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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 19ème jour de séance, 45ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 5 NOVEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2005
      -deuxième partie- (suite) 2

      INDUSTRIE, POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS 2

      QUESTIONS 27

      ORDRE DU JOUR DU LUNDI 8 NOVEMBRE 2004 33

La séance est ouverte à quinze heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2005 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005.

INDUSTRIE, POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie concernant l'industrie, la poste et les télécommunications.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial de la commission des finances - Nous examinons aujourd'hui le dernier budget de l'industrie avant l'application de la loi organique relative aux lois de finances. La nouvelle présentation sera la bienvenue : il est très difficile aujourd'hui d'avoir une vue complète du budget, compte tenu de la fusion de plusieurs actions menées dans le cadre du ministère de l'économie. Cependant, on peut dire que ce budget est globalement stable, avec une augmentation de 2,5% - soit 2,2 milliards en crédits de paiement - et que les actions sont concentrées sur l'innovation et la compétitivité des entreprises. Cette stabilité des crédits cache cependant des situations contrastées.

Les crédits de la politique de l'énergie et des matières premières, d'abord, restent stables. L'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie bénéficie d'une augmentation de 3%. Il s'agit d'un rattrapage, puisque sa dotation de fonctionnement n'avait que très peu évolué depuis cinq ans alors que son activité croissait fortement, notamment depuis l'arrivée de son nouveau président. Les moyens de la commission de régulation de l'énergie sont également renforcés, pour la troisième année consécutive. Je m'en félicite, mais je suis convaincu que cette subvention devra encore être augmentée. Les missions de la CRE s'élargissent en effet avec l'ouverture à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz : la libéralisation entraîne naturellement un besoin accru de régulation. Or, la CRE est très faiblement dotée par comparaison avec ses équivalents en Europe. En Grande-Bretagne, les moyens en financiers et en personnel sont trois fois plus élevés ! Le régulateur britannique est d'ailleurs financé par un prélèvement sur les opérateurs, comme c'est le cas dans huit autres pays européens. Je pense qu'une discussion devra être engagée sur un financement de la CRE par une taxe affectée.

Vous allez me reprocher, Monsieur le ministre, d'être partisan d'une nouvelle taxe ! Mais la contradiction n'est qu'apparente. Cette taxe permettrait d'assurer une bonne régulation, et l'administration centrale pourrait dégager les économies équivalentes.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Nous les faisons déjà !

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial - Dans le secteur de l'électricité, la commission Roulet, nommée par le ministre des finances, doit bientôt remettre un rapport sur le projet industriel et financier d'EDF, et sur ses besoins. Il est très regrettable qu'elle ne compte aucun membre de la commission des finances. Mais le plus grave sujet de préoccupation touche à la soulte que les entreprises électriques et gazières doivent verser à la CNAV, et dont le montant a été réévalué, à la demande de la Caisse, pour que le régime général des salariés du secteur privé ne soit pas lésé. Mais la soulte sera en partie financée par une taxe sur le transport et la distribution d'électricité. Ce sont donc les usagers qui vont payer, finalement, pour les avantages de retraite des salariés du secteur ! La plus simple équité devrait nous conduire à entreprendre enfin la réforme des régimes spéciaux de retraite ! Le mode de financement de la soulte est d'autant plus important qu'il crée un précédent pour les autres régimes spéciaux de retraite du secteur public. La subvention de l'institut français du pétrole baisse, elle, de 4%. Surtout, elle est inférieure à ce à quoi s'était engagé l'Etat en signant le contrat d'objectifs. Jusqu'en 2002, l'IFP était financé par une taxe parafiscale. Je me félicite qu'elle ait été transformée en dotation budgétaire, mais celle-ci n'est pour 2005 que de 192 millions, au lieu des 200 prévus. La parole de l'Etat est en cause. Le Gouvernement doit trouver les ressources manquantes, notamment par le biais de restructurations. Enfin, les moyens du commissariat à l'énergie atomique sont maintenus.

Dans un autre volet du budget ensuite, les crédits sont renforcés : il s'agit du soutien à l'innovation et à la compétitivité des entreprises. Je m'en félicite, car l'innovation est un facteur clef de la croissance. La position technologique de la France est depuis quelques années en retrait alors que 50% de la croissance actuelle des Etats-Unis sont liés à leurs dépenses d'innovation des années antérieures ! La position de l'ANVAR au centre des dispositifs de soutien va donc être renforcée. Elle gère l`ensemble des aides depuis cette année et va en outre recevoir, en 2005, celles du réseau de recherche sur les technologies pétrolières et gazières. Dans un objectif de simplification, l'ANVAR et la banque de développement des PME vont être regroupées dans une agence des PME. Je souhaite que cela permette de simplifier la vie des entreprises, mais il m'aurait semblé plus judicieux de fusionner les délégations régionales de l'ANVAR avec les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, qui gèrent déjà de nombreux dispositifs de soutien au développement des PMI. La dotation d'intervention de l'ANVAR en faveur de l'innovation augmente de 10%, et les crédits destinés au soutien direct de l'innovation de 9%. Les crédits destinés à la compensation de l'allègement des cotisations patronales des jeunes entreprises innovantes sont également en hausse. Cette aide s'intégrera désormais dans le nouveau dispositif des pôles de compétitivité.

La dotation aux écoles des mines est maintenue. Celle des centres techniques industriels baisse fortement en revanche, à cause de la débudgétisation progressive de leurs moyens, ainsi que de ceux des centres professionnels de développement économique. Ces organismes sont désormais financés par des taxes affectées. Je me félicite de cette solution de financement pérenne, car ils sont très utiles aux entreprises. Sur ma proposition, la loi du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement a précisé que les CPDE exercent une mission de service public, ce qui leur permet de recevoir une taxe affectée. Sans cette solution, ils étaient menacés de disparition. Toutefois, certains CTI ont choisi de conserver leur dotation budgétaire et il ne faudra pas les léser.

La politique industrielle de la France s'inscrit, bien sûr, dans un cadre européen. La politique communautaire est fondée sur la garantie d'un environnement concurrentiel, mais prévoit également d'encourager l'innovation. Ainsi, l'Union soutient la coopération entre industrie et recherche, notamment par le biais du programme Eurêka. A titre d'exemple, le premier programme européen dédié à la sécurité de l'approvisionnement et à la décarbonisation de la chaîne énergétique, Eurogia, vient d'être lancé.

Je tiens à souligner que les projets validés par Eurêka viennent toujours de l'initiative des industriels eux-mêmes, et que l'investissement public y est corrélé à l'investissement privé.

Paradoxalement, ce sont les organismes qui concourent à la recherche et à l'innovation - priorités affichées - qui font chaque année l'objet des mesures de régulation budgétaire, gels ou annulations, les plus importantes. Je pense en particulier au CEA et à l'IFP et j'estime qu'il y a là matière à réflexion pour les administrations centrales.

Troisième orientation de ce budget, les crédits destinés à l'accompagnement des restructurations industrielles augmentent de 9%.

Ceux consacrés à la gestion de » l'après-mines » augmentent même de 24%. Grâce à l'agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, nouvellement créée, L'Etat garantira l'ensemble des droits sociaux des mineurs, après la disparition des entreprises minières et ardoisières, à l'exception de ceux qui relèvent du régime spécial de sécurité sociale. Les ressources de la nouvelle agence seront principalement constituées d'une subvention de 546 millions d'euros. Cette dotation provient, à hauteur de 422 millions d'un transfert de la dotation aux Charbonnages de France. Le reste de la dotation est une mesure nouvelle, par laquelle l'Etat prend en charge les pensions de retraites anticipées des mineurs, qui auparavant étaient assumées par les Charbonnages. Mais comme Charbonnages est une entreprise en déficit structurel dont l'Etat accompagne la cessation de l'exploitation, il ne s'agit pas réellement d'une nouvelle charge pour le budget de l'Etat.

Les aides à la construction navale passent de 70 millions d'euros en 2004 à 21 millions en 2005.

Enfin, les crédits consacrés à la revitalisation des bassins industriels sinistrés sont en légère baisse. Je remarque chaque année que les crédits des restructurations industrielles sont mal consommés et je ne peux que réitérer la demande que j'avais déjà faite il y a deux ans de réduire, voire de supprimer, ces lignes budgétaires. D'ailleurs, à mon sens, ces moyens auraient davantage leur place au ministère des affaires sociales.

Avant de conclure, Monsieur le ministre, je souhaiterai faire quelques remarques concernant la présentation des crédits de l'industrie selon l'architecture prévue par la LOLF. Ils se déclinent en six programmes : quatre se trouvent dans la mission » Développement des entreprises », qui dépend entièrement du ministère de l'économie ; deux dans la mission » Recherche et enseignement supérieur ». Les crédits du CEA, de TIFF et une partie des crédits de l'ANVAR et de l'école des mines se retrouvent dans cette dernière.

Le programme Passifs financiers miniers fonctionnera dès 2005, puisqu'il fera l'objet d'une expérimentation.

Notons que l'ensemble des crédits de fonctionnement des DRIRE, ainsi que leurs crédits d'intervention, sont regroupés dans le même programme » Contrôle et prévention des risques technologiques et développement industriel ». Cela constitue à mon sens un progrès dans la lisibilité de l'emploi des moyens.

Remarquons aussi que les opérateurs du secteur, ou leur tutelle, sont placées dans des programmes séparés des régulateurs : par exemple, la CRE se trouve dans le programme » Régulation et sécurisation des échanges », alors que la tutelle d'EDF et GDF se trouve dans le programme » développement des entreprises ». On comprend cette séparation, qui est conforme à la réglementation communautaire, mais il ne faudrait pas qu'elle nuise au contrôle parlementaire.

Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez est un budget recentré sur le cœur de l'action des pouvoirs publics vers l'industrie, à savoir l'innovation et la compétitivité des entreprises. C'est donc un bon budget, qui prépare bien l'avenir, un avenir confronté aux défis de la mondialisation des échanges. Je recommande donc à l'Assemblée de suivre l'avis favorable de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'industrie - Cette année, le projet de loi de finances est dominé par la plus grande réduction du déficit jamais intervenue dans une seule année. Malgré cet effort, les crédits du ministère de l'industrie ne sont pas sacrifiés, ce qui marque l'engagement du Gouvernement en faveur de ce secteur essentiel de notre économie.

Ainsi, les dépenses ordinaires et les crédits de paiement progressent de 1,4%. Avec cet accroissement proche de la croissance moyenne des dépenses civiles de l'Etat et de l'inflation prévue, ils connaissent une évolution beaucoup plus favorable que l'ensemble des crédits du ministère de l'économie, qui reculent de 1,1% à périmètre constant.

Les autorisations de programme progressent, quant à elles, très fortement pour atteindre 1 131 millions d'euros contre 473 millions d'euros en 2004. Cette évolution résulte toutefois d'un changement de nomenclature important concernant les subventions au secteur minier.

Cette évolution d'ensemble satisfaisante permet la poursuite de plusieurs priorités.

La première est la solidarité pour la gestion de l'après-mines. Les crédits correspondants sont présentés dans le cadre d'un programme expérimental anticipant la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois des finances. Une fois ce changement de nomenclature neutralisé, deux augmentations substantielles de crédits apparaissent. Tout d'abord, celle des moyens consacrés à la prévention des dégâts miniers, qui ont plus que doublé en deux ans, ce qui permettra de mieux prévenir ces affaissements qui provoquent des situations dramatiques. Ensuite, celle des ressources dégagées pour financer les prestations sociales aux anciens mineurs. Nous avions adopté, à l'initiative de MM. Richard Mallié et Michel Sordi, une proposition de loi garantissant les droits de ces travailleurs. Je suis heureux que la Nation, à travers ce budget, continue de leur manifester sa gratitude en organisant le financement de la nouvelle agence pour la garantie des droits des mineurs.

La seconde priorité de ce budget est la régulation. Les moyens de fonctionnement alloués à la Commission de régulation de l'énergie augmentent ainsi de 12,1% et son effectif budgétaire de 12 postes.

Naturellement, cet effort devra être poursuivi l'année prochaine pour tenir compte de l'augmentation prévisible de la charge de travail de la CRE, consécutive à l'élargissement de la part de marché ouverte à la concurrence, élargissement qui augmentera probablement le nombre de différends dont la CRE est saisie.

La dernière priorité, et la plus importante, est le soutien à l'innovation.

Les dotations allouées à la recherche, à l'innovation et au développement des PMI regroupées dans l'agrégat 22 progressent en effet de plus de 20% en autorisations de programme tandis que les dépenses ordinaires et les crédits de paiement sont maintenus.

Notons que les moyens soutenant les grands programmes de recherche industrielle progressent fortement par l'intermédiaire du « fonds de compétitivité des entreprises » du chapitre 66-02, dont les crédits de paiements augmentent de 10,5% et les autorisations de programme de 11,27%.

Je tiens également à relever l'augmentation de 40% des crédits destinés à la compensation du dispositif d'exonération de charges sociales au profit des jeunes entreprises innovantes, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 et qui rencontre un très grand succès.

Le soutien budgétaire à l'innovation repose sur des subventions mais aussi sur les incitations fiscales, fortement renforcées par le projet de loi de finances pour 2004 notamment avec la réforme du crédit d'impôt recherche. La dépense fiscale liée à celui-ci est évaluée pour cette année à 730 millions, soit une augmentation de 46% par rapport à l'année dernière.

Je me félicite de ces évolutions et je tiens à souligner l'attachement unanime de la commission des affaires économiques à une politique publique vigoureuse de soutien à la recherche industrielle.

Les autorisations de programme de l'agrégat correspondant au secteur de l'énergie et des matières premières progressent de plus de 20%, alors que les dépenses ordinaires et les crédits de paiement sont quasiment stables.

J'ai déjà évoqué la progression des moyens de la Commission de régulation de l'énergie. Deux autres points me paraissent devoir être soulignés.

Le premier est l'apparition d'une nouvelle ligne budgétaire, appelée « partenariat mondial de lutte contre les menaces » et dotée de 22 millions en autorisations de programme et de 11,7 millions en crédits de paiement. Elle assurera le financement de la contribution française à un programme décidé lors du sommet du G8 de 2004 et dont l'objet est la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, notamment par l'élimination de 34 tonnes de plutonium militaire russe et américain, conformément à un accord de réduction des armements conclu entre ces deux pays.

Ce projet, dont le CEA est un acteur majeur, fait largement intervenir la technologie française de recyclage, qui a été retenue pour la partie américaine et qui sert de référence pour sa réalisation en Russie. Le plutonium doit ainsi être transformé en combustible MOX pour être utilisable dans des centrales civiles.

Je profite d'ailleurs de la présentation de ce nouvel article budgétaire pour m'étonner, une fois de plus, de l'agitation parfaitement injustifiée récemment entretenue à l'occasion de l'arrivée de plutonium américain à Cherbourg par quelques activistes se réclamant de l'écologie. Dans cette affaire, comme s'agissant de la question d'ensemble des déchets nucléaires, je perçois mal la cohérence de gens résolus à s'opposer systématiquement aux actions visant à résoudre les problèmes qu'ils n'ont de cesse de dénoncer.

