Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2004-2005)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 17ème jour de séance, 40ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 3 NOVEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CRÉDITS DU FEDER 2

DATE DE RATIFICATION DE LA CONSTITUTION EUROPÉENNE 2

RATIFICATION DE LA CONSTITUTION EUROPÉENNE 3

RELATIONS AVEC LES ÉTATS-UNIS 3

RELATIONS ENTRE L'ADMINISTRATION FISCALE
ET LES CONTRIBUABLES 4

RÉFORME DU DIVORCE 4

VIOLENCES SCOLAIRES 5

LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE 6

HANDICAP ET SPORT 7

POLITIQUE DU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE
ET DES FINANCES 7

DÉCENTRALISATION 8

MENACE TERRORISTE 9

LOI DE FINANCES POUR 2005
deuxième partie (suite) 10

TOURISME 10

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président - Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens.

CRÉDITS DU FEDER

M. Augustin Bonrepaux - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Les crédits européens du FEDER sont pratiquement épuisés pour la plupart des contrats territoriaux. En 2003, vous avez en effet encouragé une sur-programmation de projets parfois mal préparés et vous avez utilisé ces crédits pour pallier la pénurie des crédits de l'Etat afin de financer des opérations décidées par le Gouvernement sans concertation aucune avec les régions. Vous avez argué sans raison d'un dégagement d'office qui ne concernait en fait que la consommation des crédits de 2001, lesquels devaient être consommés en 2003. Les projets de 2004 ayant pratiquement épuisé la réserve de performance, il ne reste aujourd'hui plus rien pour 2005 et 2006.

Allez-vous remplacer les crédits européens que vous avez détournés (Protestations sur les bancs du groupe UMP) par des crédits de l'Etat, des crédits du Fonds national pour l'aménagement du territoire, afin que les territoires ruraux puissent mener à bien les projets qu'ils ont élaborés pendant des années ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Ne polémiquons pas sur ce sujet : la bonne utilisation des crédits européens contribue à renforcer l'adhésion des Français à l'idée d'Europe. La meilleure façon de faire consiste précisément à utiliser l'argent disponible, sans gaspillage et sans report. Or, en 2002, seuls 12% des crédits européens étaient utilisés alors que l'ancienne majorité aurait dû en utiliser 30%. C'est grâce à la négociation que nous avons menée avec la Commission qu'il n'y a pas eu de reports.

M. Augustin Bonrepaux - C'est faux. Vous mentez !

M. le Ministre - En 2003, aucun crédit n'a été annulé et nous espérons qu'il en sera de même cette année.

Les crédits européens, d'ailleurs, ne peuvent venir qu'en complément des crédits de l'Etat ou des collectivités locales et nous les utilisons donc pour participer à des projets nationaux. Ne nous reprochez pas d'utiliser des crédits dont vous n'avez rien fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DATE DE RATIFICATION DE LA CONSTITUTION EUROPÉENNE

M. Olivier Jardé - L'UDF aurait souhaité que la France prenne la tête des pays de l'Union européenne pour la ratification de la Constitution européenne et qu'elle œuvre pour que ce vote, symboliquement, ait lieu partout au même moment. Certains pays ont déjà fixé la date de la ratification ; ainsi l'Espagne, le 20 février 2005. En ce qui nous concerne, nous savons seulement que le vote aura lieu en 2005.

Monsieur le Premier ministre, la représentation nationale, les Français souhaiteraient savoir si vous êtes favorable à un vote simultané de tous les pays de l'Union et si une date a déjà été envisagée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - La France aurait aimé qu'un grand débat européen simultané soit possible. Or, non seulement les procédures de ratification diffèrent d'un Etat à l'autre, mais tous les pays ne souhaitent pas aller au même rythme puisque certains, comme le Royaume-Uni, ont annoncé une ratification pour 2006 seulement.

Le chef de l'Etat a signé le traité constitutionnel le 29 octobre. Le jour même, il a saisi le Conseil constitutionnel qui dispose d'un mois pour faire part de ses propositions quant à une éventuelle révision de notre Constitution. Une fois rendu l'avis du Conseil au début du mois de décembre, sans doute le Parlement sera-t-il saisi au début de 2005 et le Congrès réuni au début du printemps si le Chef de l'Etat le souhaite. Le Président de la République pourra alors fixer la date du référendum qui, très vraisemblablement, aura lieu en 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

RATIFICATION DE LA CONSTITUTION EUROPÉENNE

M. Pierre Goldberg - Le Président de la République, le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères viennent de signer le traité constitutionnel européen. La parole de la France a donc été engagée sans que le peuple souverain se soit prononcé. La mise en scène de Rome ne vise-t-elle pas à faire admettre l'idée que la consultation des peuples sera vidée de toute portée tant on craint leur verdict ? Cette signature ne démontre-t-elle pas que ce traité défend une conception du monde de plus en plus rejetée ? Ne témoigne-t-elle pas d'un formidable gâchis quand les peuples attendent une Europe sociale, une Europe des citoyens ? Ne dissimule-t-elle pas enfin que ce traité, c'est du super Maastricht dont les conséquences seront encore plus graves ?

Notre refus de ce texte s'inscrit dans une démarche constructive : notre « non » n'entame en rien notre engagement pour une Europe des peuples, du progrès social et de la paix. Les informations, les ressources doivent être partagées, un nouveau modèle social européen d'égalité doit voir le jour, tout concourt à un renouveau démocratique, à une grande ambition européenne au service de la paix. Ce traité doit donc être débattu au-delà des sphères démocratiques et gouvernementales. Y êtes-vous prêt, Monsieur le Premier ministre, allez-vous fournir toutes les informations nécessaires à la discussion, allez-vous organiser des débats médiatiques contradictoires permettant aux citoyens de se prononcer en toute connaissance de cause ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - Franchement, pour que le peuple français puisse se prononcer, il faut bien qu'il y ait d'abord un traité ! Signé par ceux qui, depuis cinquante ans, ont à signer les traités, après un débat public et transparent ! Maintenant, il est temps de dire précisément ce qu'il y a dans ce texte. Il faut expliquer les avancées qu'il contient en termes de dialogue social, de services publics, de droits des citoyens ou de cohésion territoriale. Ce n'est pas par hasard que la confédération européenne des syndicats le soutient !

Le débat va donc commencer, et il sera pluraliste, républicain et impartial. Des brochures, des documents et des sites internet seront mis à la disposition des citoyens. Il ne s'agit pas de propagande, Monsieur Goldberg, mais d'explication et de débat. Je suis sûr que vous aurez à cœur d'y participer dans cet esprit là.

RELATIONS AVEC LES ÉTATS-UNIS

M. Alain Marsaud - Si, comme nous le supposons, Georges Bush est réélu président des Etats-Unis, il faut s'interroger sur l'avenir des relations entre l'Europe, et particulièrement la France, et l'Amérique. Les dernières semaines ont été marquées par une hystérie anti-Bush, anti-parti républicain, voire anti-américaine. On a souvent raillé le président des Etats-Unis, de façon grossière et inadmissible. Une partie de la classe politique a pu se joindre à ce concert. Or, il faudra bien que la France puisse parler à nouveau à l'Amérique et tenter de jouer un rôle international auprès d'elle, qui, même si elle n'en est pas consciente, a besoin de l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Un certain nombre de membres de cette assemblée entretiennent de bonnes relations tant avec l'administration Bush qu'avec les démocrates. Comment comptez-vous conforter le dialogue de confiance entre nos deux pays ? Sur quelles institutions vous appuierez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - L'élection du président des Etats-Unis pour quatre ans, en même temps que l'Union européenne atteint une forme de maturité institutionnelle (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste), est l'occasion d'évaluer et de relancer notre dialogue avec ce très grand pays, dont nous sommes l'allié le plus ancien et qui est le nôtre pareillement. Depuis quelques années, nos visions de l'organisation du monde divergent. Les Européens placent avant tout l'action collective et la coopération internationale, fondées sur le droit - grandes idées qui doivent beaucoup à l'Amérique ! Mais ces approches différentes ne nous ont pas empêchés de travailler ensemble, et bien, contre le terrorisme, pour la stabilité du Kosovo ou pour la sécurité en Haïti ! La paix continuera à avoir besoin de ce dialogue entre l'Europe et les Etats-Unis. La France y est prête, notamment à propos du conflit central entre Israéliens et Palestiniens. Dès l'instant où nous nous respectons, le dialogue est possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RELATIONS ENTRE L'ADMINISTRATION FISCALE ET LES CONTRIBUABLES

M. Laurent Wauquiez - Monsieur le ministre de l'économie, les impôts sont toujours en France sujet à controverse, mais une question n'est jamais abordée : comment améliorer les relations entre les citoyens et l'administration fiscale ? Aujourd'hui, la fiscalité est bien trop compliquée. Nos compatriotes ont bien du mal à s'y retrouver, face à une administration compétente certes, mais qui ne parle pas leur langue. Les relations restent marquées par la défiance, alors que la majorité de nos concitoyens ne sont pas des fraudeurs. Enfin, la fiscalité manque cruellement de stabilité juridique, ce qui nuit tant à la confiance qu'à l'attractivité de notre territoire et donc à l'emploi. Vous avez commandé un rapport sur tous ces points. Comment garantir un minimum de sécurité juridique et de stabilité en matière d'impôt ? Comment faciliter les déclarations fiscales de nos concitoyens ? L'administration peut-elle ne pas se limiter à contrôler, mais aussi conseiller les contribuables de bonne foi ? Même en matière d'impôt, le service public peut-il être au service du public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Sans entrer dans le détail des mesures que Dominique Bussereau et moi avons prises, je voudrais souligner quatre points. D'abord, pour rétablir la confiance entre le contribuable et l'Etat, il faut en finir avec les pratiques de rétroactivité fiscale. Le dernier exemple, Dominique Strauss-Kahn s'en souvient certainement, est celui des contrats d'assurance-vie pour lesquels l'Etat avait promis un avantage et s'était permis de changer ensuite les règles du jeu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Ensuite, pourquoi les taux d'intérêts qui sont servis à l'Etat créancier par le contribuable sont-ils bien plus élevés que ceux que paye l'Etat lorsqu'il a une dette ? Ce n'est pas juste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Troisièmement, il me semble indispensable que les contrôles fiscaux soient limités dans le temps. Soit on trouve quelque chose et le contribuable doit rendre des comptes, soit il n'y a rien et il doit reprendre une vie normale ! Dorénavant donc, les contrôles ne dépasseront pas neuf mois dans les moyennes et les grandes entreprises et trois mois pour les commerçants et les petites entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Les contribuables ne sont pas présupposés coupables !

Enfin, une règle très simple s'appliquera à partir du 1er janvier : l'administration fiscale devra répondre à tout écrit d'un contribuable dans un délai d'un mois. Cela s'appelle la démocratie fiscale : dans la démocratie parlementaire, elle est indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

RÉFORME DU DIVORCE

Mme Corinne Marchal-Tarnus - Monsieur le garde des Sceaux, le Parlement a pour souci permanent le suivi des lois qu'il a votées. Nous avons donc adopté, le 12 février, la proposition de résolution de Jean-Luc Warsmann modifiant le Règlement en vue d'informer l'Assemblée nationale sur la mise en application des lois.

La réforme du divorce doit entrer en vigueur le 1er janvier prochain. Pouvez-vous, Monsieur le Garde des sceaux, nous indiquer si l'ensemble des décrets et circulaires nécessaires à son application ont été pris et nous en préciser la teneur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - La loi portant réforme du divorce, votée dans le consensus, puisqu'elle n'a recueilli aucune voix contre ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat, vise à pacifier le divorce et à responsabiliser les époux au cours de la procédure. Cette réforme est très attendue des 140 000 couples qui divorcent chaque année, souvent dans des conditions douloureuses. Je m'étais engagé lors de l'examen du texte à faire publier les décrets d'application assez longtemps à l'avance, de façon que tous les acteurs soient pleinement informés lors de l'entrée en vigueur du texte. Deux décrets relatifs l'un à la simplification de la procédure, l'autre au versement de la prestation compensatoire sous forme de capital, et non plus de rente viagère, ont été publiés la semaine dernière. Une circulaire d'application concernant le second décret peut être consulté sur le site internet du ministère. Enfin, tous les juges aux affaires familiales recevront d'ici à la fin de l'année un guide pratique et tous les partenaires de la justice, en particulier les avocats, un guide explicatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

VIOLENCES SCOLAIRES

M. Patrick Roy - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, d'après les statistiques de votre propre ministère, les violences commises dans les collèges et les lycées ont augmenté de 13% durant l'année scolaire 2003-2004, avec 9 000 faits supplémentaires. C'est un désaveu cinglant de votre politique irresponsable de suppression des aides-éducateurs et de réduction drastique du nombre des adultes présents dans les établissements. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Pour faire face à l'explosion de la violence, certains établissements ont dû recruter des vigiles privés. Or, les enseignants et les élèves n'ont besoin ni de policiers ni de vigiles, mais bien des 9 000 surveillants que votre Gouvernement a supprimés depuis trois ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) L'école ne peut pas travailler sereinement aujourd'hui et le mépris affiché par le Gouvernement face à la situation est proprement consternant.

