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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 15ème jour de séance, 34ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 28 OCTOBRE 2004

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

      FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
      POUR 2005 (suite) 2

      ART. 6 5

      AVANT L'ART. 6 (précédemment réservé) 14

      APRÈS L'ART. 6 21

      ART. 7 22

      APRÈS L'ART. 7 22

      APRÈS L'ART. 8 23

      ART. 9 23

La séance est ouverte à neuf heures trente.

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2005 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Au nom du Gouvernement, je demande la réserve momentanée des amendements avant l'article 6, car M. Douste-Blazy, retenu par une réunion sur le plan cancer avec le Président de la République, tient à répondre personnellement sur ces amendements. Il nous rejoindra vraisemblablement en fin de matinée.

Mme la Présidente - La réserve est de droit.

Les amendements avant l'article 6 sont réservés.

APRÈS L'ART. 5

M. Jean-Luc Préel - Face à la pénurie de main-d'œuvre dans le secteur des fruits et légumes, l'amendement 253 de M. Dionis du Séjour propose de créer des « emplois francs agricoles » pour une durée de cinq ans. Il s'agit de ramener les charges sociales patronales à 10% du salaire brut, quels que soient l'âge et le niveau de qualification des salariés.

M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l'équilibre général - Cet amendement met en évidence un problème très important, mais le PLFSS n'est pas le cadre approprié à son traitement. Le ministre de l'agriculture y travaille, des réunions ont lieu, des propositions seront faites prochainement. Avis défavorable, donc

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Outre que des réductions de charges sociales sur les bas et les moyens salaires existent d'ores et déjà, la mesure proposée coûterait un milliard par an.

L'amendement 253, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Je remercie M. le rapporteur pour la compréhension dont il a fait preuve, mais je ne peux en dire autant du Gouvernement : les producteurs apprécieront.

L'amendement 254 de M. Dionis du Séjour vise à inscrire dans la loi la durée légale du CDD du travailleur occasionnel agricole et à porter la durée des exonérations de 100 à 154 jours, ce qui rendra les filières agricoles plus compétitives vis-à-vis de leurs concurrents européens.

L'amendement 254, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Perrut, rapporteur - L'amendement 182 modifie le code de la sécurité sociale pour tenir compte de l'article du projet de loi de finances pour 2005 relatif à l'affectation du produit du droit de consommation sur les tabacs.

L'amendement 182, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 251 de M. Dionis du Séjour vise à étendre le contrat vendanges à l'ensemble des récoltes agricoles, et en particulier au secteur des fruits et légumes, ce qui permettrait d'assouplir l'embauche des travailleurs peu ou pas qualifiés.

M. Bernard Perrut, rapporteur - Cette extension avait été évoquée voici quelques années mais, pour des raisons tant financières que juridiques, elle n'a pas été possible, et elle ne l'est toujours pas. Avis défavorable.

L'amendement 251, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Le Gouvernement expliquant que le PLFSS ne comporte aucun déremboursement, sans doute faut-il comprendre que l'augmentation du forfait hospitalier d'un euro chaque année profitera en fait aux patients... L'amendement 143 vise à maintenir son montant à 13 € par jour.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance maladie et les accidents du travail - Je rappelle que la mise en place du forfait hospitalier date de 1982 et que son montant est fixé par voie règlementaire. De nombreuses exonérations limitant au demeurant l'impact social de cette mesure, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Je rappelle que la plupart des personnes hébergées dans les établissements sociaux et médico-sociaux n'acquittent pas ce forfait, et qu'il existe, pour les personnes hébergées en maisons d'accueil spécialisées, un mécanisme de garantie d'un minimum de ressources. Enfin, l'augmentation du forfait hospitalier se justifie par les charges d'accueil et d'hôtellerie supportées par les établissements.

L'amendement 143, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 144 est défendu.

L'amendement 144, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 145 traite du plan cancer. Nous avions considéré comme positifs de nombreux éléments de ce plan, qui reprennent d'ailleurs des dispositions mises en œuvre par Bernard Kouchner.

Nous avions cependant émis des doutes sur l'opportunité de créer l'Institut national du cancer, qui obéit plus selon nous, à des considérations courtisanes qu'à une réflexion scientifique. Nous nous inquiétions ainsi de son opacité, de sa bureaucratie et de son coût, et je crains que le ministre ne puisse nous rassurer. On parle de plus de 200 emplois, mais on cerne difficilement les orientations et le pilotage. Notre société se mobilise indiscutablement contre le cancer, mais l'INCa laisse bien peu de place aux malades. Pour le moment, il n'est qu'un jouet aux mains de quelques-uns (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - On aurait aimé entendre le mot coordination dans la bouche de M. Le Guen. Oui, des mesures avaient été annoncées sous la précédente législature, mais jamais elles n'ont été prises. Le plan cancer met en place cette indispensable coordination. Comment laisser dire, enfin, que le malade ne serait pas associé, alors qu'il est au cœur même du plan et que les associations y ont toute leur place ? Le plan cancer est une excellente initiative dont nous nous féliciterons dans quelques années.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Avis défavorable. La loi relative à la santé publique prévoit déjà un rapport annuel de l'INCa. De plus, le plan cancer est l'un des grands chantiers du Président de la République.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est tout à fait d'accord pour faire régulièrement le point de l'avancement des grands plans de santé publique. Le plan cancer, qui est l'un des grands chantiers ouverts par le Président de la République en 2003, est pour nous une priorité.

La loi du 9 août 2003 prévoit que la mise en œuvre des programmes de santé sera suivie annuellement et évaluée. Les actions entreprises feront l'objet de débats et de rapports annuels de performance. Par ailleurs, l'INCa, qui sera créé début 2005, établira un rapport annuel d'activité qui sera transmis au Gouvernement et au Parlement. L'amendement est donc superflu. Le président de la commission l'a fort bien dit, nous travaillons dans la plus parfaite transparence, en partenariat avec les associations, et le malade est au cœur de nos préoccupations.

M. Gérard Bapt - L'INCa produira chaque année un rapport d'activité, soit. J'insiste cependant sur la nécessaire clarté en matière d'engagements budgétaires. En tant que rapporteur du budget de la santé, je me suis rendu compte qu'il était très difficile de dresser un bilan du plan cancer région par région et de distinguer les dépenses à la charge de l'Etat de celles qui relèvent de l'assurance maladie. Mme Briand, qui est en charge de la mission cancer, m'a indiqué qu'une étude avait été demandée à l'Ecole des Mines sur la région Bourgogne, afin d'évaluer l'effort public de lutte contre le cancer et d'élaborer une grille méthodologique permettant d'en mesurer l'incidence régionale. Il faut que ces éléments budgétaires apparaissent aussi dans le rapport annuel de l'INCa.

L'amendement 145, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Notre amendement 214 vise à revaloriser la fonction d'auxiliaire de vie, créée à titre expérimental en 1981. Les auxiliaires de vie interviennent auprès des enfants et des personnes âgées ou handicapées pour apporter une aide à la vie quotidienne et au maintien à domicile. C'est un accompagnement et un soutien indispensables dont il convient de revaloriser la fonction. Aussi demandons-nous au Gouvernement de s'engager, dans un premier temps, par un rapport.

M. Bernard Perrut, rapporteur - Nous connaissons l'intérêt que porte notre collègue Préel à cette question qui nous plonge au cœur des réalités quotidiennes. Mais le véritable engagement du Gouvernement réside à mon sens dans les mesures qui ont été prises. Je pense à la mise en place de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, aux moyens financiers qui vont nous permettre d'agir. Cette volonté politique est aussi illustrée par la création d'une Direction des services à la personne au sein du ministère.

La création de la CNSA introduit dans le schéma de financement un nouvel acteur, dont la place est clairement définie. L'objectif premier reste d'améliorer la vie à domicile, en augmentant et en diversifiant l'offre, mais aussi en développant l'innovation pour mieux personnaliser la réponse aux besoins. Enfin, il faut rendre ces métiers qui souffrent d'une pénurie de vocations plus attractifs. L'avenir des personnes âgées ou handicapées repose en grande partie sur des personnels qualifiés et en nombre suffisant. Les engagements précis du Gouvernement et l'engagement personnel de Xavier Bertrand, que nous connaissons, me semblent de loin préférables à un rapport : nous en verrons l'aboutissement sur le terrain.

M. le Secrétaire d'Etat - Tout a été dit, et fort bien dit, par M. le rapporteur Perrut. Après la création en 2002 du diplôme d'Etat d'auxiliaire de vie sociale et la signature de l'accord de branche sur les emplois et les rémunérations, agréé le 24 janvier 2003, le Gouvernement et les partenaires sociaux ont grandement œuvré en faveur de la reconnaissance et de la valorisation de ces métiers. La montée en charge de l'accord s'échelonne entre le 1er juillet 2003 et le 1er juillet 2005. Le prochain rapport annuel au Parlement relatif aux agréments de conventions et d'accords, qui vous sera remis au début de l'année prochaine, dressera le bilan de l'accord pour 2004. Voilà qui répondra à vos préoccupations, Monsieur Préel. Je vous demande donc de retirer votre amendement, faute de quoi le Gouvernement y donnerait un avis défavorable.

M. Jean-Luc Préel - Je le maintiens à titre symbolique...

L'amendement 214, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Notre amendement 215 tend à créer un Institut national de prévention de l'alcoolisme.

M. Jean-Marie Le Guen - Commencez par l'hémicycle !

M. Jean-Luc Préel - Comme pour le cancer, il est nécessaire de mieux coordonner l'ensemble des intervenants. L'alcoolisme est un fléau majeur dans notre pays : 5 millions de personnes font un usage excessif de l'alcool, ce qui les expose à différentes pathologies hépatiques ou nerveuses. 2 à 3 millions de personnes sont dépendantes et l'alcool est responsable de 50 000 décès et de 16 000 cancers chaque année. L'alcool a un impact majeur sur la vie sociale - accidents de la route, accidents du travail - et sur la vie quotidienne. La création d'un institut permettrait, à l'instar de ce qui a été fait pour le cancer, d'avoir une véritable politique dans ce domaine.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - La lutte contre l'alcoolisme est notre ambition à tous. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Vous connaissez les mesures que le Gouvernement a prises en direction des jeunes et en matière de sécurité routière. Le sujet a déjà été débattu cet été : des structures comme l'INVS ou l'INPES existent déjà. La commission a donc jugé inutile d'en créer une supplémentaire.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Nous entendons tous faire reculer l'alcoolisme. L'INPES a vu ses mission élargies par rapport à celles du CFES. Y figurent ainsi le développement de l'éducation à la santé et les programmes de prévention, notamment de l'alcoolisme. Il n'est donc pas nécessaire de créer un institut spécifique.

