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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 48ème jour de séance, 116ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 18 JANVIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

Sommaire

      RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 2

      RÉGULATION DES ACTIVITÉS POSTALES (suite) 2

      QUESTION PRÉALABLE 2

      DISCUSSION GÉNÉRALE 11

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 19 JANVIER 2005 31

La séance est ouverte à vingt-deux heures.

RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - M. le Premier ministre informe l'Assemblée qu'il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

RÉGULATION DES ACTIVITÉS POSTALES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi adopté par le Sénat relatif à la régulation des activités postales.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Daniel Paul - Nul ne pourra accuser ce gouvernement de ne pas avoir de suite dans les idées, de ne pas aller au bout de sa logique. Vous mettez obstinément en œuvre une politique qui ne vise pas à satisfaire les intérêts de la majorité de la population mais à appliquer à notre société une vision libérale qui veut supprimer toutes les barrières à la course à la rentabilité financière. C'est à tort que d'aucuns vous ont accusés de faire n'importe quoi. Votre objectif est clairement de couler notre pays dans le moule libéral, d'y faire s'appliquer sans entraves les orientations de l'OMC pour la libéralisation des services, d'obéir à l'accord général sur le commerce des services, selon lequel toutes les activités humaines doivent être soumises à la concurrence. Vous voulez que notre pays soit le bon élève de la classe européenne en ce domaine.

A votre manière, vous montrez d'ailleurs que le pouvoir politique sait ne pas être impuissant, qu'il peut prendre des décisions fortes, pour suivre la compétition au service des grands intérêts financiers. Après France Télécom, EDF, GDF et Air France, la Poste est le nouveau « grand » du secteur public que vous voulez soumettre à la libéralisation, mais pas le dernier : il y aura d'autres mauvais coups dans les prochaines semaines. Vous œuvrez dans le cadre d'une construction européenne qui veut tout régir selon les lois du marché, de la rentabilité et des ratios, et qui veut remplacer les services publics par des « services universels », qui ne visent en fait qu'à réduire les droits des salariés, à faire supporter par les collectivités publiques ce qui n'est pas rentable et à diminuer les droits des usagers. Vos promesses de réduction de la fracture sociale et de baisse du chômage s'évaporent devant les impératifs de la concurrence et les intérêts des grands groupes.

Vous savez que notre pays est très attaché à son secteur public, qu'il s'agisse des entreprises ou des services. Vous savez combien la population est sensible à leur qualité et au dévouement de leurs agents. Vous savez qu'ils constituent des éléments essentiels de la vie locale, participant à la citoyenneté, à l'égalité entre les usagers et à la justice sociale. Vous savez combien ils ont contribué au développement des territoires et à la vie économique, et combien la population veille à tout ce qui touche aux services de proximité. J'en ai la confirmation avec les milliers de signatures recueillies dans ma circonscription, pour réclamer le maintien des bureaux de poste et l'amélioration des services à la population. Dans cette circonscription populaire, deux bureaux de poste ont déjà perdu leur receveur, alors que la loi n'est même pas encore votée ! Ce ne sont donc plus des bureaux de plein exercice. L'un d'entre eux dépend à présent du receveur d'un autre bureau - lequel est perdant lui aussi, puisqu'il n'a plus de receveur à plein temps ! Voilà qui relativise vos propos sur la préservation des bureaux situés en zone urbaine sensible ou en zone franche urbaine... Mais le montant des encours financiers dans ces bureaux était sans doute insuffisant, selon vos critères !

Vous prétendez passer outre les manifestations d'inquiétude et de colère, comme vous l'avez fait pour les retraites et la protection sociale, mais vous êtes tout de même contraints à la prudence et affichez donc de belles intentions. Le Premier ministre, après avoir reçu M. Bailly, président de la Poste, lui a adressé une lettre attestant son inquiétude devant la levée de boucliers des syndicats et aussi la protestation des élus locaux et de la population, qui entendent parler de rentabilité de la Poste, de performance, de compétitivité, de réajustement de la présence postale... Il est vrai que les électeurs vous avaient adressé un signal fort au printemps, puisque vous aviez perdu plusieurs conseils généraux, dont certains que la droite détenait depuis leur création, il y a deux siècles !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Et vous, vous en avez gagné combien ?

M. Daniel Paul - Le département de la Seine-maritime était à droite depuis la révolution française ! Vous avez perdu également la quasi-totalité des conseils régionaux, dont certains que vous considériez sans doute comme inexpugnables. Le congrès des maires se profilait, ainsi que les élections sénatoriales : pas question de prendre de risques ! Le Premier ministre est donc lui-même monté au créneau. Cela n'a pas suffi, mais sans doute aurez-vous limité la casse aux sénatoriales.

Vous êtes confrontés au fait que, malgré les mauvais coups qu'il a reçus, l'attachement au service public et aux valeurs qu'il porte reste vif. Il y aura eu la réduction, depuis trente ans, de ses moyens financiers et humains, les campagnes de dénigrement pour tenter de faire croire qu'il coûte trop cher, que ses salariés sont des nantis et des gréviculteurs, la remise en cause des statuts, les opérations de division des personnels, la mise en concurrence avec des entreprises privées... Cela se fait en cohérence avec l'offensive générale contre les secteurs dont les salariés sont revendicatifs et attachés à leurs missions et à leurs droits : il faut casser l'idée de résistance ! Vous avez fait fort, Monsieur le ministre, en rappelant aux salariés du secteur public tentés de faire grève qu'ils ne seraient pas payés. Bien sûr, qu'ils ne le seront pas !

M. le Ministre délégué - Bien sûr, mais la loi en ce domaine n'a pas toujours été respectée !

M. Daniel Paul - Mais c'était un moyen pour vous de faire pression. La Poste a subi ces mauvais coups, et elle en connaît encore les conséquences : la distribution de courrier à J + 1 peine à dépasser les 65%, alors qu'elle était largement au-dessus il y a deux ans ! Mais pour les idéologues du libéralisme, il faut casser l'idée que le service public pourrait être un acteur fiable du développement économique, qu'il pourrait proposer des réponses aux besoins de la population sans générer de plus-values au sens capitaliste du terme ! Inconcevable et dangereux ! Il faut casser ces croyances d'un autre âge, et imposer l'idée que seules les relations de marché sont porteuses d'avenir. Les services publics gênent parce qu'ils sont porteurs d'une certaine idée de la société, contraire à votre philosophie libérale, et parce qu'ils participent au respect des droits de chacun, au respect d'un statut pour les salariés, au respect du bien commun, à plus de lien social et de solidarité ; la Poste n'est pas seulement un coût pour notre société. Les services publics vous gênent parce qu'ils mettent au cœur de leur activité la question de la satisfaction non marchande des besoins de tous les citoyens. Vous voulez donc briser leur cohérence et les inscrire dans une concurrence dont la philosophie est tout autre.

Guidé par la même prudence, vous voudriez faire croire que l'ouverture du capital ne menacerait pas l'entreprise publique et la qualité de ses missions : c'est une arnaque ! Il n'est pas d'exemple que l'ouverture du capital n'ait pas été suivie, tôt ou tard, d'un élargissement de la part acquise par les partenaires privés et de la soumission de l'entreprise aux impératifs de la rentabilité.

Malgré cette prudence que vous impose l'attachement populaire au secteur public, vous n'en êtes pas moins résolus à franchir une étape. Vous y êtes poussés par les entreprises financières et leurs actionnaires, à la recherche de nouvelles zones de profit ; vous l'êtes aussi par les plus libéraux d'entre vous qui, après avoir longtemps courbé l'échine, relèvent la tête et veulent franchir un pas irréversible pour effacer définitivement le secteur public de notre paysage social (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - C'est une caricature.

M. Daniel Paul - En cédant au dogme de la stricte limitation des dépenses publiques, vous visez plusieurs objectifs, depuis la satisfaction des plus nantis jusqu'à la vente des richesses constituées par la nation au fil de son histoire. Pour respecter les 3% de déficit, vous cédez aux investisseurs privés des parts de notre patrimoine public. L'OCDE a récemment indiqué qu'entre 1984 et 2000, dans l'Europe des Quinze, les privatisations avaient porté sur 563 milliards d'euros. Il n'y a eu aucune création de richesses supplémentaires, puisque les services existaient déjà, mais seulement un changement de propriété, avec la possibilité pour les nouveaux acteurs d'imprimer leurs exigences de rentabilité ; et c'est sur ce socle que se construit l'Europe actuelle...

Sans doute pensez-vous que la gauche, revenant au gouvernement, ne prendra pas les mesures nécessaires pour reconstruire un secteur public répondant vraiment aux besoins du pays. Sans doute êtes-vous conforté dans cette opinion par le fait que la gauche n'a pas toujours été assez attentive à ces offensives libérales et à la nécessité de développer le secteur public. La leçon mérite en effet d'être méditée, non par vous, mais par nous, pour le présent et surtout pour l'avenir. Sans doute pensez-vous aussi que la construction européenne n'a que faire de services publics performants, et que l'avenir et de la France et de l'Europe est dans la concurrence et les règles du marché. Vous prétendez même que cela créerait des emplois supplémentaires ; de même la Commission européenne déclarait, à propos de sa directive du 10 juin 2002 : « Les contractions éventuelles de l'effectif des prestataires du service universel seront vraisemblablement compensées par un accroissement de l'emploi chez les opérateurs privés et les nouveaux arrivants ». Ce « vraisemblablement » a un goût d'incertitude...

Vous ne voulez surtout pas examiner ce qui s'est passé dans les pays qui nous ont précédés dans la voie de la libéralisation. Qu'il s'agisse de l'Allemagne ou de la Suède, les résultats méritent pourtant le détour. Ainsi la poste suédoise fut une des premières, en 1993, à mettre fin à son monopole. Dix ans après, le prix du timbre avait doublé ; le nombre des bureaux de poste été divisé par cinq ; et près de trois mille « points poste » étaient installés dans des supérettes ou des stations-service ; un accès simple au service postal n'est pas garanti à tous. Alors qu'elle était normalement rentable, la poste suédoise souffre d'un déficit chronique qui lui a déjà fait frôler le dépôt de bilan. Le Figaro lui-même a titré sur « une faillite de la libéralisation postale », notant que 30 000 emplois sur les 70 000 de l'entreprise publique ont disparu et que la plupart des actifs ont été vendus, du système de paiement postal aux bâtiments en passant par le siège social... Est-ce cela que vous voulez pour la poste française ?

