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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 25ème jour de séance, 59ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 17 NOVEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE 2

PENSIONS DE RÉVERSION 2

PAUVRETÉ 3

LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE 4

FISCALITE LOCALE 4

FONCIER MOBILISABLE EN ÎLE-DE-FRANCE 5

CHÔMAGE 5

PROTECTION DE L'ENFANCE AU NIVEAU EUROPÉEN 6

CANDIDATURE DE PARIS AUX JEUX OLYMPIQUES 7

FISCALITÉ DES PRODUITS PÉTROLIERS 7

EXPLOITATION SEXUELLE DES ENFANTS 8

PRIX DES APPELS DES TÉLÉPHONES FIXES
VERS LES MOBILES 9

REPRÉSENTATION SYNDICALE À LA GUADELOUPE 10

LOI DE FINANCES POUR 2005
-deuxième partie- (suite) 10

EMPLOI, TRAVAIL, COHÉSION SOCIALE ET ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE 10

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président - Le Premier ministre m'a fait savoir qu'il ne pouvait assister à la séance en raison d'engagements internationaux.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. Michel Vergnier - En Creuse et dans d'autres départements, de nombreux élus de toutes tendances, soutenus par les populations, ainsi que par des forces syndicales ou associatives, ont démissionné ou menacent de le faire. Tous ont le sentiment d'une profonde injustice. Lors du congrès des maires de France, qui se tient en ce moment, de nombreuses voix s'élèvent pour protester contre des décisions de fermetures de services publics prises sans aucune concertation.

Les élus, fiers de leur mandat, ne démissionnent pas par plaisir : leur geste est grave et ils ont été choqués de se voir accusés de manipulation. Nous travaillons tous pour le développement de nos territoires avec l'ensemble de nos partenaires : départements, régions, Etat, Europe. Tout manquement à la parole, tout engagement non respecté a de lourdes conséquences.

Le monde rural a le sentiment d'être abandonné. Nous n'acceptons pas que des décisions comptables oblitèrent nos choix. Nous ne refusons pas le dialogue mais nous souhaitons que la solidarité que nous avons si souvent manifestée ne soit pas à sens unique. Nous voulons que la République assure l'égalité des citoyens sur des territoires vivants et attractifs. Nous préfèrerions dépenser plus d'énergie à construire qu'à nous défendre. Quelle est la réponse du Gouvernement aux inquiétudes des élus de la Creuse et, plus généralement, des élus ruraux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Personne ne peut se satisfaire de la désertification des campagnes et du départ progressif de certains services publics. C'est ensemble que nous devons réagir, car rien ne sera possible sans concertation. Le Premier ministre a ainsi annoncé, lors du congrès des maires de France, la réunion prochaine de la conférence nationale des services publics en milieux ruraux. Nous en attendons des idées innovantes qui ont déjà fait leurs preuves en milieu urbain comme le regroupement des services publics, la polyvalence des personnels et l'introduction des technologies modernes. J'ajoute que l'annonce de la relance des contrats de plan constitue déjà un premier élément de réponse qui témoigne de l'intérêt que le Gouvernement porte au milieu rural. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PENSIONS DE RÉVERSION

M. Pierre-Christophe Baguet - Suite à la réforme des retraites, le ministre de la santé a signé un décret qui modifie le régime de pension de réversion des veufs et des veuves. L'UDF, et notamment Jean-Luc Préel, a alerté le Gouvernement sur les conséquences dommageables de ce décret. Face à l'indignation générale, vous avez saisi le COR, qui vient de rendre son avis et vous demande de rétablir un minimum de justice pour des milliers de nos concitoyens.

Néanmoins, les propositions du COR ne concernent pas les jeunes veuves alors que, pour elles, la suppression à partir de 2007 du versement du minimum veuvage est vécue comme une nouvelle injustice, et cela d'autant plus que tous les salariés continuent de payer la cotisation à l'assurance veuvage. La presse assure que vous seriez prêt à abroger ce décret. Quelles sont vos intentions précises ? Prendrez-vous un nouveau décret ? Si oui, quand, et quel en sera le contenu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Douste-Blazy, retenu au Sénat pour l'examen du PLFSS.

Le Gouvernement a constaté l'émotion qu'a suscitée le décret lié à l'application de l'article 31 de la loi portant réforme des retraites et a décidé de le suspendre. Il a de plus demandé au Conseil d'orientation des retraites de faire des propositions et en a reçu trois - je tiens à ce propos à souligner l'implication personnelle de sa présidente, Mme Moreau. D'abord, à partir de 60 ans ou au moment de la liquidation de la retraite, il ne devrait plus y avoir de modification de la pension de réversion. Ensuite, la part complémentaire de la réversion, les revenus du patrimoine, l'épargne retraite et les primes des contrats de prévoyance devraient être retirés du calcul du plafond de ressources. Enfin, il faudrait continuer à abaisser l'âge pour bénéficier de la pension de réversion, mais à un rythme plus lent.

Le Premier ministre a demandé que M. Douste-Blazy et moi-même rencontrions l'ensemble des partenaires sociaux la semaine prochaine : vous constaterez alors combien le Gouvernement considère les pensions de réversion comme un élément essentiel de la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PAUVRETÉ

M. Jean-Claude Sandrier - La pauvreté et les inégalités s'aggravent. Nous avons appris l'an dernier que le nombre d'enfants vivants sous le seuil de pauvreté était de deux millions. Le nombre de familles surendettées et de RMistes ne cesse de croître. Hier, un rapport du Secours catholique a confirmé que le nombre de personnes accueillies, après avoir augmenté de 2,3% en 2003, a augmenté encore de 0,5% cette année. Les chiffres sont encore plus élevés dans les structures comme le Secours populaire et les Restos du cœur. Le Secours catholique déclare qu'il est urgent « d'arrêter la spirale des emplois qui produisent de la pauvreté, conséquence d'une société de plus en plus libérale et américanisée ». C'est précisément cette société que vous affectionnez. Vous prétendez vouloir valoriser le travail, mais ce rapport démontre le contraire.

En réalité, vous n'avez de cesse d'abaisser le coût du travail pour mieux assurer une hausse des dividendes de 15% à 20%. A cela s'ajoute l'augmentation du prix du fuel, du gaz, de l'électricité, du timbre-poste, des transports... alors que la masse salariale stagne (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Face à une telle régression sociale, de nombreux maires prennent des arrêtés pour empêcher les expulsions ou les coupures d'eau et d'électricité, mesures moyenâgeuses. Or, vous déployez beaucoup d'énergie à faire annuler ces arrêtés, mais votre imagination est sans limite pour vider de sa substance l'impôt sur la fortune (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP). Votre capitulation devant les marchés financiers ne nous laisse que peu d'espoir : vous n'avez pas la volonté de chercher les moyens nécessaires pour faire reculer la pauvreté et les inégalités dans notre pays (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP). Si toutefois tel n'était plus le cas, nous sommes impatients d'entendre votre réponse (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains ; brouhaha persistant sur les bancs du groupe UMP).

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion - Votre intervention est pour le moins surprenante car nul ne saurait se réjouir de la précarité et de la pauvreté, qui progressent dans notre pays depuis des années. (Vives protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Le plan de cohésion sociale comporte de nombreuses mesures en faveur des personnes les plus exclues de notre société. Nous allons remettre au travail celles d'entre elles qui le peuvent, avec des contrats qui leur serviront de passerelles vers des emplois durables. Nous allons prendre à bras-le-corps le problème du logement, car on ne saurait redonner leur dignité aux personnes sans logement. Mais force est de constater qu'en ce domaine, la pire année aura bien été 1999 où, alors que vos amis socialistes étaient au pouvoir, on n'a construit que 99 000 logements. Enfin, nous soutenons au quotidien les associations comme le Secours catholique, le Secours populaire ou les Restos du cœur. Même si bien sûr beaucoup reste à faire, celles-ci sont particulièrement heureuses de pouvoir compter sur un Gouvernement auquel le Président de la République a fixé comme priorité la lutte contre l'exclusion et la précarité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE

M. Franck Gilard - Ce Gouvernement et sa majorité se sont attachés depuis deux ans à définir une véritable politique d'immigration en France, qui faisait défaut sous le gouvernement Jospin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Il est heureux qu'après tant d'années de laxisme, le tabou de l'immigration soit enfin levé dans notre pays. L'approche est désormais globale : lutte contre l'immigration clandestine, identification et répression des mafias, élaboration d'une politique d'intégration.

La lutte contre l'immigration clandestine commence à porter ses fruits : les interpellations de clandestins ne cessent d'augmenter depuis deux ans pour donner lieu aujourd'hui à quelque 12 000 reconduites à la frontière par an contre quelques centaines seulement du temps de M. Vaillant. En dépit de ces bons résultats, la situation exige, de la part des pouvoirs publics, une vigilance et une détermination sans faille. Une coopération internationale, en particulier avec nos voisins européens, s'impose. Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez rencontré hier à Calais votre homologue britannique. Deux ans après la fermeture du centre de Sangatte, comment notre pays entend-il renforcer sa coopération avec la Grande-Bretagne pour lutter plus efficacement contre l'immigration clandestine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Je rencontrais en effet hier à Calais mon homologue et ami, David Blunkett, pour marquer notre détermination commune à lutter contre l'immigration clandestine. Les résultats obtenus depuis deux ans sont excellents : je le dis ici d'autant plus volontiers devant Nicolas Sarkozy, qui a marqué de tout son poids ce combat difficile (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP). Dans le Calaisis, le nombre de clandestins a fortement diminué, puisque l'on n'en interpelle plus aujourd'hui que cent par jour, contre deux mille il y a deux ans (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Plus de quatre cents passeurs ont également été interpellés depuis lors. Les bureaux de contrôle nationaux juxtaposés, ouverts à Calais, Douvres, Dunkerque et Boulogne, fonctionnent parfaitement.

Il faut bien entendu aller plus loin. Nous allons notamment déployer de nouveaux moyens techniques, détecteurs de battements cardiaques ou d'émanations de gaz carbonique. Mais un clandestin, c'est d'abord un homme ou une femme victime d'un trafic scandaleux. Nous avons donc le devoir de démanteler les filières d'immigration. C'est pourquoi, avec nos amis britanniques, nous organisons des vols groupés pour reconduire les clandestins, nous augmentons le nombre des officiers de liaison, qui interviennent dans les pays d'origine comme dans les pays de transit, et le nombre d'équipes d'enquête communes, intervenant sous le contrôle de la justice. Nous agissons avec détermination, humanité et responsabilité. Je suis d'ailleurs heureux de constater que tous les élus de cette région, de droite comme de gauche, soutiennent notre politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

FISCALITE LOCALE

M. Pierre Méhaignerie - Monsieur le ministre chargé des collectivités locales, beaucoup d'élus locaux n'ont pas augmenté les impôts locaux en 2004 et n'envisagent pas davantage de le faire en 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) On assiste cependant, depuis quelques semaines, à une campagne organisée, méthodique, mensongère, à propos de l'augmentation de la fiscalité locale. (Même mouvement) Cela inquiète nos concitoyens, et n'est pas sans conséquence sur l'évolution de la confiance ni de la consommation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Dans ce contexte, les élus locaux ont besoin d'être rassurés et nos concitoyens éclairés. Le Gouvernement peut-il s'engager à organiser dans chaque région un débat sur l'évolution comparée des transferts de l'Etat vers les collectivités locales ? Dans un souci de transparence, le Gouvernement est-il décidé à publier régulièrement, dans chaque département, l'évolution des taux des différentes collectivités afin que chacun assume ses propres responsabilités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - Ma réponse est oui, naturellement, car la seule manière de répondre à la désinformation, ce sont les faits. En voici un : en 2003, les quatre régions qui avaient les taux les plus élevés étaient quatre régions de gauche, tandis que les quatre régions qui avaient les taux les plus bas étaient quatre régions de droite. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je propose donc de mettre à la disposition de l'ensemble de l'Assemblée - et de tous les Français - les documents dont vous aurez besoin pour pointer de façon très précise l'évolution de la fiscalité locale. Cela permettra à chacun de voir la réalité des faits et de mesurer quelles sont les causes des hausses d'impôts. Nous verrons alors que l'essentiel de celles-ci ne sont pas dues à la décentralisation, qui est financée par les dotations d'Etat, mais tout simplement au financement de promesses électorales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

FONCIER MOBILISABLE EN ÎLE-DE-FRANCE

M. Roger Boullonnois - Monsieur le ministre de l'équipement, un rapport que vous aviez commandé il y a un an indique que votre ministère et ses établissements publics sont propriétaires, en Ile-de-France, de trois millions de mètres carrés de terrains dont ils n'ont plus l'utilité.

Or, les experts estiment les besoins à 53 000 nouveaux logements par an, et il faut bien voir que la sous-construction de logements qui a prévalu pendant les années Jospin a un impact très négatif sur les conditions de vie des Franciliens, qui ont de plus en plus de mal à se loger, et sur la capacité de l'Ile-de-France à attirer des entreprises et des emplois. Comment pourrons-nous convaincre les responsables d'une entreprise étrangère d'implanter leur centre de recherches ou leur siège européen en Ile-de-France s'ils savent que leurs collaborateurs ne pourront pas se loger à proximité à un coût raisonnable ?

Paris est pour le moment classée comme la deuxième métropole la plus attractive d'Europe. Pourra-t-elle le rester longtemps ?

Où en êtes-vous donc, Monsieur le ministre, de cette mobilisation du foncier public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Le ministère de l'équipement et les entreprises publiques dont il a la tutelle sont probablement le plus gros propriétaire foncier en Ile-de-France. Le rapport qui m'a été remis en juillet à ce sujet fait état de neuf millions de mètres carrés qui « dormaient » et qui sont susceptibles d'accueillir des entreprises ou des logements. En octobre, j'ai constitué une équipe opérationnelle pour vendre ce foncier, et j'ai signé le 4 novembre un contrat avec Réseau ferré de France, la SNCF et la RATP, qui s'engagent tous les trois à vendre ces mètres carrés dans les meilleurs délais.

Cela représente un potentiel de 40 000 logements, qui pourront accueillir 100 000 personnes, soit à peu près la communauté d'agglomération de Meaux, que vous connaissez bien. Les élus savent donc maintenant sur quel potentiel ils peuvent compter, ils savent à qui s'adresser et peuvent donc monter les projets dont la population a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CHÔMAGE

M. Jean Le Garrec - Ma question s'adressait au Premier ministre. Celui-ci étant absent, je l'adresse avec un peu de malice au ministre d'Etat (Sourires sur les bancs du groupe socialiste).

Le Premier ministre a déclaré ces jours-ci que le chômage baisserait en 2005 d'une façon durable et continue. Il a même précisé qu'il baisserait de 10% ! Plusieurs raisons nous en font douter. La première est que la croissance est en panne. Le pouvoir d'achat fait du sur-place, les entreprises rechignent à investir et les prélèvements sont en augmentation de six milliards d'euros, pour ne citer que quelques éléments du tableau. La seconde est que vous n'avez pas de politique de l'emploi. Ce Gouvernement a en effet passé son temps à casser tous les outils que nous avions créés - TRACE, par exemple - pour les remplacer par des dispositifs qui ne marchent pas, qu'il s'agisse de Civis ou du RMA. Vous avez détruit, vous n'avez rien reconstruit ! La troisième raison est que le plan de cohésion de M. Borloo est un mélange complexe de mesures inachevées, de renvois à des décrets ultérieurs, de constructions virtuelles... Le Conseil économique et social considère d'ailleurs qu'il sera totalement inefficace pour l'emploi (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Où en êtes-vous donc, Monsieur le ministre d'Etat ? A la méthode Coué, à l'autosatisfaction ou à la formule des Shadoks : « Quand on ne sait pas, on y va. Le problème est d'y aller le plus vite possible » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - L'UNEDIC nous a annoncé hier une baisse de 150 000 dans les chiffres du chômage. Quand on connaît la prudence de cet organisme par rapport à des comptes qu'il souhaite consolidés et garantis, on se dit que 60% du chemin sont déjà faits ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Si nous sommes capables de tenir la croissance à plus de 2% , si nous sommes capables ensemble - départements, régions, collectivités territoriales - de mettre en place les 285 000 contrats d'avenir, si nous sommes capables de mettre en place le RMA, alors nous ferons ensemble baisser le chômage, ce qui est d'intérêt national ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

PROTECTION DE L'ENFANCE AU NIVEAU EUROPÉEN

Mme Martine Aurillac - Depuis votre arrivée, Madame la ministre de la famille et de l'enfance, vous vous êtes attachée, à la suite de Christian Jacob, non seulement à rendre toute sa place à la famille, mais aussi à promouvoir l'accueil et la protection de l'enfance. Outre la création de la PAJE, vous avez engagé une action efficace contre la maltraitance, et une réforme de l'adoption internationale. Dans le même esprit, la Conférence de la famille 2005 s'intéressera aux familles fragiles, ainsi qu'aux enjeux démographiques. Le 20 novembre nous fêterons le quinzième anniversaire de la Convention des droits de l'enfant, que la France a été la première à ratifier en 1990. A l'heure où l'Europe s'élargit, la protection de ces droits ne peut se cantonner au cadre national. Quelles actions sont-elles entreprises pour développer les coopérations, et comment comptez-vous, dans ce domaine, faire entendre la voix de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance - Je vous remercie d'avoir souligné la détermination du Gouvernement à travailler à la protection de l'enfance, et rappelé les grandes lignes de notre politique. Certaines préoccupations touchant à l'enfance et à la famille concernent évidemment d'autres pays d'Europe : je pense aux dangers d'internet pour les enfants, à la séparation des couples binationaux, aux problèmes de l'adoption, aux enjeux démographiques... J'ai fait entendre la voix de la France en février devant les Nations unies, à Genève, lors du rapport quinquennal sur la Convention des droits de l'enfant, et le travail de notre pays pendant ces cinq dernières années a été unanimement salué.