Allez-vous, enfin, admettre que la réduction du nombre d'adultes dans les établissements avec la suppression des aides-éducateurs, des surveillants, des CES, des CEC, des assistantes sociales..., constitue une faute majeure du Gouvernement ? Comptez-vous rendre à l'école les moyens humains dont vous l'avez dangereusement privée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - La violence à l'école est un problème grave qui menace notre système scolaire et au-delà, notre pacte républicain. Elle augmente de façon régulière depuis plusieurs années et les statistiques de 2003-2004 ramènent, à l'unité près, avec 86 000 actes recensés, à la situation de 2001-2002, année où que je sache, les socialistes étaient au pouvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il n'y a donc aucune corrélation entre l'augmentation de la violence et la fin des emplois-jeunes, que vous aviez d'ailleurs vous-mêmes programmée.

Que faut-il faire ? Tout d'abord, mobiliser l'ensemble des acteurs. C'est dans cet esprit que j'ai signé avec Dominique Perben une convention permettant d'apporter en temps réel une réponse judiciaire aux actes de délinquance à l'école, et avec Dominique de Villepin une convention permettant de renforcer la lutte contre le racket et la toxicomanie, en désignant pour chaque établissement un policier ou un gendarme référent. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Il faut en deuxième lieu fixer des repères, et pour cela commencer par restaurer l'autorité des enseignants. J'ai donc décidé de réécrire une circulaire particulièrement néfaste de 2000 qui encadrait trop strictement les pouvoirs disciplinaires des enseignants. Ceux-ci doivent, dans le cadre légal, disposer de marges de manœuvre pour faire face aux situations auxquelles ils sont confrontés. Enfin, des moyens humains sont nécessaires. A cet égard, nous avons remplacé à l'unité près les surveillants par les assistants d'éducation (Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste). Ceux-ci étaient 33 000 à la rentrée 2004 et seront 42 800 à la rentrée 2005. (Mêmes mouvements) Vos vociférations ne changeront rien à la réalité. La lutte contre l'insécurité, c'est d'abord une question de morale civique, et cette question concerne notre société tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE

M. Thierry Mariani - Monsieur le ministre de l'intérieur, notre majorité a décidé depuis 2002 de ne plus subir une immigration incontrôlée. Afin de mieux accueillir les étrangers qui souhaitent s'installer légalement dans notre pays, le Gouvernement, sous l'impulsion de votre prédécesseur, Nicolas Sarkozy, a renforcé les moyens de lutte contre l'immigration clandestine. Entre 1998 et 2002, le gouvernement de M. Jospin avait laissé s'effondrer le taux d'exécution des décisions d'expulsion d'étrangers en situation irrégulière au niveau historiquement bas de 16%. C'est dire que moins d'une décision de justice sur cinq était exécutée ! (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP) Monsieur le ministre, les décisions d'expulsion sont-elles, enfin, aujourd'hui mieux exécutées ?

D'autre part, contrairement à l'ancienne majorité, nous avons choisi de réformer profondément la législation au travers de la loi du 26 novembre 2003, relative à la maîtrise de l'immigration. Cependant, cette loi, pour partie directement applicable, nécessite des textes d'application, en particulier s'agissant des pouvoirs donnés aux maires en matière d'attestations d'accueil et de regroupement familial. Quand paraîtront ces décrets ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - La lutte contre l'immigration irrégulière est en effet une nécessité absolue, aussi bien pour la sécurité nationale que pour la défense de notre modèle d'intégration républicaine. Cette nécessité suppose évidemment de reconduire à nos frontières les étrangers en situation irrégulière et, pour cette année, le nombre de reconduites s'élève actuellement à 12 000, soit 60% de plus que l'an passé. Mais il y faut encore davantage : des moyens budgétaires et des places dans les centres de rétention. Les premiers seront portés de 1 à 33 millions d'euros entre 2003 et 2005, le nombre des secondes de 1 100 à 1 600 entre cette année et l'année prochaine.

Nous devons en outre faire preuve d'une fermeté absolue dans la lutte contre l'usage de faux papiers, beaucoup d'immigrants illégaux étant entrés légalement en France. Les pouvoirs des maires et le contrôle des certificats d'hébergement seront donc renforcés : le décret nécessaire sera publié dans les tout prochains jours et l'essentiel des décrets d'attribution le sera d'ici à la fin de l'année. Nous travaillons également à sécuriser les documents administratifs : une carte d'identité électronique aura cours d'ici à la fin de 2007 et, pour ce qui est des visas, un programme d'expérimentation est en cours avec le ministère des affaires étrangères.

Il faut également un strict respect du droit d'asile. Celui-ci est trop souvent contourné, 80% des demandeurs étant mus par des motifs économiques. Nous avons par conséquent réduit à quatre mois le temps d'instruction des demandes soumises à la commission de recours de l'OFPRA et nous entendons ramener à six mois la durée totale de l'instruction.

Enfin, nous recherchons une meilleure coopération au niveau européen et un grand programme à vingt-cinq a été mis sur pied à cet effet cependant que nous avançons à plus vive allure avec les cinq grands pays de l'Union (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

HANDICAP ET SPORT

M. Ghislain Bray - Lors des XIIèmes Jeux paralympiques qui se sont déroulés du 17 au 28 septembre, 4 000 sportifs relevant de 19 disciplines représentaient 143 pays. La délégation française s'est brillamment illustrée, remportant 74 médailles : 18 d'or, 26 d'argent et 30 de bronze. Ces médaillés ont été décorés par le Président de la République le 25 octobre. Cependant, il subsiste des différences de traitement entre athlètes valides et athlètes handicapés, alors même que nous nous apprêtons à voter une loi sur l'égalité des droits et des chances. Ainsi, on constate une discrimination médiatique - ces Jeux paralympiques n'étaient retransmis que pendant 25 minutes, entre 0 heure 30 et 1 heure du matin ! - et une discrimination en matière de récompenses : la médaille d'or olympique vaut une prime de 45 000 euros, mais la médaille d'or paralympique n'en vaut que 6 000 ! On ne peut de la sorte ajouter du handicap au handicap ! Monsieur le ministre des sports, nous savons le combat quotidien que vous menez en faveur des sportifs handicapés : qu'allez-vous entreprendre pour en finir avec cette inégalité de traitement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative - Je partage votre sentiment. Les résultats obtenus par ces deux catégories d'athlètes peuvent susciter une légitime fierté mais, précisément, cela justifierait pleinement une égalité de traitement et vous pouvez compter sur ma détermination pour y parvenir.

Quand 10 500 athlètes olympiques se partagent 1 000 médailles à Athènes, 4 000 athlètes paralympiques s'en partagent 1 500 - 15 par exemple pour le seul cent mètres, contre deux pour le cent mètres « normal ». Pour autant, nous devons tendre vers l'égalité et c'est ainsi que j'ai doublé les primes instituées par Guy Drut pour les jeux d'Atlanta, les portant de 3 000 à 6 000 euros. L'aide personnalisée, qui permet l'achat de matériel, a de même été portée de 300 à 1 000 euros.

J'ai également demandé aux fédérations de travailler avec la Fédération française Handisports à améliorer les conditions de préparation pour ces athlètes, mais également à rendre les clubs accessibles à toutes les personnes handicapées. J'ai quadruplé l'aide consacrée à l'aménagement des équipements dans le cadre du FNDS de manière que toutes celles qui le souhaitent puissent pratiquer une discipline d'ici à 2007.

Pour ce qui est de la couverture médiatique, des efforts ont été faits même si nous sommes encore loin du compte : alors qu'on ne consacrait qu'une minute par jour aux Jeux de 2000, ce sont 33 minutes qui ont été consacrées à ceux de 2004. Mais vous pouvez compter sur moi pour travailler à de nouveaux progrès (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE DU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES

M. Philippe Martin (Gers) - Monsieur le Ministre d'Etat, les Français s'interrogent sur le sens qu'il convient de donner aux nombreux engagements que vous prenez au cours de ces derniers jours de votre CDD à Bercy ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Il y a peu, vous exposiez votre vision à moyen terme de l'économie et vous évoquiez le souci de marquer votre action du sceau de l'urgence, mais il semblerait désormais que, chez vous, l'urgence ait pris le pas sur la vision et que vous vous soyez converti à la stratégie des « post-it », ces petits papillons jaunes que vous collez méthodiquement sur les murs de votre bureau, à l'intention de votre successeur ou, peut-être, du Premier ministre !

J'ai pu récupérer quelques-uns de ces post-it : « Noël : ne pas oublier de faire baisser les prix de 2% » ; « Décembre : ne pas oublier de rendre aux Français l'argent injustement prélevé sur le fioul » ; « Dès que possible : ne pas oublier de transférer les 17 000 bureaux de poste ruraux aux commerçants du coin » ; « Avant 2007 : ne pas oublier d'appliquer intégralement le rapport Camdessus » (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) ; « ISF : ne pas oublier... Ah non, ça, c'est fait ! ».

Ici même, vous avez dit ne connaître qu'une règle : faire exclusivement la politique de vos électeurs et ne pas perdre son temps à écouter ceux qui ne pensent pas comme vous... (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Depuis deux ans et demi, le chômage s'accroît, les délocalisations s'accélèrent, la pauvreté se développe, les inégalités se creusent du fait de votre politique. Vous qui avez si souvent vanté la culture du résultat, n'auriez-vous pas une fâcheuse tendance à être toujours là au moment des annonces et des grands élans, mais jamais là au moment des bilans et des grandes déceptions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je ne suis pas sûr d'avoir exactement saisi la question dans toute sa finesse, aussi m'en tiendrai-je à l'esprit plus qu'à la lettre. D'après ce que j'ai compris, pour vous je pars trop tôt : je ne suis pas encore parti que vous me regrettez déjà...Vous ne m'avez pas apprécié comme ministre de l'intérieur, vous avez des doutes comme ministre des finances, je vous promets que je ne vous décevrai pas comme président de l'UMP ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les résultats, dites-vous ? Merci de me donner cette occasion de les évoquer. Allez donc demander aux habitants de Sangatte si c'était si facile de fermer le centre alors que les socialistes, Martine Aubry en tête, n'avaient rien fait ! Allez demander à M. Tavernier, à M. Pinte et à tous ceux qui se battaient depuis des années pour la suppression de la double peine si c'était si facile de faire voter cette suppression à l'unanimité ! Allez demander à Mme Erignac et à ses enfants s'il n'était pas justifié d'amener Colonna devant la justice de notre pays ! Allez demander aux salariés d'Alstom s'il était si facile de convaincre Mario Monti ! Certes, en trente-deux mois, nous n'avons pas résolu tous les problèmes de la France, mais en trente-deux mois, d'autres, vos amis, n'ont rien fait ! Croyez-moi, bilan contre bilan, nous n'avons pas à rougir ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

DÉCENTRALISATION

M. Jean Proriol - L'acte II de la décentralisation a été réalisé de façon pragmatique, sur le socle de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. Aujourd'hui, la démocratie territoriale est en ordre de marche.

Or l'Association des régions de France tente un véritable procès d'intention, rompant avec sa vocation originelle d'interlocuteur régional de l'Etat : elle mène une campagne de désinformation sur les effets de la décentralisation. Sans crainte de se contredire, elle dénonce à la fois un désengagement de l'Etat et une recentralisation des politiques publiques.

Certes, la gauche montre de l'embarras à se référer aux soixante-cinq propositions du rapport Mauroy, remis à Lionel Jospin en octobre 2000, auxquelles elle n'a pas jugé bon de donner suite. Atteinte de frilosité décentralisatrice, elle tente de faire peur aux élus locaux et aux contribuables. Sa manœuvre de diversion traduit son refus d'assumer les nouvelles compétences, lesquelles sont compensées à l'euro près, et sa tentative de transférer sur le Gouvernement la responsabilité des augmentations d'impôts locaux dont elle aura besoin pour tenir ses promesses électorales. Comment pourrait-on, par exemple, incriminer en 2005 le coût du transfert des TOS, qui ne sera effectif qu'en 2006 ?

