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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 44ème jour de séance, 103ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 16 DÉCEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

TRAITEMENT DE LA RÉCIDIVE
DES INFRACTIONS PÉNALES (suite) 2

ART. 3 (suite) 2

APRÈS L'ART. 3 4

ART. 4 5

ART. 5 5

APRÈS L'ART. 5 6

ART. 6 7

ART. 7 9

ART. 8 14

APRÈS L'ART. 8 16

ART. 11 16

ART. 12 16

ART. 13 17

ART. 14 17

ART. 15 17

ART. 16 18

EXPLICATIONS DE VOTE 18

La séance est ouverte à neuf heures trente.

TRAITEMENT DE LA RÉCIDIVE DES INFRACTIONS PÉNALES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de MM. Pascal Clément et Gérard Léonard relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

ART. 3 (suite)

M. Christophe Caresche - L'amendement 27 rectifié tend à exclure les mineurs des dispositions de cet article. En effet, la majorité cherche à limiter le recours aux sursis avec mise à l'épreuve, alors qu'il s'agit d'une mesure intelligente, comme l'a reconnu le rapport Warsmann, à même de favoriser la réinsertion des condamnés. Il faudrait au moins permettre aux juges de prononcer cette peine en faveur des mineurs. C'est vrai que la justice n'a pas les moyens de lui donner toute son efficacité, mais il ne s'agit pas d'adapter la loi aux dysfonctionnements de la justice !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Permettez-moi de rappeler les débats que nous avons eus sur ce sujet, et l'équilibre auquel nous sommes parvenus entre les partisans des peines plancher, et ceux qui appelaient à la révocation du sursis après récidive. Vous appelez notre attention sur les mineurs. Or, vous avez tous suivi dans la presse l'affaire de ce malheureux vigile brûlé par des mineurs et définitivement défiguré.

M. Jérôme Lambert - Mais ils ne bénéficieront pas de sursis !

M. le Président de la commission - Je sais bien qu'ils n'auront pas de SME, mais vous voulez protéger tous les mineurs alors même que certains se comportent comme de véritables adultes, commettent des actes abominables, et sont parfois même à la tête d'une bande de majeurs !

Cette proposition de loi tend justement à lutter contre les successions de SME qui font que, dans certains quartiers, ce sont toujours les mêmes qui se contentent de visites éclair au tribunal pour enfants ! Ne retombez pas dans ce que nous avons tous dénoncé au sein de la mission. J'espère que les magistrats sont très attentifs à l'âge des justiciables, et nous ne devons pas les priver des dispositions de cet article.

Je suis défavorable à cet amendement.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Même avis.

M. Jérôme Lambert - M. Clément vient de déclarer que l'article 3 était le résultat d'un marchandage pour ne pas trop décevoir les partisans de la peine plancher. Outre que je dénonce cette méthode, je rappellerai à M. Estrosi, qui nous reprochait mardi de refuser cette limitation des sursis avec mise à l'épreuve alors même que nous l'avions votée pour les sursis simples lorsque nous étions aux affaires, que nous avions justement remplacé ces sursis simples par des sursis avec mise à l'épreuve et non par des peines de prison !

C'est vrai qu'avec 600 dossiers par juge d'application des peines, et 60 par éducateur, ce système est très difficile à gérer, mais au moins avions-nous essayé de donner une réponse pédagogique et de ne pas nous limiter à l'enfermement.

M. Georges Fenech - Il faut les deux !

M. Jérôme Lambert - Par ailleurs, Monsieur le Garde des Sceaux, je vous ai demandé mardi de nous donner des chiffres. Combien de personnes ont-elles été condamnées à plus de deux SME au cours des dernières années ? Je n'ai pas obtenu de réponse et je me demande si vous ne vous agitez pas pour rien.

M. Georges Fenech - Mais non !

M. Jérôme Lambert - Mais que l'on nous donne des chiffres dans ce cas !

M. Christian Estrosi - M. Lambert feint-il d'ignorer la situation de sa juridiction, ou ne s'y intéresse-t-il pas ? Ses électeurs, en tout cas, savent combien de SME sont prononcées ! Eux connaissent les dizaines, les centaines, les milliers de cas.

M. Jérôme Lambert - C'est faux en ce qui concerne le tribunal d'Angoulême.

M. Christian Estrosi - En 2004, 107 000 SME ont été prononcés dont plusieurs milliers à répétition.

M. Jérôme Lambert - D'où tenez-vous ces chiffres ?

M. Christian Estrosi - En ce qui me concerne, je m'occupe de ce qui se passe dans les deux juridictions de mon département. Il est aberrant de laisser entendre que la suppression d'un second SME impliquerait systématiquement des peines de prison. Nous avons en effet précisé que cette mesure ne s'appliquerait que dans les cas de récidives criminelles.

M. Jérôme Lambert - Délictuelles aussi !

M. Christian Estrosi - Seules sont concernées les personnes ayant commis des actes criminels ainsi que des actes de délinquance sexuelle avec violence. A l'occasion de l'examen de la LOPSI, des lois Perben I et II, nous avons déjà eu l'occasion de constater combien des mineurs pouvaient commettre des actes particulièrement violents et donc, que des mesures adaptées étaient nécessaires pour les mettre hors d'état de nuire. Un violeur est un violeur, un barbare est un barbare, qu'il soit âgé de 15 ou de 30 ans.

M. Jérôme Lambert - Est-il question de SME dans ces cas-là ?

M. Christian Estrosi - Il ne peut y avoir deux, trois, quatre SME dans ces cas-là.

M. Jérôme Lambert - Il n'y en a jamais !

M. Christian Estrosi - Votre amendement est inacceptable et vos propos sont dangereux. Les Français apprécieront l'angélisme dont vous faites preuve.

M. Christophe Caresche - Autant nous sommes habitués aux propos de M. Estrosi, autant je regrette que M. Warsmann ne prenne pas la parole. Son rapport...

M. Jean-Luc Warsmann - Excellente lecture !

M. Christophe Caresche - ...précise que le SME est un « outil intelligent de lutte contre la récidive » mais que son application est défaillante. Il propose quatre mesures pour redynamiser ce dispositif et nous les aurions votées si elles avaient été présentées. Mais vous préférez privilégier l'incarcération. Je vous mets en garde contre cette « machine à incarcérer » : le nombre de détentions augmentera, or, nous connaissons l'état actuel de nos prisons et les conséquences qui peuvent en résulter notamment pour les mineurs. Votre politique vise une fois de plus à remettre en cause toute spécificité de traitement des mineurs alors qu'il faudrait au contraire privilégier les mesures éducatives et de réinsertion, un mineur étant avant tout un adulte en devenir.

M. Georges Fenech - L'article 3 vise à empêcher le prononcé de deux SME consécutifs, mais cela ne signifie pas automatiquement une condamnation à de la prison. Le tribunal peut très bien prononcer, par exemple, une peine d'intérêt général car nous disposons d'un arsenal de peines alternatives. Le texte vise d'abord à mettre un terme à certains types de délinquances lorsque la mesure probatoire a échoué.

M. Christophe Caresche - Voilà une lecture intéressante !

M. Jérôme Lambert - Nous n'avions pas compris qu'il s'agissait de moins condamner !

L'amendement 27 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 3

M. Richard Mallié - L'amendement 41 a été cosigné par plus de 100 collègues. Un jeune majeur ayant commis 67 viols et agressions sexuelles sur des mineurs a été condamné à dix-neuf ans de prison, la peine maximale légale étant de vingt ans. Ce malade sera donc âgé d'une quarantaine d'année à sa sortie de prison, or, la société doit continuer à se protéger puisque la perpétuité effective n'existe pas. Notre amendement 41 dit que les auteurs d'agressions sexuelles et de viols sur enfants de moins de 15 ans doivent être punis de la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté déterminée au cas par cas et sans qu'une libération puisse intervenir avant qu'ils n'aient atteint l'âge de 70 ans révolus, exception faite des personnes dont l'état de santé particulièrement dégradé requiert des soins médicaux spécifiques.