M. Jean-Luc Préel - Je ne reprendrai pas le débat de cet été. Nous n'étions pas favorables à la création de l'INPES, qui tend à supplanter les acteurs de terrain. Il aurait mieux valu fédérer les associations de terrain qu'imposer une structure nationale. Le rapporteur et le ministre ont rappelé l'importance de la lutte contre l'alcoolisme. Pourquoi l'INCa a-t-il été créé, si ce n'est pour mieux coordonner la lutte contre un fléau grave ? Le problème de l'alcoolisme est du même ordre. Pour que l'action publique soit efficace, il faut réunir l'ensemble des acteurs dans un même institut.

L'amendement 215 n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Notre amendement 216 rappelle la nécessité de combattre la toxicomanie en demandant au Gouvernement un rapport évaluant les actions nécessaire pour réduire la consommation et adapter la prise en charge thérapeutique aux consommateurs de stupéfiants.

L'amendement 216, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente - Je rappelle que les amendements avant l'article 6 ont été réservés à la demande du Gouvernement.

ART. 6

M. Jean-Luc Préel - Cet article, qui porte sur la tarification à l'activité, vise à corriger certaines erreurs ou imprécisions, mais il comporte aussi des dispositions importantes relatives aux consultations externes et aux prélèvements d'organes ou de tissus.

Se pose en outre le problème des agences régionales de santé. La fongibilité des enveloppes entre médecine de ville et hôpital va améliorer la coordination des soins, corrigeant ainsi un défaut majeur de notre système de santé. Monsieur le secrétaire d'Etat, où en sont les décrets autorisant l'expérimentation ? Par ailleurs, comment faire si les règles nationales de financement demeurent ce qu'elles sont ?

Dans les établissements privés, l'entrée en vigueur de la tarification à l'activité a été repoussée au 1er décembre, pour attendre la mise au point de la classification commune des actes médicaux. Cette tarification sera-t-elle effectivement employée dès le 1er décembre, en même temps que la CCAM technique ? A combien évaluez-vous l'aide financière ? Tout est lié, dans ce domaine : si nous voulons la tarification à l'activité, nous avons besoin de la CCAM technique, ce qui pose le problème financier.

Dans les établissements hospitaliers, quels seront les taux et à quelle date seront-ils fixés ? A combien évaluez-vous celui des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation ? On a avancé un taux de 50%. Le niveau sera-t-il inférieur ?

Il faut par ailleurs que l'application de la nouvelle tarification se fasse sur une base saine. Or les 300 millions débloqués par M. Douste-Blazy pour « mettre les compteurs à zéro » ne suffiront pas, les besoins étant évalués à 776 millions. En outre, il ne s'agit que d'une aide ponctuelle. Pour résoudre les problèmes de trésorerie des hôpitaux, il faut prévoir des aides pérennes. Allez-vous effectivement remettre les compteurs à zéro ?

Si la tarification à l'activité est une bonne formule, de toute façon préférable à la dotation globale, il importe que les choix médicaux ne soient pas orientés par des considérations budgétaires. En outre, cette réforme ne sera efficace que si elle est mise en place rapidement. Or il a fallu plus de dix ans pour définir la CCAM technique, qui n'est pas encore entrée en application.

Veillons donc à ne pas pénaliser le malade.

Mme Jacqueline Fraysse - Cet article est préoccupant. On peut définir schématiquement l'activité d'un établissement par le nombre et par le type de pathologies qu'il prend en charge. Un malade peut avoir une appendicite tout en souffrant du diabète et d'hypertension artérielle, ce qui induit un surcoût, voire une modification de la prise en charge. C'est pourquoi, plutôt qu'une classification par pathologie, vous avez choisi une classification des coûts par groupe homogène de malades, qui équivaut quasiment au groupe homogène de séjours, base du financement à l'activité.

L'évaluation de cette activité est en principe relativement simple. Chaque hospitalisation fait l'objet, par le médecin, d'un codage informatique conforme au programme médicalisé des systèmes d'information. La compilation annuelle des données permet de déterminer le nombre de GHS de l'année pour un établissement.

A chaque GHS est attribué un budget théorique, qui n'est cependant pas corrélé strictement au coût effectif pour l'établissement. Certaines activités, en effet, sont surcotées. Le budget théorique d'un établissement est donc la somme des budgets théoriques par GHS, sur laquelle est assis le financement de l'année à venir. Lorsque le budget observé est différent du budget théorique, l'établissement s'expose à des sanctions budgétaires.

Or on sait qu'à pathologie équivalente, le coût des soins est plus élevé de 30% s'agissant des populations défavorisées. Celles-ci se trouvant concentrées dans certains bassins de vie, il en découle que certains hôpitaux concentreront les GHS dont le coût effectif sera supérieur au coût théorique. Non seulement le budget qui leur sera alloué sera inférieur aux besoins, mais on leur infligera des sanctions financières. Ainsi se creuseront des différences de moyens entre les hôpitaux.

Les activités dites « d'excellence » seront dotées de moyens importants au détriment des activités de proximité, qu'on transférera de plus en plus au secteur privé. Mais les hôpitaux des zones défavorisées ne pourront procéder ainsi. Ils seront pénalisés non seulement par le coût social des maladies, mais encore par leur type d'activité. Nous allons donc vers une dichotomie des structures hospitalières. C'est le retour de l'Hôtel-Dieu d'antan. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

En outre, le financement à l'activité réduit la mission de l'hôpital aux soins. Les autres activités seront financées par les MIGAC. Or les différentes missions ne sont pas imperméables. L'intérêt de la formation médicale en France réside en ce qu'elle se fait au contact du malade. Il faut ajouter que, selon le précédent ministre, les MIGAC seraient réservées aux bons élèves de la restructuration hospitalière.

Enfin, cette nouvelle tarification augmente la part des tâches administratives dans le temps de travail des médecins hospitaliers, qui se plaignent déjà d'être trop souvent employés à d'autres fonctions que la médecine.

Nous proposons la suspension du plan Hôpital 2007 et l'ouverture de négociations sur un nouveau mode de financement qui ne pénalise ni les assurés sociaux, ni l'assurance maladie, ni les établissements de santé. Les solutions que vous proposez sont dangereuses, en revanche, pour notre système hospitalier.

M. Gérard Bapt - Sur la tarification à l'activité, vous avez été injuste, monsieur le secrétaire d'Etat, en prétendant hier que nous n'avions rien fait et que nous étions les défenseurs acharnés de la dotation globale. Les expérimentations tentées par M. Kouchner montrent qu'il n'en est rien.

Pendant le débat sur l'assurance maladie, nous avons toutefois émis les plus grandes réserves quant à la tarification à l'activité et la fongibilité des enveloppes. Il faut garantir le financement des activités d'intérêt général spécifiques à l'hôpital public, comme l'a souligné M. Préel.

Comme M. Leteurtre, je m'inquiète pour l'avenir de certaines spécialités, telle la chirurgie. Les chirurgiens libéraux ont obtenu des avantages importants, mais il n'est pas normal que, dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, la moitié des cancers du côlon soient traités hors des filières de soins. Celles-ci, gage de qualité, doivent être respectées. Quant aux revendications des chirurgiens publics, elles restent sans réponse, dans l'attente d'une revalorisation de l'ensemble des spécialités.

Cela va renforcer le manque d'attractivité de la chirurgie, qui souffre déjà d'une désaffection des étudiants : alors qu'à l'époque où j'ai été reçu au concours de l'internat, c'était la voie royale, elle est désormais reléguée au dernier rang.

M. Philippe Vitel - Interrogez-vous sur les conséquences de la judiciarisation...

M. Gérard Bapt - Le fait que la chirurgie, et en particulier la chirurgie publique, soit délaissée par les professionnels pose la question de l'avenir de l'hôpital public : même si elle provoque des ricanements, l'hypothèse que certains hôpitaux se transforment en établissements de long séjour n'est pas exclue. Il faut donc mettre en place un véritable « plan chirurgie », concernant tant le secteur privé que le secteur public, où la chirurgie a un rôle structurant de l'offre des soins. L'hôpital ne peut pas être seulement le lieu d'accueil des urgences et des laissés pour compte : ce sont des missions nobles, mais l'hôpital doit néanmoins rester un lieu d'excellence.

M. Jean-Marie Le Guen - L'hôpital public, qui représente une part très importante des dépenses d'assurance maladie et une pièce majeure de notre système de santé, devrait être au cœur des préoccupations du Gouvernement. Pourtant, il était totalement absent de la réforme de l'assurance maladie dont nous avons débattu cet été, et il l'est presque autant de ce PLFSS.

Nous avons approuvé, tant lorsque nous étions aux responsabilités qu'ensuite, deux axes majeurs de réforme : la tarification à l'activité et la gouvernance de l'hôpital. Mais leur mise en œuvre ne se passe pas très bien.

S'agissant de la TAA, vous avez ouvert la porte à la polémique dans les comparaisons de coûts entre secteur public et secteur privé, qui sont toujours faussées et ne font donc que crisper les positions ; de plus, parce qu'on a privilégié l'affichage politique, on ne s'est pas préoccupé de résoudre certains problèmes techniques, dont mes collègues se sont fait l'écho.

Pire encore, la TAA risque de désorganiser l'hôpital public dans la mesure où elle introduit de la souplesse, laquelle ne peut aller sans une réforme de la gouvernance, associant au pouvoir administratif le pouvoir médical. Or sur ce sujet, le Gouvernement a reculé. Alors donc que la TAA va obliger les personnels à s'adapter, à partir de l'examen des points forts et des points faibles de l'hôpital, ils n'auront pas la capacité de réaction que devrait leur donner la réforme de la gouvernance.

S'ajoute à tout cela l'absence totale de repères dans cette discussion du budget des hôpitaux, du fait d'annonces multiples et contradictoires, de fausses annonces de crédits pour telle ou telle action qui ne sont, au mieux, que des crédits « fléchés ». Quand le ministre nous explique que les 800 millions d'économies qu'il a demandées ne se porteront que sur les achats de taille-crayons et de bouteilles d'oxygène, c'est évidemment faux car les arbitrages se font sur le terrain. Une gestion verticale organisée depuis l'avenue de Ségur ne peut être bonne, mais le Gouvernement refuse le dialogue (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Vitel - Quelle démagogie !