Monsieur le ministre délégué à l'intérieur, pouvez-vous faire état de la réalité des chiffres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - Dans quelques semaines, les régions vont présenter leurs orientations budgétaires pour 2005. Ce sera une heure de vérité.

Deux catégories de dépenses seront à regarder de près : celles correspondant aux mesures de décentralisation qui viennent d'être adoptées, qui seront intégralement compensées par l'Etat ; celles correspondant aux promesses faites lors des élections régionales. Si les impôts régionaux augmentent, ce ne sera pas du fait de la décentralisation, mais du fait des promesses électorales comme les milliers d'emplois tremplins ou les livres scolaires et ordinateurs gratuits.

Une fois passé le temps de la polémique, chacun pourra reconnaître que cette décentralisation est largement inspirée des propositions de Pierre Mauroy ; mais la différence avec le passé, c'est que désormais, lorsque l'Etat transfère des compétences, il transfère aussi les ressources correspondantes, à l'euro près ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

MENACE TERRORISTE

M. Jacques Myard - Selon certaines sources espagnoles, l'organisation Al Qaïda n'aurait plus de capacité opérationnelle. Selon d'autres sources, la menace terroriste demeurerait bien réelle, au moment où nous voyons M. Ben Laden réapparaître sur des vidéo-cassettes.

Le terrorisme auquel nous sommes confrontés est à l'évidence décentralisé, culturel, voire franchisé. Pour lutter efficacement contre lui, il faut une excellente coopération internationale et européenne.

Monsieur le ministre de l'intérieur, récemment à Florence, dans le cadre du G5, vous avez mis sur pied avec vos partenaires italien, espagnol, anglais et allemand des procédures d'échange d'informations, qui doivent être reprises au niveau des Vingt-cinq à Bruxelles dans le cadre d'un conseil Justice.

Où en est la menace terroriste ? Quelles actions de coopération entendez-vous mener ?

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Face au terrorisme, aucun pays ne peut se sentir à l'abri, aussi l'ensemble du Gouvernement est-il tenu à une vigilance de tous les instants, sous la direction du Premier ministre.

Sur le plan de la sécurité intérieure, j'ai réactivé le Comité interministériel de lutte anti-terroriste et créé le Comité du renseignement intérieur pour maximiser notre capacité de coordination et d'échange d'informations.

Sur le plan européen, dans le cadre du G5, et sur une initiative française, nous avons décidé d'échanger tous les renseignements, et en particulier les listes des djihadistes, islamistes radicaux, susceptibles d'être passés par des camps d'entraînement en Afghanistan, en Irak, ou en Tchétchénie.

Aujourd'hui, le vrai défi, dans notre pays, est bien l'islamisme radical. Ennemi de la République en ce qu'il soutient une vision de la sphère religieuse opposée à la sphère publique, nous devons l'éliminer de notre territoire.

A cette fin, nous devons exercer une surveillance très étroite de toutes les formes de prosélytisme, au niveau des mosquées, des salles de prière - selon les Renseignements Généraux, une cinquantaine de salles de prière seraient proches de cette mouvance radicale, dont une trentaine en Ile-de-France - mais également au niveau de certains réseaux de crèches, ou des prisons. Cette vigilance s'exerce dans une logique d'expulsion des étrangers qui appelleraient à la violence, de fermeture - comme ce fut le cas pour deux écoles coraniques dans le Val d'Oise - ou de poursuite judiciaire le cas échéant.

Par ailleurs, nous travaillons à mettre à jour les réseaux de financement clandestins, qu'il s'agisse de réseaux de contrefaçon, de trafics de drogue, de commerces ethniques.

En tout état de cause, il faut rester vigilant et éviter tout amalgame entre islamisme radical et islam : la grande majorité des musulmans de France veut vivre en effet en paix dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Baroin.

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

LOI DE FINANCES POUR 2005 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005.

TOURISME

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère délégué au tourisme.

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial de la commission des finances - Même s'il ne représente qu'une part infime du budget de l'Etat, nous consacrons une séance au budget du tourisme, ce qui montre l'intérêt que porte l'Assemblée à ce secteur économique de première importance pour l'équilibre de la balance des paiements.

Malheureusement, nous ne pourrons pas, comme nous l'avons fait les années précédentes, nous féliciter des résultats enregistrés en 2003. Le nombre des touristes étrangers est tombé de 77 à 75 millions, ce qui a réduit de 2 milliards l'excédent du poste « tourisme » dans la balance des paiements. Ces mauvais résultats s'expliquent en partie par des événements défavorables, mais il ne faudrait pas dissimuler derrière des phénomènes conjoncturels des tendances qui semblent s'être confirmées pendant la saison 2004 : la désaffection des clientèles européennes, qui constituent plus de 80% de notre clientèle étrangère, et l'évolution à la baisse du taux de départ des Français. Leurs séjours, de plus en plus courts, sont en majorité hors du secteur marchand. En revanche, le nombre des Français séjournant à l'étranger ne cesse de croître. Certains experts font état d'une perte, sur deux ans, de 5 milliards d'euros et de 50 000 emplois. Si on ajoute l'évolution de la consommation et les problèmes structurels auxquels sont confrontées les agences de voyages, l'économie touristique est entrée dans ce qu'il faut bien appeler une crise. Cela nous oblige à poser la question de l'attrait de la France comme destination touristique.

Ce constat a conduit le Gouvernement à réunir à deux reprises, depuis l'automne 2003, le comité interministériel du tourisme. Les décisions prises lors de ses réunions portent malheureusement la marque de la contrainte budgétaire. Tandis que nos concurrents investissent dans l'adaptation de leur offre touristique, notre budget du tourisme stagne au niveau insignifiant qui est le sien. Même la promotion, jugée prioritaire par le comité interministériel, n'a reçu qu'une petite partie des 8 millions annoncés.

Les crédits inscrits à votre budget pour 2005 s'élèvent à 72,58 millions d'euros en crédits de paiement, soit 2,47 millions de plus que les crédits votés l'année dernière. Cette progression bénéficie au titre III, dont les crédits augmentent de 14,49%, alors que les crédits d'intervention ne progressent que de 1,22% et que les crédits d'investissement diminuent de 10,76%.

Vous avez, Monsieur le ministre délégué, présenté vos crédits en incluant les 2 millions d'euros qui devraient être ouverts en loi de finances rectificative. Vous devrez compter sur ces crédits pour financer des actions nouvelles annoncées à l'issue du dernier comité interministériel. Cependant, la même somme a été annulée sur le budget en cours.

Pour 2005, seuls les crédits de fonctionnement de l'administration centrale augmentent, mais ces deux millions d'euros supplémentaires seront entièrement absorbés par la hausse du loyer que devra acquitter la direction du tourisme pour ses nouveaux locaux. Elle doit en effet quitter ceux qu'elle occupait avec l'Agence française de l'ingénierie touristique. Je ne peux qu'approuver la réunion en un même lieu de cette direction et des organismes qui lui sont associés, mais j'aurais préféré qu'on installe ces administrations dans des locaux appartenant à l'Etat.

Quant aux moyens d'intervention, ils sont globalement stables. La subvention à la Maison de la France s'accroît d'un million d'euros, mais on constate une baisse d'un montant équivalent sur l'ensemble des autres postes. En particulier, les crédits des contrats de plan passent de 3,21 à 2,47 millions d'euros. Ces crédits avaient déjà été réduits dans les deux précédents budgets et la faiblesse de leur niveau risque d'avoir des conséquences sur le fonctionnement de certaines structures régionales.

L'augmentation des moyens consacrés à la promotion, qui passent de 29,3 à 30,3 millions d'euros, fait suite à l'annulation de la même somme sur le budget 2004. Il est donc difficile de parler de moyens renforcés. En septembre 2003, le Gouvernement avait annoncé 8 millions de crédits supplémentaires pour la promotion. Une dotation de 4 millions devait être inscrite en loi de finances rectificative pour 2003 et une somme identique avait été promise pour 2004. En réalité, les crédits ouverts dans le collectif de 2003 n'ont été que de 2,422 millions et les crédits votés en loi de finances pour 2004 n'ont progressé que de 1,2 million d'euros. Le Gouvernement a réaffirmé l'importance de la promotion lors du deuxième comité interministériel, qui s'est tenu le 23 juillet dernier, et la stratégie marketing de la Maison de la France a été redéfinie, mais il n'a pas été fait mention d'un renforcement des moyens budgétaires. Or tout le monde s'accorde à reconnaître l'importance des campagnes d'image.

S'agissant des investissements, les autorisations de programme sont stables et les crédits de paiement diminuent de 10,8%. Cette baisse ne concerne pas les contrats de plan, dont les dotations sont portées à 8,41 millions en crédits de paiement et à 12,03 millions en autorisations de programme. Ces crédits demeurent pourtant insuffisants puisque, cette année, les 11,169 millions de crédits de paiement ont été consommés à 97,76% dès la fin juillet. Ce manque de crédits retarde l'exécution des contrats de plan de près de trois ans. Plus grave, la dotation consacrée au programme de consolidation des hébergements de tourisme social diminue de 61,2%. Mis en place pour la période 2002-2006, ce programme financé par la DATAR et le ministère du tourisme a permis la réhabilitation de 23 960 lits. Le ministère a consacré chaque année 3,3 millions à ce programme. Il n'est plus prévu qu'un million en crédits de paiement, sans aucune dotation en autorisations de programme. Cette situation inquiète les associations car les subventions accordées par le ministère conditionnent l'obtention d'autres financements, comme les prêts des collectivités locales. Vous compromettez de nombreuses opérations et risquez de causer la fermeture de certaines structures dans les zones de moindre attrait touristique. Les aides à la personne se faisant de plus en plus rares, cette aide à la pierre en faveur du tourisme social constitue le seul soutien véritable au départ en vacances des plus modestes.

A cet égard, les dotations budgétaires en faveur de l'accès aux vacances, c'est-à-dire les crédits d'investissement dont je viens de parler et les crédits d'intervention, baissent de 44%. Les crédits d'intervention du chapitre 44-01, d'un montant de 1,34 million, sont en baisse de 18,7% par rapport à 2004 et de 59% par rapport à 2003.

Vous êtes certes contraint à faire des choix. Mais l'action en faveur du départ en vacances des publics défavorisés repose de plus en plus sur les collectivités locales et sur l'Agence nationale du chèque vacances. C'est d'ailleurs grâce aux crédits mobilisés par cet organisme que sera expérimentée l'aide au départ des seniors. Apportant des financements que l'Etat ne semble plus en mesure de fournir, l'ANCV constitue un partenaire indispensable de la politique sociale. Cela devrait vous inciter à la plus grande prudence dans la mise en œuvre des réformes annoncées. Je sais, Monsieur le ministre délégué, que vous souhaitez rendre le chèque vacances accessible aux travailleurs des PME. Mais votre gouvernement s'est opposé à un amendement au projet de loi de finances qui aurait facilité cette extension. Je compte sur votre soutien au sein du groupe de travail promis par le ministre du budget.

Plusieurs collègues de la commission des finances ont exprimé des inquiétudes sur la nouvelle structure d'étude et de conseil qui naîtra en janvier de la fusion de l'AFIT avec le SEATEM et l'Observatoire national du tourisme. Nous souhaiterions que vous nous rassuriez sur les conditions dans lesquelles les services de ce nouvel organisme seront assurés aux collectivités publiques, s'agissant notamment des moyens en personnel.

La commission des finances a également fait des observations sur la présentation du tourisme dans l'architecture budgétaire proposée par le Gouvernement pour l'application de la loi organique du 1er août 2001. Constatant que le ministère du tourisme correspondait à un seul programme, la commission s'est interrogée sur l'opportunité de l'inscrire dans la politique d'aménagement du territoire et a souhaité son rattachement à une structure axée sur la politique économique qui prendrait néanmoins en compte les préoccupations liées à l'aménagement du territoire.

Malgré ses insuffisances, la commission a exprimé un avis favorable à l'adoption de ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Michel Couve, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Ce budget s'inscrit dans un contexte international difficile : les différentes crises géopolitiques mondiales, le terrorisme, l'émergence de pays concurrents freinent notre développement. De plus, la crise économique dont nous sortons a conduit le Gouvernement à une politique de maîtrise des dépenses publiques salutaire mais qui réduit forcément nos moyens. On pouvait craindre que votre budget n'accuse le coup, mais ce n'est pas le cas et je tiens à vous en féliciter, Monsieur le ministre.