Le second point notable dans cet agrégat budgétaire concerne la subvention à l'Institut français du pétrole, centre de recherche et de formation de premier plan au niveau mondial, dont l'action s'inscrit résolument dans une perspective de développement durable. Ses recherches visent à maximiser les ressources d'hydrocarbures disponibles et à développer des solutions techniques permettant de réduire l'impact sur l'environnement de l'utilisation de ces combustibles. Elles sont donc particulièrement nécessaires dans le contexte du nouveau choc pétrolier que nous sommes en train de vivre.

Or, la subvention allouée à l'IFP recule cette année de 4%. Cette évolution est d'autant plus regrettable qu'un contrat d'objectifs conclu entre l'Etat et l'IFP prévoyait la stabilité du financement de cet organisme. L'Etat, sur ce point, ne respecte donc pas ses engagements, alors que la stabilité des financements est particulièrement nécessaire dans le secteur de la recherche.

Cette situation est regrettable mais s'explique par le contexte de rigueur budgétaire. Notre commission peut donc l'accepter. En revanche, il ne serait pas acceptable d'aller au-delà et notamment de remettre en cause des dotations votées pour 2004.

Toutes ces observations ont conduit la commission des affaires économiques à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'industrie pour 2005.

Outre l'analyse des crédits, la discussion de la loi de finances nous permet d'évoquer aussi des politiques qui n'ont pas systématiquement de traduction budgétaire.

Cette année, compte tenu de la forte augmentation des prix du pétrole, je souhaite évoquer la politique énergétique du Gouvernement, dont le volontarisme et la cohérence n'ont pas été suffisamment soulignés.

Tout d'abord, le renouvellement de notre parc électronucléaire a enfin été engagé grâce à la décision politique de lancer la construction d'un nouveau réacteur EPR, pour laquelle EDF vient d'annoncer le choix du site de Flamanville. Cette décision, nécessaire à la sécurité d'approvisionnement de la France mais aussi de l'Europe continentale toute entière, conforte en outre une filière industrielle d'excellence dont les perspectives d'exportation sont très importantes. Pour la première fois, une décision majeure de politique énergétique a été prise de façon transparente et démocratique : la proposition de construction de ce réacteur, initialement formulée par votre prédécesseur, Monsieur le ministre, Mme Nicole Fontaine - au courage de laquelle je veux rendre hommage - puis discutée dans le pays à l'occasion d'un grand débat national, a ensuite été approuvée par le Parlement lors de la discussion de la loi d'orientation sur l'énergie.

Le deuxième axe de cette politique est le soutien des énergies renouvelables et notamment de celles qui se substituent à des combustibles fossiles. Ce soutien a fait l'objet de mesures fortes dans la loi d'orientation ; la plus importante, le renforcement du crédit d'impôt, a été reprise dans la loi de finances. En outre, des amendements parlementaires garantissant la promotion des biocarburants ont été adoptés en première partie du projet de loi de finances. Il est heureux que le Gouvernement, conformément à la position prise par le ministre d'Etat lorsqu'il présentait le projet de loi d'orientation sur l'énergie, ait su faire primer, dans ces domaines, l'impératif de développement durable sur les considérations budgétaires.

Enfin, le troisième axe d'action est la relance de la politique d'économie d'énergie grâce aux nouveaux instruments que seront les certificats d'économie d'énergie et à des campagnes de sensibilisation du grand public.

Tous les instruments permettant de limiter notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles importés et de lutter contre le changement climatique ont donc été mobilisés.

Mais la politique énergétique, c'est aussi la politique industrielle dans le secteur de l'énergie, c'est-à-dire la préparation de l'avenir de nos grandes entreprises publiques EDF et GDF que l'immobilisme condamnait au déclin. Là aussi, la réforme a eu lieu : le statut de ces entreprises a été modernisé pour leur permettre de poursuivre leur développement. Cette réforme a permis en outre de régler le problème des retraites des agents des industries électriques et gazières, évitant la faillite comptable d'EDF et de GDF qui était inéluctable si rien n'avait été fait.

La nécessité de cette réforme sera chaque jour plus évidente. Elle était pourtant très difficile, et c'est l'honneur de la majorité d'avoir eu le courage de l'engager. Je salue la capacité de conviction et d'écoute du ministre d'Etat et du ministre de l'industrie qui ont su réussir cette réforme avec les personnels concernés et non contre eux. C'est aujourd'hui à ces personnels, conduit par des directions renouvelées, qu'il appartient de poursuivre l'histoire glorieuse de ces deux entreprises, en saisissant la chance que leur offre le nouveau cadre juridique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Censi, rapporteur spécial de la commission des finances pour la poste et les télécommunications - En raison de l'ouverture à la concurrence au niveau européen, les secteurs des postes et télécommunications ont en commun de connaître des mutations technologiques profondes et de représenter des enjeux majeurs dans l'organisation de l'offre de services à nos concitoyens. Ils ont en commun de remplir des missions de service public nécessaires aux Français, comme la distribution du courrier à domicile ou la couverture de 100% du territoire en moyens de télécommunication. Un autre point commun est le rôle essentiel de l'Etat. La Poste et France Télécom assumant des missions de service public, l'Etat a une responsabilité déterminante dans la définition de leurs objectifs. C'est pourquoi il importe de clarifier le rôle de l'Etat actionnaire d'une part, de l'Etat régalien d'autre part, ce qui devra permettre à la représentation nationale d'exercer un contrôle éclairé et efficace.

Il faut donc définir clairement les missions de service public, afin que La Poste et France Télécom soient soutenues à hauteur des efforts engagés, sans que ceux-ci affectent leurs comptes d'exploitation. Je pense en effet qu'il n'y a pas de contradiction entre l'ouverture à la concurrence et l'accomplissement de missions de service public, voulues par le Gouvernement et soutenues par l'Etat.

L'importance du secteur ne se mesure plus au montant des crédits budgétaires affectés, puisqu'il s'agit maintenant de deux entreprises largement soumises à la concurrence. L'Etat finance néanmoins certaines actions au titre de la régulation ou des missions de service public. C'est un budget modeste, mais maintenu par rapport à l'an dernier.

Les gels opérés sur le budget de l'Autorité de régulation des télécommunications sont préoccupants. La régulation budgétaire est certes nécessaire, mais devrait être mieux programmée.

Le soutien public à l'enseignement et à la recherche dans le secteur des télécommunications est déterminant et doit être maintenu. Il conviendra d'inciter les entreprises du secteur à travailler en partenariat avec les écoles concernées.

Il faut se féliciter de la création, en application de la LOLF, d'une action spécifique sur la poste et les télécommunications, qui se justifie par leur spécificité, notamment au regard des missions de service public. Le seuil de l'indicateur retenu pour la couverture en Internet haut débit pourrait être relevé à 512 kilo-octets : c'est la moindre des choses. En outre, un autre indicateur, celui de la couverture du territoire en téléphonie mobile, nous paraîtrait utile.

L'activité courrier de La Poste est ouverte à la concurrence en dessous de 100 grammes, et le sera en dessous de 50 grammes en 2006. Une clause de rendez-vous est prévue en 2009 : il faudra alors décider ou non de généraliser la concurrence. Cette décision devra faire l'objet d'un examen approfondi par le Gouvernement : veillons à ne pas évincer La Poste des sources de profit tout en la laissant assumer seule les activités déficitaires, dont beaucoup sont essentielles. En effet, La Poste s'adresse à tous les Français, y compris les plus démunis, que ce soit financièrement ou en raison de leur isolement. Elle est à ce titre un facteur de cohésion sociale. Le contrat de plan signé l'an dernier entre l'Etat et La Poste a commencé son travail de clarification, et cet effort doit se poursuivre. Hormis le service universel, qui est très limité, les autres obligations sont plutôt mal identifiées et résultent plus d'une tradition que des textes. Cette situation n'est ni sincère sur le plan budgétaire, ni efficace sur le plan économique pour l'entreprise. Ces missions doivent donc être mieux définies, mieux évaluées en termes de coûts, et enfin clairement financées.

Le contrat de plan affirme le maintien des 17 000 points de contacts du réseau sur le territoire. Un fonds de péréquation doté de 150 millions d'euros sera abondé grâce à un abattement des bases fiscales sur la taxe professionnelle.

De même, La Poste fournit un service bancaire ouvert aux plus démunis : c'est une de ses missions traditionnelles. Son réseau de proximité et son action contre l'exclusion bancaire lui donnent une dimension sociale et la placent aux avant-postes de la lutte contre l'isolement. Alors que la cohésion sociale s'impose comme une priorité nationale, nous devons veiller à ce que cette mission soit valorisée.

Une solution a été trouvée en juillet 2004 pour le transport de presse : les éditeurs acceptent une augmentation régulière des tarifs, cependant que La Poste s'engage à améliorer la qualité de son service. Dès lors l'Etat peut ramener cette année sa contribution de 289 à 241 millions d'euros.

La charge des retraites des postiers s'élève à 57 milliards d'euros et le contrat de plan prévoit une solution pour son financement en 2005. L'application des 35 heures à La Poste a représenté un coût annuel de 450 millions d'euros sans bénéficier des aides publiques, situation singulière qui a réduit considérablement ses capacités d'investissement et de modernisation. Heureusement, le contrat de plan a prévu l'exonération des charges sociales sur les bas salaires en 2006. Par ailleurs, La Poste a signé hier avec les organisations syndicales les accords de Vaugirard, qui illustrent les vertus du dialogue social, mais aussi ce que peut être un nouveau modèle social « à la française ».

Enfin, La Poste n'est pas maîtresse du prix du timbre et des taux des livrets d'épargne. Le contrat de plan prévoit une évolution des tarifs en fonction de la concurrence et des coûts, ce qui justifie une hausse d'environ 5 centimes d'euros du timbre. Cette augmentation, qui représente un surcoût moyen de 5 euros par famille et par an, permettra à La Poste de financer sa modernisation. Le contrat de plan a prévu la création d'un établissement de crédit postal et l'extension des activités financières au crédit immobilier sans épargne préalable.

La situation de France Télécom s'améliore nettement par rapport à 2002, date où cette entreprise était l'une des plus endettées au monde. L'Etat a joué son rôle d'actionnaire. France Télécom est engagée dans un plan ambitieux d'amélioration de la productivité qui doit permettre de réduire sa dette de 15 milliards d'euros.

France Télécom exerce aussi des missions de service universel : téléphonie fixe, cabines téléphoniques, tarifs en faveur des plus défavorisés, et bientôt annuaire universel. L'équipement du territoire en moyens de télécommunications, c'est-à-dire essentiellement en téléphonie mobile et en Internet haut débit, est un enjeu majeur. La période récente montre un rattrapage rapide de notre pays pour ce qui est du « dégroupage de la boucle locale », qui permet la concurrence sur les lignes téléphoniques, et surtout de l'Internet à haut débit. La convention sur la téléphonie mobile signée le 15 juillet 2003 a produit ses effets et la première phase connaît un bon niveau de réalisation.

M. Jean Dionis du Séjour - Vous êtes optimiste !

M. Yves Censi, rapporteur spécial - L'avenant de juillet 2004 et le renouvellement des licences GSM des trois opérateurs ont accru leurs obligations. Le récent paquet législatif télécom a en outre obligé à l'itinérance locale dans les zones blanches. On peut néanmoins douter de la fiabilité des indicateurs statistiques de l'ART qui estiment à 90% la part du territoire couverte ; il ne suffit pas qu'un des trois opérateurs couvre la mairie pour que l'ensemble de la commune soit considérée comme couverte...

L'article L-1425-1 nouveau du code général des collectivités locales permet aux collectivités d'intervenir dans des travaux d'infrastructure de réseau, passifs ou intelligents. Les potentialités en sont évidentes ; les risques que comporte un tel développement en régie d'infrastructures, voire de services de téléphonie ou de communications électroniques, sans qu'aucune ingénierie de projet ne soit véritablement mise à disposition des collectivités, le sont tout autant.

Enfin, Monsieur le ministre, j'estime que la possibilité d'étendre le service universel au haut débit et à la téléphonie mobile devra être envisagée avec soin. Je sais pouvoir compter sur vous pour apporter sur ce sujet une vision éclairée et pragmatique.

Compte tenu de tous ces éléments, je vous invite à émettre un vote favorable à ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la poste et les télécommunications - Les crédits des La Poste et des télécommunications sont affectés au pilotage de deux secteurs presque complètement ouverts à la concurrence. Ils sont dès lors très limités en volume : 395 millions d'euros dans ce budget, mais seulement 150 millions si l'on soustrait la compensation accordée à La Poste pour le transport de la presse à tarif réduit. Ces 150 millions d'euros ne représentent que 0,35% des masses financières en jeu puisque les marchés français des télécommunications et des postes représentent respectivement 35 et 16 milliards d'euros. En fait, ce budget doit être un levier, en s'appuyant sur de petites structures administratives. Les unes remplissent des missions d'animation ou de conception, comme les trois sous-directions de la DIGITIP compétentes pour les communications électroniques, la communication en ligne et les activités postales, qui emploient 61 personnes au total. Les autres accomplissent des missions d'encadrement et de contrôle, comme l'Autorité de régulation des télécommunications qui regroupe 165 personnes et l'Agence nationale des fréquences qui en compte 372.

En 2002, les deux secteurs des postes et des télécommunications devaient répondre à une problématique identique : assainissement de la situation de l'opérateur historique ; transposition des directives modifiant le cadre de régulation sectorielle ; amélioration de la couverture territoriale en offre de services, c'est-à-dire réduction de la fracture numérique d'un côté, maintien de la présence postale de l'autre. Dans le secteur des télécommunications, toutes les dispositions nécessaires sont prises : nous en sommes à la mise en œuvre. France Télécom opère un redressement impressionnant sous la conduite remarquable de Thierry Breton : le groupe a dégagé en 2003 un résultat d'exploitation de 9,5 milliards d'euros, en hausse de 40% par rapport à 2002. Sa dette, qui avait culminé à 68 milliards, a été ramené à 44 milliards fin 2003. Notre majorité peut être fière d'avoir fait les bons choix de gestion et de stratégie, qui préservent le service de qualité, alors que des oiseaux de mauvais augure jugeaient le plan Breton dangereux pour l'avenir de l'entreprise. Ensuite, les filiales Orange et Wanadoo ont été réintégrées et la loi du 31 décembre 2003 a permis le transfert au privé. L'Etat ne détient plus, directement ou indirectement, que 42,25% du capital, la vente début septembre de 11% du capital ayant rapporté 5,1 milliards d'euros qui ont été affectés à la diminution de la dette publique.

Puis, le secteur des télécommunications a été aligné sur le droit européen par trois lois, dont les décrets d'application paraissent à un bon rythme : 17 décrets d'application sont déjà parus pour la loi du 31 décembre 2003, et celui relatif au service universel est soumis au conseil d'Etat ; pour la loi du 9 juillet 2004, 9 décrets d'application ont fait l'objet d'une consultation publique en septembre, dont celui qui permettra à l'ART de maîtriser les tarifs des téléphones fixes vers les mobiles ; 14 décrets d'application de la loi du 21 juin 2004 sont en cours d'élaboration au niveau interministériel.

Pour la couverture des zones blanches, conformément à la convention du 15 juillet 2003, la première phase, qui concerne 1 250 sites, produit ses effets sur le terrain, mais trop lentement...

M. Jean Dionis du Séjour - Quand même !

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour avis - ...car les procédures administratives prennent de 18 à 24 mois. A ce jour, plus de 40 sites ont été autorisés et 18 pylônes ont été mis à la disposition des opérateurs, mais quatre seulement sont en service. Les préfets ont été invités, par circulaire du 5 octobre dernier, à mobiliser les services de l'équipement et les collectivités locales.