Mme Catherine Génisson - L'hôpital public est vraiment le parent pauvre de la politique de santé menée par ce gouvernement. Sa place n'est pas définie dans l'organisation de notre système de soins ; il faudrait, Monsieur le ministre, beaucoup mieux prendre en considération ses missions d'intérêt général.

J'insisterai sur l'une d'entre elles, qui est majeure : la continuité et la permanence des soins, qui a un coût très élevé. Faire en sorte qu'un bloc opératoire puisse fonctionner 24 heures sur 24, cela coûte cher, et vous n'en tenez pas compte dans vos projections budgétaires.

Assurer la permanence des soins, c'est pouvoir accueillir tous les malades tout le temps. La médecine libérale le fait de moins en moins, et les urgences hospitalières sont envahies le soir et la nuit de personnes qu'elle pourrait prendre en charge. Il faudrait donc que le Gouvernement redéfinisse le rôle de chacun.

Chacun sait aussi que c'est à l'hôpital public que vont les personnes les plus fragiles, que leur demande soit justifiée ou pas. Là encore, cela représente un coût.

L'hôpital public a également un rôle d'enseignement et de formation, ou encore de gestion de crises. La préparation à la gestion de ces crises a elle-même un coût : les exercices qui sont faits, par exemple, pour parer à l'éventualité d'un accident nucléaire mobilisent un très grand nombre de personnes et coûtent très cher ; or tout cela n'est plus inclus dans le budget des hôpitaux.

Je vous demande donc, Monsieur le ministre, de reconnaître à leur juste valeur les missions de service public de l'hôpital.

Mme Martine Billard - Je crois moi aussi qu'on fait des réformes sans avoir préalablement réfléchi et débattu sur ce que doit être l'hôpital du XXIe siècle. La TAA risque ainsi, en effet, de provoquer une désorganisation.

Il faut s'interroger sur le devenir de certaines missions traditionnelles de l'hôpital public. Quand j'entends la directrice de l'AP-HP nous dire que les missions, précisément, d'« assistance publique » ne sont plus les siennes, je me demande qui va les assumer. Si on développe un pôle de chirurgie ambulatoire de pointe, comment va-t-on faire pour prendre en charge des personnes âgées, qui ne sont évidemment pas en état de rentrer le soir chez elles ? Va-t-il y avoir un transfert vers le secteur privé ? J'aimerais, Monsieur le ministre, connaître l'état de vos réflexions sur ces questions.

M. le Président de la commission des affaires culturelles - On entend à propos de l'hôpital tout et son contraire. Moi, je fais la différence entre ceux qui connaissent l'hôpital parce qu'ils y ont passé leur vie, et ceux qui ne le connaissent pas ou qui ont oublié. Nous sommes un tout petit nombre dans cet hémicycle à bien le connaître, à l'aimer et à le défendre. C'est pourquoi j'ai apprécié ce qu'a dit Catherine Génisson, qui est urgentiste, de la permanence des soins.

En revanche, je ne suis pas d'accord avec ses propos sur la place de l'hôpital public dans les réformes en cours : des textes vont être publiés et appliqués à bref délai. N'oublions pas non plus la résistance qu'opposent certaines structures hospitalières à l'intégration de l'hôpital dans la réforme de l'assurance maladie.

D'autres ont oublié ou ne savent pas ce qu'est l'hôpital public, et nuisent par leur attitude caricaturale à la cause qu'ils prétendent défendre. Ainsi des affirmations de M. Le Guen selon lesquelles l'hôpital public ne recevrait aucun argent.

M. Jean-Marie Le Guen - Ne dites pas n'importe quoi !

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Je reprends vos propres paroles. Vous avez oublié les 10 milliards du plan Hôpital 2007 consacrés à l'hôpital public, pour lequel, dans les années précédentes, rien n'avait été fait. Grâce à ce gouvernement, la situation est enfin en cours de redressement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur Bapt, comment soutenir que les chirurgiens du privé sont favorisés au détriment de ceux du public ? Votre passé d'interne doit vous rappeler qu'il existe un statut des praticiens hospitaliers qui est très homogène. Des négociations sont en cours, vous le savez, pour tenir compte de la pénibilité de certaines spécialités.

L'hôpital public a besoin de se redresser, le plan Hôpital 2007 permettra de financer son patrimoine et son fonctionnement, la réforme de la gouvernance est à l'œuvre et, comme le savent ceux d'entre vous qui ont participé à la mission Couanau, bien des recommandations issues de tous les bancs de cet hémicycle ont été retenues.

M. le Secrétaire d'Etat - Monsieur Préel, les parlementaires ont reçu au début de septembre le calendrier de publication de l'ensemble des décrets relatifs à la loi votée l'été dernier. Vous avez donc, sur l'application de la réforme, une vision d'ensemble. Le décret organisant l'encadrement de l'expérimentation des ARS paraîtra dans la première quinzaine de décembre. Les textes relatifs aux MRS viennent d'être transmis au conseil de la CNAMTS. Nous avançons donc sur la voie de la régionalisation qui peut tous nous réunir. Le report de l'application de la TAA au 1er décembre n'est pas lié à la CCAM. C'est que cette réforme n'est pas simple à mettre en œuvre techniquement, en particulier pour les systèmes d'information des caisses et des établissements.

M. Jean-Marie Le Guen - Les programmes informatiques ne sont toujours pas livrés !

M. le Secrétaire d'Etat - Pour les hôpitaux, les 300 millions couvrent les reports de charges de 2002 sur 2003, fixés par la comptabilité publique à 256 millions. Ce n'est donc pas un rebasement, car les causes de reports sont en passe de disparaître. Jusqu'à présent, le budget global des établissements dynamiques ne progressait pas proportionnellement à l'activité, ce qui risquait de les asphyxier financièrement. La TAA leur apporte à nos yeux la meilleure des réponses.

Madame Fraysse, n'opposons pas les pôles d'excellence et ceux de proximité. Les deux catégories peuvent aller de pair, et il n'est pas question de déshabiller les uns au profit des autres. Le dispositif des MIGAC, suffisamment financé, répond à votre souci d'assurer les missions de service public.

Monsieur Bapt, nous nous préoccupons grandement de l'état de la chirurgie. L'accord signé le 4 septembre avec l'ensemble des syndicats de praticiens hospitaliers montre la volonté commune de sauvegarder la chirurgie et de s'en donner les moyens. Nous sommes en pleine négociation, et nous saurons, j'en suis sûr, rendre attractives des activités pénibles comme la chirurgie.

Monsieur Le Guen, le calendrier d'application de la TAA et de la nouvelle gouvernance sera tenu, d'autant mieux que ces deux avancées vont de pair. La gouvernance à l'hôpital permettra d'y améliorer grandement la situation. La loi d'habilitation, qui sera promulguée dans un mois environ, y contribuera, l'ordonnance devant être tout prochainement adressée au Conseil d'Etat. Là encore, nous jouons le jeu de la concertation. L'application de la TAA, nous l'avons dit, requiert une convergence des tarifs - qui aujourd'hui ne sont pas comparables. Les tarifs publics recouvrent actuellement une grande partie des MIGAC, mais celles-ci ont besoin d'être clairement identifiées. Nous devons définir exactement les missions de service public, pour les financer comme il convient.

Madame Génisson, les missions de service public font la spécificité de l'hôpital public, ce qui fausse les comparaisons souvent tentées entre cet hôpital et les cliniques privées. Comme élu local, je sais la place qu'occupe un hôpital dans une ville. Ces missions de service public seront entièrement prises en charge par les MIGAC ; encore faut-il en dresser la liste.

Madame Billard, sans vouloir polémiquer, n'oubliez pas la désorganisation provoquée par l'application des 35 heures à l'hôpital, dans une situation de pénurie de personnels. La nouvelle gouvernance et la TAA permettront de rendre confiance aux différents acteurs de l'hôpital. Il n'est pas question pour nous de brader l'hôpital public, dont nous sommes des militants. Nous nous en donnons, nous, les moyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ainsi sera assuré l'avenir de l'hôpital public, qui est indissociable de celui de notre système de santé (Mêmes mouvements).

Mme Jacqueline Fraysse - Nous demandons, par notre amendement 64, de supprimer l'article 6. Je suis moi aussi une militante de l'hôpital public, qui continue à beaucoup souffrir, et qui devrait s'inquiéter de la façon dont certains militent pour lui...

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Vous ne pensez pas ce que vous dites !

Mme Jacqueline Fraysse - Votre dispositif tend à exercer une pression supplémentaire sur les budgets hospitaliers et sur les malades. Les MIGAC, dites-vous, prendront en charge la totalité des missions de service public au-delà des soins. Je veux bien le croire, mais comment isoler le coût du temps supplémentaire consacré par le patron à la formation de ses élèves ? Comment saucissonner les différentes activités collectives pratiquées à l'hôpital ? Ce n'est pas réaliste ! L'une des vertus de l'hôpital public tient à l'exercice d'un compagnonnage, au mode de formation des jeunes par le contact avec les anciens. Comment chiffrer cette réalité ? Vous risquez de démolir cette chaleureuse tradition hospitalière.

Je suis également préoccupée par la diminution des remboursements accordés aux patients qui viennent à l'hôpital sans être passés par un généraliste, que les plus modestes n'ont en fait pas les moyens de payer. C'est porter atteinte à la solidarité nationale, dont l'hôpital est l'un des instruments. Non seulement, par la TAA, vous excluez du champ des prestations de l'hôpital les actes effectués par les médecins dans le cadre de leur activité libérale à l'hôpital, ce qui réduira d'autant les ressources des établissements, non seulement vous risquez de porter atteinte à la qualité des soins dispensés, mais vous accélérez, sous des prétextes techniques, l'application des tarifs à l'activité alors que le système d'information des caisses et des établissements n'est pas au point. La TAA, en fait, n'est pas opérationnelle, et la désorganisation ne fera que s'aggraver. Vous voulez avancer coûte que coûte, alors que bien des doutes et des incertitudes subsistent. Ainsi, cette année encore, les budgets hospitaliers ne sont pas revalorisés. Comment les établissements pourront-ils opérer l'avance de fonds nécessaire pour financer les 20% de prestations MCO que vous prévoyez pour 2005 dans le cadre de la TAA ?