M. Gérard Léonard, rapporteur de la commission des lois - Nous comprenons le souci de nos collègues. S'agissant de ce type de criminels, deux solutions sont possibles : l'allongement de la durée de la détention ou l'instauration de mesures de sûreté et de contrôle. Outre que nos engagements européens ne sont pas juridiquement compatibles avec la première solution, l'instauration de mesures de sûreté au-delà de l'accomplissement de la peine ont fait leur preuve, en Allemagne notamment. Nous préférons donc cette solution-là, et le bracelet mobile électronique peut répondre à ce type d'impératif.

Avis défavorable.

M. le Président de la commission - L'opinion publique est légitimement émue par ces questions, les nombreux signataires de cet amendement s'en font l'écho.

Je rappelle qu'en 1993, M. Méhaignerie, Garde des Sceaux, avait souhaité l'instauration d'une peine de sûreté. Le Conseil constitutionnel, saisi par l'opposition, avait affirmé qu'une peine incompressible au-delà de trente ans n'était pas envisageable. Votre amendement est non seulement inconstitutionnel mais il contredit nos efforts pour trouver des alternatives à la perpétuité effective.

Je vous serais infiniment reconnaissant de le retirer, sinon nous pouvons arrêter là nos travaux !

M. le Garde des Sceaux - J'ajoute un argument qui plaide pour le retrait : le Conseil constitutionnel ne pourrait pas accepter un dispositif qui fixe une durée d'emprisonnement non en fonction de la gravité du fait commis, mais d'un âge à atteindre.

M. Christophe Caresche - Qu'autant de membres du groupe UMP aient signé cet amendement contraire à notre législation et même à notre Constitution révèle un état d'esprit assez incroyable. La prochaine étape, c'est la relégation, le rétablissement du bagne ! C'est une régression, une véritable rupture par rapport à tout ce que nous avons fait depuis des années. C'est aussi une méconnaissance des problèmes. L'incarcération à vie ne règle rien. Faudra-t-il donc incarcérer de plus en plus de gens ? Ce n'est pas notre conception de la peine, comme ce n'est pas la définition qu'en donne M. Warsmann, assortie d'une volonté de réinsertion.

M. Christian Estrosi - Je remercie M. Mallié d'avoir déposé cet amendement auquel je me suis associé comme beaucoup de collègues. Il nous a permis d'obtenir des éclaircissements du rapporteur, du président de la commission et du Garde des Sceaux. Le texte permettra d'éviter que des faits comme ceux que cite M. Mallié ne se reproduisent.

Il nous a permis aussi d'entendre Monsieur Caresche, auquel on parle de quelqu'un qui a commis 67 viols sur mineurs, répondre par la « réinsertion » ! Mesurez-vous bien la gravité de tels propos ? En tout cas, les Français constateront que les valeurs que vous défendez n'ont rien à voir avec celles que nous défendons.

M. Jérôme Lambert - Monsieur Estrosi, nous avons pu travailler ensemble dans le groupe d'études sur la sécurité. Sans doute faut-il attribuer votre agressivité de ce matin au fait que le débat est public... Alors on fait du cinéma, même si le sujet est grave. Selon vous, je ne connais pas les décisions du tribunal d'Angoulême. Mais que savez-vous des éclaircissements qui nous ont été donnés au cours des auditions de la mission d'information de la commission des lois, à laquelle nous appartenions tous deux ? Vous y êtes venu deux fois.

M. Christophe Caresche - Pour lui, les violeurs ne sont pas réinsérables.

M. Richard Mallié - J'ai parlé de malade ; je vois qu'il faut monter d'un cran. Celui qui commet 67 agressions sexuelles sur des enfants est un monstre. Selon le président de la commission, le Conseil constitutionnel n'acceptera pas qu'on institue une peine supérieure à trente ans. Dans ce cas, ne faut-il pas profiter d'une révision constitutionnelle pour modifier les choses ? On nous parle de solution alternative. Soit. On soignera un tel monstre, mais si, au bout de six mois, il refuse de se soigner, si plus tard il récidive, que fera-t-on ? Nous avions souhaité au moins ouvrir le débat. Le Garde des Sceaux y a été sensible. Je retire l'amendement, mais si besoin est, nous reviendrons sur le sujet.

Plusieurs députés UMP - Très bien !

ART. 4

M. Jérôme Lambert - Cet article fixe le principe du mandat de dépôt pour les récidivistes en matière sexuelle ou pour des faits de violence volontaires, quel que soit le quantum de la peine prononcée. Un mandat de dépôt systématique ne nous paraît pas nécessaire pour une courte peine d'emprisonnement. Par l'amendement 28, nous proposons donc de n'en autoriser la délivrance que pour les peines d'au moins six mois.

M. le Rapporteur - Je comprends mal la portée de cet amendement. Pour récidive de crime sexuel, prononce-t-on beaucoup de peines inférieures à six mois ? De toutes façons, le juge peut s'affranchir des règles en vigueur par décision motivée. Par ailleurs, les auditions de la mission d'information nous ont convaincus qu'une courte peine de prison immédiate peut provoquer un électrochoc salutaire.

M. le Président de la commission - Evidemment !

M. le Rapporteur - Votre amendement contredit ses conclusions par une mesure de portée quasiment nulle. La commission a émis un avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable.

M. Jérôme Lambert - Certes, une courte peine de prison peut être salutaire. Mais est-il absolument nécessaire qu'elle soit effectuée dès la sortie du tribunal ?

Il faut laisser au condamné, qui a souvent une famille, un travail, le temps de s'organiser : si l'objectif est d'éviter la récidive, évitons de briser sa vie ! La justice doit rester humaine...

L'amendement 28, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

Mme Janine Jambu - Cet article modifie la règle selon laquelle chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes et de sept jours par mois, en réduisant ce crédit, pour les récidivistes, à deux mois pour la première année, un mois pour les années suivantes et cinq jours par mois. Il donne une nouvelle fois la priorité à l'incarcération, alors que M. le Garde des Sceaux s'inquiétait, lors de son audition par la mission d'information, de l'aggravation de la surpopulation carcérale. L'impact de cet article a-t-il été mesuré ? Nous voterons contre.

M. Christophe Caresche - Le système français de réduction de peine, notamment à travers les procédures de grâce, n'est pas très satisfaisant, d'autant que de nombreux détenus sortent de prison sans accompagnement. Il faudrait aller vers une individualisation totale de la peine, avec des réductions de peine non pas automatiques, mais accordées en fonction de la capacité de réinsertion du détenu. On pourrait s'inspirer du système en vigueur au Canada, où la prison représente environ 40 % de la peine, le restant de celle-ci se déroulant en milieu ouvert, mais où la personne condamnée accomplit sa peine jusqu'au bout. Monsieur le président de la commission, il serait bon d'engager une réflexion sur ce sujet...

Cet article n'est pas satisfaisant car il maintient un système aveugle d'automaticité. En outre, il semble qu'on n'ait pas mesuré ses conséquences sur la surpopulation carcérale. Notre amendement 29 tend donc à le supprimer.