En matière de coopération internationale, un travail est engagé avec l'Allemagne : je m'y rendrai le 2 décembre pour rencontrer mon homologue, Mme Renate Schmidt, et examiner avec elle les moyens de rendre compatibles, notamment pour les femmes, vie professionnelle et vie familiale. Je lui demanderai de mettre en place un groupe de contact permanent entre nos deux pays. Nous travaillons également sur la protection de l'enfance avec un pays sensible, la Roumanie.

Vous avez rappelé l'anniversaire de la Convention le 20 novembre : je réunirai à cette occasion tous les partenaires de la protection de l'enfance et de la famille, qu'ils soient publics, privés ou associatifs, avec lesquels j'entends travailler non seulement pour la protection de l'enfance, mais aussi pour mettre en évidence les cas de bien-traitance afin de développer un nouveau regard en cette matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CANDIDATURE DE PARIS AUX JEUX OLYMPIQUES

Mme Françoise de Panafieu - Monsieur le ministre de la jeunesse et des sports, nous avons franchi une étape dans la candidature de Paris aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2012, avec le dépôt du dossier de candidature auprès du Comité international olympique. Mais d'autres grandes villes - New York, Moscou, Londres, Madrid - sont sur la ligne de départ. Les résultats seront proclamés le 6 juillet. Je souhaite des précisions sur le calendrier des étapes qui nous attendent encore. Un enjeu majeur est en effet de faire en sorte que la France toute entière porte cette candidature. Et je peux témoigner, comme maire de l'arrondissement de Paris qui accueillera le village olympique, que la population se sent vraiment concernée. Comment amplifier encore ce mouvement ? Et quelles retombées attendre de ces jeux au plan local et national ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative - Nous avons vécu en effet le 15 novembre une étape importante, avec le dépôt du dossier de candidature, que le CIO va étudier de près. Ce dépôt clôt une période qui a permis de préciser des choix importants, comme l'installation du village dans votre arrondissement, à égale distance des deux noyaux nord et sud-ouest, de telle sorte que les athlètes n'auront jamais plus de quinze minutes de trajet. N'oublions pas d'autre part les équipements réalisés autour de Versailles, Satory, Saint-Quentin-en-Yvelines, Auvers-sur-Marne, La Rochelle, Lens et d'autres villes qui accueilleront les matches de football. Nous avons aussi vécu le temps de l'engagement : avec la ville de Paris et la région Ile-de-France, l'Etat s'est engagé à garantir la bonne organisation des jeux, ce qui représente quelque 4,1 milliards d'euros - élément qui concourra à convaincre le CIO.

Aujourd'hui, et jusqu'au 6 juillet, c'est le temps de la mobilisation : nous devons convaincre. Déjà 80% des Français sont avec nous pour cette candidature : il faut aller plus loin et faire en sorte que tous les Français accompagnent ce magnifique dossier. Non seulement parce que Paris vivra durant un mois des moments exceptionnels, mais aussi parce qu'on peut en attendre des retours sur investissement non négligeables. Ainsi quatre millions de Français supplémentaires pratiqueront le sport après les jeux, ce qui représente 20 000 emplois. Sept millions de touristes de plus viendront, non seulement en Ile-de-France, mais dans toute la France et cela représentera encore 20 000 emplois supplémentaires pour les accueillir. Et cinq milliards d'euros par an pendant dix ans ! Voilà une raison de plus pour nous mobiliser. Vous l'avez fait, Monsieur le Président, en accueillant les représentants des différents groupes de l'Assemblée nationale à l'Hôtel de Lassay. Il s'agit maintenant pour nous d'accompagner tous ensemble ce magnifique projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

FISCALITÉ DES PRODUITS PÉTROLIERS

M. Didier Migaud - Monsieur le ministre d'Etat, la suppression de la TIPP flottante représente un supplément de recettes fiscales d'environ 700 millions d'euros en année pleine, d'après les propres chiffres du ministère de l'économie. La flambée du prix du pétrole se traduit donc par une ponction fiscale supplémentaire sur les consommateurs, particulièrement ressentie par les ménages les plus modestes. Nul ne peut nier en effet que 19,6% sur un baril à 50 dollars, cela fait plus que 19,6% sur un baril à 25 ou à 36 dollars ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP)

Comme ce gouvernement refuse par principe de restituer cette ponction fiscale aux ménages à travers la TIPP flottante, vous avez inventé la commission pirouette cacahuète : pirouette, car cela ressemble à une manœuvre dilatoire ; cacahuète, car on fera dire à cette commission qu'il n'y a finalement rien à rendre aux Français. Pour cela, le Gouvernement mélange les choux et les carottes : les choux, ce sont les surplus de recettes au titre de la TVA, impossibles à ne pas reconnaître ; les carottes, ce sont les moins-values constatées au titre de la TIPP, conséquence d'une tendance lourde au ralentissement de la consommation de produits pétroliers, qui entre 1991 et 2001 a augmenté moins vite que le PIB - le strict respect des limitations de vitesse ne faisant qu'accentuer le phénomène. En mettant en avant cette tendance lourde, vous reconnaissez du reste que vous avez menti aux élus locaux (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) en leur faisant croire que vous leur transfériez une ressource dynamique. L'échange entre M. Méhaignerie et M. Copé montre que vous persistez dans le mensonge (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

La commission que vous mettez en place servira-t-elle à quelque chose ? Allez-vous, oui ou non, restituer aux Français la totalité de la ponction fiscale supplémentaire que vous leur avez fait subir par votre refus de la TIPP flottante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Il n'y a vraiment pas de quoi polémiquer. Trois questions se posent. Y a-t-il des recettes de TIPP et de TVA en plus ? Une commission, comprenant des parlementaires de tous les groupes et présidée par un magistrat de la Cour des comptes se réunira demain pour le dire.

Est-ce que l'Europe nous autorise à restituer les éventuels surplus ? A l'issue du Conseil Ecofin d'hier, j'ai le plaisir de vous indiquer que oui (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), même si j'ai eu à affronter l'opposition déterminée des socialistes allemands et espagnols (Huées sur les bancs du groupe UMP).

A qui les redonner ? J'ai souhaité que ce soit à ceux de nos compatriotes pour qui la facture de fuel pour le chauffage est la plus douloureuse, c'est-à-dire ceux qui ont une petite retraite, et j'ai proposé une prime exceptionnelle pour ceux qui sont au minimum vieillesse. Si les socialistes ne veulent pas voter ces dispositions, nous proposerons à la majorité de les assumer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EXPLOITATION SEXUELLE DES ENFANTS

Mme Muriel Marland-Militello - Les responsables politiques du monde entier dénoncent le tourisme sexuel dont sont victimes les enfants, et qui malheureusement progresse. Les récentes études de l'UNICEF révèlent que trois millions d'enfants de pays pauvres sont victimes d'exploitation sexuelle.

C'est d'abord un drame humain irréparable, car ces enfants en garderont toute leur vie les séquelles physiques et psychologiques ; ce sont des enfants comme les nôtres, leur misère n'en fait pas des adultes avant l'âge.

C'est également pour notre conscience collective un scandale moral. Sous prétexte d'arguments économiques ou culturels, certains touristes de pays riches profitent de la faiblesse de pays pauvres pour pratiquer là-bas ce qu'ils savent interdit ici. Ce n'est pas parce que tout est à vendre qu'on a le droit de tout acheter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Carole Bouquet souligne dans un récent rapport que bien des progrès ont été faits pour alerter les opinions publiques. Malheureusement, des lacunes subsistent, le faible nombre de condamnations en témoigne. Pourtant, dès 1999, l'Organisation mondiale du tourisme déclarait : « L'exploitation des êtres humains sous toutes ses formes, et spécialement lorsqu'elle s'applique aux enfants, porte atteinte aux objectifs fondamentaux du tourisme et constitue la négation de celui-ci ».

Députée de Nice, je suis particulièrement sensible à toutes les dérives qui entachent le tourisme. Quelles mesures la France peut-elle prendre pour montrer l'exemple dans la lutte contre ce fléau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme - Le tourisme, c'est avant tout la découverte et le respect de l'autre. Je refuse d'ailleurs que les mots « tourisme » et « sexuel »soient associés. Parlons plutôt de l'exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme.

A la suite du comité interministériel du 9 septembre 2003, nous avons confié à Carole Bouquet la présidence d'un groupe de travail qui a remis récemment son rapport à Marie-José Roig et à moi-même. Je puis vous assurer qu'il ne restera pas sans suite.

Il convient en particulier de développer des programmes de sensibilisation en direction des étudiants en tourisme ; d'informer les Français voyageant à l'étranger, ainsi que les coopérants, des peines encourues en cas de délit ; de mener une politique volontariste en direction des professionnels du tourisme afin qu'ils soient des relais de premier plan, en particulier sur la législation en vigueur ; et aussi d'inclure chaque fois que c'est possible une clause d'engagement dans les accords de coopération avec nos partenaires internationaux pour lutter contre ce fléau.

L'arsenal juridique français est déjà bien fourni, mais il est exact que la loi est peu appliquée. Nous devons donc réagir. Depuis la loi du 2 janvier 2004, les associations peuvent déclencher l'action publique pour ce type d'infractions : il faut les soutenir avec force.

Comme vous l'avez dit, la France, première destination mondiale du tourisme, a le devoir d'être exemplaire. Un coup porté à un enfant est un coup porté à l'humanité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

PRIX DES APPELS DES TÉLÉPHONES FIXES VERS LES MOBILES

M. Bernard Mazouaud - Le téléphone a pris une place très importante dans la vie de nos concitoyens. Pourtant, le coût des télécommunications est trop élevé, notamment pour les appels des téléphones fixes vers les mobiles, qui sont facturés 15 centimes la minute, soit deux fois le coût réel de l'intercommunication.

Ce surcoût avait été institué dans les années 1990 afin de subventionner le développement de la téléphonie. Il n'a plus de justification puisque, à l'exception de quelques zones blanches en voie de résorption, les réseaux ne nécessitent plus d'investissements importants.

Vous avez donc estimé, Monsieur le ministre délégué à l'industrie, qu'une baisse de ces tarifs serait souhaitable pour les consommateurs et je me réjouis de cette initiative, qui s'inscrit dans la lutte contre la vie chère voulue par le Gouvernement. Pouvez-vous nous informer des résultats que vous avez obtenus ? Comment les opérateurs de télécommunications ont-ils réagi ? La baisse des prix sera-t-elle bientôt effective ?(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Vous avez bien décrit la situation : la transmission de l'appel d'un fixe vers un mobile est facturée 15 centimes la minute pour un prix de revient de sept centimes, la marge est donc de 100% ! On a même inventé un dispositif appelé « hérisson », destiné à simuler qu'une communication provient d'un mobile, ce qui n'a aucun avantage pour le consommateur mais permet de récupérer 200 millions.

Le Gouvernement a dénoncé cette situation qui est socialement injuste puisque ce sont les moins favorisés qui n'ont pas de téléphone mobile et sont obligés d'utiliser leur téléphone fixe pour en appeler. Le conseil de la concurrence, dans un avis du 14 octobre, a demandé une baisse des tarifs, et l'Autorité de régulation des télécommunications a proposé le 2 novembre une diminution de 36% en deux ans, ce qui ramènerait le prix de la communication de 15 à 9,5 centimes. Le Gouvernement prendra dans les jours qui viennent le décret qui rendra cette baisse possible, et elle sera donc effective le 1er janvier prochain. Ce sont ainsi 500 millions d'euros que nous rendrons aux Français en deux ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

REPRÉSENTATION SYNDICALE À LA GUADELOUPE

M. Eric Jalton - La Guadeloupe vient d'être secouée par une crise après l'incarcération et la grève de la faim d'un syndicaliste. Cette affaire est révélatrice d'un contexte social marqué par l'insuffisance de l'écoute et du dialogue social.

Or, les organisations syndicales locales, très largement majoritaires en Guadeloupe, sont pénalisées parce que certaines autorités compétentes, se référant à des critères qui remontent à plus de 50 ans, continuent à ne considérer comme représentatives que les organisations syndicales nationales. De même, certains textes n'autorisent que la présence des syndicats représentatifs au niveau national au sein des organismes gérés paritairement.

La participation des syndicats locaux des départements d'outre-mer au dialogue et à la négociation sociale pose donc un véritable problème.

Madame la ministre, n'est-il pas fortement souhaitable qu'une initiative associant les ministères de l'outre-mer, de l'emploi et de la fonction publique favorise une meilleure prise en compte des réalités syndicales des départements d'outre-mer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - Vous avez décrit avec justesse le paysage syndical en Guadeloupe, qui pose en effet des problèmes pour la participation des représentants des salariés aux organismes paritaires, dans la mesure où la plupart des textes - codes du travail, de la sécurité sociale, de la santé publique, statut des fonctionnaires - prévoient uniquement la participation des organisations représentatives au plan national. La notion de représentativité est complexe, et une réflexion interministérielle est en cours à ce sujet avec mes trois collègues les plus directement concernés, MM. Borloo, Larcher et Woerth afin d'essayer de corriger la situation et d'améliorer le dialogue social.

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Baroin.

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

LOI DE FINANCES POUR 2005 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005.

EMPLOI, TRAVAIL, COHÉSION SOCIALE ET ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale de la commission des finances pour la solidarité - Le budget de la solidarité pour 2005 illustre, comme l'an dernier, deux mouvements de fond : la décentralisation et l'effort de maîtrise de la dépense. Mais, cette année, il traduit aussi le volontarisme renforcé de la lutte contre l'exclusion menée par le Gouvernement, si bien que certaines actions visant à l'insertion des populations fragilisées et à l'intégration des étrangers seront dotées de moyens importants.

Les crédits de la lutte contre l'exclusion, de l'intégration et des rapatriés s'élèvent à 1,19 milliard, en progression de plus de 11% à structure constante. Les crédits de la solidarité comprennent la dotation du ministère de la parité et de l'égalité professionnelle, en stricte reconduction. Les crédits relatifs à la gestion des politiques de santé et de solidarité n'augmentent que très modérément. Enfin, les crédits du développement social diminuent fortement du fait de la décentralisation, et le budget de la solidarité y gagne en cohérence. Les autorisations de programme progresseront de 47% et les crédits de paiement de 62%.

Les crédits de la lutte contre l'exclusion sont fortement majorés par la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale. Les mesures nouvelles sont les suivantes : 77 millions en faveur de l'hébergement d'urgence, 20 millions pour systématiser le contrat d'accueil et d'intégration, 10 millions enfin pour développer des points d'accueil-écoute jeunes et le guichet unique, soit 107 millions de mesures nouvelles au titre du plan de cohésion sociale. Par ailleurs, une mesure nouvelle de 11 millions est prévue pour les rapatriés, ce qui aboutit à doubler les moyens qui leur sont consacrés.

En ce qui concerne l'hébergement social, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit la création de 12 300 places supplémentaires d'accueil et d'hébergement d'urgence ; à cette fin, 9 800 places devront être créées ou transformées d'ici à 2007. Le plan prévoit aussi de pérenniser les 2 400 places ouvertes au titre du « plan hiver 2002-2003 ». Les crédits correspondants pour 2005 sont donc portés à 451 millions pour le fonctionnement des centres d'hébergement et de réinsertion sociale. Ce rebasage est positif et réaliste, mais les crédits pourraient se révéler encore insuffisants. En effet, le manque de crédits a entraîné, ces dernières années, des dettes de l'Etat auprès des associations impliquées dans l'accueil d'urgence, ce qui a suscité à la fois des frais de contentieux et de l'incompréhension. Que Mme la ministre soit félicitée d'être parvenue, en assainissant la situation, à restaurer la confiance des associations.

Le besoin d'hébergement en CHRS augmentera nécessairement : outre qu'il faudra davantage de places d'accueil dans les DOM, les publics éligibles vont s'accroître en raison des orientations récentes de la politique judiciaire. Ainsi, l'application de la loi sur la sécurité intérieure entraîne l'accueil plus systématique de personnes échappant à la prostitution mais aussi de certains détenus sortant de prison, car l'hébergement en CHRS peut constituer un domicile fixe, indispensable pour qu'un détenu bénéficie d'une libération conditionnelle ou du régime du « bracelet électronique». Enfin, les femmes victimes de violences doivent aussi pouvoir être hébergées provisoirement en CHRS, si nécessaire. Cette multiplication des publics imposera un réajustement : il n'est pas rare, en effet, que les CHRS hébergent des personnes qui relèvent en réalité du logement social et qui doivent pouvoir acquérir leur autonomie.