Mécaniquement, leur dotation globale va diminuer de 20%, alors qu'ils sont de plus en plus nombreux à n'avoir plus aucune marge de manœuvre financière, voire sont à la limite de la faillite. Est-ce le moyen que vous avez trouvé pour privatiser l'offre de soins hospitalière ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Quel autre choix les conseils d'administration auront-ils que de faire appel au privé, par le biais des baux emphytéotiques ?

Mme la Présidente - Madame Fraysse, il faut conclure.

Mme Jacqueline Fraysse - Je conclus, Madame la présidente. Je suis vraiment extrêmement inquiète sur ce point. Par ces baux, que vous avez remis au goût du jour, les établissements vont louer des structures ou des plateaux techniques à l'offre médicale privée. Cela se fait déjà et je crains que cela ne s'accentue. C'est pourquoi l'amendement 64 tend à supprimer cet article, et j'annonce au passage que nous demanderons un scrutin public sur l'article.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Je suis surpris d'entendre dire que nous nous désengageons de l'hôpital. Le Gouvernement cherche au contraire à sauvegarder et à améliorer le système hospitalier. Les missions qu'il a diligentées pour progresser sont très utiles. Vous, vous préférez faire marche arrière. Tout le monde considère la TAA comme nécessaire à la lisibilité de l'activité hospitalière, car elle permet de comparer les activités. Quant au PMSI, ceux qui travaillent à l'hôpital le connaissent depuis des années ; il n'a pas produit que des effets négatifs. La TAA doit corriger les effets néfastes du budget global, dont nous savons tous qu'il a posé d'énormes problèmes. Il faut maintenant aller de l'avant ! Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement demande le rejet de cet amendement. Nous militons pour l'hôpital public et nous nous en donnons les moyens. Je comprends que cela soit difficile pour vous, Madame Fraysse, mais je ne peux vous laisser dire certaines choses. Vous affirmez que les financements n'augmentent pas, or l'évolution de l'ONDAM est inscrite noir sur blanc dans le texte, c'est-à-dire qu'il y aura deux milliards supplémentaires pour l'hôpital en 2005 ! Et ceux qui crient que la TAA signe l'arrêt de mort de l'hôpital public prédisaient déjà la même chose à propos du remplacement du prix de journée par le budget global... Notre seule obsession est la qualité des soins et les conditions de travail dans les établissements.

M. Bertho Audifax - Je suis effondré ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Je pensais que la conception des rapports entre hôpital public et privé avait évolué. Si vous voulez éviter, Madame Fraysse, que les hôpitaux de proximité deviennent des gares de triage, il faut admettre que le seul moyen est que, dans les périphéries, public et privé travaillent ensemble. Il y aura toujours des pôles d'excellence, mais il y aura toujours, c'est inévitable, des établissements de proximité de grande qualité, qui débroussailleront et qui auront à leur tête...

Mme Jacqueline Fraysse - Des débroussailleurs !

M. Bertho Audifax - ...des chefs de service de qualité. Si vous séparez le public et le privé, nous n'y arriverons jamais. Le plan Hôpital 2007 va enfin nous permettre de les faire travailler ensemble et de créer des passerelles entre les deux. Tout le reste n'est que cinéma politique, et n'aboutira qu'à des catastrophes sur le plan de la santé publique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Catherine Génisson - Quelle caricature !

M. Bertho Audifax - J'ai travaillé trente ans comme généraliste ! Dont quinze à l'hôpital !

Mme Catherine Génisson - On ne vous a pas attendu pour faire coopérer les hôpitaux privés et publics ! La ville d'Arras, par exemple, est en train de mener un projet très innovant. Mais à chacun son rôle ! J'insiste sur la nécessité de différencier la tarification par activité entre le privé et le public. Pour la même pathologie et les mêmes antécédents, l'environnement social du patient est source de différences importantes. Ainsi, celui qui est susceptible d'avoir des difficultés à revenir à domicile choisira systématiquement l'hôpital public, où il restera plus longtemps. Il est fondamental de prendre en compte ce facteur social, et la TAA telle que vous la concevez ne le permet pas.

L'amendement 64, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Notre amendement 147 est défendu.

L'amendement 147, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 218 de M. Dionis du Séjour prévoit la remise, chaque année, d'un rapport au Parlement pour assurer le suivi de la TAA. Il s'agit de créer un système d'information particulier sur les effets de cette tarification dans les établissements de soins de suite et de réadaptation. Le rapport permettra d'adapter le financement des activités, notamment en matière de psychiatrie.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Avis défavorable. C'est dans le débat sur la loi organique que nous demanderons au Gouvernement de fournir ces informations.

M. le Secrétaire d'Etat - Nous partageons votre souci, mais vous proposons une solution différente. Je crois savoir que de nombreux parlementaires ne sont pas favorables à la multiplication des rapports... (Sourires) Le suivi particulier que vous demandez pourrait donc figurer dans les annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Si vous en êtes d'accord, je vous propose de retirer l'amendement.

M. Jean-Luc Préel - Chacun sait que les rapports que nous demandons ne servent qu'à contourner l'article 40. Cessons donc d'ironiser à chaque fois que nous le faisons ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) Le problème, en l'occurrence, est l'effet de la tarification à l'activité sur les rapports entre les disciplines de médecine, chirurgie et obstétrique et les soins de suite, de réadaptation et de psychiatrie. J'accepte votre proposition et je retire l'amendement 218.

L'amendement 218 est retiré.

Mme la Présidente - Sur le vote de l'article 6, je suis saisie par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 219 tend à lier l'évolution des tarifs nationaux des établissements publics de santé et le processus de convergence des tarifs.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - La commission a donné un avis défavorable, mais la loi de finances pour 2004 prévoyait bel et bien cette convergence des tarifs. J'y suis donc favorable à titre personnel.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - L'objectif de la convergence est clair : aboutir dès 2012 à une échelle tarifaire unique entre les secteurs public et privé. Pour cela, des travaux préalables doivent être menés, notamment en matière de transparence des coûts. Ils sont engagés, et je demanderai au conseil de l'hospitalisation de me faire des propositions concrètes pour réaliser une première étape dès 2005. Atteindre l'objectif de 2012 demande d'être volontariste. Je suis donc favorable à l'amendement.

L'amendement 219, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 217 vise à conserver les règles appliquées en 2004 relatives au ticket modérateur et à l'intégration de la participation de l'assuré au sein des GHS. Il convient en effet que les règles de construction des tarifs restent identiques d'un secteur à l'autre.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Je souhaiterais quelques éclaircissements supplémentaires, Monsieur Préel, car cet amendement a un caractère très technique. En l'état, la commission ne peut y être favorable.

M. le Ministre - La disposition est en effet d'une haute technicité et j'y serai moi aussi a priori défavorable. Ce que je puis répondre en l'état, c'est que les tarifs du service public, qui seront fixés au niveau national, intégreront comme ceux du privé la participation des assurés.

M. Jean-Luc Préel - Il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas l'auteur de l'amendement mais il me semble que, si mes collègues demandent qu'on conserve les règles applicables cette année pour la participation des assurés, c'est qu'ils redoutaient qu'elles ne soient changées en 2005. Puisque tel ne devrait pas être le cas, je pense que je puis retirer cet amendement.

L'amendement 217 est retiré.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 221 pose que le coefficient de haute technicité devra être égal à celui qui a été calculé pour 2004 et qu'il doit avoir pour vocation de financer les normes supplémentaires uniquement liées à la chirurgie SPC. Il vise surtout à permettre aux établissements nouvellement bénéficiaires ou ayant obtenu une modification du nombre de lits classés hors catégorie en 2004 de percevoir le complément de financement lié à cette activité.

Mme la Présidente - Je me demande si cette disposition relève bien du domaine de la loi...

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - J'ai le même doute. D'autre part, la loi de financement pour 2004 a par avance répondu à cette question.

M. le Ministre - La disposition me semble à moi aussi d'ordre réglementaire. D'autre part, un établissement qui modifie sa capacité ou crée une nouvelle activité après l'entrée en vigueur de la TAA connaît a priori les conditions qui lui seront applicables et ne peut donc prétendre bénéficier des conditions antérieures. Il ne paraît donc pas justifié de compenser un écart de ressources « virtuel ».

L'amendement 221, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - L'amendement 7 est rédactionnel.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Je laisse à Mme Rimane le soin de présenter les amendements 8 et 102, identiques.

Mme Juliana Rimane - Ils visent à différer l'application de la tarification à l'activité dans les établissements de santé de Guyane, ce jusqu'au 1er janvier 2008. Ce délai permettra d'améliorer les systèmes d'information et de mettre en place le circuit de traitement de l'information entre établissements, ARH et caisses d'assurance maladie. Jusqu'à son expiration, sera appliqué à ces établissements anciennement sous dotation globale le financement par dotation annuelle.

M. le Ministre - Avis favorable. Ce report se justifie en effet par les nombreuses difficultés techniques que rencontrent les établissements sous dotation globale de Guyane pour passer à la TAA dans des conditions satisfaisantes.

Les amendements 8 et 102, mis aux voix, sont adoptés.

M. Bruno Gilles - Le dispositif de régularisation institué en 2002 doit impérativement être prolongé. D'où l'amendement 261.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - La commission ne l'a pas examiné mais j'y suis personnellement favorable : ce dispositif n'ayant pas joué à plein, des aides opératoires bénévoles se trouvent encore en situation difficile dans certains endroits.

L'amendement 261, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - L'amendement 9, deuxième rectification, est similaire au 148, que va défendre M. Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen - L'application de la tarification à l'activité s'étant faite jusqu'ici dans un cadre un peu trop théorique, notre but est ici de préciser les choses, en particulier pour éviter que les hôpitaux locaux soient lésés. On ne peut en effet appliquer cette tarification de façon identique à toutes les catégories d'établissements et le gouvernement devrait bien donner des orientations en ce sens.

M. le Ministre - Il ne serait pas satisfaisant de maintenir le calendrier budgétaire actuel pour les établissements qui ne sont pas financés par des tarifs. Ce calendrier obligerait en effet les établissements et l'ARH à se prononcer sur les budgets avant d'avoir connaissance de la loi de financement et donc à arrêter les dépenses avant de connaître les recettes prévisionnelles.

En second lieu, le nouveau calendrier permet de préserver le dialogue entre la tutelle et l'établissement, grâce au vote avant le 31 octobre d'un rapport budgétaire préliminaire. Ce dernier répondra d'ailleurs à votre souci d'une harmonisation des calendriers budgétaires entre établissements médico-sociaux autonomes et établissements gérés dans le cadre d'un budget annexe.