M. le Rapporteur - Il faut bien distinguer les réductions de peine automatiques, et celles qui dépendent des efforts faits par le condamné pour se réinsérer. Cet article ne remet nullement en cause les secondes ; il ne fait qu'amputer légèrement les premières pour les récidivistes. Votre argument n'est donc pas recevable. Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux - Même avis. La réflexion sur les réductions de peine a déjà eu lieu, à l'occasion de la discussion de la loi de mars dernier, au cours de laquelle la majorité de cette assemblée avait approuvé des amendements qui faisaient suite au rapport de M. Warsmann, aboutissant - enfin - à un dispositif cohérent d'aménagement des fins de peine, donnant beaucoup plus de place aux services de probation et d'insertion. Cet article s'inscrit dans ce cadre.

M. Jérôme Lambert - C'est essentiellement un article d'affichage, de portée assez limitée, et dont il n'est donc pas nécessaire de faire tout un plat... L'objectif est qu'un condamné reste plus longtemps en prison s'il est récidiviste : laissons le juge prononcer une peine plus longue, mais respectons l'égalité entre les prisonniers !

L'amendement 29, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 5

M. le Président - Le groupe UDF a demandé un scrutin public sur l'amendement 44.

M. Michel Hunault - Notre discussion est un peu surréaliste. L'objectif de ce texte est de lutter contre la récidive, et nous savons qu'il faut pour cela régler le problème de l'automaticité des remises de peine et des libérations conditionnelles qui ne tiennent pas compte de la dangerosité des individus. Je vous renvoie sur ce sujet à l'audition du ministre de l'intérieur, M. de Villepin, le 6 juillet devant la commission des lois.

Mon amendement 44 supprime l'automaticité des remises de peine pour les récidivistes et les assortit d'une obligation d'expertise psychiatrique. Faut-il rappeler les cas récents de criminels condamnés à vingt ans qui sont sortis au bout de dix ans et ont récidivé ?

M. le Rapporteur - M. Hunault nous propose de modifier l'article 722 du code de procédure pénale, qui a été abrogé par la loi « Perben II », laquelle a créé les juridictions de l'application des peines... Je ne peux donc que demander le rejet.

M. le Garde des Sceaux - Même avis. Les textes actuels précisent bien que l'avis psychiatrique est obligatoire si la personne est condamnée pour un crime ou un délit puni d'au moins dix ans d'emprisonnement.

M. Michel Hunault - Contestez-vous qu'en l'état actuel du droit, les remises de peine soient automatiques, même en cas de récidive ?

M. le Président de la commission - Nous ne pouvons pas voter sur un amendement qui fait référence à un article qui n'existe pas ! Je demande à la Présidence de nous faire éviter ce genre d'âneries !

M. le Président - L'article en question sera abrogé à partir du 1er janvier 2005 : il reste quelques jours...

A la majorité de 25 voix contre 1 sur 26 votants et 26 suffrages exprimés, l'amendement 44 n'est pas adopté.

ART. 6

M. Georges Fenech - Je voterai bien entendu cet article, mais je relève que, selon l'exposé des motifs de la proposition, « il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que les juges correctionnels ne peuvent ajouter de nouvelles circonstances aggravantes aux faits dont ils sont saisis par le procureur de la République, par exemple la récidive, sans l'accord exprès du prévenu. » M. Caresche reprend d'ailleurs le même argument à l'appui de son amendement 30. Or, le 18 février 2003, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé un arrêt de la cour d'appel de Montpellier en indiquant que, si la circonstance aggravante de récidive n'a pas été mentionnée dans la citation et a été relevée d'office par le juge du second degré, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le prévenu a été préalablement informé de cet élément modificatif de l'appréhension et était ainsi en mesure de se défendre sur ce point. Cet arrêt de la chambre criminelle contredit donc l'affirmation selon laquelle l'accord du prévenu serait actuellement nécessaire pour que la juridiction de jugement relève d'office l'état de récidive.

En réalité, il suffit que cette juridiction respecte le principe du contradictoire et l'article 6 ne fait que conforter cette jurisprudence. Cela me sera donc une raison supplémentaire de le voter.

M. Christophe Caresche - Cet article illustre parfaitement la démarche qui nous est proposée dans l'ensemble de ce texte ! La mission d'information a constaté de multiples dysfonctionnements dans l'organisation de la justice et dans l'application des peines. En particulier, elle a relevé que, très souvent, les juridictions n'avaient pas connaissance de l'état de récidive où se trouvait le prévenu parce qu'il faut, en moyenne, plus de six mois, pour que les condamnations prononcées soient inscrites au casier judiciaire. Naïvement, j'en aurais conclu qu'il fallait tout faire pour réduire ce délai, ce qui paraît possible si l'on fait appel aux moyens informatiques modernes. Mais non : ce qu'on nous demande, c'est de prendre acte de ce dysfonctionnement et d'y adapter l'administration de la justice : si elle a connaissance de l'état de récidive en cours de procédure, la juridiction sera autorisée à faire application de cette circonstance aggravante.

Plutôt que de s'adapter aux dysfonctionnements, ne vaudrait-il pas mieux que la justice adapte son fonctionnement ? Nous ne pouvons en tout cas vous suivre dans votre démarche !

Il est par ailleurs vrai que la jurisprudence n'est plus celle que décrit l'exposé des motifs. Mais, précisément, n'aurait-on pu se borner à l'appliquer tout en réduisant les délais de mise à jour du casier judiciaire ? Quand on prétend équiper des milliers de détenus de bracelets électroniques, on devrait être capable d'accélérer la transmission de l'information !

Pour toutes ces raisons, nous proposons, par l'amendement 30, de supprimer l'article.

M. le Rapporteur - Etiez-vous ou non membre de la mission d'information ? J'avoue ne pas me souvenir...

M. Christophe Caresche - Vous devriez le savoir ! Cette mise en cause personnelle est inadmissible. Oui, j'en étais membre, et j'étais présent, par exemple, lorsque la mission a entendu M. Marin.

M. le Rapporteur - Mais peut-être n'avez-vous pas suivi nos travaux jusqu'au bout...

M. Christophe Caresche - C'est inadmissible. Je proteste contre cette attaque personnelle !

M. le Rapporteur - Ne soyez pas aussi susceptible ! Soit, vous étiez présent et, si j'ai été maladroit, je vous prie d'accepter mes excuses. Ce que je veux simplement dire, c'est que la mission a adopté vingt conclusions, dont une visant à réduire les délais d'enregistrement au casier judiciaire. Le directeur des affaires criminelles et des grâces nous a d'ailleurs répondu que ce travail était en cours. Vous voyez donc que ce point n'a nullement été oublié. Mais, en attendant cette accélération souhaitable, il n'était pas interdit de prendre des dispositions pour conjurer le risque dont nous faisions état dans l'exposé des motifs !

Et si M. Fenech a raison et que nos références ne sont pas à jour, il n'est certainement pas mauvais d'intégrer la nouvelle jurisprudence dans la loi... Rejet, par conséquent.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable également. Le délai entre l'arrivée d'une fiche et la transcription dans le casier judiciaire est actuellement de deux mois. En revanche, entre la décision de la juridiction et le moment où cette fiche arrive, il est vrai qu'il s'écoule beaucoup trop de temps et c'est pourquoi nous avons expérimenté dans plusieurs juridictions ce que nous appelons les bureaux d'exécution des peines. L'expérience a été concluante et un décret a donc été rédigé.

Le délai de six mois dont vous avez fait état, Monsieur Caresche, - et qui est parfois nettement supérieur - n'est pas acceptable, en effet, et je pourrais donc être amené à me montrer beaucoup plus directif à l'égard des juridictions, de manière à accélérer cette transmission. Ces flux d'informations sont considérables et la matière ne souffre pas la moindre erreur, mais des progrès notables sont sans nul doute possibles.

