souffrance physique et mentale au travail. On dénombre 2 000 accidents du travail par jour en France, qui occasionnent une incapacité au moins temporaire. Leur coût social, cumulé à celui des maladies professionnelles, est évalué à 3 % de la richesse nationale annuelle, soit l'équivalent de plus d'une dizaine de lundis de Pentecôte par an... Les enquêtes européennes soulignent non seulement la progression du stress des travailleurs, mais aussi une épidémie de troubles musculo-squelettiques d'origine professionnelle, due à la généralisation du travail sur écran. Une action collective s'impose. Le gouvernement Jospin avait apporté une première réponse avec la loi contre le harcèlement moral. Mais il faut aller plus loin.

La branche « accidents du travail » transfère des charges importantes. L'institut de veille sanitaire estime par exemple à plus de 10 000 le nombre de cancers d'origine professionnelle recensés chaque année, alors que mois de 800 sont reconnus et indemnisés par la branche accidents du travail. Avez-vous l'intention d'organiser une évaluation contradictoire et révisable chaque année du coût des accidents du travail et des maladies professionnelles, que vous ne compensez cette année qu'à hauteur de 300 millions d'euros ?

Concernant l'amiante, vous avez rappelé, Monsieur le ministre, que le gouvernement Jospin avait créé deux fonds spécifiques : le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante et le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Concernant le premier, je me félicite que les entreprises payent désormais une partie des pré-retraites amiante de leurs salariés - article 21 du projet de loi. Mais pour le FIVA, la situation est préoccupante. Après avoir réduit ses dotations de moitié entre 2002 et 2004 - elles sont passées de 200 à 100 millions d'euros - vous revenez cette année au montant initial de 200 millions. Cela demeure insuffisant pour assurer l'indemnisation de l'ensemble des victimes, évaluée à 300 millions d'euros par le FIVA.

Il est injuste de faire peser sur les victimes du travail la contribution forfaitaire de un euro pour des actes qui sont de la responsabilité de l'employeur. Enfin, concernant la gouvernance de la branche accidents du travail, je vous rappelle votre engagement - inscrit à l'article 54 de la loi relative à l'assurance maladie - de réunir les partenaires sociaux dans un délai d'un an, afin de réformer cette gouvernance. Les associations représentatives des usagers doivent notamment être intégrées. Où en est-on ? Je ne me contenterai pas de l'annonce laconique que vous avez faite hier soir.

Il est temps de repenser dans son ensemble la politique nationale de prévention, de réparation et de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles.

C'est une réforme ambitieuse autour de la notion de réparation intégrale des préjudices subis qu'il faut engager. La réparation des accidents du travail n'a pas évolué comme le droit commun de l'indemnisation. Comment justifier la réparation forfaitaire et le fait que le préjudice soit moins bien indemnisé pour un accident du travail que pour un accident de la route ? Nous avons besoin d'un système qui sache à la fois valoriser les efforts de prévention et sanctionner les manquements à la sécurité. Il faut reprendre les propositions du rapport Masse. Pourquoi ne pas créer, comme aux Etats-Unis, des labels pour identifier publiquement les entreprises en fonction de leur « performance sanitaires » et retrouver ainsi l'esprit de la loi de 1898, la première grande loi d'assurance sociale de la IIIe République ? Vous dites vouloir réunir les partenaires sociaux pour réformer la branche accidents du travail-maladies professionnelles, mais qu'allez-vous leur demander ? Quel sera l'apport de l'Etat ? Pourquoi, pour la deuxième année consécutive, M. Borloo n'assiste-t-il pas au débat sur cet important sujet, élément majeur de cohésion sociale en même temps que problème sanitaire ?

En conclusion, je redoute les effets de votre politique sur notre système de protection sociale, vos prévisions insincères et vos mesures qui pèsent outrageusement sur l'hôpital public et qui pénalisent les plus modestes. Je m'inquiète aussi d'un silence abyssal sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Mais vous ne pourrez indéfiniment jouer les illusionnistes ; le temps viendra où il vous faudra rendre des comptes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Paul-Henri Cugnenc - Je traiterai du plan cancer d'une part, de l'hôpital public d'autre part. A la veille des troisièmes Etats généraux des malades du cancer qui s'ouvriront demain à Vincennes, je tiens à saluer la dynamique engagée dès le début du quinquennat pour lutter contre cette maladie. Les effets en sont déjà apparents. Il s'agissait, par le plan cancer, de combler notre retard en améliorant le dépistage, en offrant aux malades des soins de meilleure qualité assortis d'une meilleure coordination entre médecine de ville et médecine hospitalière et d'un accompagnement plus attentif et personnalisé. Il s'agissait, aussi, de dispenser un enseignement novateur, en sortant la formation en cancérologie de son ghetto par l'établissement de passerelles vers les autres spécialités. Le plan cancer vise également à la création de cancéropôles régionaux, en liaison avec des hôpitaux de référence et des unités de recherche. Cette dynamique d'ensemble a été très efficacement engagée dans la région Midi Pyrénées. Il convient de l'étendre à l'ensemble des régions, et notamment à l'Ile-de-France.

S'agissant maintenant de l'hôpital public, vous proposez d'augmenter sa dotation de 3,6 %...

M. Jean-Pierre Blazy - Ce n'est pas assez !

M. Paul-Henri Cugnenc - La majorité des membres du groupe UMP juge cette proposition raisonnable et l'appuie. Mais, comme nous venons de l'entendre, elle n'est pas consensuelle. En particulier, une grande fédération hospitalière nationale - dont je souligne incidemment que la totalité de son budget lui est fournie par l'hôpital public - demande que l'augmentation soit de 4,7 %. Certes, l'hôpital public doit maintenir l'excellence partout où elle existe - là où elle existe encore, diront les moins optimistes... - mais il doit aussi savoir se moderniser pour éviter les gaspillages. Et puis, selon l'excellente formule de notre collègue René Couanau, il faut aussi remédier au désenchantement hospitalier, ce qui ne passe pas automatiquement par l'augmentation continue du budget et des dépenses ! Toutes les équipes soignantes doivent pouvoir s'épanouir à l'hôpital, au lieu d'être parfois considérées comme le sont les groupes de l'opposition dans les collectivités territoriales ! (Mouvements divers) Ainsi redonnera-t-on aux hôpitaux une plus grande efficacité. Pour l'heure, nous faisons le pari que votre texte permettra de réduire les dépenses et donc de tenir l'objectif fixé. Grâce au dossier médical personnalisé, à la création de la Haute autorité de santé et à la réforme de l'organisation interne des établissements hospitaliers, on mettra fin à l'augmentation obscurantiste continue du budget de la santé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme la Présidente - Je vous prie de conclure.

M. Paul-Henri Cugnenc - Quant à la répartition des CHU, elle doit obéir à des impératifs strictement sanitaires et non à des objectifs politiques.

M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l'équilibre général - Très bien !

M. Paul-Henri Cugnenc - Cela vaut aussi pour les hôpitaux généraux, ce qui ne signifie pas qu'ils seront fermés.

M. Pascal Terrasse - C'est pourtant ce qui va se passer !

M. Paul-Henri Cugnenc - Je considère pour ma part que la réorganisation engagée permettra à la fois de tenir dans les limites de l'ONDAM fixé pour l'hôpital public et de remotiver les équipes hospitalières. Nous vous faisons donc confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Paul Bacquet - Le projet que vous nous présentez s'inscrit dans la continuité d'une politique qui tend lentement mais scrupuleusement à rompre la solidarité nationale au profit des assurances privées (Protestations sur les bancs du groupe UMP). M. Mattei ayant laissé un bilan catastrophique, vous lui avez succédé, Monsieur le ministre, et l'on ne peut vous reprocher de ne pas occuper l'espace médiatique. Par exemple, vous alertez l'opinion sur le risque que constitue l'alcoolisation des femmes enceintes... mais vous êtes frappé de mutisme lorsque l'Assemblée remet en cause la loi Evin !

Sur le fond, votre pseudo-réforme tendant à « sauver et pérenniser » la sécurité sociale n'est en fait qu'un nouveau plan de colmatage, qui se caractérise par la diminution des remboursements et l'augmentation des prélèvements. Il s'agit tout au plus d'un rafistolage, mais il n'empêche pas le bateau de prendre l'eau de toutes parts, comme en témoigne la récupération de la soulte d'EDF. De plus, la situation catastrophique du FIPSA justifie toutes les inquiétudes sur l'augmentation prévisible des prélèvements pour les agriculteurs.

Vous vouliez, disiez-vous, responsabiliser les acteurs de notre système de santé. Mais vous savez bien que la négociation conventionnelle qui s'engage ne sera pas sans conséquences sur les finances de l'assurance-maladie ni, pire, sur la définition des soins remboursés. Vous dites vouloir réorganiser notre système de soins mais, sous couvert de maîtrise médicalisée des dépenses, vous organisez en fait une nouvelle maîtrise financière, en vous défaussant de mesures impopulaires sur l'UNCAM, qui ne sera bientôt plus qu'une « machine à dérembourser », selon les termes de M. Madelin. Vous prétendez vouloir garantir des soins de qualité pour tous, mais vous ouvrez tout grand la porte aux assurances privées (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Je crains, Monsieur le ministre, que vous n'engagiez notre protection sociale dans un processus tel que seuls les plus riches pourront se soigner décemment...

M. le Secrétaire d'Etat - C'est tout le contraire !

M. Jean-Paul Bacquet - ...cela, au moment même où vous réduisez l'ISF ! (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste) Quant à vos prévisions... En vous écoutant, on croit entendre à nouveau M. Mattei qui, alors qu'il défendait son premier projet de loi de financement de la sécurité sociale, annonçait un ONDAM volontairement élevé pour être sûr qu'il serait respecté - ce qui n'a évidemment pas été le cas, puisque tout dépassement était implicitement permis...

Derrière ce projet de loi de financement de la sécurité sociale sans souffle et irréaliste, se profile une aggravation inévitable du déficit, laquelle sera gravissime pour les générations futures qui, moins nombreuses, devront cotiser davantage, mais aussi supporter la dette que vous leur aurez laissée.

Après trois ans de votre gestion, ou plutôt de votre laisser-faire, la Sécurité sociale se trouve dans un état de délabrement jamais atteint et doit faire face à un déficit abyssal. La question qui se pose aujourd'hui n'est pas de savoir si l'offre de soins sera privatisée, mais quand elle le sera. Alors au moins, Monsieur le ministre, engagez-vous à présenter un projet de loi rectificatif en cas de dépassement des dépenses, au lieu de vous défausser de vos responsabilités sur le grand Manitou qui dirigera l'UNCAM et de renier le rôle du politique en matière de protection sociale et de santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Denis Jacquat - En juin 2003, j'étais ici le porte-parole du groupe UMP sur la plus grande réforme de notre système de retraites depuis l'après-guerre...

M. Pascal Terrasse - Demandez aux veuves ce qu'elles en pensent !

M. Denis Jacquat - ...après plusieurs mois de concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux, un consensus a été trouvé afin de sauvegarder le système par répartition. 2003 fut l'année des promesses, 2004 celle ces concrétisations...

M. Pascal Terrasse - Des élections aussi !

M. Denis Jacquat - Près des deux tiers des décrets d'application de la réforme des retraites sont parus. Ainsi plusieurs mesures phares du texte, comme la possibilité de départ anticipé pour les personnes ayant eu des carrières longues, ont pu être mises en œuvre sans retard.

Je souhaiterais aujourd'hui appeler votre attention sur la réforme du régime des pensions de réversion. Le Gouvernement a su faire preuve d'écoute...

M. Jean-Pierre Blazy - Il a reculé !

M. Denis Jacquat - ...en suspendant le décret qui a suscité tant d'inquiétudes...

M. Jean-Pierre Blazy - Légitimes !

M. Denis Jacquat - ... et la décision de consulter le COR est excellente. Attendons les résultats de cette consultation avant de prendre toute nouvelle mesure. Cela ne devrait pas être long, les dates de réunion ayant déjà été fixées.

Le déficit de la branche vieillesse est imputable, pour l'essentiel, à la montée en charge des départs anticipés en retraite.

Pour ce qui est de l'adossement du régime des IEG au régime général, il est essentiel que la soulte versée garantisse la stricte neutralité de l'opération.

M. Bernard Perrut, rapporteur - Tout à fait.

M. Denis Jacquat - En tant que président du conseil de surveillance de la CNAV, je suis et resterai extrêmement vigilant sur ce point.