En Allemagne - pays que vous citez volontiers - on peut faire le même constat : on est tombé en treize ans de 390 000 à 230 000 postiers, les fonctionnaires passant de 50 à 30%. Le même bilan s'applique à d'autres secteurs d'activité, qu'il s'agisse de l'énergie, des transports ou des télécommunications. Pourquoi refusez-vous un audit des résultats réels des libéralisations conduites depuis quelques années ? Si vous étiez si sûrs de vous, si vraiment cette démarche était bonne pour les usagers, pour les personnels, pour l'aménagement du territoire, chacun ici y adhèrerait. Si vous vous obstinez à refuser cet audit, c'est bien que ce n'est pas bon. Et c'est bien parce que vous savez où cela nous mène, que vous refusez de faire cet « arrêt sur image » qui éclairerait tous les citoyens sur les conséquences de la libéralisation du secteur public postal. Le 8 décembre, devant la commission des affaires économiques, vous indiquiez d'ailleurs que le Parlement européen et le Conseil européen des ministres devaient se prononcer en 2007 pour confirmer l'achèvement du marché intérieur des services postaux à l'horizon 2009, et qu'à cette date le secteur serait entièrement libéralisé. Dans tout cela il n'est toujours pas question d'audit.

EDF peut ici servir d'exemple. La concurrence, nous disait-on, devait entraîner la baisse des prix. J'ai participé à la commission Roulet. Dans la discussion il est vite apparu que la baisse des prix n'était pas l'objectif. Au contraire, pour améliorer les fonds propres d'EDF, et aussi parce que les tarifs actuels ne sont pas assez attractifs pour que des concurrents viennent sur le marché français, on a rappelé avec force la nécessité d'augmenter le prix du kilowatt... On peut remplacer EDF par la Poste ou d'autres entreprises publiques : ce qui compte, c'est de faire rentrer du cash, de développer les fonds propres, d'améliorer la rentabilité pour les actionnaires actuels et futurs. Ce débat sur EDF ne concerne-t-il pas aussi bien la Poste ? Vous vous dites aujourd'hui opposé, Monsieur le ministre, à cette augmentation tarifaire. Piètre défense, pour détourner l'attention quand on sait que l'Etat, comme actionnaire, est évidemment intéressé à de telles opérations. Quant à la demande de France Télécom d'augmenter de 23% le prix de l'abonnement au téléphone fixe, elle fera peser sur les plus modestes l'essentiel de ce surcoût, tout comme c'est eux que frappe surtout l'augmentation du timbre-poste. France Télécom argue de la nécessité de nouveaux investissements pour permettre le développement de l'ADSL ; de même la Poste invoque le besoin d'investir et de développer ses moyens financiers. Il est vrai que la péréquation qui aurait permis de faire face à ces développements a été remise en cause : il sera donc demandé aux usagers les plus modestes de pallier et l'absence de péréquation et les exigences de rentabilité. Telle est la libéralisation que vous voulez imposer : pour permettre aux entrants de dégager des bénéfices et faire face aux investissements sans réduire la rentabilité, vous choisissez la dégradation des conditions de travail du personnel et la hausse des tarifs, désormais appelés « prix ». Avant d'aller plus loin, faites l'audit que nous demandons ! Dites ce que sont devenus, en France et ailleurs, les services publics libéralisés. Comparez les promesses faites aux populations et les résultats constatés. Tant que ce n'est pas fait, il n'y a pas lieu de délibérer sur un tel texte.

La constante de votre politique, c'est le désengagement de l'Etat. C'est vrai avec la réduction des dépenses publiques, dont vous faites un élément positif en mettant en parallèle la réduction des impôts, y compris l'impôt sur les grandes fortunes. Vous savez pourtant que moins de services publics pénalise les plus modestes, ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu et moins encore l'ISF. Vous savez aussi que l'impôt est un élément de justice sociale et de citoyenneté - il est vrai que vous voulez transformer les citoyens en « clients ». Avec ce texte vous poursuivez dans la même voie. Les maires ont raison de s'inquiéter : les 17 000 bureaux de poste qui maillent notre territoire sont majoritairement menacés. Il y aura sans doute - quoi que vous disiez - des disparitions pures et simples. Mais il y aura surtout des changements de statut, et des dégradations du service à la population. Il est question de « zones de vie », de « bureaux de proximité », d'agences postales, et maintenant de « points de contact » - dont on ignore la nature. Autant de termes ronflants pour cacher les profondes transformations que vous voulez faire subir à la Poste. Vous prétendez maintenir 17 000 points de contact : mais combien subsistera-t-il de bureaux de plein exercice ? N'est-il pas question de ne conserver que les 2 915 bureaux dont parle le rapport de la Cour des Comptes ? Le reste sera affaire de négociations avec les communes et les commerçants, l'objectif étant de réduire les charges de structures.

L'Association des maires ruraux de France, lors de son assemblée générale à Lyon, en avril 2004, a souligné cette « volonté de la direction nationale de la Poste d'imposer à très court terme, sans autre concertation que de façade avec les élus, des modifications substantielles au réseau postal avec la mise à contribution financière des communes. Celles-ci sont soumises au chantage suivant : votre bureau de poste n'est pas rentable, si vous désirez le maintenir, il vous faudra assumer une partie des frais ! L'exemple des cabines publiques de France Télécom nous le confirme.

Lors de son audition, M. Bailly, président de la Poste, a indiqué que les élus seront invités à signer des protocoles sur l'évolution et le développement des services, en contrepartie d'un abondement des investissements sur le territoire considéré et d'une éligibilité prioritaire au fonds de péréquation. En clair, payez et vous serez considérés ! Où est l'égalité des territoires et des citoyens devant le service public ?

Monsieur le ministre, vous avez d'ailleurs reconnu lors de votre audition que les communes seraient, in fine, mises à contribution dans le cadre du fonds de péréquation avec les abattements sur les taxes locales. En d'autres termes, ce fonds privera les collectivités de ressources dont elles ont besoin, et il leur sera demandé de mettre à nouveau la main au portefeuille, c'est à dire au portefeuille des contribuables locaux. Et qui déterminera le fameux seuil de rentabilité ? La banque postale ?

Il y a pourtant matière, aujourd'hui, à développer de nouvelles missions pour répondre aux besoins de notre époque. Le service universel ou service d'intérêt général constitue un recul. Débarrassons ces missions de la gangue des impératifs financiers à l'instar des fondateurs de ce service public.

La division en filiales, la fin de la péréquation, la réduction à néant du cœur de métier poursuivent le travail de sape engagé. Les investisseurs pourront se saisir des activités juteuses, il ne restera à la Poste que le fameux « service universel ».

Dans le secteur des télécommunications, l'appel à candidature pour le service universel, jusque là assuré par l'opérateur historique, n'a retenu l'attention d'aucun opérateur, à l'exception de France Télécom ! Ces obligations de service universel comprennent pourtant des missions essentielles.

Comment financera-t-on le service universel quand les activités les plus rentables de la Poste, tel le courrier industriel, seront versées dans le secteur concurrentiel ? En 2002, 60% des recettes du groupe étaient représentées par le courrier. Toute amputation de cette part entraînerait donc l'impossibilité de compenser les pertes occasionnées par la distribution du courrier en zone rurale.

Dès lors, comment trouver les financements ? La création du fonds de compensation n'est envisagée que par décret et il ne serait alimenté que par des contributions des concurrents de la Poste ! En augmentant le prix du timbre comme vous l'avez accepté ? Quelle garantie a-t-on que celui-ci restera identique sur l'ensemble du territoire ? Du reste, l'augmentation du prix du timbre ne suffira pas à assurer le financement.

La Banque Postale ? Le rapport de la commission des finances du Sénat indique que « les négociations commerciales entre la banque postale et son distributeur que seront les guichets de la Poste devraient susciter une adaptation du réseau aux conditions modernes du marché ». Mais le président de la commission a dit les choses clairement : l'établissement bancaire sera contraint à « l'amélioration de sa rentabilité », et cet objectif, entraînera une « adaptation du réseau ». Gare aux bureaux des campagnes et des zones urbaines sensibles ! Pour les usagers, cela signifiera des distances plus grandes à parcourir.

M. André Chassaigne - Cela va être terrible !

M. Daniel Paul - Autre manière de faire baisser les coûts, agir sur les charges de personnel en supprimant 20% des effectifs de la Poste soit la perte d'au moins 60 000 emplois et le développement de la précarité pour ceux qui resteront. Quant aux fonctionnaires, ils sont destinés à disparaître dans les mêmes conditions qu'à France Télécom, c'est-à-dire très mauvaises. Le tribunal administratif de Paris vient d'ailleurs de sanctionner la prétention de la Poste à passer outre les droits des salariés.

Et n'oublions pas les charges de retraites ! Selon les nouveaux critères de gestion, il faudrait que la Poste inscrive 57 milliards d'euros à son bilan ! Ce serait le coup de grâce !

Comment ne pas évoquer ici les charges de diffusion de la presse ? Leur coût total est évalué à 1,2 milliard d'euros par an, et 400 millions restent indûment à la charge de la Poste...

Autre symbole du désengagement de la puissance publique, la mise en place d'un régulateur. Après l'ART, voici l'ARCEP, Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Pour quoi faire ? Pour se substituer à l'Etat, distribuer les licences aux nouveaux opérateurs ? L'expérience de l'ART ne milite pas pour que l'on fasse confiance à l'ARCEP ! Quelle alerte a lancée l'ART lors des investissements inconsidérés de France Télécom à l'étranger ? En quoi l'ARCEP serait-elle plus pertinente que les organismes équivalents existant dans d'autres pays ? Ces agences symbolisent le désengagement de l'Etat, une libéralisation toujours accrue, dont l'opérateur historique, ses salariés et les usagers seront les victimes.