Le nombre de places en maisons-relais devra également être porté de quelque 2 000 places aujourd'hui à 6 000 en 2007, et l'aide de l'Etat sera majorée de 8 à 12 euros par jour et par place.

Le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile compte actuellement 16 707 places. Leur nombre a, en effet, augmenté de 230% entre 1999 et 2003 pour répondre à une demande d'asile sans cesse croissante, et il doit être porté à 20 000 en 2007 dans les centres d'accueil pour les demandeurs d'asile, actuellement engorgés du fait de l'explosion de la demande d'asile et du délai d'examen des demandes. L'OFPRA a réussi à réduire à deux mois et demi le délai d'instruction des dossiers ; il est hautement souhaitable que la Commission de recours des réfugiés y parvienne elle aussi, puisqu'elle a reçu des effectifs supplémentaires à cette fin.

Les crédits de l'hébergement des réfugiés et demandeurs d'asile se révèlent insuffisants depuis plusieurs années, si bien qu'ils doivent être abondés en cours d'exercice pour des montants de plus en plus importants. La dotation pour 2005, portée à 175 millions, semble plus conforme à la réalité, mais l'on peut craindre qu'elle ne soit également insuffisante.

J'en viens aux crédits de l'aide médicale de l'Etat, instituée le 1er janvier 2000 pour les étrangers résidant en France et qui ne bénéficient pas de la CMU - c'est-à-dire, essentiellement, des personnes en situation irrégulière sur notre territoire. Le nombre des bénéficiaires, passé de 75 000 fin 2000 à 170 000 fin 2003, semble amorcer une décrue : il n'était que de 156 000 personnes au 30 juin 2004.

Le montant des crédits inscrits en loi de finances initiale a été de 75 millions la première année, sans que l'on sache alors l'extension que pourrait prendre ce dispositif. Depuis 2003, les crédits inscrits s'établissent à 233 millions. Cette envolée s'explique par l'augmentation du nombre des étrangers en situation irrégulière informés de leurs droits, mais aussi par l'obligation de régulariser les dettes contractées envers les hôpitaux entre 2000 et 2002, et enfin par la sous-dotation initiale de cette nouvelle prestation, dont le coût réel est apparu huit fois supérieur à la prévision originelle. Malgré cela, les crédits adoptés ne suffisent toujours pas, si bien qu'ils ont dû être abondés en loi de finances rectificative chaque année depuis 2001 ; la même demande est prévue cette année, à hauteur de 400 millions environ.

Pour 2005, le budget prévoit 213 millions, auxquels s'ajoutent 20 millions pour les soins urgents prodigués par les hôpitaux, soit 233 millions en tout. Mais l'on peut prévoir que ce montant sera à nouveau insuffisant, l'expérience montrant que la dépense annuelle, hors dette afférente aux années précédentes, s'élève à quelque 500 millions. La commission a donc tenu à souligner que les crédits inscrits pour financer l'AME doivent être adaptés aux besoins inéluctables dès la loi de finances initiale et non pas au cours de l'exercice budgétaire.

L'administration gestionnaire estime que le nombre des entrées dans le dispositif va se stabiliser et donc le coût de l'aide également. Je rappelle que l'AME a fait l'objet de deux réformes législatives, dont une partie n'est pas entrée en vigueur. En 2003, l'accès au bénéfice de l'AME a été rendu plus strict, le législateur imposant une condition de résidence de trois mois sur le sol français. En même temps a été supprimée l'admission immédiate à l'AME en cas d'urgence, ce type de soins relevant aujourd'hui du financement de l'obligation déontologique des établissements de santé.

Ces deux réformes sont entrées en application le 1er janvier 2004. En revanche, une autre réforme, qui figure dans la loi de finances rectificative pour 2002 attend son application réglementaire : il s'agit de l'instauration d'une participation du bénéficiaire au coût des soins. La commission a jugé regrettable que le décret d'application n'ait pas encore été pris (M. Pascal Terrasse acquiesce). Deux dispositions réglementaires sont donc en attente : un projet de décret modifiant les dispositions en vigueur sur l'aide médicale d'Etat et un décret d'harmonisation précisant les pièces justificatives exigibles afin d'éviter les fraudes et les abus.

De nouvelles modifications du dispositif sont-elles souhaitables ? Je ne le pense pas. Tout d'abord, comme je l'ai dit, on observe une stabilisation des entrées dans le dispositif. Surtout, des économies substantielles pourraient être faites - de 100 à 150 millions par an - si les réformes déjà votées étaient appliquées.

L'AME est inscrite dans le programme « accueil des étrangers et intégration » de la future maquette budgétaire. Or, cette action semble relever davantage d'une politique de la santé que de la solidarité.

Dans une perspective de relance de la politique d'intégration, le contrat d'accueil et d'intégration proposé depuis 2003 aux étrangers arrivant en France se généralisera d'ici au 1er janvier 2006. Le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations accompagnera ce mouvement et sa dotation est portée à 171,6 millions.

La création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations s'accompagne d'une mesure nouvelle de 10,7 millions d'euros. La Commission des finances a toutefois adopté un amendement de réduction des crédits de fonctionnement d'une structure qui doit principalement jouer un rôle d'impulsion.

La politique du Gouvernement dans le domaine de la parité est ambitieuse. Il s'agit de renforcer les moyens du fonds de garantie pour l'aide à la création d'entreprise par les femmes, d'apporter une aide aux associations qui assurent l'écoute téléphonique et le conseil aux victimes de violences conjugales et, enfin, d'augmenter le nombre de contrats d'égalité professionnelle et de contrats de mixité signés avec les entreprises. La dotation du ministère est reconduite à hauteur de 17 millions d'euros.

Toutefois, les crédits de ce ministère ont été touchés de façon préoccupante par les régulations de 2003 et de 2004. Un dégel des crédits a heureusement été décidé récemment, mais 2,8 millions d'euros sont annulés ou gelés. Je souhaite vivement que ces crédits, qui sont modestes...

M. Pascal Terrasse - Quelle lucidité !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale -...ne soient pas soumis à une gestion trop difficile en cours d'année.

Je souhaiterais par ailleurs que la demande de création d'un document de politique transversale dans le cadre de la LOLF soit prise en compte : l'identification des actions menées au sein de tous les ministères dans un document financier qui comporterait des indicateurs financiers constituerait une évolution positive.

Le projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des rapatriés est en cours d'examen. L'impact budgétaire de ce projet sera répercuté dans la loi de finances rectificative pour 2004. En ce qui concerne le budget 2005, 22 millions d'euros sont prévus en faveur des rapatriés.

Les crédits destinés à la prise en charge de certaines dépenses de protection sociale en Polynésie française, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, seront quasi stables en 2005.

La gestion des services communs est conforme aux priorités définies par le Premier ministre et est marquée par le non remplacement d'un départ à la retraite sur deux. 129 emplois sont donc supprimés dans les ministères de la Santé, de la famille, des personnes handicapées et de la cohésion sociale.

M. Pascal Terrasse - Ce n'est pas bien.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale - Cela représente une économie de 1,87 million d'euros. Par ailleurs, 39 créations d'emplois seront effectuées par transformation et des mesures catégorielles et statutaires interviendront à hauteur de cinq millions. L'effectif global est établi à 14.829 emplois pour 2005, soit une baisse de 0,8%.

Je m'interroge sur l'insuffisance de la dotation de fonctionnement de l'administration centrale. En 2004, la dotation de 38 millions d'euros ne permet pas de couvrir le montant prévisionnel des dépenses de fonctionnement qui excéderaient 44 millions d'euros. Aucune mesure nouvelle n'est inscrite pour 2005, ni pour le surcoût locatif, ni pour la prise en charge par la Direction de l'administration générale des nouveaux cabinets ministériels. Même si la situation s'est améliorée par rapport à la gestion antérieure, elle n'est pas encore complètement assainie. Une prise en compte plus complète des coûts de fonctionnement et d'investissement serait souhaitable.

Après l'adoption de l'amendement relatif aux crédits de la HALDE, la Commission des Finances a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la solidarité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville - J'ai consacré mon rapport à un sujet particulier : l'accueil des mineurs isolés étrangers dans notre pays. Le Gouvernement a demandé à l'inspection générale des affaires sociales de mener une réflexion à ce sujet à laquelle la représentation nationale doit être associée : à quel type de protection de la puissance publique ces enfants ont-ils droit ? Quelle est leur situation vis-à-vis du droit des étrangers ? Qui doit financer leur accueil ?

Si la question des mineurs isolés est brutalement apparue sur la scène publique en 2001 autour d'affaires de délinquance organisée, depuis, les chiffres ont explosé.

M. Pascal Terrasse - On nous a dit le contraire cet après-midi !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour avis - Les prises en charge de mineurs isolés à Paris ont triplé de 1999 à 2003.

M. Pascal Terrasse - Quelle lucidité !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour avis - Si le phénomène a longtemps concerné Paris et sa proche banlieue, il s'étend désormais sur tout le territoire métropolitain mais également en outre-mer, en particulier en Guyane. 75 provenances ont été répertoriées en 2001 avec des dominantes : Afrique de l'ouest, Roumanie, Chine, et, dans une moindre mesure, Maghreb et Asie du sud. Les Roumains posent assurément un problème particulier car leur présence est souvent régulière puisqu'ils peuvent rentrer dans l'espace Schengen pendant trois mois.

En 2002 et 2003, plus de la moitié des mineurs déférés au parquet de Paris étaient étrangers, dont un tiers de nationalité roumaine. Toutes sortes de parcours coexistent : jeunes Africains fuyant des pays en guerre, Chinois venus gagner de l'argent dans l'eldorado occidental, Penjâbis de nationalité indienne ou pakistanaise venus étudier. Il est possible de déterminer plusieurs catégories : les « exploités » des filières de prostitution, les « mandatés » par leur famille pour gagner de l'argent, les « errants » qui vivaient déjà dans la rue dans leur pays d'origine, les « réfugiés » au sens strict, les « fugueurs » quittant une famille mal traitante ou un orphelinat.

L'Etat a institué un dispositif spécifique dont il assure le financement : d'une part, le centre d'accueil et d'orientation pour mineurs demandeurs d'asile à Boissy-Saint-Léger, d'autre part le lieu d'accueil et d'orientation - LAO - de Taverny destiné à accueillir les jeunes en provenance de l'aéroport de Roissy, mais aussi le dispositif parisien d'accueil des mineurs étrangers isolés qui a fait l'objet d'une convention avec la DDASS et cinq associations en juin 2003, enfin, l'aide sociale à l'enfance. L'installation d'administrateurs ad hoc, l'accord intergouvernemental franco-roumain du 4 octobre 2002 et la loi du 26 novembre 2003 ont également contribué à améliorer ce dispositif.

Néanmoins, des problèmes subsistent, qui tiennent notamment à l'absence de dimension européenne des solutions apportées, à la centralisation parisienne des dispositifs d'accueil, aux difficultés d'identification des mineurs isolés, ainsi qu'à l'insuffisante précision des compétences de l'administration, du juge des enfants et du juge des tutelles. Les décisions contradictoires prises récemment à propos des mineurs retenus en zone d'attente rendent encore plus difficile le travail de la police. Le statut des jeunes qui atteignent leurs 18 ans et qui sont accueillis par l'aide sociale à l'enfance soulève également un problème spécifique.

La question de la scolarisation et de l'accès à la formation professionnelle est compliquée par l'absence de droit au travail pour ces jeunes étrangers sans statut au regard du droit des étrangers. Même la scolarisation ne va pas de soi : en l'absence d'obligation scolaire à partir de 16 ans, l'éducation nationale n'est pas toujours très empressée à prévoir des affectations.

L'élaboration d'une politique globale est nécessaire. S'il faut saluer les résultats obtenus dans la maîtrise de l'immigration irrégulière à l'aéroport de Roissy, il semble plus délicat d'obtenir le même succès aux frontières terrestres. Quelles orientations peut-on envisager ? Il est en tout cas indispensable de clarifier le droit et d'unifier les pratiques sur l'ensemble du territoire.

Il faut tout d'abord lever les incertitudes juridiques, notamment sur les modalités d'entrée dans le système et les compétences des différentes juridictions. Des circulaires sur ce point seraient bienvenues. Il faut ensuite réfléchir à un dispositif national d'accueil. Pourquoi ne pas reprendre la proposition du rapport Landrieu d'organiser une « période d'accueil, d'évaluation et d'orientation » des mineurs à leur arrivée ou à leur entrée dans le système de protection ? Il s'agirait au fond de généraliser l'expérience du LAO. Cela suppose toutefois un accord préalable sur le financement et un conventionnement avec les départements pour prendre ensuite en charge les jeunes à travers l'aide sociale à l'enfance. Au motif que seul l'Etat a les moyens de contrôler les flux migratoires, et qu'il n'est donc pas illégitime qu'il en assume les conséquences financières, certains proposent d'étatiser l'ensemble du dispositif, sans distinction de la période d'accueil et du placement ultérieur.

Les mineurs isolés constituent une population concentrée géographiquement - notamment à Paris, même si cette concentration s'atténue -, mais potentiellement très mobile, puisque sans domicile fixe. Un dispositif bien coordonné et équitablement réparti sur tout le territoire serait donc nécessaire. Peut-il s'imaginer autrement que financé par l'Etat ?

Pour ce qui est des adultes demandeurs d'asile, l'Etat finance actuellement le réseau des centres d'accueil, où de très nombreuses places ont été créées ces dernières années. Là aussi, devrait prévaloir le souci d'une véritable organisation territoriale et d'une répartition équitable des centres.

Pourquoi ne pas imaginer également un statut propre aux mineurs et aux jeunes majeurs isolés étrangers, qui leur donnerait accès à un titre de séjour, accordé dans des conditions assez strictes et dont le renouvellement serait subordonné aux efforts d'intégration ? Je suis bien conscient qu'un tel statut de droit pourrait entraîner les mêmes effets pervers que l'accès de droit à la nationalité qui existait jusqu'en 2003. A défaut, on pourrait envisager des aménagements, restant à préciser, pour l'accès aux formations en alternance. Un amendement en ce sens a d'ailleurs été déposé au projet de loi relatif à la cohésion sociale. Ces aménagements pourraient du reste concerner également les demandeurs d'asile adultes. On pourrait aussi envisager que les jeunes se voient garantir la délivrance d'un titre de séjour à leur majorité s'ils ont respecté leurs engagements d'intégration, et que cette régularisation soit opérée sans délai à l'âge de dix-huit ans.

Avant de conclure, je souhaite rendre hommage à toutes les associations qui prennent en charge ces enfants étrangers isolés sur notre territoire, que je ne peux citer ici mais dont la liste figure dans mon rapport.

La commission des affaires sociales a donné un avis favorable à ces crédits. Je vous invite à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances pour le travail - Les crédits du travail pour 2005 permettront de mener une politique de l'emploi articulée autour de trois priorités : un dispositif de retour à l'emploi plus volontariste, le développement des responsabilités et des moyens confiés aux collectivités locales, la clarification des outils existants. Les examinant, il faut avoir à l'esprit les prochaines réformes, au premier rang desquelles le futur plan de cohésion sociale, auquel ce budget participe à hauteur de 681 millions d'euros.

Le budget du travail pour 2005 s'élève à 32,2 milliards d'euros, en hausse de 570 millions à périmètre constant. Les dépenses ordinaires représentent la quasi-totalité des crédits. Les crédits de paiement progressent de 27% et les autorisations de programme de 334%. Cette hausse spectaculaire s'explique par les 300 millions d'euros prévus pour les futures maisons de l'emploi.

Je me réjouis que les crédits du travail aient pu être, dès cette année, présentés selon la nouvelle nomenclature de la LOLF. La mission Travail se décompose en cinq programmes : « développement de l'emploi », « accès et retour à l'emploi » « accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques », « amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », « gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail ». Il est dommage que cette mission n'intègre pas pour l'instant les crédits correspondant à la prime pour l'emploi, qui relèvent du ministère des finances.

J'en viens à l'examen des crédits proprement dits. La compensation des allègements de cotisations sociales à hauteur de 18,2 milliards d'euros représente 56% des crédits de la mission Travail. Ces dépenses sont quasiment stables, à l'exception de celles en faveur des zones franches urbaines, du fait de la création de 41 nouvelles zones par la loi du 1er août 2003. Comme en dispose l'article 74 du projet de loi de finances, que nous examinerons tout à l'heure, l'allègement dit Fillon, issu de la loi du 17 janvier 2003, sera recentré sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC, ce qui entraînera une économie de 1,2 milliard d'euros et permettra d'aboutir à l'harmonisation de tous les SMIC au 1er juillet 2005. Une aide provisoire de 549,5 millions d'euros sera allouée au secteur de l'hôtellerie et de la restauration en contrepartie de la suppression du SMIC hôtelier. Cela permettra de soutenir un secteur riche en emplois, mais qui a des difficultés à recruter.