Je terminerai en évoquant la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie - CNSA - créée dans le cadre de la loi du 30 juin 2004 relative à l'autonomie des personnes âgées et handicapées, que j'ai eu l'honneur de rapporter. J'attache une importance particulière à ce que l'on parle « d'agence », et non pas de « caisse », conformément d'ailleurs aux recommandations de MM. Briet et Jamet dans leur rapport. Dans un souci de transparence, cette agence centralisera toutes les cotisations destinées à financer la prise en charge de la perte d'autonomie. Au second semestre 2004, 155 millions d'euros ont déjà été versés pour les personnes âgées. La création de cette Agence nationale de solidarité pour l'autonomie - ANSA - permettra de développer le secteur de l'aide à domicile et de renforcer les moyens des établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes. Dix mille nouvelles places seront créées en maison de retraite et quinze mille personnels de soins supplémentaires seront recrutés pour travailler auprès des personnes âgées en milieu institutionnel.

Je réaffirme mon attachement à un financement national de la perte d'autonomie afin d'éviter toute inégalité. Maintenant que nous sommes assurés de la pérennisation de l'APA, après avoir si longtemps milité et militant encore en faveur de la reconnaissance d'un cinquième risque au sein de la Sécurité sociale, je ne peux qu'être satisfait de cette année riche en avancées pour les personnes en perte d'autonomie.

M. Jean-Pierre Blazy - Ce sont des reculs.

M. Denis Jacquat - Il y avait urgence à agir et les bonnes décisions ont été prises.

Un débat régulier doit avoir lieu sur la prise en charge de la dépendance. L'examen annuel du projet de loi de financement de la sécurité sociale serait un moment propice. Nous devons impérativement changer notre regard sur les personnes en perte d'autonomie qu'il est de notre devoir d'aider. La tâche est difficile, la critique facile. Mesdames et Messieurs les ministres, vous pouvez compter sur nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Delnatte - En matière de famille, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 se situe dans la continuité de celui de l'an passé. Je ne crois pas que l'on puisse parler des « espérances déçues d'une politique familiale » comme le fait notre rapporteure, Mme Clergeau. Bien au contraire, les familles ont reçu des réponses à leurs attentes après cinq années de gouvernement Jospin. Ce dernier avait même attendu trois ans avant de penser à installer un ministère délégué à la famille.

Dès 2003, une allocation forfaitaire avait été allouée aux familles ayant au moins trois enfants à charge car chacun sait que les familles nombreuses sont en moyenne plus pauvres que les autres. Mais les marges de manœuvre restaient limitées pour un Gouvernement qui avait pris récemment ses fonctions. C'est le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2004 qui a marqué les premières grandes avancées de la politique familiale depuis le début de la législature. La PAJE, qui depuis le 1er janvier 2004 et jusqu'à la fin 2006 se substitue aux anciennes prestations est une mesure simple, équitable et efficace. L'allocation de base et la prime à la naissance bénéficieront à terme à 200 000 familles de plus que dans le système antérieur, pour un montant de 850 millions d'euros supplémentaires, dont 350 millions dès 2005.

Cette amélioration des prestations n'est pourtant en rien responsable du premier déficit de la branche famille depuis 1998. Celle-ci, qui ne souffre pas d'un déficit structurel, se voit ponctionnée au profit du FSV au titre des majorations de pensions pour enfants décidées par le gouvernement Jospin. La stabilisation à 60 % du taux de ce transfert est donc opportune, car, en l'état, cela représente tout de même une charge de près de 2 milliards d'euros.

La rapporteure s'inquiète aussi du manque de crèches dans les grandes villes.

M. Jean-Pierre Blazy - Elle a raison !

M. Patrick Delnatte - En effet, les constructions ont été insuffisantes depuis 1991 et nous devons rattraper le retard pris. Dans le cadre d'un plan crèches, 200 millions d'euros ont été ouverts dès l'année dernière pour créer 20 000 places supplémentaires à l'horizon 2007, 50 millions d'euros ont été dépensés en 2004 et autant devraient l'être en 2005.

Grâce à ce plan, à la PAJE, à la future loi sur les assistantes maternelles, qui doit être inscrite le plus rapidement possible à l'ordre du jour de notre Assemblée, aux allègements fiscaux accordés pour les emplois à domicile, les parents pourront enfin choisir librement le mode de garde de leurs jeunes enfants pour mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.

La Conférence de la famille s'est penchée cette année sur l'adolescence, âge qui demande une attention particulière. Il faut saluer la proposition d'un entretien de santé personnalisé en classe de cinquième. Certains objectent que c'est la marque de notre impuissance à organiser un service de médecine scolaire. Mais avec les Maisons de l'adolescence qui se créent à travers tout le pays, c'est au contraire une nouvelle médecine de l'adolescence qui se met en place. Contrairement à d'autres, ce Gouvernement non seulement réunit la Conférence de la famille mais tient compte de ses propositions...

Demeure la question du soutien financier aux familles comptant des adolescents. Source de joie et d'animation dans les familles, ceux-ci coûtent cher aussi. Il conviendrait donc de réfléchir à des aides à la scolarité, aux activités sportives, culturelles, caritatives...

M. Jean-Pierre Blazy - Très bien.

M. Patrick Delnatte - Il faut saluer enfin le doublement de la prime à l'adoption qui s'inscrit dans le cadre de la réforme annoncée par le Premier ministre, dont l'objectif est de doubler le nombre des adoptions. L'appui des conseils généraux, partenaires de l'Etat en ce domaine, serait très utile, le coût d'une adoption, en particulier à l'étranger, pouvant être très élevé pour les familles.

2005 s'annonce donc sous de bons auspices avec une politique familiale au bénéfice de toutes les familles, sans que pour autant l'effort en faveur des plus fragilisées d'entre elles ait été relâché.

Après une période où la famille fut dénoncée comme source d'oppression et d'archaïsme, elle semble aujourd'hui revenue en grâce. Les familles veulent être rassurées et confortées dans leur double vocation : favoriser l'épanouissement de chacun de ses membres et contribuer au progrès d'une société qui se projette dans l'avenir pour se perpétuer. La politique familiale doit les y aider. C'est la voie qu'ont choisie ce gouvernement et sa majorité. Nous comptons sur vous, Madame la ministre. Soyez assurée de notre soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Danièle Hoffman-Rispal - L'un des volets importants de ce texte concerne les personnes âgées, thème cher à la communication du Gouvernement, qui se plaît à invoquer une augmentation de 11 % des crédits de l'ONDAM-personnes âgées.

Cela me conduit d'ailleurs à une première remarque. En segmentant la prise en charge des soins en fonction de critères d'âge et de dépendance, on contrevient aux principes fondateurs de notre sécurité sociale. Le conseil d'administration de la CNAM l'a rappelé avec raison dans un avis récent. Vous stigmatisez en outre les dépenses de santé des personnes âgées, et en faites les boucs émissaires de la dérive des comptes de l'assurance maladie. Il suffit de lire la fiche numéro 10 de votre plaquette de présentation du projet de loi de financement. C'est une approche injuste. Mais au moins discutons-nous encore des crédits destinés aux personnes âgées en perte d'autonomie dans le cadre du projet de loi de financement. Car notre inquiétude, malheureusement justifiée, a pour objet le démantèlement de l'assurance maladie qui se dessine au travers des multiples textes législatifs déjà adoptés ou à venir. Comme nous l'avons dit au printemps,la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie porte en germe ce risque de démantèlement, si son rôle n'est pas clairement défini. Nous proposons donc d'amender ce texte afin de bien préciser que l'ensemble des soins aux personnes âgées relèvent de l'assurance maladie elle-même, la CNSA se concentrant sur la seule prise en charge de la perte d'autonomie. Cette clarification rassurerait les acteurs concernés, garantirait le maintien du principe d'universalité de l'assurance maladie, témoignerait de votre bonne foi et rencontrerait l'assentiment de nombreux collègues bien au-delà des seuls rangs socialistes. A l'inverse, votre refus probable suggère que les financements nouveaux annoncés ne sont bien souvent que des transferts.

Il est d'ailleurs bien difficile pour les parlementaires de s'y retrouver face à l'incroyable complexité du système que vous mettez en place pour financer le plan Vieillissement et solidarité. Cette tuyauterie rend les flux financiers opaques. Nous ne savons d'ailleurs toujours pas officiellement quelles suites vous entendez donner au rapport commandé à MM. Briet et Jamet. Il semblerait que vous renonciez à ses préconisations les plus contestées, mais peut-être allez-vous nous éclairer dès ce débat, sans attendre la deuxième lecture du projet sur le handicap. Je rappelle qu'il s'agit de mesures qui devraient entrer en vigueur dans seulement deux mois.

Une évidence apparaît toutefois malgré ce flou volontaire : l'effort en faveur des personnes âgées sera sans commune mesure avec celui promis par votre Gouvernement il y a un an, après la canicule. Le Premier ministre s'était alors engagé sur un effort budgétaire de quelque 850 millions d'euros par an pour les personnes âgées en perte d'autonomie. Or les chiffres annoncés ne correspondent qu'à la moitié de cette somme. Pour la prise en charge des personnes âgées en établissement, hors APA, M. Douste-Blazy a cité devant nos commissions le chiffre de 210 millions d'euros issus de la CNSA. La semaine dernière, nos rapporteurs parlaient de 365 millions. Dans cette confusion, nous pouvons cependant dresser un constat : une fois retranchée l'augmentation de l'ONDAM médico-social, qui aurait eu lieu de toute manière comme chaque année, l'effort supplémentaire réalisé en 2005 peut être évalué à environ 200 millions d'euros. Le progrès dans la prise en charge de la perte d'autonomie ne correspond donc, dans ce projet, qu'au quart de vos engagements. Et pour une bonne part, la CNSA se substituera à des financements existants, plutôt que d'amener des ressources nouvelles.

Nous sommes bien loin des 680 millions d'euros inscrits pour les établissements médico-sociaux à l'article 13 de la loi créant la CNSA, et représentant 40 % de la totalité des crédits. Vous nous demandiez hier, Monsieur le ministre, de ne pas vous faire de procès d'intention. C'est pourquoi j'ai tenu à faire une démonstration précise. Aujourd'hui on ne retrouve que 48 % des crédits annoncés : que devient le reste ? L'ensemble des professionnels de la prise en charge des personnes âgées arrivent d'ailleurs aux mêmes conclusions que nous. Il est à craindre que la « cagnotte » ainsi constituée n'ait pour seul objet de combler une partie du déficit accumulé depuis 2002 par l'assurance maladie. Ainsi la fameuse journée de solidarité servirait en grande partie à financer le passage à 20 euros des consultations médicales. Un tel détournement des fonds de cette caisse pose tout de même problème.

Les besoins en matière de prise en charge des personnes âgées sont pourtant immenses. Les signatures de conventions tripartites avec les établissements d'hébergement, dans le cadre de la réforme de la tarification, devraient avancer à un rythme plus soutenu. Que n'a-t-on entendu ici, depuis deux ans, sur leur nombre insuffisant dans le passé ! Or le bilan depuis deux ans n'est guère impressionnant. Les financements du plan Alzheimer restent nettement en dessous des besoins. L'amélioration de l'encadrement dans les établissements, comme la création de nouvelles structures, devraient être accélérées et amplifiées. La modernisation et la professionnalisation du secteur de l'aide à domicile devraient faire l'objet d'efforts bien plus considérables ; à cet égard, le fonds de modernisation de l'aide à domicile créé par Mme Guinchard-Kunstler est largement négligé depuis deux ans, alors qu'il s'agit d'un enjeu majeur pour l'avenir de ce secteur.

Si l'argent récolté par la CNSA ne pouvait être intégralement dépensé pour ces actions, faute de personnel qualifié, comme on le dit souvent, rien ne vous interdit de l'utiliser pour les investissements de modernisation que réclament les professionnels. Ce qui vous manque ici, c'est la volonté politique.

En réalité, avant d'être soutenues, les personnes âgées sont d'abord largement mises à contribution par la politique de votre gouvernement. Ainsi leurs cotisations ont été nettement accrues par la réforme de la sécurité sociale adoptée cet été. Et la valse hésitation sur la question des pensions de réversion montre bien vos intentions en la matière. Nous resterons vigilants sur ce point. Vous aurez en outre imposé aux salariés une journée de travail gratuite, en les culpabilisant, mais une bien faible part de son produit bénéficiera en 2005 aux personnes âgées.