Ce désengagement de l'Etat qui signifie perte de contrôle au profit d'une agence de régulation et transfert de charges sur les collectivités locales justifie également notre question préalable.

Mais ce n'est pas tout. Vous allez au-delà de la directive en créant une véritable banque postale, dont le poids sera considérable. C'est le fruit d'un amendement sénatorial accepté par le Gouvernement.

L'évolution des services financiers de la Poste a suivi l'histoire de notre pays et de cette administration publique. Longtemps, ce furent des fonctionnaires d'Etat qui s'occupèrent de cette activité.

M. le Ministre délégué - Nostalgie !

M. Daniel Paul - En 2002, les activités financières représentaient 23% du chiffre d'affaires consolidé de la Poste, tandis que les encours dépassaient 200 milliards d'euros. La Cour des Comptes a d'ailleurs salué l'augmentation régulière des encours. Même si la part de marché des services financiers de la Poste a reculé en vingt ans de 13,5% à 9%, leur chiffre d'affaires a doublé entre 1991 et 2003.

Pour autant, le réseau, le maillage de la Poste, sans doute unique dans le monde financier, demeure un atout essentiel.

Autre atout majeur, la confiance des usagers, qui ont le sentiment que leur épargne y est sécurisée. Du reste, l'opérateur historique a su entendre les doléances des épargnants grugés par certaines offres trop alléchantes. Qu'en sera-t-il demain avec le changement de statut ? D'accord pour faire évoluer l'offre de services financiers de la Poste, mais il faut le faire en respectant les valeurs éthiques des postiers. Nous rejetons fermement l'idée selon laquelle la Poste aurait vocation à devenir la banque des pauvres, le guichet de tous ceux que rejettent les établissements bancaires traditionnels.

Dans le respect des principes qui fondent son identité, la Poste doit répondre aux nouvelles attentes des usagers. Il y a quelques années, notre groupe avait ainsi déposé une proposition de loi visant à ce qu'elle aide les jeunes à acheter leur première voiture. Nous estimons aussi qu'il serait dans son rôle de répondre aux besoins en crédits des artisans, des PME et des collectivités locales. Il lui revient de porter haut les valeurs solidaires qui ont forgé son histoire.

Nous sommes également convaincus que le développement des activités financières de l'opérateur doit intervenir concurremment avec celui de ses autres domaines d'intervention. C'est en confortant le service public postal que l'on en fera un contrepoids efficace à la mainmise du fric et à la course au profit immédiat à laquelle se livrent les autres institutions financières. Chacun comprend qu'il est conforme à l'intérêt général de maintenir une présence postale affirmée dans les territoires ruraux et dans les zones urbaines sensibles.

Aujourd'hui, la Poste n'est pas du tout une banque comme les autres. Vous voulez rompre avec sa spécificité, en faire un établissement concurrentiel où les petits comptes ne seraient pas bienvenus et où l'objectif principal serait de réaliser un profit immédiat. Eu égard au rôle que joue la Poste dans la lutte contre l'exclusion bancaire, nous sommes résolument opposés à ce projet. Et le fait de vouloir la soumettre à « une certaine obligation de non-discrimination de la clientèle » ou de l'inciter à proposer ses services « au plus grand nombre » n'est pas de nature à nous rassurer. Que signifie cette formule ? Nous plaidons, nous, pour que chacun conserve un libre accès aux services de l'opérateur historique.

La constitution d'une filiale censée regrouper l'ensemble des services proprement financiers nous semble également très inquiétante. Le marché du crédit n'est pas extensible à l'infini et présente des risques élevés. Nous ne pouvons souscrire au projet de précipiter la Poste dans la jungle du secteur financier. Pour nous, l'opérateur a autre chose à faire, et nous redoutons plus particulièrement que les objectifs de rentabilité assignés à la filiale bancaire ne viennent compromettre la pérennité de l'ensemble du réseau postal, que d'aucuns considèrent déjà comme « surdimensionné ». Il y a tout lieu de craindre que les mêmes prônent une restriction drastique du nombre de bureaux, comparable à celle observée dans plusieurs pays d'Europe du Nord. La priorité qui risque d'être donnée à la réussite de la banque postale pèse comme une épée de Damoclès sur le devenir des petits bureaux. Quant au personnel susceptible d'être mis à disposition de la banque, il est impératif de veiller à ce que les objectifs de rentabilité qui ne manqueront pas de lui être assignés ne viennent pas fragiliser son statut.

Certes, vous vous gardez bien de mettre en avant ces objectifs, et la lettre de M. Raffarin au président Bailly tente de donner le change. Mais cela ne dupe personne. Ce qui est à l'ordre du jour, c'est bien la réduction du nombre de bureaux et le « redimensionnement » du réseau en vue de le rendre plus rentable. Votre objectif est de réduire la voilure du service postal, en préalable à l'ouverture totale à la concurrence. Las, tout porte à croire que la recherche constante de nouveaux gains de productivité entraînera une dégradation du service rendu à l'usager, une hausse des tarifs postaux et de nouvelles réductions des effectifs. Les 200 000 postiers affectés au service du courrier seront les premiers à en subir les conséquences.

Il ressort très clairement du rapport de la commission des finances du Sénat, que, pour vous, la Poste n'a pas vocation à détenir la totalité du capital de la banque postale. L'opérateur est ainsi incité à nouer des partenariats capitalistiques dans le secteur bancaire pour financer ses investissements. Parallèlement, l'opportunité de faire coexister des métiers dissemblables que seule l'histoire rapproche est mise en cause. Au sein de notre propre commission des finances, la porte a été ouverte à de nouvelles alliances capitalistiques nationales et internationales, pourvu qu'elles soient cohérentes avec le programme de développement stratégique de la Poste. Cette attitude ne peut manquer d'évoquer celle qui avait conduit à inciter naguère d'autres opérateurs publics à aller faire leur marché dans d'autres pays, avec les résultats que l'on sait... A terme, la création d'une filiale bancaire semble bien être le prélude à une ouverture pure et simple du capital, décidée par le Gouvernement sans même prendre le soin d'en indiquer les modalités à la représentation nationale. Le fait d'envisager de saisir la commission de privatisation de ce projet n'est-il pas révélateur de vos véritables intentions ? Nous refusons de donner carte blanche au Gouvernement pour vendre à la découpe notre patrimoine public. Une telle perspective justifierait à elle seule l'adoption de notre question préalable.

Les postiers ont manifesté aujourd'hui. Comme eux, les agents d'EDF et de Gaz de France rejettent votre projet industriel fondé sur le changement de statut de nos opérateurs historiques et sur l'ouverture de leur capital.

Nous aurons encore les cheminots qui protestent contre la suppression de milliers d'emplois, contre la remise en cause du fret, véritable saignée digne de celle des médecins de Molière qui, en prétendant soigner le malade, le tuaient, mais au moins n'agissaient-ils pas sciemment. Et à leur tour, les enseignants rejetteront cette politique qui réduit toujours davantage leurs moyens. Tous dénonceront l'indécence des propositions salariales qui pèsent sur leur pouvoir d'achat et sur l'attractivité de leurs métiers.

Certes, les attaques contre les services publics durent depuis deux décennies. L'Acte unique de 1986 et le traité de Maastricht de 1992 ont ouvert la voie à une libéralisation effrénée, au nom de laquelle la Commission européenne a édicté de multiples directives pour liquider les monopoles publics et favoriser l'émergence de monopoles privés, au prix d'une baisse de la qualité du service rendu, de l'augmentation des tarifs, du sacrifice de l'emploi, de la remise en cause de la sécurité des usagers et des personnels.

L'objectif n'est plus l'accès de tous aux services, mais la course à la rentabilité. Conformément à l'article 3 de la première partie du projet de Constitution, le patrimoine public est livré aux intérêts privés.

Vous voudriez nous faire croire que le service public n'a plus d'avenir, que les entreprises privées coûtent moins cher à la collectivité, mais n'est-ce pas M. Juppé qui voulait vendre Thomson à Daewoo pour un franc symbolique, alors que l'entreprise vaut plus de 20 milliards d'euros aujourd'hui ?

Quant aux chemins de fer britanniques bradés au privé, la perte a été estimée par la cour des comptes à plus d'un milliard de livres pour le seul matériel roulant.

Faut-il accepter que les entreprises publiques soient dénigrées ? France Télécom était-elle techniquement en retard ? La SNCF, tant décriée, n'est-elle pas l'un des meilleurs chemins de fer au monde ? Quant aux productions industrielles, dans les domaines spatial et aéronautique, les entreprises publiques ont su être à la pointe, avec Ariane, Airbus, la SNECMA.

Mais obéissant à votre logique libérale, vous faites des agents des services publics et des fonctionnaires des nantis trop payés voués à l'extinction.

Nous pensons au contraire que les services publics doivent fonder une construction progressiste de l'Europe, et représenter une réelle alternative au libéralisme. Aussi rejetons-nous le projet de constitution qui grave dans le marbre les orientations libérales de la construction européenne.

L'Europe doit garantir à tous ses citoyens la satisfaction des besoins les plus fondamentaux, qu'il s'agisse de l'éducation, de la santé, de l'eau, de la communication, des transports, aussi ces domaines doivent-ils échapper aux règles de la concurrence.

Pour toutes ces raisons, nous proposons d'inscrire dans le traité européen la reconnaissance des droits de chaque citoyen aux biens et services essentiels, de reconnaître les services publics comme un pilier de la construction européenne, de reconnaître la compétence de l'Union européenne dans la création de services publics européens, d'exclure de l'Accord général sur les commerces et les services les domaines qui doivent échapper à toute marchandisation, de mettre en réseau les services et les entreprises publics européens afin de partager les coûts de recherche, d'investissement, de formation, de créer un Haut conseil des services publics et d'intérêt général de l'Union, afin d'évaluer le fonctionnement de ces services.

