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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 40ème jour de séance, 96ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 9 DÉCEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      RAPPEL AU RÈGLEMENT 2

      SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION 2

      PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE
      POUR 2004 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 11

La séance est ouverte à quinze heures.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Jean-Claude Sandrier - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Nous avons appris par la presse l'initiative du sénateur Philippe Marini tendant à exonérer d'impôt les plus-values réalisées par les entreprises cédant leurs titres de participation. Le ministre délégué au budget a demandé un délai pour étudier cette proposition, qui reviendra devant le Sénat le 20 décembre. Cela pourrait sembler naturel, si nous ne savions pas que l'amendement de M. Marini a été négocié pendant de longs mois avec l'équipe de Nicolas Sarkozy. Le Gouvernement a donc déjà une vue claire de ses conséquences. Cette réforme apparaît dès lors comme un arrangement amiable entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale, qui laisse de fait l'Assemblée nationale en dehors du débat. C'est inacceptable.

Sur le fond, la mesure est d'importance. L'actif des banques françaises est constitué à 47% par des titres, contre 5% en 1980. Les plus-values à long terme réalisées sur cette catégorie d'actifs, qui sont taxées à 33,3% ou à 19,9% selon qu'elles sont distribuées ou stockées, ne seraient plus assujetties qu'à un prélèvement libératoire dérisoire de 2,5% ! Ce cadeau supplémentaire aux gros portefeuilles, qui coûtera à l'Etat un milliard par an, ne peut être toléré à l'heure où le Gouvernement demande aux Français de se serrer la ceinture. Cette mesure aura aussi pour effet d'accroître encore la fluidité des marchés de capitaux et la spéculation, facteur de déstabilisation des entreprises.

Aujourd'hui, les entreprises françaises sont financées à 52,5% par des actions, alors que l'endettement bancaire ne représente plus que 28%. Le domaine est particulièrement sensible. Nous pourrions accepter une baisse des impôts sur les plus-values à long terme, mais sous condition expresse qu'elles servent l'investissement, la recherche, la formation et l'emploi. La mesure proposée, loin de répondre à cet objectif, livre au contraire notre économie aux intérêts prédateurs d'actionnaires peu scrupuleux. Elle doit être débattue sur les bancs de l'Assemblée nationale et nous demandons au Gouvernement de prendre clairement position.

M. le Président - Plus qu'un rappel au Règlement, c'était là en quelque sorte une introduction à nos débats du jour !

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le Président - J'informe l'Assemblée que la commission de la défense nationale et des forces armées a décidé de se saisir pour avis du projet de loi relatif à l'ouverture du capital de DCN et à la création par celle-ci de filiales.

PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2004

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2004.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Il n'appartient pas au ministre de l'économie de présenter le projet de loi de finances rectificative. Je laisserai donc Jean-François Copé, que je suis particulièrement heureux d'avoir à mes côtés, vous présenter en détail ce collectif budgétaire, qui s'inscrit dans la continuité de la gestion saine et responsable menée sous l'impulsion de Jean-Pierre Raffarin par nos prédécesseurs Francis Mer et Alain Lambert, puis Nicolas Sarkozy et Dominique Bussereau. Mais j'ai voulu saisir cette première occasion de venir, une semaine après notre nomination, vous exposer notre appréciation de la situation économique et le cadre dans lequel nous entendons inscrire notre action.

La bataille de l'emploi se gagnera par la croissance. Nous avons retrouvé cette croissance en 2004 et pouvons garder confiance dans les perspectives pour 2005. Le contexte économique reste en effet favorable. Les moteurs de la croissance ont redémarré : la consommation devrait croître en France deux fois plus que dans le reste de l'Europe, les investissements progressent de 5% en valeur et la reprise est là, avec une croissance de 2% déjà après les trois premiers trimestres. Certes, nous avons connu cet été un ralentissement d'une ampleur inattendue, mais tout laisse présager un rebond au quatrième trimestre. Compte tenu de tout cela, et du grand nombre de jours travaillés cette année, la croissance devrait avoisiner 2,5% pour 2004, soit un demi-point de plus que la moyenne de la zone euro, comme l'avait déjà indiqué le Gouvernement en septembre.

Pour autant, il ne faut pas mésestimer les risques qui pèsent sur l'économie de notre pays. Le premier est le cours du dollar, qui s'est déprécié de 10% depuis septembre. Ce risque doit être géré de façon collective entre les partenaires européens, pour agir plus efficacement à l'échelle mondiale. C'est le constat que j'ai partagé lundi soir avec mes collègues européens de l'Eurogroupe, et la position commune qui a été prise à l'issue de cette réunion est une étape importante face à cette situation difficile. Parler d'une seule voix sur des sujets aussi essentiels est un signal fort à la veille du rendez-vous politique majeur de l'Union européenne en 2005. Le deuxième sujet de vigilance est le prix du pétrole. Le repli de ces derniers jours montre que le pire n'est jamais sûr, et surtout qu'il faut garder la plus grande humilité en matière de prévision. En octobre, certains voyaient le baril à 60 ou 70 dollars de manière durable ! Aujourd'hui, à un peu plus de 37 dollars, il est de nouveau en ligne avec les prévisions du projet de loi de finances pour 2005, qui l'avait fixé à 36,5 dollars. Mais pas plus qu'il ne faut trop réagir aux mouvements spéculatifs l'accalmie récente ne doit nous conduire à l'inaction. Nous devons relancer activement les économies d'énergie et promouvoir les énergies renouvelables, et notamment, l'ancien ministre de l'agriculture qui vous parle le sait bien, les biocarburants.

Pour résumer, la prévision de croissance de 2,5% établie en septembre 2004 reste un objectif réaliste pour 2005, pourvu que les tensions sur le dollar et le pétrole ne s'aggravent pas. Mais d'autres raisons nous poussent à l'optimisme : la croissance n'est pas seulement exogène. Comme l'a dit le Président de la République, il faut aller la chercher ! Or, le Gouvernement a pris depuis deux ans les mesures nécessaires pour soutenir la consommation et l'investissement. La forte revalorisation du SMIC, les mesures en faveur des donations et du déblocage des fonds d'épargne salariale, le dégrèvement de taxe professionnelle décidé en début d'année ont commencé à porter leurs fruits. Avec les mesures qui viennent d'être adoptées dans le projet de loi de finances pour 2005, comme la réforme des droits de succession et la baisse de l'impôt sur les sociétés, elles donneront leurs pleins résultats dans les mois à venir. Le Gouvernement aura aussi obtenu une confiance restaurée de nos concitoyens dans la capacité de l'Etat à mener des réformes de fond trop longtemps différées, telles que celles des retraites et de l'assurance maladie. Vous pouvez compter sur moi pour appuyer pleinement mes collègues dans la mise en œuvre de ces réformes décisives.

Au-delà de ce panorama rapide, je souhaite profiter de cette discussion pour vous présenter brièvement les principes généraux qui guideront mon action et fonderont les mesures que je vous présenterai dans quelques semaines.

Nous voulons pour notre pays une croissance durable et riche en emplois, car, au-delà des chiffres, ce qui importe, c'est le nombre de nos concitoyens qui auront trouvé ou retrouvé du travail dans les mois à venir. C'est l'objectif que le Premier ministre a fixé au Gouvernement dans le cadre du « contrat 2005 » qu'il a présenté ce matin.

La politique économique du Gouvernement est d'abord au service de l'emploi. Nous devons impérativement traiter ce mal français qui exclut de l'activité les seniors, les jeunes et nos concitoyens les moins qualifiés. Je mettrai toute mon énergie pour préparer notre économie à relever les nouveaux défis que constituent le vieillissement démographique, la mondialisation des échanges et des modes de production, les révolutions technologiques.

Notre stratégie économique repose sur trois piliers. Tout d'abord, concilier le soutien à la croissance et l'assainissement de nos finances publiques. Ensuite, mobiliser tous les moyens pour libérer l'emploi, avec pragmatisme et détermination, au profit notamment des plus fragiles. Enfin, nourrir une nouvelle ambition dans les domaines de la stratégie industrielle, de la recherche et de la formation.

Malgré les efforts faits par le Gouvernement depuis deux ans et demi, avec l'appui de votre commission des finances, dont je salue le président, la situation de nos finances publiques requiert une mobilisation quotidienne. Mille milliards d'euros de dette publique, cela représente près de 16 000 euros pour chaque Français, soit plus d'un an de SMIC ! Les intérêts payés chaque année par l'Etat, soit 40 milliards d'euros, sont supérieurs à l'ensemble des crédits de la politique de l'emploi... Réduire les déficits et la dette publique est indispensable vis-à-vis de nos enfants dont nous devons cesser d'hypothéquer l'avenir. C'est aussi le moyen de retrouver des marges budgétaires pour investir au service de notre pays. Ce n'est pas une obsession purement comptable. C'est la condition première pour rétablir la confiance de nos concitoyens dans leur avenir et dans celui de la nation. C'est pourquoi je continuerai de céder des actifs de l'Etat et d'en affecter le produit au désendettement, comme je l'ai fait cette nuit, en engageant avec l'accord du Premier ministre, une nouvelle phase de cession du capital d'Air France pour environ 700 millions d'euros. D'une façon plus générale, une gestion plus active du patrimoine de l'Etat, notamment immobilier, est nécessaire (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP). Nous avons bien l'intention, avec Jean-François Copé, d'y travailler.

Assainir durablement nos finances, c'est aussi, et avant tout, maîtriser la dépense publique. Elle représente en effet en France 54 points de PIB contre 48 en moyenne dans l'Union européenne, c'est-à-dire que chaque année, nous dépensons près de 100 milliards d'euros de plus que la moyenne des pays voisins ! Il nous faudra donc poursuivre ces prochaines années la stabilisation en volume des dépenses de l'Etat. Elles ne devront pas augmenter plus que l'inflation et pas un euro de plus ne devra être dépensé en exécution que ce qui a été voté par le Parlement en loi de finances initiale. Dans le domaine social, les économies attendues de la réforme de l'assurance maladie votée cet été devraient faciliter le ralentissement des dépenses et la réduction du déficit au cours des prochaines années. Il en va de même de la réforme des retraites.

Nous nous sommes engagés à ramener dès l'année prochaine le déficit des comptes publics sous la barre de 3% du PIB. Nous ne transigerons pas sur cet impératif. Dès lundi d'ailleurs, au Conseil Ecofin, la Commission a indiqué qu'elle proposerait bientôt de suspendre la procédure pour déficit excessif engagée à l'encontre de la France. Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour que notre pays respecte ses engagements européens tout en conservant sa stratégie propre.

Il nous faut poursuivre et accélérer la réforme de l'Etat. Dans ce domaine, la mise en œuvre de la LOLF en 2006 nous permettra de réexaminer la pertinence des grandes politiques publiques au regard de leurs résultats. Mais il n'y a pas que les grandes politiques à réformer. On parle beaucoup de la réforme de l'Etat et pas assez des réformes dans l'Etat. La réforme des politiques publiques suscite, comme il est souhaitable et légitime, des débats de société et des débats publics, en particulier devant le Parlement. Mais ces débats sur les missions de service public ne doivent pas constituer un préalable aux centaines de réformes à conduire au sein de l'administration. Celles-ci sont parfois modestes, techniques, mais toujours essentielles parce qu'elles représentent un gisement considérable de productivité pour l'Etat.

M. Marc Le Fur - Très bien !

M. le Ministre - Il y a des révolutions minuscules que l'on fait et qui ont plus d'effet que la révolution qu'on ne fait jamais. A cet égard, les stratégies ministérielles de réforme sont un acquis méthodologique précieux. Nous y travaillerons avec Jean-François Copé, aux côtés de Renaud Dutreil et de Eric Woerth.

J'en viens au deuxième pilier de notre action. Depuis 2002, le Gouvernement a beaucoup fait pour revaloriser le travail et développer l'emploi. Il a très vite assoupli les 35 heures, notamment pour les PME, poursuivi les baisses de charges et facilité la création d'entreprises, si bien que plus de 220 000 ont été créées sur les douze derniers mois contre 170 000 seulement en moyenne les années passées. Il a aussi fait converger vers le haut les différents SMIC hérités des 35 heures, abaissé l'impôt sur le revenu et revalorisé la prime pour l'emploi. Le Premier ministre a, ce matin, engagé une nouvelle étape dans cette lutte pour l'emploi avec le « contrat 2005 ». Celui-ci vise à développer les services à la personne, accroître l'emploi des seniors, revaloriser l'apprentissage, renforcer la participation des salariés aux résultats des entreprises, faciliter la transmission et le développement des petites entreprises, moderniser la législation et les relations commerciales.

Un des éléments clés de la croissance de demain est bien en effet de libérer les énergies des Français et de permettre à ceux qui le souhaitent d'innover, de prendre des risques, de travailler plus et de gagner plus. C'est dans cette perspective que les entreprises pourront désormais signer des « accords pour le temps choisi ». Pour ma part, je mobiliserai les services du ministère dans les toutes prochaines semaines pour identifier les leviers et proposer les réformes susceptibles de dynamiser notre économie et de mobiliser les gisements d'emplois. S'il est vrai que « trop d'impôt tue l'impôt », trop d'impôt tue l'emploi. C'est pourquoi nous devons poursuivre sa baisse ainsi que celle des charges, dans le respect des grands équilibres financiers.

Troisième pilier de notre action : tenir notre rang dans la compétition internationale de l'intelligence. La prédiction d'Alain Peyrefitte « Quand la Chine s'éveillera » s'est avérée, et beaucoup d'autres jeunes économies dans le monde, bouillonnantes d'idées et de projets, affichent d'insolentes performances de croissance. C'est un véritable défi pour les anciennes nations industrielles comme la nôtre. Notre privilège est d'avoir accumulé un extraordinaire capital humain, de disposer d'infrastructures et de services publics de qualité, de formations et de laboratoires de recherche d'excellence, dont il nous faut, aujourd'hui plus que jamais, tirer le meilleur parti. Avec les partenaires sociaux, avec les entreprises, avec le Parlement, avec nos voisins européens, nous devons exploiter au mieux nos gisements de matière grise. Les gâchis, les cloisonnements, les blocages ne peuvent plus être tolérés. Notre responsabilité commune est de mieux valoriser cette richesse.

Nous avons besoin d'une stratégie industrielle nouvelle pour créer durablement des emplois et relever le défi des délocalisations. Jean-Louis Beffa doit remettre dans les semaines à venir un rapport sur le sujet au Président de la République.

Il nous faut donner une nouvelle ambition à notre recherche publique, dynamiser notre recherche privée, trop faible, leur permettre de mieux travailler ensemble pour relever les défis de l'avenir, qu'il s'agisse de mieux comprendre et de mieux soigner les maladies liées au vieillissement ou de préparer la relève énergétique nécessaire à un développement économique durable. Jean-François Copé et moi serons donc particulièrement attentifs à l'élaboration de la loi d'orientation et de programmation pour la recherche. Les dépenses de recherche-développement ne représentaient en 2003 que 2,2% de notre PIB, ce qui place la France très loin derrière les Etats-Unis, le Japon, la Chine et, en Europe, derrière l'Allemagne. Et si nous consacrons aujourd'hui 0,95% de notre PIB à la recherche publique, seulement 1,25% de ce PIB irrigue la recherche privée, là où le sommet de Lisbonne préconisait d'y consacrer 2%. Un effort particulier est donc indispensable pour promouvoir le financement privé de la recherche. Il nous faut constituer des pôles de compétitivité et des réseaux d'excellence, s'appuyant sur les atouts de nos territoires. Bref, il nous faut retrouver une vision stratégique pour notre développement économique.

Comme vous, j'ai confiance en notre pays. Cessons les jérémiades et les incantations. Sortons de la dépression nerveuse et des atermoiements. Allons de l'avant. Ce n'est pas dans dix ou vingt ans qu'il faut agir, c'est maintenant.

C'est pourquoi, avec Jean-françois Copé, nous avons engagé sans tarder le travail nécessaire pour créer une dynamique nouvelle s'inscrivant dans un programme d'action stratégique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Permettez-moi d'abord de vous dire à quel point je suis heureux de venir présenter devant vous ce collectif budgétaire, comme ministre délégué auprès d'Hervé Gaymard. Les finances publiques me passionnent depuis toujours.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - C'est vrai.

M. le Ministre délégué - Cette première prise de contact a lieu dans des conditions atypiques. Les ministres qui prennent leurs fonctions disposent généralement d'un mois pour s'installer. Or mon premier mois d'activité aura été consacré à achever le projet de loi de finances pour 2005, à soumettre au Sénat un projet de loi organique et enfin à vous présenter ce projet de collectif qu'Hervé Gaymard et moi-même assumons, mais que nous n'avons pas préparé. Je veux d'ailleurs saluer le travail accompli par mon prédécesseur Dominique Bussereau aux côtés de Nicolas Sarkozy.

Je suis donc dans une situation particulière et j'espère que vous serez indulgents. Mais c'est aussi pour moi une chance formidable d'entrer de plain-pied dans le sujet. Je ne conçois pas ma fonction sans un échange permanent avec vous. C'est dans cet état d'esprit que je viens vous présenter ce collectif.