En 2003, le nombre de Français partis en vacances a baissé, le nombre de visiteurs étrangers a diminué de 2,6%, les recettes du poste « voyages » de la balance des paiements ont baissé de 5,5%, le solde de 14% ; sur le plan européen, la France a perdu des parts de marchés. Le tourisme doit donc être soutenu au plus haut niveau de l'Etat. Nous nous félicitons à ce propos de la nouvelle prise en considération dont bénéficie ce secteur à travers les Comités interministériels de 2003 et 2004.

Les moyens de paiement disponibles s'élèveront à 74,58 millions, soit une augmentation significative.

Deux excellentes nouvelles : le prochain regroupement, place de Catalogne, de l'ensemble des services placés sous votre autorité et la fusion au sein d'un nouveau GIP, dès le 1er janvier prochain, de l'AFIT, de l'ONT et du SEATM. Nous nous réjouissons de ce que leurs missions et leurs personnels soient maintenus, mais nous nous réjouissons moins que les crédits d'études et d'observation de l'administration et les moyens mis à disposition de ces trois organismes restent identiques à ceux de l'an dernier. A l'avenir, il faudra que le futur GIP dispose de moyens nouveaux pour assumer sa mission de soutien à l'organisation territoriale.

Nous nous félicitons que le plan Qualité France bénéficie de 1,7 million pour 2005. Sur cette somme, un million sera affecté à Maison de la France, dont les crédits sont en augmentation de 3,5% par rapport à la LFI de 2004.

Au total, la dotation prévue de 30,3 millions permettra au GIE de poursuivre ses actions mais aussi de mettre en œuvre le plan marketing, le plan Qualité France et un nouvel outil d'évaluation et de pilotage.

Les crédits des contrats de plan seront en augmentation, par rapport à la LFI de 2004, de 2,8% au titre IV avec 3,3 millions et, au titre VI, de 40% en autorisations de programme avec 12,03 millions et de 5,5% en crédits de paiements avec 8,415 millions.

Sur le plan social, on ne peut que s'étonner de la baisse des moyens, même si nous nous félicitons des dispositions que vous avez prises en faveur de l'accès aux vacances des personnes handicapées à revenus modestes ainsi que des seniors. Vous comptez mobiliser des disponibilités en provenance des excédents de Bourse Solidarité Vacances mais surtout de l'ANCV, aussi bien pour l'aide à la personne qu'à la pierre. Il faudrait impérativement retrouver en 2005 les moyens alloués en 2004.

Concernant les chèques vacances, nous constatons une insuffisante mobilisation des salariés des PME-PMI, et surtout des TPE. Les modalités d'attribution restent bien trop lourdes, le revenu fiscal de référence et son plafond bien mal adaptés. Les retraités, eux, n'y ont pas réellement accès, et c'est d'autant plus regrettable que la consommation touristique est estimée à quatre fois le montant des chèques distribués : ainsi pour 2003, 841 millions de chèques émis auront généré 3,36 milliards de recettes. Il conviendrait donc de réviser le texte de 1999 qui n'a pas porté ses fruits, ni en termes d'accès aux vacances pour les titulaires de revenus modestes, ni au bénéfice des acteurs du tourisme.

S'agissant du tourisme en espace rural, les multiples mesures récemment prises d'aides à l'emploi et à la formation ne peuvent que favoriser ce secteur. C'est important car, avec 80% du territoire, il dispose de grandes marges de développement.

En zone de montagne, les stations de moyenne altitude restent fragilisées. De nouvelles dispositions ont été prises en ce qui concerne les équipements touristiques, mais aussi, comme pour l'ensemble des zones d'activités saisonnières, pour les travailleurs saisonniers qui devraient bénéficier de meilleures conditions de logement, de travail et d'employabilité.

Concernant le tourisme littoral, l'amendement relatif à la réforme des « Schémas de mise en valeur de la mer », adopté lors de l'examen de la loi sur le développement des territoires ruraux, va dans le sens des préconisations faites par le Sénat et la Mission d'information sur l'application de la loi littoral, présidée par Léonce Deprez. S'il est voté en deuxième lecture au Sénat, il sera déterminant car il permettra d'avoir des réponses adaptées selon les régions et ce dans le strict respect de la loi littoral de janvier 1986. Je demande que l'AFIT soit chargée de ce dossier pour accompagner les élus et les acteurs du tourisme mais aussi pour rassurer les associations de défense de l'environnement qui en sont déjà préoccupées.

D'autres mesures concourent à l'épanouissement de l'économie touristique. Pour les PME-PMI en général : allégement des charges sur les bas salaires, soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, titre-emploi entreprises, simplification de la création, de la reprise et de la cession des entreprises.

Pour les entreprises touristiques : abaissement des charges sociales pour les restaurateurs dans l'attente de la baisse de la TVA à 5,5% pour la restauration classique, suppression du SMIC dit « hôtelier », taxe professionnelle corrigée en fonction des semaines effectives d'activité ; aménagement des règles du repos dominical dans les zones rurales ; avantages fiscaux concernant les locations en résidences de tourisme et pour les saisonniers.

Des réformes sont aussi très attendues en ce qui concerne les agents de voyage, l'Agence nationale pour les chèques vacances, le classement des stations et la taxe de séjour. Ces réformes étant prévues dans un futur texte de loi spécifiquement consacré au tourisme, nous espérons qu'il sera présenté sans retard.

La réforme de la dotation aux communes nous préoccupe. L'Etat devra mieux soutenir les communes touristiques qui déploient de considérables moyens pour renforcer leur attrait, fidéliser leur clientèle et remplir ainsi leurs missions de pôles moteurs.

Enfin, trois sujets nécessitent une attention particulière: l'observation, les formations et l'organisation territoriale du tourisme.

Comment pourrions-nous faire partager notre vision sur les enjeux de ce secteur si nous ne sommes pas plus exigeants sur la mesure de ses retombées ? Actuellement, en effet, l'insuffisance des moyens ne permet pas de recourir à de nouvelles méthodes d'évaluation. La mission d'information que le président Patrick Ollier a bien voulu me confier sur ce sujet devrait faire des propositions.

Les formations, quant à elles, devraient être mieux adaptées aux besoins des professions, aux attentes des consommateurs et aux défis de la concurrence internationale, comme notre collègue Arlette Franco l'a bien montré dans son rapport.

Concernant l'organisation territoriale du tourisme, la loi de 1992 qui répartissait les compétences entre l'Etat et les collectivités a été largement appliquée. Les lois de 1992 et 1999 sur l'intercommunalité, de 1995 et 1999 sur l'aménagement du territoire, la loi dite « SRU » de 2000 ont créé de nouveaux périmètres territoriaux au sein desquels le tourisme a bien du mal à s'organiser. Dans ce domaine aussi, il serait essentiel que le nouveau GIP AFIT assiste les différents acteurs, et plus particulièrement les élus, confrontés à plusieurs textes de loi qui ne facilitent pas leur recherche de cohérence territoriale.

En conclusion, notre commission a bien voulu suivre mon avis et adopter ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Launay - Pourtant, quel réquisitoire !

M. Claude Leteurtre - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Jean Lassalle qui devait s'exprimer aujourd'hui et qui est retenu dans sa circonscription après le terrible accident de chasse qui a entraîné la mort de l'ourse Cannelle. Comme le Président de la République, le groupe UDF s'associe à l'émotion qu'ont manifestée depuis lundi les associations de protection de la nature, les fédérations de chasseurs et les élus. Nous apportons tout notre soutien à notre ami Jean Lassalle ainsi qu'à l'Institut patrimonial du Haut-Béarn qui sauront trouver les moyens d'apaiser et d'éclaircir la situation.

Grâce à notre politique touristique, c'est notre patrimoine historique et culturel mais aussi nos traditions et nos terroirs que nous valorisons, ce sont les axes de notre politique d'aménagement du territoire que nous pouvons orienter, c'est enfin l'image que nous donnons de notre pays que nous définissons et que nous enseignons à aimer.

Les chiffres du tourisme pour 2003 sont assez décevants.

Les touristes étrangers sont passés de 77 à 75 millions entre 2002 et 2003, causant une baisse de 2 milliards des excédents tourisme de la balance des paiements, premier poste excédentaire de nos échanges. Les premières tendances de 2004 confirment cette baisse. Face à cette situation, le budget du tourisme pour 2005 augmente de 2,9%, mais cette hausse sera surtout consacrée aux dépenses de fonctionnement de l'administration centrale et aux dépenses de personnel. Les moyens d'intervention et les autorisations de programme sont stables, cependant que les dépenses en capital et les moyens d'investissement diminuent. Le tourisme étant une des premières sources de revenus pour la France, les pouvoirs publics doivent se mobiliser pour contrer la tendance à la baisse. Mais au-delà des dépenses budgétaires, le tourisme fait appel aux qualités humaines de ses acteurs et à leur capacité d'innovation et d'imagination.

En commission, l'UDF s'était félicitée de la démarche interministérielle adoptée par le Gouvernement, qui permet une action globale, prenant en compte l'ensemble de la branche, et ciblée, en fonction de chaque secteur. Cette action doit privilégier certaines orientations. La première est la promotion de la destination France, qui s'appuie sur la présence française à l'étranger, l'action de nos ambassades et celle du GIE « Maison de la France ». Les Français souffrent souvent d'une mauvaise image. Il faut donc améliorer l'idée que s'en font les étrangers. Cela peut passer par une politique de labellisation. Il faut aussi poursuivre les efforts en faveur de la qualification du personnel et de la prise en compte du caractère saisonnier de l'activité touristique. Certaines dispositions du projet de loi sur le développement des territoires ruraux vont dans ce sens.

La deuxième priorité est de conforter le rôle des régions, mosaïque culturelle qui constitue une chance pour la France. Faites en sorte, Monsieur le ministre, qu'elles continuent à se fortifier ! Il est également indispensable de renforcer les capacités d'hébergement ainsi que de mieux responsabiliser les professionnels, seuls susceptibles d'assurer le succès de la stratégie touristique. Enfin, il faut favoriser l'accès de tous aux vacances, notamment des personnes handicapées, qui ont été oubliées pendant trop longtemps. A ce propos, la ligne concernant le programme de consolidation des hébergements du tourisme social n'est plus abondée. C'est d'autant plus choquant que les pouvoirs publics se targuent de faire de l'accès aux vacances pour tous une priorité.

Mais le budget du tourisme ne doit pas être jugé sur ses simples aspects financiers. Il doit être capable de susciter une dynamique d'ensemble. Le groupe UDF, désireux de s'associer à cette dynamique, votera ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Dans un contexte de plus en plus concurrentiel, l'amélioration de la qualité de l'offre touristique doit être une priorité. Le rapport remis au Premier ministre le 4 octobre dresse un état des lieux lucide, qui plaide en faveur d'une politique forte pour contrecarrer la chute de la productivité du secteur par rapport à nos concurrents européens. Le tourisme ne représente plus que 5% du PNB, contre 8,5% en Espagne, et nous avons rétrogradé au quatrième rang des destinations.

L'engagement de l'Etat n'est hélas pas à la hauteur de la situation. Le programme de consolidation des hébergements du tourisme social est particulièrement touché : après des baisses de 9% en 2003 et de 10% en 2004, la ligne n'est tout simplement plus abondée en autorisations de programme ! C'est inacceptable. Ces équipements ont un impact social, mais aussi économique important. Or, l'aide des collectivités locales est conditionnée par celle de l'Etat. Un désengagement de ce dernier remet tout le dispositif financier en cause. Si les acteurs du tourisme social doivent mener les opérations de rénovation sur leurs fonds propres, ils devront recourir à l'emprunt, donc augmenter leurs tarifs. Aucun de vos prédécesseurs ne s'était engagé, durant les quinze dernières années, dans une telle régression. Cette attitude du Gouvernement se traduit par une stagnation des départs envisagés, sachant que 35% de nos concitoyens ne partent pas en vacances ! Dans le même temps, l'ouverture de la diffusion du chèque-vacances à des opérateurs privés fait planer de lourdes hypothèques sur l'avenir de l'agence nationale des chèques-vacances.