Enfin, des procédures décalées dans le temps pour les établissements exclusivement consacrés à la psychiatrie et pour les établissements polyvalents pourraient empêcher toute cohérence régionale dans ce domaine d'activité. C'est d'ailleurs pourquoi l'harmonisation a été demandée par la Fédération hospitalière de France, le 20 juillet dernier.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Si la commission avait adopté l'amendement proposé par M. Le Guen, c'est en considération d'un petit problème de tarification qui se posait pour l'activité psychiatrique des soins de suite, celle-ci n'entrant pas dans le cadre de la TAA. Cela étant, j'ai entendu la réponse du ministre et je retire en mon nom personnel l'amendement 9 2e rectification.

M. Jean-Marie Le Guen - Le pouvez-vous ? C'est celui de la commission ! Quoi qu'il en soit, je maintiens le 148 car il répond à une préoccupation exprimée par les responsables des hôpitaux locaux. Ceux-ci sont globalement favorables à la tarification à l'activité, mais attention à ne pas les déstabiliser !

L'amendement 9, 2e rectification, est retiré.

L'amendement 148, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Les amendements 183 et 149 sont identiques aux précédents, à ceci près qu'ils portent spécifiquement sur les activités de psychiatrie.

L'amendement 183 est retiré.

L'amendement 149, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente - Mme Fraysse demande à faire une explication de vote avant le scrutin public.

Mme Jacqueline Fraysse - J'ai déjà exposé les préoccupations que nous avons à propos des effets qu'aura la mise en œuvre de la TAA sur le bon accomplissement des missions de service public de nos hôpitaux, mais il faudrait aussi évoquer le rôle dévolu à la Haute Autorité de santé. Aux termes de la loi votée cet été, celle-ci doit donner un avis scientifique, mais également économique, sur l'opportunité et le niveau des remboursements. Cette autorité jouera ainsi un rôle charnière dans votre réforme de l'assurance maladie. Or, nous continuons de douter que sa composition la rende réellement indépendante. Pourtant, dans le présent article, vous supprimez tout contrôle parlementaire sur elle, de sorte que son activité deviendra totalement opaque et qu'elle aura toute faculté de répondre à votre souci d'équilibre comptable et de rationnement des dépenses de santé.

Parce que cette disposition va contre votre volonté affichée de transparence et d'objectivité, parce qu'elle est foncièrement antidémocratique, nous refusons cet article 6.

A la majorité de 32 voix contre 18, sur 50 votants et 50 suffrages exprimés, l'article 6 modifié est adopté.

AVANT L'ART. 6 (précédemment réservé)

M. Jean-Marie Le Guen - Je présenterai de façon synthétique nos propositions d'articles additionnels qui ont pour objet commun de rétablir la loi Evin.

Nous savons dans quelles conditions notre Assemblée, réunie dans un contexte un peu particulier a voté cet amendement (Murmures sur les bancs du groupe UMP) : il s'agissait en effet d'une loi sur le développement des territoires ruraux et non sur la santé publique, même si cela vous gêne que je le rappelle. En ce qui concerne le groupe socialiste...

M. Edouard Landrain - Pas dans son intégralité !

M. Jean-Marie Le Guen - En effet, mais c'est le cas de tous les groupes parlementaires. Il y a ceux qui prennent leurs responsabilités et ceux qui ne les prennent pas ; il y a les démagogues, et ceux qui essaient d'œuvrer en faveur de la santé publique.

M. Bernard Perrut, rapporteur - Que d'excès !

M. Jean-Marie Le Guen - Nous verrons bien si la force de conviction des députés de l'UMP est intacte.

L'amendement 176 vise à revenir sur la loi de 1994 qui assouplissait les conditions de publicité en faveur des alcools forts en rétablissant l'affichage commercial. Certains collègues, à l'occasion de la loi sur le développement des territoires ruraux, ont d'ailleurs fait savoir qu'ils étaient choqués et combien ce type de publicité s'effectuait au détriment du secteur viticole. Concernant la publicité, il me semble préférable de privilégier la presse écrite, plus propice à la mise en évidence des qualités de la viticulture, plutôt que l'affichage dont la cible principale est constituée par les jeunes ou des populations plus fragilisées.

L'amendement 175 vise à revenir sur le vote de la semaine dernière, qui a abouti au démantèlement de la loi Evin. Si le ministre de la santé s'y oppose, la procédure offre des moyens pour qu'il n'en soit pas ainsi, mais peut-être ne les connaît-il pas. Je rappelle que si le Sénat vote conforme la disposition adoptée par l'Assemblée, celle-ci serait définitive.

Je note, de plus, que le Premier ministre a solennellement affirmé qu'il souhaitait le retour à la loi Evin : sera-t-il entendu par la majorité sénatoriale ou nous fera-t-il le coup d'un gouvernement respectueux de sa majorité ? Vous avez les moyens d'affirmer votre volonté politique, les Français ne seront pas dupes.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Ces amendements n'ont pas d'objet dans le cadre de la discussion du PLFSS. Le projet sur le développement des territoires ruraux doit suivre son cours parlementaire. Avis défavorable.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances - Le débat sur le maintien de la loi Evin est passionné. La question est de savoir si la santé publique prime ou non sur les intérêts économiques.

Croire que la libéralisation de la publicité pour les vins et les alcools serait la panacée pour le secteur viticole est un leurre. Remettre en question des dispositions de la loi Evin ne répondrait pas aux inquiétudes des viticulteurs. L'enjeu, pour ce secteur, c'est le marché mondial, où la publicité est autorisée. Mais peut-être la filière viticole est-elle insuffisamment préparée à cette concurrence ?

Il faut être de plus cohérent dans la lutte contre l'alcoolisme, mais aussi contre le tabagisme et de façon plus générale pour la santé publique : il ne faut donc pas toucher aux principes de la loi Evin. Je soutiens, dans cette opposition au changement, M. Douste-Blazy, le Premier ministre et le président de la commission des affaires sociales. Laissons le débat sur le développement des territoires ruraux avoir lieu au Sénat lequel, fort du soutien du Gouvernement, reviendra peut-être sur la disposition votée ici même.

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Très bien !

M. le Ministre - Je ne comprends pas très bien les propos de M. Le Guen me concernant. J'ai eu l'occasion de dire que j'étais contre l'amendement modifiant la loi Evin quand 120 parlementaires y étaient favorables. Parfois, dans la vie démocratique, on peut être battu, et ce n'est pas un signe de faiblesse, Monsieur Le Guen, sinon, vous seriez d'une faiblesse extrême...

M. Jean-Marie Le Guen - Ma seule faiblesse, c'est celle que j'éprouve à votre égard (Sourires).

M. le Ministre - Vous n'avez pas de leçon à donner en matière de santé publique. J'ai déjà dit qu'en deuxième lecture, au Sénat, je souhaitais que l'on revienne sur toute disposition remettant en cause la politique de santé publique. Le Premier ministre l'a également dit ce matin sur RTL et le Président de la République l'a laissé entendre lors des états généraux de la santé.

Vous faites de la politique politicienne ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Que des députés de circonscriptions viti-vinicoles cherchent à répondre à un problème majeur, voilà qui les honore. Mais je suis autant « fana » de santé publique que vous !

Vous invoquez une nécessité de sécurité juridique. Mais vous êtes en train de me dire que pour éviter toute atteinte à la loi Evin, il faudrait voter aujourd'hui un amendement alors que vous savez très bien que la loi sur le développement des territoires ruraux sera promulguée après la loi de financement de la sécurité sociale. Si le Sénat veut y revenir, il y reviendra de toute façon. Le vrai lieu de la discussion, ce sera donc la deuxième lecture au Sénat. Il n'est pas normal qu'il y ait de la publicité pour le whisky et pour la bière et qu'il ne puisse y en avoir pour les petits producteurs ! Nous devons résoudre ensemble ce problème. Le Président de la République a fait de ce quinquennat un grand projet de lutte pour la prévention routière et contre le handicap et le cancer. Or, les cancers des voies aéro-digestives supérieures sont essentiellement dus aux alcools forts et à la bière. Ce n'est pas le lieu de discuter de ces amendements. Je vous donne rendez-vous dans un autre texte. Avis défavorable, donc. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Sur le vote de l'amendement 176, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Jean-Paul Dupré - Très franchement, je me demande si dans cette France qui est depuis toujours un pays de viticulture, on ne va pas bientôt en arriver à devoir importer du vin ! Notre collègue Jacques Bascou est intervenu le 13 octobre au nom des députés socialistes du Languedoc-Roussillon et de Philippe Martin, député du Gers. Je ne puis que confirmer leur attachement à ce que la filière viti-vinicole ne serve pas une fois encore de bouc émissaire dans la lutte contre l'alcoolisme. Il est déraisonnable de culpabiliser systématiquement la viticulture française, qui défend la qualité, la traçabilité et la prévention. Ce n'est pas une consommation modérée de vin qui encourage l'alcoolisme. Nous insistons pour que nos viticulteurs bénéficient des moyens de communiquer tels que définis par l'amendement 69 au projet de loi sur le développement des territoires ruraux. Jacques Bascou, Jean-Claude Perez, Henri Sicre, Kléber Mesquida, William Dumas, députés socialistes du Languedoc-Roussillon, ainsi que Marcel Dehoux, député du Nord, et Philippe Martin, député du Gers, se prononcent donc catégoriquement contre tout amendement qui remettrait en cause l'avancée que représente l'amendement 69. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - Je soutiens les amendements de M. Le Guen. J'ai beaucoup de respect pour M. le rapporteur Bur, qui s'est montré d'une grande constance sur un certain nombre de combats de santé publique.

M. Jean-Marie Le Guen - Et il est élu d'une région de production !

Mme Martine Billard - Mais le moins qu'on puisse dire, c'est que la position du Gouvernement sur cette question est fluctuante. On aurait presque l'impression qu'il dépend du nombre de verres bus... (Rires sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP) Rassurez-vous, ce n'est pas une attaque contre la personne du ministre ! Mais si la position avait été claire lors de la discussion du texte sur le développement des territoires ruraux, il n'y aurait pas eu d'interrogations. La position de M. Bur, elle, est claire, et c'est grâce à son amendement sur les premix que des mesures permettent aujourd'hui de ne plus encourager l'alcoolisme chez les jeunes.