La seconde phase, concernant 934 autres sites, sera prise entièrement en charge par les opérateurs grâce aux conditions négociées par le Gouvernement pour le renouvellement des licences GSM.

Enfin, la couverture en haut débit progresse rapidement, notamment grâce à France TélécoM. 90% de la population devrait être « raccordable » par le téléphone fin 2004, 96% fin 2005 et 100% fin 2006. Le CIADT du 14 septembre dernier a prévu 13 millions pour l`expérimentation de technologies de raccordement alternatives dans les zones peu denses et a affecté 100 millions, réservés sur les fonds structurels, pour soutenir 200 projets des collectivités locales. Cela étant, il faut que les abonnés « raccordables » puissent être raccordés immédiatement, à quelque distance qu'ils se trouvent du répartiteur. Des technologies nouvelles comme le Wi-max ou le Re-ADSL doivent donc être rapidement mises en œuvre.

En revanche, dans le secteur postal, l'essentiel reste à faire. Le contrat de plan 2003-2007 entre La Poste et l'Etat a certes permis de tracer des perspectives. Il faut maintenant voter définitivement le projet de loi relatif à la régulation des activités postales examiné par le Sénat en janvier 2004.

La Poste est en effet confrontée à une série de handicaps. D'une part elle supporte de lourdes charges, mal compensées par l'Etat, à hauteur de 1,4 milliard par an pour assurer des missions d'intérêt général et supporter des contraintes de gestion exorbitantes comme l'application des 35 heures sans aides ; l'exclusion du régime d'exonération des charges sur les bas salaires et le paiement sur recette de pensions à des retraités dont le nombre augmente rapidement. D'autre part, les contraintes sur l'évolution des tarifs et l'adaptation géographique de ses infrastructures de production l'empêchent de dégager les marges d'autofinancement nécessaires à l'investissement. Ses performances sont donc moindres que celles des postes allemande et néerlandaise.

Le budget 2005 s'inscrit dans une logique qui semble permettre de débloquer la situation dans les mois à venir. Il augmente d'un million les moyens de l'ART dans la perspective de l'extension de sa compétence au secteur postal. L'aide au transport de presse baisse de 48 millions, pour tenir compte des gains de productivité que permettra le plan de modernisation « cap qualité courrier 2007 » et peut-être le relèvement du prix du timbre à 55 centimes en février ?

La mesure la plus attendue reste la création d'une filiale bancaire pouvant distribuer du crédit immobilier sans épargne préalable. C'est ainsi que La Poste pourra remplir ses missions de présence territoriale et de lutte contre l'exclusion bancaire. Renforcer l'activité financière contribuera en effet à la présence de La Poste, car cette activité a une part prépondérante dans le chiffre d'affaires des bureaux dans les petites communes - 63% dans celles de moins de 2 000 habitants. Le maintien de l'accès social au livret A au profit des exclus bancaires et des SDF, qui coûte environ 50 millions par an, dépend de la possibilité pour La Poste à desservir aussi une clientèle classique plus rentable. La création de ce pôle aura sans doute un effet salutaire sur le marché bancaire français qui est trop concentré, au point que les professionnels pratiquent un écrémage de la clientèle et imposent de tels tarifs que le ministre des finances a dû récemment leur demander de les réexaminer en liaison avec les associations de consommateurs.

Pour conclure, je souhaite que le projet de loi sur la régulation postale soit bien examiné par l'Assemblée en janvier 2005, dans l'intérêt de La Poste, et aussi de ses concurrents qui pâtissent depuis le 1er janvier 2003 du retard dans la transposition de l'abaissement du plafond du domaine réservé à 100 grammes.

Ce budget est celui de la raison, pour la réforme et la modernisation, et dans le respect du service au public et de l'aménagement du territoire. J'invite mes collègues à le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Daniel Paul - L'examen du budget doit être l`occasion de faire le point sur la situation de notre industrie, soumise dans tous ses aspects à la rentabilité financière. Selon certains, notre pays n`a pas de politique industrielle et serait même en voie de désindustrialisation. Pourtant, l'industrie représente encore 20% du PIB,...

M. Xavier de Roux - Ce n'est pas mal.

M. Daniel Paul - ...et plus si l'on tient compte de l'énergie. Avec les services marchands liés à l'industrie, on atteint 40% de la richesse nationale. La France est donc bien toujours un pays industriel, mais elle subit une politique qui consiste à appliquer ce que dit le MEDEF...

M. le Ministre délégué - Ce n'est pas ce que dit le baron Seillière !

M. Daniel Paul - ...et à laisser libre cours à la rentabilité financière.

Dans cette logique, les fermetures d'entreprises, externalisations d'activité, délocalisations mettent à mal les territoires et les sous-traitants subissent des pressions vives pour diminuer le « coût du travail ».

En revanche, en vingt ans, l'emploi manufacturier a baissé d'un tiers, et le processus s'est accéléré ces derniers temps, en même temps que les prélèvements sociaux et les salaires se sont réduits, au profit des actionnaires, grâce à votre complaisance à l'égard du MEDEF.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial - Vous êtes monomaniaque !

M. Daniel Paul - Si la production n'a guère baissé alors que l'emploi est en chute libre, c'est que la productivité horaire a augmenté plus en France

M. Xavier de Roux - Evidemment, puisqu'on travaille moins !

M. Daniel Paul - Et le mouvement n'est pas prêt de s'arrêter puisque, selon la presse économique, tous les investissements visent désormais à augmenter la productivité et à diminuer les effectifs. Rien d'étonnant à ce que la part des salaires se réduise au bénéfice des profits et que le capital soit mieux rémunéré que le travail.

M. Xavier de Roux - C'est très bien !

M. Daniel Paul - Si vous voulez revaloriser le travail, cessez de faire ainsi pression sur les « charges » salariales, au détriment de la dignité des travailleurs et de la couverture sociale.

Tout est bon pour peser sur les coûts. L'industrie automobile externalise. Il n'y a pas si longtemps, Renault Sandouville fabriquait ses pièces ; elles sont désormais fournies par des équipementiers, sur lesquels on fait pression pour qu'ils baissent les prix, poussant ainsi au développement de l'intérim et à des transferts. Ainsi, l'équipementier Faurécia, installé dans la région du Havre, va transférer plusieurs dizaines de postes sur d'autres sites.

La logique ne voudrait-elle pas qu'il y ait un véritable lien juridique entre donneurs d'ordres et sous-traitants, avec coresponsabilité en cas de restructuration ?

Parce que nous considérons que les PME-PMI ont un rôle essentiel à jouer, nous voulons les protéger des logiques des grands groupes, leur faciliter l'accès au crédit, les aider à créer des emplois et à accéder à la recherche ; nous voulons aussi que dès la détection des difficultés, des tables rondes régionales soient organisées avec les salariés, les élus locaux, les banques et les représentants de l'Etat. Comment admettre que cela soit refusé dans le cas, par exemple, de la réparation navale havraise ou d'un leader mondial de son secteur comme SIDEL, sur lesquels pèsent de lourdes menaces ?

Nous avons connu depuis la fin des années 70 des plans successifs dans la sidérurgie, au prétexte qu'il y avait « trop d'acier » et que l'acier français était trop cher. Aujourd'hui, la demande d'acier explose à travers le monde...

Lors du débat sur l'ouverture du capital d'EDF, beaucoup d'entre nous ont évoqué le rôle que cette entreprise avait joué dans la reconstruction de notre pays. En fait, ce sont toutes nos entreprises publiques qui ont eu ce rôle d'entraînement.

On pourrait aussi évoquer l'exemple de la SNCF. Mais désormais celle-ci participe parfois, au contraire, à la désindustrialisation : parce qu'on lui impose une course à la rentabilité, elle refuse par exemple des acheminements en direction ou en provenance de régions montagneuses.

Après l'adoption des directives européennes sur la concurrence, en effet, les libéraux français n'ont eu de cesse de privatiser ces entreprises. Aujourd'hui, vous poursuivez la même logique en prétendant constituer des « champions », alors que vous favorisez la prise en mains par le privé de fleurons de notre secteur public. Ainsi en va-t-il du mariage annoncé il y a quelques jours de SAGEM et de la SNECMA, dicté par des considérations financières et qui risque de « laisser sur le carreau » les partenaires actuels de l'entreprise publique.

Nous condamnons ces opérations, qui ouvrent nos entreprises publiques aux appétits des financiers. A ce sujet, il faut craindre que l'ouverture du capital d'EDF entraîne une augmentation de la part réservée aux dividendes. Jusqu'à présent, celle-ci - versée à l'Etat - s'établissait à 37,5% du résultat brut ; or dans l'industrie privée, elle se situe entre 40 et 45%. Qu'en sera-t-il, Monsieur le ministre ?

Nous sommes aussi attachés à l'idée de responsabilité sociale et écologique des entreprises. Pourquoi cette frilosité dans le développement de la filière de traitement et de destruction d'un matériau aussi nocif que l'amiante ?

Pour nous, l'économie a pour fonction de répondre aux besoins des populations. Nous voulons toujours donner la priorité à l'homme plutôt qu'à la finance ; c'est ce que nous proposons avec le projet « sécurité emploi formation ». Au contraire, en agitant sans cesse l'épouvantail des délocalisations - selon le journal L'Expansion, 11 000 emplois ont été délocalisés ces douze derniers mois hors de notre pays -, de la perte d'attractivité de la France, le MEDEF prépare le terrain à des reculs sociaux. Un tel chantage, auquel l'Etat prête la main, est inacceptable ; on omet de dire que la part des salaires dans le PIB, qui dépassait 75% dans les années 70, est désormais inférieure à 70%... Les « pôles de compétitivité » vont permettre aux entreprises de profiter de nouvelles aubaines fiscales ; dans le même temps, les placements financiers approchent 2 000 milliards, auxquels vous refusez de toucher...

Cette logique financière met à bas nos atouts, fait subir à des régions comme la Haute-Normandie, la Picardie ou le Nord-Pas-de-Calais des coups particulièrement sévères. Elle entraîne la stagnation des salaires, la précarité de l'emploi, la baisse de la consommation... Ce n'est pas un cercle vertueux, mais un cercle vicieux, d'autant que vous aggravez la situation en réduisant l'intervention de l'Etat, pris dans une construction européenne pensée uniquement en termes de concurrence, et non de coopération. Vous ne serez donc pas étonné, Monsieur le ministre, que nous nous opposions à votre budget.

M. Jean Dionis du Séjour - Je ne ferai pas de commentaire particulier sur les crédits du ministère de l'industrie, si ce n'est pour souligner après nos rapporteurs que la réduction de 4% de la subvention à l'IFP porte atteinte à la stabilité du financement de cet organisme particulièrement nécessaire à notre recherche.

Je voudrais pour commencer évoquer la situation inquiétante qui attend EDF. Après mon collègue Charles de Courson, j'insiste sur le fait que la soulte de 7,7 milliards versée par l'entreprise publique dans le cadre du PLFSS permet, certes, d'afficher une réduction du déficit, mais qu'il s'agit d'une recette exceptionnelle, qui sera sans impact sur l'équilibre des finances publiques en 2006.

J'appelle aussi votre attention sur les lourdes conséquences de la non-réforme des régimes spéciaux, à commencer par celui des IEG. Qu'en est-il de la retraite complémentaire et de son alignement sur l'AGIRC-ARCCO, ce que certains appellent déjà la deuxième soulte ? Quel en sera le montant ? Comment sera-t-elle financée ? Quels seront l'assiette retenue et le taux pivot ? EDF, dont les fonds propres sont limités, pourra-t-elle survivre à de tels versements et provisions ?

Au mois de juin, le groupe UDF - j'ai été heureux du renfort de Hervé Novelli - avait demandé la mise en extinction de ce régime spécial pour les personnels embauchés après le changement de statut. Les problèmes que nous avions soulevés sont désormais avérés : non seulement les consommateurs vont payer sur leur facture d'électricité le surcoût du régime de retraite très avantageux des IEG, mais nous craignons fort que l'Etat doive à terme recapitaliser EDF. La réforme des IEG était donc utile et courageuse, mais incomplète, et elle risque de créer un précédent quant au renoncement à l'égalité des Français devant la retraite.

Je demande au président de la commission des affaires économiques d'organiser au plus vite une audition des nouveaux présidents d'EDF et GDF, peut-être à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi d'orientation sur l'énergie. Le groupe UDF a été quelque peu surpris de la manière un peu archaïque dont le Gouvernement, après bien d'autres il est vrai, a procédé à leur nomination ; il revient en tout cas désormais au Parlement d'exercer son contrôle à un moment où ces entreprises sont confrontées à des défis historiques, afin d'éviter que se reproduisent certaines erreurs.

S'agissant de la stratégie industrielle de la France et de la lutte contre les délocalisations, je ne reviens pas en détail sur l'utilisation du rapport de notre collègue Christian Blanc et sur les mesures proposées par M. Sarkozy. L'article 12 du PLF a le mérite de poser les bases des pôles de compétitivité.

Nous espérons leur succès pour relancer nos PME dans la compétition mondiale. Cela dit, on peut s'interroger sur l'organisation définie par le CIADT, trop centralisée, et source de complexités administratives. L'UDF n'a eu de cesse de le répéter, il aurait fallu aller jusqu'au bout de la logique de décentralisation, en confiant aux régions la responsabilité économique et le pilotage de ces pôles, comme le préconise le rapport de Christian Blanc.

Permettez-moi à ce sujet de rappeler la proposition du président de la commission des finances au Sénat, Jean Arthuis, sur la création progressive d'une TVA sociale ou TVA compétitive. Seul cet impôt sur la consommation pourrait sauver nos capacités de production, que ce soit dans le domaine industriel ou agricole. Actuellement, l'essentiel de notre système de protection sociale est financé par le travail, ce qui génère du chômage ou du travail au noir, et pénalise la compétitivité de l'usine France. Maintenir les taxes sur la production, c'est donner la prime à ceux qui vont produire ailleurs. Il serait plus équitable de taxer les produits et les services consommés sur notre territoire.

Si l'on allège les impôts de production, la charge sociale et la taxe professionnelle, on réduit le prix de revient, et du fait de la concurrence, le prix de vente hors taxe pourrait baisser. Augmentée à due concurrence, la TVA ramènerait au même niveau nos coûts de consommation, tandis que seul le prix des produits importés augmenterait. Qu'en pense le ministre ?

S'agissant du volet Postes et télécommunications, on ne peut que regretter le retard pris dans la transposition de la directive postale, qui ouvre à la concurrence certains secteurs du service courrier. Le groupe UDF attend avec impatience la discussion en première lecture du projet de loi relatif à la régulation des activités postales, et je défendrai une vision résolument moderne de ce secteur, tant sur la question du service universel postal, que sur celle de la distribution sur l'ensemble du territoire. Nous serons également favorables à la création de nouveaux services financiers pour La Poste, ainsi qu'à l'extension de l'activité de crédit immobilier et à la consommation.

Enfin, nous souhaitons que le ministre précise le mode de financement du fonds postal national de péréquation territoriale institué par le Sénat au cours de son examen du projet de loi sur la régulation des activités postales. Quelle part l'Etat et les collectivités locales pourraient-ils y prendre ?