S'ajoutent à cela les inquiétudes concernant les contrats de plan Etat-régions, dont les crédits de paiement sont fortement déficitaires. Or, ils constituent des leviers majeurs pour de nombreux territoires qui n'attirent pas spontanément l'investissement privé. De surcroît, le gel pendant trois ans de crédits européens du FEOGA, destinés au tourisme vert, pénalise les zones rurales qui avaient entrepris des efforts de rénovation du patrimoine bâti. Alors que la demande reste forte, des dossiers en cours sont remis en cause après acceptation initiale du plan de financement, et alors parfois que les travaux ont été engagés ! Pour seule réponse, vos services en région évoquent des « tensions » sur le budget 2004, et gardent la plus grande prudence quant au budget 2005 ! Pourtant ces territoires permettraient, si on les laissait développer leurs atouts, de diversifier et de renouveler notre gamme touristique, sans même parler du gain économique que cela représenterait pour eux. Vous n'incluez malheureusement pas le tourisme dans une politique globale d'aménagement du territoire.

Monsieur le ministre, nous ne doutons pas de votre engagement personnel, mais le budget que vous nous présentez n'est pas à la hauteur des attentes et des besoins de ce secteur. Nous ne pourrons donc le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Léonce Deprez - L'économie touristique est une chance de développement que la France doit saisir en ce nouveau siècle. Elle impose un effort de mise en valeur à la fois des territoires sur lesquels les touristes séjournent et du temps de vie durant ces séjours de Français et d'étrangers. Qui gère ces territoires et en détermine la qualité de vie, sinon les communes ? En première ligne se trouvent donc 2 280 d'entre elles, qui disposent d'hébergements touristiques et qui, pour les mettre à profit, supportent les charges liées à l'accueil de la clientèle. Des stations thermales, littorales ou de montagne aux villes d'art et d'histoire ou de congrès, la diversité de l'offre fait la chance de la France. Le premier devoir de l'Etat est donc de soutenir la fonction économique de ces communes, et désormais durant les quatre saisons de l'année : le temps libre, qui se distingue maintenant des vacances, se répartit désormais sur les douze mois de l'année, et génère le temps de travail des professionnels du tourisme.

La loi sur les libertés locales a fort heureusement maintenu la responsabilité de la conduite de la politique du tourisme au niveau ministériel. L'Etat doit ensuite reconnaître les compétences exercées par les communes, qui gèrent leur territoire. Il doit stimuler leur rôle dans la croissance économique par un agrément, tandis que les comités départementaux et régionaux de tourisme favorisent leur promotion. La loi sur le développement rural, elle, a rappelé, fort heureusement encore, l'existence des communes touristiques répertoriées au ministère de l'intérieur et dont les 510 stations classées sont le niveau d'excellence - et une chance pour la France.

Ce texte comporte des mesures fiscales incitatives pour la rénovation des résidences de tourisme. Il précise également que dorénavant l'Etat fixe la liste des communes touristiques par décret, celles-ci étant ensuite agréées par le ministère du tourisme en fonction de critères relatifs à leurs capacités d'hébergement, fixés dans le passé par le ministère de l'intérieur. Il faudra bien sûr, par souci d'équité, permettre à toutes les communes qui ont consenti les efforts d'aménagement et d'hébergement nécessaires d'accéder à cette liste des communes agréées, bloquée depuis la réformette de la DGF intervenue en 1993, sans que l'on ait pris conscience de la chance que représente l'économie touristique pour le développement économique et l'emploi.

M. André Chassaigne - Tout à fait.

M. Léonce Deprez - La réforme de l'organisation des forces de sécurité - police, gendarmerie, CRS... - doit tenir compte des affluences momentanées dans les communes touristiques et les stations classées. Ainsi les 30 et 31 octobre dernier, 80 000 à 150 000 personnes étaient-elles réunies dans une station balnéaire de la Côte d'Opale, que vous avez visitée, Monsieur le ministre. Or, il ne saurait y avoir de vacances ni de temps libre sereins sans sécurité.

Le travail dominical étant indispensable dans les communes touristiques, la dérogation au droit commun autorisant ce travail doit être officialisée dans les communes touristiques, aujourd'hui répertoriées par le ministère de l'intérieur, demain agréées par le ministère du tourisme. Employeurs et salariés de ces communes ne doivent plus voir leur sort conditionné à une autorisation préfectorale.

En matière de tourisme, la croissance provient d'abord des investissements publics réalisés dans les 2 280 communes touristiques et les 510 stations classées de notre pays, car ce sont eux qui attirent ensuite les investissements privés. S'il convient d'encourager la création d'EPIC pour parvenir à la plus totale transparence comptable, il faut aider les collectivités à investir en leur permettant de récupérer la TVA sur les équipements touristiques qu'elles créent et mettent à disposition de ces EPIC. Ces investissements ne peuvent en effet pas être rentables immédiatement.

Enfin, il est du devoir de l'Etat, comme des régions et des départements, de relier les pôles territoriaux d'économie touristique, d'une part entre eux, d'autre part aux métropoles régionales et nationales, par les liaisons routières, ferroviaires, fluviales et aériennes nécessaires. Le développement de l'économie touristique fait partie intégrante d'une politique volontariste d'aménagement du territoire.

J'ai tenu, en tant que président du groupe d'études Tourisme de l'Assemblée nationale, à insister sur ces six points dont nous demandons au Gouvernement de faire les bases d'une véritable économie touristique. L'essentiel est de comprendre qu'il s'agit d'une économie partenariale qui, associant sur un même territoire acteurs publics et acteurs privés, peut assurer une croissance économique et des emplois durables. Je déposerai d'ailleurs une proposition de loi en ce sens.

Vous avez, Monsieur le ministre, amorcé en 2004 une politique interministérielle du tourisme. Vous souhaitez aller plus loin en 2005. Nous vous y aiderons. Et c'est dans l'espoir de parvenir à une politique touristique à la fois plus volontariste et plus « territorialisée », selon l'expression chère à M. Raffarin, que nous soutiendrons votre projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. André Chassaigne - La loi de finances pour 2005 n'a visiblement qu'un objectif : résoudre les soucis de fortune de vos mandants. Et ce projet de budget est socialement aussi injuste que le reste de la loi de finances.

Jugement sévère, me direz-vous, d'autant que ce budget est l'un des seuls qui augmente, en progression de 2,8% par rapport à l'an passé. Mais il vous sera difficile de nous cacher que cette hausse de deux millions d'euros servira à financer le déménagement, par ailleurs légitime, du ministère. Les crédits du tourisme proprement dit, inchangés par rapport à 2004, régressent donc si l'on tient compte de l'inflation de 2%. Le diagnostic est sans appel : ce Gouvernement a abandonné toute ambition politique en matière de tourisme.

S'il a finalement reculé sur son projet de décentralisation des procédures de classement et d'agrément des stations touristiques, ce dont nous nous félicitons, il a eu l'outrecuidance de demander une seconde délibération pour contraindre la représentation nationale à repousser un excellent amendement déposé par notre collègue Bouvard en première partie du projet de loi de finances, et visant à favoriser l'extension des chèques-vacances dans les PME. Quel dommage ! Cela est d'autant plus inquiétant que le Gouvernement entretient le doute sur l'avenir de l'Agence nationale du chèque-vacance, n'excluant pas son éventuelle privatisation. L'ANCV aide pourtant un grand nombre de personnes modestes à partir en vacances et ses aides à l'investissement sont précieuses pour le tourisme social.

Une fois encore, l'Etat n'honore pas sa parole : les crédits de paiement des contrats de plan Etat-région ne représenteront que les deux tiers des autorisations de programme. Il continue de se défausser sur les collectivités territoriales.

La saison touristique n'avait pas été bonne l'an passé. Elle ne l'a pas été non plus cette année. Au-delà des aléas climatiques, le secteur touristique pâtit surtout de la baisse du pouvoir d'achat des Français, consécutive à la rigueur salariale prônée par le Gouvernement. Plus fondamentalement, les professionnels du tourisme font les frais du choix de favoriser le développement du tourisme étranger de luxe au détriment du tourisme social. Ce choix contribue pourtant à fragiliser le secteur tout entier, en renforçant sa dépendance à l'égard de la conjoncture économique internationale, de l'évolution des taux de change, des effets de mode et de la situation géopolitique mondiale. Il fait également fi des 24 millions de français qui, aujourd'hui, n'ont pas les moyens de partir en vacances au moins une fois dans l'année. Que les crédits du tourisme social diminuent de moitié par rapport à 2004, et même des deux tiers par rapport à 2003, en dit long de votre politique de classe. Deux millions d'euros pour le tourisme social, trente et un pour la promotion de l'image de la France à l'étranger ! Les chiffres parlent d'eux-mêmes. C'est une double faute. D'une part, parce que le riche touriste étranger ne peut par nature être fidélisé, si bien qu'il faudra toujours dépenser davantage pour l'attirer. C'est d'autre part oublier que le tourisme en France s'est développé grâce aux acquis sociaux et à la reconnaissance du droit aux vacances pour tous. Les crédits autrefois affectés au financement des vacances de nos concitoyens les plus pauvres seront désormais dépensés en campagnes de promotion à l'étranger, et sans doute en petits fours. Mais quelle image de notre pays comptez-vous vendre aux riches Américains ? La Maison de la France communiquera-t-elle sur ces enfants qui se morfondent dans leur cité ou leur village l'été et auxquels vous dites clairement, par ce budget, que les vacances, ce n'est pas pour eux ?

La France est belle quand elle est fraternelle et elle donne d'elle-même une bonne image à l'étranger quand elle se conforme aux idéaux qu'elle proclame. Quand, au contraire, on se satisfait de servir les intérêts d'une classe, on abîme cette image et vous ne serez donc pas étonné, Monsieur le ministre, que les députés communistes et républicains rejettent avec la plus grande vigueur votre budget.

M. Jean Launay - Que d'écart, dans ce budget, entre l'affichage et la réalité ! Certes, la contribution de l'Etat à la promotion de la France à l'étranger va croître de 3,41% mais cette hausse d'un million d'euros ne concrétise guère l'intention que vous affichez de renforcer l'attractivité de notre pays. N'oublions pas, d'autre part, que la subvention au GIE Maison de la France est complétée par des contributions des professionnels.

Vous annoncez fièrement la fusion de l'AFIT, du Service d'études et d'aménagement touristique de la montagne et de l'Observatoire national du tourisme, mais qu'en sera-t-il en réalité ? N'est-ce pas une étape vers la fin programmée de votre ministère ?

J'ose penser que ce que vous appelez pudiquement votre stratégie ministérielle de réforme n'est pas en fait votre stratégie et qu'on vous l'a imposée en oubliant que le poste tourisme est notre premier poste excédentaire et qu'il a contribué pour 6,6% à notre PIB en 2003.

S'agissant de l'économie du tourisme, vous mettez en avant le plan Qualité France, allant jusqu'à l'associer à la politique de structuration de l'offre menée en partenariat avec les collectivités, dans le cadre des contrats de plan, mais la réalité est plus triste : aucune dotation en autorisations de programme ne sera consacrée au programme de consolidation des hébergements du tourisme social, qui a déjà subi des baisses de 9% en 2004 et de 10% en 2003. Or l'aide de l'Etat déclenche celle des collectivités et, s'il ne soutient plus la rénovation de notre patrimoine, le risque est grand de voir fermer nombre de structures, avec les conséquences qu'on devine sur l'emploi et sur l'activité locale. Ou, si les rénovations avaient quand même lieu, ce serait forcément au prix de tarifs moins attrayants et donc au détriment de l'égalité de tous devant les vacances.

Toujours dans cette rubrique « économie du tourisme », les crédits de paiement tombent de 2,5 à 1 million d'euros, en contradiction avec les décisions du CIADT du 9 juillet 2001. Dès lors, ne peut-on s'interroger sur le sort qui sera fait aux préconisations des comités interministériels du tourisme des 9 septembre 2003 et 23 juillet 2004 ?

S'agissant de l'accès aux vacances, votre action se caractérise par la constance dans la baisse des crédits ! Ni le dossier budgétaire, ni le bleu ne nous permettent de connaître précisément les moyens alloués au GIP « Bourses solidarité vacances », destiné à aider les populations les plus défavorisées et, par ailleurs, vous en restez ici à l'objectif fixé pour 2004, soit 40 000 départs.

Vous annoncez qu'un nouvel élan sera donné à la diffusion des chèques-vacances, mais vous en ouvrez la diffusion à des opérateurs privés. La fin de l'exclusivité reconnue à l'Agence nationale ne signifie-t-elle pas la privatisation de celle-ci ?