En attendant, cet article permettra de stabiliser une jurisprudence qui va maintenant dans le bon sens.

M. Jérôme Lambert - Admettons que la jurisprudence ait évolué dans le bon sens : il n'en appartient pas moins au législateur d'indiquer la direction. D'autre part, je note que l'acte d'accusation et le relevé de l'acte de récidive sont de la responsabilité du procureur. Si la gestion des casiers judiciaires est défaillante, il appartient aux services du ministère de la justice d'y remédier. Mais la loi doit-elle s'aligner sur une jurisprudence qui transforme le juge en accusateur ? Car c'est bien au juge que cet article confie le soin de compléter l'acte d'accusation en relevant l'état de récidive ! J'avoue qu'une telle disposition me dérange passablement...

M. Georges Fenech - Le juge ne deviendra pas accusateur ! Il se bornera à requalifier l'infraction, comme cela lui est possible à chaque stade de la procédure.

Il est faux de dire que nous adaptons la loi à un dysfonctionnement de la justice, Monsieur Caresche. Il s'agit tout simplement de consacrer dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation, dans le respect de l'indépendance du juge par rapport à l'acte de poursuite.

L'amendement 30, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 55 ne vise qu'à corriger une erreur de référence.

L'amendement 55, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

M. Christophe Caresche - L'amendement 31 rectifié est défendu.

L'amendement 31 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Christophe Caresche - Les amendements 32, 33 et 34 sont défendus.

Les amendements 32, 33 et 34, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

Mme Janine Jambu - Cet article autorise le placement sous surveillance électronique mobile, à compter du jour de leur libération, des personnes condamnées à une peine d'emprisonnement de cinq ans ou plus pour crimes ou délits sexuels. La durée du port du bracelet électronique pourra atteindre jusqu'à vingt ans en matière correctionnelle et trente ans en matière criminelle. Une personne condamnée à trente ans de réclusion pourra donc être placée sous surveillance pour trente années supplémentaires !

Contrairement à celle prévue par la loi de 1997, qui est une mesure alternative à l'incarcération, cette surveillance électronique pourra être imposée à la personne concernée sans son consentement. Or l'auteur d'un délit ou d'un crime sexuel qui a purgé sa peine et payé sa dette envers la société peut déjà être soumis à un certain nombre d'obligations dans le cadre du suivi socio-judiciaire prévu aux articles 131-36-1 et suivants du code pénal. Il s'agit donc bien, avec cet article 7, d'une double peine.

En outre, ce dispositif présenté comme un moyen de lutte contre la récidive ne le sera sans doute pas. Il ne permettra guère que de déterminer a posteriori si le porteur d'un bracelet est l'auteur d'une infraction, sans prévenir celle-ci. En effet, la prévention de la récidive passe par une réinsertion que le port d'un bracelet stigmatisant ne saurait favoriser.

Enfin, le port d'un tel dispositif par des personnes présentant des pathologies psycho-psychiatriques pourrait avoir de graves conséquences psychologiques, aucune étude sérieuse n'ayant été menée sur les conséquences de la mesure.

Mieux vaudrait accompagner les personnes qui sont en mesure de comprendre l'interdit en recourant aux dispositifs existants, suivi judiciaire ou libération conditionnelle, ce qui suppose évidemment des moyens matériels. Pourquoi ne pas mobiliser à cette fin ceux qui sont prévus pour la mise en place de la surveillance électronique ? Quant aux personnes incapables de tout contrôle sur elles-mêmes, cette surveillance théorique n'aura sur elles que des effets illusoires.

Quelques remarques de forme pour conclure. L'article nouveau 131-36-9 vise les infractions pouvant donner lieu à un placement sous surveillance électronique lorsque la peine d'emprisonnement est au moins égale à cinq ans. Mais l'infraction de l'article 225-12-1 visée par le dispositif ne peut être punie que de trois ans d'emprisonnement au maximum. Elle ne peut donc entrer dans son champ d'application. Il en va de même pour l'infraction définie à l'article 227-27, punie de deux ans d'emprisonnement.

Nous voterons contre cet article et contre les suivants.

Mme Muriel Marland-Militello - En instaurant un suivi des condamnés dangereux après l'exécution de leur peine, cette proposition de loi opère une avancée majeure. Je souhaite cependant que les mesures de sûreté envisagées pour les seuls crimes et délits sexuels soient étendues à toute la criminalité violente...

M. Christophe Caresche - C'est le bouquet !

Mme Muriel Marland-Militello - ...et en particulier aux crimes et délits d'atteinte volontaire à l'intégrité physique de la personne, ce qui inclut les violences et homicides volontaires et les actes de tortures et de barbarie.

En effet, les condamnés pour crimes et délits sexuels sont déjà la population pénale qui fait l'objet du suivi le plus complet. La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles et à la protection des mineurs a créé la peine de suivi socio-judiciaire, qui soumet le condamné à des mesures de surveillance et d'assistance, et éventuellement à une injonction de soins, sous le contrôle du juge de l'application des peines. Depuis la loi du 9 mars 2004, ce suivi socio-judiciaire peut être sans limitation de durée pour les crimes punis de la réclusion criminelle à perpétuité.

Les mesures de sûreté envisagées ne s'inscrivent sans doute pas totalement dans une perspective de réinsertion. Le port du bracelet ne permet pas d'éviter les récidives, mais simplement de localiser la personne. Imposer un suivi socio-judiciaire permettrait de prévenir les récidives.

M. Georges Fenech - Je comprends d'autant plus la position de Mme Marland-Militello que j'avais d'abord déposé des amendements sur la possibilité d'utiliser le bracelet électronique dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, avant de me rallier à la position de la commission. Cette disposition est extrêmement novatrice. Avant d'aller plus loin, il convient de la circonscrire à ce type d'infractions.

Il ne doit pas y avoir de guerre de religions sur ce qui est une nouveauté que la science apporte à la justice - on pourrait presque parler de « justice scientifique » comme on parle de « police scientifique ». Les radars ont permis d'épargner 3 000 vies ; les empreintes génétiques ADN permettront d'autres progrès. Pourquoi se priver d'un procédé technologique performant ?

Il existe déjà, depuis la loi du 11 décembre 1997 - adoptée sous le gouvernement Jospin, Monsieur Caresche - un bracelet électronique fixe.

M. le Président de la commission - Très bien !

M. Georges Fenech - Ce dispositif avait été envisagé dès 1989 - toujours sous la gauche - par le rapport Bonnemaison, pour remédier à la surpopulation carcérale. Pourquoi se priver du mobile quand on a déjà le fixe ? Avec le bracelet électronique mobile, l'intéressé pourra mener une vie normale, et l'effet dissuasif sera en même temps atteint.

En Floride, où le dispositif existe, le taux de récidive est tombé à 2 %.

Je voterai donc l'article 7 avec conviction, tout en sachant que le dispositif devra être amélioré puisqu'il est nouveau.

M. Christophe Caresche - Il ne s'agit pas d'une guerre de religions. Mais cette mesure, considérée comme la mesure-phare du texte, nous est présentée dans la précipitation et l'improvisation. La mission d'information n'avait d'ailleurs pas conclu sur ce point, se bornant à demander l'ouverture d'un débat. Le voilà clos ! Or le dispositif que vous nous proposez pose de sérieux problèmes d'application, tant sur le plan législatif que sur le plan matériel.