Quant aux NTIC, le Gouvernement et le Parlement ont bien travaillé, notamment en menant une politique claire sur la baisse des tarifs de l'ADSL, et en favorisant le redressement spectaculaire de France Télécom. La France a rattrapé son retard, et compte aujourd'hui 5 millions d'abonnés au haut débit.

En revanche, le plan « zone blanche en téléphonie mobile » a pris plus d'un an de retard. Le critère de réception par un opérateur devant la mairie n'est pas pertinent.

La lutte contre la fracture sociale dans l'accès aux NTIC, et notamment internet, doit devenir une réalité. Enfin, il faut absolument favoriser l'émergence de nouveaux modèles économiques, et à ce titre, la directive sur les droits d'auteur doit être transposée au plus vite car il faut adapter les règles de la propriété industrielle aux nouveaux moyens de communication.

Les Français attendent de l'audace et du courage pour entreprendre les réformes nécessaires, aussi le groupe UDF vous soutiendra-t-il en votant ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Christian Bataille - Si la notion de désindustrialisation fait l'objet de bien des controverses, les chiffres parlent d'eux-mêmes et le tableau est sombre : deux millions et demi de chômeurs, avec un chômage des jeunes qui s'est aggravé de 6,4% en un an. Quant aux licenciements économiques, ils ont augmenté de 4,8% en août. Et M. Borloo de déclarer que « la baisse du chômage est une tendance lourde et réelle » !

Les principes keynésiens, dont se réclament parfois les milieux gouvernementaux, supposeraient une relance de la consommation des ménages et de l'investissement des entreprises. Hélas, en matière de consommation des ménages, votre marge de manœuvre est réduite par la hausse du prix de l'essence, du gazole, du fioul, sans parler de celle des tarifs domestiques du gaz, que nous venons d'apprendre, et de celle de l'électricité, que vous n'allez sans doute pas tarder à nous annoncer.

L'ambition industrielle de votre politique reste limitée à la production de discours souvent axés sur la délocalisation, notion désormais incontournable. Mais les actes ne suivent pas ! Lors du conseil des ministres du 22 septembre dernier, M. Chirac a appelé le Gouvernement à définir une nouvelle ambition industrielle pour la France et à lutter contre les délocalisations. M. Raffarin a alors confié à Jean-Louis Beffa, PDG de Saint-Gobain, une réflexion sur un programme de grands projets industriels. Mais ce budget n'est pas à la hauteur de ses ambitions.

Ainsi, le budget de l'ANVAR stagne à 41 millions, alors qu'elle a joué un rôle essentiel en faveur de l'innovation et de la valorisation de la recherche. Quant aux subventions aux actions d'accompagnement de la politique d'innovation, elles baissent de près de 9%.

Alors qu'en raison de la politique de maîtrise de l'énergie, l'ADEME devrait revêtir une importance capitale, ses subventions d'investissement stagnent aussi !

Vous ne cessez de vanter les PME et les PMI, mais baissez de 12% les crédits de paiement et les autorisations de programme des contrats de plan Etat-régions, grâce auxquels les PME-PMI ont pu, par le passé, se moderniser et affronter la concurrence mondiale.

Elu du Nord-Pas-de-Calais, je sais l'importance de la politique de reconversion et de restructuration industrielles. Je comprends que M. Novelli s'interroge sur leur sens, en bon héritier de Madelin....

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial - Mais il n'est pas mort !

M. Christian Bataille - ...lequel a pu déclarer à cette tribune que tout franc supplémentaire donné à son budget de l'industrie serait du gaspillage. Ce volet de la politique industrielle est déterminant pour des régions entières qui ont dû passer d'un univers marqué par le XIXe siècle à un monde marqué par la compétition internationale. Et pourtant, vous baissez de 30% les autorisations de programme tandis que les crédits de paiement stagnent à 34,5 millions, après avoir baissé de 10% l'an dernier.

Enfin, le soutien aux programmes de recherche et de développement industriel et d'actions en faveur du développement des technologies de l'information et de la communication est en chute libre depuis 2002 - de 213 millions, on est passé, en 2005, à 158 ! Dans le même temps, le soutien à l'investissement dans les PMI chutait de 20%.

Seule nouveauté : l'adoption de mesures pour lutter contre les délocalisations, et fondées sur des exonérations fiscales ou des crédits d'impôts, qui ne sont pas à la hauteur car, selon le Conseil des impôts, le ratio entre fiscalité et emplois créés ne se vérifie pas toujours : ainsi, la République tchèque créé-t-elle de nombreux emplois malgré un taux d'imposition sur les sociétés assez élevé.

J'appartiens à la commission Roulet qui fera bientôt part de ses conclusions, mais je tiens d'ores et déjà à exprimer mes craintes concernant EDF : M. Sarkozy ne voudrait-il pas démontrer que cette grande entreprise nationale doit faire l'objet d'un apport de capitaux que les pouvoirs publics ne peuvent faire et donc, que la privatisation seule la sauvera après avoir été mise à mal par l'impéritie socialiste ?

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial - Très bien ! (Sourires)

M. Christian Bataille - Soyez néanmoins prudents : M. Juppé avait naguère affirmé ici-même que Thomson ne valait qu'un franc... Les tarifs augmenteront, les consommateurs paieront, le MEDEF applaudira. Pourtant, l'organisation de cette entreprise est bien plus qu'une survivance du tout-Etat : EDF est un instrument sans égal pour conduire une politique volontariste de nature à nous donner plusieurs longueurs d'avance sur nos voisins. Cette entreprise garantit les fournitures, pratique des tarifs négociés à long terme et adaptés à chaque type d'industrie. Moteur de notre compétitivité, elle résiste au tropisme de la délocalisation. Comment pouvez-vous prétendre lutter contre les délocalisations si vous dégarnissez nos défenses pour soumettre notre économie aux marchés ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yannick Favennec - Le CIADT du 14 septembre 2004 a jeté les bases d'une nouvelle stratégie de développement industriel axée sur l'innovation technologique et la création de pôles de compétitivité. Le PLF pour 2005 et le budget de l'industrie participent de la réussite d'une politique visant à lutter contre la désindustrialisation et à développer notre activité industrielle.

Dans un contexte budgétaire de maîtrise des dépenses publiques, je souligne que le budget de l'industrie progresse de 2,5% par rapport à l'exercice 2004. Les dépenses d'intervention et d'investissement y tiennent une part prépondérante.

Les orientations de votre budget que le groupe UMP approuve, Monsieur le Ministre, portent sur le soutien à la politique énergétique de la France, sur l'accompagnement des mutations industrielles et sur le soutien à la recherche et au développement des PMI.

La réflexion sur l'avenir de notre politique énergétique a été au cœur de l'action du Gouvernement en 2004. La flambée des prix du pétrole et les risques d'alourdissement de la facture énergétique nous imposent une politique de maîtrise de la demande d'énergie. Il nous faut diversifier notre bouquet énergétique et redoubler notre effort de recherche. Les crédits du ministère de l'industrie concourent à la réalisation de ces objectifs comme la subvention allouée à l'ADEME ou au CEA.

Nous nous félicitons de l'augmentation des moyens de la Commission de régulation de l'énergie qui joue un rôle majeur dans le cadre de l'ouverture des marchés du gaz et de l'électricité à la concurrence. En revanche, nous regrettons que la subvention de l'Institut français du pétrole accuse une baisse de 4% : il ne faudrait pas en effet que cette diminution de crédits porte atteinte aux travaux de recherche entrepris par un organisme mondialement réputé.

La solidarité s'exprime à travers l'accompagnement des mutations industrielles dont les moyens augmentent de 8,7%. La nouvelle présentation du programme « passifs financiers miniers » regroupe l'ensemble des actions en faveur du secteur minier et de la gestion de l'« après-mines ». Même si l'évolution de ces crédits est difficile à évaluer en raison de la mise en place, au 1er janvier 2005, de l'Agence nationale pour la garantie des mineurs - agence dont la création résulte de l'initiative de nos collègues Richard Mallié et Michel Sordi, que je tiens à féliciter - il ressort néanmoins du « bleu » budgétaire que les crédits pour la prévention des dégâts miniers ont doublé en deux ans et que les ressources pour le financement des prestations sociales versées aux anciens mineurs se sont accrues.

La montée en puissance du crédit d'impôt recherche, le dispositif d'exonération de charges sociales et fiscales en faveur des jeunes entreprises, le renforcement de l'aide aux PMI grâce à la nouvelle agence des PME résultant de la fusion de la BDPME et de l'ANVAR ainsi que la création de l'Agence nationale de la recherche concourent à aider les entreprises.

La formation aux métiers de l'industrie est également soutenue grâce aux moyens alloués aux écoles d'ingénieurs, aux centres techniques industriels ainsi qu'au programme de groupements européens d'établissements d'enseignements supérieurs.

La partie du budget consacrée aux Postes et Télécommunications concerne deux secteurs désormais presque entièrement ouverts à la concurrence. Les crédits affectés n'ont donc qu'une fonction d'animation, d'encadrement ou de contrôle et ne reflètent pas l'ensemble de la politique du Gouvernement en faveur de ces secteurs qui ont été soumis au cours des derniers mois à un double changement : le premier lié à la mise en place d'un cadre de régulation plus souple et le second à l'arrivée de nouvelles offres technologiques. Il s'agit aujourd'hui de répondre à une double attente : amélioration de la couverture territoriale, meilleure satisfaction sociale.

J'insiste en particulier sur la réduction de la fracture numérique qui est un enjeu de cohésion sociale et territoriale car ces nouvelles technologies de l'information constituent une chance pour l'attractivité de nos territoires. Les avancées législatives, avec la loi sur l'économie numérique qui autorise les collectivités locales à intervenir dans des travaux d'infrastructures de réseaux et à exercer la fonction d'opérateur de services de télécommunications en cas de carence des opérateurs, ont permis de lever des blocages juridiques à l'extension de la couverture numérique du territoire. Par ailleurs, lors du CIADT du 14 septembre dernier, le Gouvernement a mis en place un soutien de 13 millions pour l'expérimentation des technologies de raccordement alternatives dans les zones peu denses. Il a également affecté 100 millions d'euros au fonds national de soutien au déploiement du haut débit sur les territoires. Il faut enfin souligner les efforts importants de France Télécom pour étendre la couverture ADSL.

La France du haut débit progresse donc rapidement, et les résultats obtenus par l'Etat et les collectivités locales prouvent qu'une action commune est essentielle. Le bilan est moins positif pour la téléphonie mobile, puisque 3 000 communes sont encore en zone blanche et que des secteurs importants, majoritairement ruraux, restent couverts par un seul opérateur : ma circonscription du nord de la Mayenne en sait quelque chose. L'amélioration de la couverture est à l'évidence un enjeu essentiel d'aménagement du territoire. Comme l'a fait remarquer Yves Censi dans son rapport, il manque un indicateur dans ce domaine, comme il en existe un pour l'internet haut débit.

La loi sur l'économie numérique a retenu, pour les zones blanches de la téléphonie mobile, le principe de l'itinérance locale, qui a le mérite de garantir l'accessibilité pour tous, quel que soit l'opérateur choisi, d'optimiser l'utilisation des financements publics et de protéger l'environnement en réutilisant les pylônes existants. Il faut maintenant accélérer sa mise en œuvre, sachant qu'il faut entre 18 et 24 mois pour accomplir toutes les procédures préalables à la mise en service d'un nouveau site. La couverture des zones blanches s'appuie également sur la convention nationale du 15 juillet 2003 et sur son avenant du 13 juillet 2004, qui prévoit la prise en charge intégrale par les opérateurs du déploiement de la seconde phase. Au total, 2 250 sites devraient être couverts dans 3 500 communes. La libéralisation du secteur des télécommunications doit également conduire à mieux prendre en compte les attentes des consommateurs, qui souhaitent que certaines questions, telles que l'interaction éventuelle entre télécommunications et santé publique ou l'équité des prestations, soient réglées par l'intervention publique. On peut se réjouir à ce propos que l'ART ait proposé aux opérateurs une réduction sur deux ans du prix des appels des téléphones fixes vers les mobiles.

Le projet de loi sur la régulation des activités postales, qui doit être examiné à partir du début 2005, devrait offrir à la Poste le cadre législatif et les adaptations juridiques dont elle a besoin pour améliorer sa compétitivité. L'efficacité économique de l'entreprise passe par une meilleure définition des missions de service public qui lui sont assignées, et donc par une meilleure évaluation de leur coût. Les changements dans la représentation de la Poste en milieu rural doivent impérativement être réalisés en concertation permanente avec les élus locaux. La Poste a souhaité organiser un débat avec eux pour leur présenter l'entreprise, sa stratégie et les problèmes qu'elle connaît mais, même si la recherche de solutions consensuelles continue à prévaloir, il faut constater un déficit global de communication. Les maires des petites communes rurales sont très inquiets sur l'avenir de la présence postale sur leur territoire. Espérons que les importantes modifications législatives qui doivent avoir lieu permettront à la Poste de rétablir ses performances et de faire face aux mission d'intérêt général qui lui incombent. Monsieur le ministre, l'UMP votera ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Desallangre - Un seul terme peut caractériser la politique industrielle de la France depuis quelques années : l'absence. Absence de budget propre, tous les moyens étant confondus dans le magma du budget des finances et votre influence, Monsieur le ministre, réduite d'autant ; absence de crédits, qui oblige le rapporteur, pour enrichir son analyse, à présenter de longs développements sur la situation mondiale, sur des sociétés de droit privé comme EDF ou AREVA ou sur les brevets européens ; absence de combativité face aux appétits du ministre en chef de Bercy. Vous avez accepté, en 2003, plus de 100 millions d'annulations et 200 millions de reports ! Les crédits de restructuration industrielle n'ont été consommés qu'à 67% en 2004 ! C'est un vrai scandale lorsqu'on connaît l'ampleur des conséquences de la désindustrialisation. Mais vous réduisez, officiellement cette fois, pour 2005, les crédits alloués à la revitalisation des bassins sinistrés... Mes concitoyens du Soissonnais apprécieront !

Absence, encore, de politique explicite : aucun support d'information n'est disponible, et vous n'exposez jamais, Monsieur le ministre, la stratégie d'ensemble de votre action. Il vous reste à tenter de nous faire croire que les exonérations de charges sociales sont une politique industrielle, mais ce sera difficile... Vos cadeaux aux grandes entreprises - pas aux artisans ni aux PME ! - ne feront qu'amplifier les effets d'aubaine, sans empêcher les délocalisations et le dumping social. Enfin, et c'est la cerise sur le gâteau, absence du ministre devant la commission des affaires économiques : personne, ni aucun document, pour défendre votre budget...

Pourtant, l'emprise croissante des marchés sur l'économie nécessiterait une politique industrielle ciblant les efforts en fonction de l'intérêt général et des choix stratégiques du pays, de manière à assurer notre liberté de décision et notre indépendance économique. Oui, c'est une telle politique offensive qui s'impose face à l'ouverture des frontières et à la lutte sans merci qui s'ensuit. L'Etat ne peut ni empêcher la place croissante des marchés, hélas, ni se soumettre à l'anarchie qui en résulte. Il doit se doter de l'industrie correspondant à sa politique pour que l'économie ne soit pas déterminée simplement par la concurrence, mais par les choix de société exprimés par les citoyens. Sinon, que deviendrait la réalité de la démocratie ?