Enfin, la progression de 6,8% que vous affichez pour ce budget ne peut que nous laisser dubitatifs : le bleu budgétaire permet de constater une hausse de 3% à peine ! Comme tous vos collègues du gouvernement, vous prétendez œuvrer en faveur de l'emploi et de la cohésion sociale mais vous négligez tous les véritables leviers économiques et sociaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Michel Lejeune - Que ce projet de budget soit en augmentation malgré la conjoncture économique, cela vaut d'être souligné. Vous avez su, Monsieur le ministre, convaincre le Gouvernement de l'utilité de consacrer les moyens nécessaires à la promotion d'un secteur important aussi bien en raison des devises qu'il procure qu'en raison des emplois qu'il génère et de la vie qu'il maintient dans des zones qui seraient sinon menacées de désertification.

Promouvoir notre pays en consacrant un million supplémentaire à Maison de la France, voilà une excellente décision : nous devons donner à nos visiteurs l'envie de rester chez nous le plus longtemps possible. Il faut aussi exploiter au mieux le potentiel énorme représenté par des pays qui, comme la Chine, la Russie ou le Brésil, commencent d'apprendre le chemin de la France, et faire des nouveaux membres de l'Union des partenaires touristiques privilégiés. Mais, précisément, la stratégie marketing 2005-2010, récemment publiée, est remarquablement présentée et j'adresse toutes mes félicitations à ses auteurs !

La qualité est la condition sine qua non d'un développement touristique durable : qualité de l'accueil humain, avant tout, mais aussi qualité des infrastructures. Or c'est justement à ce propos que nous pourrions apporter notre seul bémol à l'approbation que nous donnons : nous regrettons la diminution des crédits consacrés au programme de consolidation des hébergements de tourisme social. On pourra certes mobiliser deux millions d'euros de disponibilités de l'ANCV, mais celle-ci participe déjà au financement de certaines rénovations sur ses crédits de fonctionnement habituels. Ces derniers et les crédits mobilisés par l'action gouvernementale, de façon très occasionnelle, devraient à mon avis être clairement distingués car les crédits de l'Etat déclenchent souvent la mobilisation d'autres crédits, en provenance des collectivités territoriales. D'autre part, il conviendra de maintenir cette ligne budgétaire du titre VI, chapitre 66.30, lors des prochains budgets. Il y va de la qualité de l'accueil et de l'avenir du tourisme social.

Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre soutien et sur notre vote positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Dufau - Traditionnellement, ce budget fait l'objet d'un examen bienveillant de nous tous mais, cette année, il ne me paraît pas être à la hauteur du défi lancé par la mondialisation de l'économie touristique et, de surcroît, il apparaît comme un budget du moins-disant social !

Plutôt qu'un budget en trompe-l'œil, la mondialisation de l'économie appellerait une politique volontariste et un plan d'action pluriannuel. Souvenons-nous en effet du diagnostic posé dans le rapport Plasait : «Pour ce qui est des recettes touristiques, la France ne vient plus, avec quelque 30 milliards d'euros, qu'en troisième position derrière les Etats-Unis - 73 milliards - et l'Espagne - 33 milliards. Plutôt que d'insister sur l'augmentation du nombre d'arrivées, mieux vaudrait constater cette baisse des recettes. Notre productivité chute, de sorte que le tourisme ne contribue plus que pour 5% à notre PNB, contre 8,4% pour l'Espagne qui occupe désormais la première position en Europe alors que nous sommes passés à la sixième. » Diagnostic sévère, mais implacable !

A 72.5 millions d'euros, vos crédits affichent une hausse apparente de 2,9% mais, compte tenu de la nouvelle répartition et du déménagement dans de nouveaux locaux, ils sont d'un niveau pratiquement identique à ceux de 2004.

Certes le plan Qualité France va - timidement - dans le bon sens, mais les actions nouvelles ne seront financées que sur les crédits ouverts en loi de finance rectificative. Pourquoi ? Comme l'a démontré M. Bonrepaux, si le CIADT du 23 juillet a confirmé l'importance de la promotion, la stratégie marketing de Maison de la France n'a pas bénéficié d'un renforcement des moyens adapté. Mais au-delà, c'est toute une politique ambitieuse de conquête des marchés qu'il faut mener : créations de produits attractifs, plan de formation aux métiers du tourisme... Compte tenu des dysfonctionnements épinglés par Mme Franco sur ce dernier point, il est urgent de réagir pour se doter de structures d'accueil modernes et d'un personnel bien formé et polyglotte. Il s'agit en effet de conforter notre premier poste excédentaire au lieu de se résigner à ce qu'il soit passé de 13,6 à 11,6 milliards d'euros entre 2002 et 2003. Or je sens plutôt poindre un désengagement de l'Etat qui, sous prétexte de décentralisation, laissera aux collectivités le soin de développer l'économie touristique des territoires.

Je parlais d'un budget du moins-disant social : il ne comporte en particulier pas le moindre euro d'autorisation de programme pour la consolidation des hébergements du tourisme social. C'est de la provocation que de ne pas abonder cette ligne pour la première fois depuis 1989 ! Ainsi, plus aucun projet de rénovation du patrimoine du tourisme associatif ne pourrait être engagé avec des fonds d'Etat ! Cette décision est d'autant plus grave que les crédits de ce plan de consolidation sont, en général, ceux qui déclenchent les cofinancements des collectivités et qu'il est clair que les besoins de rénovation sont grands. Déjà, les deux tiers des projets de rénovation présentés par le secteur du tourisme social et associatif ont été refusés, faute de financements. Et ce ne sont pas les subventions de l'ANCV pour l'aide à la pierre qui pourront se substituer à l'aide de l'Etat...

Et qu'en est-il du projet de la Caisse des dépôts d'ouvrir le capital de VVF Vacances, autrement dit de privatiser l'un des fleurons du tourisme social ?

Tout cela procède d'une même volonté d'abandonner le tourisme familial, alors que plus de 40% de nos compatriotes ne partent pas en vacances. C'est une rupture avec la politique de solidarité conduite jusqu'à présent.

Ce budget d'orientation franchement libérale, insuffisant, dépourvu d'ambition face au défi de la mondialisation, et qui tourne le dos au tourisme associatif et familial ne peut, vous l'aurez compris, avoir l'aval des députés socialistes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Michel Bouvard - Monsieur le ministre, je voudrais d'abord vous dire ma conviction, certaines interrogations s'étant manifestées sur le sujet, qu'un ministère du tourisme est utile, et cela à divers égards : rôle d'impulsion, coordination des politiques publiques, investissements sur le territoire, promotion du tourisme français à l'étranger, accès des Français aux vacances. Sur ce dernier point, Monsieur Dufau, chacun peut regretter que les chiffres n'aient pas évolué depuis une dizaine d'années, quelles qu'aient été les majorités en place.

Ma première question concerne la réorganisation du ministère, avec le regroupement au sein d'un GIP unique de l'AFIT, de l'ONT et du SEATM. Le Service d'études et d'aménagement touristique de la montagne est un outil irremplaçable, non seulement pour les pouvoirs publics chargés d'accorder des unités touristiques nouvelles, mais aussi pour les collectivités territoriales qui ont pour habitude de lui demander d'expertiser leurs projets et de prendre conseil auprès de lui. Les collectivités de montagne auront-elles toujours accès à ses services dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui ?

Deuxième sujet que je voudrais évoquer : la politique de réhabilitation de notre patrimoine touristique. Face à une concurrence croissante, auquel le secteur du tourisme n'échappe pas, la qualité de l'accueil est au moins aussi importante que celle des sites. Or le patrimoine du tourisme français a vieilli. Le patrimoine privé, tout d'abord : depuis plusieurs années, nous cherchons à encourager la réhabilitation de l'immobilier de loisirs, mais force est de constater que le dispositif mis en place n'a pas décollé, en dépit de l'effort financier consenti par certaines régions ; il nous faut donc imaginer une politique plus active, afin de remettre à niveau l'ensemble du parc immobilier privé. Le patrimoine du secteur associatif, ensuite, et il serait bon que dans ce budget 2005, où n'est pour le moment inscrite qu'une ligne de crédits de paiement pour poursuivre les opérations engagées, figurent des autorisations de programme.

Cela dit, à la différence de mes collègues de l'opposition, je voudrais saluer l'action engagée par la Caisse des dépôts sur le patrimoine de VVF qui, comme l'ensemble du patrimoine associatif, s'est dégradé ces dernières années faute d'entretien. Le montage proposé, consistant à faire entrer dans le champ privé une partie de VVF afin de dégager des ressources permettant de rénover les villages, outils les plus fragiles et situés dans des territoires eux-mêmes fragiles est une formule astucieuse.

Enfin je voudrais, après Léonce Deprez, évoquer la dotation touristique. Celle-ci, désormais incluse dans la DGF rénovée, était une dotation de compensation de charges, particulièrement importante pour les petites communes touristiques. L'inclure, via la DGF, dans le calcul du « potentiel financier », dont dépendra l'accès à la péréquation, c'est majorer artificiellement la richesse des communes touristiques, alors qu'elles ont besoin de continuer à investir. Il serait donc très important de la sortir de ce calcul, afin que les communes touristiques aient accès à la péréquation dans des conditions normales. On ne peut considérer à la fois que leurs charges méritent compensation et que celle-ci est une richesse, pénalisante pour la péréquation ! Je tiens à le dire solennellement devant vous, Monsieur le ministre, même si ce dossier relève du ministre de l'intérieur.

Bien évidemment, je soutiendrai ce budget, qui par ailleurs augmente les crédits de promotion de la France à l'étranger dans une période de plus en plus concurrentielle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Houssin - Au sein d'un projet de loi de finances qui témoigne de la volonté de maîtriser les dépenses publiques et d'optimiser l'efficacité de l'Etat, je me félicite que le Gouvernement reconnaisse, par un effort particulier, l'importance capitale pour notre pays du tourisme, qui représente environ 7% du PIB et constitue le premier poste excédentaire de la balance des paiements. Nous disposons d'atouts considérables, que nous nous devons de préserver et de développer.

Première destination touristique au monde, avec 75 millions de touristes en 2003, la France voit s'ouvrir à elle de nouvelles perspectives, notamment avec l'explosion prévue du tourisme en provenance de la Chine, de l'Inde et de la Russie. Un développement important est possible, particulièrement dans les filières à forte valeur ajoutée comme le tourisme d'affaires ou le tourisme senior.

Les grands chantiers que vous nous présentez participent de cette dynamique. L'augmentation de 3,41% de la dotation attribuée à Maison de la France est à saluer, la promotion de l'image de la France étant fondamentale dans un contexte d'émergence de nouvelles destinations touristiques.

L'attribution d'une enveloppe de 1,7 millions pour la mise en œuvre du plan « qualité France » vient conforter votre démarche, tant il est vrai que nous devons aussi améliorer la qualité des prestations offertes sur notre territoire. A cet égard, je veux saluer l'action du Gouvernement en faveur du secteur de l'hôtellerie-restauration, avec la suppression du SMIC hôtelier et une réduction des charges sociales.

La promotion du tourisme passe aussi par des actions fortes en faveur de l'emploi. C'est ce à quoi s'attache le Gouvernement, notamment grâce à l'amélioration de l'hébergement des travailleurs saisonniers.

Le secteur du tourisme avait besoin d'une ligne claire et d'une politique volontariste : c'est ce que vous nous proposez. Cependant beaucoup reste à faire.

En premier lieu, toutes les actions de marketing ne serviront à rien si nous ne sommes pas capables d'améliorer la qualité de notre accueil. A cet égard, il serait nécessaire d'encadrer juridiquement les « résidences hôtelières », notamment en ce qui concerne les normes de sécurité et les conditions d'ouverture.

Ensuite, si nous sommes encore au premier rang en terme de fréquentation touristique, nous ne sommes qu'en troisième position, derrière les Etats-Unis et l'Espagne, en matière de recettes.

Nous disposons donc d'une importante marge de progression, qui passe notamment par la fidélisation d'une clientèle touristique plus aisée ou l'incitation à des séjours plus longs.

Enfin, nous devons relever le défi d'une nouvelle concurrence, dont la Croatie est un bon exemple, en valorisant davantage notre patrimoine.

Votre budget traduit votre détermination à aller dans ce sens. Vous l'avez dit, la France ne peut se permettre de perdre la bataille du tourisme, aussi, confiant dans votre politique, voterai-je ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme - Permettez-moi tout d'abord de remercier le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Augustin Bonrepaux, et le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Jean-Michel Couve, pour la qualité de leurs travaux.