Autres dépenses contribuant, comme les allègements de charges, au développement de l'emploi : les aides à la création ou à la reprise d'entreprises. Celles-ci bénéficieront de 160 millions d'euros en 2005, contre 75 millions en 2004, cette forte hausse s'expliquant essentiellement par la relance de l'ACCRE et l'augmentation des crédits dédiés aux chèques conseil.

L'ANPE recevra 1,2 milliard d'euros de subventions de fonctionnement, en hausse de 2,7% par rapport à l'an passé. Un nouveau « contrat de progrès » avec l'Etat pour la période 2004/2008 permettra de personnaliser encore davantage les services offerts aux chômeurs et aux entreprises. Une enveloppe nouvelle de 32 millions d'euros servira à financer le développement de « plates formes de vocation », destinées à évaluer les aptitudes des jeunes demandeurs d'emplois et à les orienter vers les métiers où l'on recrute le plus.

Des maisons de l'emploi seront créées pour mieux adapter les offres d'emplois aux besoins des bassins et des territoires. En 2005, 75 millions d'euros en fonctionnement devraient permettre le recrutement de 7 500 agents de droit privé. Sont par ailleurs prévus 45 millions d'euros de crédits de paiement et 300 millions d'euros d'autorisations de programme. Ces maisons de l'emploi devront être ouvertes le plus largement possible, en particulier aux entreprises, et leurs crédits les moins pré-orientés possible. Elles devront bien sûr fonctionner en réseau. Bref, il faudra beaucoup de souplesse. Sur ce point, vous nous avez entendus, Monsieur le ministre, et je vous en remercie. Certains vous le reprochent, qui auraient souhaité plus de précisions quant au fonctionnement de ces structures. Pour ma part, je fais confiance à l'initiative locale et préfère donc, de loin, la souplesse.

Ce sera également le maître mot de la réforme des contrats aidés. Leur simplification ne signifie en rien désengagement ou recul. Au contraire, le nombre de ces contrats devrait être en 2005 de 445 000, contre 396 000 en 2004. Dans le secteur non marchand, toute une série de contrats - CES, CEC, CIVIS utilité sociale, stages SIFE et SAE, parfois utilisés pour améliorer les statistiques du chômage, il faut bien le reconnaître - seront fondus dans un dispositif plus souple : le contrat d'accompagnement dans l'emploi - CAE. Bien sûr, les conventions déjà conclues seront honorées. Dans le secteur marchand, le contrat initiative-emploi - CIE - sera amélioré pour mieux répondre aux besoins. Pour les deux secteurs, une enveloppe fongible de 438,6 millions d'euros devra être répartie entre les différentes régions. Les aides seront modulables en fonction du type d'employeur, des publics accueillis, des conditions économiques locales et des efforts consentis en matière de formation et d'accompagnement. Il est prévu que 230 000 contrats puissent être signés dès 2005. Nous aimerions toutefois avoir des éclaircissements sur les critères de répartition de l'enveloppe entre CIE et CAE.

L'effort d'activation des minima sociaux, RMI et ASS, sera poursuivi. Dans le secteur non marchand, de nouveaux contrats, dits contrats d'avenir, verront le jour. Ils comporteront un parcours d'insertion et seront encadrés par une convention liant l'employeur, une collectivité locale, l'Etat et le bénéficiaire. 383 millions d'euros y seront consacrés en 2005 dans l'objectif d'en financer 185 000. Dans le secteur marchand, le contrat d'insertion lié au RMA devrait prendre son essor. 40 millions d'euros supplémentaires d'allégements de charges sont prévus en 2005 pour améliorer la protection sociale qu'il offre. Aux départements maintenant de prendre leurs responsabilités.

Je souligne cependant l'intérêt qu'il pourrait y avoir, dans nos collectivités locales, à permettre à certains publics en situation particulièrement précaire de rester dans un contrat aidé jusqu'à leur retraite, quitte pour cela à modifier les critères de financement. Cela vaudrait mieux que de les renvoyer au RMI.

Les contrats jeunes en entreprises poursuivent leur progression et bénéficieront de près de 430 millions d'euros en 2005.

Par ailleurs, les jeunes les plus en difficulté profiteront du renforcement des parcours individualisés vers l'emploi : 66 millions d'euros supplémentaires sont ainsi prévus pour les missions locales et les PAIO. Nous avions à ce sujet émis le vœu que les moyens supplémentaires ne soient pas donnés à l'une des filières des maisons de l'emploi mais bien aux GIP « Maisons de l'emploi », pour encourager précisément leur création. Nous avons besoin d'un éclaircissement à ce sujet. Ces jeunes bénéficieront aussi de la création d'un fonds d'insertion doté de 75 millions d'euros et du financement de bourses intermédiaires, grâce à une mesure nouvelle de 52 millions d'euros.

Un problème se pose néanmoins, sur lequel j'attire l'attention du Gouvernement : les régions devaient recevoir, d'après le projet de loi de finances, 110 millions d'euros en 2005 pour la mise en place du CIVIS dans sa partie « accompagnement vers l'emploi », qui doit remplacer et améliorer l'ancien programme TRACE. Or, lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale au Sénat, la recentralisation de ce dispositif a été votée. Qu'en est-il exactement ?

Le budget qui nous est ici proposé est un budget crédible, réaliste et volontariste. Le marché ne pouvant pas régler tous les problèmes, la puissance publique doit prendre ses responsabilités. Mais je ne veux pas empiéter sur le débat que nous aurons lors de l'examen du plan de cohésion sociale. En attendant, je vous propose de suivre l'avis de la commission des finances et d'approuver les crédits du travail pour 2005. Vous pouvez compter, Mesdames et Messieurs les ministres, sur notre soutien passionné (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maurice Giro, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le travail - Les crédits du travail représentent une masse considérable : plus de 32 milliards d'euros. Leur poids est d'autant plus important qu'il s'agit essentiellement de crédits d'intervention du Titre lV, sur lesquels existe une vraie marge de manoeuvre, alors qu'une grande part du budget de l'Etat est absorbée par des charges d'endettement et de personnels, sur lesquelles il y a très peu de prise à court terme.

Les 32 milliards d'euros de crédits d'intervention du budget du travail représentent 40% de l'ensemble des crédits d'intervention du budget général de l'Etat. Ce budget, en augmentation de 1,8%, ne tient pas compte de l'instauration d'une surtaxe de 0,06% sur la taxe d'apprentissage. La réintégration de cette opération ferait apparaître une hausse de 2,4%.

Le plan de cohésion sociale implique un total de dépenses supplémentaires de 1 420 millions d'euros, qui se répartissent entre la création des maisons de l'emploi, les jeunes, l'insertion par l'économique, la réforme des contrats aidés, la création d'un fonds de garantie pour l'insertion économique et la prolongation de l'aide aux chômeurs repreneurs d'entreprise.

Le projet de loi de cohésion sociale nécessite une remobilisation du service public de l'Emploi, des collectivités et des organismes divers ainsi qu'une réforme des dispositifs destinés aux publics prioritaires, à savoir les jeunes, les personnes les plus éloignées de l'emploi et les travailleurs handicapés.

Les lignes directrices de la réforme des contrats aidés sont : la simplification, avec le remplacement des sept dispositifs existant actuellement par quatre - deux dans le secteur non marchand et deux dans le secteur marchand ; le retour à l'activité et à l'emploi marchand ; la gestion de terrain ; la continuité.

Par ailleurs, les crédits de « promotion de l'emploi » vont permettre des exonérations de cotisations, une aide temporaire à l'hôtellerie-restauration, une aide aux travailleurs handicapés, le financement de l'allocation de solidarité spécifique et le financement des préretraites.

La médiocrité de la performance de notre pays en matière d'emploi des jeunes n'est pas une nouveauté. Nous devons malheureusement constater que deux jeunes sur cinq sont au chômage dans les quartiers sensibles et que, dans les « zones urbaines sensibles », où habitaient 4,5 millions de personnes en 1999, le taux de chômage est désormais environ deux fois supérieur à la moyenne nationale. Dans 10% des ZUS, il dépasse même 39%. Pour les moins de 24 ans, le taux de chômage était, en 1999, proche de 40% pour l'ensemble des ZUS. Les dispositifs existants ayant montré leurs limites, le plan de cohésion sociale s'efforce d'apporter une réponse de grande ampleur à la question de l'insertion professionnelle des jeunes peu ou pas qualifiés. L'objectif est de les faire accéder à l'emploi par trois voies : droit à la formation, formation en alternance ou création d'une filière d'entrée dans la fonction publique en alternance.

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale institue donc un nouveau régime d'accompagnement personnalisé à la charge de l'Etat, dont la mise en oeuvre relèvera des PAIO et des missions locales. Ce dispositif se distinguera du programme TRACE en ce qu'il ciblera exclusivement les jeunes sans qualification. 66 millions d'euros sont prévus pour financer 2 500 postes de référents et de coordonnateurs du dispositif, un fonds d'insertion professionnelle doté de 75 millions d'euros sera créé et l'ANPE sera dotée de 32 millions d'euros pour créer des plateformes des vocations dans les bassins d'emploi, afin d'orienter les jeunes vers des métiers qui recrutent localement. Parallèlement, le projet de loi de finances prévoit une mesure nouvelle de 52 millions d'euros pour financer les allocations intermédiaires versées aux bénéficiaires du CIVIS

Considérant que l'apprentissage constitue une solution bien adaptée aux besoins des jeunes, le Gouvernement a d'autre part décidé de revaloriser le statut de l'apprenti, d'atténuer les effets de la limite d'âge, d'améliorer les conditions de formations durant les contrats, de rendre le financement plus transparent et plus incitatif. Le coût pour l'état de la réforme de l'apprentissage est évalué à 0,6 milliard d'euros à l'horizon 2009.

Par ailleurs, le projet de loi de cohésion sociale comporte une réforme du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprises. Le montant du soutien de l'Etat aux employeurs sera désormais modulé en fonction du niveau de formation du jeune, recruté dans une fourchette fixée entre 100 et 300 euros par mois - au lieu du montant fixe actuel de 225 euros. Enfin, pour les jeunes sans qualification, la limite d'âge sera reportée de 22 à 24 ans révolus.

Parallèlement à l'action des pouvoirs publics, les entreprises ont pris conscience des enjeux de l'égalité des chances. D'un point de vue économique, la discrimination entraîne, comme tout comportement qui n'est pas fondé sur la rationalité économique, une perte d'efficacité : on se prive, pour de mauvaises raisons, de jeunes qui peuvent trouver leur place dans l'entreprise.

Divers rapports sur la question ont essayé de tracer une voie entre l'indifférence au problème et la « discrimination positive » sur fond de quotas. C'est dans cet esprit que 35 grandes entreprises ont signé le 22 octobre dernier une « charte de la diversité », dans laquelle elles s'engagent à refléter la diversité de la société française, à promouvoir la non-discrimination, à sensibiliser et à former à cette fin leurs personnels, à faire de cette question un sujet de dialogue social et à en rendre compte dans un rapport annuel.

La mobilisation d'universités et de grandes écoles doit être également saluéeJe pense en particulier à l'IEP et à l'ESSEC.

Plusieurs choix fondamentaux du plan de cohésion sociale me paraissent devoir être particulièrement approuvés : celui d'une gestion territoriale et coordonnée avec les maisons de l'emploi, celui d'une gestion de terrain, avec le rôle accru reconnu aux communes et aux intercommunalités, celui enfin d'une meilleure association du tissu économique local, où se trouvent effectivement les emplois.

Le parrainage des jeunes et le démarchage patient des chefs d'entreprise par les acteurs locaux obtiennent des résultats. Toutefois, une réalité ne doit pas être oubliée : les nouvelles politiques et les nouvelles structures font naître des espoirs mais il est essentiel qu'elles obtiennent des résultats. C'est pourquoi j'insiste sur l'importance d'une véritable mobilisation de tous les acteurs et sur la nécessité de respecter la programmation financière inscrite dans le plan de cohésion sociale. Et je terminerai en vous invitant à suivre l'avis favorable de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Cécile Gallez - Le budget du ministère de l'emploi augmente de 2,5% par rapport à 2004. Cet effort important dans un contexte difficile pour nos finances publiques traduit la volonté du Gouvernement, face à la fracture sociale de notre pays, de mobiliser vers l'emploi les ressources de notre pays, tout en dégageant des moyens supplémentaires pour restaurer le lien social.

Un milliard d'euros financera la première année d'exécution du plan de cohésion sociale dont l'intérêt est d'agir simultanément sur toutes les causes de la fracture sociale.

Cette mobilisation pour l'emploi s'effectue d'abord par une revalorisation de la rémunération du travail. Le processus de convergence des SMIC engagé par le Gouvernement depuis 2002 s'achèvera au 1er juillet 2005, le budget 2005 retenant l'hypothèse d'une augmentation de 5,6%. En trois ans, le SMIC horaire aura connu une augmentation sans précédent de 18%, dont 1,5 million de Français auront bénéficié.

Parallèlement, parce qu'il n'y a pas de croissance sans bonne santé de nos entreprises, l'allégement des charges sociales sera poursuivi, ce qui représente près de la moitié du budget de l'emploi. La dépense prévue à ce titre progresse de 600 millions d'euros en 2005 par rapport à 2004, pour atteindre 17,7 milliards d'euros.

A compter du 1er janvier 2005, l'allégement de cotisation s'annulera pour toute rémunération supérieure à 1,6 SMIC au lieu de 1,7 dans la loi FILLON. L'incidence sur le coût du travail en sera toutefois limitée, car des allégements fiscaux d'un montant de 1,1 milliard d'euros sont prévus pour les entreprises : réduction d'impôts sur les bénéfices et crédit d'impôt pour la taxe professionnelle dans les zones en difficulté. J'insiste sur cet aspect, car il touche à l'éternel débat de société: l'économie doit-elle l'emporter sur le social ou le social sur l'économie ? Or ce budget, par son équilibre, consacre le fait qu'il n'y a pas de croissance sans cohésion sociale et inversement.

Un effort particulier a été fait dans le secteur de l'hôtellerie, où 70 000 emplois pourraient être créés grâce à l'aide spécifique à laquelle sont affectés 549,5 millions d'euros. En contrepartie, des avancées sociales importantes ont été réalisées avec la suppression du mécanisme du SMIC hôtelier, qui, conjuguée à la revalorisation de 5,8% du SMIC horaire depuis le 1er janvier 2004, permettra aux 260 000 salariés de ce secteur de bénéficier d'une augmentation de rémunération supérieure à un treizième mois.

Autre défi de ce budget : la mobilisation pour l'emploi des jeunes. La France est le pays qui a le plus faible taux d'emploi des jeunes, avec 26% contre 55% en moyenne dans les autres pays européens, et un taux de chômage de 35%. Le but du Gouvernement est d'inverser cette tendance et de mettre au travail le maximum d'entre eux.

Le plan de cohésion sociale prévoit, et ce budget le permet, l'accompagnement personnalisé de 800 000 jeunes sans qualification vers l'emploi durable. Il s'agit d'un projet social, mais aussi économique puisqu'il leur ouvre la possibilité de contribuer au dynamisme économique de notre pays. Il s'appuie pour cela sur des dispositifs existants tout en les simplifiant : développement des contrats en alternance dans le secteur public, augmentation des contrats de professionnalisation, réforme du CIVIS, réforme de l'apprentissage avec une amélioration du statut en préparation, et l'espoir de passer en cinq ans de 350 000 à 500 000 apprentis par an. A ce sujet, je souligne qu'augmenter le taux de taxe d'apprentissage n'est pas très souhaitable pour les petites entreprises passagèrement en difficulté et qui ne peuvent recruter d'apprenti.

La réforme du contrat jeune en entreprise, dont la prime sera modulable suivant la situation du jeune, est une avancée. Les crédits consacrés à ce contrat passent de 416 à 429 millions d'euros.

La création des bourses intermédiaires pour un montant de 52 millions d'euros, en évitant aux jeunes des pertes complètes de revenus entre deux emplois, semble propre à les aider tout en les incitant à rechercher activement un travail. Ne pourrait-on instituer une mesure semblable pour les seniors ? Ceux-ci, après avoir perdu leur emploi, ne sont pas encouragés à en accepter un autre moins rémunéré. Il serait judicieux de leur verser la différence de salaire, afin de les inciter à retravailler. Pour revenir aux jeunes, j'insiste sur la nécessité de les confronter dès le primaire à la vie des entreprises par des échanges organisés en accord avec l'éducation nationale. Cela se fait dans le Valenciennois et permet d'améliorer la connaissance d'un monde qui leur est souvent étranger, ainsi que de mieux les orienter dans le système scolaire.

Pour les publics les plus fragiles, le budget conforte la politique du retour à l'emploi des personnes titulaires d'un minimum social. Le plan de cohésion sociale prévoyant un nouveau contrat, le « contrat d'avenir », à destination des titulaires du RMI et de l'ASS, le budget consacre 383 millions d'euros à favoriser le retour à l'emploi de 185.000 personnes.