J'espère donc, Monsieur le ministre, que vous allez pouvoir nous éclairer sur les interrogations auxquelles nous n'avons toujours pas de réponses : quelles seront l'an prochain les modalités concrètes de prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées ? Quelles conclusions allez-vous tirer du rapport Briet-Jamet ? Et où iront en 2005 les fonds perçus par la CNSA, puisque nous ne retrouvons pas dans ce texte l'ensemble des crédits qui auraient dû être destinés aux personnes âgées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jacques Domergue - Ce projet de loi de financement s'inscrit dans la continuité de la loi votée cet été sur l'assurance maladie : c'est le deuxième volet d'une politique volontariste qui vise à maintenir notre système de santé tout en améliorant les comptes de l'assurance maladie. C'est dire l'importance de nos débats, et la nécessité d'une pédagogie permanente auprès de nos concitoyens, mais aussi des professionnels de santé. Le déficit de 13,2 milliards d'euros prévu pour 2004 est insupportable pour les comptes sociaux, et entamerait notre crédibilité si rien n'était fait. Il faut donc rééquilibrer les comptes de l'assurance maladie, sans menacer l'efficacité du système de soins : pour cela nous devons nous interroger sur ses performances, ses modes d'organisation et sa modernisation.

Ce qui implique trois conditions. Il faut d'abord qu'il y ait une volonté politique, et je crois que c'est le cas. Il faut ensuite que nous fassions de la pédagogie ; l'inflexion lisible dans les derniers chiffres de la consommation médicale montre qu'elle n'est pas inutile. Il faut enfin un plan de maîtrise médicalisée - et non comptable - des dépenses de santé. Dès lors, il est normal de retenir un ONDAM à 3,2 %. Certains à gauche le jugent irréaliste.

M. Jean-Pierre Blazy - Tout à fait !

M. Jacques Domergue - Pour moi, c'est un ONDAM volontariste. Et il est indispensable que nous affichions cette volonté. Un ONDAM plus élevé ne serait pas compris des professionnels ni de la population, et nous aurait discrédités. Je note que l'ONDAM progressera pour les personnes âgées - de 11,4 % - et pour les handicapés, ce qui souligne notre volonté de solidarité envers les plus faibles.

J'axerai mon propos sur deux points : la politique de santé hospitalière, et les problèmes spécifiques à la chirurgie et à la mise en place de la tarification à l'activité, qui inquiète les acteurs de l'hospitalisation publique ou privée. Vous avez laissé entendre devant notre commission, Monsieur le ministre, que l'ONDAM hospitalier serait probablement de 3,6 %. Interrogé dans Les Echos hier, vous déclariez que les hôpitaux devaient économiser 800 millions d'euros, alors que la Fédération hospitalière de France estime à 776 millions d'euros les reports de charges pour 2004. Comment se faire une idée claire de la situation ? Aujourd'hui l'hôpital public est responsable de plus de 50% des dépenses de santé.

Plusieurs députés sur les bancs socialistes et sur les bancs communistes et républicains - Pourquoi « responsable » ?

M. Jacques Domergue - Il apparaît comme un puits sans fond. Rééquilibrer ses finances sans opérer des réorganisations serait comme transfuser un malade sans arrêter l'hémorragie... Une morosité ambiante caractérise l'hôpital public, empêtré dans une bureaucratie croissante, des conflits larvés entre les personnels, et surtout une productivité décroissante. Le seul fait de parler de productivité suffit à tendre le climat social, à activer les syndicats, à mobiliser les personnels : nous ne pouvons pas continuer dans cette voie. Ce statu quo serait délétère pour notre système. Nous savons tous par ailleurs que la mise en place des 35 heures a ruiné l'hôpital public et rendu incohérente la gestion des personnels. Le « toujours plus » prôné par la Fédération hospitalière de France n'est pas défendable tant qu'on n'a pas restructuré le paysage hospitalier et fait comprendre aux acteurs que l'offre de soin est globale, à la fois publique et privée.

Le plan Hôpital 2007 et la nouvelle gouvernance, articulée autour des pôles médicaux, sont attendus avec impatience mais aussi avec inquiétude. Les directeurs d'hôpitaux seront-ils capables de mettre en place ce nouveau mode de travail transversal qui remet en cause la gestion centralisatrice ? Peut-on croire que les chefs de pôle auront un jour la délégation de signature, qu'on appliquera dans le domaine public la fongibilité des crédits qui est de règle dans le privé ? Si vous nous en assurez, la confiance sera rétablie.

Je crains cependant que l'absence d'accord avec les chirurgiens publics cet été n'ait été une occasion manquée pour l'hôpital. Mettre en place une revalorisation proportionnée à l'activité sans toucher au statut unique de praticien hospitalier et l'étendre à toutes les spécialités à forte pénibilité et forte responsabilité était indispensable pour sauver l'hôpital public. J'ai peur que la revalorisation accordée aux chirurgiens privés, qui était indispensable, ne creuse encore plus le fossé.

M. Jean-Pierre Blazy - D'accord.

M. Jacques Domergue - Comment conserver des chirurgiens dans les hôpitaux publics en l'absence de revalorisation ? La tarification à l'activité aidera à un rapprochement, mais on ne peut défendre un écart qui peut aller de un à quatre dans les tarifs. Des mesures de compensation sont nécessaires dans l'attente d'un rééquilibrage. Le conseil national de la chirurgie, créé le 17 juin dernier et que je préside, va faire des propositions dans ce sens. La revalorisation de 12,5 % des honoraires des chirurgiens libéraux inscrite dans ce projet est un premier signe. Le conflit avec les chirurgiens a été désamorcé, mais le problème de fond persiste et cette catégorie, sous-représentée dans les instances syndicales, a du mal à se faire entendre.

Sauver la chirurgie française, c'est permettre aux établissements privés de continuer à fonctionner, mais aussi donner aux hôpitaux publics les moyens de leurs ambitions.

M. Jean-Pierre Blazy - Très bien.

M. Jacques Domergue - La chirurgie est une et indivisible. C'est probablement la discipline médicale la moins coûteuse, et celle qui a le plus bénéficié de la technologie. Pourtant elle est souvent marginalisée, comme dans le plan cancer, alors qu'elle reste le premier traitement du cancer. Elle peut être source d'économie, par exemple si les chirurgiens édictent des référentiels avec les sociétés savantes, et également sur les arrêts de travail et les transports sanitaires, qui représentent respectivement 7 millions et 3,6 millions. Et de telles économies ne mettent pas en cause la santé.

Encore faut-il que nous ayons assez de chirurgiens. Or la filière est en crise. Le problème des assurances n'est toujours pas réglé et les mesures compensatoires ne suffisent pas pour attirer les jeunes. Pour sauver notre système de santé, il faut un changement de comportement. Nous vous faisons confiance pour cela et nous vous aiderons dans cette tâche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Liebgott - A vous entendre, 2005 sera l'année d'une nouvelle fondation de la sécurité sociale grâce au rééquilibrage des comptes. Pourtant, il y a peu, ces comptes étaient encore au vert quand un autre gouvernement se souciait de favoriser la croissance au profit de tous les Français. Les fruits en étaient partagés et la Sécurité sociale en profitait, car les meilleures recettes sont celles qui proviennent du travail.

Vous fixez l'augmentation des dépenses à 3,2 %. Personne n'y croit. D'ailleurs vous êtes incapables de chiffrer l'impact des dispositifs que vous mettez en place sans en évaluer vraiment les contraintes, comme dans le cas du dossier médical partagé.

Nous regrettons l'absence d'une véritable politique de santé publique. On nous renvoie à quelques bonnes pratiques, à un promesse - déjà tenue - de revalorisation des honoraires pour les médecins, alors que rien n'est fait pour les personnels des hôpitaux auxquels on demande des efforts supplémentaires.

Pour vous, seuls les salariés, les retraités et les malades doivent payer. C'est l'euro à la consultation, la hausse de la CSG et de la CRDS, la prolongation de la dette sociale. Mieux vaut s'assurer les faveurs du Medef que de répondre aux besoins des Français.

Je voudrais insister sur trois questions plus précises. D'abord, trop de salariés victimes de l'amiante sont obligés de se lancer dans de longues procédures judiciaires pour faire reconnaître leurs droits, en particulier ceux de la sidérurgie et des mines. Le groupe socialiste a demandé la création d'une commission d'enquête à ce sujet, et nous avons déposé un amendement pour obtenir un bilan.

En second lieu, la branche famille va être en déficit pour la première fois depuis 1998. La prime d'adoption a été doublée. Mais elle est loin de couvrir les frais, et les familles sont en droit d'attendre plus. Dans un rapport publié début 2004, le CERC indiquait que 8 % des mineurs, soit un million d'enfants, vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Mme la Ministre - Mais à quelle date ?

M. Michel Liebgott - Les élus locaux le savent bien. Mais cette situation est inacceptable dans un pays riche.

Mme la Ministre - Tout à fait.

M. Michel Liebgott - C'est que les enfants sont les premières victimes de la situation sociale des parents, laquelle est particulièrement difficile pour les familles monoparentales.

Nous attendions donc un signe du Gouvernement. Mais malgré nos demandes, vous renvoyez tous les problèmes à une conférence de la famille en 2005. En revanche, vous n'attendez pas pour favoriser les privilégiés. De façon presque caricaturale vous adaptez le seuil de l'ISF et vous accordez des aides à la garde d'enfant à 40 000 familles aisées, ...

Mme Maryse Joissains Masini - Arrêtez avec vos tartes à la crème !

M. Michel Liebgott - ...tandis qu'un million enfants vivent sous le seuil de pauvreté.

Enfin, la suppression de nombreuses aides au logement va pénaliser les familles modestes. 6000 d'entre elles ne bénéficieront plus de l'allocation de rentrée scolaire ou de l'allocation de base de la prime d'accueil du jeune enfant. 130 000 familles perdront l'aide au logement en raison du passage de 15 à 24 euros du seuil de non recouvrement des aides et 90 000 autres en raison de la modification de l'assiette des ressources.

En conclusion, votre loi ne fait que confirmer les craintes que nous exprimions l'été dernier lors de la discussion de la réforme de l'assurance maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Blazy - J'interviendrai sur la situation financière de l'hôpital public et sur la permanence des soins.

Fixer l'augmentation de l'ONDAM à 3,6 % pour les hôpitaux est très insuffisant, d'autant que vous prétendez leur imposer 850 millions d'économies sur trois ans. Vous aggravez ainsi une situation déjà dramatique. Pour l'ensemble des hôpitaux, les reports de charges sont estimés à 650 millions, dont 200 millions pour les établissements d'Ile-de-France, et cette somme serait supérieure de 100 millions si tous les emplois étaient pourvus.

De nombreux hôpitaux doivent quémander des aides, comme celui d'Argenteuil. Vous les leur accordez, mais au prix d'un plan d'ajustement drastique. Ceux qui ne sont pas en déficit ont néanmoins d'énormes difficultés. A l'hôpital de Gonesse, si tous les postes étaient pourvus, le déficit serait de quatre millions. En Ile-de-France, 3 000 postes d'infirmiers et plus de 1 000 postes d'aides soignants sont vacants. Cela rend la situation intenable pour le personnel et les malades, et vous ne pourrez pas dire que c'est la faute aux 35 heures !

Dès lors, demander 150 millions d'économies en 2005 est irréaliste et même insupportable. Comment y parvenir alors que les assurances ont augmenté de 35 % en 2004, et augmenteront encore ? Comment financer l'innovation pharmaceutique, de plus en plus coûteuse ? Vous demandez des économies sur les achats. Les hôpitaux publics n'ont pas attendu votre dernière circulaire aux ARH pour le faire. Aller plus loin, c'est les condamner à l'asphyxie.

De plus, la part du financement des hôpitaux adossée à l'activité sera de 20 % à 30 % en 2005. Or, l'hôpital public doit fonctionner grâce à une enveloppe globale de missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation. Elle doit permettre d'honorer les engagements pris lors de la conclusion des contrats d'objectifs et de moyens et de financer sur une base stable et pérenne les missions d'intérêt général de l'hôpital public. Or jusqu'à présent, on n'a pas évalué ces dernières de façon rigoureuse et concertée. La détermination des enveloppes concernées n'ayant pu être arrêtée, la part financière des MIGAC ne sera connue qu'a posteriori. Comment, dès lors, remplir les objectifs du service public hospitalier ? L'enveloppe MIGAC sera-t-elle à la hauteur ? Comment le Gouvernement entend-il respecter l'engagement pris lors de la négociation des contrats d'objectifs et de moyens avec les établissements ?