D'ores et déjà, il convient de décider un moratoire sur toutes les directives de libéralisation en cours et de dresser le bilan économique et social de celles déjà réalisées.

La Poste, élément majeur de ce secteur public, compte 17 000 bureaux. C'est un atout extraordinaire. Pourquoi vouloir le réduire quand il faudrait faire de l'emploi et de la qualification le cœur du développement d'un grand service postal ?

Parce que nous refusons le désengagement de l'Etat et la création d'une banque postale soumise aux exigences de la rentabilité financière, je vous appelle à voter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Ministre délégué - Nous désapprouvons bien évidemment tout ce qui vient d'être dit, mais vous n'en serez pas surpris, Monsieur Paul, puisque vous êtes contre la construction européenne.

M. Gilbert Biessy - Contre la vôtre !

M. le Ministre délégué - Opposés à l'Acte unique comme à Maastricht, je me demande quelle étape de la construction vous avez bien pu approuver ! Mais vos alliés socialistes ont fait la même politique que nous - et vous étiez au gouvernement lorsque la directive de 1997 a été adoptée !

Vous refusez de comprendre que la construction européenne est la mise en commun de nos valeurs démocratiques, mais aussi d'un territoire, elle ne permet pas de sanctuariser un Etat.

Il y a aujourd'hui d'autant plus lieu à délibérer que deux directives sont en cause, que nous sommes en retard pour la transposition, et que cela risque de nous coûter cher.

M. le Président - Nous passons aux explications de vote.

M. Alfred Trassy-Paillogues - Rien ne justifie de différer la discussion d'un texte qui organise un véritable marché de l'activité postale, qui restaure la situation de la Poste dans des domaines où elle souffre de la concurrence, et dont l'adoption conduirait à la caducité de deux recours en instance devant la Cour de justice.

La dernière loi dédiée à l'activité postale date du 17 juillet 1918, et tous attendaient cette législation de régulation, aussi l'UMP rejettera-t-elle cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Chantal Robin-Rodrigo - M. Paul a démontré point par point combien ce projet est néfaste pour le service public, car c'est bien du service public qu'il s'agit. Comment expliquer que nous ayons tous ici œuvré en faveur de l'aménagement du territoire et que vous vous apprêtez aujourd'hui à fermer des écoles ou des bureaux de poste ? Si ces derniers étaient transformés en « Points Poste », l'égalité dans le service de nos concitoyens ne serait plus assurée.

Dans ces conditions, le groupe socialiste votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. André Chassaigne - J'ai bien évidemment écouté avec un grand intérêt l'intervention de M. Paul qui a mis en évidence les conséquences de votre projet. Son propos a d'ailleurs été conforté par ceux de M. le ministre et du représentant de l'UMP. Ils n'ont à la bouche que « le marché », « la performance », « la transposition de directives européennes ». Pas une fois vous ne parlez des usagers ou des territoires, pas une fois vous n'évoquez les conséquences de ce projet sur les zones urbaines sensibles ou les campagnes. Or, comment discuter d'un tel texte sans un audit préalable sur ses conséquences, comme l'a demandé M. Paul ?

M. Arnaud Montebourg - Exactement !

M. André Chassaigne - Nous avons eu raison de poser cette question préalable car vous êtes obsédés par « une ardente obligation » d'un nouveau genre : celle d'adapter notre pays aux intérêts des grands groupes financiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Jean Dionis du Séjour - Nous ne voterons pas cette question préalable. Si M. Paul a complimenté le Gouvernement en lui disant qu'il avait de la suite dans les idées, on peut en dire autant du groupe communiste : son discours n'a pas changé depuis l'examen des projets relatifs à France Télécom ou à EDF-GDF.

M. le ministre a posé la question de fond : êtes-vous ou non d'accord avec la construction européenne ?

M. Daniel Paul - Pas celle-là !

M. Jean Dionis du Séjour - Vous avez répondu par la négative.

M. Arnaud Montebourg - Cela suffit ! Nous avons le droit de choisir l'Europe que nous voulons ! Assez de tyrannie !

M. Jean Dionis du Séjour - Nous commençons à avoir un peu de recul en ce qui concerne les télécoms.

M. Gilbert Biessy - Oui ! Les abonnements augmentent !

M. Jean Dionis du Séjour - Si on le proposait aux usagers et aux élus, qui accepterait de revenir en arrière, alors que nous disposons maintenant d'un choix important...

M. Arnaud Montebourg - Celui de payer plus cher !

M. Richard Mallié - Taisez-vous, Montebourg !

M. Jean Dionis du Séjour - ...et que les tarifs ont baissé ?

Décidément, rien ne sert de peindre l'avenir sous d'aussi sombres couleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Alfred Trassy-Paillogues - Je me réjouis de la discussion de ce projet, qui permettra non seulement d'organiser un véritable marché de l'activité postale, conformément aux directives de 1997 et 2002, mais qui met aussi en place les instruments juridiques d'un rétablissement de la situation de la Poste dans des domaines où elle subit des handicaps concurrentiels évidents : je pense en particulier à l'extension de la gamme de ses services financiers à travers la mise en place d'une filiale ayant le statut d'établissement de crédit et à la fin de l'exclusion du bénéfice des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires. Tous les handicaps concurrentiels ne sont pourtant pas traités car tous ne relèvent pas de la loi : la question des 57 milliards d'euros d'engagements futurs liés aux pensions relève d'une négociation triangulaire en cours entre la Poste, l'Etat et la Commission européenne. La répartition de la charge du transport de presse a, quant à elle, fait l'objet en juillet d'un accord tripartite entre l'Etat, la Poste et la presse. Le lourd héritage des 35 heures devrait en outre s'estomper à la faveur des assouplissements progressifs engagés par le Gouvernement dans le cadre de la réforme du temps choisi.

Ce projet est équilibré, et les modifications que nous avons apportées en commission ont permis d'améliorer la concurrence tout en renforçant l'opérateur public, notamment sur l'un des aspects laissés partiellement en chantier par nos collègues du Sénat : le régime de responsabilité des opérateurs postaux.

Du point de vue de la transposition des directives, ce projet de loi crée moins une ouverture à la concurrence qu'il ne l'organise. Pour le colis et l'express, la libéralisation est complète en droit depuis 1999. La Poste réalise déjà un quart de son chiffre d'affaires en pleine concurrence avec les opérateurs allemands, hollandais, ou même américains comme UPS. Elle démontre d'ailleurs qu'elle sait faire face puisqu'elle occupe le troisième rang en Europe dans ce domaine ; elle a même noué une alliance en 2000 avec le numéro un mondial, Fedex.

Pour le courrier, l'abaissement du plafond du domaine réservé de 350 à 100 grammes crée en apparence un mouvement de libéralisation, mais en réalité le plafond a été ramené à 100 grammes le 1er janvier 2003, en application de la directive du 10 juin 2002. La Poste est soumise de toute façon à une très forte pression concurrentielle dans le secteur du courrier, y compris, paradoxalement, dans le domaine réservé, puisque 90% de son chiffre d'affaires dans le courrier dépendent d'une clientèle d'entreprises qui seraient en mesure de recourir à des procédés de substitution si ses services, notamment en matière de publipostage, n'étaient pas à la hauteur des attentes. La Poste s'est réorganisée pour rendre le meilleur service aux grands comptes ; il faut maintenant étendre cet effort qualitatif aux plus petits clients.

L'attention de la Poste à l'endroit de ses prestations aux entreprises l'a amenée à innover à travers sa gamme de produits Tempost. La mise en place d'un marché postal ne saurait en effet se concevoir sans la mise en place d'un régime de responsabilité pour les opérateurs. La lecture au Sénat, en janvier 2004, avait été l'occasion d'une avancée mais avec deux imperfections : la notion de « preuve suffisante » - comme s'il était possible d'invoquer dans notre état de droit autre chose qu'une preuve incontestable - et le maintien de dispositions spécifiques à la Poste à côté du régime sectoriel. L'amendement qui sera présenté par le rapporteur de notre commission remédie à ces deux points. Il importe de souligner qu'une telle avancée ne peut se faire qu'à l'avantage de tous : un régime « simple » et « transparent » de responsabilité - selon les termes de la directive de 1997 - ne peut que susciter plus de confiance de la part du consommateur, et par voie de conséquence, une augmentation du chiffre d'affaires.

Le véritable apport du projet, en ce qui concerne l'organisation du marché, consistera à mettre en place un régulateur, conformément à l'article 22 de la directive de 1997. Celui-ci aura pour tâche essentielle de délivrer des autorisations aux opérateurs entrants, de superviser les prix et la qualité des prestations du service universel, de traiter les litiges entre les opérateurs ainsi que ceux entre le prestataire du service universel et ses grands clients. Plus largement, sa mise en place permettra de mieux connaître les frontières du secteur postal. Ainsi, il n'est pas certain que les opérateurs de l'express offrant une prestation à valeur ajoutée de distribution des colis en « J + 1 », et qui ont principalement comme clientèle des entreprises effectuant des opérations internationales, soient considérés comme faisant partie du secteur postal d'un strict point de vue juridique puisqu'ils sont déjà organisés en fonction des règles du droit du transport.

Au total, le régulateur devrait avoir un rayon d'action bien circonscrit et son institution, par extension des compétences de l'autorité de régulation des télécommunications, le placera de facto sous les divers contrôles parlementaires mis en place par la loi du 9 juillet 2004 : il devra notamment rendre compte de ses activités devant les commissions permanentes des assemblées à leur demande.

M. Richard Mallié - Très bien.

M. Alfred Trassy-Paillogues - Ce projet vise également à assurer un meilleur équilibre entre les contraintes de service public auxquelles la Poste est soumise et les conditions de leur prise en charge. A cet égard, une disposition introduite par le Sénat redéfinit les modalités de la présence territoriale. Elle comporte deux volets : d'une part, la définition de critères d'accessibilité - manière d'inscrire dans la loi une obligation minimale s'agissant du nombre et de la densité des points de contact ; d'autre part, la référence à un « fonds postal national de péréquation territoriale » qui vise à assurer une participation de la Poste à l'aménagement du territoire.