J'ai relu vos déclarations de mardi dernier, Monsieur le ministre. « Ce placement, dites-vous, paraît sans doute répondre à un besoin. Il s'agit toutefois là de dispositions complexes, dont le contenu pourrait certainement être amélioré au cours des navettes, afin de renforcer la cohérence juridique et l'efficacité du dispositif. » Vous avez donc émis quelques réserves, et je vous comprends ! Nous n'avons jamais vu ce bracelet électronique ; nous ne savons pas combien de condamnés - quelques centaines, plusieurs milliers ? - le porteront ; nous ignorons comment sera géré le dispositif, qui est nouveau par rapport au bracelet actuel puisqu'il s'agit d'un dispositif GPS. Il faudra certainement des personnels pour en gérer le suivi.

Nous ne disposons d'aucune étude ni d'aucun élément matériel d'appréciation. Je vous trouve extrêmement légers sur ce point.

Le bracelet électronique actuel, différent de celui que vous défendez, est déjà très difficile à mettre en œuvre. M. Marin, auditionné par la mission d'information, nous a dit que seulement 600 à 700 personnes étaient concernées par le dispositif voté en 1997. Personne ne peut croire que plusieurs milliers de personnes portent demain un tel bracelet jour et nuit.

Je veux terminer en citant M. Picotin, qui avait rapporté le texte de 1997.

M. le Président de la commission - Résumez !

M. Christophe Caresche - Il s'agit d'un débat important. Je n'y reviendrai pas, mais certaines questions doivent être posées.

M. Fenech sait que le bracelet électronique n'est pas une peine supplémentaire, mais un aménagement de peine qui permet d'éviter la prison. Les socialistes, qui s'étaient simplement abstenus en 1997, ont mis en œuvre ce dispositif.

Voici ce qu'écrivait M. Picotin en 1997 : « D'autres, mal informés, dans la presse en particulier, ont vu le spectre de Big Brother. Ils redoutent une surveillance totale et implacable des citoyens en tous lieux, sur le modèle de la balise Argos qui suit les ours des Pyrénées. Tel ne sera pas le cas. Par respect des libertés publiques, le bracelet qui est en caoutchouc peut être enlevé facilement. On ne suivra pas les citoyens à la trace sur un écran. »

Nous sommes hostiles au nouveau bracelet électronique que vous nous proposez.

M. le Président de la commission - Je serai bref car il nous faut terminer ce matin l'examen de ce texte. Au moment où s'est constituée la mission d'information, l'actualité a bousculé notre travail. Plusieurs cas graves de récidive en matière de crime sexuel ont ému l'opinion publique.

Deux solutions s'offraient à nous. La première, très française, consistait à discourir et à ne rien faire. La seconde était de faire quelque chose. Le problème, dans ce cas, c'est qu'il se trouve toujours de beaux esprits pour expliquer que faire c'est bien, mais qu'on peut faire mieux, c'est-à-dire ne rien faire ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Quand nous voulons faire mieux que ne rien faire, nous faisons moins bien que mieux... (Sourires)

Nous ne prétendons pas que le bracelet électronique soit la panacée ni qu'il empêche toute récidive, mais nous savons, après avoir interrogé des psychiatres, qu'il sera utile. Il s'agit au reste d'une mesure de sûreté et non d'une peine complémentaire. Le Conseil constitutionnel, au sujet des mesures pouvant intervenir après la levée d'écrou, a été le premier à parler de « mesures de sûreté ».

Le bracelet électronique à surveillance mobile empêchera de très nombreuses récidives.

M. Jérôme Lambert - Certaines seulement.

M. le Président de la commission - Il n'en empêcherait qu'une seule que cela justifierait son utilisation. C'est peut-être votre fils, votre fille qu'il sauvera ! Tout le monde voit bien qu'il empêchera un certain nombre de récidives. Arrêtez de quantifier l'inquantifiable et l'indescriptible.

Il y a 60 000 détenus dans nos prisons, dont un tiers pour des délits ou des crimes sexuels. Avec un taux de récidive de seulement 1,5 %, on arrive à 300 crimes sexuels. Certains penseront que c'est peu, je trouve ce chiffre effroyable.

Nous avons prévu deux articles sur le bracelet électronique. Le premier dispose qu'à l'avenir, cette mesure de sûreté sera prise au moment où la cour d'assises ou le tribunal correctionnel prononcent la peine. Le second s'applique aux personnes actuellement en détention. J'admets que, sur ce point, nous prenons un risque, mais je l'assume volontiers. Si le Conseil constitutionnel nous explique qu'on ne peut rien faire, ce sera de sa responsabilité. Je suis prêt à avoir tort, mais je ne veux pas assumer la responsabilité politique de ne rien prévoir concernant les 20 000 criminels sexuels actuellement détenus.

Un parlementaire doit être nommé pour étudier la mise en œuvre pratique du dispositif. Si, dans quelques années, il apparaît que cette mesure ne sert à rien, nous en tirerons les conséquences. Mais je prends le pari : personne ne reviendra dessus.

M. le Président - Ce texte, inscrit dans une niche parlementaire, doit être adopté avant la fin de cette séance, sinon son examen ne pourra être repris qu'en février. Je suis prêt à prolonger la séance jusqu'à 13 heures 30, mais nous ne pourrons aller au-delà. J'invite donc les orateurs à la concision.

M. le Garde des Sceaux - Un dispositif technologique expérimenté dans d'autres pays permet de suivre des personnes potentiellement dangereuses. Nous n'avons pas le droit de ne pas en tenir compte.

Monsieur Caresche, vous qui avez évoqué Big Brother, vous possédez sans doute un téléphone portable. Il permet de savoir où vous vous trouviez ces derniers mois : je le dis pour relativiser ce débat.

La proposition ne contient que le dispositif législatif, mais de nombreuses questions devront être réglées par le pouvoir exécutif. J'ai donc proposé à M. le Premier ministre de confier à M. Fenech la mission d'étudier l'accompagnement réglementaire que nécessite la mise en œuvre de cette mesure.

Si nous pouvons éviter quelques centaines de crimes, nous avons le devoir de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christophe Caresche - Monsieur Clément, l'article 7 n'aura d'effet que dans cinq ans au mieux, puisqu'il faudra attendre le prononcé de la peine pour placer quelqu'un sous surveillance électronique. Or, les Français pensent, à tort, que votre dispositif sera mis en place dans les jours qui viennent.

Vous avez en outre prévu des dispositions transitoires qui non seulement sont rétroactives, mais qui dérogent aux dispositions générales du texte. Le Conseil constitutionnel, à coup sûr, les censurera.

S'agissant d'un dispositif qui ne s'appliquera que dans cinq ans, M. Fenech aura, il est vrai, le temps de travailler. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Quelles dispositions allez-vous prendre d'ici là ? Le suivi socio-judiciaire existe, et il est urgent d'agir pour qu'enfin il s'applique !

Mme Muriel Marland-Militello - Les amendements 49 et 50 tendent à étendre le champ d'application du bracelet électronique pour prendre en compte tous les cas de violences faites aux personnes. Je rappelle par ailleurs que les bracelets électroniques ne préviennent pas forcément les crimes sexuels, qui ne sont généralement pas prémédités.

M. le Rapporteur - Qui trop embrasse mal étreint.

Nos travaux nous ont permis de constater l'explosion de la délinquance sexuelle, aujourd'hui la première cause d'incarcération, mais aussi sa spécificité, laquelle justifie un traitement prioritaire. Cela étant, nous ne pourrons faire l'économie d'une évaluation, mais pour le moment, mieux vaut en rester aux crimes et délits sexuels.

M. le Garde des Sceaux - Même avis.

Mme Muriel Marland-Militello - Si j'ai l'assurance que vous réfléchirez à une prochaine extension de ce dispositif, je retire mes amendements.

Les amendements 49 et 50 sont retirés.