Les grands projets, les grands opérateurs capables de relever les défis de la globalisation sont indispensables. Cela fait bien trop longtemps que la France a manqué de cette ambition. Loin de juguler l'emprise croissante des marchés, vous accélérez le mouvement en bradant entreprises et services publics. Vous répondrez sans doute que vous avez sauvé Alstom - en sacrifiant l'intérêt des petits actionnaires et en offrant des cadeaux aux banques d'affaire - mais vous aurez aussi soumis totalement EDF et GDF au marché, vendu France Télécom et asphyxié la Poste et la SNCF !

Monsieur le ministre, ce budget illustre votre renoncement à tempérer le marché. Vous ne faites rien pour encourager les fleurons de notre industrie et de nos services publics. Vous organisez la perméabilité de notre économie aux marchés, avec son lot de désindustrialisation, de délocalisations et de licenciements. M. Novelli a tout à l'heure résumé la situation : la politique industrielle de la France s'inscrit dans le cadre européen, fondé sur la libre et totale concurrence. La messe est dite, mais nous ne la servirons pas avec vous. Vous ne faites rien pour soustraite votre politique libérale des lois du marché. Le groupe communiste et républicain ne vous suivra pas dans cette voie qui sacrifie l'intérêt général (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Francis Vercamer - Ce budget se veut la traduction d'une volonté affirmée de l'Etat en matière de politique industrielle. Elu de Roubaix, je m'attacherai à son volet consacré à l'accompagnement des mutations industrielles. L'Etat intervient pour aider les entreprises des secteurs qui connaissent de profondes transformations, mais aussi leurs territoires, qui subissent de plein fouet les conséquences humaines et sociales des restructurations. Le récent débat sur les délocalisations a permis de souligner combien les territoires sont inégaux. Le bassin d'emplois de Roubaix et de Tourcoing connaît par exemple un véritable séisme social. Roubaix a enregistré 3 000 licenciements économiques l'année dernière, et 1000 au cours du premier semestre 2004 dans le seul secteur du textile. Il est légitime de concentrer les moyens de l'Etat sur les territoires qui ont contribué à l'essor industriel de notre pays. L'Etat n'est pas quitte : ces territoires ont assuré notre prospérité pour le meilleur, avec le plein emploi et la redistribution des richesses, mais l'ont également assumée pour le pire : les atteintes à l'environnement et surtout à la santé de l'homme.

Le Gouvernement fait aujourd'hui reposer ses espoirs sur les pôles de compétitivité, outil indispensable pour relancer la dynamique économique des territoires fragilisés. Vous savez tout l'intérêt que portent les élus de l'agglomération de Roubaix et Tourcoing à ce dispositif, dans le cadre du projet d'aménagement du site de l'Union, reconnu projet d'intérêt national par le CIADT de décembre 2003.

Je souhaite que ce dispositif s'accompagne d'une accélération de la requalification des friches industrielles et je rappelle que le Nord-Pas-de-Calais compte la moitié des friches de notre pays, l'agglomération de Roubaix-Tourcoing en ayant plus que sa part. Ces terrains et bâtiments ne pourront accueillir à nouveau de l'activité qu'à la condition d'avoir été requalifiés, ce qui suppose le soutien de l'Etat. Au-delà de la course aux activités tertiaires que se livrent les collectivités locales, il reste aujourd'hui, Monsieur le ministre, des territoires qui sont demandeurs d'implantations industrielles. C'est le cas de l'agglomération de Roubaix. Je tenais à vous le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. David Habib - Nous pouvions penser que le récent débat sur les délocalisations annonçait une priorité nouvelle donnée à l'industrie. Hélas, il n'en est rien et si je voulais vous vexer, je dirais, Monsieur le ministre, au vu de votre désespérante absence de moyens, que vous ne faites pas mieux que Mme Nicole Fontaine... Il y a pourtant urgence. En 2003, en effet, l'emploi industriel a baissé de 2,5%, tandis que les exportations industrielles reculaient de 1,6%. Le rapporteur, M. Novelli, note avec raison que la « position technologique » de nos entreprises s'affaiblit. Ajoutons pour compléter ce tableau que notre tissu industriel va être confronté à une dépréciation du dollar et une appréciation de l'euro qui ne pourront qu'amoindrir sa compétitivité.

Nous attendions donc un budget de combat, au service de l'emploi, de nos territoires et de nos entreprises. Malheureusement, votre fameux « volontarisme économique » ne résiste pas à l'exercice du pouvoir. Notons toutefois quelques points positifs : l'augmentation des moyens de la régulation, en particulier de la CRE, et le soutien aux jeunes entreprises innovantes. Je concède aussi que vous avez fait des choix en matière de politique énergétique. Nous ne les partageons pas, mais du moins avez-vous défini une ligne.

Comment expliquer par contre, alors que se sont multipliées en 2004 les annonces de fermetures et de délocalisations, la baisse des crédits destinés aux bassins sinistrés ? Le simple maintien des actions en faveur de la compétitivité des entreprises ?

M. Jean Dionis du Séjour - C'est une compétence régionale.

M. David Habib - La baisse des crédits destinés aux actions en matière de qualité ?

Je m'étonne aussi que les missions de l'IFP, plus que jamais d'actualité, ne bénéficient pas d'un soutien plus affirmé.

Ce budget, qui manque d'ambition, traduit l'absence de politique industrielle de notre pays et de l'Union européenne.

Entre 1975 et 2000, la France a perdu 70 000 emplois industriels par an, et le phénomène s'est accéléré depuis 2000, puisqu'en quatre ans, elle en a perdu 450 000. 678 bassins de vie sur 1745 sont dans une situation de déclin confirmé et 40 départements ont une économie spécialisée dans un secteur industriel menacé. Il est donc urgent de réagir.

Nous pensons quant à nous qu'une politique industrielle doit s'adosser à une politique économique fondée sur la croissance et la relance de la consommation intérieure. Une politique fondée sur la baisse des coûts salariaux et de la fiscalité constitue à nos yeux une erreur. Nous savons tous en effet que la décision d'implanter ou de maintenir une entreprise dépend davantage de la proximité du marché, de la qualité de la main d'œuvre, du niveau des équipements et des services publics, de la qualité de l'offre énergétique, que du niveau de la fiscalité. Quant à la baisse des coûts salariaux, elle nous mène à une impasse, que Nicolas Sarkozy a lui-même admise. Essayons donc de revoir nos stratégies.

Je crois tout d'abord que rien ne sera possible sans une harmonisation fiscale, sociale et normative de l'Europe. Cette question doit être au premier plan du calendrier communautaire. Nous devons ensuite savoir ce qu'il va advenir des crédits FEDER. Que ferons-nous après leur extinction ?

Au niveau des territoires, j'ai un peu de mal, Monsieur le ministre, à adhérer à votre démarche des pôles de compétitivité. Un équipementier automobile qui ne serait pas installé dans le futur pôle spécialisé dans l'automobile devra-t-il déménager ? Ou combattre à armes inégales avec ses concurrents ? L'urgence me semble ailleurs. Les outils de reconversion mis en place par l'Etat sont devenus fictifs. Je pense en particulier aux contrats de site, auxquels l'Etat ne rattache pas une administration de mission. Croyez bien que je vis douloureusement cette absence sur le bassin de Lacq. La mise en œuvre des actions contenues dans les contrats de sites est confiée à des collectivités locales, souvent démunies, ou à des cabinets privés, sur lesquels il y aurait beaucoup à dire.

Troisième niveau d'action : les entreprises. Pour avoir des « entreprises leaders » qui investissent et qui embauchent, il faut que l'Etat fasse preuve de valontarisme. Or, cette majorité, qui a su réagir pour Alstom, a laissé filer l'industrie de l'aluminium. Pour un Alstom, combien de Péchiney ? Après l'aluminium, ce sera la chimie... Il faut engager l'Etat dans des stratégies de filières, comme les Etats-Unis le font.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas ce budget Je profite des quelques secondes qui me restent pour vous parler, Monsieur le ministre, de la nécessité de prévenir les tragédies que risque de provoquer l'épuisement du gisement dans le bassin de Lacq. Nous étions engagés dans une mutation de ce bassin, qui devait passer d'une chimie de l'extraction à une chimie de la molécule, plus fine. Mais depuis quelques années, nous ne voyons plus rien venir. Nous avions pourtant accepté des mesures impopulaires telles que Crétacé 4000. Je vous invite donc en Béarn, Monsieur le ministre...

M. le Ministre délégué - Je suis Gascon.

M. David Habib - Arrêtez-vous donc chez nous ! Organisez une réunion avec l'ensemble des partenaires, afin de refonder un contrat de confiance. Remettez l'avenir de ce territoire au centre de vos priorités ! Vous êtes Gascon ? Devenez Béarnais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Micaux - L'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz se poursuit. Depuis le 1er juillet, les professionnels et les collectivités locales peuvent acheter leur énergie sur le marché libre. Notre attention se focalise sur l'évolution du prix du kilowattheure. Mais outre le coût, la qualité du service est un élément déterminant. Or nos réseaux de distribution d'électricité sont structurellement vulnérables, car pour partie vétustes. Comparons notre taux d'enfouissement avec celui de nos voisins : la France se situe entre le Portugal, l'Espagne et l'Italie avec un des taux les plus bas, dans une fourchette de 20 à 30%. En revanche le taux d'enfouissement atteint quelque 80% en Allemagne et au Royaume-Uni ; et aux Pays-Bas le réseau est enfoui en totalité ! On invoque la plus grande densité de population de ces pays, mais l'argument est insuffisant : si en effet cette densité est deux fois plus forte en Allemagne et en Angleterre qu'en France, le critère pertinent est le nombre de consommateurs par kilomètre de réseau : or il est le même en France et en Allemagne.

Le caractère aérien de notre réseau le rend plus fragile face aux aléas climatiques. Nous semblons avoir oublié la tempête de décembre 1999, qui a fait des dégâts mineurs en Allemagne, alors que chez nous 23.000 poteaux furent détruits, privant d'électricité pendant plusieurs jours 3,5 millions de ménages et d'entreprises.

Je note par ailleurs que dans mon département les poteaux en béton ne sont pas remplacés, mais simplement recouverts de plastique... Il faut le faire !

Outre sa fragilité structurelle, notre réseau de distribution d'électricité à basse tension comporte près d'un quart de son linéaire en fil nu aérien. Cette technique désuète n'existe plus en Allemagne ni en Angleterre. Une partie significative de ces réseaux en fil nu date d'avant la nationalisation de 1946 ! Dans mon département - mais aussi ailleurs - ces ouvrages sont responsables des trois quarts des coupures de courant basse tension lors de la tempête de 1999. Dans l'accord Etat-EDF « Réseau électrique et environnement 2001-2003 », EDF s'était engagée sur des objectifs quantifiés de suppression de basse tension en fil nu, à hauteur de 8 000 kilomètres par an ; mais dans mon département, malgré nos démarches, rien n'a été fait.

Quels moyens mettre en œuvre pour moderniser nos réseaux ? C'est du réseau que dépendent la qualité et la continuité du courant, et de ce fait le développement économique et l'aménagement du territoire. Sa modernisation requiert des efforts considérables. Une insuffisance d'investissement dans ce domaine pourrait être lourde de conséquences pour notre système électrique. Il faut donc qu'EDF engage un programme ambitieux de renouvellement des réseaux de distribution, comme le prévoient les contrats de concession. D'autre part les tarifs d'utilisation des réseaux devront être fixés à un niveau suffisant pour mobiliser les ressources nécessaires au rattrapage du retard. Toute baisse de ces tarifs doit résulter de gains de productivité, et non pas de la diminution des investissements sur les réseaux. Et ceci devrait évidemment s'appliquer non à EDF seule, mais à tous les distributeurs européens (Approbation sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Je note avec regret la position récemment prise par la Commission de régulation de l'électricité, qui a confié son réseau à la régie de Grenoble pour aller à la chasse aux économies. La CRE est-elle au service des collectivités locales ou seulement à son propre service ?

M. Jacques Desallangre - C'est le libéralisme !

M. Pierre Micaux - D'autant qu'à la fin du mois on a su se gratifier de certaines primes de salaires...

Un dispositif législatif ou réglementaire devra fixer les règles techniques nationales de qualité de distribution et de performance des réseaux pour éviter toute dégradation de la qualité de l'électricité.

Depuis des années EDF ne consacre presque pas de crédits au renouvellement des réseaux de distribution. Il est donc vraisemblable que les éléments de comptabilité qu'EDF transmet à la CRE ne font pas apparaître de charges de renouvellement des ouvrages. Il faut donc craindre que les tarifs d'utilisation n'intègrent pas non plus ces charges. Si donc, dans l'avenir, EDF invoque le manque de moyens financiers pour pouvoir assumer ce rôle...

M. Jacques Desallangre - C'est parce qu'elle est allée en Argentine !

M. Pierre Micaux - ...ce sera en partie la conséquence de l'inconsistance de son programme pluriannuel de renouvellement des ouvrages.

Enfin EDF fait part de ses doutes sur la pérennité du système concessionnaire pour la distribution. Le monopole qu'elle conserve pour le transport et la distribution pourrait être remis en cause par Bruxelles, mais ceci ne semble pas d'actualité. La plus efficace sauvegarde pour l'entreprise serait de mieux prendre en compte les valeurs du service public et de l'aménagement du territoire (Approbation sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Pour conclure, Monsieur le ministre, je souhaite que nous puissions auditionner les nouveaux président d'EDF et de GDF dès que possible. J'apprenais hier que le groupe EON souhaitait mettre la main sur la participation d'EDF dans Edison en Italie. Je souhaite donc des éclaircissements sur la perte probable de ce capital - quelques milliards d'euros, excusez du peu - mais aussi sur la position d'EDF dans le monde, en Argentine, en Italie maintenant, et peut-être en Allemagne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Alain Gouriou - Il fallait tout le talent de MM. Censi et Trassy-Paillogues pour concocter de si bon rapports à partir du peu d'ingrédients que contient ce projet de budget de la poste et des télécommunications... Il est vrai que les liens entre l'Etat et les deux grands anciens services publics sont de plus en plus ténus depuis trois ans. Pour ce qui est de la Poste, il faut déplorer la valse-hésitation du Gouvernement sur la manière de conduire son projet de réforme. D'un coté le projet de loi de régulation postale a été débattu en première lecture au Sénat en janvier 2004 ; or il serait présenté à l'Assemblée en janvier 2005 - peut-être pourrez-vous nous le confirmer, Monsieur le ministre. On se hâte lentement ! De l'autre coté M. le ministre d'Etat déclare sa volonté de faire aboutir au plus vite cette réforme de la poste française, arguant que la poste allemande a fait la sienne il y a dix ans.

Nous partageons bien des interrogations exprimées par le rapporteur. Il n'y a pas aujourd'hui de directives claires et précises sur l'exercice du service public et les missions attribuées à la Poste. Des milliers d'élus ruraux craignent la disparition de ce qui reste souvent le dernier service public encore présent dans leur commune : le bureau de poste, vous l'entendrez dire dans quelques jours à l'occasion du congrès national des maires. On peut aussi s'interroger sur le montant et le mode de financement du fonds de péréquation supposé assurer une hypothétique présence territoriale. Les services financiers de la Poste se sont vu attribuer la possibilité d'accorder aux particuliers des prêts immobiliers sans épargne préalable. Cette bonne mesure, nous proposons de l'étendre aux prêts à la consommation afin de fidéliser la clientèle et d'attirer une nouvelle clientèle, en particulier celle des jeunes.