Le Gouvernement souhaite simplifier la liste des contrats aidés en supprimant progressivement, dans le secteur non marchand, les CES et CEC pour les remplacer par le Contrat d'accompagnement dans l'emploi ou CAE. Dans le secteur marchand, tous les contrats d'insertion seront fusionnés en un contrat unique, le Contrat initiative emploi. Le budget prévoit 115 000 CAE et 115 000 CIE. L'objectif restant toutefois de diriger les personnes vers un emploi dans le secteur marchand, 40 millions d'euros sont affectés à la couverture sociale des contrats d'insertion RMA.

Tant les CAE que les CIE s'accompagneront d'un effort de formation. En outre, les services de l'emploi disposeront d'une enveloppe fongible qui leur permettra de choisir le bon service au profit de la bonne personne : il n'est pas de meilleure politique sociale que celle qui considère les personnes au cas par cas.

Par ailleurs, ces mesures favoriseront les seniors. Comme pour les jeunes, nous avons le plus faible taux européen d'emploi des personnes de plus de 50 ans ; ils représentent 15% des CES, 32% des CEC, 26% des CIE, et seulement 6% retrouvent un emploi durable. C'est un gâchis de compétence et d'énergie, et un danger pour la cohésion sociale. Il est en effet vital pour beaucoup d'entreprises de conserver leurs seniors car ils en sont les piliers et peuvent passer le relais en formant les plus jeunes. En revanche, des dispositions de la loi sur la réforme des retraites leur permettant de cumuler retraite et emploi, il est normal que les crédits de l'ASS n'augmentent pas dans le budget 2005.

Enfin, parmi ces mesures destinées aux publics fragiles, 213 millions d'euros, soit plus 40% par rapport à 2004, sont consacrés au soutien de l'insertion par l'activité économique. Ceci permettra la création de 1 756 places supplémentaires dans les entreprises d'insertion et une aide de 15 000 euros pour chaque chantier d'insertion. Par ailleurs, 100 millions d'euros seront affectés aux chômeurs créateurs d'entreprise.

Concernant l'insertion des personnes handicapées, la loi en cours de navette devrait remplacer la part de garantie des ressources des travailleurs handicapés par une aide aux postes en CAT ou entreprises adaptées qui serait financée par la CNSA. Ceci explique le faible montant de 7,6 millions d'euros qui leur est consacré dans ce budget.

Toutes ces mesures relevant du volet « emploi » du budget doivent être accompagnées, pour être efficaces, d'une mobilisation de tous les acteurs de l'emploi. C'est pourquoi le budget 2005 prévoit des moyens accrus pour l'ANPE cependant que l'AFPA reste à son niveau de 2004. Mais surtout, il est prévu de créer trois cents maisons de l'emploi, instruments de mutualisation des moyens des acteurs locaux : elles seront le pivot autour duquel s'articuleront tous les acteurs de l'emploi et de l'insertion au niveau local. 120 millions d'euros leur seront consacrés dès 2005.

Le deuxième grand volet de ce budget concerne la restauration du lien social. Le triste constat qui s'impose est que deux jeunes sur cinq sont au chômage dans les quartiers sensibles, et que dans les ZUS - qui rassemblent 8% de la population - le taux de chômage est le double du taux national. De plus, parmi ces chômeurs, il y a un décalage de 30% entre les Français de souche et ceux issus de l'immigration.

Or 107 millions d'euros de mesures nouvelles sont prévus dans le budget 2005 au titre de trois projets de cohésion sociale : renforcer l'accueil et l'hébergement d'urgence, restaurer le lien social, rénover l'accueil et l'intégration des populations immigrées. En matière d'hébergement, en 2004, une dotation de 633 millions d'euros était prévue dont 113 millions pour l'hébergement d'urgence, 437 millions pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale et 3 millions pour les maisons relais. Le présent budget prévoit un effort très important avec 77 millions d'euros de mesures nouvelles, qui permettront de tenir compte de l'augmentation des demandes et de l'évolution inquiétante des publics - je pense aux familles avec enfants. Je les énumère rapidement : 8,7 millions d'euros pour 1 000 places supplémentaires en maisons relais, 6,3 millions d'euros pour 800 places en CHRS, pérennisation de 2 400 places au titre du plan hiver 2002-2003, financement de 3 000 places pour l'hiver, sans oublier 100 points d'accueil et d'écoute jeunes.

Concernant les demandeurs d'asile, 25 millions d'euros seront consacrés à renforcer le dispositif national d'accueil et assurer la transformation de 2 000 places d'urgence en places de CADA. Par ailleurs, 10,7 millions d'euros sont mobilisés pour la Haute autorité de lutte contre les discriminations. Enfin, le budget prévoit un doublement des crédits alloués en faveur des rapatriés afin de tenir compte des mesures nouvelles prévues dans le projet de loi adopté en première lecture à l'Assemblée.

Je conclurai sur un souhait. Il est prévu de faire bénéficier les enfants fragiles du soutien d'équipes de réussite éducative dès la maternelle. Je suis convaincue que, pour réduire les risques de maltraitance familiale, les troubles de la petite enfance et les difficultés scolaires, c'est plus tôt encore qu'il faut agir. Il faut développer l'éducation à la parentalité de parents qui souvent, n'ayant rien reçu, ont du mal à transmettre, et encourager le développement des services de maternologie, qui existent déjà dans certains hôpitaux et font un travail extraordinaire pour favoriser les relations mère enfant dès la naissance.

En résumé, ce budget en hausse importante fait apparaître une augmentation sans précédent du SMIC ; une diminution des charges sociales ; une impulsion importante en faveur du retour à l'emploi - surtout dans le secteur marchand - des érémistes, des chômeurs, des jeunes et des seniors, avec un suivi personnalisé du demandeur d'emploi ; une restauration du lien social et une lutte contre les discriminations en particulier dans les quartiers sensibles ; une augmentation des places d'hébergement ; un doublement des moyens en faveur des rapatriés - et tout cela réuni dans un plan de cohésion sociale novateur. Cette impulsion considérable destinée à réduire le chômage et les inégalités nous rend très favorables à ce projet de budget et le groupe UMP soutiendra le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gaëtan Gorce - Les ministres passent : le chômage reste ! Il n'a fait que progresser depuis deux ans et demi, à tel point que vous avez décrété en urgence de nouvelles mesures sociales. Pourtant votre bilan est - pour user d'un terme modéré - calamiteux. Depuis juin 2002, ce sont 262 500 demandeurs d'emplois de plus, 157 500 chômeurs de longue durée de plus, près de 50 000 demandeurs d'emploi de moins de 25 ans supplémentaires, une augmentation de 350 000 du nombre de bénéficiaires du RMI... De cette dégradation vous portez l'entière responsabilité : rien ne sert d'accuser une conjoncture défavorable ou une croissance en berne. En effet, vous n'avez rien fait et ne faites toujours rien pour soutenir l'activité économique et stimuler la croissance qui pourrait être créatrice d'emplois. Face à la croissance faible, vous n'avez pris aucune initiative si ce n'est de gaspiller en cadeaux fiscaux vos quelques marges de manœuvre. Et, face au ralentissement de la croissance qui a succédé à la fin de cette année à un début de reprise, vous êtes tout aussi désemparés, comme si vous n'étiez pas acteurs mais simples observateurs de la situation économique. Comme l'a d'ailleurs rappelé M. Strauss-Kahn, le pouvoir d'achat reste le grand oublié de votre politique. Au moment où la consommation s'essouffle, c'est plus de 6 milliards d'euros de nouveaux prélèvements que vous lui infligerez en 2005, dont 900 millions d'euros au titre de l'élargissement de l'assiette de la CSG sur les salaires. Et vous réussissez ce prodige sans parvenir à équilibrer nos comptes sociaux, ni même à rassurer nos concitoyens sur l'avenir de leur retraite et de leur protection sociale. Vous incitez ainsi les ménages, faute de confiance, à une épargne supplémentaire de précaution que la baisse du chômage ne peut que renforcer encore...

Mais, si vous n'avez pas su régler la question de la croissance et de l'emploi qui s'y attache, vous ne savez pas davantage compenser cette défaillance par une vraie politique volontariste de l'emploi. Pendant trois ans, vous n'avez fait que jouer au yoyo avec les contrats aidés, diminués, augmentés, derechef réduits, pour être à nouveau augmentés à l'occasion de votre projet de cohésion sociale... Ces oscillations ont contribué à démoraliser les acteurs sociaux et à aggraver le chômage par la diminution du nombre de postes offerts.

Vous avez cassé les outils qui marchaient, par exemple les emplois jeunes - auxquels votre projet dit de cohésion sociale donne le coup de grâce. Et vous avez entrepris de mettre fin à la réduction du temps de travail, considérant que c'est en multipliant les heures supplémentaires qu'on créera de l'emploi...

Vous avez mis en place des contrats jeunes, qui ne font que provoquer un formidable effet d'aubaine. Vous avez suspendu le programme TRACE, pour tenter laborieusement aujourd'hui de le relancer, au moins en paroles. Que de temps perdu, que d'emplois perdus, que d'espoirs perdus !

A périmètre constant, le budget de l'emploi n'a cessé de diminuer depuis trois ans : il baisse encore de 0,3% cette année, après des baisses de l'ordre de 6% en 2003 et 2004 ; et 500 millions de mesures nouvelles pour l'hôtellerie-restauration sont abusivement classées dans les aides à l'emploi, alors qu'il ne s'agit que d'une tortueuse compensation à la baisse annoncée, mais non réalisée pour l'heure, de la TVA dans ce secteur.

Les crédits consacrés aux publics prioritaires sont en baisse de 6%, les mesures à destination des jeunes de 17,5% à elles seules, alors que le chômage des moins de 25 ans n'a cessé d'augmenter. Vous amorcez à peine le rattrapage du retard pris en matière d'insertion par l'économique et d'aide aux associations.

Le plus spectaculaire est sans doute que votre « plan de cohésion sociale » se traduit par beaucoup de mots en plus, mais peu de crédits en sus : à peine 112 millions sur 1,4 milliard annoncé... La montagne accouche d'une souris ! Sans compter que vous ne prévoyez rien pour lutter contre la précarité, qui alimente pourtant massivement le chômage.

On pouvait pourtant espérer que vous tiriez les conséquences de votre échec économique et social et que la politique à la fois idéologique et erratique de votre prédécesseur serait passée par profits et pertes. Mais rien ne change...

On aurait pu espérer au moins que vous tiriez les leçons de votre échec électoral. Mais loin de changer de politique, vous avez seulement changé de discours, en remplaçant les phrases dures par les bonnes paroles. Vous continuez à laisser faire, tout en faisant croire, en tentant le coup de la compassion...

Vous ne vous êtes lancés que dans une politique d'accompagnement social, visant à faire baisser non la réalité du chômage, mais sa statistique.

Les uns après les autres, les ministres des divers gouvernements Raffarin sont devant l'emploi comme une poule ayant découvert un faux col... Le talent médiatique n'a jamais protégé longtemps contre la courbe du chômage ! J'observe d'ailleurs que M. Borloo a préféré sortir téléphoner qu'écouter l'opposition, préférant être adulé que critiqué...

Peut-être la jurisprudence Sarkozy va-t-elle faire école : changer de fonctions avant que la réalité du bilan ne vous rattrape...

Mais, si ce n'est à la télévision, au moins dans cette enceinte une politique se juge d'abord non à ses intentions, mais aux moyens dont elle dispose. La vôtre ne peut donc réussir, et d'ailleurs, je crois, vous le savez bien. Le Premier ministre, qui s'était bien gardé jusqu'à présent d'évoquer une quelconque ambition en matière de baisse du chômage, nous indique qu'il va le faire baisser de 10% en 2005, mais cette promesse ne figure même pas parmi les objectifs annoncés de ce budget... Le fait que M. Raffarin ne sera sans doute plus à Matignon à la fin de l'année prochaine n'est sans doute pas étranger au soudain volontarisme de son propos.

Sur ce sujet comme sur d'autres, on a le sentiment que ce pays n'est plus gouverné depuis des mois. Une équipe en sursis a vu son contrat abusivement prolongé, contre l'avis des électeurs, mais elle n'a ni cohérence ni politique, elle ne fait que juxtaposer des ambitions individuelles. Dans un pareil contexte, dans une telle débâcle civique, quel temps peut-il rester pour travailler sur le fond des dossiers ? La politique de l'emploi est victime de cette inconséquence. C'est peu dire que les salariés, les personnes en situation précaire, les chômeurs, les oubliés ont peu à attendre de ce budget. Ils le savent bien, tout en espérant que d'ailleurs viendra la volonté et l'énergie de faire à nouveau de l'emploi une vraie priorité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Vercamer - Même si nos débats en commission laissaient peu de doute sur le sujet, je voudrais dire en commençant que le budget de l'emploi, du travail, de la cohésion sociale et de l'égalité professionnelle ne suscitera pas cette année d'opposition du groupe UDF.

Deux mesures principales viennent illustrer le choix du pragmatisme.

D'une part, la poursuite de la politique d'allégement des charges sociales engagée par vos prédécesseurs, favorable à l'emploi. On peut cependant regretter que la dépense prévue à ce titre reste stable par rapport à 2004 - 17,1 milliards pour les allégements généraux, les 600 millions supplémentaires résultant d'un report de crédits.

Le débat sur l'instauration d'une TVA sociale, recommandée par Jean Arthuis dès 1993, et qui permettrait de déplacer le financement des droits sociaux du travail vers la consommation, est par ailleurs relancé.

D'autre part, la remise à l'honneur des emplois aidés dans le secteur public. Avec les contrats d'avenir et les contrats d'accompagnement dans l'emploi, ce gouvernement se libère enfin de cette idée qu'une majorité de gauche privilégie les emplois aidés dans le secteur public et qu'une majorité de droite se focalise sur les emplois aidés dans le secteur privé. Nous avions dénoncé l'année dernière un choix erroné. Nous saluons donc le changement de cap, qui constitue un véritable retour au principe de réalité, tout comme nous saluons la simplification de l'architecture des contrats aidés, fortement attendue par les acteurs locaux de l'emploi. Il faut mieux prendre en compte les situations personnelles.

Vous me permettrez d'exprimer un regret concernant la réforme de l'ASS, que l'UDF avait refusée l'année dernière.

Si la réduction de la durée et la minoration du montant de l'allocation ne sont pas entrées en vigueur, la suppression de la majoration dont bénéficiaient les chômeurs de plus de 55 ans à leur entrée dans le dispositif est, elle, effective depuis le 1er janvier 2004. Les promesses du Président de la République n'ont donc pas été respectées. J'ai déjà interpellé le Gouvernement sur ce sujet et ne peux que vous inciter à prendre des mesures en faveur de ces personnes qui sont doublement pénalisées, par leur faible qualification et par leur âge.

Ce budget est également le premier budget de mise en œuvre du projet de loi de cohésion sociale, adopté par le Sénat et dont nous débattrons dans quelques jours. Ce sont ses dispositions qui consomment le plus de crédits supplémentaires.

Concernant les maisons de l'emploi, les crédits inscrits constituent une première étape. Je considère pour ma part que ces maisons de l'emploi doivent s'accompagner d'une véritable reconnaissance du bassin d'emploi comme échelon de mise en œuvre de la politique de l'emploi. Par ailleurs, il serait logique qu'un territoire caractérisé par la densité de sa population et la fragilité de la situation économique et sociale puisse bénéficier de plusieurs maisons de l'emploi.

Les crédits relatifs aux contrats aidés illustrent dès l'année prochaine la confiance retrouvée du gouvernement dans ce dispositif d'insertion, puisque 445 000 entrées sont prévues, soit 49 000 de plus qu'en 2004. Je souhaite que cette hausse bénéficie prioritairement aux territoires fragilisés par les délocalisations et les défaillances d'entreprises - l'agglomération de Roubaix en est un. J'ajoute que le moyen employé, quelle que soit sa pertinence, ne doit pas nous faire oublier l'objectif à atteindre, qui est le retour durable à l'emploi. Ne tombons pas dans le travers que nous avons connu avec les emplois jeunes, où la volonté de « faire du chiffre » l'a emporté sur la volonté initiale de créer de véritables nouveaux emplois répondant à des besoins.

S'agissant de l'apprentissage, l'UDF partage la volonté du Gouvernement de revaloriser cette véritable filière d'accès à une carrière professionnelle. Cependant, on peut s'étonner de l'augmentation significative, dès 2005, de la contribution imposée aux entreprises au titre de la taxe d'apprentissage, sans que le monde de l'entreprise n'ait de garantie quant à l'augmentation effective du nombre d'apprentis. Le développement de l'apprentissage n'est en effet pas la seule affaire de l'entreprise : il est tributaire de l'éducation nationale, à travers l'orientation scolaire.

Concernant l'insertion professionnelle des jeunes, on peut enfin regretter qu'un effort plus significatif ne soit pas accompli en direction des missions locales, dans le cadre de leur mission d'accompagnement personnalisé.