Notre commission des affaires économiques a amélioré le dispositif en introduisant une norme minimale d'accessibilité qui consolide au niveau législatif l'engagement du président de la Poste de maintenir les 17 000 implantations postales.

M. Arnaud Montebourg - Nous en reparlerons dans deux ans !

M. Alfred Trassy-Paillogues - Nous en reparlerons. Ces implantations pourront prendre au besoin la forme de « Points Poste » chez les commerçants et offriront l'avantage d'une plage horaire d'ouverture plus large. Jamais plus de 10% de la population d'un département ne devront se trouver à plus de cinq kilomètres d'un accès au réseau de la Poste. Par ailleurs, la commission a redéfini les conditions de mise en place du Fonds postal national de péréquation territoriale, de manière qu'elle s'opère en liaison avec les collectivités territoriales et non entre l'Etat et la Poste dans le cadre d'un avenant au contrat de plan. C'est un contrat tripartite avec les associations représentatives des collectivités locales qui est proposé.

Je voudrais revenir sur le service public, que je préfère appeler « service au public ». Comment peut-on imaginer qu'un réseau postal configuré au début du XXe siècle soit conforme à la démographie actuelle ? Comment imaginer qu'il soit en cohérence avec l'évolution de la société, les nouveaux modes de consommation, les nouvelles technologies ? Ceux qui ignorent cela, ou qui feignent de l'ignorer, sont mus par une idéologie conservatrice, voire par des arrière-pensées politiciennes. Ils oublient que l'ouverture du secteur postal à la concurrence a été négociée par le gouvernement de Lionel Jospin.

M. Richard Mallié - Eh oui !

M. Alfred Trassy-Paillogues - Je voudrais vous faire part d'un exemple relevé dans ma circonscription, lors de la cérémonie des vœux, par Denis Aubourg, maire d'Héricourt-en-Caux, une commune de 875 habitants. Auparavant, le bureau de poste ouvrait quatre heures trente par semaine et son activité était presque nulle. Il y a six mois, M. et Mme Ternon, qui tiennent un tabac-presse, ont obtenu un Point Poste à part entière. L'amplitude horaire est passée à 58 heures 45 par semaine, à la grande satisfaction de la population locale. Le chiffre d'affaires mensuel est passé de 1 000 € pour les timbres commercialisés depuis toujours par le tabac à 2 500 €, tous produits postaux confondus. La confidentialité est garantie par la débitante qui traite certaines opérations aux heures de faible affluence, de manière discrète. Une enquête de satisfaction a été réalisée par un cabinet indépendant : 71,9% des clients se sont déclarés satisfaits, 90% ont apprécié la qualité de l'accueil et la compétence des commerçants est reconnue à l'unanimité. La confidentialité est considérée comme assurée par 75% des clients interrogés.

Ce projet tend à transposer les directives de 1997 et de 2002 en garantissant la concurrence la plus équilibrée possible et les missions de service public. Il apporte à la Poste les moyens de son développement dans un contexte concurrentiel. Notre groupe apportera un soutien sans réserve au texte qui nous est présenté, tel qu'il a été aménagé par la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Je demande aux orateurs de respecter désormais leur temps de parole, afin que nous puissions terminer la discussion générale.

M. Alain Gouriou - Ce projet a été présenté au Sénat il y a un an, presque jour pour jour. Il a été notablement amendé, dans un sens libéral, par la majorité sénatoriale. Les amendements présentés par les sénateurs de l'opposition ont fait l'objet d'un rejet quasi systématique et les nôtres connaîtront sans doute le même sort.

Comme le déclarait M. Larcher, alors président de la commission des affaires économiques du Sénat, « l'accessibilité de nos concitoyens aux points de contact du réseau postal est l'une des questions clés de notre débat ». Nous le rejoignons sur ce point.

Vous n'ignorez pas, Monsieur le ministre, le mécontentement des maires et des élus communaux confrontés à la dégradation des prestations de service du courrier.

Vous ne pouvez ignorer non plus l'inquiétude des salariés de la plus grande entreprise de main-d'œuvre de France. J'ai écrit personnellement à chacun des maires de ma circonscription afin de connaître la situation. Toutes les réponses vont dans le même sens : ils s'inquiètent de voir réduite ou remise en cause la présence postale, après la disparition d'autres services publics de proximité. Tous soulignent les conséquences d'une éventuelle disparition du service postal pour une partie importante de la population.

Un certain nombre de mesures ont d'ores et déjà été annoncées, voire prises, avant même que ce projet ne soit débattu. Ce mécontentement, le Premier ministre a pu le mesurer lors de son intervention au dernier congrès des maires de France, en novembre dernier.

Si le réseau postal doit évoluer et mieux s'adapter à la répartition démographique sur notre territoire, nous ne pouvons approuver votre méthode, parce qu'elle consiste à dessaisir le Parlement d'une question importante pour l'aménagement du territoire.

Selon votre projet, c'est le décret qui tranchera, sans qu'il y ait eu débat au sein du Parlement ni que les grandes associations d'élus aient été consultées. Or, c'est à la loi de définir au niveau national le cadre, les règles et le financement de la présence postale.

Le niveau départemental nous paraît pertinent en raison de l'organisation territoriale de la Poste, afin d'ouvrir et d'enrichir un débat constructif entre l'Etat, les directions départementales, le conseil général, les associations d'élus. On nous répondra que les commissions départementales de la présence postale existent. Certes, mais elles sont devenues des instances d'information plutôt que des lieux de concertation. Nous demandons que soit organisé, dans les meilleurs délais, un vrai débat sur la présence postale dans chaque département, avant toute restructuration décidée par la Poste.

Enfin, il est surprenant que l'intercommunalité et le pays ne soient nulle part pris en compte alors qu'il était possible d'innover à ce niveau.

Le projet confère à l'autorité de régulation des prérogatives très larges, que nous jugeons excessives, car elles sont accordées au détriment du Gouvernement et du Parlement. Pourquoi, Monsieur le ministre, vouloir confier à l'autorité chargée des télécommunications la régulation des activités postales, alors qu'il s'agit de métiers tout à fait différents ? Un compromis laborieux a abouti à l'addition d'un sixième membre au collège de l'ARCEP, un strapontin en quelque sorte. Nous maintenons notre proposition de créer une autorité spécifique pour la Poste.

Concernant les services financiers, est-ce le lobby bancaire qui vous rend si frileux ? Nous sommes très favorables à un élargissement des services financiers de la Poste. Or, le contrat de plan 2003-2007 n'autorise celle-ci qu'à accorder des prêts immobiliers sans épargne préalable. Cela signifie qu'au moins jusqu'en 2008, elle ne sera pas autorisée à accorder des prêts à la consommation ni à enrichir sa gamme de produits financiers. Ce serait pourtant un atout pour rajeunir et fidéliser sa clientèle.

La Poste demeure un des services publics auxquels les Français sont le plus attachés. Ils le disent par l'intermédiaire de leurs élus communaux, de leurs associations.

Les maires, les élus locaux de toutes sensibilités politiques, les usagers, nos concitoyens manifestent et interpellent le Gouvernement pour le maintien de leur Poste, service modernisé et performant, gage de développement du lien social et d'aménagement de leur territoire.

En l'état, nous ne trouvons pas dans ce projet les garanties qu'attendent nos concitoyens et nous ne pouvons le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean Dionis du Séjour - Voici presque un an que le Sénat a adopté ce projet en première lecture. Que s'est-il passé dans l'intervalle qui explique l'ajournement du débat à l'Assemblée nationale ? Je n'ose imaginer que les élections de 2004 y soient pour quelque chose.

A mon sens, le débat sur la Poste a été mal posé. La posture de la gauche n'y est pas étrangère. Le débat s'est focalisé sur la fermeture des bureaux de poste en zone rurale, mais on ne s'est guère interrogé sur la situation financière et l'avenir de la Poste dans un marché de plus en plus concurrentiel. Je rappelle qu'elle a dû recruter 14 000 agents pour appliquer la loi sur la réduction du temps de travail : ses charges de personnel représentent 65% de son chiffre d'affaires, contre 35% pour ses concurrents néerlandais et allemands.

Je regrette que l'obstruction de type géographique à laquelle le groupe socialiste se prépare empêche la tenue d'un véritable débat sur la modernisation de la Poste, et je suis déçu que se prêtent à cela d'éminents spécialistes de la chose postale, comme Alain Gouriou ou encore François Brottes qui expliquait en 1999, à ses collègues sceptiques de la majorité plurielle, que « la notion de service universel ne peut en aucun cas être considérée comme une régression ».

La création d'une Europe politique passe par celle d'un marché commun soumis à des règles de fonctionnement homogènes. La notion de service universel répond bien à l'exigence d'un service de qualité.

La question du nombre des bureaux de poste est un faux problème. Ce qui intéresse les Français, c'est la gamme et la qualité des services postaux. Elu d'une circonscription rurale, je ne veux pas joindre ma voix à celles des élus qui refusent de voir la réalité en face. On sait que 6 500 des 17 600 points de contact ont moins de quatre heures d'activité par jour, dont 3 700 ouvrent moins de deux heures. Il serait incompréhensible que les responsables de la Poste n'en tirent aucune conclusion sur l'organisation, et il serait impensable que le législateur n'ouvre pas les yeux.

Il faut avoir le courage de dire que la question du nombre des bureaux de poste agite davantage les élus que les usagers. Nos concitoyens s'intéressent plus à la qualité des services postaux qu'à la quantité des bureaux de poste. Cette qualité, il faut la maintenir, voire l'améliorer : la modernité ne doit pas servir d'alibi à une régression. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Est-il normal que, pour distribuer 75% du courrier à j + 1, l'heure de levée soit de plus en plus précoce dans les zones rurales ?

Voilà qui est important pour la compétitivité ! Il faut encore rappeler les 5% de délais dits aberrants - j + 2 pour les lettres, j + 5 pour l'écopli et j + 9 pour Postimpact - qui peuvent avoir des conséquences dramatiques pour les populations qui n'ont pas les moyens d'attendre le versement de leurs prestations sociales par exemple. Où en est la Poste dans ses efforts de modernisation de la distribution ? Voilà qui intéresse les Français !