Conformément aux engagements pris lors des Comités interministériels du tourisme de 2003 et 2004, le Gouvernement a prêté, cette année, une attention particulière au budget du Ministère du tourisme. Deux millions ont été affectés en loi de finances rectificative pour financer les mesures du CIT du 23 juillet dernier, ce qui porte le budget, pour 2005, à 74,6 millions en moyens de paiement, soit une hausse de 6,38% par rapport au budget initial de 2004.

Ce budget est un budget de rupture : plutôt que de nous congratuler, à l'instar de nos prédécesseurs, nous nous sommes penchés sur les évolutions de l'industrie touristique. « Dans les dix ans à venir, le monde du tourisme changera plus qu'au cours des dernières décennies » proclamait Bill Gates, un homme qui a su anticiper les récentes mutations économiques !

Nouveaux clients, nouvelles destinations, nouveaux modes de distribution : il n'est que temps de défendre notre position sur le marché mondial. Si la France était encore en 2003 le pays le plus visité, avec 75 millions de touristes, elle doit affronter une concurrence exponentielle et exacerbée. En vingt ans, nous sommes passés de 50 à plus de 580 destinations identifiées !

La première priorité de ce budget est de promouvoir l'image touristique de la France. A cette fin, les équipes de Maison de la France ont bâti une nouvelle stratégie marketing, que j'ai présentée aux adhérents le 27 septembre dernier. Nous sommes les premiers en Europe à nous adapter aux nouvelles formes de tourisme, et notamment au raccourcissement des séjours.

Je me suis fixé l'objectif ambitieux d'engranger 40 milliards de recettes en 2010 contre 32 aujourd'hui. Nous devrons pour cela hiérarchiser nos priorités, concentrer nos moyens sur les secteurs les plus rémunérateurs, comme le tourisme d'affaire ou le tourisme culturel, privilégier certaines cibles tels les seniors ou les jeunes urbains, et attirer la clientèle à fort pouvoir d'achat - je pense aux Japonais, aux Russes, aux Américains...

Cette politique suppose d'investir d'importants moyens dans la communication, aussi le budget de Maison de la France a-t-il été porté cette année à 30,3 millions d'euros, soit une hausse de 3,41% par rapport à 2004.

Mais il faut aller plus loin, en adaptant nos équipements, nos prestations et nos services aux exigences de cette clientèle. C'est la deuxième priorité de ce budget. Par le Plan Qualité France, nous travaillons à la modernisation de nos structures et à la professionnalisation des acteurs.

Grâce à une labellisation des sites les plus performants, mes services accompagnent les professionnels qui s'engagent dans cette démarche. C'est là une mesure phare du CIT du 23 juillet 2004, à laquelle nous consacrons 1,7 million. Nous signerons les premières conventions lors des deuxièmes assises nationales du tourisme, le 1er décembre prochain.

Nous avons la volonté d'être davantage à l'écoute des professionnels, rompant ainsi avec l'inertie qui a largement prévalu jusqu'en 2002.

M. André Chassaigne - Vous êtes bien sévère !

M. le Ministre délégué - Lors du CIT du 23 juillet dernier, j'ai présenté plusieurs dispositions pour aider les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration. Comment 50 000 offres d'emplois peuvent-elles ne pas être pourvues ? Nous expérimenterons en 2005 un projet de groupement d'employeurs entre trois départements littoraux et trois départements de montagne pour garantir à des saisonniers une embauche pérenne sur deux saisons au moins. Mais encore faut-il que les candidats puissent se loger ! Nous proposons donc d'adapter le 1% patronal, de créer un bail d'un mois reconductible, ou encore de financer deux nouvelles Maisons des Saisonniers.

Je rappelle encore que le CIT du 9 septembre 2003 a prévu de réserver 15% des logements aux saisonniers, contre des exonérations fiscales pour la rénovation de résidences de tourisme dans les stations classées et les communes touristiques. Cette disposition figure dans le projet de loi sur le développement des territoires ruraux.

Autre secteur professionnel que nous accompagnons : les agences de voyage, confrontées au 1er avril 2005 à la fin du commissionnement par Air France. Un audit aidera la profession à se réorganiser et nous allons financer une campagne de promotion vers le grand public.

Dans un monde qui se réorganise, nous ne pouvons rester immobiles. Au 1er janvier 2005 l'AFIT, l'ONT et le SEATM fusionneront au sein d'un GIP unique, mais je vous garantis que les missions de service public du SEATM seront maintenues au sein du nouveau GIP. Les communes de montagne accéderont toujours gratuitement à certaines prestations, comme l'instruction des projets d'Unité touristique nouvelle.

Autre bonne nouvelle : les DRT continueront d'assurer leurs missions, en étroite coopération avec les CDT et les CRT.

Enfin, nous devons favoriser les vacances pour tous, et cet objectif s'inscrit dans la politique de cohésion sociale, qui implique plusieurs départements ministériels.

Nous disposons de deux outils : l'ANCV, qui permet, grâce à la diffusion des chèques vacances, à 6 millions de personnes de bénéficier d'une aide au départ, et la BSV qui propose des séjours à prix réduits aux personnes en difficulté - 55 000 en 2003.

Il n'est pas question de privatiser l'ANCV, mais d'élargir la diffusion des chèques vacances, notamment aux entreprises de moins de 50 salariés, et d'améliorer l'intervention de l'Etat dans le tourisme social. Il a été décidé d'engager une réflexion globale sur ce sujet lors du dernier CIT, et le secrétaire d'Etat au budget a annoncé qu'un groupe de travail serait prochainement réuni. Je suivrai ce chantier avec attention.

Par ailleurs, je confirme que la politique de consolidation des hébergements de tourisme social n'est pas abandonnée. C'est dans un souci de bonne gestion et de réorganisation du pôle social, qu'il a été convenu d'affecter les excédents dégagés chaque année par l'ANCV - 10 millions pour 2003 - à la politique d'aide à la pierre. Il est choquant que, dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, des fonds de réserve restent inutilisés.

Je signale que 1,34 million viendront soutenir l'an prochain l'action des collectivités territoriales, des professionnels et des organismes caritatifs en faveur du tourisme des personnes handicapées, des jeunes, des exclus et des seniors. L'accès aux vacances reste l'une des priorités du Gouvernement, mais son financement doit être rationalisé pour permettre à tous d'en retirer le meilleur profit.

Le tourisme représente un gisement potentiel d'emplois exceptionnel. Selon le conseil d'analyse économique, 1,5 million d'emplois pourraient être créés dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, d'où l'importance d'augmenter nos budgets de promotion, car un euro investi en rapporte 600 en recettes diverses !

Le tourisme n'a pas fini de peser dans l'économie mondiale, du fait du boom des retraites, du développement de la société des loisirs, de l'émergence de marchés comme l'Inde, la Russie ou la Chine.

J'espère vous avoir convaincus de la nécessité de développer l'attractivité de notre territoire.

Permettez-moi à présent de répondre à vos interventions.

Michel Bouvard s'est inquiété du devenir du SEATM au sein du nouveau GIP, mais, je le rappelle, il conservera ses anciennes attributions, et un département sera même consacré exclusivement à la montagne au sein de ce nouveau pôle.

S'agissant du dispositif de réhabilitation du parc immobilier privé, il n'a pas fait ses preuves, aussi allons-nous mener des expérimentations en vue de l'améliorer. Nous devons trouver un outil plus efficace qui permette aux zones qui en ont besoin de s'équiper pour accueillir le tourisme de demain.

Beaucoup pensent que l'Etat se défausse en utilisant les excédents de l'ANCV. Or, il s'agit d'un établissement public industriel et commercial qui n'est que le prolongement de l'Etat. Quand la conjoncture est difficile, il serait presque malsain de laisser dormir des fonds. Nous préférons les consacrer à l'action sociale. Ces excédents seront affectés dans le cadre d'une loi de finances rectificative. Nous l'avons déjà fait pour financer certaines mesures du comité interministériel ; nous le ferons pour que la ligne budgétaire du tourisme social soit de nouveau abondée. Nous sommes en discussion avec Nicolas Sarkozy et Dominique Bussereau et je peux affirmer que cette ligne sera abondée en autorisations de programme et que les crédits de paiement nous permettront de poursuivre notre action. Comme le soulignait M. Lejeune, il nous reste à trouver l'astuce qui permette, à partir de l'argent versé par un EPIC, de lever les financements des collectivités territoriales et de l'Europe.

Je comprends l'inquiétude de certains sur la DGF et la définition du potentiel fiscal. Monsieur Deprez, le financement de l'économie touristique constitue encore un vrai chantier. Il nous faut identifier l'activité que nous voulons financer. Il existe en outre d'autres leviers, comme la taxe de séjour. Nous avons besoin d'une vision d'ensemble.

M. Dufau a critiqué mon budget et évoqué les mauvais résultats de la dernière saison. Heureusement, nous réagissons. Deux comités interministériels, des assises nationales, le plan « qualité France », la définition d'une stratégie marketing : il n'y avait pas eu une telle réflexion depuis plus de vingt ans. Nous devrions ainsi sortir de notre léthargie, mais il faut du temps pour recueillir les premiers dividendes de ces efforts. En tout cas, nous n'avons pas à rougir de notre action.

S'agissant du tourisme social, nous n'avons aucune volonté de privatisation. Malgré l'absence momentanée de crédits, le Gouvernement n'a pas réduit l'action sociale. Ainsi, je vais délivrer le millième label « Tourisme et handicap » cette année. De même, avec l'UNAT, nous faisons partir des seniors en vacances (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Vous n'avez pas le monopole du cœur.

M. Launay a annoncé la mort du ministère. Il n'en est pas question, après tous les efforts que je viens de décrire. La LOLF a même consolidé l'existence du ministère en prévoyant un programme « Tourisme ». Plus que jamais, la France a conscience qu'il faut soutenir son économie touristique.

Je veux rectifier ce qu'a dit Mme Pérol-Dumont : le tourisme représente, non pas 5 %, mais 6,6 % du PIB. L'engagement de l'Etat ne se limite pas à mon budget. Madame la députée, vous avez évoqué un vrai problème : les crédits des contrats de plan. Mais il faut dire la vérité : il s'agit d'un problème global. On ne peut réformer les retraites, réduire l'endettement et respecter le Pacte de stabilité sans consentir les efforts nécessaires. L'Etat a pris des engagements, ils seront respectés. Avec les délégués généraux au tourisme, nous allons rencontrer sur le terrain les professionnels en difficulté.

Vous avez parlé d'une dégradation de l'action sociale ; il n'en est rien. En 2002, il y a eu 25 000 BSV. Il y en a eu 39 000 en 2003 et 40 000 en 2004. C'est dire que le mouvement se poursuit et s'amplifie.

Augustin Bonrepaux, qui connaît bien la question, a évoqué les mauvais résultats de la saison ainsi que leurs causes. Sur l'existence même de mon ministère, je sais, Monsieur le député, que vous n'exprimiez pas votre pensée mais que vous vous faisiez l'écho de votre commission. Comme je l'ai déjà dit, la LOLF a conforté mon ministère, qui ne va pas disparaître.

M. Couve a rappelé que le tourisme ne va pas de soi. Longtemps, on a cru qu'il se développerait spontanément parce que la France est belle... Or de nouvelles destinations touristiques apparaissent, la concurrence est farouche, nous devons réagir et la France a plus que jamais besoin d'un ministère du tourisme.

Sur l'application de la loi littoral, vous avez rappelé à juste titre que les élus auront besoin d'assistance. Je suis prêt à étudier vos propositions. J'ai appris qu'une mission vous a été confiée par le président de la commission des affaires économiques : mon ministère est prêt à travailler avec vous de manière à en exploiter le mieux possible les résultats.

Claude Leteurtre a évoqué la nécessité de sensibiliser les ambassadeurs. Ce fut une de mes premières actions : j'ai fait en sorte d'être entendu lors de la conférence des ambassadeurs. Nos postes diplomatiques deviennent de plus en plus les relais de notre politique du tourisme.

Les moyens de l'administration centrale n'augmentent que de manière apparente, la LOLF nous faisant obligation d'identifier au niveau du ministère des dépenses auparavant comptabilisées dans d'autres départements.

L'investissement touristique a d'autres sources que le budget de mon ministère.

Léonce Deprez a évoqué la territorialisation de l'économie touristique. Je partage son point de vue et je pense comme lui qu'il appartient à l'Etat de délivrer l'agrément aux communes touristiques. Nous avons plusieurs fois évoqué l'idée d'une loi qui structure l'activité touristique. Nous avons créé un groupe de travail sur les stations classées au sein duquel, Monsieur le député, vous jouerez un rôle prépondérant. Cela nous donnera l'occasion d'avancer.