La campagne en faveur de la prévention routière a des effets bénéfiques. Alors soyons cohérents ! Je rappelle que la publicité est possible, elle permet aux producteurs de faire connaître leur terroir. Mais ce que vous proposez, c'est d'autoriser la publicité à donner à penser, comme autrefois, qu'un alcool, quel qu'il soit d'ailleurs, peut avoir des effets positifs pour la force, la virilité, que sais-je encore...

M. Paul-Henri Cugnenc - Où avez-vous vu cela ?

Mme Martine Billard - On peut faire confiance à la publicité - c'est son rôle de faire vendre - pour pousser à la consommation l'ensemble de la population, y compris les jeunes et les femmes enceintes.

La viticulture traverse certes une crise. Mais c'était le cas aussi des producteurs de tabac, et cela n'a heureusement pas dissuadé le Gouvernement d'augmenter les prix du tabac. Réfléchissons à d'autres mesures en faveur de la viticulture au lieu d'ouvrir les vannes à la publicité.

M. Philippe Feneuil - Le débat sur la communication sur les vins de qualité est un débat légitime : ne nous en privons pas. L'amendement au projet de loi sur les territoires ruraux qui a été voté ne révolutionne rien. Il comporte même, et je m'en félicite, des objectifs de modération. Je crois qu'on peut parler d'éducation et de responsabilisation : c'est le langage qu'ont toujours tenu les professionnels. Jamais, Madame Billard, nous n'avons prétendu être sexuellement plus performants quand nous buvons un verre de vin : si c'était vrai, je le saurais ! (Rires) Ce que je ne comprends pas, Monsieur Le Guen, c'est que vous défendiez cet amendement quelques heures seulement après avoir défendu hier soir les petites exploitations. Taxer jusqu'à 50% les supports de communication...

M. Jean-Marie Le Guen - Les affichages commerciaux.

M. Philippe Feneuil - ...revient à exclure de cette forme de communication non seulement les petites exploitations, mais aussi les régions en situation difficile. Seules les grandes marques pourraient donc continuer à afficher. Il est étrange d'en arriver là quand on prétend défendre les petites exploitations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Bur, rapporteur - Il faut restreindre la publicité pour les grandes marques.

M. Serge Poignant - En taxant les campagnes d'affichage, qui sont des médias de proximité, vous élimineriez les petits producteurs et les coopératives qui sont la spécificité du secteur viticole. Vous allez ainsi à l'encontre de ce que vous recherchez ! Vous encouragez ainsi le monopole de fait des grands groupes. Nous admettons la discussion, Monsieur Le Guen, mais pas les provocateurs. Notre amendement a tout simplement pour but d'assurer la sécurité juridique de la communication.

M. Jean-Marie Le Guen - Parlez à Raffarin !

M. Serge Poignant - Permettez-moi de continuer. Nous ne faisons pas de démagogie : nous prenons nos responsabilités, avec les professionnels, et nous sommes tout autant que vous les défenseurs de la santé publique.

M. Paul-Henri Cugnenc - Et même plus que vous !

M. Serge Poignant - Cette communication ne doit pénaliser ni la santé publique, ni notre production, nos terroirs ou notre qualité. L'amendement 69 permet à nos professionnels de communiquer sur la qualité des produits. Vos propos démontrent une méconnaissance totale de notre intention, Madame Billard. Nous avions proposé dans le Livre blanc un conseil de la modération auquel le Premier ministre avait donné son accord. Les premiers contacts avec les professionnels ont été pris...

M. Jean-Marie Le Guen - Vous avez déjà perdu la bataille politique !

M. Serge Poignant - ...et nous espérons mettre très vite ce conseil en place. Mais il faut que tous se mettent autour de la table en toute responsabilité et sans provocation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Bapt - Nous sommes tous ici, y compris M. Le Guen, d'accord avec M. Dupré : il ne faut pas culpabiliser les viticulteurs, qui élaborent un produit de terroir dont nous apprécions la qualité. Mais ce qui a été voté n'apportera rien aux AOC, qui peuvent déjà faire de la promotion.

Ce sont les jeunes qui doivent nous préoccuper. Même si elle est la première d'Europe, la consommation de cannabis s'est stabilisée. C'est la consommation d'alcool qui progresse chez les jeunes : pas celle de vin je l'admets, mais celle d'alcools forts et de prémix.

Ce que vous présentez comme une avancée pour les régions viticoles ne bénéficiera qu'à un petit nombre d'appellations, pas plus de trois peut-être. Mais vous ignorez la réalité, celle de Fronton, de Gaillac, de Fitou et de Cucugnan.

Au lieu de modifier la loi Evin, demandons au Gouvernement de mettre en œuvre une politique en faveur de la filière viticole, de sa promotion, de sa diversification. Pourquoi ne pas associer les viticulteurs à nos réflexions en matière de santé publique ?

Nous avons eu cet été un débat sur la publicité alimentaire en direction des enfants. Le vote de l'Assemblée a été annulé au Sénat, le Gouvernement a été débordé, et nous sommes parvenus, au terme de multiples péripéties, à une taxation de la publicité en faveur de toute l'industrie agroalimentaire. Nous sommes donc méfiants.

Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités dès aujourd'hui. M. Raffarin s'est exprimé ce matin. J'imagine que des négociations ont eu lieu avec M. Accoyer, dont nous regrettons l'absence.

Nous ne vous faisons pas de procès d'intention. Nous pensons à ce qui s'est passé cet été. Voyez aussi la presse. Dans Le Point, notre collègue Bernard Debré reproche au ministre d'avoir dit qu'il était contre l'amendement modifiant la loi Evin, après s'en être remis à la sagesse de l'Assemblée au moment du vote. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Paul-Henri Cugnenc - Laissez de côté les journalistes !

Mme la Présidente - Sur l'amendement 175, je suis saisie d'une demande de scrutin public par le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen - La majorité a un problème politique avec le Gouvernement, nous le lui laissons. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Ce qui nous intéresse, c'est la viticulture. Comme l'a dit M. Bapt, il est nécessaire de mettre en œuvre une politique en faveur de cette production.

Au cours du débat sur les territoires ruraux, tous les élus ont évoqué les problèmes posés par les panneaux d'affichage publicitaire. Nous serions d'accord si la publicité en faveur du vin se limitait à la presse écrite, au lieu de s'étaler le long des routes et dans nos centres villes. Ces affiches font la promotion des alcools forts auprès des jeunes. Si vous étiez prêts à renoncer à l'affichage publicitaire, ce serait une avancée pour la santé publique. Réfléchissez à cela avant de repousser mes amendements.

Pour le reste, vous méconnaissez le fonctionnement de la publicité. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Je comprends la frustration des viticulteurs, mais ils seront toujours désavantagés, par rapport aux industriels, en matière de communication. Ils doivent lutter avec leurs armes au lieu d'employer celles de l'adversaire.

Mme Jacqueline Fraysse - La lutte contre l'alcoolisme ne doit souffrir aucune hésitation et c'est pourquoi nous avions soutenu la loi Evin sans réserves. D'ailleurs, si la santé publique fait l'objet de nombreuses déclarations, elle manque singulièrement de moyens.

Je salue le travail des viticulteurs français, qui produisent en définitive un aliment : ce n'est tout de même pas du cannabis !

M. Paul-Henri Cugnenc - Merci pour le baiser de Judas !

Mme Jacqueline Fraysse - C'est un salut sincère que j'adresse à nos viticulteurs, dont le travail contribue à la richesse nationale. Moi aussi j'apprécie le bon vin (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP).

Les viticulteurs ne souhaitent pas le développement de l'alcoolisme et M. Bapt a raison de souligner que nous pourrions travailler avec eux. Leur souci est de combattre l'alcoolisme tout en produisant dans des conditions correctes, ce qui est conforme à l'intérêt national. Ils font état d'une discrimination entre le vin et les alcools forts. Cela mérite d'être entendu. Nous voterons les amendements de M. Le Guen.

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Nous sommes confrontés à deux vrais problèmes, et à un faux. La situation de la viticulture doit nous préoccuper, d'autant qu'elle concerne l'image de la France. Mais il se pose aussi un problème de santé publique : l'alcoolisme est un fléau, à l'origine de nombreux accidents de la route, sans parler des cancers du foie.

Le faux problème, c'est que nous discutons à propos du projet de loi de financement d'une disposition ajoutée au texte sur les territoires ruraux. Ces amendements ont été déposés par provocation, dans un esprit politicien, dans le but de mettre en difficulté la majorité et le ministre de la santé, dont la position n'a pas changé, contrairement à ce qu'a rapporté M. Bapt.

Nous devons profiter de la deuxième lecture pour trouver un équilibre, sans exclure de prendre en compte certaines suggestions de M. Le Guen, mais il faut sortir de la situation surréaliste dans laquelle nous sommes.

M. le Ministre - Ce n'est pas parce que certains députés sont confrontés dans leur circonscription à des réalités économiques difficiles qu'ils doivent tomber dans la caricature.

Monsieur Bapt, la fermeté du Gouvernement est aussi une réalité. Peut-être vous gêne-t-elle...

M. Gérard Bapt - Je la souhaite !

M. le Ministre - Je n'ai jamais dit « sagesse ». Soit vous mentez, soit vous n'étiez pas là.

M. Gérard Bapt - Je parlais du débat au Sénat !

M. le Ministre - Je ne l'ai pas dit, ni au Sénat ni ici. J'ai dit « non ». Je n'ai donc jamais changé d'avis. En revanche, je considère qu'il faudra trouver des solutions pour lutter contre l'alcoolisme sans mettre en danger certaines régions.

A la majorité de 46 voix contre 18, sur 64 votants et 64 suffrages exprimés, l'amendement 176 n'est pas adopté.

A la majorité de 45 voix contre 16, sur 63 votants et 63 suffrages exprimés, l'amendement 175 n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Je reviens par mon amendement 122 au débat que nous avons eu cet été sur la charge que représentent pour l'assurance maladie les affections de longue durée.

Puisque vous voulez faire des économies sur les ALD (M. le Secrétaire d'Etat proteste), je vous propose que leur suivi médical ne donne pas lieu à un paiement à l'acte à chaque consultation du médecin, mais à un paiement forfaitaire dont le montant serait déterminé par convention. Cela me paraît nettement préférable à la solution que va nous proposer M. Bur...