L'année qui s'ouvre sera une grande année au plan budgétaire, une de ces années qui comptent. Ce sera celle de la remise en ordre de nos finances publiques. Nous allons récolter les fruits de deux années de réforme et de gestion vertueuse, avec une réduction sans précédent de notre déficit public, qui diminuera de 10 milliards. Nous allons en outre tenir notre engagement de ne pas laisser filer les dépenses : pour la troisième année consécutive, elles ne progresseront pas plus vite que l'inflation. C'est un choix difficile, exigeant, que nous assumons pleinement. C'est aussi en 2005 que des réformes capitales vont porter leurs fruits : la réforme des retraites, celle de l'assurance maladie. Des réformes courageuses, systématiquement reportées par le précédent gouvernement, qui vont sauver notre modèle de protection sociale après des années d'immobilisme. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Enfin, 2005 est l'année d'un grand rendez-vous : avec l'entrée en vigueur de la LOLF, ce sera la première année de la modernisation de la gestion de l'Etat. C'est une véritable révolution, que nous devons à des parlementaires courageux, siégeant sur tous ces bancs. Pour la première fois, au lieu de reconduire les services votés, nous allons examiner le budget dès le premier euro, avec l'aide de ces formules magiques que sont la culture du résultat, les objectifs, les indicateurs de performance, l'évaluation.

Le Gouvernement aura besoin de vous, députés de la majorité comme de l'opposition, pour honorer tous ces rendez-vous.

Ce projet de collectif n'est pas un simple ajustement des dotations budgétaires en fin d'exercice. Dans un contexte général de reprise de la croissance, il exprime nettement des choix politiques. En premier lieu, il traduit notre obsession d'une gestion saine de nos finances publiques. Hervé Gaymard l'a dit, 2004 aura été l'année du retour de la croissance. Ce projet de loi de finances rectificative le prouve en confirmant les 6 milliards de recettes supplémentaires déjà prises en compte lors de la présentation du projet de budget pour 2005 : 1 milliard au titre de la réduction du prélèvement au profit des Communautés européennes et 5 milliards de plus-values fiscales. En outre, nous enregistrons 1,5 milliard de recettes supplémentaires, grâce à deux éléments nouveaux. D'une part, le coût du contentieux relatif à la taxe sur les achats de viande avait été provisionné à hauteur de 1,4 milliard, mais l'analyse précise du Conseil d'Etat conduit à réduire cette estimation d'un milliard. C'est une bonne nouvelle, qui nous rappelle que les réserves de précaution sont des primes à la sagesse. D'autre part, 560 millions d'excédents de subvention sont reversés par la SOFARIS.

Au total, ce sont donc 7,5 milliards de recettes supplémentaires dont nous disposons. Encore faut-il savoir ce qu'on en fait ! Nous avons fait le choix d'une gestion exemplaire, contrairement à ce qui se pratiquait autrefois. Rappelez-vous, en 1999 : les recettes étaient supérieures aux prévisions mais, sur une cagnotte de 7 milliards, moins de la moitié avait été affectée à la réduction du déficit. Le reste avait servi à des dépenses nouvelles, dans l'opacité la plus totale. C'est le Président de la République qui avait informé les Français, dans son intervention télévisée du 14 juillet.

Au contraire, nous consacrons ces recettes supplémentaires à la réduction du déficit et nous travaillons dans la transparence la plus totale : les plus-values anticipées ont été annoncées en temps réel. Cette démarche de responsabilité, nous avons voulu la pérenniser, pour que les erreurs du passé ne puissent pas se répéter. C'est pourquoi nous avons inscrit dans la LOLF l'obligation pour tout gouvernement d'annoncer à l'avance au Parlement ce qu'il fera d'éventuelles plus-values fiscales.

Le courage, c'est de faire face à la réalité. C'est ce que nous faisons en ouvrant des crédits pour des dépenses aujourd'hui nécessaires à notre pays. Il nous faut en effet une défense nationale à la hauteur des enjeux du moment. Qui peut sérieusement contester la nécessité de poursuivre l'effort de modernisation de notre outil militaire, compte tenu du retard accumulé ces dernières années ? Nous ouvrons donc des crédits à hauteur de 870 millions.

Par ailleurs, 1 milliard ira aux interventions sociales. Il s'agit de dépenses inéluctables, car la situation de l'emploi pèse encore lourdement sur les dépenses d'aide personnelle au logement ou sur la CMU. Mais qui critiquera ce choix ?

Nous avons enfin la volonté de relancer l'investissement public. J'ai été en charge des collectivités locales aux côtés de Dominique de Villepin et je sais qu'il fallait relancer les contrats de plan, comme l'a fait le Premier ministre, en insistant tout particulièrement sur leur volet routier.

Pour la troisième année consécutive, il ne sera pas dépensé un euro de plus que le plafond autorisé par le Parlement en loi de finances initiale, soit 283,7 milliards. L'essentiel de la dépense supplémentaire qui vous est proposée, pour un montant total de 1,7 milliard, ira à de l'investissement et ne pourra donc pas matériellement être dépensé avant le 31 décembre 2004. Il s'agit d'un montant minime au regard de la masse globale des dépenses de l'Etat.

Le déficit budgétaire sera donc réduit de 6 milliards : il s'établit à 49,3 milliards, au lieu des 55,1 prévus en loi de finances initiale. Cet effort est indispensable pour revenir sous la barre des 3% et restaurer notre crédibilité auprès de nos partenaires européens.

Un gouvernement qui tient ses engagements, qui maîtrise les dépenses tout en faisant face aux nécessités du moment, c'est cela, un gouvernement responsable.

Nous avons aussi la volonté de simplifier la vie des Français. Ce collectif contient une série de mesures visant à améliorer les relations entre les contribuables et l'administration, à simplifier notre environnement fiscal et à nous mettre en conformité avec le droit communautaire.

Je terminerai en vous exposant ma méthode et mes priorités.

Je tiendrai la dépense publique, c'est pour moi un impératif catégorique. Nous devons à tous les contribuables, citoyens et entreprises, de démontrer que nous en sommes capables. Personne ne comprendrait le contraire, alors que la Commission européenne s'apprête à lever la procédure pour déficit excessif qui visait notre pays. Vous pouvez compter sur ma détermination. C'est un point sur lequel je veux solennellement engager ma parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Cela signifie que nous devrons mettre en réserve des crédits. La mise en réserve, c'est l'inverse du gel. Il s'agit de faire face aux aléas et aux besoins nouveaux. Le Parlement sera associé, en totale transparence, à cette démarche de précaution. A la différence de Lionel Jospin, nous ne procéderons pas dans l'urgence.

En second lieu, nous voulons rendre la dépense publique efficace. Nous financerons donc d'abord les priorités du Président de la République et du Premier ministre, et cela dans le cadre de la révolution budgétaire introduite par la LOLF, c'est-à-dire d'une logique de résultats, de responsabilité - chaque dépense devra être justifiée -, de fongibilité des crédits pour laisser plus de liberté aux fonctionnaires, d'évaluation et de performance. Ces principes vont permettre la réforme de l'Etat que les Français attendent depuis des décennies. Nous allons faire en sorte qu'ils en aient pour leurs impôts !

Nous allons donc moderniser notre procédure budgétaire en travaillant plus tôt, en amont, avec les différents ministères, et de façon plus collégiale. La maîtrise des comptes ne doit pas être le fardeau, l'obsession du seul ministre du budget. Chaque ministre doit devenir son propre ministre des finances. Ainsi mettra-t-on fin à ce jeu de rôles peu digne d'une démocratie, dans lequel chaque ministre réclame plus de crédits et le ministre des finances explique que c'est impossible. Avec Hervé Gaymard, nous avons acquis la conviction, y compris dans l'exercice de nos fonctions précédentes, que Bercy ne doit pas être une machine à dire non, mais doit plutôt accompagner les réformes dans une logique de modernité.

M. Jean-Jacques Descamps - Très bien.

M. le Ministre délégué - C'est vraiment dans cet esprit que nous voulons travailler. L'enjeu est de restaurer la capacité d'action de l'Etat, alors que la charge de la dette et les dépenses de personnel représentent plus de 55% de ses dépenses. A nous de dégager les marges de manœuvre dont le Président de la République et le Premier ministre ont besoin pour financer les réformes de structure.

Je veux enfin exposer les deux grands principes de notre politique fiscale. D`abord, nous allons poursuivre les baisses d'impôt, mais elles seront intégralement gagées sur des économies et n'aggraveront en rien le déficit de l'Etat.

M. Michel Bouvard - C'est bien ! Chiche !

M. le Ministre délégué - Ces baisses accompagneront les priorités fixées par le Président de la République et le Premier ministre et seront donc ciblées sur l'emploi, le soutien du pouvoir d'achat, l'attractivité du territoire. C'est ainsi que nous arracherons chaque dixième de point de croissance, au service des Français !

Ensuite, nous voulons que la politique fiscale se fasse de nouveau en loi de finances, et non au fil des mesures dispersées dans tous les projets de loi. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) Cette approbation me laisse penser que les présents sont tous membres de la commission des finances. En effet, elle a un rôle spécial à jouer comme gardienne des grands équilibres budgétaires et de la cohérence de notre code général des impôts. Qu'elle compte sur moi pour appliquer ces règles de bonne conduite lors du débat fiscal au Parlement.

Ce collectif s'inscrit dans la droite ligne de l'action engagée depuis deux ans et demi pour favoriser le retour de la croissance, maîtriser fermement la dépense publique, réduire notre déficit budgétaire. Comptez sur notre détermination totale à agir sur la base de ces principes et soyez assurés que notre disponibilité à votre égard est aussi grande que notre enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur général - Je voudrais d'abord dire, au nom de la majorité, combien nous sommes heureux de travailler avec vous.

M. Marc Laffineur - C'est vrai !

M. le Rapporteur général - Et nous avons commencé à le faire dans la plus grande confiance. D'ailleurs, chacun de vous a été un membre actif de la commission des finances. Nous y avons d'autant plus de plaisir que ce collectif est un bon cru. Par rapport à la prévision inscrite au budget primitif pour 2004, le déficit est inférieur de 6 milliards d'euros, 40 millions de francs. C'est du jamais vu ! En 1999-2000, Monsieur Migaud, quand les recettes étaient si abondantes, vous aviez réduit le déficit, mais pas dans ces proportions.

Nous avons bénéficié de 5 milliards supplémentaires de plus-values fiscales grâce à la TVA sur la consommation et à l'impôt sur les sociétés, dont la compétitivité a été restaurée, et cela grâce au retour de la croissance que M. Gaymard vient de confirmer. En effet, si nous avons connu un trou d'air au troisième trimestre, le premier semestre a été excellent, et tout laisse à penser que la croissance de 2004 sera supérieure à 2% alors que le budget a été bâti sur une hypothèse de 1,7%. L'essentiel est que la totalité de ces recettes supplémentaires est affectée à la réduction du déficit.

M. Augustin Bonrepaux - Pas la totalité !

M. le Rapporteur général - La Commission de Bruxelles nous en a donné acte puisque - le commissaire Almunia l'a confirmé hier à M. Gaymard - dès la semaine prochaine, elle clôturera la procédure engagée contre la France pour déficit excessif.

M. le Ministre - Elle la suspendra.

M. le Rapporteur général - Nous avons cependant un regret, c'est que ce collectif comporte 1,7 milliard de complément de dépenses, soit le solde de 3,8 milliards d'ouverture de crédits et de 2,1 milliards d'annulation, ce qui porte un coup de canif au principe de stabilité en volume des dépenses de l'Etat. M. Copé nous a dit qu'il s'agissait de dépenses régaliennes. Je vois surtout que ce ne sont que pour 5% des dépenses d'investissement.

M. Michel Bouvard - Malheureusement !

M. le Rapporteur général - Et la moitié de ces 1,7 milliard sont des dépenses militaires, alors que celles-ci sont déjà couvertes par une loi de programmation. Nous serons donc extrêmement vigilants sur la compensation que vous annoncez au titre de l'exercice 2005 pour que, sur les trois années 2003, 2004 et 2005, il y ait bien stabilité en volume des dépenses de l'Etat. C'est ainsi que nous restaurerons l'équilibre des finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

J'ai apprécié, Monsieur le ministre délégué, que vous évoquiez la dépense fiscale. Méfiez-vous ! Elle est éparpillée dans divers textes qui n'ont rien à voir avec la loi de finances, engagée sans évaluation préalable, jamais consolidée. Nous en reparlerons éventuellement à propos d'un amendement du Gouvernement.

Parmi les principales mesures du collectif, je relève un ensemble d'engagements financiers de l'Etat « hors bilan » puisque la loi organique nous oblige à faire approuver en loi de finances tous les engagements de l'Etat. Nous serons très attentifs à deux engagements nouveaux. Le Gouvernement a eu parfaitement raison d'organiser le sauvetage d'Alstom. Mais alors que nous allons approuver les contre-garanties au titre des cautions pour les contrats à long terme de l'entreprise, nous avons besoin d'une vision claire de l'ensemble des engagements de l'Etat envers Alstom, en capital ou en garanties. D'autre part, le Gouvernement va nous proposer par amendement de garantir l'emprunt que l'UNEDIC va devoir émettre puisque son déficit de 10 milliards fin 2004 ne sera couvert qu'à hauteur de 6 milliards. L'Etat donnera sa garantie pour 2,2 milliards. Or, on se souvient que ce type de garantie a joué de façon unilatérale en 1999 et qu'un montant de 1,2 milliard, reporté en recette de budget en budget, a finalement été abandonné.

Ce collectif comporte aussi des mesures pour améliorer les relations entre l'administration fiscale et les contribuables, notamment pour les entreprises, et elles faciliteront les investissements étrangers. D'autres mesures traduisent en droit français des décisions communautaires. La commission des finances proposera des amendements qui visent à bien sauvegarder l'emploi industriel face aux évolutions de la réglementation européenne.

Enfin, parmi les mesures diverses, je signale à l'opposition celles qui concernent les collectivités locales. En particulier, il est opéré une régularisation de 59 millions supplémentaires en faveur des départements au titre de compensation pour le transfert du RMI.

M. Augustin Bonrepaux - C'est l'aveu que ce transfert n'était pas compensé !

M. le Rapporteur général - Après cette première régularisation, l'an prochain lorsque les comptes administratifs des départements pour 2004 seront arrêtés, il y aura une seconde régularisation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Nous aurions été heureux de bénéficier au moment des lois Defferre de procédures aussi honnêtes et prenant à ce point en compte la réalité des dépenses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Un mot sur la méthode, pour conclure : faute de DDOEF, nous avons été confrontés, Messieurs les ministres, à une avalanche d'amendements du Gouvernement, ce qui ne nous simplifie pas la tâche et ne nous laisse pas toujours le temps nécessaire pour bien apprécier les choses. Mais comme vous arrivez l'un et l'autre à ces nouvelles fonctions, vous bénéficierez de notre indulgence.

Nous allons maintenant avoir des débats très nourris, sur des sujets parfois très complexes. Ils auront lieu dans un climat constructif et de confiance, car nous avons là un collectif de bonne tenue, que je vous invite, au nom de la commission des finances, à adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis de la commission de la défense - Le projet de loi de finances rectificative pour 2004 ouvre 870,3 millions d'euros de crédits de paiement pour le budget de la défense, dont 209,8 au titre III et 660,5 aux titres V et VI. Mais ces dispositions ne peuvent s'analyser qu'en prenant en considération deux décrets publiés le 28 octobre dernier : le premier ouvre 692,2 millions d'euros de crédits de titre III, principalement afin de couvrir les surcoûts résultant des opérations extérieures, tandis le second permet de gager le premier par l'annulation d'un montant identique de crédits des titres V et VI. Dans le cadre de ce dispositif, similaire dans son principe à celui retenu en 2003, l'ouverture de crédits d'équipement en collectif budgétaire vient donc rétablir, dans leur quasi intégralité, les crédits annulés par décret ; dès lors, les surcoûts résultant des opérations extérieures ne sont pas financés, comme c'était l'usage jusqu'en 2001, par des annulations à due concurrence de crédits de titres V et VI. On ne peut que saluer le renouvellement en 2004 de cette bonne pratique.

Les dépenses occasionnées par les opérations extérieures sont estimées pour 2004 à 649,4 millions d'euros, c'est-à-dire un niveau comparable à celui de 2002 et 2003. Les dispositions du décret d'avance permettent de couvrir les surcoûts en rémunérations et charges sociales, de même que la quasi intégralité des dépenses de fonctionnement. En revanche, subsiste le principe du non-remboursement des surcoûts du titre V, lesquels ne font l'objet d'aucune ouverture de crédits.

Au total, ces dispositions apparaissent satisfaisantes, seulement quelque 76 millions d'euros restant à la charge du ministère de la défense. Toutefois, ce constat ne doit pas masquer le caractère peu adapté de la procédure de financement des opérations extérieures. La commission de la défense a déjà souligné à plusieurs reprises la nécessité de prévoir l'inscription de crédits pour ces dépenses dès la loi de finances initiale. L'abondement de crédits en fin d'exercice pose en effet des difficultés de gestion au ministère de la défense, contraint de procéder à des avances de trésorerie tout au long de l'année. A cet égard, l'inscription dans le projet de loi de finances pour 2005 d'une provision de 100 millions d'euros à ce titre constitue une avancée.