Par ailleurs, des incertitudes planent sur la permanence des soins. Depuis 2000, les maisons médicales se sont développées dans notre pays, et il en existerait entre 100 et 150 ; il faudrait du reste disposer d'informations plus précises. Malgré les difficultés, ces structures sont devenues un modèle d'organisation des médecins libéraux face au problème des gardes. Faut-il le rappeler ? On ne doit leur existence qu'à l'opiniâtreté d'acteurs convaincus, et pourtant, elles ont aujourd'hui le mérite de garantir la permanence des soins le soir et le week-end, et de désengorger les urgences.

Alors que ce dispositif devrait être encouragé, son financement reste flou.

M. le Secrétaire d'Etat - On va vous rassurer !

M. Jean-Pierre Blazy - C'est le fonds d'aide à la qualité des soins de ville qui finance essentiellement ces structures, mais outre que ce financement est insuffisant, il doit cesser en 2006. Que se passera-t-il après ? L'évaluation de ces maisons médicales par les caisses nationales d'assurance maladie ne sera connue qu'en décembre, mais il faut lever les incertitudes dès maintenant.

Je souhaite, Monsieur le ministre, que vous m'apportiez ces précisions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - Je souhaiterais appeler votre attention sur l'article 28 du projet de loi, qui concerne les mesures d'équilibrage financier du régime de retraite des industries électriques et gazières. On nous demande de voter le maintien en l'état des régimes de retraite des IEG, alors que nous ne disposons pas des réponses aux questions de fond.

Quels sont le coût et le mode de financement de l'adossement des retraités des IEG au régime général ? Qui va payer ? Le PLFSS table sur un coût de 6,9 milliards, alors qu'il sera en réalité de 9 milliards, dont 1,3 - les majorations pour enfants - seront imputés sur le fonds de solidarité vieillesse. Ce dernier montant sera payé par les contribuables au travers de la part de CSG affectée au fonds de solidarité vieillesse. Mais celui-ci était en déficit en 2004, et il le sera encore de 1,16 milliard en 2005. Cette imputation, dont le PLFSS ne tient pas compte, aggravera le déficit de 100 millions. Et il faudra à terme relever la CSG pour payer cette somme.

Quant aux 7,7 milliards restants les 60 % correspondant au personnel affecté au transport et à la distribution seront payés par les consommateurs de gaz et d'électricité par le biais d'une contribution dont on ne connaît ni l'assiette ni le taux, mais pour laquelle l'article 28 propose le doublement du taux ! Il faudra en tout cas qu'elle produise 500 millions d'euros. Les autres 40 % seront pour 95 % à la charge des Français, sous la forme d'une soulte payée par EDF et GDF, c'est-à-dire par imputation sur la propriété nationale.

Quel est le coût et le mode de financement de l'adossement des retraités à l'AGIRC et à l'ARCCO, et qui va payer ? Les présidents de ces organismes estiment le coût entre 9 et 10 milliards, quand le ministre des finances, en commission, parle de moins d'un milliard ! Comment expliquer un tel écart ? En fait, le Gouvernement négocie une dégradation de la couverture complémentaire, en limitant par exemple le niveau des salaires pris en compte. De toute façon, le coût sera payé à 60 % par les consommateurs d'électricité et de gaz, et à 40 % par prélèvement, une nouvelle fois, sur les biens de la nation.

Comment EDF et GDF pourront-elles provisionner le régime chapeau ? L'article 4 du règlement du 19 juillet 2002 impose le provisionnement des régimes de propres assureurs dans l'ensemble des régimes spéciaux de la communauté européenne. Quel sera le niveau de provisionnement ? Le régime chapeau représente un coût de 47 milliards, et il faudra provisionner les 40 % qui correspondent au personnel qui n'est pas dans le secteur régulé transport-distribution, mais dans le secteur de la production, soit 19 milliards. EDF, représentant 83 % de cette somme, devra provisionner plus de 15 milliards. Comment une entreprise qui a 18 milliards de fonds propres peut-elle provisionner 15 milliards au titre du régime chapeau et au moins 2 milliards sur les 40 % de l'adossement au régime général ? Il est clair qu'on nous demandera une nouvelle recapitalisation d'EDF, comme il a fallu le faire pour France Télécom, et c'est encore le contribuable qui paiera.

L'UDF a toujours défendu une position très courageuse : les régimes spéciaux doivent continuer à s'appliquer pour les anciens salariés, mais cesser pour les nouveaux entrants. C'est la seule manière de préserver les droits acquis tout en préparant l'avenir. Hélas, nos amendements n'ont pas été retenus.

Avant de procéder au vote de l'article 28, le Gouvernement devra préciser le taux et l'assiette de l'impôt nouveau, pour lequel on a essayé de nous faire croire qu'il n'y aurait pas de majoration pour le consommateur !

On nous affirme que le doublement du taux est proposé parce qu'on ne connaît pas l'assiette. Mais c'est faux ! Depuis le vote de la loi, la commission de régulation de l'électricité a fixé les taux, et on parle d'au moins 800 millions de produit, et d'un taux qui resterait insuffisant.

L'UDF, attachée aux principes de justice sociale et d'égalité, a déposé un amendement pour rappeler qu'on ne peut réformer que dans la justice : à terme, tous les Français doivent être au régime général (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et de Mme Bassot).

Mme la Présidente - La discussion générale est close.

M. le Secrétaire d'Etat - Je répondrai à ces questions légitimes.

Monsieur Perrut, la sécurité sociale est bien au cœur du pacte social français. Vous avez rappelé les enjeux de ce texte, notamment la traduction financière de la réforme de l'assurance maladie et de celle des retraites. C'est vrai, nous n'avons pas voulu céder à la tentation de la maîtrise comptable. Vous avez également relevé les moyens supplémentaires apportés par la Caisse nationale pour la solidarité et l'autonomie, qui se traduiront par une meilleure prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées.

Nous sommes conscients des difficultés de financement du FFIPSA, mais nous voulons conserver la spécificité du modèle de protection sociale des agriculteurs, et le Gouvernement a missionné les trois inspections générales : il s'appuiera sur leurs travaux pour garantir la pérennité du régime agricole.

Monsieur Door, je suis d'accord, nous devons aller de l'avant et nous attacher à la mise en œuvre des réformes votées depuis 2002. Sur la réforme de la loi organique, je vous confirme que nous souhaitons déposer un projet de réforme au Parlement pour une première discussion avant la fin de l'année, mais nous veillerons à vous laisser le temps nécessaire pour étudier ces textes.

S'agissant du contenu, nous visons plusieurs objectifs : donner un cadre pluriannuel aux objectifs de dépense, permettre un vote plus lisible par branche et sanctuariser les recettes de la sécurité sociale. Nous l'avons déjà fait dans le cadre du texte voté en juillet et nous pensons qu'il faut aller plus loin en donnant la garantie offerte par la loi organique. Il conviendra également de mettre en place une évaluation des résultats atteints par rapport aux objectifs. Je sais que notre débat sera nourri, tant la fixation de l'ONDAM constitue un enjeu important pour le Parlement.

Par ailleurs, s'agissant de la TAA, la convergence entre établissements, comme entre les secteurs public et privé, permettra de disposer en 2012 d'une échelle tarifaire unique. Nous commencerons le 1er mars 2005, et le conseil de l'hospitalisation fera des propositions quant aux modalités pratiques pour y parvenir.

Le projet d'ordonnance sur l'hôpital est discuté avec l'ensemble des représentants du secteur hospitalier et présente trois évolutions particulières : simplification du régime budgétaire et comptable, création d'un centre national de gestion pour les directeurs d'hôpitaux, assouplissement de l'organisation interne.

Concernant les problèmes liés à l'amiante, nous avons souhaité que les petites entreprises, et en particulier celles des chantiers navals, profitent mieux de la contribution que nous mettons en place. Le projet prévoit que chaque premier redevable de cette contribution sera exonéré, ce qui bénéficiera aux TPE.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - M. Colombier a eu raison de relever combien la loi sur les retraites avait été rapidement mise en œuvre. Il est vrai que la pérennité de nos régimes était menacée. En ce qui concerne le niveau des pensions, je rappelle que le projet garantit le pouvoir d`achat des retraités, ainsi que l'amélioration spécifique des pensions les plus modestes, celle de la situation des pluri-pensionnés et celle de nos compatriotes qui ont commencé à travailler très jeunes.

Concernant les pensions de réversion, nous reprendrons nos travaux à partir des conclusions du COR. S'agissant plus particulièrement des IEG, le montant de la soulte garantit la neutralité de l'adossement pour les salariés du secteur privé.

Le décret relatif au droit à l'information des assurés en matière de retraite est actuellement soumis à l'avis du Conseil d'Etat, cet avis étant tributaire de celui de la CNIL. Soyez assurés que tout sera fait pour que ce décret soit publié avant la fin de l'année, de même que le décret sur la retraite progressive.

La CNSA permettra de renforcer la médicalisation des établissements pour les personnes en perte d'autonomie, de consolider le concours national de l'Etat en faveur de l'APA et de créer la prestation de compensation du handicap. Le PLFSS assure les mesures nécessaires à son bon fonctionnement pour 2005.

Je précise qu'il n'est pas envisagé de réduire les crédits d'action sociale de la CNAV au titre de l'aide à domicile en faveur des personnes âgées dont la dépendance relève des GIR 5 et 6.

M. Bur a souligné avec raison qu'il n'y a aucune fatalité au dépassement de l'ONDAM. Je donne donc rendez-vous aux Cassandres qui se sont exprimées, et dont j'espère qu'elles sauront reconnaître les résultats de notre politique.

M. Gilles Artigues - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Une politique de longue haleine commence à porter ses fruits et les comportements évoluent enfin, j'en veux pour preuve la baisse de la consommation d'antibiotiques.

M. Gérard Bapt - Grâce aux mesures de M. Kouchner !

M. le Secrétaire d'Etat - Le non-dépassement de l'ONDAM exige la mobilisation de tous. Nous sommes déterminés à œuvrer en faveur d'une gestion hospitalière plus transparente, comme en témoignent les réformes de la gouvernance et de la TAA.

M. Bur a souligné les marges d'économies existantes en matière de médicaments. Je rappelle que le Gouvernement prévoit de réaliser 2,3 milliards d'économies grâce au développement des médicaments génériques et à une politique des prix dynamique.

Je tiens à souligner la qualité de l'intervention de M. Dubernard qui a rappelé que si la question du montant et de l'évolution de la dépense de santé est essentielle, il est tout aussi fondamental de s'intéresser à la qualité de la dépense sociale et à l'équité des efforts de financement demandés à nos concitoyens. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) Dépenser mieux est au cœur de nos préoccupations.

Je remercie M. Audifax d'avoir replacé le PLFSS dans son contexte et d'avoir témoigné de sa confiance en l'engagement de vraies relations conventionnelles, indispensables à une réelle maîtrise médicalisée des dépenses. Le Gouvernement répondra à la demande de soutien du développement de la qualité des soins de ville. J'ai noté enfin sa proposition s'agissant du DMP, et je me félicite qu'un département d'outre-mer se porte candidat à l'expérimentation.

Mme Fraysse voit dans la réforme de l'assurance maladie une privatisation de la sécurité sociale : nous ne voyons manifestement pas la même chose. Le périmètre de remboursement du régime obligatoire n'est en rien modifié. Ceux qui espéraient une privatisation ou une étatisation en seront pour leurs frais. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Les Français savent que nous voulons préserver les fondements mêmes de notre sécurité sociale, comme ils ont compris après le débat de cet été que certains avaient des objectifs bien différents, et notamment s'agissant de la médecine libérale. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Bapt - Des noms !

M. le Secrétaire d'Etat - Le vôtre, entre autres, car si vous voulez sans doute assurer l'avenir de la sécurité sociale, ce dernier ne passe manifestement pas, selon vous, par la préservation de la médecine libérale.