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Avis défavorable car il n'est pas question pour nous de remettre en cause le paiement à l'acte. Cependant nous avions envisagé cet été d'autres formes de rémunération, et les professionnels libéraux se sont engagés à en discuter dans le cadre des négociations conventionnelles avec les caisses d'assurance maladie.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable également. La différence entre vous et nous, Madame Billard, c'est que nous considérons que la préservation de notre système de sécurité sociale est compatible avec l'exercice libéral de la médecine, dont vous ne voulez pas.

Par ailleurs, je ne peux pas vous laisser dire que nous voulons faire des économies sur les ALD. Les dépenses liées aux ALD continueront à progresser dans les années qui viennent, parce que nous voulons que les personnes qui ont le plus besoin de soins continuent à être soignées le mieux possible.

Mme Martine Billard - Ne caricaturez pas mon propos ! Je ne vois pas en quoi l'introduction du forfait pour le suivi des personnes en ALD remettrait en cause la médecine libérale. En revanche, elle garantirait aux médecins la stabilité d'une fraction de leur rémunération. De nombreux médecins y sont favorables.

L'amendement 122, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Mon amendement 123 tend, pour éviter le nomadisme médical, à faire choisir aux personnes qui sont atteintes d'une pathologie chronique ou récurrente un médecin spécialiste référent.

En revanche, je suis contre le fait que le recours à un spécialiste soit à l'origine de frais supplémentaires pour le malade. C'est le sens de mes amendements 124 et 125.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Le « parcours de soins » est un outil fondamental de la maîtrise médicalisée que nous avons voulu organiser en réformant l'assurance maladie.

D'abord une remarque de vocabulaire, Madame Billard : nous ne voulons plus parler de médecin référent, mais de médecin traitant. Celui-ci a un rôle pivot pour le patient.

Quant à la possibilité de dépassements d'honoraires, elle n'est pas pour nous une fin en soi ; notre seul but est d'éviter le nomadisme médical.

Vous dites dans l'exposé sommaire de votre amendement 124 que les praticiens pourraient être « tentés de privilégier les patients qui leur permettent de pratiquer un dépassement d'honoraires ». C'est leur faire un procès d'intention bien injustifié. De toute façon, les commissions conventionnelles veilleront à ce qu'il n'y ait pas de dérives.

Enfin, nous avons prévu dans le texte adopté cet été que le médecin traitant pourra être un spécialiste. Dans le cas d'une ALD, cela se fera en accord avec le médecin-conseil de la caisse.

Avis défavorable, donc, à ces trois amendements.

M. le Secrétaire d'Etat - Ces amendements, qui ont pour but de recommencer le débat que nous avions eu cet été, remettent en cause la maîtrise médicalisée que nous avons voulu instituer. Nous croyons, nous, à la coordination des soins.

Mme Martine Billard - Nous aussi !

M. le Secrétaire d'Etat - Elle est bonne pour le patient, elle le sera aussi pour la sécurité sociale. Nous ne pouvons donc pas vous suivre. J'observe d'ailleurs que l'emploi ou non de l'adjectif « référent » ne relève pas seulement du débat sémantique : nous parlons, nous, de médecin traitant. Enfin, contrairement à vous, nous voulons laisser au patient atteint d'une maladie chronique la liberté de choix de son médecin traitant et la liberté d'accès.

Mme Jacqueline Fraysse - Nous aussi !

Mme Catherine Génisson - Sans vouloir recommencer la discussion de l'été dernier, nous devons envisager l'application de la réforme. Je soutiens pour ma part les amendements de Mme Billard. En effet, les patients ne doivent pas être pénalisés deux fois. Sans doute est-il très souhaitable de passer par un médecin traitant, qu'il soit généraliste ou, dans certains cas, spécialiste. Que le patient qui n'est pas passé par un médecin traitant soit moins remboursé est contestable, mais cohérent. En revanche, il n'est pas concevable qu'il soit d'un côté pénalisé pour cela et que de l'autre, le spécialiste lui applique les tarifs qu'il veut. C'est à la fois absurde et discriminatoire. Qu'il faille réévaluer les honoraires des spécialistes est une autre question, qui n'a rien à faire ici.

M. Jean-Marie Le Guen - Le Parisien de ce matin fait état d'une très forte hausse des tarifs médicaux, notamment chez les spécialistes. Interrogé, le ministre répond : « Je m'engage à ce qu'il n'y ait pas d'extension du secteur 2 », cela à la veille de l'ouverture des négociations sur la future convention. Qu'est-ce que cela signifie ? Ou bien le Gouvernement déclare qu'il va limiter la possibilité de dépassement, et il donnera mandat au proconsul...

M. le Secrétaire d'Etat - Vos caricatures sont lassantes.

M. Jean-Marie Le Guen - ...et il donnera clairement mandat au proconsul dans ce sens. Ne prétendez pas qu'il pourrait avoir un autre mandat ! Personne n'y croit ! Ou bien la convention aboutira à ce que la masse des honoraires non remboursés n'augmente pas, ce que nous souhaitons, ou bien le Gouvernement déclarera se laver les mains de la question des tarifs, en renvoyant à la convention. Si le Gouvernement accorde la liberté tarifaire à tout le monde en supprimant le secteur 2 sous couvert de la création d'un secteur « optionnel », comme il vient de le faire pour la chirurgie, qu'il le dise ! Oui ou non, les tarifs pratiqués le seront-ils sur la base des tarifs remboursés ? Les Français doivent le savoir !

M. le Secrétaire d'Etat - Monsieur Le Guen, ignorance ou mauvaise foi ? J'ai mon idée. En tous cas, vous n'avez pas le droit de mépriser ainsi que vous le faites les partenaires sociaux. Avez-vous bien lu le texte de la loi que vous n'avez pas votée ? Ce n'est pas le Gouvernement, ce n'est pas l'Etat qui fixera le mandat dans la négociation. C'est le nouveau conseil, installé cet après-midi, qui donnera les grandes orientations, et la négociation se déroulera librement. Cessez de chercher à faire peur ! Non, nous ne voulons pas étendre le secteur 2, car nous sommes attachés à l'égalité des soins. En revanche, nous assumons la démarche d'incitation du patient à aller consulter un médecin traitant. Les spécialistes, en cas d'accès direct, seront autorisés à pratiquer des dépassements d'honoraires limités. Voilà la vérité, qui est celle de la loi de la République. Le reste n'est que caricature et démagogie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les amendements 124, 125 et 123 successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard - Pour un bon parallélisme des formes, je propose, par l'amendement 116, de prendre en compte le cas de congé du médecin traitant. Vous me répondrez, je le sais, que cela relève du règlement...

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Avis défavorable. Cela est déjà prévu.

Mme Martine Billard - Mais non !

M. le Secrétaire d'Etat - Cette question pratique, bien légitime, sera traitée par le décret. Elle relève des situations d'urgence qui n'ouvriront pas droit à dépassement d'honoraires. Nous traiterons aussi du cas de l'absence du médecin traitant exerçant en cabinet de groupe, et de la situation particulière des bateliers, des forains, des étudiants...

L'amendement 116, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente - Sur l'amendement 60, j'ai reçu du groupe des députés communistes et républicain une demande de scrutin public.

Mme Jacqueline Fraysse - Par notre amendement 60, nous demandons un moratoire sur l'application du plan Hôpital 2007, qui va aggraver la crise de l'hôpital public et altérer une philosophie à laquelle nous sommes attachés, et qui est celle des missions de service public. En effet, Hôpital 2007 conduira à faire passer l'hôpital public de la sphère sanitaire à la sphère économique et entrepreneuriale. Il amorce une culture de privatisation de la santé, en particulier avec l'introduction de la TAA. En fait, vous voulez que les établissements deviennent des entités gestionnaires garantissant une certaine rentabilité, des centres de profit assurant des retours sur investissement. Il s'ensuivra une sélection des malades et un bouleversement des équilibres régionaux.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Vous prenez vos cauchemars pour des réalités !

Mme Jacqueline Fraysse - C'est bien d'un cauchemar qu'il s'agit en effet ! La TAA risque de porter atteinte à la qualité des soins, et à la capacité de l'hôpital à répondre à certains besoins de santé. Dans ceux des pays qui appliquent ce système, nous avons vu s'allonger les files d'attente. Chez nous aussi le calcul du coût par rapport au service rendu va s'imposer. Cette démarche compromettre la répartition harmonieuse des établissements de santé sur le territoire national. Quand la densité de population ne permettra pas d'assurer une rentabilité suffisante, les établissements disparaîtront. Ailleurs, ils se lanceront entre eux dans une guerre des salaires afin d'attirer les meilleures compétences. Bref, le risque est grand d'un grave déséquilibre entre l'offre et la demande de soins dans certaines zones.

Autant de raisons pour rejeter ce plan. Les spécificités des missions de service public de l'hôpital doivent être réaffirmées, alors que vous les gommez. Nous demandons donc la suspension du plan, le déblocage de moyens de fonctionnement pérennes et l'ouverture de négociations avec les syndicats, qui sont très inquiets, sur l'organisation interne de l'hôpital public, son financement, la formation du personnel et la promotion des carrières.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Pour la commission, ces critiques sont mal fondées et pour M. Bur, elles sont cauchemardesques ! La réforme est déjà engagée. Dix milliards seront investis sur cinq ans pour moderniser les établissements. On ne peut donner qu'un avis défavorable à cet amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Je rappelle que le plan Hôpital 2007 est attendu par beaucoup des acteurs du monde hospitalier et qu'il a été précédé d'un an et demi de concertation. Le texte est de nature à apporter satisfaction aux militants de l'hôpital public.

A la majorité de 22 voix contre 6, sur 28 votants et suffrages exprimés, l'amendement 60 n'est pas adopté.

APRÈS L'ART. 6

M. Jean-Louis Bernard - L'amendement 174 vise à réparer une omission : les entreprises, établissements, organismes et professionnels concernés sont tenus de transmettre à la Haute autorité de santé les informations qu'elle demande, après les avoir rendus anonymes.

L'amendement 174, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Les amendements 153, 151 et 150 sont défendus.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 153, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les 151 et 150.