13 950 militaires français étaient déployés sur des théâtres extérieurs au 1er juin 2004, contre 14 086 un an plus tôt. Comme en 2003, l'Afrique se trouve au cœur de l'action militaire de la France à l'étranger, essentiellement du fait de l'opération Licorne menée en Côte d'Ivoire ; celle-ci a été significativement renforcée à la suite des événements dramatiques survenus au début du mois de novembre, et les surcoûts estimés pour l'année 2004 pour cette opération atteignent plus de 186 millions d'euros. Les Balkans constituent le deuxième théâtre d'intervention de notre pays, représentant environ un tiers des effectifs déployés et des surcoûts. Enfin, les forces françaises restent fortement engagées en Afghanistan, avec 1 530 hommes déployés sur ce théâtre d'opération.

S'agissant des crédits du titre III, 152,1 millions d'euros sont ouverts par le décret d'avance afin de permettre le versement de loyers de gendarmerie et d'accroître les dotations de rémunérations et charges sociales, d'alimentation et de carburant. Il s'agit là, notamment, de répondre à la forte hausse du prix du baril de pétrole. Le collectif budgétaire abonde aussi divers chapitres du titre III, notamment afin de permettre le remboursement de dettes auprès de l'OTAN et de couvrir des besoins de financement en matière de frais de contentieux.

S'agissant des crédits d'équipement, l'intervention successive du décret d'annulation et du projet de loi permet au ministère de la défense de procéder à un redéploiement de moyens entre différents chapitres, afin de mettre en adéquation ses ressources avec ses besoins. Les annulations de crédits de paiement réalisées par décret ont concerné pour l'essentiel les chapitres relatifs aux équipements des armées, à l'espace et au soutien des forces. Parallèlement, sur les 660,5 millions d'euros de crédits de paiement rétablis en collectif, 85 millions sont destinés à compléter le financement du volet fiscal de la réforme de DCN pour 2005. Les chapitres consacrés à l'entretien programmé des matériels et aux forces nucléaires bénéficient d'un abondement significatif, en raison du dynamisme continu des dépenses de maintenance et de l'ajustement des dotations du programme de missiles balistiques. Enfin, 95 millions sont destinés aux études amont, ce qui illustre toute l'importance accordée à la recherche-développement.

Parallèlement, le projet de loi prévoit l'annulation de 471 millions d'euros d'autorisations de programme et l'ouverture de 575,5 millions d'euros : 233,5 millions d'euros d'autorisations de programme sont inscrites sur divers chapitres des titres V et VI, en cohérence avec les inscriptions de crédits de paiement, tandis que 342 millions d'euros sont destinés à assurer le financement de la neutralité fiscale de DCN pour 2005, les autorisations de programme nécessaires n'ayant pas été inscrites en projet de loi de finances. Au total, le financement de la neutralité fiscale de la réforme de DCN pour la marine est donc assuré pour 2005. Pour autant, il est indispensable de trouver un mécanisme qui permette de régler la situation des années ultérieures.

En conclusion, je souhaiterais saluer l'équilibre du présent projet, qui répond aux besoins du ministère de la défense tout en préservant ses crédits d'équipement. C'est pourquoi la commission de la défense a émis un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Didier Migaud - L'actuel ministre de l'économie et des finances est le troisième titulaire de ce portefeuille depuis le début de l'année. Vous êtes d'ailleurs dans le même cas, Monsieur le ministre délégué au budget. Vous nous présentez donc tous deux un projet préparé par vos prédécesseurs, qui ont eux-mêmes dû exécuter en partie un budget préparé par leurs prédécesseurs ! Aux critiques que nous vous adresserons, vous serez donc peut-être tenté de répondre que vous n'y êtes pour rien, mais je connais votre esprit de solidarité vis-à-vis d'une équipe gouvernementale à laquelle vous apparteniez déjà...

M. le Ministre délégué - Avec enthousiasme !

M. Didier Migaud - ...et dont vous assumez donc les choix, avec sans doute plus ou moins d'enthousiasme...

M. le Ministre délégué - Toujours beaucoup !

M. Didier Migaud - Quoi qu'il en soit, je salue votre arrivée, je vous souhaite bonne chance et j'espère votre réussite, qui serait une bonne chose pour notre pays, mais hélas, j'en doute, car elle supposerait un changement radical de politique, auquel je crains que vous ne soyez pas prêts, si j'en juge d'après les discours que je viens d'entendre. Vous semblez en effet vouloir l'un et l'autre persévérer dans une voie qui conduit notre pays dans le mur et qui renforce les inégalités.

Faut-il voir dans le défilé auquel nous assistons à la tête du ministère des finances le signe de l'embarras de tous les titulaires du poste face au caractère injuste, dangereux et inefficace de la politique économique, budgétaire et fiscale que mène le Gouvernement Raffarin, sous l'autorité du Président de la République ? De si mauvais résultats sont, il est vrai, bien difficiles à assumer.

Si c'est toujours avec enthousiasme que l'antienne libérale est proférée par les membres du Gouvernement, le ton manque souvent d'assurance quand il faut confronter ce discours aux résultats. Trente mois après l'alternance, le Gouvernement en est réduit, pour justifier son échec, à invoquer encore le prétendu héritage socialiste. Vous-même, Monsieur le ministre délégué, avez tout à l'heure cédé à cette tentation ! Il apparaît d'ailleurs que la simple mention de cet héritage suffit au Gouvernement pour s'assurer le soutien de nos collègues de l'UMP, qui ont en effet plus de difficulté à soutenir bruyamment une politique dont ils peuvent constater chaque jour les ravages sur le terrain. Je suis souvent surpris du décalage entre les propos tenus ici et en circonscription ; il serait intéressant parfois de communiquer certaines copies à vos électeurs...

Pour comprendre les raisons de cette situation, je crois utile de revenir tout d'abord sur le bilan de trente mois de politique libérale, avant d'analyser dans un deuxième temps l'exécution du budget de 2004. Les années 1999 et 2004 sont intéressantes à comparer pour ce qui est des résultats. En effet, la croissance de l'économie française a été de 2,7% en 1999, chiffre comparable à celui d'aujourd'hui, même si M. le ministre l'a tempéré en évoquant un taux de 2,5%. Il est donc légitime de comparer les résultats macro-économiques. En 1999, la hausse des prix a été limitée à 0,5% ; fin octobre 2004, elle était de 2,1%, et même 2,3% si l'on retient l'indice européen IPCH. Pour masquer son échec face à l'inflation, le Gouvernement a inventé un nouvel indice... l'indice Danone, qui retrace l'évolution du prix des yaourts vendus dans les centres Leclerc ! Et, miracle, ce prix a connu une forte baisse en septembre. Ceci prêterait à sourire, si cette effervescence médiatique ne cachait une triste réalité pour les Français, avec la flambée du prix des produits pétroliers et les fortes augmentations des tarifs d'EDF et du prix des cigarettes.

Ce regain d'inflation, que ne pourra tempérer l'indice Danone, intervient, il faut le noter, dans un contexte de blocage des rémunérations, et tout d'abord dans le secteur public : l'idéologie anti-fonctionnaires qui anime souvent le Gouvernement se traduit par une quasi-stagnation de la rémunération des fonctionnaires depuis le 1er décembre 2002, avec selon l'INSEE une progression de 0,5% seulement pour l'indice d'ensemble des traitements de la fonction publique. Mais cette stagnation a lieu aussi dans le secteur privé, qui fait peser sur les salariés la menace des délocalisations pour les contraindre à renoncer à toute revendication salariale.

Il n'est donc pas étonnant de constater la stagnation du pouvoir d'achat et de la consommation des ménages. Ils avaient progressé respectivement de 2,8% et 3,2% en 1999 ; et le pouvoir d'achat a connu entre 1998 et 2002 une progression annuelle moyenne de 2,8%, la plus forte et la plus longue des vingt-cinq dernières années. Qu'en est-il pour 2004 ? Après une stagnation en 2003, la consommation des ménages n'a progressé que de 2,4%, et le pouvoir d'achat de 1,5%. Encore s'agit-il de moyennes : à regarder de plus près les chiffres de l'INSEE, il apparaît que le pouvoir d'achat de la majorité des Français a plutôt diminué en 2004. Au total, les dépenses de consommation des ménages contribuent deux fois moins à la croissance du PIB depuis 2002 qu'entre 1998 et 2001. Quand on sait que cette consommation est le principal moteur de la croissance française, on mesure l'erreur économique du Gouvernement, qui se prive du meilleur levier de croissance par une politique qui déprime la consommation des ménages.

On pourrait être moins sévère envers le Gouvernement si l'autre composante majeure de la croissance, l'investissement des entreprises, était dynamique. Mais un quotidien a pu titrer le 3 décembre : « L'investissement des entreprises françaises est en panne ». Un autre demandait le 29 novembre : « Pourquoi l'économie française patine-t-elle ? ». Là encore, la comparaison s'impose : le taux de croissance de l'investissement était de 8,2% en 1999, de 10,2% en 2000, et seulement de 2,5% en 2004... Si vous aviez obtenu les mêmes chiffres que nous, Monsieur le ministre, pour le coup vous manifesteriez un plus grand enthousiasme encore ! Pire : l'INSEE annonce pour 2005 un recul de 3% de l'investissement, en décalage avec ce que nous a dit le ministre de l'économie tout à l'heure.

J'ai évoqué l'inflation, le pouvoir d'achat, la consommation. Mais il faut considérer aussi le taux de chômage. Il était passé de 11,2% de la population active à la fin du premier trimestre 1999 à 9,8% au premier trimestre 2000, soit une baisse de 13% - cependant que le chômage des jeunes diminuait de près de 20%. A l'inverse, depuis un an, le taux de chômage ne diminue pas, mais reste proche de 10% en octobre 2004. Pire : le chômage des jeunes a augmenté en un an de 2,4%. Ce qui prouve que, si le Gouvernement a démantelé tous les dispositifs d'insertion professionnelle des jeunes, les gadgets qu'il leur a substitués sont sans efficacité ; il commence d'ailleurs à l'admettre, à l'occasion du projet de loi de cohésion sociale. Il est vrai que, là comme ailleurs, le discours du Gouvernement est mis en défaut par l'absence de vrais moyens financiers pour les dispositions annoncées.

Les statistiques de l'exclusion sont, elles aussi, cruelles pour le Gouvernement. A partir de 1999, pour la première fois depuis la création du RMI, le nombre de ses bénéficiaires avait diminué : en revanche, il a augmenté de 5% en 2003 pour s'établir de nouveau à un million. Et selon une étude récente du ministère de l'emploi, entre juin 2002 et juin 2004, l'augmentation est supérieure à 10%. Voilà les résultats objectifs de votre politique. Ce ne sont pas les chiffres du parti socialiste : je les puise dans vos propres documents officiels. Dès lors, on ne peut pas juger que votre politique soit positive pour les Français. Un facteur aggravant est la pseudo-décentralisation du Gouvernement, prétendument compensée « à l`euro près », selon la formule devenue fameuse du précédent ministre...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Elle l'est assurément mieux qu'hier !

M. Didier Migaud - Entre le discours et la réalité, il y a un fossé. M. Bonrepaux reviendra sans doute sur les difficultés des départements : rien qu'en trésorerie, il leur manque près de 300 millions d'euros, ce qui leur renvoie la charge financière d'une partie de l'échec du Gouvernement et la responsabilité de faire face à cette explosion.

Ces mauvais résultats économiques se traduisent naturellement dans nos comptes publics, qui ont tous viré au rouge depuis juin 2002. M. le rapporteur général nous expliquait que la Commission allait arrêter les procédures contre la France pour déficit excessif. Mais M. le ministre l'a gentiment repris : elle ne fait que les suspendre. Et de fait, la Commission est certainement consciente que ce que vous affichez risque de ne pas correspondre à la réalité, que ce soit pour 2004 ou pour 2005. Ici encore, la comparaison est éclairante. En 1999, pour la première fois depuis vingt ans, l'équilibre primaire des comptes publics avait été atteint, ce qui avait permis d'alléger le poids de la dette. Vous avez évoqué l'affaire de la « cagnotte ». Il faut le dire, cette expression du Président de la République était malheureuse, voire irresponsable : comment parler de cagnotte à un tel niveau de déficit ? Le Président de la République, informé chaque semaine de l'état des comptes publics, ne pouvait l'ignorer : à l'époque, il a délibérément trompé les Français. Si « trop d'impôt tue l'emploi », comme l'a dit le ministre de l'économie, on peut dire aussi que trop de caricature tue le débat politique...

M. Hervé Mariton - Parole d'expert !

M. Didier Migaud - Pour ma part, j'attends sereinement un démenti sur les chiffres que je cite : ils proviennent tous des documents officiels, ceux de l'INSEE et de Bercy. Il est utile de comparer les bilans, et d'en dégager certaines leçons. Grâce à une gestion rigoureuse des finances publiques, la dette était passée entre 1997 et 2001 de 59,3% à 56,8% du PIB. Au contraire, après avoir terminé l'an 2002 à 58,8%, très au-delà des prévisions les plus pessimistes de l'audit que vous aviez commandé, vous allez franchir allègrement la barre des 65% en 2005, soit huit points de PIB de plus qu'en 2002 - mauvais bilan pour des gens qui se présentent comme très rigoureux...

Ce qui me conduit à considérer l'exécution du budget de 2004. Il y a un paradoxe. L'année 2004 a été bien meilleure que ce qui était prévu dans la loi de finances initiale. Et pourtant, la croissance ne profite à personne...

M. Hervé Mariton - Cela ressemble à un mystère !

M. Didier Migaud - Mais c'est que certaines de vos mesures ont eu pour effet de gaspiller les marges de manœuvre disponibles. Ce fut notamment le cas des mesures du collectif budgétaire pour 2002, qui n'ont pratiquement servi à rien, mais n'en ont pas moins pesé sur le déficit. Quant au collectif pour 2004, il illustre le fait que le Gouvernement n'a pas su tirer parti du retour, tardif mais réel, de la croissance. Il n'apporte aucun infléchissement à la politique économique et fiscale définie par la loi de finances initiale, que ses résultats devraient pourtant inciter à revoir ! A entendre le discours du Gouvernement, on ne peut que s'étonner du retard pris par la France pour retrouver la croissance, et du décalage de cycle que connaît notre pays par rapport aux économies américaine et asiatiques notamment. Comment le Gouvernement explique-t-il ce retard ? A l'en croire, il suffisait de réduire les impôts des plus aisés pour libérer les énergies prétendument comprimées par le précédent gouvernement - qui en réalité a permis au pays de connaître une période de très forte croissance.

Le big bang espéré a fait « pschitt » : la baisse ciblée des impôts n'a pas eu les effets escomptés sur la consommation et n'a pas permis de masquer la forte hausse des prélèvements obligatoires et des tarifs publics. Si les prélèvements obligatoires passent de 43,8 à 43,6% du PIB en 2004, c'est seulement en raison d'une croissance plus élevée que prévu. En réalité, les mesures prises par le Gouvernement ont fait augmenter le taux de prélèvements obligatoires : la tendance spontanée donnait une baisse de 0,3 point.

Le même phénomène se reproduira en 2005, mais cette fois-ci la hausse des prélèvements sera supérieure à leur baisse spontanée. Souhaitons, Monsieur le ministre du budget, que vous soyez encore là pour la présentation du projet de loi de finances pour 2006, ce qui romprait avec la tradition des gouvernements Raffarin. Je pense que la réalité ne me contredira pas.

La croissance sera légèrement supérieure en 2004 à ce qu'avait prévu le projet de loi de finances. Son évolution erratique - soutenue en début d'année, très faible au troisième trimestre - tient à mon sens à la politique économique du Gouvernement. Au lieu de soutenir les capacités endogènes de la croissance - essentiellement la demande intérieure - il a fait le pari que la croissance mondiale tirerait la croissance française et préféré consacrer plusieurs milliards d'euros aux baisses ciblées de l'impôt sur le revenu et de l'ISF. Ce pari a malheureusement été perdu. Le retour d'une croissance molle n'a que peu d'effets sur les comptes publics. Si le déficit du budget de l'Etat passe de 3,7% à 3,2% du PIB - grâce aux rentrées fiscales supplémentaires - le déficit public reste stable, à 3,6% du PIB, compte tenu de la dégradation des comptes sociaux.

Le rapporteur a voulu revenir au franc pour nous faire mesurer l'effort de réduction du déficit du Gouvernement. En francs comme en euros, le chiffre est égal à zéro pour le déficit public : il ne baissera pas en 2004. Comme M. Sarkozy, vous passez allégrement du déficit de l'Etat au déficit public pour brouiller les pistes, mais je ne pense pas, malgré votre enthousiasme, que vous puissiez me contredire.

Or, n'en déplaise au Gouvernement, c'est le déficit public qui est le juge de paix de la gestion d'un gouvernement. C'est bien pourquoi la Commission européenne n'a fait que suspendre, et non arrêter, la procédure pour déficit excessif à l'encontre de notre pays.