M. Gérard Bapt - Fait personnel ! Je n'ai jamais dit cela !

M. le Secrétaire d'Etat - Concernant la soulte EDF, je ne pense pas que la concertation approfondie avec la CNAV aboutisse à un résultat défavorable pour les salariés, au contraire. Nous avons veillé à assurer la neutralité de cette réforme dans tous ses aspects, y compris s'agissant du choix de la méthode d'évaluation de la soulte.

M. Audifax a également évoqué la réforme de la TAA qui, en effet, n'accroît pas les inégalités mais tend à assurer une plus juste répartition des ressources entre les établissements et les activités, en fonction de la charge réelle qu'elles représentent. Ceux qui regrettent aujourd'hui la disparition du budget global sont sans doute les mêmes qui prétendaient autrefois que le budget global conduirait à la mort de l'hôpital public.

La France applique donc une tarification assise sur les activités médicales en préservant les spécificités de son système hospitalier et la complémentarité entre les secteurs public et privé ainsi que les contraintes propres au secteur public hospitalier, désormais financées de façon transparente par l'enveloppe des réunions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation. La tarification à l'activité ne portera pas atteinte à la qualité du service rendu aux patients. En allouant de façon plus juste les ressources entre les établissements, elle permettra de mieux prendre en compte la situation de ceux dont l'activité augmente, afin qu'ils puissent maintenir la qualité des soins.

M. Jean-Pierre Blazy - Et les autres, disparaîtront-ils ?

M. le Secrétaire d'Etat - Pour M. Gorce, rien n'est réglé. S'il se réfère au précédent gouvernement, sans doute ne sait-il pas encore ce qu'est une réforme, et a fortiori une réforme courageuse. Quant aux ardoises, je ne referai pas les comptes : celles qui ont été laissées au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin sont assez importantes. Je rejoins toutefois M. Gorce sur un point : beaucoup reste à faire, et les Français en ont conscience. L'évolution de notre système social nous conduira à prendre nos responsabilités. Cela n'a pas été fait dans le passé et nous entendons, nous, avancer et garantir le système social : c'est ce qu'attendent les Français.

La réforme, nous dit M. Gremetz, ne passera pas. Ce propos est personnel et démenti par les faits : infléchissement de la progression des arrêts de travail, ralentissement de l'évolution des remboursements de l'assurance maladie et modification d'un certain nombre de comportements.

S'agissant du financement du FCAATA, M. Gremetz juge très insuffisantes les mesures proposées, qui visent à associer les employeurs au financement de la cessation d'activité anticipée des salariés victimes de l'amiante. C'est pourtant la première fois qu'est mis en place un système équilibré qui permet de sensibiliser les entreprises au risque tout en préservant les droits des salariés.

Dans le cadre de la réforme de la tarification à l'activité, Monsieur Gilles, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2004 a vu la mise en place de coefficients géographiques s'appliquant aux tarifs des prestations hospitalières dans certaines zones pour tenir compte de facteurs spécifiques qui modifient de façon permanente et substantielle le prix de ces prestations. La région Ile-de-France bénéficiera en 2005 d'un coefficient géographique de 7 %. Plusieurs facteurs - salaires, prix de l'immobilier ou des services - expliquent en effet les surcoûts constatés. Hors Corse et DOM, la région Ile-de-France est la seule dont la situation justifie un coefficient correcteur concentrant tous les facteurs de surcoût. S'agissant de Marseille, le surcoût lié à l'indemnité de résidence ne justifie pas à lui seul une extension du bénéfice du coefficient géographique, même si la ville mérite des attentions particulières. Je m'en entretenais récemment, d'ailleurs, avec son sénateur-maire.

Monsieur Préel...

M. Jean-Luc Préel - Je croyais avoir été oublié !

M. le Secrétaire d'Etat - Rassurez-vous, il n'y avait aucun risque. J'avoue cependant ne pas avoir reconnu dans votre description la réforme votée l'été dernier. En effet, n'y a pas d'étatisation. (M. Bapt s'exclame) Il y a en revanche de vrais progrès dans la régionalisation. Je pense notamment aux missions régionales de santé et à l'expérimentation d'agences régionales de santé. Je tiens à le préciser, car ce point a été soulevé lors de la discussion parlementaire - et je me tourne ici vers la commission -, il appartient désormais à l'ensemble des acteurs de terrain de s'engager dans cette démarche régionale.

Vous avez parlé de l'ONDAM 2005. J'affirme à nouveau la crédibilité de cet objectif, qui prend en compte les mesures nouvelles susceptibles d'intervenir en 2005. Je vous donne rendez-vous pour constater le cas échéant que nous avons réussi !

M. Jean-Luc Préel - J'en prends bonne note.

M. le Secrétaire d'Etat - Je vous rappelle la répartition des enveloppes de l'ONDAM en 2005 : les soins de ville augmenteront de 2,1% - 3,1% en prenant en compte le « un euro » - , les soins hospitaliers de 3,6 %, les dépenses en faveur des personnes handicapées de 5,4 % et celles en faveur des personnes âgées de 11,4 %.

Quelques éléments sur les retraites. Le Gouvernement s'engage à assurer la convergence entre les maîtres du privé et du public. J'ai eu l'occasion de répondre ici-même à une question posée au Gouvernement. Une démarche a été initiée par votre collègue Yves Censi. Une partie des engagements est honorée dans ce PLFSS, d'autres trouveront leur place dans des textes ultérieurs.

Sur les pensions de réversion, je pense que vous avez comme moi le plus grand respect pour les travaux du Conseil d'orientation des retraites, qui se sont imposés tant par leur qualité que par leur caractère consensuel. Le Gouvernement prendra donc ses responsabilités au vu de ses travaux, qui seront disponibles au plus tard fin novembre.

Le plan d'économies sur les achats à l'hôpital permettra de gagner 150 millions pour la seule année 2005. Mais l'engagement consenti par le Gouvernement en faveur de l'hôpital représentera deux milliards supplémentaires à la fin de l'année prochaine. Il ne s'agit pas de dépenser moins - nous dépenserons davantage - mais d'avoir le souci de dépenser mieux, ce qui est synonyme d'amélioration de la qualité des soins à l'hôpital (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Certains hôpitaux connaissent certes des tensions budgétaires importantes. Mais l'aide exceptionnelle de 300 millions décidée cet été a permis aux ARH de négocier avec les établissements en difficulté des plans de retour à l'équilibre. Un bilan sera dressé avec la FHF début 2005, lorsque nous connaîtrons les résultats de la gestion 2004. Enfin, la réforme du régime budgétaire et comptable des hôpitaux se traduira en 2006 par la mise en place d'un état prévisionnel des recettes et une vraie sincérité des comptes, les établissements étant dotés d'un outil moderne de gestion.

Je remercie M. Vitel de sa confiance. Nous avons en effet associé les professionnels de santé et les partenaires sociaux à la réforme, et nous continuons à le faire : les textes relatifs à l'évaluation des pratiques professionnelles et à l'accréditation seront élaborés dans les prochaines séances en concertation avec les professionnels. Beaucoup dépendra des discussions conventionnelles. Je suis optimiste car de nombreux progrès ont été constatés. Le climat est donc favorable.

M. Bapt est revenu sur le financement de la dette sociale et sur le fonctionnement de la CADES. Faut-il rappeler que le véritable transfert sur les générations futures aurait surtout consisté à n'engager aucune réforme de l'assurance maladie, solution qui avait été retenue par le gouvernement Jospin. Nous n'avons pas voulu agir dans la continuité de ce que vous aviez fait, ou plutôt de ce que vous n'aviez pas fait !

M. Gérard Bapt - Dont acte.

M. le Secrétaire d'Etat - Qu'avez-vous dit, Monsieur Bapt, lorsque le gouvernement précédent a doublé à compter de l'an 2000 les sommes que la CADES devait verser à l'Etat ? Soyez cependant rassuré : les charges de la CADES sont clairement définies, et les ressources qui lui sont affectées lui permettent sans difficulté de faire face à l'amortissement de la dette, dans des conditions de liquidité dont la qualité est reconnue par les marchés financiers et les agences de notation.

Je vous rejoins pleinement, Monsieur Bernier, sur l'importance de la prévention. La loi du 9 août 2004 offre désormais un cadre au développement d'une politique de prévention globale. Mais bien des progrès restent à faire. Le système de santé français, qui est l'un des meilleurs en matière curative, peut faire mieux en matière de prévention. Vous savez l'investissement du Gouvernement et du Président de la République dans la lutte contre le cancer. Nous avons fait un progrès considérable avec le déploiement sur l'ensemble du territoire du dépistage du cancer du sein. Il faudra bien sûr évaluer le dispositif. Toute politique publique devrait être évaluée. Je vous le redis, l'engagement financier est là : le plan cancer, ce sont 100 millions d'euros supplémentaires en 2005.

M. Terrasse a évoqué la loi organique et insisté sur la lisibilité du PLFSS. Je ne puis que le rejoindre : le Gouvernement s'est d'ailleurs engagé à réformer la loi organique de 1996 sur les PLFSS. Quant à l'ONDAM médico-social, les moyens mobilisés sur le secteur sont considérables : 6,8% en 2003, 7,4% en 2004, plus de 7% en 2005 - soit davantage que ce que le précédent gouvernement avait fait.

Je ne suis pas certain, Madame Guigou, de la pertinence d'une comparaison des dépenses de santé selon les gouvernements. Elle serait d'ailleurs à l'avantage de celui-ci. Tous les experts reconnaissent que la dynamique actuelle des dépenses a commencé au milieu des années 1990. Quant aux plans de santé publique, ils ont été multipliés comme autant d'effets d'annonce. Avec le plan cancer, la prévention routière, le plan santé-environnement, nous construisons pour notre part un plan structurel avec des moyens, des changements et des résultats.

Sur les accidents du travail, le montant que la branche accidents du travail paye à la branche maladie est réévalué tous les trois ans. M. Cugnenc a rétabli la vérité en matière de prévention. Notre politique en matière de prévention et de traitement du cancer, initiée par le Président de la République, est une grande avancée et une vraie réussite.

M. Bacquet a contesté le développement de la consommation de médicaments génériques ; pourtant, les chiffres montrent qu'aujourd'hui une boîte achetée sur huit est une boîte de médicaments génériques, contre une boîte sur treize en 2002. Cette tendance ne fera que se confirmer, et je m'en félicite. Quant aux indemnités journalières, tous les outils ont été mis en place pour éviter les abus, comme il se doit dans un système solidaire ; déjà, les mesures décidées par la CNAM commencent à porter leurs fruits.

M. Jacquat a dit sa satisfaction de la suspension du décret relatif aux pensions de réversion. Cette mesure a été prise dans le souci de garantir le pouvoir d'achat des intéressés. Le Gouvernement révisera le décret dans la transparence et avec l'objectif de garantir la sécurité des titulaires de ces pensions. A cet égard, je tiens à souligner que les pensions de réversion déjà liquidées ne subiront aucune modification.

Mme Hoffman-Rispal s'est interrogée sur le rôle exact que jouera la CNSA. L'architecture présentée au Sénat lors du débat relatif au projet de loi sur le handicap précise que la caisse contribuera au financement de la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées, qu'elle assurera une répartition équitable des crédits médico-sociaux sur l'ensemble du territoire et qu'elle apportera une expertise technique sur les sujets liés à la perte d'autonomie. Il ne s'agit pas que la caisse se substitue à l'assurance-maladie : ce que nous voulons, c'est améliorer la prise en charge des personnes handicapées. S'agissant plus particulièrement de l'ONDAM-personnes âgées, dois-je rappeler qu'au cours de certains exercices de la précédente législature, son évolution a été inférieure à 5 % ? Avec un objectif fixé à 11,4 %, nous continuons de contribuer de manière très dynamique à la médicalisation des établissements et à la création de nouvelles places.

M. Domergue a traité de la chirurgie publique. Je me félicite qu'un accord unanime des quatre syndicats concernés se soit fait pour étudier les évolutions évoquées dans le cadre des négociations statutaires qui viennent de s'engager. Il faut, en effet, reconnaître la pénibilité de certaines tâches, et celle de la chirurgie au premier chef. Il convient de réagir dans les meilleurs délais car c'est un signe inquiétant de constater que lors du choix des postes d'internes, il y a quelques semaines, la chirurgie s'est placée en dernier.