Le plan de cohésion sociale prévoyait une dotation moyenne de 100 millions par an du fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes, elle ne sera que de 75 millions en 2005. Pourtant, les missions locales ont d'autant plus besoin de cet appui financier de l'Etat qu'elles ont rencontré, ces dernières années des difficultés à poursuivre leurs missions, notamment avec les aléas de financement des programmes TRACE.

Le projet de loi de programmation de cohésion sociale illustre la priorité que le Gouvernement donne à la lutte contre l'exclusion. Le budget que vous nous présentez en est une première traduction.

Il nous apparaît toutefois que deux aspects ne sont pas traités. Ainsi, le travail des seniors demeure un sujet en friche. Loin de n'être qu'une réponse à un impératif comptable lié à la réforme des retraites, il est une conséquence de l'entrée plus tardive sur le marché du travail, des temps d'inactivité liée au chômage ou aux impératifs de conversion. A l'avenir, une personne de 55 ans peut avoir le niveau de connaissances suffisant pour poursuivre sa vie professionnelle dans une activité adaptée.

Seconde réflexion au point mort, la sécurisation du parcours du salarié dans la vie professionnelle : comment concilier la nécessité d'une plus grande flexibilité pour l'entreprise confrontée à la concurrence avec l'exigence d'une nouvelle sécurité du salarié ? Or, faute de réponse, on ne peut espérer aucune simplification du droit du travail. Aussi, la proposition de plusieurs syndicats qu'un statut du travailleur déconnecte un certain nombre de droits des salariés de l'activité qu'ils exercent, pour les leur garantir au-delà des aléas du parcours professionnel, mériterait d'être désormais examinée.

Globalement, ce budget est donc bel et bien un budget de solidarité.

M. Maxime Gremetz - Oh !

M. Francis Vercamer - Mais il n'est pas le budget de mobilisation pour l'emploi qu'on aurait pu espérer : vous pansez les plaies, vous ne les guérissez pas. Cela étant, parce qu'il est d'abord d'un budget de lutte contre l'exclusion, le groupe UDF en approuvera les orientations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Maxime Gremetz - Alors qu'aucun amendement n'a été accepté !

J'en viens à mon propos. Ce budget doit bien sûr être examiné à la lumière de la politique de l'emploi du Gouvernement et de son projet de loi de cohésion sociale, qui absorbe la quasi-totalité des augmentations de crédits, puisque vous lui affectez 681 millions, essentiellement pour financer le nouveau contrat aidé dans le secteur public, ce fameux contrat d'avenir qui n'en a guère...

Quant à l'allégement des cotisations sociales patronales consenti aux restaurateurs en lieu et place de la baisse de la TVA promise, il coûtera 550 millions.

Des économies sont destinées à financer ces dépenses nouvelles. Ainsi, l'enveloppe, qui aurait dû augmenter pour accompagner la hausse du SMIC, restera calée à 17,1 milliards. Mais le poste qui régresse le plus est celui des emplois-jeunes, dont la disparition est programmée, sans que des débouchés soient prévus pour les jeunes concernés. Leur enveloppe a chuté de 2,7 milliards en 2003 à 1,6 milliard cette année et elle passera en dessous du milliard en 2005.

Les lois de décentralisation, qui délèguent l'insertion sociale aux départements et l'accompagnement des jeunes aux régions, permettent également de réaliser quelques économies.

Comme les autres, ce budget répond comme aux injonctions du ministre de l'économie de limiter la dépense sociale.

Dès lors, comment le Premier ministre pourrait-il être sincère quand il promet une diminution vertigineuse du chômage ? Depuis 2002, ce gouvernement a enchaîné les dispositions destinées à atomiser le code du travail et multiplié les incohérences, on le voit encore avec ce plan de cohésion sociale.

Ce budget du ministère doit donc être jugé au regard de l'ensemble de l'action du Gouvernement : suppression du contrôle de l'utilisation des fonds publics, suppression des crédits pour les emplois-jeunes, les CES, les CEC, TRACE, réforme de l'ASS et du RMI-RMA, remise en cause de la hiérarchie des normes et du principe de faveur pour que les négociations d'entreprises puissent passer des accords inférieurs aux garanties légales, multiplication des exonérations de cotisations patronales sans contrepartie en termes d'emploi.

Parmi les pays de l'OCDE, la France connaît l'un des taux de chômage les plus élevés. Après avoir fortement diminué de 1997 à 2001, il est reparti à la hausse depuis trois ans, dans un contexte certes marqué par le ralentissement de la croissance économique, et il approche désormais les 10%.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale - A cause des 35 heures !

M. Maxime Gremetz - Voulez-vous que nous engagions le débat à ce propos ?

Vous prétendez que les 35 heures expliquent la situation actuelle de l'emploi...

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale - Eh oui !

M. Maxime Gremetz - Mais elle n'était pas meilleure qu'aujourd'hui avant leur instauration !

Je rappelle aussi qu'il y a eu deux lois : la première était efficace en termes de réduction du temps de travail et de création d'emplois, la deuxième, qui avait suscité un débat animé au sein de la gauche, l'était bien moins parce qu'entre temps on avait cédé aux sirènes du Medef, après que M. Jospin eut téléphoné à son ami M. Seillière...

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale - On va tout savoir...

M. Maxime Gremetz - Il est de notoriété publique qu'ils étaient ensemble à l'ENA, tandis que moi, j'étais au travail...

M. Pierre Ca rdo - Vous étiez sur la rivière Lena... (Sourires)

M. Maxime Gremetz - Le taux de chômage est aujourd'hui le même qu'en septembre 2003, en dépit des dispositions prises par un gouvernement qui rogne les droits des salariés au profit des employeurs.

Et, malgré cela, le Medef prétend n'en avoir jamais assez ! Mais nul n'est dupe du parfait numéro de duettiste auquel il se livre avec le Gouvernement, lequel annonce prendre différentes mesures, puis recule pour certaines devant le tollé qu'il provoque, tout en en faisant passer une ou deux. Après quoi, le Medef, toujours dans son rôle, se récrie violemment !

Pendant ce temps, près de quatre millions de personnes souhaiteraient travailler et ne trouve pas l'emploi correspondant à leurs attentes. Malheureusement, le projet de loi de cohésion sociale n'inversera pas cette tendance, tant il recèle de contradictions et d'incohérences. Ainsi, après avoir supprimé les crédits permettant de reconduire les contrats aidés et les emplois jeunes, le Gouvernement s'attache cette année à financer de nouveaux dispositifs dont il voudrait faire penser qu'ils vont dans le même sens... à cette différence près que les garanties d'insertion et de retour vers l'emploi stable deviennent toujours plus hypothétiques.

Dans sa dernière note, l'OFCE souligne d'ailleurs l'inconséquence de la politique menée par le Gouvernement, estimant que la suppression des emplois aidés a amplifié de 0,2 point en 2003 et de 0,1 point en 2004 la montée du taux de chômage en France. Ce n'est pas moi qui le dis ! Et ce n'est pas le fait des 35 heures ! De fait, en septembre, c'est une nouvelle fois le chômage des jeunes qui s'est le plus fortement dégradé, augmentant de 1% en un mois et de 1,8% en un an. J'ajoute que les nouveaux contrats au nom ronflant proposés par le Gouvernement ouvrent davantage la perspective d'un retour à l'activité que celle d'un retour à l'emploi.

Le plus grave n'est pas là : en supprimant les CES et les CEC, vous avez dit en créer de nouveaux, qu'il s'agisse des contrats jeunes entreprise ou du CIVIS. Mais, là encore, le constat est sévère. Ainsi, les contrats jeunes entreprise étaient conçus pour inciter les employeurs à embaucher les jeunes les moins qualifiés. Or, parmi les 1 500 jeunes qui ont bénéficié du dispositif entre juillet 2002 et mars 2004, 20% seulement n'avaient véritablement aucune qualification. C'est dire que les 80% restants n'auraient pas dû être éligibles à la nouvelle mesure, qui a, dans ces conditions, représenté une aubaine formidable pour les entreprises aidées à mauvais escient. L'histoire est aussi triste pour le CIVIS, dispositif voté à la hâte, l'année dernière pour succéder aux contrats emplois jeunes. Ce contrat comprend trois volets ; malheureusement, les deux derniers - « accompagnement » et « accompagnement vers la création ou la reprise d'entreprise » ne sont jamais entrés en application, faute que les décrets d'application soient parus. Vrai ou faux, Monsieur le ministre ? (M. le ministre fait un signe de dénégation) Si c'est faux, montrez-moi donc les décrets d'application, que je n'ai jamais trouvé après les avoir pourtant beaucoup cherchés ! C'est un comble que d'afficher une priorité et de ne pas se donner les moyens de l'appliquer ! C'est un comble, aussi, de projeter, dans le texte sur la cohésion sociale, la modification des CIVIS avant même que les décrets qui auraient permis leur entrée en vigueur soient parus !

Dernière incohérence : le financement de ce plan est renvoyé à la prochaine législature puisqu'un milliard seulement sera débloqué en 2005 alors que 12,8 milliards sont prévus sur cinq ans. Autant dire que l'application du dispositif demeure virtuelle puisque entièrement dépendante des futurs arbitrages budgétaires.

Et c'est dans ce contexte que, plutôt que de privilégier l'insertion et la formation, vous n'avez pas d'autre idée que d'introduire à la hussarde les mesures Seillière-Larcher relatives au licenciement économique, qui accentueront l'exclusion et la précarité. Loin de sécuriser l'emploi, vous facilitez les procédures de licenciement et l'altération des garanties collectives, l'objectif principal de la future loi étant de revenir sur quinze années d'élaboration de droits protecteurs pour les salariés, en bref de donner plus de liberté pour licencier, tout en prétendant accroître la cohésion sociale.

M. le Président - Vous avez largement dépassé votre temps de parole et je vous prie de conclure.

M. Maxime Gremetz - La tendance était d'ailleurs manifeste au sein de la commission, où les commissaires de droite expliquaient tour à tour qu'ils retenaient tel ou tel amendement qui « donnerait plus de souplesse ». Mais de « quelle souplesse » s'agit-il sinon de permettre aux entreprises de licencier plus facilement ou de ne pas embaucher d'apprenti ? Encore fallait-il aussi prendre garde à éviter soigneusement le terme de « flexibilité », qui fait mauvais genre dans l'opinion publique étant donné le nombre d'emplois précaires ! Voilà quel est le visage social de ce gouvernement et de sa majorité : on donne écho aux demandes du Medef dans sa croisade contre le code du travail, et l'on organise une régression considérable des droits des salariés. Voilà pourquoi nous voterons, évidemment, contre ce projet. Voilà pourquoi, aussi, nous avons déjà déposé de nombreux amendements au projet de loi sur la cohésion sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Président - Je vous remercie.

M. Maxime Gremetz - Et je vous remercie de votre patience, Monsieur le président (Sourires).

M. Pierre Cardo - Mon collègue Maxime Gremetz ayant exprimé avec le talent qu'on lui connaît toutes les critiques possibles contre votre budget, je m'attacherai à souligner les quelques aspects positifs, que comme plusieurs de mes collègues, j'ai cru y déceler.

Votre budget, qui s'établit à 40,3 milliards progresse de 2,5%. Un milliard sera consacré à l'application, en 2005, du plan de cohésion sociale, et beaucoup apprécieront, quoi qu'il ait pu être dit, l'effort consenti en faveur de l'emploi, de l'accueil et de l'hébergement des exclus, ainsi que de la restauration du lien social. Cela doit se faire, bien sûr, en évitant de financer ces mesures par un redéploiement de crédits ; mais je sais que vous aurez à cœur d'éviter ces petites mesquineries.

Je me réjouis que votre budget prévoie de mobiliser des crédits en faveur de l'emploi marchand et simplifie les contrats aidés ; j'aurais souhaité un pas supplémentaire, mais l'on est déjà dans la bonne direction, puisque l'on en finit avec un traitement trop social du chômage, préférant à juste titre favoriser un environnement facilitant l'accès à l'emploi. Un effort budgétaire considérable est donc nécessaire pour soutenir les entreprises d'insertion par l'économique. Les actions locales doivent être privilégiées tout comme les projets innovants tels que les relais, que vous connaissez bien, Monsieur le ministre. Encore faudrait-il les libérer du carcan administratif qui les enserre. Ainsi, les jeunes et les adultes exclus seront mieux préparés à l'emploi. J'espère que, une fois la croissance revenue, nous pourrons voir débloquer les moyens initialement prévus dans la loi de finances pour 2004 dont le gel a souvent mis ces associations dans une situation de trésorerie si difficile qu'elles ont failli disparaître. On sait pourtant le danger qu'il y aurait à détruire un réseau qu'il a été si compliqué de créer.

J'en viens à la création des maisons de l'emploi, dont nous discuterons dans quelques jours et pour lesquelles 120 millions sont prévus, ce qui est une bonne base de départ. Il faudra préciser qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle structure mais d'un outil destiné à permettre la synergie des moyens existants. Il vous faudra veiller, Monsieur le ministre, à ce que ce dispositif complète les initiatives prises par de nombreuses communes et ne les concurrence pas.

Sur un autre plan, on ne peut constater la diminution des crédits consacrés aux emplois jeunes sans évoquer les mesures de remplacement et particulièrement les contrats d'avenir, plus favorables à l'emploi que les précédentes mesures. En effet, si j'ai eu l'occasion, dans un rapport pour le conseil national de lutte contre les exclusions, il y a dix ans, de défendre les emplois d'utilité sociale, j'ai toujours trouvé trois défauts majeurs aux emplois-jeunes : ils ne concernaient que les jeunes alors que nous souhaitions renforcer le rôle des adultes dans les quartiers en difficulté, les niveaux de qualification n'étaient pas limités, et, enfin, ces contrats étaient limités dans le temps - cinq ans au maximum. Même s'il aurait été à mon sens préférable de les réformer plutôt que de les supprimer, la simplification que vous proposez avec les contrats d'avenir me semble heureuse.

Les mesures prévues en faveur du logement social sont également positives. Une partie des propositions du conseil national de lutte contre les exclusions a été prise en compte : création de points d'accueil et d'écoutes, créations de places en maisons relais, pérennisation de places d'accueil. Il importera néanmoins à la loi de cohésion sociale de s'attaquer aussi à l'origine des problèmes.

Les familles en difficulté étant souvent concentrées dans certains secteurs, il ne faudrait pas que les efforts louables du Gouvernement en faveur des populations particulièrement fragiles comme les demandeurs d'asile ou les familles nombreuses étrangères se traduisent par une affectation financière prioritaire au détriment des populations que je viens d'évoquer, car de nouveaux ghettos risquent de se constituer. J'espère que l'Etat assumera son rôle, malgré la frilosité de nombreuses communes favorisées.

Enfin, ce budget prépare la réforme de la DSU, la redynamisation des services publics, des associations et des activités économiques dans les quartiers en difficulté, autant d'objectifs que le groupe UMP et moi-même partageons. En conséquence, nous voterons ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Liebgott - Le budget de l'emploi est évidemment essentiel, tant le chômage est un fléau pour notre cohésion sociale.

Comme MM. Joyandet ou Giro, je m'interroge : allez-vous ou non respecter la programmation prévue dans la loi de cohésion sociale ? Nous avons des raisons de craindre le pire après que vous avez annoncé la création des CIVIS et que les crédits afférents n'ont pas été débloqués. Il en a été de même avec les postes d'adultes relais que nous avions créés.

Votre loi de cohésion sociale n'est qu'un rattrapage. Il ne suffit pas d'accroître la DSU si la politique de la ville disparaît et si les collectivités doivent financer les emplois aidés que vous créez.

Nous, nous avons su nous montrer pragmatiques en conciliant progrès social et efficacité économique : ainsi, nous avons créé un million d'emplois. Vous, vous avez réussi l'exploit historique de supprimer 70 000 emplois l'an dernier, ce qui n'était pas arrivé depuis 1993. La prise en charge des chômeurs est donc urgente.

Dès votre arrivée en 2002, vous avez laissé les coudées franches au MEDEF et à sa volonté de revanche sociale, comme nous l'avons vu par exemple avec la loi de modernisation sociale, les retraites ou la sécurité sociale. Les faits sont têtus : les allocataires du RMI sont aujourd'hui plus de un million et vous vous contentez d'une campagne de communication sur le « social ». Face à une croissance qui ne crée que fort peu d'emplois, vous persistez à stigmatiser toute intervention publique, ce que traduit une baisse des crédits affectés au titre IV de l'ordre de 258 millions.

Les jeunes sont évidemment les premières victimes de cette politique avec une hausse du chômage de 1,2% pour le seul mois de septembre - je rappelle que le taux de chômage des jeunes est de plus de 21,5%. En 1997, avec le programme « Nouveaux services, Nouveaux emplois », nous avions nous dépensé l'argent public en faveur de l'emploi des jeunes plutôt que de les laisser croupir dans une inactivité socialement inacceptable.

Cinq ans, Monsieur Cardo, c'est suffisant pour se former et trouver un emploi définitif : les emplois-jeunes ne conduisaient pas au chômage.

M. Nicolas Perruchot - Si.

M. Michel Liebgott - Le Gouvernement les ayant supprimés, peut-on parler d'un grand plan social dont la jeunesse est la première victime ?