Quitte à faire souffrir nos collègues de l'UMP, voici quelques chiffres objectifs. Le déficit de la sécurité sociale, affiché à 0,5% du PIB, atteindra en réalité 0,8% du PIB. Le déficit du régime général se dégrade encore de 11,5 milliards d'euros, « soit plus du triple de celui de 2002 - 3,4 milliards d'euros » comme l'a constaté la Cour des comptes, pour laquelle « il s'agit de la plus forte dégradation financière de l'histoire de la sécurité sociale ». Les collectivités locales voient leur situation financière se dégrader de 0,2 point de PIB, conséquence de l'impasse financière dans laquelle le Gouvernement les pousse en imposant une décentralisation dévoyée, synonyme de décentralisation des déficits. La contribution des collectivités locales au solde public, positive jusqu'à présent, devient nulle.

La concomitance en 2004 d'une amélioration de la croissance, d'une diminution du déficit de l'Etat, d'une dégradation du déficit de la sécurité sociale, et d'une stabilisation par rapport à l'estimation initiale du déficit public attire l'attention. Comme l'observe le rapporteur général du Sénat, M. Marini, membre de l'UMP, les prévisions initiales de déficit avaient été volontairement sous-estimées. Je le cite : « Il était paradoxal que le Gouvernement prévoie une croissance du PIB de 1,7% en 2004, soit égale au consensus, alors que sa prévision de déficit public était de 3,6% du PIB, contre 4% dans ce même consensus ». Cherchez l'erreur ! On avait calculé raisonnablement les hypothèses de croissance, mais tout le reste était faussé. On comprend mieux pourquoi le déficit public n'a pas été révisé à la baisse : cela tient à l'insincérité initiale des perspectives de maîtrise des dépenses.

Cette exécution 2004 a été à nouveau marquée par une régulation budgétaire. La répétition de ces pratiques n'altère pas notre indignation, tant le principe et la manière dont sont opérées ces régulations sont choquants. Cela devient en effet une méthode habituelle de gestion de l'autorisation parlementaire. Depuis deux ans, le Gouvernement gèle, pour mieux annuler ensuite, un montant considérable de crédits. 5,4 milliards d'euros ont été rendus indisponibles cette année, soit 2,4 milliards de dépenses annulés et 3 milliards de reports gelés. Près de 50% de ces crédits reportés et gelés correspondent à des dépenses d'investissement. Le reste des crédits recouvre une part importante de crédits d'intervention, notamment en matière d'emploi. Les crédits de fonctionnement ne sont concernés que marginalement par cette régulation. Les ministères les plus durement touchés ont été le travail - 634 millions -, l'intérieur - 507 millions - et les transports - 313 millions. Voilà qui contredit le discours du Président de la République sur ses prétendues priorités pour 2004. Mais qui s'en souvient?

La recherche elle-même n'est pas épargnée. Si son budget a soigneusement été tenu à l'écart des gels de crédits, au moins 25 millions de crédits ont été gelés sur le budget civil de recherche et développement.

S'agissant des annulations de crédits, la Cour des comptes relève un grand nombre d'irrégularités formelles. De nombreux crédits ont été annulés alors que l'urgence ou leur indisponibilité n'était pas avérée, en violation flagrante avec la loi organique relative aux lois de finances. C'est notamment le cas pour le ministère de l'intérieur. Faut-il y voir la conséquence du transfert, comme on dit au football, de Nicolas Sarkozy à Bercy ?

La loi organique prévoit que le Parlement doit être informé, au niveau des chapitres budgétaires, de la répartition des crédits sur lesquels porte la régulation budgétaire : il n'a reçu en avril qu'un simple catalogue de chapitres « potentiellement mobilisables » pour reprendre l'euphémisme du Gouvernement. Celui-ci a-t-il voulu noyer le poisson afin d'éviter une exposition médiatique sur un sujet désagréable ? Sans doute, mais il l'a fait au mépris de la transparence budgétaire et en violation de la loi organique relative aux lois de finances. Il est regrettable que la commission des finances n'ait rien trouvé à y redire.

Je souhaite que ces violations ne se renouvellent pas. Je ne doute pas, Monsieur le ministre, que vous aurez à cœur de vous démarquer de vos prédécesseurs.

M. le Ministre délégué - Surtout les socialistes !

M. Didier Migaud - Vous ne pouvez plus invoquer l'héritage. La loi organique a été adoptée en dehors de tout esprit de polémique. Vous dénoncez l'inefficacité sous la précédente législature, mais l'initiative de la LOLF ne lui revient-elle pas ? Nous sommes conscients qu'il faut responsabiliser les gestionnaires publics et améliorer l'efficacité de la dépense publique. Je suis le premier convaincu que nous devons acquérir une culture d'évaluation et de contrôle qui nous fait défaut et que le Parlement doit tout faire pour éviter les deuxièmes délibérations humiliantes telles que celle qui lui a été demandée lors de l'examen du dernier projet de loi de finances. Les économies utilement proposées par la commission des finances pour protester contre la création d'institutions et autres comités Théodule qui ne servent pas à grand-chose...

M. Georges Tron - C'est ce que vous aviez dit pour la MEC !

M. Didier Migaud - ...ont été supprimées par la deuxième délibération que le Gouvernement nous a infligée. Essayons donc de faire en sorte que le Parlement soit davantage écouté, dans l'intérêt même de nos concitoyens.

Pour en revenir aux régulations budgétaires, rien ne justifiait en 2004 un tel plan d'austérité, et surtout pas les aléas évoqués en début de gestion par le Gouvernement. L'hypothèse de croissance n'était pas surévaluée : elle était de 1,7%. A quoi auraient donc correspondu ces « aléas » de 5,4 milliards ? Puisque la croissance était plus élevée que prévu, pourquoi se mettre dans l'obligation d'annuler ou de geler des crédits ? D'abord, parce que le Gouvernement est animé par une idéologie, et ensuite à cause de son incapacité à maîtriser la progression des dépenses de santé. En focalisant l'attention de l'opinion sur le respect absolu du plafond de dépenses budgétaires, qui ne sera d'ailleurs pas respecté, le Gouvernement occulte le fait que le déficit budgétaire a quasiment doublé en deux ans ! Malgré la rigueur concernant les dépenses, il est passé de 34,4 milliards en 2001 à 61,6 en 2003 ! La véritable cause n'est pas la dépense publique, que vous considérez pourtant a priori comme mauvaise, mais l'effondrement des recettes provoqué par l'atonie de la croissance...

M. le Président de la commission - C'est lié !

M. Didier Migaud - J'aimerais que la commission tienne un débat sur ce thème !

Un effondrement provoqué donc par cette atonie et aggravé par les baisses ciblées de l'impôt sur le revenu et de l'ISF. Le ministre a récemment déclaré, alors que certains membres de l'UMP s'inquiétaient que ce plafond de dépenses progresse en 2004, qu'on pouvait toujours inscrire les dépenses et les reporter en 2005. Mais comme vous voudrez respecter votre plafond en 2005, vous devrez d'ores et déjà prévoir les gels ou annulations de crédits correspondants ! On voit bien que vous êtes davantage animé par l'affichage que par la réalité...

Vous avez décidé, coûte que coûte, de baisser l'imposition des plus aisés et de le faire payer à l'ensemble des Français, par l'augmentation des prélèvements supportés par tous, tels que les cotisations chômage, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, les impôts locaux ou les prélèvements sociaux, mais également par des coupes franches dans les dépenses budgétaires. Plus de la moitié des dépenses annulées en 2003 étaient des dépenses d'investissement, et l'on sait que le retrait de l'Etat entraîne souvent celui des collectivités locales A ce coût économique s'ajoute celui de la remise en cause des politiques publiques de lutte contre la pauvreté et la précarité. Le Président de la République s'est lui même ému des « dommages difficilement réversibles » causés par une telle régulation. Peut-être pensait-il à l'appareil diplomatique français ? En tout cas, ses appels devraient en certains cas être mieux entendus ! Le Gouvernement s'obstine pourtant dans cette remise en cause systématique des crédits budgétaires, et la presse vient encore de montrer ses conséquences en termes d'emploi, particulièrement dans le milieu associatif. Les députés de tous les bancs peuvent en donner des exemples concrets ! Mais cette obstination, pas plus qu'elle n'a empêché l'explosion du déficit budgétaire, n'a freiné la dépense publique. Celle-ci peut pourtant être maîtrisée sans préjudice pour les politiques publiques : elle ne représentait que 52,6% du PIB en 2001, contre 55,5% en 1996 ! Mais elle pesait déjà 54,6% fin 2003, alors que beaucoup de politiques publiques sont remises en cause et que la capacité à agir de l'Etat est gravement menacée. On mesure combien vos discours sont en décalage avec la réalité !

Je voudrais revenir sur la question des « surplus de recettes fiscales constatés en exécution du budget pour 2004 » : vous apprécierez ces précautions oratoires, qui évitent de tomber dans la caricature, comme le Président de la République parlant de «cagnotte »... Il est vrai que ces surplus atteignaient 3,4 milliards d'euros en 1999 : quel terme le Président devrait-il employer, aujourd'hui qu'ils se montent à 7,5 milliards, s'il était dans le même état d'esprit ! Nous préférons donc ne pas tomber dans ces facilités. En revanche, nous avons des exigences. L'une d'elles concerne la TIPP. Vous dites en effet vous situer dans la ligne de vos prédécesseurs, qui avaient pris des engagements précis pour restituer les surplus de TVA encaissés en raison de l'augmentation du prix des produits pétroliers. Cela fait sourire M. Mariton, qui aime toujours user de raisonnements compliqués pour faire perdre le fil à ses interlocuteurs... Le communiqué de presse de Bercy du 15 novembre parle clairement de restituer aux Français les suppléments de recettes fiscales découlant de la hausse du prix des carburants !

M. Hervé Mariton - Il ne s'agit donc pas que de la TVA !

M. Didier Migaud - Si, à l'époque, nous nous étions permis d'ironiser sur la création d'une commission « pirouette cacahouète », car il s'agissait d'une belle pirouette du ministre qui n'avait rien à distribuer, c'est qu'elle ne servait qu'à...

M. Hervé Mariton - Démontrer l'inanité de la TIPP flottante !

M. Didier Migaud - ...à permettre au Gouvernement de conserver ce surplus de recettes ! Pendant dix-huit mois pourtant, il aurait pu réactiver la TIPP flottante, afin d'atténuer l'impact de la hausse du pétrole sur le pouvoir d'achat des Français. Un de vos prédécesseurs ne déclarait-il pas, le 18 mars 2003, que la TIPP flottante pourrait être rétablie si cela se révélait nécessaire, mais que ce n'était pas le cas, et un autre, le 11 mai 2004, ne persistait-il pas à refuser en invoquant son coût ? C'était d'ailleurs une manière de reconnaître implicitement l'existence d'un prélèvement supplémentaire... Le même déclarait, le 1er juin, toujours à propos de la TIPP flottante : « Nous n'en voulons pas, et les Français ne la souhaitent pas ! ». Mais, le 5 octobre, il était contraint de reconnaître que les recettes de TVA augmentent d'une quarantaine de millions par mois... Cet aveu a été corroboré par la commission mise en place par Nicolas Sarkozy : les surplus de TVA encaissés par l'Etat se montent à 412 millions ! Le Gouvernement a donc multiplié les arguments pour éviter de rendre cet argent aux Français. Il a embrouillé tout le monde en invoquant des effets base, des effets volume, des effets limites de vitesse et des effets prévisions... Sur notre insistance, la commission s'est réunie une nouvelle fois, et les médias ont hâtivement titré qu'elle avait conclu à l'absence de plus-values, ce qui n'est pas vrai !

M. Hervé Mariton - C'est ce à quoi elle a conclu !

M. Didier Migaud - C'est ce que vous avez affirmé ! Mais je suis membre de la commission, et je conteste cette affirmation ! Il est clair qu'il existe des recettes supplémentaires, qui se montent à 412 millions. J'ajoute que les recettes de TIPP de 2004 sont supérieures à celles de 2003. Mais le Gouvernement s'est retranché derrière le fait qu'elles sont inférieures aux prévisions. Chacun sait pourtant qu'elles avaient été délibérément surestimées, notamment parce qu'elles étaient basées sur les prévisions de 2003 ! Puisque l'existence de plus-values est établie, nous demandons donc que le Gouvernement tienne sa promesse. S'il persiste à refuser de rétablir la TIPP flottante, nous lui proposons d'affecter les 412 millions perçus par l'Etat à la prime pour l'emploi, ce qui permettrait de doubler les crédits qui y sont affectés. Cette solution est techniquement et juridiquement très simple, euro-compatible, socialement juste et d'effet immédiat pour les ménages les plus modestes, les plus durement touchés par l'augmentation des produits pétroliers.

En un mot, c'est l'insincérité de cette loi de finances qui motive cette exception d'irrecevabilité. Vous avez d'ailleurs déclaré, Monsieur le ministre, dans La Croix du 8 décembre, que s'il y avait un petit bout de solde positif entre les plus-values de recettes fiscales et la réduction du déficit, il serait consacré à l'investissement et donc reporté en 2005. Je n'insiste pas sur l'imprécision de la formule : vous ne vous êtes pas encore totalement départi du lyrisme avec lequel vous deviez vanter la décentralisation imposée aux collectivités locales pour faire croire que tous les transferts de charge seraient compensés à l'euro près !

Désormais ministre délégué au budget, vous avez tout loisir de constater que c'est faux. Un retard considérable a été pris dans les transferts de ressources par rapport au transfert de charges. Que cache donc cette formulation alambiquée, si ce n'est que vous savez d'ores et déjà que le niveau des recettes fiscales sera supérieur à celui inscrit dans ce collectif ? Ce n'est qu'une autre preuve de votre insincérité.

Mauvais résultats, insincérité, politique injuste et dangereuse, pour toutes ces raisons, j'invite à voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Hervé Mariton - Notre collègue Migaud a vraiment une vision ésotérique des finances publiques et du débat budgétaire.

L'idée s'était répandue dans notre pays, à tort ou à raison, que les socialistes étaient devenus gens aussi sérieux que d'autres en matière économique et financière. A supposer que ce progrès ait été réel, avec M. Migaud, il est clair qu'ils ont fait quelques pas en arrière...

Je ne reviens pas sur sa défense désespérée de la TIPP flottante. Le calcul est simple, à la portée de tous nos concitoyens : l'augmentation des prix du pétrole a certes entraîné un surplus de recettes de TVA, mais au total le produit de la TIPP a diminué, si bien que le solde est négatif. Chacun s'accorde d'ailleurs sur ce constat, à votre seule exception, Monsieur Migaud. Des choix politiques, nous pouvons discuter, pas des chiffres qui sont incontestables.

Vous avez cherché, comme à l'accoutumée, à nous administrer une grande leçon de vertu. Mais pas un instant, vous n'avez dit quelle serait votre stratégie budgétaire si vous étiez aujourd'hui aux affaires. Nous avons vu ce que vous saviez faire quand il s'est agi de préparer le budget pour 2002 et cela ne vous autorise pas à nous donner des leçons.

D'exception d'irrecevabilité en exception d'irrecevabilité, vous ressassez toujours les mêmes arguments. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Vous entonnez toujours le même refrain, défendant une culture de la dépense... (Mêmes mouvements), celle-là même qui vous a fait gaspiller les fruits de la croissance en des périodes plus fastes. Quelle erreur, là encore, de penser que vous vous étiez amendés !

Vous n'avez porté aucune critique étayée contre ce projet de collectif, vous contentant de ressortir vieilles lunes, caricatures et approximations. L'action d'un gouvernement et de sa majorité ne se résument certes pas à la gestion des finances publiques, mais nos compatriotes doivent savoir que des finances publiques saines sont le socle indispensable de toute bonne politique économique

Tout au long de votre exposé, vous aurez été hors sujet, dans la droite ligne de la politique néfaste pour notre pays conduite de 1997 à 2002. Pour toutes ces raisons, j'invite nos collègues à repousser cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Augustin Bonrepaux - M. Mariton vient de nous administrer sa leçon ! Mais il ferait bien de se reporter avec précision au rapport de M. Carrez : il y apprendrait ainsi qu'après le vote de ce collectif, les crédits seront supérieurs de 1,7 milliard d'euros à ceux ouverts en loi de finances initiale. Comment dès lors soutenir que « la dépense est tenue » ? A moins que l'intention ne soit de les geler ou de les annuler aussitôt votés ?

Il faut baisser l'impôt, c'est votre antienne. M. Raffarin vient d'ailleurs d'expliquer qu'il continuerait dans cette voie, sans savoir d'ailleurs s'il en aura les moyens. Fera-t-il comme en 2003 où, la croissance n'étant pas au rendez-vous, sa politique fiscale a accru les difficultés de notre pays ? Vous diminuez les prélèvements obligatoires, nous dites-vous. Mais pour les privilégiés seulement, tandis que la majeure partie de nos concitoyens subit la hausse des impôts locaux. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur le ministre, nous regrettons l'impréparation de ce collectif - vous avez certes quelque excuse, venant de prendre vos fonctions... Mais il n'est pas acceptable que le Gouvernement nous présente à la dernière minute, comme ce matin en commission, une dizaine d'amendements aussi importants que celui tendant à supprimer le FNDAE - il faudra expliquer aux élus ruraux comment ils financeront désormais les adductions d'eau - ou celui autorisant la déduction de la CSG de l'impôt sur le revenu des retraités, sans nous dire un mot du coût de cette mesure.

M. Hervé Mariton - Etes-vous contre ?

M. Augustin Bonrepaux - Nous, nous faisons une proposition réaliste en demandant que l'on restitue aux plus modestes les recettes supplémentaires encaissées avec la hausse du pétrole.