M. Blazy s'est déclaré préoccupé par les économies annoncées à l'hôpital. Pourtant, les choses sont claires : en 2003, la mission d'expertise, ayant étudié quinze hôpitaux, a évalué à 14 % en moyenne les économies qu'il est possible de réaliser sur une cinquantaine de produits. Ce dont il s'agit, c'est d'acheter mieux, ce qui doit pouvoir se faire, puisque le prix de certains produits varie de 1 à 5 ! En 2004, quatorze établissements ont été accompagnés par des cabinets-conseil dans la mise en oeuvre d'un plan de réduction des prix d'achat, et les résultats obtenus sont éloquents : on a constaté que des économies parfois considérables sont possibles sur les achats de consommables, les fournitures de bureau, les dispositifs médicaux stériles et les matériels informatiques. Les sommes ainsi dégagées permettront d'améliorer la qualité de soins.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Voilà une saine gestion !

M. le Secrétaire d'Etat - M. Blazy et M. de Courson se sont également attardés sur les MIGAC, dont les missions d'intérêt général recouvrent d'une part l'enseignement et la recherche dans les CHU et dans les centres anti-cancéreux et d'autre part les activités diverses telles que les soins aux détenus. Là encore, l'objectif du Gouvernement étant la transparence absolue, un rigoureux travail d'identification est en cours.

M. Jean-Pierre Blazy - Voilà qui n'est ni clair, ni rassurant !

M. le Secrétaire d'Etat - M. de Courson, dont chacun connaît la rigueur et le souci du détail, a pourtant présenté le résultat des discussions menées sur la soulte d'une manière qui n'est pas dans l'esprit du travail mené par le Gouvernement. En choisissant la méthode prospective, nous avons permis de rendre l'opération neutre pour le régime général, et je redis que la taxe n'induira pas d'augmentation de prix pour le consommateur. Certes, tout n'est pas encore fixé, puisque l'assiette et le taux dépendront aussi des négociations en cours avec les organismes complémentaires mais je ne doute pas que le résultat de notre démarche pragmatique sera satisfaisant. L'accord trouvé avec la CNAV montre d'ailleurs que nous sommes dans le vrai. Dans ce dossier comme dans les autres, le Gouvernement a agi avec ambition mais dans la concertation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Ministre - Il me faut en premier lieu rappeler à Mme Clergeau que les dispositifs financés par la branche famille doivent être en adéquation avec ses ressources, ce dont elle ne semble pas tenir compte. Mais je comprends qu'il lui soit difficile de se déclarer satisfaite du retour à l'équilibre en 2005, puisque le déficit de 2004 est imputable au transfert instauré par le gouvernement Jospin entre la branche famille et le FSV (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

S'agissant des mesures adoptées par la Conférence de la famille en 2004, il est réducteur de prétendre que notre approche aurait été strictement médicale. Nous avons, au contraire, privilégié une approche globale de l'adolescence. Quant aux entretiens de santé, sur lesquels M. Perrut que M. Door se sont interrogés, ils se dérouleront en présence d'un médecin.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles pour la famille - C'est heureux !

Mme la Ministre - Mais comme 700 000 adolescents sont visés, des médecins libéraux - le cas échéant les médecins traitants - devront se joindre aux médecins hospitaliers ou aux médecins scolaires. Mme Clergeau a par ailleurs affirmé que nous sacrifions les modes collectifs de garde des jeunes enfants. Je m'inscris en faux contre cette assertion, puisque la PAJE a augmenté de 150 euros par mois l'aide octroyée aux familles modestes pour qu'elles puissent avoir recours à une assistante maternelle. Ce mode de garde pourra ainsi se démocratiser. Par ailleurs, nous avons prévu d'affecter 200 millions à la création de 20 000 places de crèche supplémentaires. Il n'est donc pas exact de dire que les modes de garde individuels sont favorisés. D'autre part, je ne vois pas en quoi la nouvelle étape de la décentralisation induirait un désengagement de l'Etat dans le financement des modes de garde collectifs : non seulement ces crédits relèvent de la branche famille et non du budget de l'Etat, mais cette compétence est décentralisée depuis vingt ans.

M. Le Guen, Mme Mignon, Mme Guigou et M. Liebgott m'ont interrogée sur la revalorisation des allocations logement. J'ai veillé à ce que leur rationalisation n'ait pratiquement aucun impact sur les prestations familiales, qui conservent le bénéfice de l'abattement. Je me demande vraiment d'où sort le chiffre, tout à fait fantaisiste, de 60 000 familles qui seraient touchées.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure - Il n'est pas fantaisiste du tout !

Mme la Ministre - Vous m'avez interrogée également sur la cotisation de l'Etat au titre des prestations familiales de ses agents, dont la CAF assurera la gestion à partir de 2005. Elle s'imputera sur le budget des charges communes pour un montant de 2,4 milliards d'euros environ, son taux étant porté de 5,2% à 5,3%.

Le relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi de personnel à domicile n'est pas, contrairement à ce que vous affirmez, une mesure « clientéliste ». On ne finance pas avec 15 000 euros un emploi à domicile à temps plein.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure - C'est incroyable ! De quelles familles parlez-vous ?

Mme la Ministre - Sur la base de 35 heures rémunérées au SMIC, il faut compter près de 20 000 euros par an. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) C'est d'ailleurs pourquoi le Gouvernement a relevé à 20 000 euros le plafond applicable dans le cas d'une aide à domicile s'occupant d'une personne invalide.

Vous m'avez interrogée enfin sur la création d'un fonds spécial de financement des unions familiales. Ce fonds existe depuis 1951 ! Ce que nous créons aujourd'hui, ce sont deux enveloppes distinctes pour le financement respectif du fonctionnement et des interventions des unions, dans le double objectif de maîtrise financière et de clarification des comptes.

Plusieurs d'entre vous ont abordé la question des enfants pauvres. Je les assure que le Gouvernement est entièrement mobilisé à ce sujet. Divers constats et rapports, dont celui du CERC, nous ont conduits à organiser la prochaine Conférence de la famille sur le thème des familles fragiles. Je saisis l'occasion pour dire que, contrairement à ce que peuvent penser certains, les conférences de la famille sont un moment privilégié d'écoute des familles, d'où sortent des projets concrets. Nous avons par ailleurs, dans le prolongement du comité interministériel consacré à la lutte contre l'exclusion, mis en place un groupe de travail sur les familles monoparentales, au sein desquelles se concentrent les enfants pauvres.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure - Il faut prendre des mesures !

Mme la Ministre - Elles le seront dès que le groupe de travail aura rendu ses conclusions.

M. Audifax a insisté sur la nécessité de faire évoluer le congé maternité en cas de naissance prématurée. C'est l'une de mes préoccupations et j'aurai l'occasion de m'exprimer sur le sujet lors de la discussion des amendements.

Mme Mignon a traité de l'allocation de présence parentale, dont j'ai précisément réuni hier le comité de suivi. Nous souhaitons mieux informer les familles et les employeurs sur ce dispositif, encore méconnu puisque seules 3 300 personnes en ont bénéficié quand 15 000 peut-être le pourraient. Nous souhaitons également assouplir le congé de présence parentale et les modalités de versement de l'allocation versée pendant sa durée, dont il apparaît qu'elle ne correspond pas tout à fait aux objectifs initiaux non plus qu'à l'attente des familles. Je ne peux enfin, Madame Mignon, vous laisser remettre en question notre souhait de diversifier les modes de garde des jeunes enfants. Ce gouvernement a notamment rendu les crèches privées éligibles au plan Crèches, ainsi qu'aux subventions des CAF, de façon à réduire significativement le coût restant à la charge des parents, et rendu éligibles au « crédit impôts famille » les dépenses d'investissement comme de fonctionnement.

Je suis, comme Mme Bourragué, particulièrement attentive au sort des pupilles de l'Etat, dont les deux tiers ne peuvent être adoptés. Nous cherchons à mieux savoir pourquoi, pour tenter d'y remédier. En matière d'adoption, la future Agence française de l'adoption assumera une fonction d'opérateur et d'accompagnement auprès des familles, auxquelles les services consulaires apporteront également un appui renforcé. Cette Agence sera aussi une garantie pour les pays d'origine des enfants, parfois réticents aux adoptions. Nous avons également eu à cœur d'instaurer une parité de droits entre les enfants adoptés et les autres. Le doublement de la prime d'adoption, même s'il ne permettra pas de couvrir tous les frais engagés par les familles candidates à l'adoption, en particulier à l'étranger, était au moins une marque de reconnaissance indispensable à l'égard de ces familles.

J'ai été particulièrement sensible aux propos de M. Delnatte. Oui, la politique familiale est essentielle pour notre société. Il faut aider et accompagner les familles dans leur projet parental. Ce sera d'ailleurs l'un des thèmes de la prochaine Conférence de la famille.

M. Liebgott a plus particulièrement évoqué les familles monoparentales et les problèmes spécifiques de garde qu'elles rencontrent. Nous réfléchissons aux solutions envisageables.

Je conclus enfin cette réponse en indiquant que le projet de loi relatif aux assistantes maternelles devrait être inscrit à l'ordre du jour de votre Assemblée en décembre. Nous ferons tout ensuite pour que les décrets d'application soient publiés le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

Mme Muguette Jacquaint - Je souhaite tout d'abord exprimer le profond mécontentement des députés communistes et républicains quant à l'examen de ce projet en commission la semaine dernière. Alors qu'elle devait normalement travailler du mardi après-midi au jeudi matin, la commission ne s'est en fait réunie que le mardi après-midi et soir, - et cette séance du soir n'était pas prévue. Jamais un projet de loi de financement de la sécurité sociale n'a été examiné dans de telles conditions. Si votre intention était de boucler, pour ne pas dire bâcler, l'examen des amendements en cinq heures, vous auriez dû nous le dire !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Mais pas du tout. Vous auriez parfaitement pu venir en commission.

Mme Muguette Jacquaint - J'y vais lorsque je suis informée des dates et des heures de réunion.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Mme Clergeau, elle, était, là.

Mme Muguette Jacquaint - Ces conditions de travail justifieraient à elles seules le renvoi en commission.

Mais j'en viens au fond. Le projet de loi de financement pour 2005 intervient après toute une série de mauvais coups portés à notre protection sociale, dont le dernier en date visait l'assurance maladie. Cette dernière réforme aurait, selon M. Douste-Blazy, conduit le Gouvernement à proposer un projet « plutôt court », que je préfère qualifier pour ma part de vide. Pourtant, les déficits s'accumulent, 14 milliards pour le régime général en 2004, soit cinq fois plus qu'en 2002, et 13,2 milliards pour l'assurance maladie, sans parler des menaces qui pèsent sur les autres branches dès 2005.

Il y a deux ans, j'avais reproché au ministre de la santé de l'époque de ne prendre aucune mesure sérieuse pour enrayer le déficit, le soupçonnant de vouloir l'exploiter pour justifier la privatisation de l'assurance maladie. J'avais raison ! Votre réforme de l'été dernier l'a confirmé, se bornant à resservir de vieilles recettes vouées à l'échec et d'instaurer une gouvernance qui ouvre la voie à la privatisation. Vous n'avez pourtant eu de cesse d'alarmer nos concitoyens, évoquant un déficit « abyssal » se creusant de 23 000 euros par minute, qui menaçait, clamiez-vous partout, l'existence même de notre sécurité sociale. Il fallait bien justifier tous les sacrifices exigés de nos concitoyens !

En réalité, vous n'avez jamais eu, non plus que votre prédécesseur, l'intention de rétablir les comptes de l'assurance maladie. Vous vous êtes contenté de culpabiliser les assurés, les présentant comme des fraudeurs en puissance, qu'il était donc normal de contrôler, de sanctionner et de moins rembourser ! Or, la fraude à l'assurance maladie ne représente que 0,46% du total des dépenses de santé et le nombre d'arrêts de travail abusifs est de l'ordre d'un pour cent mille.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Nous n'avons pas les mêmes chiffres !

Mme Muguette Jacquaint - Ce qu'il aurait fallu dire à nos concitoyens, c'est que les dépenses de santé augmentent dans tous les pays développés, en raison à la fois du progrès médical et du vieillissement de la population. Le Haut conseil pour l'assurance maladie a lui-même reconnu cette tendance structurelle.