Monsieur Vercamer, on ne peut se satisfaire, après deux ans d'errance, d'un retour aux emplois aidés et critiquer en même temps les emplois-jeunes.

Les chômeurs de longue durée sont les secondes victimes de votre budget. En 2002, 395 millions leur étaient consacrés contre 219 millions en 2004. Il ne restera en 2005 que 50 millions à leur consacrer tandis que leur nombre a augmenté de 3,9% en un an.

Qui va concilier la baisse des moyens et les attentes de nos concitoyens ? Les élus locaux sont inquiets et dénoncent la propension du Gouvernement à faire payer par les collectivités son inconséquence politique et son imprévoyance. Le mal est fait, et le secteur associatif ne s'y trompe pas.

En Lorraine par exemple, 78 chantiers d'insertion accompagnent 2 800 personnes, encadrées par 300 salariés permanents. Les associations craignent que pour financer les nouveaux contrats, l'Etat ne réduise fortement sa participation à la rémunération des personnes en parcours d'insertion. Sachant qu'un chantier accompagne en moyenne quinze personnes, chacun devrait trouver un financement complémentaire de l'ordre de 20 000 à 50 000 euros. Nous n'avons d'ailleurs eu aucune précision en commission sur le futur taux de participation de l'Etat. Le risque est grand que vous vous retourniez vers les collectivités, alors qu'elles n'ont même pas été consultées sur ce point.

D'une façon générale, l'offre d'insertion se réduit comme peau de chagrin : 440 000 CES-CEC en 2001, 365 000 en 2003, 185 000 en 2004 et plus aucun en 2005, où ils seront remplacés par 185 000 contrats d'avenir... dont nul ne sait comment ni à quelle hauteur ils seront financés. Bref, entre 2001 et 2005, vous aurez supprimé 255 000 emplois sous forme de contrats aidés, alors même que la situation économique se dégrade. Pis, et c'est cela qui nourrit le plus notre colère, si les salariés et les exclus font les frais de votre politique, le patronat a, lui, toutes raisons de s'en réjouir. La loi Fillon de janvier 2003 lui permettra d'économiser encore un milliard d'euros supplémentaire en exonérations de charges.

En conclusion, le groupe socialiste dénonce un budget dont les quelques annonces ne parviennent pas à cacher la politique, entamée en 2002, de destruction systématique des dispositifs mis en place par le gouvernement Jospin et qui avaient fait la preuve de leur efficacité. A vos ersatz, nous préférerons toujours l'original ! Certes, 45 maisons de l'emploi vont être créées, mais d'ailleurs est-ce suffisant pour 60 millions d'habitants dans près de cent départements ? Nul ne sait quel en sera l'impact sur l'emploi. Des crédits seront-ils dégagés dans les années à venir pour que d'autres se mettent en place ? On peut en douter comme on doute de la volonté sociale de ce gouvernement, dont certains membres souhaitent visiblement poursuivre une stricte politique libérale. Ce qui ne manquera pas de satisfaire M. Estrosi, proche du futur président de l'UMP, qui déclarait ce matin dans un quotidien qu'il faudrait « supprimer des dépenses sociales coûteuses et inutiles, à la charge des collectivités locales, plutôt que de charger encore la barque ». Nous craignons qu'il faille, année après année, se battre pour obtenir qu'un minimum des crédits prévus dans la loi de programmation de cohésion sociale soit ouvert, d'autant que dans votre propre majorité, il n'y a pas unanimité. Je suis sûr en revanche qu'elle sera unanime à culpabiliser les régions et les départements s'ils ne mettent pas demain en œuvre les mesures que vous aurez définies mais n'aurez pas financées.

M. Pierre Cardo - Et vous, qu'avez-vous fait avec le RMI ?

M. le Président - Nous allons faire une petite pause.

M. Maxime Gremetz - Très bien !

La séance, suspendue à 18 heures 35, est reprise à 18 heures 50.

M. Nicolas Perruchot - En arrière-plan de ce budget, deux questions se posent : comment offrir aux entreprises un environnement économique et réglementaire propice à la croissance ? Et comment assurer à nos concitoyens un plein emploi de qualité ? La réponse passe, j'en suis convaincu, par une réflexion sur le temps de travail. Six ans après l'adoption des lois Aubry, des indices convergents et la plupart des analyses montrent que la réduction autoritaire et indifférenciée du temps de travail pénalise notre économie.

Il est aujourd'hui admis que les 35 heures ont été un échec, car elles n'ont pas généré les emplois promis et elles ont conduit bon nombre d'entreprises, en particulier des PME, à la faillite. Elles ont accéléré la désindustrialisation du pays et désorganisé le secteur public, sans parler de leur poids pour les finances de l'Etat. Elles n'ont pas amélioré les conditions de vie de l'ensemble des actifs. Pire, elles semblent avoir affecté en profondeur les relations qu'entretiennent les Français avec le travail. Alors que le travail était auparavant perçu comme un vecteur d'intégration et d'identification sociale, il est désormais considéré comme une contrainte. L'application des 35 heures a découragé les salariés les plus actifs, qui veulent progresser au sein de leur entreprise ou de leur administration.

Les pays qui connaissent aujourd'hui des taux de croissance supérieurs à celui de la France et des taux de chômage inférieurs ont fait le choix de l'augmentation de la productivité du travail. La France a, elle, opté depuis 1998 pour une politique à contre-courant, faisant le choix du non-travail. La plupart des enquêtes montrent pourtant que près des deux tiers des Français seraient prêts à renoncer aux 35 heures en échange d'une augmentation de salaire. Pourquoi s'obstiner à le leur refuser ? La commission sur l'évaluation des conséquences de la législation sur le temps de travail a fait des propositions pour contrecarrer les effets négatifs des 35 heures sans pour autant générer une instabilité juridique qui serait préjudiciable aux salariés comme aux entreprises : il s'agit d'offrir aux partenaires sociaux de nouvelles possibilités de renégocier les volumes d'heures de travail. La loi Fillon a ouvert la voie mais elle est encore trop peu utilisée. Il faudrait prolonger cet effort d'assouplissement, rendre possibles des dérogations aux conventions de branche ou encore élaborer des règles particulières pour les PME.

La France ne parviendra pas spontanément à la croissance forte et au plein emploi. Nous avons besoin de passer d'une politique de l'emploi à une action pour l'emploi, associant le levier fiscal à une simplification systématique des procédures. La mobilisation de tous est donc indispensable.

Je voudrais citer pour conclure cette analyse d'un candidat à l'élection présidentielle de 2002 : « La manière autoritaire et uniforme dont a été conduite la réduction du temps de travail était inadaptée et coûteuse. Elle n'a pas pris en compte les différences de situations entre les secteurs et entre les entreprises. Elle a conduit à une stagnation des salaires malgré la croissance. » Et encore ceci : « L'autoritarisme pointilleux qui a présidé à leur mise en œuvre restera dans l'histoire comme un modèle de ce qu'il ne faut pas faire. » Vous l'aurez compris, je cite là Jacques Chirac, qui a déclaré aussi, à Troyes - ville qui vous est chère, Monsieur le président -, le 14 octobre 2002 : « L'assouplissement des 35 heures rendra possible de travailler plus si l'on veut gagner plus. » Les Français attendent que cela devienne une réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. le Président - Merci, Monsieur le maire de Blois... (Sourires)

M. Jean-Marie Sermier - Ce projet de budget honore le Gouvernement, car il traduit un strict respect des engagements pris. Dans une période de maîtrise de la dépense, il ne progresse que de 1,8%, à périmètre constant, pour se situer à plus de 32 milliards d'euros. Mais ces 32 milliards sont constitués à 97% de crédits d'intervention, c'est-à-dire des crédits qui laissent une marge de manœuvre, mise à profit précisément pour tenir les engagements. J'en veux pour preuve les mesures relatives au processus de convergence du SMIC, l'aide spécifique à l'emploi créée dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration en contrepartie d'avancées sociales importantes.

Il s'agit surtout d'un budget qui accorde dès 2005 les crédits nécessaires au plan de cohésion sociale.

Il repose beaucoup sur le pragmatisme, en particulier pour ce qui est du chômage des jeunes. 230 000 jeunes sont au chômage et près de 100 000 sortent chaque année des écoles sans diplôme. La situation est pire dans les ZUS, où le taux de chômage peut dépasser 40%.

Face à ce constat, le Gouvernement a choisi comme premier axe d'action l'accompagnement individualisé des jeunes sans qualification. Ce rôle sera dévolu aux missions locales et aux PAIO.

Des moyens supplémentaires de 66 millions d'euros leur seront consacrés, notamment pour permettre le recrutement de 2 500 référents ou coordonnateurs. Le réseau voit sa dotation passer de 71 à 113 millions d'euros. A quoi s'ajoute la création d'un fonds d'insertion professionnelle de 75 millions, ainsi que la réforme du CIVIS et du contrat jeune. Je m'étonne toutefois, Monsieur le ministre, que ce réseau ne fasse pas partie du premier cercle du service public de l'emploi.

L'apprentissage, qui est la réponse la plus adaptée au besoin de qualification et d'insertion professionnelle des jeunes, fait l'objet d'une relance. Dans de nombreux métiers - bâtiment, restauration, services aux personnes - c'est lui qui assure les meilleurs taux d'entrée dans l'emploi. Le développer relève donc du bon sens. L'objectif est de passer en cinq ans de 360 000 à 500 000 apprentis par an. Reste à être vigilants pour que ces moyens ne se perdent pas dans l'image négative, l'image d'échec que notre système éducatif attache à l'enseignement professionnel. Il faut repenser la coordination entre les CFA, l'éducation nationale, le système des parrainages et les tuteurs, et peut-être même adapter les limites d'âge.

Le pragmatisme prévaut également dans l'articulation du dispositif. Les emplois sont dans les entreprises, la priorité est au retour à l'activité et à l'emploi marchand. Ce qui ne signifie pas une remise en cause des possibilités d'intégration dans le secteur non marchand. Ainsi les associations d'insertion sont dotées de 66 millions d'euros supplémentaires. Les postes en entreprise d'insertion seront abondés à hauteur de 15 000 euros. Une aide à l'accompagnement des chantiers d'insertion sera créée. La dotation aux associations intermédiaires passera à 13 millions d'euros. L'effort pour les fonds départementaux d'insertion iront au-delà des prévisions initiales.

Pragmatisme encore pour ce qui est de la simplification : les sept dispositifs actuels seront ramenés à quatre, le CIE et le RMA pour le secteur marchand, le CAE et le contrat d'avenir pour le secteur non marchand. L'utilisation par les services déconcentrés en sera assouplie, grâce à la fongibilité des enveloppes. Pragmatisme toujours en matière de proximité, laquelle passe par la remobilisation du service public de l'emploi et surtout par la création de trois cents maisons de l'emploi, dotées de 120 millions d'euros. Elles devront accompagner et orienter les demandeurs d'emploi, et adapter actions et prévisions par bassin d'emploi. C'est dire qu'elles devront coller à la réalité du terrain. Je souligne en effet la diversité des territoires, notamment ruraux, où l'éloignement interdit d'avoir un lieu unique pour tout un département. Dans ma circonscription du Jura, un pôle d'accueil et de service fédère collectivité, administrations, entreprises, demandeurs d'emploi et organismes sociaux. Il est soutenu par une communauté de communes rurales de 8 400 habitants, mais reçoit 2 000 visites par an, et remplit de fait la mission d'une maison de l'emploi. Plutôt que d'empiler les structures, Monsieur le ministre, ne faut-il pas tirer les leçons de telles expériences, en améliorer sans doute le fonctionnement, et leur donner vocation à devenir des maisons de l'emploi, intégrées à un vrai réseau départemental ? Et dans l'affirmative, ces organismes déjà en place bénéficieront-ils des financements de l'Etat ?

Ce budget met la politique de l'emploi sur le bon chemin : je le soutiendrai avec conviction. Mais il appartient au Parlement de veiller à ce que la complexité administrative ne vienne pas l'étouffer et le faire échouer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Folliot - Au nom du groupe UDF et apparentés, je souhaite insister, à l'occasion de la semaine consacrée à l'emploi des personnes handicapées, sur l'effort que doit faire l'Etat pour contribuer à l'insertion des personnes handicapées sur le marché du travail.

Le handicap ne concerne pas que les autres. Nul d'entre nous n'est à l'abri de l'accident ou de la maladie invalidante. Sur ce sujet, avant tout, il y a des réalités humaines, des vécus, des ressentiments parfois. Ma première pensée va donc aux victimes d'un handicap et à leur famille. La question ne se réduit pas à son aspect budgétaire et réglementaire : ce qui importe, c'est aussi bien souvent un regard, une main tendue, un peu d'humanité dans un monde où l'individualisme serait roi et où il faudrait tous être riches, jeunes, beaux et bien portants...

Le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées nous reviendra bientôt en deuxième lecture. Il prévoit notamment de faire de l'insertion des personnes handicapées un objet de négociation régulier au niveau des branches et des entreprises et de renforcer les sanctions à rencontre des employeurs, privés et publics, qui ne satisfont pas à l'obligation légale d'emploi de 6% des effectifs. Dans ce cadre, il serait essentiel de soumettre les services publics pour l'emploi à des objectifs plus précis, avec presque une obligation de résultat, comme il y en a pour les publics jeunes et en insertion.

Le groupe UDF a déposé, par la voix de mon collègue Yvan Lachaud, plusieurs amendements au projet de loi de cohésion sociale en vue de favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées. L'un d'eux tend à associer les maisons départementales des personnes handicapées aux maisons de l'emploi ; l'autre prévoit une majoration du crédit d'impôt pour une entreprise recrutant comme apprenti un jeune handicapé.

Notre groupe entend mener une politique efficace et concrète en faveur de l'emploi des personnes handicapées. C'est ainsi qu'il y a consacré sa séance d'initiative parlementaire nationale en février dernier, avec la proposition de loi de Jean-Christophe Lagarde qui prévoyait un crédit d'impôts pour les entreprises qui effectuent des investissements pour adapter les postes de travail aux salariés handicapés. C'est un dispositif simple, facile à mettre en place, sans paperasserie pour les chefs d'entreprise.

Pour nous, la situation de handicap crée pour la société une obligation de solidarité. C'est une nécessite morale, car l'accès des personnes handicapées au monde du travail est une condition essentielle de leur insertion sociale, mais aussi de leur autonomie financière. A nos yeux, le milieu ordinaire de travail doit être le lieu naturel d'insertion professionnelle des personnes handicapées. Il faut d'abord combattre les idées reçues selon lesquelles le handicap serait peu compatible avec le monde de l'entreprise, dominé par l'idée de performance. Aujourd'hui, nous connaissons tous des réussites exceptionnelles en la matière et celles et ceux qui sont différents, dans des postes adaptés, ont bien souvent des résultats remarquables : c'est qu'il y a chez eux ce plus de motivation, de volonté qui fait la différence.

Nous serons vigilants sur l'évolution des crédits inscrits au budget de l'emploi en faveur des travailleurs handicapés. Selon la DARES, en 2003, environ 100.000 personnes handicapées ont accédé à un emploi grâce au soutien de l'AGEFIPH et du réseau Cap Emploi. Toutefois, les emplois proposés sont fréquemment précaires : quatre emplois sur dix décrochés par une personne handicapée sont des CDD de moins de six mois. Fin 2003, 158.000 personnes handicapées étaient à la recherche d'un emploi.

Un véritable effort doit donc être fait. Ne négligeons pas la contribution que peuvent apporter les nouvelles technologies de l'information et de la communication à l'emploi des personnes handicapées, en favorisant notamment le télétravail et le travail à domicile. Le groupe UDF propose plusieurs pistes : renforcer les dispositifs de placement des travailleurs handicapés ; relancer les aides à l'emploi en faveur des personnes handicapées ; approfondir le dialogue social pour favoriser leur emploi.

Insérer les personnes handicapées, c'est savoir adapter le travail aux être humains, et non l'inverse. C'est là non seulement un véritable changement de fond, mais également un pari à long terme pour l'avenir de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Mansour Kamardine - Le budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale enregistre une hausse de 2,5%. Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, une telle augmentation traduit sans ambiguïté les orientations fixées par le chef de l'Etat en matière de lutte contre la précarité et les exclusions. Le plan de cohésion sociale sera le fer de lance de cette ambition à laquelle seront consacrés pas moins de 1 milliard d'euros de crédits budgétaires. Je souhaite saluer particulièrement les efforts en direction de la revalorisation des salaires les plus modestes, avec la hausse envisagée de 5,6% du SMIC dans le cadre du processus de convergence des SMIC ; de l'allégement des charges sociales pour assurer à nos entreprises plus de compétitivité et de possibilités d'embaucher ; des jeunes sans qualification qui bénéficieront d'un accompagnement personnalisé vers un emploi durable - ce qui tranche avec les emplois jeunes sans lendemain ; de la parité et de l'égalité entre les hommes et les femmes et notamment à travers des dispositifs comme le fonds de garantie pour l'aide à la création d'entreprise par les femmes. Je saisis cette occasion de saluer l'action de Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, et lui dire, comme elle a pu s'en rendre compte lors de sa visite en juillet à Mayotte, que ce type de mesure est très attendu localement.