M. Hervé Mariton - Il n'y en a pas.

M. Augustin Bonrepaux - Si nos concitoyens sont inquiets aujourd'hui, c'est bien de toutes vos promesses, de tous vos plans qui, les uns après les autres, échouent. C'est votre politique irréfléchie qui les inquiète. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Claude Sandrier - Nous voterons cette exception d'irrecevabilité. En effet, il y a loin des paroles aux actes de ce gouvernement. Que valent les intentions quand rien de concret ne suit ? Il est certes difficile de créer des emplois et des richesses sans croissance mais le véritable problème est que, croissance ou pas, le chômage ne diminue pas. (« Si ! » sur les bancs du groupe UMP) En 2003, en France comme dans l'Union européenne, on a supprimé plus d'emplois qu'on en a créé. Un économiste américain l'a fort bien démontré, une croissance bien plus forte que la nôtre n'a servi ces dernières années aux Etats-Unis qu'à restaurer les marges des entreprises, pas à créer des emplois.

Quand des emplois sont créés, il faut voir de quelle nature ils sont. On ne crée que des salariés pauvres.

D'après un sondage CSA paru dans Les Echos - ce n'est pas L'Humanité - 65% des Français estiment que leur pouvoir d'achat a baissé.

Vous voulez mobiliser l'énergie des Français. Bien. Toutefois, quand le PIB, l'inflation et les salaires augmentent de 2%, les dividendes versés aux actionnaires de Michelin progressent de 102% et le PDG de ce groupe s'est augmenté de 146%. Comment voulez-vous, dans ces conditions, mobiliser nos concitoyens ? Quand on propose un travail à temps partiel sous-payé, les frais de transport et la garde des enfants dépassent le salaire proposé.

J'ai été choqué d'entendre le ministre parler de « dépression nerveuse ». Les personnes qui, de plus en plus nombreuses, ont besoin du Secours catholique, du Secours populaire ou des Restaurants du cœur souffrent de tout autre chose.

Nous voterons donc cette exception d'irrecevabilité.

M. le Ministre délégué - M. Migaud estime que la politique du Gouvernement n'est pas bonne. Nous procédons en tout cas à l'inverse de M. Jospin : nous faisons tout pour retrouver le chemin de la croissance. Cette année, l'estimation est de 2,5%. Nous sommes dans le peloton de tête de la zone euro, cela mériterait qu'on s'y arrête. Nous, nous avons fait preuve de volontarisme, qu'il s'agisse du pouvoir d'achat, de l'innovation ou de l'investissement. C'est notre majorité qui a augmenté le SMIC, revalorisé la prime pour l'emploi et réduit les impôts sur le travail.

Dans les trois années qui ont précédé 2002, la dépense publique avait explosé. Sous le gouvernement Jospin, personne chez vous n'avait pensé que la croissance pouvait servir à financer des réformes de structure, à maîtriser la dépense publique, à moderniser la France. Vous nous avez laissé un pays dont les dépenses s'étaient accrues de manière délirante.

M. Didier Migaud - Ce n'est pas vrai. Faites-en la démonstration.

M. le Ministre délégué - Comme l'a indiqué la rapporteur général, entre 1998 et 2001, la précédente majorité a bénéficié de 70 milliards de plus-values de recettes. Elles ont financé à 54% des dépenses nouvelles, à 32% des baisses d'impôt et seulement à 14% la réduction du déficit. Nous, sur 17 milliards de plus-values, nous en consacrons 10 à réduire le déficit. C'est une première différence entre nous.

Vous avez dit beaucoup de mal des ouvertures de crédits en collectif et en report.

M. Didier Migaud - La Cour des comptes aussi.

M. le Ministre délégué - Je me souviens pourtant d'une époque où vous auriez mérité de devenir ministre du budget. Voici ce que vous déclariez, le 21 juin 2001, pendant l'examen en deuxième lecture du projet de LOLF : « Une des principales motivations de la régulation budgétaire est la préservation de l'équilibre budgétaire. Il ne sert à rien de nier cette réalité. » Celle-ci n'a pas changé, Monsieur Migaud.

M. Didier Migaud - Je ne vois pas la contradiction !

M. le Ministre délégué - Les ouvertures de crédits, dans ce projet de collectif, sont de 1,7 milliard ; elles s'élevaient à 2,8 milliards en 1998 et à 2 milliards en 2000. En 2002, le montant des reports a atteint 14 milliards. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Vous avez forcé la dose en évoquant les comptes publics globaux, dont vous avez déploré la dégradation. Le Gouvernement ayant réduit le déficit de l'Etat, vous l'attaquez sur celui de la sécurité sociale. Toutefois, si les dépenses sociales ont fortement augmenté, c'est parce qu'en 1997, dans l'euphorie de votre victoire, vous avez abandonné toutes les mesures de maîtrise médicalisée des dépenses prises par le gouvernement Juppé. Entre 1997 et 2002, la hausse des dépenses d'assurance maladie a été masquée par le surcroît de recettes apporté par la croissance. Ainsi, l'ancienne majorité s'est exonérée de réformer l'assurance maladie. S'il est une différence entre nous, c'est qu'avec tous nos défauts, que vous jugez énormes, mais aussi avec tous nos efforts, qui ne le sont pas moins, nous mettons en œuvre des réformes de structure, qu'il s'agisse des retraites, de l'assurance maladie ou de l'Etat. Nous gérons en bons pères de famille, afin que l'avenir de nos enfants ne soit pas hypothéqué par des décisions irresponsables.

Un dernier mot, sur les 35 heures.

M. Didier Migaud - Je m'en doutais.

M. le Ministre délégué - Vous ne devriez pas vous en lasser. Le Premier ministre a annoncé ce matin une mesure majeure, qui maintient la durée légale du travail tout en respectant le libre choix des salariés. Nous mettrons ainsi fin à une situation qui a eu des effets psychologiques négatifs sur l'ensemble du pays. J'ai la conviction que c'est par la réhabilitation du travail que, dixième après dixième, nous pourrons reconquérir la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La séance, suspendue à 17 heures 25, est reprise à 17 heures 35.

M. le Président - Nous en arrivons à la discussion générale.

M. Augustin Bonrepaux - A première vue, ce collectif traduit l'amélioration de la croissance qui devrait atteindre 2,5% en 2004 pour 1% prévu. Cependant rien ne permet de garantir qu'elle se maintiendra à ce niveau, surtout avec votre politique économique mal définie et irréfléchie. Si le déficit du budget passe de 3,7% à 3,2% du PIB grâce aux rentrées fiscales, celui des comptes publics reste à 3,6% en raison de la dégradation des comptes sociaux. Avec 1,7 milliard d'ouverture de crédits nouveaux, le Gouvernement ne respecte pas la règle de la stabilité des dépenses en volume.

Que faites-vous donc de la croissance ? Permettez-moi de poursuivre la comparaison que vous avez faite avec la majorité précédente, en prenant pour référence l'année 1999, pendant laquelle la croissance, à 2,7%, était voisine de celle que nous connaissons depuis un an.

En 1999, la hausse des prix, de 0,5% était l'une des plus faibles en Europe, ce qui a permis une augmentation du pouvoir d'achat des ménages de 2,8% et une hausse de 3,2% de la consommation. En août 2004, la hausse des prix était en rythme annuel de 2,4%, la consommation n'a progressé que du même ordre et le pouvoir d'achat de 1,5% seulement.

Les déficits publics atteignaient en exécution 1,8% en 1999. Vous prévoyez qu'ils atteindront 3,6% fin 2004. Comme nous étions à 2,6% en juillet 2002 selon l'audit, depuis que vous êtes aux responsabilités vous avez aggravé ces déficits de 1%. En 1999 encore, nous avions réduit le déficit de 0,9% par rapport à l'année précédente ; avec une réduction de 0,5% seulement en 2004, vous le maintenez au-dessus de ce que permettent les règles européennes pour la troisième année consécutive. En 1999, pour la première fois depuis vingt ans, la dette publique diminuait pour attendre 58,5% du PIB ; en 2004 elle augmente et passe à 64,8%.

Quant au chômage, sur l'année 1999 il était passé de 11,2% à 9,8% ; en août 2004, il était à 9,9%, en progression de 0,1% malgré la croissance. Il y a toujours 2 690 000 chômeurs, dont un plus grand nombre de jeunes. C'est votre impuissance à réduire le chômage qui explique les déficits sociaux.

En 1999 comme en 2004, le surplus de recettes dû à la croissance avoisinait les 5 milliards. Mais il servait alors à mener une politique fiscale en faveur de l'ensemble des ménages et du retour à l'emploi : suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, baisse de TVA sur les abonnements d'électricité puis sur les travaux d'entretien des logements, réduction des droits d'enregistrement, revalorisation exceptionnelle de 3% du RMI, décidée dès 1998.

Pour 2004, vous alourdissez les prélèvements au détriment du pouvoir d'achat pour financer les cadeaux fiscaux aux plus aisés. Les recettes de la fiscalité pétrolière, à 800 millions, sont le double des crédits consacrés à indexer la prime pour l'emploi. Les ménages aisés profitent de l'allégement de l'impôt sur le revenu, d'une réduction plus élevée pour emploi à domicile, d'allégements d'ISF, de la multiplication des niches fiscales, à commencer par le retour à la loi Pons en outre-mer.

Quant aux prélèvements obligatoires, ils auraient dû « spontanément » baisser de 0,3%. Vos mesures entraînent une hausse de 0,1%.

Avec la décentralisation, les impôts locaux ont augmenté de 4% en 2004, et continueront à augmenter au rythme des nouveaux transferts de compétences. De plus, à partir de 2005, les fonctionnaires paieront une nouvelle cotisation sur leurs primes, la CSG se fera plus lourde pour les retraités imposables et les salariés, tous paieront le prélèvement d'un euro par acte médical, avant qu'en 2006 n'augmentent les cotisations vieillesse. Et l'Etat engrange 412 millions supplémentaires sur les carburants, alors que l'application de la TIPP flottante mise au point par Didier Migaud en 2000 aurait fait économiser 572 millions aux consommateurs.

Globalement, l'indice des prix a progressé de 2,1% ce qui, constate l'INSEE, avec la faible croissance de l'emploi salarié, freine la consommation des ménages.

Aujourd'hui le Gouvernement n'a que les mots « cohésion sociale » à la bouche. Malheureusement, il n'y a pas de politique sociale. La progression du SMIC, sur laquelle beaucoup d'annonces triomphantes ont été faites, s'est en réalité réduite depuis 2002 à la convergence des différentes garanties mensuelles, de sorte que seulement 1,2 million de salariés ont constaté une revalorisation de leur traitement. Les gains de pouvoir d'achat sont nuls pour la majorité des salariés, notamment pour ceux dont l'entreprise a signé un accord de réduction du temps de travail à compter du 1er juillet 2002. Et l'on peut craindre qu'à l'avenir, le SMIC ne progresse qu'à hauteur de l'inflation, alors qu'entre 1997 et 2002, la revalorisation du SMIC et de la prime pour l'emploi pouvaient représenter l'équivalent d'un treizième ou d'un quatorzième mois pour les familles modestes.

S'agissant de la prime pour l'emploi, qui a bénéficié dès sa création en 2001 à 8 millions de personnes, le Gouvernement s'est contenté d'ajustements et de coups de pouce très limités, alors qu'elle aurait dû doubler en 2002 et augmenter encore de 50% en 2003. Ce refus de revaloriser une prime qui concerne plus de 8 millions de personnes est à mettre en regard d'une revalorisation du SMIC qui n'a bénéficié qu'à 1,2 million de personnes.

Censé concrétiser le virage social du Gouvernement, le plan Borloo va en réalité accentuer la précarité et ne modifie en rien les choix opérés depuis juin 2002. Alors que Jean-Pierre Raffarin annonce chaque semaine une baisse du chômage de 10% en 2005, aucune mesure d'envergure n'est prise pour lutter contre le chômage et le traitement statistique de celui-ci continue d'être privilégié. Le plan de cohésion sociale ouvre au privé le service public de l'emploi, ce qui conduira à un système à deux vitesses, où les personnes les plus en difficulté seront pénalisées. Mais c'est surtout l'absence de moyens qui caractérise ce plan. Il transfère la responsabilité de la cohésion sociale sur les collectivités locales et sur les associations, mais comme les secondes, privées de moyens, ne pourront guère que se tourner vers les premières, il faut s'attendre à un accroissement des impôts locaux.

D'une façon générale, le Gouvernement se désengage de l'ensemble des politiques publiques - comme en témoigne la situation alarmante de certains budgets - pour s'en remettre aux collectivités locales.

L'article 2 du présent projet, qui ajuste la fraction de tarif de TIPP affectée aux départements en compensation du transfert de la compétence en matière de RMI-RMA, confirme ce désengagement et montre bien que la compensation s'est faite au détriment des départements. L'ajustement en question conduit à attribuer aux départements une recette supplémentaire de 59 millions d'euros pour 2004, ce qui donne la mesure de l'avance de trésorerie consentie par les départements sur l'année 2003.

Ce phénomène va encore s'aggraver en 2004. D'abord parce que l'augmentation du chômage et de la pauvreté fait croître de 10% le nombre de bénéficiaires du RMI, ensuite parce que les recettes de TIPP sont en recul par rapport aux estimations de la loi de finances. J'ajoute que les départements subissent un décalage financier entre les recettes qu'ils perçoivent au titre de la TIPP et les acomptes dus aux caisses d'allocations familiales et aux MSA, décalage qui atteindra 300 millions d'euros.

Mais le plus inquiétant est que la TIPP n'est pas une recette aussi dynamique que ne le prétendait le Gouvernement. Entre 2002 et 2003, les recouvrements de cette taxe augmentent à peine de 1,4%. Cette année, la limitation de la vitesse et la hausse du prix du pétrole devraient faire à nouveau constater une moindre croissance de la TIPP. Si les prix du pétrole continuent d'augmenter, l'adaptation du comportement des consommateurs se confirmera et la TIPP verra son produit progresser de moins en moins rapidement. Les finances des départements et des régions ne pourront qu'en souffrir !

La compensation opérée par la TIPP aura en tout état de cause une croissance bien inférieure à celle de la DGF. On voit ici ce qu'il faut penser des promesses du Gouvernement. L'autonomie des collectivités locales a beau être inscrite dans la Constitution, les élus locaux peuvent constater qu'on ne leur garantit même pas une évolution des compensations prévues au niveau de l'inflation !

Si une dernière possibilité de rattrapage existe en 2004 sur la base des comptes administratifs, la compensation ne se fera qu'à la fin de 2005, voire en 2006, ce qui fait que pendant deux ans, les départements auront assuré la trésorerie de l'Etat pour 250 millions d'euros.

Cet article confirme donc que la décentralisation Raffarin est une véritable catastrophe pour les contribuables locaux. Le transfert du RMI-RMA augure de ce qui se passera pour les autres transferts de compétences. Votre réforme des dotations aux collectivités est à la hauteur de votre conception de l'autonomie financière de celles-ci : une escroquerie !

Vous avez certes inscrit le principe de péréquation dans la Constitution, mais si la conception qu'en a le Gouvernement est celle de l'amendement Balkany, il y a de quoi être préoccupé.

Le remplacement du potentiel fiscal par le potentiel financier fait apparaître les départements les plus pauvres beaucoup plus aisés qu'ils ne sont. La Corse est ainsi passée du statut de pauvre à celui de département parmi les plus riches ! Un seul changement de critère vous permet en somme de réaliser la péréquation. Comble de l'absurdité, ce sont les départements au potentiel financier le plus élevé qui verront leur dotation connaître la meilleure progression ! Vous procédez envers les collectivités comme envers l'ensemble des Français : vous avantagez les riches !

Une surprise désagréable attend en tout cas les communes les plus défavorisées ainsi que les communes touristiques. Ces dernières vont en effet apparaître beaucoup plus riches qu'elles ne le sont.

Ce collectif ne contient aucune proposition d'amélioration de la taxe et de la redevance sur les ordures ménagères. Il est vrai que les remaniements ministériels n'ont pas facilité le travail de la commission instituée à cet effet. Quoi qu'il en soit, à la veille d'une hausse sans précédent de la taxe sur les ordures ménagères, nous attendons toujours des propositions. Nous déposerons donc un certain nombre d'amendements à ce sujet.

Je ne peux pour conclure que répéter les remarques qu'appelait déjà le projet de loi de finances pour 2005. Il n'y a aucune stratégie en termes de politique économique pour donner des perspectives à notre pays. La situation sociale est alarmante. Les politiques publiques sont asséchées par le désengagement financier de l'Etat désargenté. Obligation est faite aux collectivités locales de remplacer l'Etat au pied levé si elles veulent offrir à leurs habitants des services publics à la hauteur des besoins. La solidarité nationale est abandonnée, et transférée aux collectivités locales. Ajoutons à cela l'injustice fiscale, avec d'un côté l'allégement des impôts les plus justes - l'impôt sur le revenu, l'ISF - toujours en faveur des privilégiés, et de l'autre l'escalade de la fiscalité locale. Ces raisons fondent notre opposition à votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre-Christophe Baguet - Je souhaite tout d'abord adresser les félicitations du groupe UDF aux deux ministres nouvellement promus au ministère de l'économie et des finances. A titre personnel, Monsieur le ministre délégué, je vous renouvelle toute mon amitié.