S'agissant des services financiers, le projet de loi issu du Sénat est positif et les socialistes seraient bien hypocrites de ne pas le reconnaître, qui n'ont cessé de plaider pour la création d'une véritable banque postale sans jamais la faire. L'extension de la gamme des produits financiers permettra à la Poste de ne plus être cette banque des pauvres ou des vieux trop longtemps stigmatisée. Les banques concurrentes en ont accepté le principe, en contrepartie du fait que la concurrence de la Poste soit absolument loyale, ce que garantit le projet. Quant aux services à la personne, c'est un chantier prometteur sur lequel nous devons réfléchir ensemble. Le métier de facteur, en particulier, est un métier d'avenir. Il pourrait évoluer vers des services à domicile pour les personnes âgées, malades ou isolées.

M. André Chassaigne - Ils vont apprendre à faire des piqûres ?

M. Jean Dionis du Séjour - Vous préférez que rien ne change ! Nous pensons, au contraire, que de nombreuses démarches administratives pourraient leur être confiées. La nomination d'un directeur pour cette branche est un signe encourageant.

En ce qui concerne les nouvelles technologies, la Poste a longtemps eu une attitude de repli. Elle doit maintenant aller beaucoup plus loin dans la dématérialisation des services : envois de lettres par internet, accusés de réception par mail... Elle doit être l'intermédiaire entre ceux qui ne se servent plus que d'internet et ceux qui en sont restés au timbre-poste. Il est d'ailleurs temps de comprendre que, dans les communes rurales aussi, les moyens de communication forment un tout ! Les maires font systématiquement le lien entre service postal, téléphonie mobile et ADSL. Le dispositif adopté dans la loi sur l'économie numérique pour les zones blanches est un échec, M. de Saint-Sernin l'a lui-même reconnu. Nous avons déjà plus de deux ans de retard sur la phase 1, ce qui donne un bon argument aux opérateurs pour ne pas engager la phase 2. Quant à l'internet à haut débit, s'il faut saluer les efforts de France Télécom pour développer le maillage territorial, on sait que la couverture ADSL a ses limites. Le Gouvernement doit prendre la main dans la technologie sans fil pour toucher de nouveaux internautes ruraux.

Le groupe UDF souhaite apporter certaines contributions à ce texte. En ce qui concerne la présence territoriale et l'aménagement du territoire, la création du fonds national de péréquation territoriale soulève de nombreuses questions. Qui va gérer ce fonds de 150 millions ? La Poste n'est pas la mieux placée, car elle serait juge et partie. La commission supérieure du service public des postes et télécommunications a soulevé la question de la non consommation des ressources du fonds à hauteur de l'allégement fiscal de la Poste. Je pense donc, en l'état du débat, que la gestion du fonds pourrait être confiée au préfet, dans le cadre d'une répartition départementale, après avis de la commission départementale de présence postale territoriale. Qui va abonder le fonds, au-delà de l'exonération de taxe professionnelle, dont la pérennité n'est d'ailleurs pas acquise ? Les collectivités territoriales doivent pouvoir le faire. Que va-t-il financer ? Bien entendu, uniquement des services postaux mais, même si je suis un ardent partisan des agences postales communales, il ne me semblerait pas illégitime qu'il finance les nouveaux services aux personnes que va définir la Poste.

Les membres du groupe UDF auront une approche contrastée, mais soutiennent globalement ce texte, propice à la construction d'un véritable marché européen et au renforcement des missions que la Poste accomplit avec une grande compétence. Ce texte nous donne la chance historique de lui donner des atouts face à une concurrence accrue, c'est-à-dire aussi un avenir aux 300 000 postiers ! Le groupe UDF prendra résolument le parti de la lucidité et de la réforme, mais aussi du service rendu à nos concitoyens. Il se déterminera, à l'issue des débats, sur ce dernier enjeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. André Chassaigne - Je voudrais d'abord saluer les postiers qui ont entamé une grève aujourd'hui pour préserver le service public postal.

M. Richard Mallié - Quelle démagogie !

M. André Chassaigne - J'insisterai ensuite sur les conséquences de ce projet de loi pour le monde rural. Depuis la signature du dernier contrat de plan, la Poste a annoncé la transformation de plus de 6 000 bureaux en agences postales communales ou en points poste. Mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. J'entends bien le discours de la majorité : la France doit transposer la directive européenne, et plus largement accélérer la mise en place du marché intérieur ! Pire : la France a changé, il faut savoir s'adapter aux évolutions économiques ! Et si l'on est hostile à la « modernisation » de la Poste, on n'est ni plus ni moins qu'un conservateur !

M. le Président de la commission - Quel aveu !

M. André Chassaigne - Ce discours, présenté comme celui de la modernité, est en fait un discours de résignation et de régression. Il n'a aucune valeur politique, puisqu'il récuse l'idée même du débat politique. Surtout, il est mensonger : la Poste est certes régie par les seules règles du droit public, mais elle n'en est pas moins un établissement à la pointe du progrès technologique, comme elle l'a toujours été !

M. Richard Mallié - Pas grâce à la CGT !

M. André Chassaigne - Toujours les mêmes antiennes ! Sans doute pour masquer quelque chose... La première machine à oblitérer a été utilisée en 1882, les premiers services postaux informatisés en 1962 et il suffit aujourd'hui de visiter un centre de tri de dernière génération pour se rendre compte du niveau de technicité de la Poste !

M. le Ministre délégué - Ça, c'est vrai !

M. André Chassaigne - Quant à nos engagements européens... Je ne parviens toujours pas à comprendre en quoi la construction de l'Europe et l'affermissement des liens entre les peuples exigent comme préalable la dégradation de nos conditions de vie ! Je ne pense pas trouver un seul Allemand, à part peut-être le patron de la Deutsche Post, connu pour avoir sacrifié des milliers de bureaux de poste au nom de la rentabilité, qui souhaite, au nom de l'amitié entre les peuples, que les bureaux de poste de nos campagnes ferment ! Combien de temps encore pourrons-nous accepter que le libéralisme le plus rigide se cache derrière l'idéal de fraternité entre les peuples ?

Et l'on peut dire ce que l'on veut de nos engagements européens, les faits sont têtus : la fermeture des services publics en zone rurale reste douloureusement ressentie par nos concitoyens, malgré tous vos efforts pour les dévaloriser face aux services marchands. Les uns et les autres sont pourtant aussi indispensables en zone rurale ! Cette colère est portée par de nombreux élus locaux, lassés par la politique d'abandon de l'Etat et qui ont clairement exprimé leur exaspération lors des élections sénatoriales et au dernier congrès des maires. Cette sempiternelle nécessité économique, qui conduit directement à la désertification de nos territoires, nous n'en voulons pas. Pour que les territoires vivent et se développent, nous refusons la restructuration de la présence postale et la privatisation des services financiers de la Poste. On distingue clairement, dans ce texte, la tentation du Gouvernement « d'oser le désert », pour reprendre le sinistre aveu du géographe Jacques Lévy. Là est bien la question de fond : quel avenir voulons-nous pour le monde rural ? Face à ce grand renoncement, nous chercherons à montrer en quoi votre projet viole les principes élémentaires du service public et entrave encore un peu plus le développement économique de nos territoires.

Avec cette loi, ce sont des pans entiers du service postal qui seront ouverts à la concurrence. En 2006, le secteur réservé, qui reste sous la seule responsabilité de l'opérateur historique, sera réduit à l'envoi et à la distribution des lettres de moins de 50 grammes. En 2009, toute l'activité du courrier baignera dans ce que vous me permettrez d'appeler les « eaux glacées du calcul égoïste »... Cela ne sera évidemment pas sans conséquences. Les concurrents de la Poste vont se précipiter sur les secteurs les plus rentables et, n'ayant pas de mission de service public à assumer, pourront offrir des prix plus bas. Si la Poste ne résiste pas à cette concurrence absolument déloyale, elle sera réduite à assumer, avec les pires difficultés, ses missions de service public. Si elle la supporte et entre dans le jeu de la baisse des prix, elle n'aura plus assez de marges pour financer ses obligations de service public. Dans les deux cas, le résultat sera le même...

Pour limiter les inévitables déficits d'exploitation, la poste continuera donc à fermer des bureaux et à leur substituer des agences communales ou des prétendus points contact. C'est ce que M. Proriol appelait ce matin, dans L'Humanité (Sourires), les « formes évolutives » de la présence postale... Quel beau terme pour masquer la dégradation du service public ! Même s'il subsiste demain quelques oasis de vie dans le désert rural que vous contribuez à créer, combien coûteront aux contribuables les lourdes erreurs d'anticipation que vous nous imposez aujourd'hui, au nom des économies de gestion qu'implique votre approche strictement marchande ?

M. Jean Dionis du Séjour - C'est l'Apocalypse selon saint André !

M. André Chassaigne - Allez voir sur place ! Lisez certains des courriers de M. Lassalle au Gouvernement : ils dépeignent bien une apocalypse.

Les services publics et les territoires ruraux seront donc les principales victimes de cette déréglementation, avec des entorses inévitables à l'égalité d'accès au service public et à l'égalité tarifaire.

On prétend que le service rendu par une agence postale communale ou un point poste est identique à celui que rend un bureau de plein exercice. C'est un mensonge éhonté. Une agence postale communale est financée par une commune, voire une communauté de communes. Autrement dit, ce sera aux territoires ruraux, en déclin économique, de payer un équipement assumé ailleurs par la Poste. Étrange conception du service public : les pauvres devront payer pour avoir des services équivalents à ceux dont les riches disposent gratuitement ! En quelque sorte, les populations rurales devront financer elles-mêmes la morphine pour accompagner leur mort lente... (Murmures sur les bancs du groupe UMP) C'est révoltant.

M. le président de la commission - C'est surtout caricatural.

M. André Chassaigne - Toujours dans L'Humanité, M. Proriol cite des épiciers, des boulangers qui ont accepté d'assurer des points poste, et, dit-il, tout le monde est satisfait.