Malgré l'accord intervenu entre les éditeurs de presse et la Poste, il ne nous parait pas juste de faire supporter à cette dernière une charge supplémentaire. Pouvez-vous aussi, Monsieur le ministre, nous éclairer sur les négociations quant au financement des retraites ? Faut-il s'attendre à une soulte comme celle d'EDF ? La Poste n'aurait alors d'autre alternative que de s'endetter lourdement ou d'augmenter ses tarifs.

Les organes dirigeants de la Poste affichent leur volonté de dialogue avec élus locaux sur la présence territoriale de la Poste. Malheureusement, les commissions départementales de la présence postale sont convoquées très irrégulièrement et la concertation se réduit souvent à un simulacre, accompagné d'annonces de fermetures ou de transformations de bureaux à la hussarde, sans prise en compte des avis et des élus et des populations.

Les postiers viennent de démontrer leur attachement à leur entreprise et à leurs missions de services publics en se mobilisant pour faire remonter à 80% en 2004 la qualité du service « J plus un ». Mais ils dénoncent un manque de visibilité stratégique et un décalage entre les discours de la direction et ce qu'ils vivent.

En ce qui concerne les télécommunications, nous partageons votre satisfaction, Monsieur le rapporteur, devant le redressement de France Télécom, son désendettement progressif et son effort conséquent de recherche et développement. Cet effort, nous souhaiterions le voir accompagné par les autres opérateurs français, ce qui est loin d'être le cas. On doit aussi déplorer la lenteur avec laquelle se résorbent les zones blanches en couverture GSM.

La situation des industries équipementières des télécommunications et des branches électroniques et informatiques nous inquiète. La crise a eu pour effet d'accentuer la concurrence et d 'accélérer les délocalisations vers les pays à bas coûts de main-d'œuvre. Sur les seuls bassins industriels du Grand Ouest, région pionnière dans ces domaines, on note depuis deux ans la fermeture totale ou partielle des entreprises étrangères souvent installées depuis des années.

Siemens, installé de si longue date, mais aussi Lucent technologies, Philips, Mitsubishi, Cisco, Pirelli, font aujourd'hui leurs bagages. Les PME-PMI sont aujourd'hui les premières victimes, chaque commanditaire exigeant de ses sous-traitants qu'il casse les prix. Ne peut-on parler de délocalisation déguisée lorsque France Télécom Marine fait passer ses bateaux sous pavillon des Kerguelen pour embaucher des équipages malgaches quatre fois moins, cher,..

M. Daniel Paul - C'est scandaleux !

M. Alain Gouriou - ...ce qui oblige à reclasser 160 marins français ?

Plus grave, les activités de recherche et développement sont délocalisées. Le groupe Alcatel n'a plus que 27% de ses chercheurs en France. C'est notre avenir qu'on assassine.

En commission, M. Léonce Deprez regrettait l'absence d'une véritable politique industrielle. Je partage son avis, à ceci près que dans les industries de pointe, une politique nationale est dépassée. C'est au niveau européen qu'il faut exprimer une volonté politique,et mener de grands projets, pour les équipements, les réseaux à haut débit, les logiciels, face aux Etats-Unis, au Japon, à la Corée. Evitons la balkanisation qui a sévi dans trop de domaines. Enfin, je m'associe à M. Dionis du Séjour pour souhaiter la réussite des pôles de compétitivité.

Je voudrais, pour terminer, souligner un effets pervers de la fiscalité pour les communes. La loi de finances pour 2003 avait neutralisé le versement de la taxe professionnelle de France Télécom aux communes par un prélèvement équivalent sur les dotations d'Etat. Aujourd'hui, alors que les bases fiscales de France Télécom diminuent, voire disparaissent, le prélèvement de l'Etat demeure tel qu'en 2003. Des collectivités grandes ou petites - je pense à la communauté urbaine de Bordeaux - subissent de plein fouet cette perte. Nous souhaiterions un correctif dans la loi de finances pour 2005, ce régime fiscal se justifiant d'autant moins que France Télécom est désormais une entreprise de statut privé.

Faute de trouver dans ce budget tous les éléments positifs souhaitables, nous ne pouvons émettre un vote favorable. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

La séance, suspendue à 18 heures 5 est reprise à 18 heures 10.

M. le Ministre - Le débat budgétaire est essentiel, puisque le Parlement donne au Gouvernement les moyens de conduire sa politique, mais c'est aussi une occasion privilégiée d'en faire le bilan. C'est dans cet esprit, de plus en plus justifié à mesure que la LOLF sera en application, que je vous présente mon budget pour 2005, sans en reprendre la présentation détaillée. Vos rapporteurs l'ont faite et je les en remercie.

Sachons échapper à une vision purement comptable. L'action du ministre de l'industrie ne se limite pas aux moyens qu'il engage. Notre action s'organise autour de quatre grands axes.

Premier axe : la politique en faveur de la compétitivité des entreprises et de l'attractivité de notre territoire, qui est pour moi le défi essentiel à relever. Notre tendance à l'autoflagellation ne doit pas nous faire oublier nos atouts. La France est la cinquième puissance économique du monde en terme de PIB, et la part de l'industrie dans la valeur ajoutée est élevée. Elle occupe des positions importantes dans des domaines comme l'aéronautique et le spatial, l'énergie, la santé, les télécommunications, les transports. Elle dispose dans ces secteurs de champions comme EDF, Areva, France Télécom, Aventis-Sanofi, Saint-Gobain, Total, Renault, PSA ou Alstom. Son attractivité est toujours forte, puisqu'elle est le premier pays d'Europe, avec la Grande-Bretagne, pour l'accueil des investissements étrangers. Elle est le cinquième exportateur mondial.

Mais, c'est vrai, sa situation reste fragile. Les progrès technologiques extrêmement rapides et l'évolution de la demande nécessitent une adaptation permanente de notre industrie, qui doit conquérir de nouveaux marchés pour développer l'activité et l'emploi. Or la France est l'un des pays d'Europe qui dépose le moins de brevets, et comme Hervé Novelli l'a relevé dans son rapport, le rythme des dépôts de brevets augmente moins vite que dans le reste de l'Europe ; la compétitivité par les coûts s'est érodée, ce qui, soit dit sans polémiquer, n'est pas sans lien avec les 35 heures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) : la France est le pays d'Europe où le nombre d'heures travaillées est le plus faible - 37,4 heures contre 40 en moyenne (Interruptions sur divers bancs) ; notre fiscalité reste élevée, notamment du fait des déficits accumulés.

Le premier enjeu de ce budget est la préparation de l'industrie de demain.

Il s'agit tout d'abord de lutter contre la désindustrialisation, dont les délocalisations sont la marque la plus visible. Elle n'est pas une fatalité, pour peu que tous les acteurs se mobilisent pour renforcer l'attractivité de notre territoire. Deux dispositifs sont proposés aux articles 10 et 14 de ce PLF : un crédit d'impôt, dégressif sur cinq ans et fonction des emplois créés, pour les entreprises qui acceptent de se relocaliser sur notre territoire ; un crédit de taxe professionnelle, fonction des emplois préservés, pour les entreprises situées dans les régions les plus défavorisées en terme d'emploi et les plus exposées aux délocalisations.

Notre deuxième souci est de développer l'aptitude de notre tissu industriel à innover en permanence, selon la stratégie arrêtée avec nos partenaires européens à Lisbonne et qu'il est urgent de traduire dans les faits. Mon ministère apportera sa contribution à cet objectif à travers trois leviers.

D'abord, le soutien direct à l'innovation et à la recherche industrielle, notamment à travers le Fonds de compétitivité des entreprises, dont les moyens, portés à 158 millions, augmentent de 9,5%. Ils favoriseront la mise en place des pôles de compétitivité, pour lesquels le ministère apportera 40 millions par an sur les trois prochaines années.

Deuxième levier : l'amélioration de l'efficacité des soutiens à l'industrie. Nous avons décidé de créer une agence nationale de la recherche, dotée de 350 millions en 2005, qui financera des projets de recherche sélectionnés pour leur intérêt non seulement scientifique mais économique, correspondant à des priorités nationales préalablement identifiées.

Le projet de loi d'orientation et de programmation de la recherche, qui sera présenté en conseil des ministres d'ici à la fin de l'année, cherchera à renforcer les effets d'entraînement de la recherche publique sur l'innovation technologique dans le secteur privé, et à favoriser la mobilité fonctionnelle des chercheurs en offrant des passerelles entre organismes de recherche, universités et entreprises. Quant au rapprochement de l'ANVAR et de la BDPME, qui devrait être effectif dès le début de l'année prochaine, il permettra aux PME d'avoir un interlocuteur unique.

Enfin, diverses mesures fiscales ont été décidées : allègements pour les entreprises participant à un projet de recherche et de développement dans les pôles de compétitivité ; renforcement du dispositif d'exonération de charges sociales et fiscales en faveur des jeunes entreprises innovantes - je remercie l'opposition d'avoir salué ce progrès - ; montée en charge du crédit impôt-recherche ; crédit d'impôt pour les dépenses de prospection commerciale.

Quant à la formation, mon ministère y est particulièrement attentif, grâce à son réseau d'écoles de formation, notamment les écoles des mines, et celles des télécommunications. Plus de 212 millions y seront consacrés l'an prochain, ce qui représente une hausse significative.

Il faut par ailleurs renforcer les synergies entre les acteurs économiques, et mon ministère gère à cet effet tout un ensemble de dispositifs, qu'il s'agisse d'actions relatives à la normalisation, à l'essaimage des nouvelles technologies, ou au soutien apporté aux centres techniques industriels. Malgré les contraintes budgétaires, les crédits sont stabilisés en 2005.

Les pôles de compétitivité s'inscrivent dans cette démarche, en ce qu'ils donnent la priorité non plus à des entreprises, des régions, ou des filières industrielles, mais à des projets communs de développements économiques.

Par ailleurs, le Gouvernement a entrepris une réforme des chambres de commerce et de l'industrie dans le sens d'une plus grande efficacité.

L'Etat se doit d'élaborer une stratégie sur le long terme, afin de rapprocher des acteurs économiques et de les faire penser à l'échelle d'un secteur et non plus d'une entreprise. Nous avons déjà lancé cette démarche dans plusieurs branches d'activités. Il en va ainsi du textile, qui sera touché au 1er janvier 2005 par le choc de l'ouverture des échanges avec la Chine, de la chimie, qui est en pleine phase de recomposition, avec des groupes en devenir comme Rhodia et Arkema, et fait l'objet d'un groupe de travail présidé par M. Garrigue, ou de la pharmacie, qui a vu la création d'un comité stratégique présidé par le Premier ministre.

Deuxième axe : la politique de l'énergie, dont le Gouvernement a rappelé, dès son arrivée, l'importance. Je remercie du reste M. Novelli d'en avoir décrit les enjeux dans son rapport.

Notre pays n'a pratiquement plus de ressources énergétiques fossiles, et doit supporter une facture pétrolière de 23 milliards, soit 6% de son PIB. La hausse du prix du pétrole représente une augmentation de 2,8 milliards de cette facture, et la consommation d'énergie est l'un des premiers postes de consommation des ménages, avec 7,4% de leurs dépenses.

Deux textes fondamentaux ont été débattus au Parlement : le projet de loi d'orientation sur l'énergie, voté en première lecture en juin dernier, et la loi sur la réforme des industries électriques et gazières, qui traduit nos engagements européens pour la concrétisation de l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz.

Monsieur Novelli, la charge des retraites est comprise dans les tarifs de l'électricité, et la soulte n'est que l'actualisation d'une charge qui pèse déjà sur les entreprises électriques et gazières. Il n'y aura donc pas demain d'augmentation des tarifs. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)

Nous croyons en EDF, et M. Bataille aussi, mais ce n'est pas le cas de tout le monde, et notamment pas celui de ceux qui ont refusé l'EPR. Afin de ne pas freiner la croissance de cette entreprise, nous préférons recourir au marché des capitaux plutôt qu'à l'endettement, et nous avons choisi d'ouvrir le capital.

J'ai entendu certains prétendre que nous revenions à l'Ancien régime, parce que nous voulions privatiser, mais révisez votre histoire de France : toutes les grandes entreprises d'Etat ont été créées par la royauté ! Dans le domaine de la maîtrise de l'énergie, le Gouvernement a lancé, dès mai 2004, avec l'ADEME, une campagne de sensibilisation aux économies d'énergie, à laquelle se sont associés les professionnels du secteur pétrolier et automobile. Ce sont là des gestes concrets qui permettent à nos concitoyens de limiter leur consommation et de préserver leur pouvoir d'achat. Je pense notamment à la voiture de PSA, la « Stop and Start », qui permet d'économiser 15% de la consommation.

Par ailleurs, pour la première fois depuis trente ans, la consommation de carburant en 2003 dans les transports a diminué de 1,1%, alors qu'elle augmentait en moyenne de 2,1%. Cette évolution est à mettre au compte, en partie, de la politique en faveur de la sécurité routière, mais il faut souligner l'interdépendance entre l'ensemble des politiques conduites par le Gouvernement.

S'agissant de la diversification du bouquet énergétique, le Gouvernement a confirmé le choix de la filière nucléaire, et le lancement de l'EPR. Le site de Flamanville vient d'être finalement retenu pour la construction de ce premier EPR, et je félicite M. Gatignol qui a beaucoup milité en ce sens.

M. Charles Cova - M. Fabius n'en a pas voulu !

M. le Ministre délégué - Avec l'énergie hydraulique, c'est ainsi le choix de l'autonomie énergétique que nous faisons. Dès 1974, avec le nucléaire, la France avait réduit d'un tiers sa dépendance pétrolière.

Mais il est clair que l'hydraulique et le nucléaire ne constituent pas la solution unique. S'ils répondent correctement aux besoins d'électricité domestique et industrielle en base, nous devrons néanmoins faire des progrès dans les domaines du transport et du chauffage qui restent très dépendant du pétrole. Le Gouvernement a donc souhaité développer les biocarburants en portant leur production de 500 000 à 1,3 million de tonnes en 2007.

S'agissant de la maîtrise des nouvelles technologies, le budget finance trois grands acteurs de la recherche : le CEA, l'ADEME et l'IFP. La dotation au CEA est stabilisée en 2005 mais cet organisme disposera bientôt d'un plan à long terme et d'un contrat d'objectif qui conforteront ses moyens. Avec 192 millions en 2005, la dotation de l'IFP baisse de 8 millions, Monsieur Novelli, mais cet organisme dispose de ressources externes importantes qui permettront la poursuite des actions engagées au titre de son contrat d'objectif : l'Etat assumera ses engagements, Monsieur Masdeu-Arus, soyez-en certain.

M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis - Très bien !

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial - Très bien !

M. le Ministre délégué - Mon ministère renforce enfin sa subvention globale à l'ADEME, portée à 50 millions. Je souligne le rôle essentiel de l'Etat pour garantir à nos concitoyens la sûreté du développement de notre offre énergétique et la transparence dans les conditions d'accès à cette énergie.