M. le Ministre délégué - Elle est réciproque.

M. Pierre-Christophe Baguet - Vous êtes face au défi immense du redressement des finances publiques. Le groupe UDF n'a cessé depuis deux ans de tirer la sonnette d'alarme à ce sujet : la dette explose et, loi de finances après loi de finances, le Gouvernement ne parvient pas à supprimer le déficit de fonctionnement. Pour relever cet immense défi, le groupe UDF est attaché à un chemin : celui de la réforme, combinée à une action européenne déterminée. Dès lors que vous ferez les réformes dont notre pays a besoin et que vous mènerez une politique européenne ambitieuse en matière économique, vous pourrez compter sur le soutien de notre groupe. Si en revanche les réformes se font moins précises, moins transparentes et moins justes, le groupe UDF usera de sa liberté de parole pour avancer ses propositions et dire la vérité aux citoyens.

Le présent projet de loi de finances rectificative est principalement marqué par deux éléments : des recettes très supérieures aux prévisions de la loi de finances initiale, et un niveau de dépenses supérieur de 1,7 milliard d'euros à ces mêmes prévisions. Les hausses de recettes ont permis de réduire le déficit général de l'Etat de 6 milliards d'euros, à 49 milliards. Cela démontre que la réduction du déficit présentée lors de la loi de finances initiale pour 2005 n'était pas de 10 milliards mais de 4 milliards seulement, ce qui est tout à fait insuffisant.

Quant à la croissance des dépenses, elle est problématique en soi. Une des règles d'or de la gestion budgétaire - ce n'est pas notre rapporteur général qui me contredira sur ce point - est de ne pas financer des dépenses pérennes par des ressources exceptionnelles. Or, l'ouverture de dépenses nouvelles pour 1,7 milliard d'euros pose précisément cette question. Le Gouvernement a pris l'engagement d'annuler des crédits en 2005 à hauteur de ces ouvertures : c'est repousser à demain les problèmes qui se posent aujourd'hui... Cela pose non seulement un problème de méthode, mais la question même de la gestion du budget 2005. Le projet de loi de finances initiale, en effet, présentait déjà de nombreuses sous-dotations que nous estimons à 3 milliards d'euros. Il manque 600 millions pour les opérations extérieures du budget de la défense. Il manque 400 à 800 millions pour faire face à la revalorisation de l'indice des traitements de la fonction publique, confirmée récemment par le Gouvernement. Il manque 220 à 280 millions pour l'aide médicale d'Etat. Il manque 1,4 milliard sur le FFIPSA, fonds qui alimente le régime de protection sociale des agriculteurs. Et je ne cite que les lacunes les plus importantes. A cela vient donc s'ajouter 1,7 milliard d'euros de dépenses nouvelles en 2004.

A ce dépassement très préoccupant des plafonds de dépense vient s'ajouter une incertitude croissante sur les recettes en 2005. L'économie française ne trouve pas de relais de croissance interne, faute d'une politique plus claire et plus lisible, mais aussi en raison d'une conjoncture internationale moins favorable que prévu. Cette carence fondamentale de notre économie a pu, par le passé, être compensée par une croissance importante des exportations, mais celle-ci est sérieusement remise en cause par la hausse du taux de change de l'euro. Tout cela est encore accentué par les cours du pétrole qui ne pourront que hâter le ralentissement de notre croissance.

On peut donc qualifier notre situation économique de délicate, et nous devons nous interroger sur les conséquences pour nos finances publiques dès l'année prochaine. Pour nous, le budget de 2005 sera très difficile à exécuter et l'assainissement des finances publiques est largement insuffisant. Nous souhaitons que le Gouvernement présente une loi d'orientation des finances publiques prévoyant, d'ici à la loi de finances pour 2008, la suppression du déficit de fonctionnement. L'application de cette règle d'or est la condition sine qua non d'un retour durable à une situation acceptable pour les générations futures. J'espère que le Gouvernement reprendra cette idée à son compte.

Je souhaite maintenant faire une remarque sur le déroulement de nos travaux. Le Gouvernement a déposé ce matin un grand nombre d'amendements complexes et qui touchent à des sujets importants. Il me semble que de telles procédures pourraient aisément être évitées et que ni le Gouvernement ni notre Assemblée ne gagnent à de tels dépôts tardifs.

J'évoquerai maintenant certains des amendements du groupe UDF. L'un d'eux concerne un sujet qui nous tient à cœur : les emplois à domicile. Le Premier ministre a annoncé ce matin que le Gouvernement acceptait enfin ce que le groupe UDF demande depuis deux ans : la transformation de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile en crédit d'impôt. Ainsi tous les Français, imposables ou non, pourront enfin bénéficier de la même incitation. Un million de foyers sont concernés, le plus souvent des familles modestes qui ont besoin du soutien de l'Etat. Nous nous félicitons de cette annonce même si nous regrettons que le Gouvernement ait tant tardé. Lors de l'examen de la loi de finances, nous avions obtenu que la réduction pour la garde d'enfants soit transformée en crédit d'impôt : il était naturel de faire de même avec la réduction d'impôts pour l'emploi d'un salarié à domicile.

M. Hervé Mariton - C'est une erreur !

M. Pierre-Christophe Baguet - Toutefois, à plusieurs reprises, une partie du groupe UMP s'est opposée à notre amendement. Le crédit d'impôt pour la garde d'enfants a d'ailleurs été repoussé dans un premier temps par une partie de l'UMP, avant de lui être imposé grâce à un vote bloqué.

M. Hervé Mariton - Hélas !

M. Pierre-Christophe Baguet - Le Gouvernement est-il prêt au même effort pour faire adopter ce crédit d'impôt ? Afin que les propos du Premier ministre trouvent leur application immédiatement, nous avons déposé un amendement qui propose cette transformation : espérons que nous pourrons avancer dès aujourd'hui pour confirmer ce signal fort adressé aux Français.

Je souhaite aussi revenir sur la chaîne internationale. Le Gouvernement a annoncé un amendement de financement de 30 millions d'euros dès 2004. Notre groupe, qui suit de près cette question grâce au travail de François Rochebloine, trouve pour le moins curieux que le Gouvernement choisisse cette méthode, après que le Sénat s'est opposé le 30 novembre à l'adoption d'un tel amendement. Nous souhaitons une clarification sur vos intentions : comptez-vous déposer un amendement dans ce collectif ? Si c'est le cas, pouvez-vous répondre à nos interrogations de fond ? Elles portent sur l'architecture de la chaîne, la répartition des rôles entre TF1 et France Télévisions si telle est l'option retenue, et le rôle du CSA. Il nous apparaît aussi nécessaire, avec un tel financement public, qu'une convention soit signée et publiée avant toute affectation de crédits. Ce sujet tient à cœur à l'Assemblée : une mission parlementaire a adopté à l'unanimité des propositions... que le Gouvernement a balayées d'un revers de main, ce dont nous avons tous été fort marris.

Autre sujet qui m'est cher : le soutien à notre presse moribonde, qui reste pourtant garante de notre démocratie. Le groupe UDF se réjouit de la mesure proposée ce matin par le Gouvernement pour venir en aide aux diffuseurs de presse. Nous n'avons cessé depuis deux ans de demander des mesures en ce sens. Nous avons fait adopter une réduction de la taxe professionnelle pour les kiosquiers à discrétion des collectivités territoriales. Deux ans plus tard, malheureusement, 25% seulement de celles-ci l'ont appliquée... J'ai déposé en loi de finances un amendement rendant obligatoire la première tranche de réduction fiscale, mais j'ai été battu. Trois semaines plus tard, le Premier ministre reprend cette idée : je m'en félicite. La mesure proposée par le Gouvernement complète utilement ce dispositif et nous évaluerons dans un an son impact.

Sur la chasse, je salue l'amendement du Gouvernement qui permet de restituer une partie du droit de timbre, à hauteur de 4 euros, aux fédérations départementales de chasseurs qui ont mis en place le guichet unique de validation du permis de chasser conformément - là encore - à une demande du groupe UDF. C'est une mesure très positive qui va dans le sens de la simplification administrative et encouragera fortement la création de guichets uniques dans les fédérations.

Concernant l'UGAP, le Gouvernement a déposé un amendement technique sur la gestion du parc automobile des véhicules des administrations civiles de l'Etat tout en reconnaissant qu'il faut engager une gestion plus dynamique de ce type de marché. Notre groupe estime qu'il faut ouvrir ce dossier avec plus d'ambition. Nous proposons une réforme de fond de la gestion des marchés publics par l'UGAP. Il s'agirait d'abord de transformer cet établissement public en société anonyme, tout en garantissant à l'Etat la propriété de la majorité du capital et aux personnels le maintien de leur statut. Ce n'est pas le rôle d'un établissement public d'être un acteur de centrale d'achats dans une économie de marché. Ensuite nous souhaitons encourager une concurrence saine et loyale entre entreprises du secteur privé et mettre fin à la situation de quasi-monopole de l'UGAP, issue d'une interprétation abusive de l'article 32 du nouveau code des marchés publics qui l'exonère de l'appel d'offre préalable pour fournir l'ensemble des acheteurs publics : casernes, hôpitaux, collectivités territoriales... Ces propositions ont été considérées par la commission comme des cavaliers, ce qui est contestable : le nouveau code des marchés publics aboutit, avec la création de marchés types et la procédure d'appels d'offres centralisés, à un renchérissement des coûts pour les collectivités territoriales qui ne peuvent plus bénéficier directement des efforts de compétitivité des PME.

Enfin, le groupe UDF se réjouit de l'adoption de deux de ses amendements. Le premier concerne la revalorisation des tickets restaurant à 5 euros.

M. Michel Bouvard - C'est un amendement de Louis Giscard d'Estaing !

M. Pierre-Christophe Baguet - Cela concerne plusieurs millions de salariés et, si le Gouvernement l'accepte, cette mesure aura un impact non négligeable sur le dynamisme de la restauration. Nous nous félicitons aussi que la commission ait adopté notre amendement de réduction de 60% de la TICGN. Cette mesure avait été décidée par le Gouvernement en faveur des agriculteurs acquittant cette taxe, pour compenser la hausse des tarifs du gaz naturel. Elle doit être rétroactive au 15 novembre 2004, date de l'augmentation des tarifs du gaz. M. Sarkozy s'était engagé à la faire adopter en loi de finances rectificative pour que les serristes puissent bénéficier d'une stabilité de leurs coûts énergétiques. Je suis sûr que le nouveau ministre des finances, ancien ministre de l'agriculture, ne s'y opposera pas.

Lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2004, la hausse du gazole supportée par tous les Français pour alléger l'impôt sur le revenu, ainsi que la mauvaise réforme de l'allocation des chômeurs en fin de droits, nous avaient conduits à nous abstenir. Nous avons depuis constaté que nos propositions d'alors étaient pertinentes. Quant à la loi de finances pour 2005, après nous être abstenus sur la partie recettes pour marquer notre désapprobation devant l'assainissement insuffisant des finances publiques, nous avons voté l'ensemble du projet car le Gouvernement a tenu compte de nos propositions. Aujourd'hui, les mesures annoncées ce matin par le Premier ministre et le vote de nos amendements par la commission nous conduisent à un a priori favorable face à ce collectif. Et je suis persuadé, Messieurs les ministres, que vous aurez à cœur, dans le débat, de confirmer votre attachement au groupe UDF et à ses propositions constructives.

M. le Rapporteur général - Très bien.

M. Jean-Claude Sandrier - Au nom du groupe des élus communistes et républicains, je souhaite saluer le nouveau ministre de l'économie et des finances et le nouveau ministre délégué chargé du budget, non pas en les félicitant - il est trop tôt, et d'ailleurs sera-t-il temps un jour ? - mais en leur souhaitant beaucoup de courage, tant il est vrai que l'héritage laissé par leurs prédécesseurs peut apparaître comme un cadeau empoisonné. Ce n'est pas que nous entretenions beaucoup d'illusions sur votre envie de changer de politique, mais nombre de dispositifs prévus frapperont les ménages et la part sociale du budget de l'Etat en 2005, et sans doute plus encore en 2006. Ce projet de loi de finances rectificative s'inscrit ainsi dans la droite ligne de ces budgets qui aggravent les transferts de richesses vers les plus aisés.

Après le Secours catholique et le Secours populaire, ce sont les Restos du cœur qui expriment leur inquiétude devant la progression de la pauvreté. L'UNICEF constate pour sa part que dans les pays industrialisés, « la proportion d'enfants vivant dans des ménages à faible revenu a augmenté ces dix dernières années ». Ce ne sont plus seulement ceux que l'on appelait « les marginaux » qui s'adressent aux structures d'accueil, mais des centaines de milliers de familles, parmi lesquelles ces jeunes mères célibataires qui ne s'en sortent pas. Ce sont aussi ces travailleurs pauvres apparus avec la généralisation de la précarité, que leur salaire place en dessous du seuil de pauvreté.

Nous ferons d'ailleurs une proposition précise afin que ces associations caritatives ne soient pas ponctionnées par le biais de la TVA lorsqu'elles réalisent des travaux pour exercer leur mission.

S'il n'y a pas de fatalité, il y a bien un choix de société qui gagne la France comme il a envahi le monde anglo-saxon. L'ordre capitaliste, ce « capitalisme fou » dont parle Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, s'est imposé, entraînant, comme le dit Serge Halimi, « un grand bond en arrière ». Partout, les classes populaires ont été contraintes à faire des efforts, au nom d'une loi divine appelée « compétitivité », pour se couler dans le moule de la mondialisation, synonyme de guerre économique. A défaut de profiter aux peuples pauvres, l'ordre libéral a livré la plupart des secteurs clés de l'économie à des entreprises multinationales ou à des fonds de pension, ce qui encourage la flexibilité du marché du travail, la casse des acquis sociaux, la menace des délocalisations et le chantage à l'emploi. Cela a conduit à diaboliser l'Etat et à stigmatiser son intervention.

« Nous savons pourtant depuis longtemps, dit Joseph Stiglitz, que les marchés sont incapables de s'autoréguler ».

L'ordre libéral a introduit une confusion entre ouverture des marchés et ouverture sur le monde, entre mondialisation et privatisations. Mais ce modèle ne sert que les sociétés transnationales, les acteurs financiers qui poussent à la destruction des services publics ou les promoteurs d'un texte constitutionnel érigeant la concurrence en règle suprême. Ceux qui affirment que ce texte, rédigé sous la responsabilité de M. Giscard d'Estaing et applaudi par le baron Seillière, peut être déconnecté des processus actuels d'affaiblissement de La Poste, de la SNCF, d'EDF-GDF, en clair de la solidarité, cachent la vérité aux Français. Une ère d'opposition entre les tenants d'une Europe libérale et privatisée et ceux d'une Europe sociale, d'une Europe de solidarité, s'ouvre. Nos concitoyens choisiront !

Le présent projet s'inscrit bien entendu dans cette fuite en avant, dans une guerre économique meurtrière. Vous amusez nos concitoyens en affichant un déficit totalement illusoire, oubliant que dans les pays de l'OCDE, les actifs financiers des seuls investisseurs institutionnels représentent 140% du PIB. Mais le gros avantage de cette mystification, c'est d'exercer une pression sur les salariés et sur les revendications sociales de nos concitoyens. C'est ainsi sous la bannière de la modernité que le Gouvernement impose un recul social de plusieurs décennies à notre pays.

Certaines dispositions en faveur des entreprises témoignent de l'aggravation des logiques de financiarisation à l'œuvre dans l'espace européen : extension de l'exonération de retenue à la source sur des dividendes versés à des sociétés d'Etats membres de la Communauté européenne, assouplissement des règles de transfert des déficits lors de fusions.

Les entreprises, déjà servies lors des dernières lois de finances, réclament allégements et exonérations, sans assumer pour autant leur responsabilité sociale et territoriale. Vous avez donc dû présenter en urgence un plan dit de cohésion sociale. Mais mardi dernier, le journal la Tribune révélait que les financements de l'Etat - nous l'avions dit - n'y sont pas, que ce soit pour 2005 ou pour 2006. Ils sont pour la plupart repoussés à 2007 et 2008. Coïncidence, sans doute.

Les seuls crédits prévus concernent la mise en œuvre des contrats aidés, qui ont le double effet de donner individuellement une bouffée d'oxygène et de pousser collectivement à la casse du code du travail pour généraliser la précarité.

Deux autres exemples prouvent votre volonté obsessionnelle d'enrichir les riches et de vous cantonner au service minimum pour les plus démunis. Votre majorité a passé des heures, à l'Assemblée nationale et au Sénat, pour tenter de vider de sa substance l'ISF. Vous prenez donc en compte l'effet de l'inflation pour limiter sa portée... mais vous ne tenez aucun compte de cette même inflation pour la prime de Noël, qui restera la même que l'an dernier.