M. Jean Proriol, rapporteur de la commission des Affaires économiques - Mais c'est vrai ! Allez donc les voir !

M. André Chassaigne - Inutile, je vis au milieu d'eux. Je suis maire d'un village de 530 habitants, et je n'ai pas de leçons à recevoir sur la vie quotidienne dans le monde rural. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Les points poste n'auraient que des avantages. Comment n'y a-t-on pas pensé plus tôt ? Il suffirait donc de transformer l'épicier du village en facteur pour régler le problème de la présence postale dans les territoires ! Il est vrai que, ne reculant devant rien, on envisage aussi de transformer le facteur en aide-soignant... Avantage supplémentaire invoqué, car on entend vraiment tout dans ce débat, l'horaire d'ouverture du boulanger est plus long que celui des agences postales communales...

Pourtant, malgré la force de votre campagne de désinformation sur les point poste, vous ne parviendrez pas à cacher qu'ils n'offrent aux usagers qu'une gamme extrêmement limitée de services. Ils vendent des timbres, comme les buralistes, affranchissent les lettres et remettent des colis. Mais presque toutes les opérations réalisées aujourd'hui dans un bureau de poste, notamment celles qui ont trait aux services financiers, ne sont pas assumées par les points poste. Comment feront les très nombreuses personnes âgées, qui vont aujourd'hui à leur bureau pour retirer leur retraite ou gérer leur petite épargne ? Comment feront tous les laissés pour compte que multiplie votre société ultralibérale ? La poste est souvent le seul établissement financier à leur ouvrir ses portes. Qu'en sera-t-il, quand elle sera sous le joug des règles de marché de la banque postale ?

Et quelles seront les conséquences de la création des point poste, que l'on observe déjà là où ils sont apparus ? Les clients qui font aujourd'hui leurs courses au village iront les faire en ville, y effectueront les opérations que ne peuvent assumer les points poste, ou dans un souci de confidentialité. La clientèle déjà fragile des commerces de nos villages en sera réduite d'autant. Ceux qui ne peuvent guère se déplacer se débrouilleront comme ils pourront.

Nous ne nous opposons pas seulement à ce projet de loi pour défendre le service public : nous dénonçons aussi l'impact qu'il aura inévitablement sur le développement économique local de nos territoires et sur la vie quotidienne de leurs habitants. En effet, aucune famille, quel que soit son désir de vivre à la campagne, ne s'y installera sans école ou collège de proximité pour les enfants, sans médecin ou hôpital, sans services de postes et télécommunications. La fermeture des bureaux de poste, après tant d'autres, portera un coup très dur à l'attractivité de nos territoires. Elle provoquera en outre la disparition d'emplois supplémentaires, et le départ d'actifs dans des villages où les retraités sont de plus en plus nombreux. Votre politique fragilisera encore le tissu économique et social de nos territoires. C'est bien pourquoi nous ne pouvons que la rejeter. Un nombre croissant de nos concitoyens aspire à quitter les villes et à s'installer à la campagne pour y trouver une autre qualité de vie. Votre projet satisfera peut-être les commissaires européens et le patron de la Deustche Post, mais vous irez à l'encontre du souci de bien-être des Français en réduisant la qualité de la vie à la campagne.

Nous constatons d'autre part le déficit criant d'institutions financières capables de soutenir les projets de développement dans nos campagnes. Le Crédit agricole, depuis sa privatisation, a cessé d'être cette banque coopérative qui était, malgré tout, au service des ruraux. Les banques privées sont rétives à soutenir nos entreprises artisanales, commerciales et industrielles. C'est pourquoi nous ressentons la nécessité de faire émerger un pôle financier public capable de soutenir les acteurs économiques des espaces ruraux, dont se désintéressent les marchés financiers. La Poste aurait pu être une composante de ce service public bancaire. Avec la privatisation de ses services financiers et la fermeture de tant de bureaux de poste, vous privez nos territoires d'une chance réelle de sortir de la spirale du déclin. Pour toutes ces raisons, les députés communistes et républicains lutteront pied à pied, amendement après amendement, contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Jacques Bobe - Je centrerai mon propos sur les services de la poste en milieu rural. Le président de la Poste a affirmé que celle-ci n'entendait pas engager une politique de repli de son implantation territoriale. Il a indiqué que ses 17 000 points de contact seraient maintenus, cet engagement valant département par département, même s'il est impératif qu'elle réfléchisse avec les élus locaux à l'adaptation de son réseau aux attentes des Français. Vous-même, Monsieur le ministre, avez dit que, pour ce qui est du réseau des bureaux de poste et des questions sous-jacentes d'aménagement du territoire, les solutions ne seraient certainement pas dictées d'en haut, et que vous ne croyiez qu'à la négociation sur le terrain. De plus, vous avez souligné que l'abattement de taxe professionnelle était justifié par sa contribution à l'aménagement du territoire. Vous proposez enfin de compléter ce mécanisme par la création d'un fonds postal national de péréquation territoriale qui permettra de financer une présence postale là où elle paraît prioritaire. Vos déclarations, comme celles du président de la Poste, apparaissent donc satisfaisantes.

Il me semble toutefois nécessaire de souligner plusieurs aspects. D'abord, même si le nombre des points de contact demeure constant dans chaque département, il faut que les prestations de base, qui peuvent être assurées de façon satisfaisante par des commerçants, soient complétées par des services plus élaborés apportés par un réseau de bureaux de poste de plein exercice suffisamment dense en milieu rural. Et pour cela il faut éviter un accroissement excessif des bureaux en milieu urbain, même si des ajustements sont indispensables par rapport aux populations desservies. Ensuite, j'observe que dans de nombreux cantons ruraux - et je rejoins, sur ce seul point, M. Chassaigne - la population se stabilise ou augmente, du fait de la volonté des particuliers à la recherche d'une qualité de vie, ou des politiques d'habitat des collectivités locales. Il faut en tenir compte, comme des évolutions technologiques, en matière d'aménagement du réseau postal.

Enfin, la Poste peut utilement coopérer notamment avec les communautés de communes, les communes et les élus en général, pour définir une politique de localisation des services postaux au niveau intercommunal afin d'éviter de nouveaux déséquilibres entre ville et campagne. Cela bien sûr sans un transfert de charges vers les collectivités locales. J'ajoute qu'un réseau postal rénové ne peut fonctionner correctement que si les conditions d'une saine concurrence entre la Poste et les banques classiques sont solidement établies. D'autres collègues développeront cet aspect important du projet.

En conclusion, ce texte, au-delà des obligations résultant des directives européennes, constitue une avancée importante sur le plan de la qualité, de la diversification et de la localisation des services postaux. Il faut vous en remercier, Monsieur le ministre, ainsi que tous ceux qui ont contribué à l'élaborer. Nous le soutiendrons sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Léonce Deprez - J'ai le sentiment que l'atmosphère de ce débat ne correspond pas à notre temps. Nous sommes entrés dans un siècle nouveau, comme nous le rappellent de grands événements dramatiques ou heureux. Nous devons élever nos pensées au-delà de ce que fut le passé : c'est l'avenir qu'il faut viser. La Poste ne doit pas être victime d'un conflit doctrinal d'un autre temps.

Ce projet de loi fait l'objet d'interprétations erronées. Il est tout simplement l'expression d'une économie sociale-libérale. En effet, l'avenir ne sera plus marqué par la confrontation du collectivisme et du capitalisme mais par une politique sociale-libérale qui concilie le besoin de liberté, notamment dans le secteur économique, et le besoin de solidarité et d'humanité. Il suffit de lire le texte, d'observer les débats en commission des affaires économiques et d'entendre les principaux porte parole de ce texte. Patrick Ollier est l'expression d'un politique sociale-libérale ! Quant à Jean Proriol, le rapporteur, il a les pieds sur la terre, c'est un élu provincial qui ne décolle pas du sol de son terroir, on ne peut pas dire qu'il soit ultra libéral et Patrick Ollier, d'inspiration gaulliste, encore moins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Proriol, rapporteur - Je vous remercie de le signaler !

M. Léonce Deprez - N'allons pas faire croire à la presse et aux facteurs que d'affreux libéraux et des retardataires collectivistes s'entredéchirent sur les bancs de cette assemblée ! Sur le terrain de la vie, du concret, nous savons nous retrouver (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Cette économie sociale-libérale est par nature partenariale. Pour ma part, je la défends depuis toujours bien qu'elle n'ait pas bonne presse car ce qui rassemble, ce qui rapproche, n'intéresse pas la salle des quatre colonnes qui lui préfère les petites phrases assassines.

Ceux qui refusent l'économie partenariale perdront les matchs du futur. C'est un sportif qui pratique le stade depuis plus de vingt-cinq ans qui vous parle ! Le partenariat, ce n'est pas un cocktail. Il consiste à unir toutes les forces au lieu de les opposer. Le rôle de l'Etat est bien sûr essentiel, les capitaux privés sont également indispensables ainsi que les collectivités territoriales.

Prenons l'exemple du Pas-de-Calais...

Pour que la Poste soit compétitive, il faut maintenir les bureaux de poste en centre-ville. Les Français y sont très attachés. Les centres de distribution seront installés sur des terrains offerts par les collectivités locales ou les communautés de communes.

Le problème est donc de rendre la Poste compétitive, accueillante et humanisée car elle constitue un lien social indispensable. En disant cela, j'espère contribuer à ce que ce texte social-libéral soit voté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Et maintenant, place à un libéral-social !

M. Michel Vergnier - Certes, la Poste doit évoluer mais elle occupe une place particulièrement importante dans la vie de nos concitoyens.

De nombreux élus de mon département de la Creuse ont démissionné pour protester et attirer l'attention sur les services publics en milieu rural.

Selon eux, il n'y a pas d'avenir pour le monde rural sans une présence forte des services publics et sans un maillage intelligent qui ne condamne pas des parties entières de territoire pour de simples raisons comptables. Ils n'accepteront plus les décisions autoritaires prises sans aucune concertation préalable.