Vous avez également évoqué les questions de la sécurité dans les grands pôles touristiques ainsi que de l'ouverture dominicale des commerces. Je partage entièrement votre point de vue et je m'engage à discuter sur l'un et l'autre sujets avec les ministres concernés. Comme vous, je pense que l'économie touristique doit être fondée sur le « PPP », le partenariat public-privé. En effet, si les pouvoirs publics ne créent pas les conditions nécessaires à l'investissement privé, nous ne réussirons pas à développer notre économie.

M. Chassaigne a voulu faire croire que la seule dépense extraordinaire de ce budget était liée au déménagement du ministère du tourisme Place de Catalogne. Outre que ce déménagement nous permettra d'être plus efficaces...

M. André Chassaigne - Je n'ai jamais dit le contraire.

M. le Ministre délégué - ...nous réaliserons ainsi des économies.

J'ajoute que l'ANCV ne sera pas privatisée.

Mais vous avez surtout fait preuve de démagogie...

M. André Chassaigne - Non !

M. le Ministre délégué - ...en opposant la promotion du tourisme de luxe et le tourisme social. Le tourisme de luxe doit être également promu si l'on veut des devises, donc des recettes, donc des emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Je remercie M. Lejeune pour ses propos sur la stratégie marketing. L'équipe « Maison de la France » a réalisé en effet un travail important qui nous permettra de conserver notre place de première destination au monde mais aussi de gagner des parts de marché.

Concernant le tourisme social, nous devons évidemment disposer de moyens financiers mais il importe avant tout qu'ils proviennent de l'Etat afin que ce dernier puisse continuer à jouer son rôle moteur.

Je remercie M. Houssin de l'intérêt qu'il a montré pour la promotion touristique, d'autant plus importante que la concurrence est très rude. Il importe également de perfectionner l'accueil de la clientèle. Concernant les résidences hôtelières, vous avez raison : un encadrement juridique plus précis s'impose. La seule application du plan Qualité France nous amènera à discuter avec les professionnels en vue d'élaborer ensemble une solution. Enfin, les chambres d'hôtes doivent être mieux classées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous en venons aux questions.

M. Edouard Landrain - Je vous interrogerais volontiers sur le comptage des touristes en France pour que notre pays soit considéré comme la première destination touristique au monde, mais je souhaite surtout vous interroger sur l'accueil et sur la maîtrise des langues étrangères.

L'apprentissage des langues étrangères dans le secteur touristique est particulièrement faible. Nous ne disposons pas de traductions suffisantes des menus dans les restaurants, la maîtrise des langues étrangères dans les offices de tourisme et les syndicats d'initiative demeure faible. Qu'envisagez-vous de faire pour améliorer en ce sens la formation aux métiers du tourisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Le comptage des touristes est en effet trop ambigu : à travers les comptes satellites, nous veillons à mettre en place un outil commun de comptage afin d'annoncer à l'avenir des chiffres fiables.

Alors que nous essayons de tout faire pour attirer les clientèles les plus diverses, je pense en particulier aux Russes et aux Chinois, les professionnels doivent en effet être capables de parler plusieurs langues. J'ai demandé à Arlette Franco de faire un rapport qui propose un certain nombre de solutions notamment en ce qui concerne les BTS Tourisme afin que des modules d'apprentissage soient consacrés aux langues.

M. Bernard Perrut - Votre budget tend à promouvoir l'image touristique de la France et à favoriser l'économie touristique. Au-delà des professionnels, il faut rendre hommage aux nombreux bénévoles qui contribuent à faire vivre ce secteur.

Mais le tourisme a aussi une dimension sociale et au moment où nous nous apprêtons à discuter de la loi de cohésion sociale, alors que nous avons discuté d'une loi sur les personnes handicapées, des préoccupations demeurent en particulier pour les personnes handicapées. Comment entendez-vous mieux sensibiliser les prestataires du tourisme à leur accueil ? Le label « Tourisme et Handicap » a-t-il suscité une mobilisation suffisante ? L'accessibilité des sites a-t-elle progressé ? Quels sont vos objectifs concernant l'accueil spécifique des enfants handicapés ?

De plus, face aux inquiétudes concernant le tourisme social, quels éléments nouveaux pouvez-vous apporter quant aux autorisations de programme et aux crédits de paiement ?

Enfin, que pouvons-nous faire de plus pour les 36% de Français qui ne partent pas en vacances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Je m'associe à vos propos concernant les bénévoles qui méritent en effet d'être félicités pour leur rôle essentiel.

Concernant l'accueil des personnes handicapées dans les établissements hôteliers, le label « Tourisme et Handicap », qui concerne les adultes comme les enfants, a été mis en place en 2001 et a été conforté puisque nous en avons fait une norme nationale. J'espère avoir le plaisir de délivrer à la fin de l'année le millième label, mais il faut aller plus loin et dans la sensibilisation des collectivités territoriales et en mettant en place un groupe de travail pour trouver les financements nécessaires à l'amélioration de leur situation.

Enfin, nous devons amplifier notre action en direction des familles, comme nous le faisons à travers les réformes des BSV et de l'ANCV. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Binetruy - Avec 74,6 millions, soit une hausse de 6,38% par rapport à 2004, ce budget ambitieux privilégie trois axes : promotion de l'image touristique de la France, renforcement de l'économie du tourisme, accès aux vacances pour tous.

Je déplore néanmoins la quasi absence d'abondement de la ligne budgétaire relative au programme de consolidation des hébergements du tourisme social, programme jusque là abondé tous les ans depuis 1989 et doté en 2004 de 3,415 millions. Serait-ce l'abandon des structures remplissant une mission de tourisme social ?

Ainsi, certaines maisons familiales rurales, lieux d'insertion, voire de réinsertion pour les jeunes qui se destinent aux métiers de l'agriculture, dont le travail est unanimement reconnu, ont souhaité développer une activité de tourisme social. Elles se sont mises aux normes, ont permis à des personnes très modestes de goûter aux joies des vacances et ont aussi favorisé la création d'emploi et le maintien d'une présence en zone rurale. Aujourd'hui, tout cela semble menacé. Comment rassurer ces structures et les pérenniser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Ministre délégué - Les discussions sont en cours avec MM. Sarkozy et Bussereau pour que les excédents dégagés par l'ANCV puissent abonder la ligne de l'hébergement du tourisme social, tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement. Nous espérons obtenir deux millions. Nous sommes conscients qu'outre l'aspect social de la question, c'est l'aménagement du territoire et le développement local de certains zones qui sont en jeu. Ces opérations sont aussi une façon de lutter contre la hausse des prix, puisque les équipements bénéficiant d'une aide publique proposent des tarifs modérés. Nous trouverons probablement une solution en loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. André Chassaigne - Monsieur le ministre, nous vous remercions d'avoir répondu de façon aussi scrupuleuse. Je vous demanderai toutefois encore quelques précisions sur le soutien aux communes touristiques. Jusqu'en 1993, les communes et stations classées touristiques bénéficiaient de dotations au titre des charges inhérentes à la fréquentation touristique, qui ont depuis été intégrées au sein de la dotation globale de fonctionnement. Mais les communes qui ont engagé leur développement touristique après cette date ne perçoivent aucune dotation alors qu'elles supportent elles aussi de lourdes charges ! Or il s'agit souvent de communes rurales, dont la survie dépend en grande partie de l'économie touristique.

Par ailleurs, le projet de loi de finances intègre une nouvelle réforme de la DGF. Encore simplifiée, elle ne devrait plus reposer à terme que sur des critères de population et de superficie. Nous avons toutes les raisons de craindre que les communes à vocation touristique en fassent les frais, car si les variations de population sont censées être prises en compte, rien n'est dit spécifiquement pour les communes à vocation touristique ! Le Gouvernement a-t-il prévu un dispositif permettant de couvrir une partie des charges dues à une activité touristique pour toutes les communes concernées ?

M. le Ministre délégué - La question est complexe. D'abord, l'écart se creuse entre les communes dont la dotation a été intégrée dans la DGF et celles qui se sont mises récemment au tourisme. Ensuite, la taxe de séjour, l'autre recette qu'elles perçoivent, n'est pas bien assise. Il semble que beaucoup bénéficient des recettes générées par quelques uns. Toute une réflexion doit donc être menée, que j'ai engagée avec le ministre de l'intérieur. Le problème de la dotation ne peut en tout état de cause être dissocié de celui de la taxe de séjour, et je vous assure que je suis ce dossier de très près.

M. André Chassaigne - Je voudrais également revenir sur la situation de l'agence nationale des chèques-vacances, établissement public qui permet chaque année à plus de deux millions et demi de salariés de partir en vacances à moindres frais. Les chèques-vacances constituent une aide sociale, mais contribuent également au développement de l'économie nationale : en 2004, ils généreront plus de quatre milliards d'euros de recettes touristiques !

Cette utilité pourrait encore être renforcée s'ils étaient étendus aux salariés, mesure à laquelle votre Gouvernement s'est clairement opposé.

M. le Rapporteur pour avis - C'était votre gouvernement !

M. André Chassaigne - Non ! Je parle de l'amendement de M. Bouvard qui a été repoussé aux calendes grecques.

Récemment, l'ANCV a externalisé le service chargé de la lecture des chèques, qui avait pourtant été internalisé en 1998 à la demande répétée de la Cour des comptes. Il semble également qu'une dizaine de procédures de licenciement soient en cours à l'Agence, officiellement pour faute ; un syndicaliste semble même menacé. Pourrait-il s'agir d'une stratégie de déstabilisation de l'agence, alors que la presse nationale a évoqué des projets de changement de statut de l'ANCV et même de privatisation, en faveur de certains groupes de l'hôtellerie et de la restauration ? Je crains que le projet de loi sur le tourisme que vous avez annoncé, Monsieur le ministre, ne soit l'occasion de ce changement de statut des chèques-vacances. Soutenez-vous la privatisation rampante de l'ANCV, par démembrements successifs ? Allez-vous porter, ce faisant, le coup de grâce au tourisme social ? Quelles garanties donnez-vous du maintien du caractère public et social des missions de l'ANCV ?

M. le Ministre délégué - Soyons clair : aucune privatisation n'est prévue. L'externalisation du traitement des chèques ne vise qu'à rendre l'agence plus efficace, donc à lui permettre de mieux remplir sa vocation sociale. En ce qui concerne les entreprises de moins de 50 salariés, l'amendement n'est pas passé, certes, mais M. Bussereau a pris l'engagement de reprendre la discussion de façon plus sereine avec Michel Bouvard. Il n'est pas possible d'assumer si vite une dépense de 430 millions : trouvons une solution plus progressive ! Mais l'objectif est bien d'étendre le bénéfice des chèques-vacances à ces salariés. Quant aux licenciements, je vous assure qu'ils n'ont rien à voir avec un prétendu plan social. L'administration applique des règles, et il est normal que les procédures adéquates soient engagées lorsqu'elles ne sont pas suivies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Claude Leteurtre - Monsieur le ministre, excusez-moi d'appuyer là où ça fait mal, mais je voudrais revenir sur les moyens en hébergements du tourisme social. Voyez-y la volonté de vous aider dans vos négociations avec Bercy ! On peut considérer que 3,4 millions qui disparaissent, c'est tout de même plus qu'un symbole ! D'autant que depuis 1989, tous les gouvernements avaient soutenu le programme de financement... En n'abondant plus cette ligne, vous amputez le programme de rénovation du patrimoine d'une partie de ses ressources. Or, sur le terrain, on sait que ces aides représentent le coup de pouce qui rend les projets possibles ! Par ailleurs, elles iraient dans le sens des positions du Gouvernement en faveur du tourisme et de son accessibilité pour les plus modestes. Quelles sont les chances pour que la négociation avec Bercy aboutisse ? Dans le cas contraire, quelles mesures envisagez-vous ?

M. le Ministre délégué - La discussion avec Bercy a toutes les chances d'aboutir. Il serait impensable, dans la situation budgétaire actuelle, de laisser dormir 23 millions dans un tiroir ! Cela m'autorise à dire que nous trouverons certainement une solution. Le fait que vous soyez aussi nombreux ce soir à me poser la question me conforte dans ma démarche et je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Les crédits du tourisme seront mis aux voix à la suite des crédits sur l'aménagement du territoire.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 18 heures 45.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE


© Assemblée nationale