Cet exemple est emblématique de vos choix politiques : d'un côté une multiplication des efforts pour alléger la charge des plus riches, de l'autre aucun effort pour les plus déshérités ! Voilà maintenant que vous proposez d'exonérer d'impôts les plus-values réalisées par les entreprises à l'occasion de la cession de leurs titres de participation. Ce nouveau cadeau, évalué à un milliard d'euros et qui s'ajoute à tous les autres, émeut jusqu'à la direction du budget. Vous traitez d'ailleurs avec le Sénat, en ignorant l'Assemblée nationale, ce qui était l'objet de mon rappel au Règlement. On pourrait, certes, s'interroger sur une telle mesure, mais à condition qu'elle crée des emplois et soit assortie d'un contrôle de l'utilisation de ces cadeaux dans le sens de l'intérêt général.

Alors que la croissance pour 2005 bute déjà sur un retournement de conjoncture et que les principaux instituts ont revu à la baisse leurs prévisions, le refus de redonner du pouvoir d'achat aux plus modestes est un non-sens économique et social. Pendant ce temps, les dirigeants des entreprises du CAC 40 s'octroient des augmentations en hausse de plus de 12 à 20% chacune de ces trois dernières années, sans parler de l'explosion des dividendes. Les uns s'enrichissent pendant que d'autres tombent dans la pauvreté. Il est temps, comme l'écrit le Secours Catholique, « d'arrêter la spirale des emplois qui produisent de la pauvreté », conséquence « d'une société de plus en plus libérale et américanisée ».

Aussi notre groupe demande-t-il que la ponction opérée sur l'aide personnalisée au logement soit supprimée. Au motif que le montant mensuel des sommes versées était trop faible au regard du coût de gestion, vous en avez en effet privé 200 000 familles. Mais le versement peut se faire en une fois dans l'année, comme le proposera notre groupe. Ces droits acquis mais non versés peuvent atteindre jusqu'à 280 euros pour les familles à la limite du seuil, ce qui représente un réel manque à gagner. Notre amendement empêchera le Gouvernement de s'abriter derrière des arguties techniques pour réaliser une économie de 170 millions sur le dos des allocataires - soit moins de 1% du total des exonérations accordées aux entreprises, sans résultat.

Les crédits existent : prenez sur les 7,6 milliards de recettes supplémentaires ! Vous pourriez m'objecter que des crédits sont dégagés pour assumer une part des volets infrastructures de transport des contrats de plan Etat-région. Mais ces 300 millions, dont la moitié seulement sont des crédits de paiement, serviront d'abord à payer la part de l'Etat sur des travaux déjà réalisés. Compte tenu du désengagement de l'Etat et du marché de dupes qu'il va passer avec les départements sur les routes nationales, il était du reste naturel que vous fassiez un geste. Vous le faites en poursuivant votre stratégie de casse du ferroviaire : seuls 23 millions sont prévus pour les infrastructures ferroviaires, malgré l'endettement de Réseau ferré de France, et les discours sur la nécessité de protéger l'environnement. Délaisser le transport par rail est un non-sens pour l'avenir ! Elu d'une circonscription qui accueille un établissement ferroviaire important, je puis témoigner que les populations s'inquiètent de cette volonté de casse du ferroviaire et se rassemblent pour la mettre en échec.

Un mot sur le budget de la défense. Les choix stratégiques de notre pays, calés pour l'essentiel sur des concepts américains, méritent une autre approche. Mme la ministre de la défense a d'ailleurs reconnu ne pas avoir obtenu les crédits demandés en termes de moyens humains. Comment ne pas rappeler la suppression de 250 millions sur les crédits d'entretien et de maintenance des matériels, alors que des emplois sont supprimés dans les BSMAT et à GIAT et que le niveau de disponibilité de certains matériels de l'armée de terre est inférieur à celui de 2000 ?

La privatisation partielle de DCN, même si elle ne figure pas dans ce texte, fait partie des enjeux stratégiques : en liquidant son pôle public, la France se mettra sous la coupe de grands groupes transnationaux. Nous estimons que DCN doit rester public tout en nouant des coopérations européennes, ce que son statut n'interdit pas.

Vous aurez compris que ce projet ne reçoit pas l'assentiment de notre groupe, tant il est vrai qu'il entérine, après les précédents, la capitulation de l'Etat devant les marchés financiers. Je ne doute pas que cette société que l'on nous impose, qui sera consacrée par le futur traité constitutionnel européen, sera rejetée par nos concitoyens. Il faudra compter avec les élus communistes et républicains, qui porteront le drapeau d'une Europe sociale et d'une Europe de la solidarité.

M. Hervé Mariton - Nous avons une obligation de résultat : tel est le fil conducteur de la politique du Gouvernement que l'on retrouve dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004.

Cette obligation de résultat concerne évidemment, en premier lieu, l'emploi. Les ministres ont rappelé l'objectif de croissance pour 2005, avec ce qu'il comporte de raisonnable mais aussi de stimulant, dans une conjoncture qui n'est jamais certaine et dont il faut tirer le meilleur. Mais la croissance, il faut non seulement la construire, mais aussi optimiser son impact sur l'emploi ! C'est tout l'objectif de la réforme des 35 heures annoncée ce matin : elle est absolument nécessaire à la reprise de l'emploi et fera profiter nos compatriotes des fruits de la croissance. Le projet de loi de finances rectificative comporte aussi des mesures de simplification fiscale, qui seront utiles aux entreprises et donc à l'emploi. Il comprend également des aides au financement de mesures de cohésion sociale. La cohésion sociale ne repose pas uniquement sur des moyens budgétaires, mais ceux-ci sont utiles, et vous les employez au mieux.

Il est nécessaire que nos compatriotes comprennent mieux les phénomènes économiques du monde actuel. La vie de l'entreprise et la structure du budget de l'Etat ne doivent pas apparaître comme un vaste mystère ! Elles sont faites de contraintes et d'opportunités, de chiffres dont on ne peut s'échapper. On peut infléchir des choix, mais non masquer la réalité. Or, la réalité la plus importante est le mauvais état structurel, ancien, de nos finances publiques. La plus élémentaire pédagogie, mais la plus utile, est de répéter combien la situation est mauvaise et combien nous avons besoin de l'améliorer. L'assainissement des finances publiques n'est ni une croyance, ni un dogme : c'est une nécessité, qui doit être reconnue par tous. On peut parfois la défendre comme un choix idéologique, mais il s'agit aujourd'hui d'une nécessité ! Les choix opérés dans ce projet de loi de finances rectificative sont opportuns, et ils sont le résultat d'une gestion avisée : les 7,5 milliards de plus-values de recettes permettent, entre autres, de ramener le déficit de 55,1 à 49,3 milliards. Consacrer ces plus-values, même si ce n'est malheureusement pas dans leur totalité, à la réduction du déficit répond à une absolue nécessité. Il vaut mieux le comprendre que de se lancer dans les choix qui ont été mystérieusement évoqués tout à l'heure... Lorsque le marché le permet, il est également nécessaire de poursuivre les cessions d'actifs et d'en affecter le produit à la baisse du déficit. Nous soutenons le Gouvernement dans cette stratégie. Cédons ce qu'il faut d'actifs, sans les brader, mais sans pusillanimité.

Mais si l'assainissement des finances publiques est un impératif pour l'Etat, c'en est un aussi pour les finances sociales et les collectivités locales. Didier Migaud et Augustin Bonrepaux, en évoquant cette question, ont avoué leur culture indéracinable de la dépense publique. Ils choisissent de réduire les excédents des collectivités locales et d'augmenter les impôts locaux. Il nous paraît, à nous, nécessaire de rappeler que l'assainissement des finances publiques suppose l'engagement de tous. Et ce n'est pas simple ! Il faut corriger la culture de la dépense publique qui prévaut dans notre pays.

Le Gouvernement n'est d'ailleurs pas exempt de toute critique en la matière. Il a expliqué que l'augmentation des dépenses de 1,7 milliard ne remettrait pas en cause, au final, l'engagement d'une augmentation nulle en volume pour 2004. Soyez sûrs que nous serons très vigilants, en cours d'exécution, sur ce point, même si vous avez toute notre confiance. On comprend bien que tenir un tel engagement est facile sur une année, mais beaucoup plus difficile ensuite. La qualité de la gestion d'un gouvernement s'apprécie forcément dans le temps. Nous vous appelons donc à rester ferme sur cet objectif, qui n'est autre, dans l'état de nos finances, que le choix du bon sens. Lors de l'élaboration du budget, la question vient toujours en débat, et il est bon d'avoir maintenu la ligne pour 2005. Dans l'exécution aussi, en dehors de la petite entorse de 1,7 milliard, il conviendra de rester sur cette ligne ! C'est essentiel à la lisibilité de la politique budgétaire, lisibilité indispensable à la pédagogie dont je parlais tout à l'heure. La cohérence, la lisibilité d'une stratégie aident à son succès.

Le Premier ministre a rappelé ce matin des orientations, dans le domaine fiscal, qui sont sympathiques à nos oreilles. Le groupe UMP n'a en effet pas la culture de l'impôt. Tout ce qui peut aller dans le sens d'une réduction, pour autant que l'état des finances publiques le permette, est bienvenu.

M. le Ministre délégué - Je l'ai précisé !

M. Hervé Mariton - Et je vous en remercie. Vous m'autoriserez alors à vous dire que nous n'apprécions guère la transformation des réductions d'impôt en crédits d'impôt. Il nous semble que l'allégement de l'impôt ne passe pas par des mesures qui concernent ceux qui n'en payent pas ! Les mesures de politique sociale ne sont pas forcément fiscales. Des choix ont été effectués à l'occasion de la seconde délibération, alors que notre groupe avait exprimé sa position sur ce point. Nous tenons à la logique des réductions d'impôt, et nous en reparlerons.

Enfin, l'assainissement des finances publiques est évidemment indispensable dans le contexte européen.

Si notre obligation de résultat passe par cet assainissement, qui requiert un effort dans la durée, la solution ne peut se trouver que dans une réforme de l'Etat toujours plus audacieuse. La réforme de l'Etat, elle aussi, se pratique dans la durée ! Des outils nous aideront à partir de 2006, avec la LOLF, mais ils ne peuvent remplacer la volonté, dont le Gouvernement n'est heureusement pas dépourvu. La LOLF prévoit l'utilisation d'indicateurs, que vous pourrez nous proposer, mais dont nous pourrons aussi avoir l'initiative. Les stratégies ministérielles de réforme sont, chacun le sait, d'inégale qualité : l'exercice en est encore à ses débuts ! Nous ne doutons pas qu'une émulation collective, dans l'équipe gouvernementale, permette aux moins bonnes de rattraper les meilleures. Votre rôle, Monsieur le ministre délégué au budget, pour inciter vos collègues à cette réforme, sera essentiel, et nous savons pouvoir compter aussi sur l'ensemble du Gouvernement.

Emploi, finances publiques, réforme de l'Etat : tout est lié. Même s'il ne s'agit aujourd'hui que d'un projet de loi de finances rectificative, il faut comprendre qu'il est un révélateur de la constance et de la cohérence de votre politique avec, comme objectif, l'emploi. Nous le soutiendrons donc. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Henri Nayrou - Ce projet de collectif est la parfaite illustration de ce que nous dénonçons depuis 2002. En dépit de nos mises en garde répétées, le Gouvernement s'est entêté à faire croire aux acteurs économiques et aux citoyens que la multiplication des baisses d'impôt pour les plus aisés pouvait être l'alpha et l'oméga en matière de stratégie économique. La croissance aura beau être plus forte que prévu fin 2004, son évolution demeure très erratique, preuve qu'elle dépend davantage de la conjoncture que de votre volontarisme. En un mot, votre politique économique manque singulièrement d'impact, les électeurs vous l'ont d'ailleurs dit au printemps dernier.

Malgré des marges de manœuvre inespérées, ce collectif n'infléchit en rien le projet de loi de finances initial.

Si, grâce aux recettes fiscales supplémentaires, le déficit du budget de l'Etat ne représente plus que 3,2% du PIB contre 3,7%, le déficit public, lui, reste inchangé à 3,6% du PIB, compte tenu de la dégradation importante des comptes sociaux. Tous les comptes sociaux sont dans le rouge comme ils ne l'ont jamais été depuis quinze ans. En 2005, ce ne sont pas seulement les comptes de la CNAMTS qui seront calamiteux, mais aussi ceux de la CNAV, de la CNAF, de la CNRACL, de la CANAM, du FFIPSA et du FSV, pour un déficit total de 12 milliards d'euros. Auriez-vous délibérément choisi de « charger la barque » des comptes sociaux afin de mieux justifier par la suite un désengagement de l'Etat de ces régimes de solidarité nationale ?

Je souhaiterais maintenant évoquer les problèmes rencontrés par les associations, tout particulièrement celles qui oeuvrent dans le domaine social, durement touchées par vos choix budgétaires. Elles craignent de devoir interrompre leur action, l'Etat, avec un cynisme sans égal, leur coupant les vivres alors même qu'il les incite à travailler sur le terrain et, comble de l'audace, les renvoie vers les collectivités locales, qu'il étrangle par ailleurs. D'après un récent article du Monde, 2004 aura été « une année noire pour les associations». Sans parler même de la fin des emplois jeunes programmée pour 2007, toutes ont d'ores et déjà pâti du gel ou des restrictions des crédits de l'Etat, alors même que la pauvreté et la précarité progressent. On compte dans notre pays un million d'associations, fortes de douze millions de bénévoles et d'un million et demi de salariés, souvent employés dans le cadre de contrats aidés. Où est l'infléchissement, maintes fois annoncé, de votre politique en direction du champ social ?

Je dirai un mot du RMI-RMA, dont la charge doit être compensée aux départements par l'allocation d'une partie du produit de la TIPP. D'une part, l'évaluation du montant de cette charge a été notablement sous-évaluée. D'autre part, la TIPP n'est pas la recette dynamique qu'elle était censée être. Il nous faut pourtant veiller à ce que les transferts de charges de l'Etat vers les collectivités soient strictement compensés. Nous avons déposé des amendements en ce sens. Grâce à notre vigilance, l'article 59 de la loi de finances initiale pour 2004 avait prévu un mécanisme permettant d'ajuster les ressources de TIPP allouées aux départements en 2004 et 2005 aux dépenses effectives de RMI-RMA constatées en 2003 et 2004. Mais il faut aller plus loin et prévoir un ajustement permanent.

La taxe d'enlèvement des ordures ménagères doit faire l'objet d'une réforme d'ensemble, qu'il faudrait mener à bien sans délai, cette taxe représentant parfois une charge très lourde pour les ménages modestes. Nous souhaiterions être informés suffisamment tôt de l'étendue de la réforme envisagée, afin de pouvoir nous prononcer dans de bonnes conditions. Nous avons, pour notre part, déposé des amendements tendant notamment à favoriser l'application d'une redevance plutôt que d'une taxe, ainsi que le développement de la redevance spéciale due par les entreprises et les administrations.

Enfin, souhaitant donner une impulsion aux réseaux de chaleur, mode de chauffage respectueux de l'environnement, nous avons déposé des amendements tendant à leur appliquer le taux de TVA réduit et à mieux prendre en compte les évolutions liées à la libéralisation du marché de l'énergie pour les collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Bouvard - Je m'associe aux félicitations qui vous ont été adressées, Monsieur le ministre, pour la qualité de ce collectif qui, s'il n'a pas été préparé par vous, est bien celui du Gouvernement tout entier, et me réjouis de votre volonté de travailler en étroite liaison avec notre commission des finances.

Je salue le travail accompli pour la mise en œuvre de la LOLF, le collectif étant l'occasion d'apporter une transparence, notamment sur les garanties accordées par l'Etat. Au regard des enjeux, celle-ci est indispensable. L'article 50 du projet recense ainsi toutes les garanties. Les opérations de garantie et contre-garantie effectuées pour Alstom comme l'amendement relatif à la garantie d'emprunt au bénéfice de l'UNEDIC, obligent à une consolidation. De même, l'article 54 fixe les modalités de fonctionnement du futur compte de commerce retraçant les opérations budgétaires relatives à la dette et à la trésorerie de l'Etat, conformément à l'article 22 de la LOLF.

Au-delà de ces dispositions techniques, je tiens à rappeler notre attachement à la mise en œuvre de la LOLF, qui permettra au Parlement de mieux contrôler les finances publiques. Le lui permettra également la récente loi organique sur l'affectation d'éventuels excédents budgétaires, dont le texte a été enrichi en première lecture, prévoyant désormais l'organisation de débats sur les rapports de la Cour des comptes et un renforcement des pouvoirs de l'opposition, toutes dispositions votées à la quasi-unanimité. Cette loi organique a également été l'occasion de préciser le périmètre de référence pour la comptabilisation des emplois publics, singulièrement ceux des opérateurs publics, des établissements publics et des associations, pour lesquels nous avons constaté, notamment au ministère de la culture, que certaines règles pouvaient être contournées.

La maîtrise des dépenses, en particulier de personnel, est indispensable pour assurer l'équilibre à long terme de nos finances publiques. Je sais que vous en êtes conscient, Monsieur le ministre. Aussi suis-je étonné de trouver parmi les crédits ouverts pour 1,7 milliard par ce collectif, des sommes destinées à couvrir le recrutement de personnels au ministère de la défense. D'où notre demande, approuvée par la commission des finances, d'identification d'un programme « Recrutement et formation des personnels » dans la mission « Défense », isolé du programme « Préparation et emploi des forces ». De même, il est plus que jamais nécessaire de créer un programme « OPEX » ou, à tout le moins, de doter les OPEX en loi de finances initiale, ce qui est parfaitement possible, 90% des crédits nécessaires étant connus dès le début de l'exercice. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Pour ce qui est du pilotage des programmes, il faudra faire évoluer certaines structures administratives, le pilotage par une même personne de plusieurs programmes devant être limité si l'on veut clairement identifier les responsabilités.