Je souhaite maintenant m'attarder sur une collectivité chère à mon cœur, Mayotte, qui est symptomatique des enjeux du présent débat. La situation de Mayotte, en effet, est un peu un concentré de ce que nous connaissons dans l'ensemble du pays mais vu à travers un miroir grossissant. C'est, de toute la République française, la collectivité qui connaît les difficultés les plus criantes en terme d'emploi et de formation professionnelle, mais aussi celle où le Gouvernement montre sa mobilisation sur les questions sociales et particulièrement sur l'emploi.

Alors que le chômage avoisine les 10% au plan national, il s'élève à plus de 40% à Mayotte... Les licenciements économiques, et Dieu sait s'il y en a, ne sont pas indemnisés à défaut d'une convention collective, malgré la réglementation. Cette situation est de moins en moins tenable dans une société de consommation où les lignes sociales traditionnelles sont chaque jour repoussées.

La loi du 21 juillet 2003 a apporté une première réponse avec une revalorisation historique du SMIC qui est passé en deux ans de 38% à 45% du SMIC national, avec aussi l'implantation de l'ANPE à compter du 1er janvier prochain et un dispositif de remboursement des charges sociales qui reste malheureusement très compliqué pour les entreprises locales.

Nos jeunes veulent travailler pour être reconnus socialement et c'est heureux. Il faut les encourager pour éviter l'assistanat. Il est donc urgent d'agir. J'en appelle à la mise en place d'un plan pour Ie développement de l'emploi à Mayotte. Cela passe par la réforme du droit du travail applicable localement. Un premier décret relatif à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail dans les entreprises a déjà été publié le 25 février dernier.

Un deuxième train de mesures est en cours d'élaboration. Il s'agit notamment du projet d'ordonnance relative au droit du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle à Mayotte.

Cette ordonnance concernera le champ professionnel du code du travail de Mayotte, les salariés à temps partiel, les formalités à accomplir obligatoirement en cas de licenciement du salarié, le droit conventionnel, le recours au travail de nuit, les congés de formation, l'hygiène et la sécurité des travailleurs, la lutte contre le travail dissimulé, le renforcement des sanctions en cas d'emploi d'étrangers sans titre de travail, le licenciement pour motif économique, le contrôle de la formation professionnelle et la juridiction du travail de Mayotte. C'est une refondation du droit du travail qui se dessine et qui favorisera le dialogue social.

Je souhaite que l'ensemble de ces mesures soit intégré dans le code du travail de droit commun, afin de rendre ce droit plus accessible, et donc d'éviter une insécurité juridique préjudiciable à tous. Le système des « ordonnances baladeuses » a atteint ses limites.

Au-delà de ce travail, que je veux saluer, il faudra mettre en place un véritable plan de développement de l'emploi. La loi sur la cohésion sociale pourrait vous en offrir l'occasion. Les mesures en faveur de l'emploi dans les DOM inscrites dans la loi de programme pour l'outre-mer sont intéressantes ; rien ne s'oppose à leur extension à Mayotte.

Il y a urgence à assurer l'indemnisation du chômage. Les textes législatifs et réglementaires sont déjà publiés depuis plusieurs mois ; il revient au dialogue social, actuellement en panne, de les traduire dans les faits. L'implication de l'Etat serait opportune ; je serais donc intéressé de connaître les instructions que vous entendez donner.

Monsieur le ministre, j'ai assez parlé, l'heure est à la décision : c'est avec enthousiasme que je voterai votre budget, car il est bon pour la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Frédéric Reiss - Représentant plus de 40% des crédits de l'Etat, ce budget est d'une importance capitale dans un contexte de mondialisation où tout va très vite, trop vite parfois. Pour rester compétitives, nos entreprises ont gagné en productivité et su s'adapter aux fluctuations du marché, tout en faisant d'énormes progrès en matière de sécurité, d'hygiène et de protection de leur environnement.

En matière d'emploi, il faut bien avouer que les 35 heures n'ont pas apporté les créations escomptées, tout en dégradant souvent la qualité des relations humaines dans l'entreprise. Le partage du travail a été un leurre.

L'avenir économique de notre pays se joue à travers notre capacité à bonifier la croissance par une diminution significative du nombre de chômeurs. Le plein emploi n'est pas pour demain, mais il faut souligner les efforts faits par ce gouvernement pour réconcilier l'économique avec le social.

Le plan de cohésion sociale devrait bénéficier dès 2005 d'un milliard d'euros, les deux tiers en provenance du budget du travail et de l'emploi. Sa réussite, à laquelle je crois, est primordiale pour que tous nos concitoyens trouvent leur place dans la société. Les mesures annoncées dans ce budget du travail et de l'emploi vont dans le bon sens : 66 millions pour l'insertion par l'économique ; 862 millions pour la création des contrats d'avenir, l'amélioration des RMA, les contrats initiatives emplois ; 273 millions pour l'insertion professionnelle des jeunes.

Les 120 millions destinés à la création des maisons de l'emploi devraient permettre de lutter contre le chômage par des solutions adaptées à chaque bassin d'emploi, tout en créant une nouvelle synergie entre l'ANPE, les missions locales, les AFPA et les directions départementales du travail et de l'emploi. La recherche d'un emploi ne doit plus ressembler à une course d'obstacles.

S'agissant d'emploi, permettez-moi d'évoquer deux sujets particuliers.

D'abord, les emplois de service et particulièrement de service à la personne, domaine où la France accuse un retard évident. Comme il est écrit dans le rapport Camdessus, « les emplois de services sont de vrais emplois correspondant à d'authentiques métiers ».

Les gisements d'emplois sont réels dans l'hôtellerie, la restauration ou le commerce, et les mesures budgétaires prévues dans ces secteurs sont tout à fait judicieuses. Ils le sont également pour le maintien à domicile des personnes âgées, mais la qualité de la formation sera essentielle pour encourager les vocations. Ces emplois de service contribueront à développer la solidarité et la fraternité, tout en permettant de diminuer le chômage, principalement celui des femmes.

Il ne faut pas oublier les 350 000 emplois immédiatement disponibles dans le bâtiment et les travaux publics ; des mesures incitatives, notamment en direction des jeunes et des femmes, doivent permettre de résoudre la crise de recrutement dans ce secteur.

Je voudrais ensuite évoquer les initiatives prises pour l'égalité professionnelle entre hommes et femmes. Une politique volontariste a abouti à un accord national interprofessionnel. La création du label égalité par Mme Ameline a pour objectif de sensibiliser les acteurs socio-économiques tant au niveau de l'embauche, de la rémunération, du management des entreprises que de la prise en compte de la parentalité.

Le Gouvernement met l'accent sur les mesures en faveur des jeunes, ces acteurs économiques de demain. Les assouplissements des contrats d'apprentissage que nous avons examinés hier soir en commission des affaires sociales, ainsi qu'une collaboration plus étroite entre ce ministère et celui de l'éducation nationale, sont de nature à favoriser une entrée réussie dans la vie professionnelle.

Le plan de cohésion sociale ne laissera personne au bord du chemin, et il soutiendra la croissance : aussi voterai-je ce budget avec cœur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - Je voudrais tout d'abord remercier l'ensemble des rapporteurs.

Madame des Esgaulx, la création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations - nous étions l'un des derniers pays d'Europe à ne pas disposer d'un tel outil - a certes un coût, et nous sommes prêts à réexaminer avec votre commission les crédits inscrits au budget.

Monsieur Rolland, le drame des enfants des rues est un sujet majeur qui relève bien de la responsabilité de la nation, même si la compétence technique a été transférée au département. Mme Olin en reparlera.

Monsieur Joyandet, vous avez posé la question des rapports entre les missions locales et les maisons de l'emploi. Il y a eu débat au Sénat sur ce point. Nous allons évidemment répondre favorablement à votre suggestion, sous une forme ou sous une autre, étant entendu qu'il ne faut pas consolider des situations d' attente. En ce qui concerne les contrats non marchands, nous avions retenu l'idée de contrats de plus longue durée, à discuter avec le préfet pour tenir compte des réalités du terrain. Après consultation des préfets, nous allons probablement fixer un contrat standard, avec formation, mais avec possibilité de dérogation à la demande de la collectivité locale, afin de permettre les adaptations à des populations ou des bassins particuliers ; souplesse et simplicité resteront les maîtres mots.

M. Gorce ne nous a pas parlé de ce budget, mais d'une part du pouvoir d'achat et de la consommation, d'autre part de la durée de vie des titulaires de portefeuille ministériel. Sur le deuxième point, je lui dirai seulement que la fonction d'un ministre est d'être au service des gens pour le temps où il occupe son poste.

Comment parler de pouvoir d'achat et de consommation quand on a imposé aux Français une modération salariale sans précédent ?

A l'inverse, ce gouvernement a procédé, par l'augmentation du SMIC, à une hausse de pouvoir d'achat comme le pays n'en avait pas connu depuis vingt-cinq ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gaëtan Gorce - C'est de l'affichage...

M. le Ministre - 11,7% d'augmentation ! On voit que vous ne connaissez pas la réalité de la feuille de paie des Français, sinon vous ne mépriseriez pas un tel effort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) En vingt ans on est passé d'un million de personnes sans emploi à quatre millions alors que vous avez été au pouvoir pendant les trois quarts du temps ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) Vous êtes aussi à l'origine de la plus grave crise du logement social depuis l'appel de l'Abbé Pierre (Mêmes mouvements).

Pour ma part, je ne prétends par faire des exploits, mais je vous appelle à un peu de modération et d'humilité...

Monsieur Vercamer, ce budget est en effet un budget de solidarité, les outils sont là. Mais c'est aussi un budget pour l'emploi. En particulier, des moyens considérables sont consacrés au plan en faveur de la formation des jeunes et de l'apprentissage : trois fois ce qui avait été fait par M. Giraud et qui avait permis d'augmenter de 150 000 le nombre des apprentis. Les maisons de l'emploi ont aussi vocation à rapprocher les demandeurs d'emploi et les entreprises et les contrats d'avenir couvrent aussi la formation et le travail en équipe.

C'est toujours un bonheur de vous écouter, Monsieur Gremetz... Vous avez parlé de la compensation des charges pour les entreprises, mais je vous rappelle que c'est le gouvernement que vous souteniez qui a créé la plus grande machine à compensation (« Eh oui !» sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Cette critique ne s'applique pas à moi.

M. le Ministre - Oh, je sais, vous êtes en apesanteur... C'est ainsi sans doute que vous avez placé des écoutes téléphoniques sur les conversations entre M. Seillière et M. Jospin... Mais la machine à compenser est bien une machine Aubry.

Par ailleurs, j'ai quelque mal à vous suivre si vous estimez que les CES sont de bons contrats de travail, sûrs et pleins d'avenir... Tout ce que nous proposons, c'est, par dérogation positive, d'offrir des contrats mieux rémunérés ; cela devrait vous satisfaire...

Vous pensez que les contrats d'avenir n'en ont pas. Pour ma part, je considère qu'avec un taux de sortie de RMI de 5,11%, il est plutôt judicieux de proposer un contrat qui offre des revenus, une formation un accompagnement et un travail en équipe.

En effet, Monsieur Cardo, les contrats d'utilité sociale devront être réservés à ceux qui en ont effectivement besoin et pas aux bac plus 6.

Vous m'avez interrogé, Monsieur Liebgott, sur le respect des engagements financiers. Mais il y a dix-huit mois, M. Le Bouillonnec m'avais posé la même question à propos du grand plan de rénovation urbaine et je lui avais répondu que les engagements seraient tenus parce qu'ils figuraient dans la loi de programmation, non pas globalement mais par année, par nature d'action et par programme. Personne ne conteste aujourd'hui que ce plan fonctionne, or c'est la même méthode qui vous est proposée pour le plan de cohésion sociale. J'ajoute que nous sommes en démocratie et que s'il y avait le moindre dérapage vous en seriez le premier averti.

S'agissant des adultes relais, j'attends que vous m'indiquiez où il y aurait eu un arrêt de financement. A ma connaissance, aucun des 13 581 contrats n'a été rompu pour des raisons budgétaires. Mais si tel avait été le cas, n'hésitez pas à me le faire savoir.

M. Pierre Cardo - C'est à l'origine qu'il y a eu un dysfonctionnement ...

M. le Ministre - Vous vous êtes fait le relais des inquiétudes de certaines associations quant aux chantiers d'insertion. Mme Olin vous répondra plus précisément, mais je prends l'engagement formel devant la représentation nationale que les moyens d'accompagnement considérables prévus dans cette loi de finances en faveur de ces chantiers seront effectivement mis en œuvre.

Vous nous avez fait part, Monsieur Perruchot, de la position du groupe UDF sur la mécanique des 35 heures, qui oblige à des compensations, car on assisterait à défaut à une véritable destruction de l'emploi industriel. En effet, ce système fait supporter 17 milliards - et même 23 pour les trois ans qui viennent - à la collectivité nationale.

M. Sermier a soulevé le problème crucial des CFA et des lycées techniques professionnels, qui profiteront de l'effort fait en faveur de l'apprentissage. M. Hénart y travaille.

Vous avez traité, Monsieur Folliot, de ce sujet majeur qu'est le handicap. Vous connaissez la position du Gouvernement : autant de droit commun que possible, autant de spécificités que nécessaire. J'en prends l'engagement, là où il existera des maisons du handicap, elles travailleront en réseau avec les maisons de l'emploi.

Oui, Monsieur Kamardine, Mayotte est dans la collectivité nationale, mais elle a des spécificités, que vous avez énumérées. Je vous propose que nous élaborions pour Mayotte un contrat de cohésion sociale territoriale, comme pour la Réunion, où nous nous rendrons mi-décembre.

M. Mansour Kamardine - Alors je vous invite aussi à Mayotte !

M. le Ministre - Monsieur Reiss, oui, ce budget réconcilie l'économique et le social, et nous souhaitons un décloisonnement entre les différents niveaux d'administration et partenaires. Nous avons bien en ligne de mire le développement des services à la personne.

En conclusion, ...

M. Maxime Gremetz - J'avais posé une autre question, à laquelle vous n'avez pas répondu (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Je le ferai ultérieurement.

J'ai le sentiment, partagé par tout le pôle social de ce gouvernement, que l'on n'a eu de cesse, depuis vingt ans, par un effet de mode politique et journalistique, de critiquer les entreprises françaises et le développement économique. Mais, dans le même temps, on n'a pas mis en place les éléments sociaux nécessaires à la reconstruction de ceux qui, à un moment donné, se sont trouvés loin de la République, privés d'un emploi et d'un logement convenable.

Ma conclusion, c'est qu'il existe une schizophrénie française qui consiste, pour justifier un discours compassionnel, à critiquer systématiquement les forces actives de ce pays (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Le plan que nous vous soumettons offre des moyens considérables puisque, tous dispositifs confondus, 60 milliards lui seront consacrés en cinq ans ; c'est donc le plus grand plan de reconstruction des villes et des individus que la France ait connu. Mais, dans le même temps, nous disons aux entrepreneurs étrangers qu'ils sont les bienvenus, et nous favorisons l'action des chefs d'entreprise français qui font leur boulot correctement. Ainsi espérons-nous en finir avec vingt années d'un comportement destructeur. Ce que nous proposons aujourd'hui, ce sont des moyens financiers et humains qui permettront d'aider les villes qui n'en peuvent plus car elles n'ont pas les moyens de prêter assistance aux populations les plus fragiles, des moyens destinés, par exemple, aux plus petits, dès la maternelle, pour prévenir des problèmes sociaux qui n'ont pas été traités au cours des décennies écoulées. Le tout se fera dans le respect des contraintes budgétaires : certes, ce budget n'est pas extensible, mais pas un euro ne nous manque car pas un euro ne nous a été mégoté. Je remercie d'ailleurs la commission d'avoir considéré ce budget comme un investissement d'avenir pour notre pays. C'est qu'il s'agit bien, comme l'a dit M. Reiss, de réconcilier l'économique et le social, objectif essentiel pour mettre fin à cette sorte de dépression nerveuse négativiste qui embrume la France. En d'autres termes, le budget et la future loi de cohésion sociale préparent l'avenir, ce qui est d'autant plus nécessaire que nous devrons affronter un choc démographique sans précédent. Pour cela, nous faisons confiance à nos concitoyens et nous donnons des moyens aux collectivités et aux associations qui oeuvrent en faveur du retour vers l'emploi.

Enfin, Monsieur Gremetz, que n'avez-vous organisé la formation des jeunes recrutés au moyen de contrats aidés ? Que n'avez-vous organisé la sortie de ces emplois ? Pour ce qui nous concerne, si nous pouvons les aider à acquérir une qualification nous le ferons, et le plan le prévoit. Mais il n'est pas dit qu'un contrat à La Poste sera automatiquement reconduit...

M. Maxime Gremetz - Et voilà !

M. le Ministre - ...car nous mettons beaucoup d'espoir dans les contrats d'avenir (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 22 heures.

La séance est levée à19 heures 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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