ART. 7

Mme Jacqueline Fraysse - Cet article pour le moins curieux prévoit une possibilité d'avance de trésorerie aux établissements privés à but lucratif qui se trouveraient dans l'incapacité d'assumer financièrement la facturation des prestations issues de la nouvelle classification. Pourquoi ne pas accorder la même avance aux établissements publics ? Cela mérite une réponse claire. Cet article est aussi révélateur des conséquences néfastes de la tarification à l'activité, qui sera aussi désastreuse pour les établissements privés à but lucratif que pour les autres, vous le reconnaissez vous-même ! Aujourd'hui, 80% des petites cliniques de la région Ile-de-France sont en cessation de paiement. Elles ne pourront financer les investissements en matériel coûteux. Les conséquences seront dramatiques pour l'offre de soins, car les grands groupes qui sont en embuscade se précipiteront pour les racheter au moindre prix, après avoir négocié avec l'ARH une réduction du nombre de lits. Elles seront également dramatiques pour l'assurance maladie, car c'est bien elle qui payera pour l'avance de trésorerie, malgré ses difficultés financières ! Vous prévoyez une réduction de 8 milliards du déficit de la branche, mais le niveau de la dette n'en sera pas réduit. Cette dette a un coût, qui sera accru si l'assurance maladie assume les déficits de trésorerie des établissements privés. Ce sont les assurés sociaux qui en pâtiront. Vous comprendrez que nous ayons de sérieux doutes sur cet article, comme sur l'ensemble de la TAA.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 222 est défendu.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - La convention permet de fixer les engagements de tous les acteurs en matière d'avance de trésorerie. L'amendement parle d'un « système similaire », mais quel est-il ? Avis donc défavorable.

M. le Ministre - L'article 7 prévoit, pour faciliter le passage à la tarification à l'activité, des avances, consenties par les caisses d'assurance maladie, aux établissements privés en difficulté pour appliquer le nouveau dispositif. Toutes les modalités du versement de l'avance ne sont pas précisées dans la loi. La voie contractuelle, plus souple, a été préférée à la voie réglementaire. Il me semble cependant, et je m'excuse de ne pas en avoir parlé devant la commission, que nous pouvons accepter cet amendement.

L'amendement 222, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - L'amendement 10 est rédactionnel.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - L'amendement 11 rectifié reporte l'application de la tarification à l'activité dans l'hospitalisation privée du 1er octobre au 1er décembre, pour des motifs techniques. Nous sommes déjà fin octobre !

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Jean-Luc Préel - Certes, mais le report de la TAA dans les cliniques était lié aux problèmes de mise en œuvre de la CCAM technique. Celle-ci sera-t-elle mise en œuvre au 1er décembre ?

L'amendement 11 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 7, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 154 est défendu.

L'amendement 154, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 8, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 8

Mme Martine Billard - L'amendement 126 revient sur la prescription en dénomination commune internationale. Le rapport de la commission des finances reconnaît que le plan de maîtrise des dépenses pharmaceutiques ne suscitera pas des économies de grande ampleur. Une résistance à la baisse existe à l'évidence. Lors du projet de loi sur l'assurance maladie, le secrétaire d'Etat m'avait expliqué qu'il n'était pas possible de prescrire en DCI : quel médecin prescrirait du chlorhydrate de dextropropoxyphène 30 mg + paracétamol 400 mg à la place d'un antalgique bien connu ? Mais je peux vous montrer la boîte, c'est exactement ce qu'on achète en pharmacie ! Il serait donc très simple de le prescrire directement. L'obligation de prescrire en DCI doit être étendue pour faire faire des économies à l'assurance maladie sans conséquences pour les malades.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Avis défavorable. Il faut préférer la confiance à la contrainte. Il existe des logiciels de prescription en DCI. Les médecins s'équipent petit à petit, et nous allons améliorer leur formation sur ce point.

L'amendement 126, repoussé par le Gouvenement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 9

M. Jean-Luc Préel - Cet article prévoit le financement de la modernisation des établissements de santé publics et privés. Le fonds prendra en charge le financement des conseillers généraux des hôpitaux : pourquoi pas ? La mission Couanau avait considéré ces conseillers généraux comme utiles pour donner des perspectives au directeur et pour constituer une cellule d'expertise à la disposition du ministre. Reste à mettre en œuvre cette disposition. Mais le fonds a pour mission majeure de participer aux investissements des établissements. Son montant n'est plus que de 405 millions, contre 270 en 2004.

La vétusté des établissements atteignant des niveaux records, les besoins d'investissement sont grands. Or les budgets hospitaliers sont souvent déficitaires et, faute de moyens propres, le recours à l'emprunt est exclu. Le plan « Hôpital 2007 » de votre prédécesseur comportait une aide à l'investissement. Nous savons que des missions régionales d'appui ont été mises en place, mais où en est-on exactement de ce plan ? Quelle proportion du fonds a été utilisée cette année ?

D'autre part, je connais un cas où la décision de construire un hôpital, prise à la demande d'un ARH, a été remise en cause par le successeur de celui-ci au prétexte qu'il ne connaissait pas le montant des financements futurs. Comment s'engager dans un investissement lourd de ce genre si l'on n'a pas de certitudes sur le long terme ? Il faudrait que la limite de 2007 puisse être dépassée, de manière à échelonner les financements sur une dizaine d'années. Dans ces conditions, comment admettre qu'un fonds vital soit en diminution cette année ?

Mme Jacqueline Fraysse - Cet article tend à modifier le fonctionnement du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés - FMESPP - institué par la loi de financement pour 2003 et il en élargit en particulier les missions, qui comprendront désormais la prise en charge financière des conseillers généraux des hôpitaux, créés en 1986 mais jamais installés, ainsi que le reversement aux établissements des dépenses « évitées » grâce à des mesures d'économie. Mais l'article fixe aussi le montant de la dotation du fonds : elle sera en 2005 de 405 millions d'euros, contre 470 en 2004, soit une amputation de 65 millions. Pourquoi une telle réduction quand on élargit les missions, que les restructurations vont bon train et que le plan « Hôpital 2007 » prévoit une montée en charge du volet « investissement » ?

Abondé par des ressources provenant du régime obligatoire d'assurance maladie, ce fonds a pris la suite de deux autres : d'abord un Fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé, créé par la loi de financement pour 1998 ; puis un Fonds pour la modernisation des établissements de santé, le FMES, créé par la loi de financement pour 2002. Le premier devait notamment soutenir des actions favorisant la mobilité et l'adaptation des personnels aux restructurations ; le second a étendu son intervention aux dépenses d'investissement et de fonctionnement des établissements ; dans le cadre du plan « Hôpital 2007 », le FMESPP voient ses missions encore élargies - à trois domaines : TAA, appui à l'investissement, expertise et audit. On constate donc qu'au fil du temps, on est passé d'une aide axée sur l'amélioration des conditions de travail et sur la promotion professionnelle, c'est-à-dire d'une aide bénéficiant d'abord au personnel, à une aide au financement des restructurations. J'en veux pour preuve qu'au sein du fonds, la part du volet « ressources humaines » ne cesse de décroître au profit du volet « investissement » qui en absorbe désormais 60%. Contrairement à ce qu'avait avancé M. Mattei, vous faites ainsi jouer à l'assurance maladie le rôle qui devrait revenir à l'Etat. Nous ne pouvons qu'être en désaccord, surtout quand l'investissement ainsi aidé en capital sert à restreindre l'offre de soins !

Quel rôle envisagez-vous dans ce cadre pour les futurs conseillers généraux des hôpitaux ? Seront-ils des fonctionnaires au service du ministère, chargés d'optimiser les investissements dans cette perspective de réduction de l'offre ? Est-ce pour cela que vous leur accordez déjà 2,5 millions d'euros ? Et cette ligne est-elle celle d'une année pleine ?

Si l'on ajoute à cela la prime à la pénurie versée aux établissements économes, nous constatons que ce fonds est un nouveau canal de la politique de rationnement des soins !

M. Jean-Marie Le Guen - La sécurité sociale va donc dorénavant financer des hauts fonctionnaires chargés de gérer les hôpitaux, sous l'autorité du ministre ! Si nécessaire qu'elle soit, cette mesure trahit la grande confusion dans laquelle on s'enfonce maintenant et c'est une preuve supplémentaire d'une étatisation de l'assurance maladie.

M. Gérard Bapt - Ces conseillers seront-ils de « mini-proconsuls », des missi dominici appelés à gérer les établissements lorsque le proconsul en chef, le directeur général de l'UNCAM, aura décidé de suspendre des directeurs pour insuffisance dans la gestion ?

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - L'amendement 39 vise à supprimer le A du I : l'assurance maladie n'a pas vocation à financer ces emplois de conseillers généraux des hôpitaux placés auprès du ministre pour assurer, « à sa demande, des missions d'étude et d'assistance technique ». L'Etat doit financer sur son budget ses propres experts. Il en existe d'ailleurs déjà en nombre au sein de la DHOS, qui devrait bien se saisir de toutes les questions de retour sur investissement. Alors que des sommes considérables sont investies dans le cadre du plan « Hôpital 2007 », nous ignorons quels en sont les effets sur la gestion des établissements. Avez-vous pris des décisions sur ce point, et quel sera le rôle des conseillers généraux à cet égard ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Bien que partagée, la commission a accepté l'amendement.

M. le Ministre - Choisis parmi les directeurs d'hôpitaux et les médecins hospitaliers expérimentés, ces conseillers généraux assureront des missions d'étude, mais aussi des enquêtes sur la gestion administrative et financière des établissements ainsi que des missions d'assistance technique et d'audit. Ils pourront également être chargés de l'administration provisoire des établissements publics (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). En bref, ils seront au service de ces établissements pour en améliorer concrètement le fonctionnement, l'organisation et la gestion. Leur action contribuera à l'utilisation optimale des ressources consacrées aux hôpitaux par l'assurance maladie et il est donc naturel que celle-ci participe directement au financement de ces emplois.

L'amendement 39, mis aux voix, est adopté.

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 65 vise à supprimer le B du I, et donc la possibilité pour le Fonds de modernisation d'attribuer des primes aux établissements qui feraient des économies. Cette disposition revient à dénaturer la mission du fonds, qui n'est certes pas de récompenser les « bons élèves », quelles que soient les conséquences pour les patients !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Le service public peut faire preuve de management et pas seulement d'idéologie. Le mot « récompense » est un peu gênant car il s'agit principalement de motiver les équipes. Avis défavorable.

L'amendement 65, repoussé par le Gouvernement mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 9 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - Le Gouvernement demande l'examen à 15 heures des articles 24, 25, 26 et 27 qui concernent la branche famille et souhaite, par conséquent, que soient réservées l'ensemble des dispositions venant avant l'article 24.

Mme la Présidente - A la demande du Gouvernement nous reprendrons nos débats cet après-midi à 15 heures avec les articles relatifs à la famille.

Les articles et les amendements venant avant l'article 24 sont réservés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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