M. le Ministre délégué - Tout à fait.

M. Michel Bouvard - D'après le rapport Camdessus, les marges de manœuvre de l'Etat ont diminué de 25% en vingt ans alors que le PIB augmentait pourtant chaque année. Rien ne sera possible de nouveau sans maîtrise de la dépense publique. Conformément à ce qui nous a été demandé, nous allons dès les prochaines semaines, travailler sur les indicateurs de performance. Il conviendra de veiller à ce que les indicateurs financiers ne soient pas oubliés. Dans les premières propositions, leur faiblesse est notable s'agissant du ministère des affaires étrangères. Or, ils sont indispensables pour évaluer les services et pour faire des comparaisons.

Des propositions seront avancées par notre commission dès la fin février. Je le dis avec un grand respect pour le chef de l'Etat et pour le Premier ministre, ce n'est pas parce qu'une politique est définie par eux qu'elle est efficace. Nous devons pouvoir l'évaluer.

Je salue, dans ce collectif, la remarquable réduction du déficit, rendue possible par la croissance qui apporte des recettes supplémentaires. Certaines sont cependant exceptionnelles, comme le moindre remboursement des taxes sur les achats de viande ou la reprise de provision sur SOFARIS. En affectant l'essentiel de ces ressources à la réduction du déficit, lequel est ainsi ramené à 49,3 milliards, notre majorité rompt avec une pratique ancienne qui consistait à laisser filer la dépense, voire à créer des dépenses durables en période de croissance.

Je me réjouis du surplus de ressources affecté aux contrats de plan, qui permettra de rattraper le retard pris, comme l'a noté Louis Giscard d'Estaing dans son rapport. Mais force est de constater qu'il y aura 1,7 milliard de dépenses supplémentaires. Certes, elles n'auront pas d'incidence sur l'exécution de 2004, mais elles peuvent se traduire par des reports. Il faudra respecter la règle des 3% fixée par la LOLF. Nous savons que la réduction progressive des reports, voulue par Alain Lambert dès sa prise de fonctions, a été un exercice difficile. Il ne faudrait pas revenir en arrière. Vous vous êtes engagé, Monsieur le ministre délégué, à gager ces dépenses nouvelles et vous avez tout notre soutien.

Ce projet de loi de finances rectificative contient aussi des mesures de compensation et de régulation concernant les collectivités locales. Certains de nos collègues en sont à réclamer des intérêts sur l'avance de trésorerie partielle que devront consentir les conseils généraux pour le RMI et le RMA. Je ne peux pour ma part oublier ces charges nouvelles créées par le gouvernement Jospin, comme l'allocation personnalisée d'autonomie, pour lesquelles la question ne se posait pas. Ces dépenses nouvelles, en effet, ont été supportées par les conseils généraux. En Savoie, l'APA n'a été compensée qu'à hauteur d'un quart !

Parce qu'il est conforme à la loi organique, qu'il contribue à la réduction du déficit et qu'il va simplifier les relations des contribuables avec l'administration, ce projet mérite notre soutien. Je souhaite que ses orientations s'inscrivent dans la durée : nous y veillerons à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Auberger - Trois mois après la présentation du projet de loi de finances pour 2005, nous pouvons déjà faire un point conjoncturel. Malheureusement, c'est pour constater que la conjoncture est devenue moins favorable qu'en septembre. Les prix du pétrole ont augmenté fortement, même si les cours viennent de baisser très récemment. La chute du dollar a dégradé notre compétitivité. Selon les enquêtes d'opinion, la confiance des ménages et des entreprises s'est effritée. La consommation faiblit et l'investissement privé est moins soutenu qu'en début d'année.

Si les prévisions de dépenses ont été respectées en 2004, l'exécution de 2005 sera sans doute plus difficile que nous l'escomptions. Cette situation appelle une extrême rigueur et j'ai compris, Monsieur le ministre délégué, que telle était votre opinion.

L'intéressant et même décapant rapport Camdessus doit amener le Gouvernement à nous faire des propositions, à fixer des orientations fermes pour les années à venir. Je ne doute pas que vous le ferez lors de la conférence de presse prévue en janvier. Mais ce projet de loi de finances rectificative nous permet déjà de constater le redressement de nos finances publiques en 2004. Les recettes sont supérieures de 7,5 milliards aux prévisions. Le déficit est réduit de plus de 5,5 milliards et les dépenses nouvelles nettes s'élèvent à 1,7 milliard. La feuille de route a donc été suivie.

Comme toujours, le projet de loi de finances rectificative comporte un certain nombre de dispositions fiscales. Ainsi, quatorze articles visent à améliorer les relations entre les entreprises et l'administration. Je salue les efforts pour donner des garanties sur le prix de transfert, ainsi que la possibilité de procéder à un contrôle fiscal préventif. Il faudra toutefois qu'elle soit limitée dans le temps.

Il est bien de renoncer à la déclaration provisoire de revenus quand le domicile fiscal est transféré hors de France.

Je veux souligner une innovation importante : le crédit d'impôt de l'article 36, accordé aux PME pour le développement des technologies de l'information. C'est une innovation très heureuse, comme l'avait été le crédit d'impôt recherche.

Mais, comme à l'habitude, le projet de loi de finances rectificative est aussi un bric-à-brac fiscal. Je souhaite que le Gouvernement ne nous submerge pas d'amendements de dernière minute. Il ne faut pas non plus réformer trop vite la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui représente une charge importante pour nos concitoyens les plus modestes. J'aimerais que nous soyons informés des orientations du Gouvernement en matière de taxe professionnelle. Il faut reconnaître, s'agissant des dons aux œuvres, que l'attitude de l'Assemblée pendant l'examen du projet de loi de cohésion sociale n'a pas été à la hauteur de ce que nous escomptions.

Enfin, le Sénat innove parfois dans la précipitation. Je conseille la plus grande prudence sur le régime des plus-values des entreprises, toute modification pouvant être lourde de conséquences pour les compagnies d'assurance, qui ont supporté des investissements lourds et à qui on a demandé un effort en faveur des entreprises non cotées.

Ce projet est dans la ligne de la loi de finances de 2004 et nous ne pouvons que l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc Le Fur - Je n'évoquerai que deux points particuliers.

En premier lieu, ce projet comporte une mesure relative au financement du référendum qui permettra de trancher sur la question majeure de la constitution européenne. Mais à travers le prisme de la question financière apparaissent de véritables problèmes politiques.

Pour une campagne référendaire, il faut informer les Français de manière exhaustive et pluraliste, ce qui nécessite d'envoyer 42 millions de plis. Mais que contiendront-ils ? Outre les bulletins de vote, il faudra distribuer le texte du traité. Mais que faire des protocoles ? Certains n'ont guère d'intérêt pour nous, comme celui qui porte sur la statut du Groenland. D'autres en revanche sont importants, comme ceux qui définissent le rôle des Parlements nationaux ou le siège des instances européennes. On sait qu'en droit international, les protocoles ont la même valeur que le traité. Mais l'ensemble, selon notre collègue Lequiller, fait un document de 430 pages.

Par ailleurs, les textes soumis au référendum devront-ils être accompagnés de commentaires des partis politiques, sur le modèle des professions de foi électorales ? Les partis concourent à l'expression du suffrage, comme le reconnaît l'article 4 de notre Constitution. Le Président de la République vient d'ailleurs de saluer la récente décision du parti socialiste. Il serait donc logique d'insérer les commentaires des partis. Mais de quels partis s'agirait-il ? Nous ne pourrions sans doute nous contenter de ceux qui sont représentés ici. Il faudrait élargir le champ à ceux qui siègent au Parlement européen.

On me rétorquera qu'aucun commentaire n'a été joint aux textes envoyés à l'occasion des référendums sur le traité de Maastricht ou du quinquennat. Le second n'a guère mobilisé les électeurs. Au moment de Maastricht, en 1992, il n'y avait pas de règle sur le financement des partis politiques. Désormais, ils vivent pour l'essentiel de fonds publics. Si on ne leur en donne pas, comment concourront-ils à la diversité d'expression ? On touche ici à une question fondamentale de financement de la vie politique. Il est prévu pour la démocratie représentative, non pour la démocratie directe. C'est le moment de fixer des règles à ce sujet.

D'autre part, comment enverra-t-on les documents ? A plus de 100 grammes, nous ne sommes plus dans le cadre du monopole de La Poste, et il faut donc un appel d'offres européen (Rires). Il a été lancé le 2 décembre, et la Bundespost pourrait bien y répondre.

M. Hervé Mariton - Cela s'appelle trouver des problèmes aux solutions.

M. Marc Le Fur - En fait, il est très probable que La Poste seule pourra y répondre, car elle est la mieux placée. Mais cet appel d'offres ne pouvant se terminer que début mai au plus tôt, comme l'a dit un haut fonctionnaire, le code des marchés publics commande la démocratie ! De plus, pour envoyer un document identique à chaque Français, il n'est pas nécessaire de passer par les préfectures, comme on le fait ordinairement. Mais cela suppose un fichier électoral unique, ce qui n'a jamais été fait.

M. Hervé Mariton - Et là, quelle est la solution ?

M. Marc Le Fur - Enfin, à côté de la campagne officielle, 10 millions sont prévus pour l'information civique, dont 5 millions au collectif. Il faut que cette information soit pédagogique, mais neutre. Il s'agit d'éclairer nos concitoyens, non de les faire pencher vers une option. Je souhaiterais que vous nous donniez des précisions sur ces sujets.

Ma deuxième question, toute différente, porte sur les radars de contrôle. Le Président de la République a lancé un vaste combat pour la sécurité routière et nous sommes en train de le gagner, avec 4 000 vies humaines sauvées depuis le début de la campagne, grâce à la prévention, la formation, et aussi à la répression, avec les radars. Depuis fin 2003, nous avons engagé 91 millions pour les installer. Au 6 décembre, ils avaient déjà rapporté 92,742 millions. Au collectif sont inscrits 60 millions pour poursuivre l'investissement qui, au total, se montera à 200 millions, tandis que le revenu annuel est estimé à 375 millions, dont il faut défalquer 20 millions de coût de fonctionnement.

A quoi donc va servir l'argent des radars ? A payer les nouveaux radars, c'est bien clair. Mais le surplus ?

M. Michel Bouvard - Au fonds des amendes de police des collectivités locales.

M. Marc Le Fur - Il restera à l'Etat en 2005 et 2006. Tordons le coup à une idée sans fondement, mais qui est répandue chez certains de nos concitoyens : cet argent n'ira évidemment pas aux forces de police et de gendarmerie. Mais cette recette singulière ne doit pas se perdre dans le grand trou du budget de l'Etat. L'argent pris aux automobilistes doit servir à la sécurité routière, si l'on veut que la sanction soit tolérable. On peut ainsi imaginer de financer la formation et le permis de conduire, qui est extrêmement coûteux pour les familles modestes, d'éliminer des points noirs routiers, de financer les services hospitaliers qui accueillent les grands blessés ou traitent les grands traumatisés.

M. Hervé Mariton - Il faut un compte d'affectation spéciale.

M. Marc Le Fur - Tout à fait, et qu'on ne nous dise pas que c'est impossible. L'article 21 de la LOLF le prévoit expressément. Pour que les automobilistes adhèrent à notre politique de sécurité routière, il faut que l'argent qui leur est pris leur retourne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. le Ministre délégué - Tout ce qui s'est dit était intéressant même si, bien sûr, je n'y adhère pas totalement. Ainsi, Monsieur Bonrepaux, votre sévérité à l'égard de notre politique se comprendrait si vous trouviez que nous dépensons encore trop. Mais vous voudriez qu'on dépense plus. C'est là une différence philosophique majeure entre nous. Ce qui compte en fait, ce n'est pas le montant, mais l'efficacité de la dépense.

M. Marc Laffineur - Très bien !

M. le Ministre délégué - C'est pourquoi je dis souvent que les Français doivent en avoir pour leurs impôts. Ils ne supportent plus les gouvernements qui se croient efficaces parce qu'ils présentent des budgets en augmentation, sans que personne ne se soucie des résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Par exemple, l'augmentation des effectifs de la fonction publique ne garantit pas l'efficacité du service public. Ce qu'il faut, ce sont des fonctionnaires qui assument pleinement leur fonction au service de l'intérêt général.

M. Augustin Bonrepaux - Il faut qu'il en reste !

M. le Ministre délégué - Quand les dépenses de personnel plus la dette représentent 55% des dépenses de l'Etat, il y a une vraie question. Une politique efficace conduira donc à augmenter les effectifs dans certains secteurs si besoin est, à les diminuer ailleurs.

M. Michel Bouvard - Très bien.

M. le Ministre délégué - S'il y a finalement une diminution nette de l'effectif, nous en assumerons la responsabilité politique.

M. Baguet a raison de nous exhorter à relever collectivement le défi de la maîtrise des dépenses publiques. J'ai été sensible aux encouragements qu'il a adressés au Gouvernement au nom du groupe UDF. Ce sont des petits moments de bonheur dont on ne se lasse jamais ! (Sourires)

Monsieur Sandrier, nous ne sommes d'accord sur rien. A vos yeux, l'assistance a quelques avantages

M. Jean-Claude Sandrier - Pas du tout.

M. le Ministre délégué - ...alors que nous qui voulons promouvoir la valeur du travail, refusons une dérive vers l'assistanat. Même désaccord sur la création et la distribution de richesses. Il faudrait rouvrir le Capital. Ce serait long, nous aurons d'autres occasions d'y revenir, mais sachez que dans ce domaine je serai aussi inlassable que vous.

Monsieur Mariton, vous avez mille fois raison sur la nécessité d'assainir les finances publiques. C'est un combat que vous menez depuis longtemps. Sachez que je serai aussi déterminé que vous pour maîtriser de façon inflexible les dépenses de l'Etat. Nous veillerons scrupuleusement à ce qu'elles soient stabilisées en volume en 2005 comme en 2004. Ce sera pour moi un honneur que de vous rendre des comptes à ce sujet.

Monsieur Nayrou, il était imprudent de parler de notre impuissance dans le domaine social alors que nous venons d'achever une réforme ambitieuse de l'assurance maladie, que nous aurions aimé vous voir faire il y a quelques années.

M. Augustin Bonrepaux - A l'époque, les comptes étaient en équilibre.

M. le Ministre délégué - Ils l'étaient grâce à des recettes financières formidables dues à la croissance...

M. Augustin Bonrepaux - Parce que nous avions réduit le chômage !

M. le Ministre délégué - ...et nullement grâce à la maîtrise des dépenses.

Monsieur Bouvard, je salue tout particulièrement l'action remarquable que vous avez menée, avec d'autres, pour la réforme budgétaire et la mise en œuvre de la LOLF. Sur des chantiers majeurs comme la mesure de la performance, j'espère que vous accepterez de travailler en lien étroit avec mon équipe, comme nous l'avons fait à propos de la montagne ces dernières semaines.

Monsieur Auberger, nous avons bien affecté les plus-values à la réduction du déficit, sans répéter les erreurs du passé.

Oui, la dépense publique sera tenue et elle sera rendue de plus en plus efficace. C'est tout le sens de l'engagement d'Hervé Gaymard et moi-même. L'année 2005 sera à cet égard historique, puisqu'elle portera sur les fonts baptismaux la modernisation de l'Etat, si attendue. Nous veillerons aussi à ce que les baisses d'impôts soient toujours gagées sur des économies, en aucun cas sur du déficit, et à ce qu'elles accompagnent les priorités économiques fixées par le Président de la République et le Premier ministre, à savoir l'emploi, le soutien à la croissance et l'attractivité du territoire.

M. Le Fur a, comme à son habitude, posé des questions très pertinentes, en particulier sur l'organisation du référendum. Je ne peux pas répondre à toutes mais je lui indique que le Gouvernement a ouvert plus de 70 millions d'euros pour le financement des opérations électorales : 64 sur le budget de l'intérieur - 25 en PLF, 39 dans le collectif - et 7 sur le budget des affaires étrangères, au titre de la campagne d'information. Tout a été débloqué, y compris pour le remboursement des campagnes électorales régionales et européennes. Il s'agit maintenant de passer à l'exécution dans des délais rapides. J'ai demandé à mon administration d'y procéder, en liaison étroite avec le ministère de l'intérieur.

En ce qui concerne les radars, l'idée est que les recettes des amendes couvrent progressivement le coût des installations. Mais si le succès de la politique de sécurité routière se confirme, ces recettes sont appelées à diminuer. Difficile dans ces conditions de considérer les radars comme un investissement financier. Nous veillerons en tout état de cause à ce qu'à plus long terme, lesdites recettes soient affectées au plus juste service de l'intérêt général.

M. Pierre Méhaignerie - Je rappelle que la commission des finances doit se réunir maintenant...

M. le Président - J'allais l'annoncer.

M. Pierre Méhaignerie - ...et que nous souhaitons pouvoir siéger demain matin.

M. le Président - C'est une discussion que vous aurez ce soir avec le président de séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 35.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE


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