M. Jean-Paul Garraud - Nous savons tous que nombre de prisonniers sont encore dangereux à leur sortie de prison, et le bracelet électronique devrait permettre de les surveiller, lorsque certaines conditions sont réunies.

L'amendement 1 vise à étendre ce dispositif au-delà des seuls délinquants sexuels, et je voudrais à cet égard vous rapporter une affaire dont m'a fait part hier Jean-Yves Cousin. Dans le Calvados, un individu condamné à dix ans d'emprisonnement pour avoir tenté de tuer son ancienne petite amie est libéré au bout de six ans. Toujours désireux de la tuer, il répète son geste, mais se trompant, c'est sa sœur jumelle qu'il assassine. Il n'y a pas que les criminels sexuels qui soient dangereux, et il faut d'abord penser aux victimes !

M. le Rapporteur - Avis défavorable pour les raisons que j'ai déjà exposées.

M. le Garde des Sceaux - Même avis.

M. Jérôme Lambert - Dans cette affaire, je ne vois pas en quoi le bracelet électronique aurait empêché le criminel de commettre une telle abomination ! Ce bracelet, outre qu'il ne soigne pas, ne protège pas. Vous venez de démontrer que votre dispositif n'est que de la poudre aux yeux, alors que nos concitoyens attendent du concret, et notamment des mesures socio-éducatives.

M. Jean-Paul Garraud - Mais elles existent déjà !

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Lambert - L'amendement 37 est défendu. Il s'agit de ne pas appliquer le dispositif aux mineurs.

L'amendement 37, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Caresche - Cette loi, écrite dans la précipitation, recèle quelques contradictions puisque certains délits passibles d'une peine inférieure à cinq ans d'emprisonnement se trouvent visés par ce dispositif, censé s'appliquer aux seules infractions passibles d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans. L'amendement 38 tend à corriger ces erreurs.

M. le Rapporteur - Cet amendement viderait l'article de son sens. Avis défavorable.

L'amendement 38, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Caresche - L'amendement 39 est défendu.

L'amendement 39, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Hunault - Nous avons tous à cœur de lutter contre la récidive, mais il ne faut pas pour autant instaurer de double peine, sous peine d'être sanctionnés par le Conseil constitutionnel. Aussi l'amendement 43 tend-il à ce que le placement sous surveillance électronique ne soit envisagé que dans le cadre de la libération conditionnelle. M. le Garde des Sceaux s'est engagé mardi à donner des moyens supplémentaires pour le suivi des délinquants sexuels les plus dangereux ; les dysfonctionnements du suivi socio-judiciaire montrent combien nous en avons besoin.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe UDF d'une demande de scrutin public sur l'amendement 43.

M. le Rapporteur - M. Hunault se méprend : il ne s'agit pas d'instaurer une double peine.

M. Michel Hunault - Je vous saurais gré de ne plus me donner de leçon !

M. le Rapporteur - Il s'agit - je ne fais que dire la vérité - de prescrire une mesure de sûreté pour la période postérieure à l'exécution de la peine. Il en va de même avec le suivi socio-judiciaire.

M. Christophe Caresche - Mais pour le suivi, l'intéressé est volontaire !

M. le Rapporteur - Il n'y a là en rien une innovation juridique par rapport à la loi de 1998. Le bracelet électronique permettra de s'assurer qu'un individu ayant purgé sa peine respecte par exemple l'interdiction de se rendre dans certains lieux.

Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux - Le suivi socio-judiciaire, dans la loi de 1998, est une contrainte et ne relève pas du libre choix de l'ex-détenu. Certes, l'application de cette loi est parfois défaillante mais c'est principalement en raison d'un manque de psychiatres. Je ne vois pas, de plus, pourquoi les nouveaux moyens électroniques dont nous disposons ne seraient pas utilisés pour prévenir la récidive.

M. Christophe Caresche - C'est en effet l'injonction de soins qui repose sur le volontariat.

M. le Rapporteur - Ah !

M. Christophe Caresche - Vous en avez fait bien d'autres !

Nous voterons l'amendement de M. Hunault, qui est fort convaincant. Vous mettez en effet en place une nouvelle logique juridique, ou plutôt, vous ressuscitez les mesures de relégation et de tutelle judiciaire qui consistaient à garder sous main de justice des personnes ayant purgé leur peine et auxquelles la société n'a plus rien à reprocher.

M. Jean-Paul Garraud - Sinon d'être dangereuses !

M. Christophe Caresche - Que ferez-vous lorsque de nouveaux faits divers vous obligeront à constater que le bracelet électronique ne suffit pas ? Vous proposerez l'incarcération, le bannissement ?

A la majorité de 17 voix contre 6 sur 23 votants et 23 suffrages exprimés, l'amendement 43 n'est pas adopté.

M. Christophe Caresche - L'amendement 40 est défendu.

L'amendement 40, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muriel Marland-Militello - Mon amendement 53 n'avait de sens que si la population à laquelle s'appliquera l'article 7 avait été étendue. Comme, de plus, les auteurs de délits sexuels ont une obligation de soins et qu'un avis médical doit être rendu les concernant, je le retire.

L'amendement 53 est retiré.

Mme Janine Jambu - Par l'amendement 48, nous demandons, comme nos collègues socialistes l'ont déjà proposé, que le placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté ne soit pas applicable aux mineurs.

L'amendement 48, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muriel Marland-Militello - Je retire l'amendement 58 pour les raisons précédemment évoquées.

L'amendement 58 est retiré.

L'article 7 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 8

Mme Janine Jambu - Le placement sous surveillance électronique vise à lutter contre les délinquants sexuels récidivistes. Or, ni le rapporteur ni le président de la commission n'ont exclu d'étendre son champ d'application. Nous n'exagérions pas lorsque nous vous soupçonnions de vouloir l'étendre à l'ensemble de la population : la science-fiction risque de rattraper la réalité !

Concernant l'article 8, en quoi un préfet de région et un général de gendarmerie sont-ils compétents pour siéger à la commission chargée d'évaluer l'état de dangerosité d'une personne et la nécessité ou non de la placer sous surveillance électronique ?

M. le Rapporteur - M. le président de la commission a déposé un amendement pour que la composition de la commission soit renvoyée à un décret. J'ajoute que notre but est d'assurer la pluridisciplinarité de l'organisme qui évaluera l'état de dangerosité de la personne.

Mme Muriel Marland-Militello - Il importe d'envisager, à terme, la possibilité d'inclure dans ce cadre de surveillance tous les individus coupables de violences ayant porté atteinte à l'intégrité physique des personnes, car nombreux sont également les récidivistes en la matière qui doivent bénéficier de soins. Mais mes amendements 59, 51 et 52 étant désormais sans objet, je les retire.

Les amendements 59, 51 et 52 sont retirés.

M. Christophe Caresche - L'amendement 8 est défendu.

L'amendement 8, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Garraud - Je m'associe à ce que vient de dire Mme Marland-Militello.

Mon amendement 2 tombe puisque mon amendement précédent n'a pas été retenu, mais je tiens néanmoins à dire que je ne comprends pas l'attitude de l'opposition : le bracelet électronique n'entrave en rien la réinsertion des personnes. Il s'agit simplement d'épargner d'éventuelles nouvelles victimes. Je m'étonne de votre immobilisme.

L'amendement 2, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Caresche - Monsieur Garraud, la mesure que vous soutenez ne sera effective, au mieux, que dans cinq ans. Que se passera-t-il d'ici là ? Nous sommes aussi attentifs que vous aux victimes...