Ainsi, un effort particulier est réalisé pour la troisième année consécutive afin de renforcer la sûreté nucléaire et la radioprotection : 22 emplois supplémentaires sont créés, dont 12 dans les divisions opérationnelle de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection implantées dans les DRIRE. Les moyens de la CRE sont également renforcés, Monsieur Novelli, avec une progression de 12,31% des crédits et la création de 12 emplois supplémentaires. Je rappelle en outre que la LOLF visait à faire disparaître les taxes affectées. S'agissant en l'occurrence de l'autorité de régulation et ne voyant pas de corrélation entre l'augmentation des besoins énergétiques et l'activité de cette autorité, une taxe serait à mon sens illégitime.

Troisième axe : l'adaptation aux mutations en cours. Les crédits d'intervention destinés aux restructurations, à la reconversion des salariés et à la réindustrialisation des bassins d'emplois progressent de 8,68%. Les crédits de restructuration industrielle concourent directement à la redynamisation du tissu industriel. La dépense, qui revêt un aspect social, s'inscrit avant tout dans une logique économique en se concentrant sur les sinistres les plus graves du point de vue de l'ordre public tels Metaleurop ou Euromoteurs.

Un nouveau dispositif de conversion qui comprend un appel au financement bancaire, une garantie publique par SOFARIS et le recours à un prestataire de conseil ayant un mandat limité dans le temps a été mis en place. Le dispositif est actuellement appliqué en Basse-Normandie pour Moulinex et dans le Nord-Pas-de-Calais pour Métaleurop.

Il est vrai, Monsieur Novelli, que la consommation des crédits de restructuration n'est pas toujours totale, mais, outre que ces crédits sont encadrés par Bruxelles, ils sont prévisionnels et l'on ne peut que se féliciter qu'ils ne soient pas employés faute de sinistre.

A l'augmentation des moyens consacrés à la sécurité et à la gestion de sites miniers en reconversion s'ajoutera la modernisation de la garantie apportée par l'Etat aux droits sociaux des mineurs. La fin programmée des exploitants miniers publics nécessite une accélération de la mise en place du dispositif d'après-mine dans tous ses aspects, mise en place qui sera poursuivie à un rythme soutenu pendant 2005 : l'agence nationale pour la garantie des droits des mineurs sera opérationnelle le 1er janvier 2005, la mise en sécurité des anciens sites miniers sera assurée de manière pérenne, la reconversion économique des anciens bassins continuera à être assurée et la nouvelle procédure d'indemnisation des dommages sera mise en œuvre.

Quatrième axe : la modernisation de l'administration.

Au-delà des travaux importants d'ores et déjà réalisés sur les crédits de l'industrie, en termes de stratégies, objectifs et indicateurs de résultats, le programme « Passifs financiers miniers » fera l'objet d'une préfiguration en 2005 sur un chapitre globalisé doté de plus de 654 millions.

Plus fondamentalement, mon ministère est engagé dans un véritable mouvement de réforme de l'Etat. La gestion des contrôles de véhicules est en cours d'externalisation ; l'appel d'offre lancé en juin 2004 a été un succès et cette opération devrait rapporter à l'Etat 53,8 millions. Le ministère se recentre désormais sur son rôle de régulateur et de normalisateur. Je tiens à saluer le dévouement et le sens de l'Etat des 700 agents des DRIRE qui sont impliqués dans cette réforme exemplaire et qui peuvent être assurés de mon soutien.

Je conviens, Monsieur Novelli, qu'il faut renforcer les synergies avec l'ANVAR, ce qui sera d'autant plus facile lorsque les DRIRE seront rattachés aux pôles économiques. Précisément, le Gouvernement a engagé une réforme de l'administration en régions en regroupant les services par « pôles ». Les DRIRE seront intégrées aux pôles économiques mais elles participeront à une expérimentation de rapprochement avec les DIREN au sein des pôles environnement. Ce double rattachement des DRIRE aux activités économiques et aux activités de contrôle de l'environnement consacre leur double mission et leur vocation à être l'interlocuteur privilégié des entreprises industrielles de toute nature, qu'il s'agisse des contrôles réglementaires ou de leur développement. Je tiens également à saluer l'effort des agents des DRIRE qui doivent dans les années à venir réussir la synthèse essentielle entre ces deux missions en apparence si dissemblables.

Enfin, l'Etat a engagé une réforme en profondeur des grands opérateurs publics dont il a la tutelle. Concernant EDF, Monsieur Micaux, j'ai bien noté votre souci de préservation et d'amélioration de la qualité du réseau de distribution, souci que nous partageons : la loi du 9 août a ainsi prévu un contrat de service public entre l'Etat et EDF comprenant notamment un objectif ambitieux d'enfouissement des lignes électriques. J'atténue la critique adressée à cette entreprise sur le bilan du contrat de 2001-2003 : il est vrai que l'objectif de 8 000 kilomètres de lignes n'a pas été respecté intégralement, mais il l'a été à 70% avec, c'est exact, de fortes disparités selon les départements.

La modernisation de La Poste est en cours. A partir de 2006, celle-ci pourra bénéficier de l'exonération de charges sociales sur les bas salaires. Le coût budgétaire est significatif, de l'ordre de 230 millions, mais il s'agit d'un progrès important. De plus, le contrat de plan reconduit le dispositif de compensation relatif aux retraites des employés fonctionnaires de La Poste. Après dix-huit mois de travaux intenses, la mission confiée à M. Henri Paul sur le transport de la presse par La Poste a permis d'aboutir à la signature en juillet 2004 d'un accord couvrant la période 2005-2008, accord qui prévoit en particulier que le secteur de la presse continue à bénéficier de tarifs préférentiels pour son transport et sa distribution. Le projet de loi sur la régulation des activités postales transpose la directive européenne de mai 2002 et complète la transposition de la directive de 1997 en créant un régulateur postal français indépendant, dont l'absence a justifié l'avis motivé adressé à la France par la Commission. Il nous faut rattraper un retard qui pourrait nous conduire devant la Cour de justice.

Plus largement, l'ouverture progressive des marchés du courrier nécessite de moderniser la législation française en créant un cadre d'exercice pour les acteurs du secteur postal et en instituant un régulateur indépendant.

Le débat actuel sur la présence de la Poste sur le territoire conforte le Gouvernement dans sa volonté de donner la priorité à la modernisation du secteur postal, et l'Assemblée nationale devrait pouvoir examiner son projet de loi dès janvier. En ce qui concerne le fonds postal, il est financé par l'abattement dont bénéficie la Poste sur les taxes locales, qui produit 150 millions. Je rappelle également que la Poste est soumise depuis le 1er janvier 2003 à une concurrence absolue au-delà de 100 grammes. Il lui faut donc être compétitive. Je conviens que la recherche de productivité coûte des emplois, mais le manque de compétitivité en coûte encore plus !

En ce qui concerne les zones blanches, nous avons en effet du retard. La recherche de sites pour les pylônes prend de six à douze mois, et peut être retardée par des associations d'usagers ou de protection de l'environnement.

M. Jean Dionis du Séjour - Ce ne sont pas les seules raisons !

M. le Ministre délégué - Les retards peuvent également se produire au niveau des délibérations des collectivités locales, et notamment des départements, ou dans les appels d'offre. Pour accélérer la passation des marchés publics, nous avons d'ailleurs demandé aux préfets de simplifier les procédures. Il n'y a aujourd'hui que quatre pylônes en service, notez que c'est quatre fois mieux que du temps du précédent gouvernement... (Sourires)

Le budget pour 2005 du ministère de l'industrie est donc économe, mais aussi offensif. Je rappelle aux jeteurs de sorts qu'avec 2,5% de croissance pour 2004, la France est le leader de la zone euro. Il faut croire que notre politique économique n'est pas si mauvaise. Certes, je ne me satisfais pas de ce taux et surtout pas des résultats de l'emploi, mais nous avons vu passer une petite hirondelle le mois dernier, avec une amélioration de 9 000 emplois. Enfin, M. Bataille s'est trompé : le chiffre l'investissement des entreprises est de plus 6%. C'est un résultat historique ! Nous conforterons cet espoir avec notre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

QUESTIONS

M. Christian Vanneste - Je voudrais vous faire part de l'inquiétude des élus de Roubaix et de Tourcoing quant aux modalités d'attribution des marchés d'habillement et d'équipement des forces de sécurité civiles et militaires, qui s'accordent actuellement au moins disant. Cette méthode simple et économique privilégie des articles fabriqués à l'étranger, dans des pays à bas coût de main-d'œuvre, et entraîne donc la disparition d'emplois français et des problèmes de sécurité d'approvisionnement, en raison de la distance et des risques d'action terroriste. Des critères plus nombreux et pondérés devraient être mis en place pour ce type d'articles, et un appel d'offre restreint garantirait un partenariat avec de véritables industriels.

A l'heure de l'élaboration d'un nouveau code de la commande publique, pourrait-on, sans contrevenir aux dispositions de l'accord de Marrakech portant création de l'Organisation mondiale du commerce, obtenir une dérogation concernant les commandes publiques, comme les Etats-Unis l'ont demandé ? Pourrait-on, comme M. Sarkozy l'a suggéré, affecter prioritairement une partie de la commande publique aux PME innovantes et aux bassins d'emplois en difficulté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Le textile est une des priorités du Gouvernement. Le groupe de haut niveau doit obtenir des instances européennes un assouplissement des règles. L'industrie de l'habillement emploie plus de cent mille personnes en France, et la commande publique y occupe une place importante. Le code des marchés publics n'oblige pas à choisir le moins disant. Son article 53 introduit la notion d'offre « économiquement » la plus avantageuse, il y a donc d'autres critères tels que le degré d'innovation ou les performances environnementales. Je compte sensibiliser les ministères les plus concernés à ces possibilités : je pense qu'il s'agit plus d'une question de pratique que de modification législative.

De manière plus générale, nous comptons favoriser l'accès des PME aux marchés publics. Des indicateurs de mesure montrant la part qu'elles prennent seront régulièrement publiés, permettant d'identifier les comportements des donneurs d'ordres. Nous allons également mettre en place un produit de financement pour aider les PME à obtenir leur premier chiffre d'affaires : bien souvent, ce n'est pas la qualité de la prestation, mais la jeunesse de l'entreprise qui fait hésiter le donneur d'ordres. Garantir des indemnités en cas de défaillance de la PME devrait faciliter les choses. Enfin, des dispositions importantes figurent dans la nouvelle directive européenne sur les marchés publics, qui seront transposées prochainement. Elles permettront d'apprécier la qualité d'une offre en fonction de la part de sous-traitance qu'elle ménage aux petites et moyennes entreprises. Cependant, c'est l'innovation qui restera primordiale. C'est pourquoi je vais relancer les travaux du réseau industriel d'innovation du textile et de l'habillement « R2ITH ». Le dispositif ambitieux des pôles de compétitivité permettra, lui aussi, d'aider le textile français à se tourner vers le futur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Desallangre - Ma question sera celle de Mme Fraysse. En 2004, les responsables de la Poste ont cloisonné les services en trois branches : courrier et colis, services financiers et réseau grand public. Les résultats de l'entreprise sont spectaculaires : ils progressent de 4% par an, le chiffre d'affaires du courrier et celui de l'activité « express » augmentent de 6,7%, les colis sont un produit à haute valeur ajoutée et les services financiers développent un produit net de 2 milliards... Serait-ce un miracle économique ? En fait, il s'agit plutôt d'un « contrôle » des coûts des branches, qui se traduit par une pression sur les effectifs et la réduction des agences et des services rendus... La mise en place des 35 heures avait déjà coûté 10 000 équivalents temps plein. Le pouvoir d'achat des postiers a perdu 15% en dix ans et les emplois précaires concernent plus du tiers des effectifs. Quand on sait que 90% des contractuels ne gagnent que 1 200 euros par mois et que le nouveau PDG projette de réduire la masse salariale de 20 à 30% d'ici dix ans, on comprend où se nichent les résultats financiers ! Et la nouvelle réforme vise à remplacer les 17 000 bureaux actuels par 6 000 à 9 000 points poste, délivrant des services au rabais, et à faire passer de 130 à 50 le nombre des centres de tri. On en mesurera l'impact dans les zones rurales ou les zones urbaines sensibles. Au total, plus de 70 000 emplois seront supprimés sur les 240 000 que la Poste compte actuellement.

Cette stratégie conduit à la réduction des horaires d'ouverture et des services offerts à la population. Au bureau de Nanterre-Picasso, qui souffre de sous-effectif chronique, souligne Mme Fraysse, on ne fait plus d'opérations bancaires lorsqu'il n'y a qu'un seul guichetier. A Sèvres, le responsable renonce à approvisionner son bureau en timbres-poste, pour que les guichetiers puissent se concentrer sur les opérations financières. A Orly-Rungis, on ferme le samedi après-midi pour pouvoir répondre aux besoins des commerçants en semaine. De nombreux quartiers n'ont pas de facteur et on renonce de plus en plus communément à la seconde tournée. Puisque la Poste est encore qualifiée de service public, comment comptez-vous assurer sa mission de service public ?

M. le Ministre délégué - Je crois au contraire que la Poste a considérablement amélioré le service public, en même temps qu'elle gagnait en productivité. Il y a trois ans, le taux d'arrivée du courrier au jour J + 1 était de 69%. Aujourd'hui, il est de 80% !

M. Jacques Desallangre - Mais il faut l'avoir posté à 13 heures au lieu de 18 heures !

M. le Ministre délégué - Non, l'indicateur est resté constant.

On prend la mesure de ces progrès quand on visite les nouvelles installations, par exemple le nouveau centre de tri de Paris Nord, d'une modernité et d'une efficacité exceptionnelles, uniques en Europe. C'est cela, l'avenir de La Poste. Et tout cela enrichit le métier de postier, en fait quelque chose de plus en plus technique, qui requiert de plus en plus de formation.

Il est donc totalement inexact de dire que les gains de productivité sont en contradiction avec le service public. Au contraire, ils l'améliorent. De toute façon, pour les lettres de plus de 100 grammes, La Poste est déjà confrontée à une concurrence considérable. Comment pouvez-vous lui reprocher de faire des gains de productivité, alors que ceux-ci sont la condition de sa survie et de son développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Paul - Je vous rappelle tout de même que les députés communistes se sont toujours prononcés contre les directives européennes qui ont créé de la concurrence dans des secteurs comme celui de la poste. La coopération eût été préférable à la mise en concurrence.

M. le Ministre délégué - Ne confondez pas l'Union européenne avec le Pacte de Varsovie !

M. Daniel Paul - Il est de plus en plus question de filialiser les activités financières de La Poste via la création d'un établissement de crédit postal, dont l'autonomie par rapport à la maison mère serait plus étendue que celle de l'actuelle filiale Efiposte.

La volonté de La Poste d'être en mesure de proposer des prêts à la consommation ne justifie aucunement la création d'un tel établissement, puisqu'un simple décret permettrait de lever l'interdiction actuelle. Les directives européennes ne le justifient pas davantage, celles-ci portant sur la libéralisation du secteur courrier.

Les services financiers de La Poste ont fait leurs preuves. N'oublions pas en outre que les fonds collectés ont alimenté les prêts aux collectivités locales et bien été utiles aux offices HLM. Ces services, qui ont contribué et qui contribuent encore au développement économique et social du pays, ont vocation à perdurer. Pourquoi donc filialiser le secteur financier et ouvrir, comme l'a proposé un amendement gouvernemental au Sénat, le capital de la filiale ?