Dès lors, il était facile de saisir les motivations réelles de vos prétendus efforts partagés : accroître par tous les moyens la prise en charge de leurs dépenses par les assurés sociaux, afin de laisser libre cours aux acteurs privés de l'assurance maladie. Dans un premier temps, vous inventez le déremboursement d'un euro, que vous préférez appeler « franchise » - peut-être pour nous mettre déjà dans le bain du langage des assurances... Vous augmentez le forfait hospitalier de 3 euros, après l'avoir accru de 2,45 euros. Vous augmentez la CSG et la CRDS pour les salariés et retraités en élargissant l'assiette de la première et en augmentant le taux des deux. Vous renforcez la rigueur des protocoles d'affection de longue durée et de maladie chronique en transférant sur les malades les coûts d'une prise en charge dorénavant considérée comme injustifiée.

Mais le pire restait à venir. Votre texte ne se contente pas d'organiser le transfert de charge des dépenses de santé vers les assurés et les malades en réduisant le périmètre de prise en charge des dépenses : il dynamite en outre l'architecture actuelle de la branche maladie par un double mouvement complémentaire d'étatisation et de privatisation. Dans ce cadre, les complémentaires privées seront chargées de mettre en place le panier de soins pris en charge socialement : c'est leur ouvrir un boulevard dans la gestion de l'assurance maladie. Il s'agit donc bien d'un processus de privatisation qui s'opère petit à petit.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances - Quel manque de confiance dans le mouvement mutualiste !

Mme Muguette Jacquaint - Vous avez opté de la sorte pour un type de société où les assurés sociaux seront réduits à une couverture maladie strictement individuelle, pour le plus grand profit des acteurs privés de l'assurance et du patronat en général. Votre texte relève donc d'un choix qui prépare une catastrophe prévisible en matière de santé et de justice sociale - car on ne fait pas d'économies, ni financières ni sanitaires, en incitant les malades à retarder leurs visites chez le médecin, comme vous le proposez implicitement. Tout ce que vous obtenez ainsi, c'est d'accroître le risque d'une maladie plus grave, dont le coût social sera plus grand.

C'est donc un PLFSS pour la forme que vous nous présentez : les choix essentiels ont été faits pour partie il y a deux mois, et d'autres le seront dans quelques semaines avec les lois organiques réformant le mode d'élaboration du financement de la sécurité sociale.

Pourtant la réalité des comptes de la sécurité sociale méritait une mobilisation d'envergure sur trois questions fondamentales : le financement, la politique du médicament et l'avenir de l'hôpital. Je l'ai dit, tous les indicateurs sont dans le rouge. Pour le régime général le déficit, qui était de 3,4 milliards d'euros en 2002, est passé à 11,5 milliards en 2003 et à 14 milliards cette année ! Pour la branche maladie, le déficit, qui était de 6,1 milliards d'euros est passé à 11,9 milliards, pour atteindre 13,2 milliards en 2004. Depuis votre arrivée, le déficit du régime général à quasiment quintuplé et celui de la branche maladie a doublé... Voilà votre œuvre, de mesures de répression en contrôle des dépenses, de déremboursements en diminutions des prises en charge. Alors, vous pouvez bien agiter le chiffon rouge et exiger toujours plus de sacrifices des assurés sociaux, mais il n'y aura bientôt plus assez de crans à la ceinture pour continuer de la serrer ! Si vous persistez à vouloir seulement maîtriser les dépenses sans toucher aux ressources, vous irez vers un démantèlement encore plus poussé de notre sécurité sociale, et c'en sera définitivement terminé de l'esprit de 1945. Mais n'est-ce pas la volonté de beaucoup, et notamment du Medef ?

Le déficit, ou plutôt la tendance à organiser le déséquilibre financier de l'assurance maladie - comme vous le faites avec talent -, résulte d'un sous-financement structurel. Il faut donc garantir des ressources pérennes pour la sécurité sociale. C'est le sens de nos amendements de financement : M. le ministre de la Santé n'a-t-il pas reconnu lui-même que le déficit était d'abord dû à l'atonie des recettes ?

Il faudrait aussi que le financement de la protection sociale cesse de reposer sur une fiscalité hasardeuse. Je pense notamment à vos déboires avec les taxes sur les tabacs et l'alcool. En 2003, on attendait près d'un milliard d'euros du relèvement des taxes sur le tabac : ce supplément s'est finalement réduit à 200 millions, en raison d'une hausse moindre que prévu et d'une diminution des ventes plus marquée. Selon la Cour des comptes, il devrait en être de même en 2004, le supplément attendu de recettes sur le tabac devant être inférieur au 1,2 milliard prévu dans la loi de financement. Pourtant vous voulez récidiver, au détriment de l'engagement du ministre des finances, et surtout pour financer des actions qui ne relèvent en rien de la lutte contre le tabagisme : pas un centime pour les centres de lutte contre le tabagisme, la prise en charge de substituts nicotiniques ou la prévention...

Il a fallu en outre absorber les restes à recouvrer du régime général sur l'Etat, qui sont passés de 3,22 à 3,93 milliards d'euros ; ils résultent du remboursement des mesures en faveur de l'emploi, ainsi que du versement des cotisations et contributions dues par l'Etat. Ces restes à recouvrer, non négligeables déjà depuis des années, ont connu en 2003 une hausse significative. Ils concernent en grande partie le financement des exonérations sociales liées à des mesures en faveur de l'emploi : sur ce point ils atteignent 1,3 milliard d'euros, en hausse de 20 % ! Les données de la Cour des comptes confortent notre conviction qu'il faut établir des ressources pérennes, et lutter contre la prolifération des aides publiques sans contrepartie.

Inégalités sociales et régionales devant la santé, insuffisance grave de la santé au travail et de la prévention, asphyxie de l'hôpital public, manque criant d'emploi et de formation qui fait plonger la démographie médicale : telles sont les questions que devrait affronter une véritable réforme. Votre projet de loi, très insuffisant sur ces enjeux, mérite que notre commission le retravaille. Peut-on, oui ou non, trouver des ressources supplémentaires, importantes et durables ? Cette question renvoie avant tout à celles de l'emploi et de la croissance économique. C'est la remontée du chômage qui, depuis deux ans, a creusé le trou de la sécurité sociale. De ce point de vue, la politique gouvernementale consistant à comprimer les dépenses publiques et sociales, et donc à plomber la consommation, principal ressort de la croissance, n'augure rien de bon. Un point de PIB en moins se traduit par un manque à gagner de deux milliards d'euros de cotisations sociales ; et 100 000 chômeurs de plus représentent 1,3 milliard d'euros de moins pour la sécurité sociale, en additionnant les recettes perdues et les prestations chômage. Et je n'oublie pas votre course effrénée aux exonérations de cotisations patronales. Le niveau de ces exonérations dépasse aujourd'hui 20 milliards et devrait atteindre 24 milliards l'année prochaine. Ces choix idéologiques sont censés créer des emplois en réduisant le coût du travail. Mais c'est un échec : le nombre d'emplois créés ne s'est pas amélioré sensiblement de la sorte, bien au contraire, puisque aujourd'hui des emplois sont détruits en France.

Il faut donc trouver un autre moyen d'encourager véritablement la création d'emplois. Nous proposons la bonification d'emprunts bancaires, ciblée et contrôlée : elle permettrait de développer une véritable alternative par la baisse sélective des charges financières du crédit.

Votre gouvernement, comme M. Seillière, balaye d'un revers de main toute idée de prélèvement supplémentaire à la source sur la richesse créée par le travail, en arguant - sans jamais le démontrer - que cela jouerait contre l'emploi. Et si, au contraire, il était possible d'affecter une plus grande part de cette richesse à la santé tout en développant l'emploi ? Une telle réforme comporterait deux volets. Le premier consisterait à taxer les revenus financiers des entreprises, qui échappent aujourd'hui à toute cotisation sociale, et qui, issus pour l'essentiel des jeux de la Bourse, représentent la bagatelle de 200 milliards d'euros. Soumis à une cotisation de même taux que les salaires, ils apporteraient d'un coup à la sécurité sociale près de 20 milliards d'euros de ressources nouvelles. Cette recette serait certes aléatoire, car les profits peuvent fortement fluctuer d'une année à l'autre. Ce prélèvement n'en aurait pas moins une haute portée, en incitant les entreprises à se détourner de la spéculation et à s'orienter vers des investissements productifs.

Le second volet, le plus essentiel, serait une refonte de la cotisation patronale. Aujourd'hui, plus une entreprise embauche et verse des salaires élevés, plus elle cotise. À l'inverse une société qui comprime l'emploi ou le précarise, limite les salaires et privilégie la croissance financière, contribue moins à la protection sociale. Le système actuel pénalise ainsi les entreprises et industries de main-d'oeuvre, comme le BTP ou la métallurgie, tout en avantageant des secteurs comme les assurances et les banques. Notre réforme renverserait cette logique. Le taux de cotisation serait diminué pour les entreprises qui augmentent la part des salaires dans la valeur ajoutée, mais alourdi pour celles qui la diminuent. Cette réforme enclencherait une nouvelle logique fondée non sur la baisse des coûts salariaux, mais sur le développement des dépenses humaines, sociales et d'innovation, c'est-à-dire la croissance de l'emploi, l'élévation des salaires et la formation. Une manière de « responsabiliser », non plus seulement les individus, mais aussi les employeurs vis-à-vis des finances de la sécurité sociale, en pesant sur le mode de gestion des entreprises. Tout en assurant des ressources durables à la protection sociale, cette réforme aurait enfin le mérite de « réhabiliter » véritablement le travail.

Ces pistes que nous avons proposées doivent être prises en compte. Vous-mêmes avez reconnu cet été que nous avions des propositions, et surtout qu'elles étaient financées. Ces propositions de financement sont certes audacieuses, mais opérationnelles.

On attribue aussi les difficultés financières à une surconsommation de médicaments.

M. Yves Bur, rapporteur - C'est incontestable.

Mme Muguette Jacquaint - Mais des choix peu judicieux ont été faits depuis trois ans.

Si nous demandons le renvoi en commission, c'est aussi que nous avons des propositions pour améliorer la dépense dans ce domaine sans entraver l'accès de tous aux médicaments. Selon la Cour des comptes, ce poste de dépenses a augmenté de 42% entre 2000 et 2003 contre 25% pour l'ensemble des soins de ville. Il représente désormais 34,5% des remboursements au titre des soins de ville et une charge de 22 milliards en intégrant les dépenses faites à l'hôpital.

En dépit des réformes lancées depuis 1999, les mécanismes de régulation ne sont guère opérants. Depuis janvier 2004, on peut importer des médicaments de pays où ils sont moins chers, mais l'assurance maladie n'est pas autorisée à les rembourser. A mesure qu'un produit est plus ancien, son prix devrait baisser. Mais le comité économique des produits de santé n'a décidé aucune baisse en 2003, alors qu'il l'avait fait en 2002. Rien ne justifie cela.

M. Jean-Marie Le Guen - Très bien !

Mme Muguette Jacquaint - Quant à la procédure simplifiée du « dépôt de prix » mise en œuvre en 2003 par M. Mattei, et que nous jugions inefficace, voire perverse, elle n'a pas eu de résultats probants, puisque seules cinq molécules en auraient fait l'objet.

Enfin, l'instauration en 2003 du tarif forfaitaire de responsabilité qui permet de rembourser un produit princeps sur la base du générique a bien représenté un gain pour l'assurance maladie, mais en incitant les entreprises à relancer la promotion des princeps, elle a nui à la diffusion des génériques.

Pour résumer, le contrôle et la régulation restent insuffisants ; la règle selon laquelle un nouveau produit ne peut être inscrit sur la liste et donc remboursé que s'il apporte une amélioration, n'est pas respectée ; cette liste n'est pas actualisée et l'inscription de nombreux produits similaires interdit les économies d'échelle ; enfin la prescription est peu encadrée, ce qui peut entraîner l'achat de produits plus coûteux que nécessaire.

Nos amendements sur la politique du médicament visent à réduire ces dysfonctionnements.

L'industrie du médicament est un secteur des plus profitables...

M. Jean-Marie Le Guen - Très juste.

Mme Muguette Jacquaint - ...avec des taux de rentabilité qui peuvent atteindre 15%, sur le dos des assurés et des malades. En effet, cette industrie oriente la recherche en fonction du profit et au mépris des besoins. Elle présente comme innovation un principe actif à peine modifié pour éviter qu'il ne tombe dans le domaine public.