M. Guy Geoffroy - Ce n'est pas évident.

M. Christophe Caresche - ...et nous souhaiterions que des dispositions qui ont été votées soient rapidement mises en œuvre. Vous êtes victimes de « l'illusion technologique » et vous tendez à promouvoir la prévention non par l'éducation mais par la neutralisation de la personne.

L'amendement 9 vise à supprimer la commission. En effet, une censure du Conseil Constitutionnel est prévisible car celle-ci mêle ordre administratif et ordre juridictionnel. Le recul de M. Clément, qui a déposé un amendement sur ce point, montre qu'il l'a bien compris et confirme que cette loi a été improvisée et non sérieusement préparée. Quant à la composition de la commission, M. le rapporteur a parlé de pluridisciplinarité : quelles disciplines représenteront le préfet de région et le général de gendarmerie ?

M. le Président - On peut considérer que vous avez défendu l'amendement 35 ?

M. Christophe Caresche - J'ajoute simplement que l'avis de cette commission sera prépondérant puisque le tribunal d'application des peines ne pourra le mettre en cause que par une décision motivée. Or, la commission veillera à se « couvrir » et se montrera donc particulièrement vigilante en proposant dans la plupart des cas la mise sous surveillance électronique au détriment de la réinsertion : essayez donc de trouver un travail avec un bracelet électronique au poignet !

M. le Rapporteur - On ne peut accepter de supprimer la commission des mesures de sûreté. Rappelons que si elle comprend des représentants de la police et de la gendarmerie, elle est présidée par un magistrat et que c'est son caractère interdisciplinaire qui en fait l'intérêt. Avis très défavorable.

Quant à un « recul » de M. Clément, il s'agit plutôt d'orthodoxie constitutionnelle, dans la mesure où la composition de la commission est d'ordre réglementaire.

M. le Garde des Sceaux - Défavorable.

M. Jérôme Lambert - Notre amendement aborde aussi un aspect qui ne l'est pas dans ce texte : que les victimes soient entendues par le tribunal qui devrait décider librement.

M. le Garde des Sceaux - La loi votée en mars dernier prévoit la consultation des victimes en matière d'exécution des peines.

M. Guy Geoffroy - C'est systématique.

L'amendement 9, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que l'amendement 35.

M. Jérôme Lambert - L'amendement 36 est défendu. Je ne vois pas mention des victimes dans cet article 8...

M. le Garde des Sceaux - Mais c'est dans la loi !

M. Jérôme Lambert - Nous changeons la loi en créant cette commission, et il n'est pas question des victimes.

M. le Rapporteur - Lisez le texte précisément. Parmi les membres de la commission figure un responsable des associations nationales d'aide aux victimes.

M. Christophe Caresche - La vérité, c'est qu'une fois encore vous n'avez pas confiance dans les juges. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Le tribunal de l'application des peines peut tout à fait entendre les experts et les victimes. Pourquoi créer une commission, si ce n'est par défiance envers des juges qui n'iraient pas dans le sens que vous souhaitez ?

L'amendement 36, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - La commission est favorable à l'amendement 7 de M. Clément.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jérôme Lambert - Notre amendement 10 prévoit l'organisation d'un débat contradictoire devant la commission en présence de la personne concernée et de son avocat.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis favorable.

M. Jérôme Lambert - C'est le deuxième amendement de l'opposition qu'elle accepte !

M. le Garde des Sceaux - Sagesse. Organiser un débat devant la commission des peines de sûreté alors qu'il y en a déjà un devant le tribunal d'application des peines, c'est faire bégayer la justice.

M. Jérôme Lambert - C'est que le rôle de cette commission sera très important, y compris pour le tribunal qui voudrait motiver son avis. Nous remercions en tout cas la commission des lois de son avis favorable.

L'amendement 10, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Caresche - L'amendement 11 est défendu.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. le Garde des Sceaux - Défavorable.

L'amendement 11, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Caresche - L'amendement 12 est défendu.

L'amendement 12, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 8, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 8

M. Christophe Caresche - A la sortie d'un prévenu jugé irresponsable alors qu'il a commis les faits incriminés, le préfet prend souvent un arrêté d'internement. Le parquet prend habituellement les précautions qui s'imposent, mais il arrive que, dans la précipitation, les informations utiles ne soient pas transmises. Notre amendement 17 prévoit donc que le procureur de la République informera le préfet de ses conclusions, des dates d'audience et des décisions rendues.

M. le Rapporteur - Cet amendement répond pleinement à une préoccupation de la mission d'information. Avis favorable.

M. le Garde des Sceaux - Avis favorable.

L'amendement 17, mis aux voix, est adopté.

L'article 9, mis aux voix, est adopté de même que l'article 10

ART. 11

M. Jérôme Lambert - Le dispositif électronique peut très bien tomber en panne, et dans ce cas son porteur pourrait être poursuivi. Une des rares expériences de ce type, en cours à Manchester, va justement être abandonnée, car elle n'est pas concluante sur le plan technique. C'est pourquoi notre amendement 25 précise que le porteur ne peut être poursuivi que s'il s'est « volontairement » soustrait à la surveillance.

M. le Rapporteur - Cet amendement est inutile. Sur un plan général, l'article 121-3 du code pénal indique bien qu'il n'y a pas d'infraction sans intention de la commettre.

L'amendement 25 est retiré.

L'article 11, mis aux voix, est adopté.

ART. 12

M. Christophe Caresche - L'amendement 24 est défendu.

L'amendement 24, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 12, mis aux voix, est adopté.

ART. 13

M. Christophe Caresche - Par notre amendement 13, nous proposons de faire appel à un psychologue titulaire d'un master 2 professionnel en psychologie ou de tout diplôme équivalent et non à un psychologue titulaire d'un DESS de psychologie.

Il existe des dysfonctionnements, et au lieu de les pallier, on adapte la loi. Ainsi, le suivi psychologique des détenus est mal assuré, car 800 postes de professionnels ne sont pas pourvus. La solution proposée, c'est de faire appel à des personnels moins diplômés. Il faut pourtant des professionnels qualifiés pour traiter des détenus qui peuvent être dangereux.

M. le Rapporteur - Je vous remercie d'avoir souligné l'intérêt de cette disposition, mais ne suis pas absolument certain que votre formulation intègre bien les psychologues titulaires d'un DESS. Par prudence, je suis donc défavorable à votre amendement.

M. le Président de la commission - C'est une question d'ordre réglementaire !

M. le Garde des Sceaux - Défavorable pour les mêmes raisons.

L'amendement 13, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Caresche - Notre amendement 14 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis favorable, à condition d'ajouter un « s » au mot « précisée ».

M. le Garde des Sceaux - Sagesse.

L'amendement 14 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jérôme Lambert - L'amendement 15 va dans le même sens.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. le Garde des Sceaux - Sagesse.

L'amendement 15 est adopté.

L'article 13 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 14

M. Jérôme Lambert - Nous ne sommes pas opposés à cet article, qui prévoit la création d'un fichier des délinquants sexuels, mais notre amendement 23 vise à prendre, après consultation de la CNIL, les dispositions nécessaires pour éviter la confusion entre les personnes jugées irresponsables de leurs actes et les autres.

M. le Rapporteur - Les personnes irresponsables sont déjà dans un fichier. En outre, le droit en vigueur prévoit déjà la consultation de la CNIL. Avis défavorable donc.

L'amendement 23 est retiré.

L'article 14, mis aux voix, est adopté.

ART. 15

M. le Rapporteur - L'amendement 56 rectifié est de précision rédactionnelle.

L'amendement 56 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 15 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

Mme Janine Jambu - Epilogue parfait de cette proposition de loi, cet article dispose que le placement sous surveillance électronique pourra être imposé à toute personne déjà définitivement condamnée pour crime ou délit sexuel. Cette rétroactivité d'une disposition plus sévère que celle antérieurement en vigueur est contraire, à l'article 112-1 de notre code pénal, à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et a toutes les chances d'être sanctionnée par le Conseil constitutionnel. Nous voterons contre.