Filialiser les activités financières de La Poste, c'est inscrire l'entreprise dans une logique de séparation en centres de profits et centres de proximité, telle que l'a réalisée la poste allemande, au détriment bien sûr des seconds. Ce que cette filialisation prépare en fait, c'est l'éclatement de l'unité de La Poste et la restructuration du réseau. En séparant les activités, on fera baisser l'activité aux guichets pour mieux justifier ensuite la fermeture de nombre d'entre eux.

Que comptez-vous donc faire, Monsieur le ministre, pour enrayer ce processus ?

M. le Ministre délégué - La Poste a dix millions de clients dans le domaine des services financiers. Pour mieux répondre à leur attente, il lui est indispensable d'élargir la gamme des produits proposés, en particulier en proposant des crédits immobiliers sans épargne préalable. Mais le développement de ces services doit naturellement se faire dans un cadre qui respecte les règles du droit commun, notamment en matière prudentielle et concurrentielle.

Aujourd'hui, les services financiers de La Poste s'exercent au sein de l'établissement public dans des conditions particulières, puisqu'ils ne sont pas complètement assujettis à la réglementation bancaire, situation que les banques ont d'ailleurs maintes fois dénoncée comme une concurrence déloyale. Le fait qu'un établissement détenant 9% de parts de marché puisse opérer dans des conditions différentes de celles des autres acteurs constitue, il est vrai, une situation anormale.

C'est pourquoi il est prévu de mettre en place, en 2005, un Etablissement de crédit postal. La modification législative à cet effet figure dans le projet de loi sur la régulation postale que le Sénat a déjà adopté en première lecture. La création de cet établissement ne marque nullement un début de privatisation de La Poste. Celui-ci sera en effet détenu par La Poste, comme l'est aujourd'hui Efiposte, la filiale qui gère depuis cinq ans les dépôts des comptes CCP.

Il va de soi que les produits et services financiers continueront à être commercialisés par les bureaux de poste. Naturellement, le Gouvernement sera vigilant sur les conditions de rémunération du réseau de La Poste par l'établissement de crédit. Enfin, je vous indique que les personnels des services financiers demeureront employés par La Poste. Seules quelques personnes du siège devraient rejoindre l'ECP.

L'évolution en cours est analogue à celle qui est en cours en Europe, que ce soit en Allemagne, où la Postbank a été transformée, en septembre 1995, en société anonyme de droit privé, ou aux Pays-Bas, avec l'alliance avec ING. Nous sommes donc bien dans le modèle européen.

M. Daniel Paul - Hélas !

M. le Ministre délégué - Le choix de l'Europe a été fait en 1957, Monsieur Paul ! Vous avez cinquante ans de retard.

M. Jacques Desallangre - Le Gouvernement a accueilli avec enthousiasme le projet de fusion entre la SAGEM et la SNECMA. Nous ne partageons pas ce sentiment. Préparé dans le plus grand secret, ce projet semble en effet guidé par un autre souci que celui de la cohérence industrielle.

La SNECMA est un groupe cohérent sur le plan industriel, doté de filiales bien structurées et bénéficiaires. Son activité, orientée autour de l'aviation civile et militaire, est en décalage avec celle de la SAGEM, concentrée sur la téléphonie et l'électronique de communication. Le bénéfice industriel de cette opération pour le pays et pour les salariés n'est donc pas évident.

Cette fusion a plutôt pour but de réduire immédiatement les coûts, avec les conséquences sociales que l'on sait. Une fusion crée en effet rarement des emplois... Que deviendront par exemple les 900 salariés de l'entreprise Hispano-Suiza ?

Ce projet de mariage de la carpe et du lapin nous fait craindre la constitution d'une holding financière tournée essentiellement vers la création de plus-values financières. Or, nous savons qu'une holding obéissant aux fluctuations des cours n'hésite pas une seconde à sacrifier l'emploi.

De plus, les activités de la SNECMA intéressent l'indépendance nationale. Or, la fusion avec la SAGEM fera que demain l'Etat ne détiendra plus que 35% du capital de l'ensemble, alors qu'il détenait 62% de celui de la SNECMA. La fusion envisagée, qui apporte la dernière main à la privatisation de la SNECMA, outre qu'elle brade l'un de nos fleurons technologiques, porte gravement atteinte aux intérêts stratégiques de notre pays.

Comment comptez-vous donc garantir le contrôle public des stratégies industrielles dans ce domaine clé ?

M. le Ministre délégué - Je pense que les industriels sont capables d'imaginer par eux-mêmes leur destin et lorsque deux entreprises décident de s'associer, j'ai tendance à croire davantage à leur projet que si c'est mon propre ministère qui l'a imaginé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Vous dites que c'est le mariage de la carpe et du lapin. Cela me paraît relever d'une vision à courte vue, car aujourd'hui, dans l'aéronautique, on emploie de plus en plus l'informatique et l'électronique. L'exemple de Dassault Aviation et de Dassault Systèmes le montre bien. Je fais donc confiance aux gens du métier.

Ce projet permettra d'avoir un potentiel de 14 000 personnes affectées à la recherche, ce qui aura certainement des effets très positifs. Vous me dites aussi que l'Etat n'aura plus que 35% du nouvel ensemble et vous parlez de privatisation rampante. D'abord, je récuse le qualificatif de « rampante », car nous assumons ce que nous faisons ! Et surtout je préfère avoir 35% d'une bonne affaire pleine d'avenir que 62% d'une entreprise qui garderait ses deux pieds dans le même sabot et qui ne saurait pas imaginer son avenir ! Enfin, je vous rassure : s'agissant d'aéronautique et d'électronique, il y aura des commandes d'Etat.

M. Daniel Paul - Géoposte regroupe les activités colis de l'entreprise publique La Poste, laquelle poursuit une politique d'extension européenne et mondiale coûteuse et éloignée de ses missions de service public. Depuis 1998, elle a ainsi acquis 85% de l'opérateur allemand DPD, racheté Interlink et Parceline au Royaume-Uni, etc. Cette politique d'extension se poursuit aujourd'hui sur l'Espagne, chez TatExpress et Corréos. Les besoins en développement sont particulièrement coûteux pour La Poste, qui puise dans ses fonds propres.

Qu'en est-il des conséquences de cette stratégie d'extension à l'étranger et de l'endettement qui s'ensuit? D'un côté, on constate une forte augmentation des tarifs pour les utilisateurs hors grands comptes. Géoposte s'éloigne donc du respect de l'égalité de traitement. De l'autre, cette politique de fusions, d'acquisitions et de croissance externe a de graves implications sur l'emploi : elle a conduit à la fermeture de Dilipack, de DPD France, ainsi qu'à des licenciements chez TatExpress. Vous qui prétendez lutter contre le chômage, que comptez-vous faire pour contrer cette gestion purement financière de l'activité colis ?

J'ajoute que ces restructurations ont aussi des effets sur les garanties collectives des personnels. En effet, sur 24 000 salariés de l'activité colis, 18 500 d'entre eux ne disposent que de garanties inférieures à celles offertes par le statut de la fonction publique ou de la convention commune. La Poste concourt donc à la précarité accrue des salariés. Par sa politique d'extension à l'étranger, elle participe en outre à la généralisation de la sous-traitance et du dumping social.

La croissance externe de Géoposte amène la maison mère à se vider de sa substance pour nourrir une filiale au développement hasardeux et réduire sa responsabilité sociale à l'égard de ses usagers comme de ses agents. J'ai le sentiment de revivre la commission qui a étudié il y a quelques années la façon de procéder d'EDF dans ses investissements en Amérique du Sud, en puisant dans ses fonds propres - après quoi on vient aujourd'hui nous dire que, faute de fonds propres, il faut ouvrir le capital d'EDF ! La Poste contribue ainsi au démantèlement du réseau national avec la fermeture de guichets et la transformation de bureaux, au mépris des attentes des citoyens.

Quelles mesures comptez-vous prendre, Monsieur le ministre, pour maintenir la participation de la Poste au développement économique et social de nos territoires, lutter contre la précarisation de l'emploi et permettre le développement d'une Europe axée non pas sur le principe de la concurrence entre ses entreprises, mais sur la coopération entre ses opérateurs historiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Ministre délégué - Tout d'abord, je veux souligner - pour en féliciter sa direction - la qualité de la politique sociale de la Poste, car elle a signé hier un accord cadre, y compris avec la CGT... Cet accord transforme en CDI dix mille CDD, et prévoit une prime de 300 euros sur deux ans. Les gains de productivité tant stigmatisés tout à l'heure vont cette fois profiter aux employés de la Poste. Il faut cesser de vouer aux gémonies la direction de la Poste !

Quant à l'international, je vous rappelle que la poste allemande a racheté DHL. N'oubliez pas que nous sommes plongés dans une compétition locale, régionale, nationale et internationale ! Pour les colis, la concurrence est totale. La Poste allemande est très menaçante par son dynamisme. Elle a acheté DHL, le plus gros opérateur sur le marché. Et vous voudriez que nous restions l'arme au pied ? Je ne peux le croire. Notre stratégie consiste effectivement à permettre à la Poste de devenir un acteur européen important dans le cadre de l'ouverture à la concurrence. Dans le métier du transport de colis, marché déjà très concurrentiel, elle a su agir judicieusement ces dernières années. Je rappelle que sa situation financière était très difficile, et qu'elle a été très fortement recapitalisée sous le gouvernement précédent - qui a bien fait, je ne crains pas de le dire. La direction de la Poste a su profiter des circonstances, et aujourd'hui Géoposte a trouvé les moyens de son développement et n'a plus besoin de faire appel à l'actionnaire.

Cette politique nous permet d'être présents en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne, en Belgique, en Pologne, dans les Etats baltes et en Russie. Dans d'autres pays la Poste a noué des partenariats commerciaux, souvent avec des postes locales, mais aussi avec FedEx pour les relations transatlantiques et asiatiques. Après cette phase d'acquisition, la Poste procède aujourd'hui à une intégration marketing et logistique des réseaux pour homogénéiser son offre. Pour l'activité courrier, elle travaille à rattraper d'ici 2009 - date envisagée par la Commission pour la libéralisation du courrier - le niveau des ses meilleurs concurrents européens. Notre politique, c'est de lui permettre de faire face à ses concurrents, et c'est ainsi que nous allons, non seulement sauver, mais développer l'emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Dionis du Séjour - Monsieur le ministre, le discours officiel sur l'industrie pharmaceutique est souvent rassurant. On nous dit qu'elle est un modèle en matière de recherche et développement ; qu'elle est au premier rang européen pour la production ; qu'elle a donné naissance à un géant mondial de nationalité française avec la fusion de Sanofi et d'Aventis. Ce discours optimiste contient certes une part de vérité. Certes, cette industrie a un énorme potentiel de croissance et, industrie à très haute technicité, elle est stratégique pour la France.

Pourtant un rapport, demandé par votre ministère à M. Antoine Masson et intitulé « Renforcer l'attractivité de la France pour l'industrie pharmaceutique innovante », nous alerte, affirmant que la France a décroché par rapport à l'évolution des dépenses de recherche et développement des entreprises pharmaceutiques. Cette situation aurait deux causes : l'accentuation du développement des entreprises pharmaceutiques françaises vers l'étranger, et un désintérêt croissant des entreprises étrangères pour la France. Je suis l'élu d'une circonscription où l'on a inventé et où l'on fabrique des comprimés d'aspirine effervescents. A Agen 1 500 emplois sont concernés.

Le rapport Masson préconise notamment la création d'une task force sur le modèle britannique -vous nous avez dit que ce comité fonctionne depuis six mois. Il préconise en outre quatre pistes. Tout d'abord, la création d'un fonds de cent millions d'euros par an finançant sur une base pluriannuelle des projets de partenariat public-privé avec une contribution des industriels. Ensuite, l'engagement d'une négociation avec l'industrie pharmaceutique en vue d'intégrer dans la convention avec l'Etat sur les achats de médicaments par la sécurité sociale des engagements visant à accroître l'investissement des industriels dans la recherche développement. En troisième lieu, l'établissement, en coopération entre l'Etat et l'industrie, d'une liste des obstacles administratifs, structurels et organisationnels au développement de partenariats entre la recherche publique et l'industrie pharmaceutique, préliminaire à la levée de ces obstacles. Enfin, l'établissement en collaboration entre l'Etat, l'industrie pharmaceutique et les sociétés de services d'une liste de dispositions propres à rendre la France plus attractive pour les essais cliniques, qui pèsent plus de la moitié des crédits de recherche et développement. Quelles sont, Monsieur le ministre, vos intentions face à ces propositions ?

M. le Ministre délégué - Vos questions sont judicieuses, et le rapport de M. Masson est précisément la raison pour laquelle le Premier Ministre a constitué ce comité stratégique. Celui-ci ne s'est pas constitué il y a six mois, mais il y a moins d'un mois, et doit rendre ses conclusions sous six mois. Les questions que vous posez sont en effet au cœur de sa réflexion. Prenons par exemple vos troisième et quatrième points : le comité travaille déjà là-dessus. L'établissement de la liste des obstacles est aujourd'hui en cours, de même que l'élaboration d'une liste de mesures pour rendre la France plus attractive pour les essais cliniques. Ce point est très important, et Pasteur a une approche intéressante à ce sujet, comme d'ailleurs Mérieux. Mais plus largement il y aura bientôt une proposition dans ce domaine.

J'en viens aux deux premières questions. Un fonds de 100 millions d'euros annuels ? Nous nous battons pour cela à Bruxelles.

M. Jean Dionis du Séjour - Certains pays l'ont déjà fait.

M. le Ministre délégué - Mais je ne suis pas sûr qu'ils l'aient fait très régulièrement, et ce genre de démarche finit toujours par se retourner contre ses auteurs. Nous n'entendons pas agir clandestinement par rapport à Bruxelles. La France n'est pas la Grèce socialiste qui triche avec l'Union européenne...

Sur le deuxième point, les choses sont complexes, mais nous portons ce sujet aussi à Bruxelles, et je crois la Commission consciente de la nécessité de localiser la recherche fondamentale sur le territoire européen. Il y a en effet un risque très préoccupant de fuite vers les Etats-Unis. Quand on sait que les dépenses médicales sont sans doute appelées à doubler tous les dix ans, on mesure l'enjeu. Cent dix mille emplois sont concernés.

M. le Président - Les crédits inscrits à la ligne « Économie, finances et industrie » seront mis aux voix à la suite de l'examen des crédits des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat.

La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu lundi 8 novembre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU LUNDI 8 NOVEMBRE 2004

A NEUF HEURES TRENTE - 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800).

    Rapport (n° 1863) de M. Gilles CARREZ, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Agriculture, pêche et forêt ; articles 71 et 72

- Agriculture

    Rapport spécial (n° 1863 annexe 9) de M. Alain MARLEIX, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

    Avis (n° 1865 tome 3) de M. Antoine HERTH, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

- Forêt

    Rapport spécial (n° 1863 annexe 10) de M. Pascal TERRASSE, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

- Pêche

    Avis (n° 1865 tome 4) de M. Aimé KERGUERIS, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

A QUINZE HEURES - 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800).

Enseignement supérieur

    Rapport spécial (n° 1863 annexe 29) de M. Michel BOUVARD, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

    Avis (n° 1864 tome 9) de Mme Corinne MARCHAL-TARNUS, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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