Instaurer une maîtrise publique de l'industrie pharmaceutique, un droit de contrôle des salariés, des professionnels de santé et des associations de malades sur les choix de recherche et de production et sur la fixation des prix des médicaments, serait la meilleure méthode pour répondre aux besoins. Aussi proposons-nous de créer un conseil national du médicament composé de représentants des directions et des salariés des laboratoires, de chercheurs du public et du privé, de la Sécurité sociale et de la conférence nationale de santé, qui aurait pour mission de fixer les objectifs de santé publique à cette industrie.

D'autre part, qu'elle soit totalement libre de ses décisions de recherche ou de fabrication pose un problème éthique et économique. Pourquoi laisser de côté les pathologies non rentables, les maladies orphelines, les populations des pays pauvres ? En France, les firmes exploitent la complexité de la réglementation de mise sur le marché pour conserver toute liberté d'action. C'est le comité économique des produits de santé qui fixe les prix des médicaments, mais la commission de transparence de l'AFSSAPS qui les classe en fonction du service médical rendu. De ce fait, il arrive que les firmes commercialisent des produits dénommés médicaments sur la base de tests qu'elles réalisent elles-mêmes, et qui sont ensuite classés comme médicaments médiocres pour justifier un faible remboursement. Il faut en finir avec ces jeux commerciaux.

De même, les laboratoires se refusent à demander l'inscription sur la liste des médicaments remboursables de certaines molécules innovantes très utiles pour éviter qu'on ne leur fixe un prix raisonnable. Nous demandons l'inscription obligatoire de telles molécules sur la liste des produits remboursables pour qu'elles soient accessibles à tous. De façon générale, le prix d'un médicament doit pouvoir être revu à la baisse. La commission n'en a pas assez délibéré.

J'en viens à l'hôpital. Il est en crise, étranglé financièrement depuis vingt ans par la maîtrise comptable des dépenses, et plus encore par le plan Hôpital 2007, et ne peut plus assurer ses missions. Aussi, comment accepter que certains, aujourd'hui, l'accusent d'être « responsable » des déficits de la sécurité sociale ?

Selon la conférence des directeurs généraux de CHU, 85% du patrimoine ont plus de 20 ans, 35% sont vétustes, et 60% des établissements ont reçu un avis défavorable des commissions de contrôle sur le risque d'incendie.

Pour la fédération hospitalière française, fin 2005 il manquera 850 millions aux hôpitaux en raison de l'insuffisance des dotations et des report de charges. Les personnels se sont mobilisés mais n'ont toujours pas été entendus. Plans d'austérité et de démantèlement se poursuivent. Le plan Hôpital 2007 amorce une véritable privatisation de la santé, avec l'entrée du capital privé dans les investissements, et surtout l'introduction de la tarification à l'activité. Le Gouvernement veut ainsi transformer des établissements à vocation sanitaire en entités économiques assurant une certaine rentabilité.

A vouloir que les établissements de santé réalisent des profits, vous allez les conduire à sélectionner les malades en fonction de la rentabilité financière de leur pathologie. Vous allez aggraver le déséquilibre régional de l'offre sanitaire hospitalière, et c'est le malade qui paiera la facture ! La qualité de la prestation de santé s'en trouvera amoindrie.

Et que dire de la couverture nationale en établissements de santé ? Faute de patients, des établissements risquent de fermer dans certaines régions. Au mieux, ils se spécialiseront si la densité de la population le permet.

Enfin, il y a fort à parier que les établissements mèneront une guerre des salaires pour attirer les meilleures compétences et les meilleurs matériels. Nous assisterons à des files d'attente interminables à l'entrée de ces établissements, quand d'autres seront désertés.

Nous rejetons ce projet de financement, et demandons la suspension du plan Hôpital 2007. Il faut débloquer des moyens de fonctionnement à l'hôpital, et ouvrir la négociation avec les représentants syndicaux sur son organisation interne, ses modalités de financement, la formation et la promotion des carrières.

Très technique et peu ambitieux, ce projet de loi de financement pour 2005 poursuit les orientations du PLFSS 2004, du plan Hôpital 2007 et de la réforme de l'assurance maladie.

Pour toutes ces raisons, nous demandons le renvoi en commission de ce texte, afin que soient réétudiées nos propositions.

M. le Président de la commission - Afin de préparer ce projet, la commission n'a pas procédé à moins de 52 auditions, qui ont été ouvertes à tous les groupes politiques.

Par ailleurs, je remercie le Gouvernement qui a fait en sorte que ces auditions aient lieu après la diffusion de l'avant-projet de loi, ce qui représente un progrès par rapport aux années précédentes.

La commission a consacré six séances et 9 heures 10 de réunion à ce projet. Elle a été saisie de 256 amendements, et en adopté 31, dont deux du groupe socialiste. Excepté Mme Fraysse, nous n'avons pas vu de député communiste.

Mme Muguette Jacquaint - Je suis venue moi aussi !

M. le Président de la commission - On ne vous a pas vue, et je le regrette, car nous aurions pu aborder les sujets intéressants dont vous venez de parler.

M. le Ministre - Permettez-moi de vous répondre d'abord sur la philosophie de la réforme. Vous essayez à nouveau de démontrer que nous avons pour objectif la privatisation de l'assurance maladie, alors que nous réformons justement pour éviter d'en arriver là. Après plus de 150 heures de débat ici-même, je suis surpris que vous teniez encore ce raisonnement archaïque, alors que nous voulons sauvegarder la spécificité de notre système de santé. Les Français l'ont compris, et l'amorce de la modification de leurs comportements en témoigne.

Sur les médicaments, vous n'avez sans doute pas eu le temps de vous pencher sur notre plan qui s'articule autour de quatre axes : le développement du générique, l'adaptation de la taille des conditionnements - le décret sortira dans les jours qui viennent-, la maîtrise du médicament à l'hôpital, et le bon usage du médicament. Nous en attendons 2,3 milliards d'économie d'ici 2007.

Quant à l'hôpital, je reste convaincu qu'il a en lui les ressources nécessaires à sa modernisation et à son évolution. Je veux continuer la lutte contre les rigidités, qu'il s'agisse des relations entre les acteurs, des modalités de financement ou de la gestion interne. Les difficultés sont réelles, mais je ne sombre ni dans la sinistrose, ni dans le découragement. Il faut agir avec les hommes et les femmes qui travaillent à l'hôpital. Près de deux milliards supplémentaires iront à l'hôpital public cette année ! Mais nous souhaitons tout de même réaliser des économies, en particulier sur les achats.

S'agissant des abus, je salue la précision de Mme Jacquaint, qui nous apprend qu'ils représentent 0,46% des dépenses d'assurance maladie. Dans un système où la dépense de santé est prise en charge par la collectivité, les abus doivent être poursuivis.

Mme Muguette Jacquaint - Personne ne dit le contraire !

M. le Ministre - Nous arrivons donc aux mêmes conclusions ! Les mesures que nous avons prévues sont de nature à résoudre les problèmes de financement....

Mme Jacqueline Fraysse - Elles ne suffiront pas !

M. le Ministre - ...mais nous ne pouvons demander des efforts aux Français, sans mettre fin aux abus et aux fraudes.

M. Jean-Marie Le Guen - Quel moral d'acier !

M. le Ministre - Un euro public dépensé doit être un euro efficace, parce que c'est la collectivité qui paie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Nous en venons aux explications de vote.

M. Claude Leteurtre - C'est vrai, le monde hospitalier est impatient et inquiet, car il a besoin de moyens. Dans les trois prochaines années, ce sont 20 à 30% des plateaux techniques qui fermeront. Et la TAA conduira certains établissements à donner comme consigne la baisse de leur activité. Mieux vaudra avoir une affection grave en début d'année qu'à la fin.

Mme Jacquaint a demandé le renvoi en commission, mais j'ai confiance dans le talent de M. Dubernard pour faire avancer les choses (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). MM. les rapporteurs ont également du talent, mais ils ont beaucoup de mal à se démarquer du Gouvernement .

M. Yves Bur, rapporteur - Nous ne sommes pas l'UDF !

M. Claude Leteurtre - Le dialogue est nécessaire et il faut donc passer à l'examen des amendements. Le Groupe UDF ne votera pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Bertho Audifax - Pendant vingt ans, des réformes indispensables ont été repoussées mais le Gouvernement s'est d'ores et déjà attaché à préserver l'avenir de notre protection sociale.

Concernant les indemnités journalières, Mme Jacquaint a parlé d'une anomalie de 1% mais les chiffres de la Cour des comptes font état d'un taux de 6%, voire pour certaines caisses, de 16%.

M. Jean-Marie Le Guen - C'est un 1% en masse financière et 6% pour le nombre des personnes.

M. Bertho Audifax - Nos rapporteurs ayant minutieusement analysé ce projet de loi et les commissions ayant examiné les amendements proposés, nous ne voterons pas cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - Il est un peu irritant de recevoir des leçons de morale quant à l'utilisation des fonds publics alors que l'on parle sans arrêt de M. Flosse. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles Artigues - Quel rapport ?

M. Jean-Marie Le Guen - Nous comprenons les interrogations de Mme Jacquaint sur l'efficacité de l'action publique dans la lutte contre les abus : certes, 6% des personnes fraudent en matière d'indemnités journalières, et c'est condamnable. Mais que dire des trois milliards que les entreprises ne déclarent pas ? Il faudrait que le Gouvernement ramène le Medef a la raison à propos des sous-déclarations d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Le premier acte du proconsul a consisté à dresser les salariés de l'assurance maladie afin qu'ils surveillent chaque personne accidentée du travail ou en arrêt suite à une maladie professionnelle.

M. Yves Bur, rapporteur - Vous fantasmez !

M. Jean-Marie Le Guen - S'agissant de l'hôpital, les difficultés sont réelles, mais on ne peut continuer à se payer de mots avec le monde hospitalier ou à donner des chiffres fantaisistes. Vous essayez de tromper les professionnels hospitaliers, mais eux savent que la situation des établissements est catastrophique, que le rebasage pour 2004 est insuffisant de plus de 350 millions. Et vous osez faire preuve d'arrogance (Protestations sur les bancs du groupe UMP) alors que depuis 2002 vous ne cessez de vous tromper sur l'ONDAM : les dépassements cumulés atteignent 22 milliards ! Permettez donc que l'on s'interroge sur vos prévisions pour cette année. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale ne nous a pas apporté les précisions que nous souhaitions, mais nous avons néanmoins entendu que l'ONDAM était intangible. Quid de la négociation avec les syndicats de médecins si vous n'avez rien d'autre à proposer hors la progression de 3,1% ? C'est en tout cas ce que j'ai cru entendre, mais j'avoue avoir du mal à savoir quand vous dites la vérité et quand ce n'est pas le cas. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Le groupe socialiste votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Jacqueline Fraysse - Je soutiens évidemment la motion présentée par notre groupe.

M. Dubernard a déclaré lui-même qu'il n`était pas satisfait des travaux en commission...

M. le Président de la commission - Parce que certains députés n'étaient pas là.

Mme Jacqueline Fraysse - La commission était convoquée le mardi 19 octobre à 16 heures 15, et aucune séance n'était prévue le soir. Or, elle a siégé jusqu'à 21 heures sans que nous en ayons été informés. Résultat le mercredi matin, on avait déjà dépassé l'article 30, et nous n'avons pas pu examiner correctement l'ensemble des amendements. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Perrut, rapporteur - Quelle mauvaise foi !

Mme Jacqueline Fraysse - Les difficultés de la sécurité sociale seraient donc dues aux fraudeurs. Ils sont certes condamnables, mais chacun sait que le vrai problème, c'est celui des recettes auquel vous refusez de vous attaquer. Vous vous apprêtez à casser le système solidaire et à favoriser la privatisation de la protection sociale.

Vous parlez de liberté, liberté d'installation des médecins, liberté de choix des médecins., Mais que dites-vous de la liberté d'attendre un mois pour bénéficier d'un scanner, de la liberté de ne plus avoir de gynécologues (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ou d'anesthésistes, celle de travailler toutes les nuits dans les services d'urgence ? Lisez plutôt la lettre ouverte que les internes des hôpitaux publics viennent de nous adresser, Monsieur le ministre, et vous verrez qu'ils ne partagent pas votre enthousiasme.

M. le Président de la commission - Je ferai parvenir à Mme Fraysse une note détaillée concernant les horaires de la commission et la présence des membres du groupe communiste.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Mme la Présidente - J'informe l'Assemblée que l'article premier et le rapport annexé sont réservés à la demande du Gouvernement jusqu'après l'article 35.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soit à 21 heures 45.

La séance est levée à 20 heures 15.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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