M. Christophe Caresche - Notre amendement 16 est de suppression.

Cette disposition n'aurait jamais passé le filtre du Conseil d'Etat... Mais si le Conseil constitutionnel la déclare contraire à la Constitution, c'est l'ensemble du dispositif proposé qui sera ruiné, alors que vous avez fait naître beaucoup d'espoirs parmi les victimes. La mesure sur le bracelet électronique ne serait en effet pas appliquée avant cinq ans. Que se passera-t-il pendant ce délai ? Mettrez-vous en place, comme on vous le demande, un véritable suivi socio-judiciaire ? Ni M. Bodin, ni M. Fourniret, ni M. Emile Louis n'en ont bénéficié.

M. Jean-Paul Garraud - Ils se sont soustraits à toute surveillance. Et pensez-vous que ce suivi aurait suffi ?

M. Christophe Caresche - En vous contentant de prendre des mesures d'affichage pour conforter l'aile la plus radicale de votre majorité, vous allez provoquer de grandes déceptions. Je suis persuadé que nous serons obligés de reprendre ce travail dans quelques mois.

M. le Rapporteur - Je suis un peu peiné que M. Caresche adopte ce ton polémique. 5 000 délinquants sexuels pourraient être concernés par cette disposition, qui répond précisément au souci d'assurer leur suivi socio-judiciaire.

Par ailleurs, il ne s'agit pas ici du code pénal, mais du code de procédure pénale ; et il y a un précédent, le FIJAIS, qui a été validé par le Conseil constitutionnel. Prenons donc le risque qu'il nous sanctionne ; personnellement, je suis persuadé qu'il jugera que cette disposition est conforme à la Constitution.

L'amendement 16, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 57 est rédactionnel.

L'amendement 57, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 16 modifié, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 17.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Michel Hunault - Nous avions accueilli favorablement la création d'une mission d'information relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Certaines de ses vingt propositions nous sont soumises aujourd'hui, mais on se contente malheureusement d'une succession de dispositions répressives, et non préventives. Au lieu de légiférer une fois de plus, il eût mieux valu mieux appliquer les textes existants.

De même, un meilleur contrôle de l'application des peines contribuerait certainement à réduire le nombre des récidives, la certitude d'accomplir sa condamnation étant beaucoup plus dissuasive que toute autre mesure d'aggravation des peines - surtout si celle-ci ne s'appuie pas sur une politique de soins et de suivi digne de ce nom.

Le combat contre la récidive suppose également un effort budgétaire important en faveur du suivi socio-judiciaire, du traitement médical, de l'injonction thérapeutique et de la réinsertion. A cet égard, j'ai pris note des engagements pris par le Garde des Sceaux : l'abandon dans lequel a trop longtemps été laissé ce maillon de la chaîne pénale est en effet particulièrement préjudiciable, s'agissant des délinquants sexuels qui, sortant de prison sans avoir suivi de traitement et sans que leur réinsertion ait été préparée, sont voués à rééditer leurs forfaits. C'est pourquoi j'avais demandé que les aménagements et réductions de peine cessent d'être accordés automatiquement. Malheureusement, cet amendement a été repoussé...

Pour ce qui est du placement sous bracelet électronique, à quoi se réduit le volet préventif de cette proposition, nous refusons qu'il se fasse à l'issue de l'emprisonnement. S'il peut se concevoir dans le cadre d'un aménagement de peine ou d'une libération conditionnelle, il ne peut être perçu ici que comme l'élément d'une double peine... et, de surcroît, vous prévoyez qu'il puisse se prolonger trente ans durant !

Nous avions réservé notre position, attendant des engagements en faveur du suivi des détenus et de l'évaluation de leur dangerosité. Faute de garanties majeures sur ces points, nous ne cautionnerons pas la surenchère législative et la pénalisation croissante : le groupe UDF s'abstiendra !

Mme Janine Jambu - Cette proposition de loi ne permettra certainement pas de lutter contre la récidive car elle laisse de côté tout ce qui est prévention, soins et aide à la réinsertion. Pourtant, la mission d'information a rappelé avec force, dans son rapport, combien la prison désocialise, combien elle est criminogène ! Accorder une vertu préventive à la détention, comme vous le faites ici, c'est aller contre le bon sens.

La proposition aggrave les peines de prison et, pis encore, restreint le recours aux peines non privatives de liberté en réduisant considérablement la marge d'appréciation du juge. Je n'insisterai pas sur le bracelet électronique - qui peut encore croire qu'il empêchera la récidive ? -, car c'est l'ensemble de ce texte qui aggravera le risque de récidive en nourrissant le mal qui la produit !

Nous étions prêts à voter une réforme efficace contre un fléau qui appelle à une mobilisation de toute la société. Vous ne l'étiez pas, sans doute parce que cela aurait exigé des moyens humains et financiers, et la réforme que vous proposez finalement nous fait craindre le pire. Le groupe communiste et républicain votera donc contre ce texte.

M. Christophe Caresche - Je commencerai par faire part de ma déception. Nous avions participé à la mission d'information avec l'espoir que celle-ci remédierait à un certain nombre de dysfonctionnements de notre justice. Le constat est en effet accablant : 30 % des peines ne sont pas appliquées, le casier judiciaire n'est pas tenu à jour, 800 postes de psychiatre ne sont pas pourvus et seulement 8 % des délinquants sexuels bénéficient d'un suivi socio-judiciaire ! Mais, au lieu de la réorganisation attendue, la majorité et le Gouvernement ont préféré un texte qui témoigne d'une défiance certaine à l'égard des juges, à qui vous ne laissez que la liberté de réprimer, et qui substitue à la prévention par la réinsertion la prévention par la technologie et par la neutralisation ! Cette proposition ne fera qu'aggraver la surpopulation carcérale sans remédier en rien au sinistre dont sont victimes les services de probation et d'accompagnement des détenus.

Tous ceux qui pourraient encore placer quelque espoir dans ce texte seront donc très vite déçus à leur tour...

M. Guy Geoffroy - Non !

M. Christophe Caresche - Vous serez incapables, en particulier, d'organiser le placement sous bracelet électronique et chacun devra bien se résoudre à constater que votre préoccupation était avant tout politique : vous ne vouliez que répondre aux sollicitations de certains députés de la majorité, pour tenter de surmonter vos divisions ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Le groupe UMP est fier d'être à l'origine de cette proposition de loi. La récidive est en effet source de trop nombreux drames et une initiative s'imposait. Nous ne nous laisserons donc pas impressionner par les discours d'une gauche conservatrice : leurs méandres ne sont que la preuve de la difficulté qu'il y a à refuser un texte qui reflète fidèlement les travaux de la mission d'information - auxquels certains députés socialistes ont de surcroît participé !

Nécessaire, cette proposition est aussi moderne et équilibrée. Contrairement à ce qui vient d'être dit, elle répondra aux attentes de nos concitoyens et elle permettra à nos juges de mieux rendre la justice, et une justice plus efficace, c'est-à-dire une justice qui protège les plus faibles contre les plus malfaisants. Il ne s'agit ici de rien d'autre ! L'idéologie a fait son temps : place à l'action, place à l'espoir !

Le groupe UMP votera sans réserves ce texte car il entend que notre justice franchisse une étape nouvelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 25.

                    Le Directeur du service
                    des comptes rendus analytiques,

                    François GEORGE


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