Annonces, réactions, démentis puis décisions prouvent bien le peu de cas que l'on fait des élus locaux. Mois après mois, ils perdent confiance et ce projet de loi ne fait que renforcer ce mouvement.

En effet, il ne résout ni le problème de la faiblesse des fonds propres de la poste, ni celui du financement de la charge des retraites de ses fonctionnaires. C'est bien le problème du devenir de la Poste, de l'avenir de ses emplois.

Sans faire le procès de quiconque, je note que M. Bailly s'est engagé à ne pas diminuer la présence postale. Je considère que cette affirmation engage ceux qui la profèrent. Pour autant, cela ne nous interdit pas de réfléchir au texte que l'on nous propose.

Les élus ne sont plus décidés à accepter un appauvrissement du service public. Les citoyens ont les mêmes devoirs, ils doivent disposer des mêmes droits en tous points du territoire.

Pour beaucoup, la Poste est un symbole. Les bureaux, les facteurs créent un lien social indispensable dans nos campagnes. Depuis longtemps, nous réclamons la reconnaissance de ce rôle essentiel et irremplaçable.

Pour que les élus donnent leur aval à une réorganisation du secteur postal, celle-ci devra répondre aux critères suivants : aucun passage en force auprès des élus, égalité de traitement entre tous les usagers pour le service mais aussi pour les distances, pérennité des engagements financiers et du fonctionnement. Il serait totalement inconcevable qu'il puisse y avoir une rupture du service pendant l'année au motif que les employés de l'épicerie sont en vacances...

Un député UMP - Les épiciers ne sont pas des fonctionnaires !

M. Michel Vergnier - Cela remettrait en cause l'existence même du service public. De surcroît, la garantie de confidentialité doit rester la règle absolue. Nous ne voulons pas d'un service public au rabais ! Ne comptez plus sur le silence et l'abattement des élus locaux ! Vous ne pouvez leur imposer indéfiniment des changements au prétexte de la transposition des directives européennes ! Ils veulent des territoires vivants. La rentabilité du service public en milieu rural, ils savent ce que cela signifie, car ils l'ont appris à leurs dépens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean Lassalle - Comme à l'accoutumée, je vais enfoncer quelques portes ouvertes. (Sourires) Je ne sais plus où nous en sommes. En milieu rural, on se plaint de la dégradation du service public quand les Parisiens ne se sont même pas aperçus des changements survenus à la Poste ces dernières années!

Toutes ces évolutions inspirent à l'élu du Pays basque et du Béarn que je suis un sentiment mitigé. J'ai l'impression que, depuis trente ans, l'on n'a pas pris la mesure de ce qui allait se passer. Nous avons voté une multitude de directives européennes de portée très générale, en oubliant la spécificité française qui veut que toutes les zones de notre territoire sont habitées.

M. André Chassaigne - Absolument !

M. Jean Lassalle - Nous avons assisté à l'avènement d'une France à deux vitesses où les écarts de développement ne cessent de s'accentuer. Les responsables de la Poste font de leur mieux mais il manque un fil conducteur pour rendre l'action cohérente. Voyez l'exemple des télécommunications : aujourd'hui, tout le monde s'en occupe ! Résultat, je n'ai toujours pas accès au réseau de téléphonie mobile et je dois faire trente kilomètres pour consulter mes messages...

Il est envisagé de créer des points de présence postale dans les commerces de proximité. Soit, mais ceux-ci changent souvent de mains et leur fermeture pour manque de rentabilité reste fréquente. Assure-t-on vraiment la pérennité du service postal en l'installant dans des épiceries susceptibles de devoir cesser leur activité à tout moment ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

Les habitants des zones rurales appartiennent à la même patrie que l'ensemble des Français. Ils veulent bénéficier des mêmes services que les citadins. Un point de contact installé dans un commerce de bouche ne peut rivaliser avec un bureau de poste moderne ! (« Evidemment ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Peut-être serait-on mieux inspiré de les implanter dans les maisons de service public, afin de conserver au service postal toute la solennité requise et de donner ainsi l'impression que tous les territoires sont à égalité de chances.

Monsieur le ministre, vous ne ménagez pas votre peine et nous voulons croire que ce texte apporte un progrès... (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. André Chassaigne - La conclusion vient tout gâcher !

M. Arnaud Montebourg - Elle est typique de la posture de l'UDF !

M. Jean Lassalle - Depuis trente ans, le débat est mal orienté et il semble bien difficile de rectifier le tir. Songeons cependant que la fin de la présence postale en milieu rural serait perçue comme un véritable abandon de nos campagnes. Je sais que le Gouvernement en est conscient, et je voulais vous livrer le sentiment d'un parlementaire qui cherche encore la voie à suivre sur ces questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Emile Zuccarelli - J'associe à mon propos mon collègue non inscrit Gérard Charasse. Plus le débat avance, plus chacun mesure la portée de ce texte, qui concerne aussi bien l'avenir de la Poste que celui de l'ensemble des services publics. Porteur d'enjeux majeurs, ce projet est dangereux, et si le Gouvernement a jugé bon d'en reporter par trois fois l'examen, un an après que le Sénat l'a adopté en première lecture, c'est bien pour éviter que notre discussion n'intervienne en période électorale, à l'approche par exemple des sénatoriales...

Le projet gouvernemental recèle au moins trois menaces. Il manifeste tout d'abord la volonté de morceler l'opérateur historique en autant d'entités qu'il a de métiers - courrier, colis, réseau, services financiers. La pseudo « banque postale » que l'on nous concocte en offre un exemple frappant, puisqu'il s'agit de créer une structure de droit privé au capital largement ouvert au privé, représentant à l'évidence la première étape du processus de privatisation des services financiers de la Poste et gage d'exclusion des plus démunis.

Seconde menace, la réduction de l'amplitude du service public postal. En s'abritant derrière des directives européennes marquées du sceau du libéralisme, le Gouvernement s'attache à le réduire comme une peau de chagrin, comme l'avait fait en 1996 le gouvernement Juppé pour ce qui concerne les télécommunications. En ouvrant à la concurrence l'essentiel de l'activité courrier, on va priver la Poste de l'essentiel de ses moyens d'action dans la sphère économique et ce pour mieux nous expliquer demain que la seule solution pour sauver une entité devenue structurellement déficitaire sera d'aller au bout de son découpage pour privatiser chacune de ses branches.

Troisième menace, la refonte du réseau tendant à justifier - après celle de trop nombreux services publics - la disparition de la plupart des bureaux en zone rurale et leur transformation en appendices à la charge quasi exclusive des collectivités les plus démunies. En dépit de vos tentatives pour les rassurer, les maires ruraux ne se font aucune illusion !

On pouvait attendre de ce texte qu'il fixe au service public postal - vieux de cinq siècles et qui a fait la preuve de ses facultés d'adaptation - une véritable ambition et les moyens de se développer dans le respect de ses missions essentielles. Il n'en est rien. Le Gouvernement cède à ses penchants les plus libéraux et ce n'est pas aller contre la construction européenne que de dénoncer la dérive ultra libérale de certains exécutifs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Luc Warsmann - Ce débat est essentiel car la Poste représente un grand service public et une institution à laquelle nos concitoyens sont légitimement très attachés. Avec un volume annuel d'activité de l'ordre de 19 milliards et 300 000 salariés de grande qualité, la Poste est la vingtième entreprise française ; présente sur l'ensemble du territoire, elle assure un incomparable lien de proximité entre les Français.

Défendre l'immobilisme de son réseau constituerait un véritable non sens, dans la mesure où les activités postales sont aujourd'hui largement concurrencées, par les communications électroniques et par le téléphone. Ainsi, la généralisation de la carte Vitale et la télétransmission des feuilles de soins ont entraîné une grosse perte d'activité pour l'activité courrier de l'opérateur.

La Poste se doit de mener une politique commerciale offensive, en jouant à fond la carte de ses activités d'acheminement de colis et de production de services financiers. A cet égard, le texte conforte la logique d'ouverture en autorisant la distribution de crédits sans obligation de constituer une épargne préalable. Je profite de l'occasion pour indiquer que la Poste s'honorerait à régler sans plus attendre les contentieux nés de la mise sur le marché des produits Bénéfic.

Le réseau des bureaux de proximité doit également évoluer. La réduction des horaires d'ouverture provoque une baisse de la fréquentation qui sert à justifier une nouvelle réduction des horaires. Il faut sortir de ce cercle vicieux et tenir compte en priorité des attentes de la population.

Sur quelle base construire l'avenir du réseau de la Poste ? Il sera difficile de rétablir la confiance avec les élus, échaudés ces dernières années, sans parler de la propension de la haute fonction publique à vouloir toujours réduire les moyens en milieu rural. Il faudra tout d'abord négocier avec les élus, peser les intérêts de chacun avant de retenir une solution. Il conviendra ensuite de préserver le maillage du territoire, et enfin d'accroître les services offerts aux usagers.

Par ailleurs, que penser des agences postales communales ? Si le principe ne me choque pas, je n'en dirais pas autant des modalités, qui permettraient à la Poste de rémunérer les personnels à hauteur du temps de présence qu'elle estime nécessaire, laissant le reste à la charge des communes. Les territoires les plus en difficultés risquent ainsi d'être amenés à financer un service public !

M. Jean Auclair - Mais c'est la loi Voynet !

M. Jean-Luc Warsmann - J'en veux pour exemple l'arrivée dans mon département du TGV, transport financé par l'Etat tant qu'il s'agit de desservir des régions riches, mais laissé en partie à la charge des collectivités locales dans les autres cas ! Je ne veux pas de cette évolution.

En revanche, les points postes permettent de conforter l'activité économique et d'augmenter les services. Ils offrent l'exemple d'un partenariat intelligent.

M. Jean Auclair - Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann - Je note au passage que personne n'a jamais dénoncé le manque de discrétion des points verts développés dans les commerces par le Crédit agricole.

Beaucoup de critiques ont été caricaturales, et je salue votre énergie, Monsieur le ministre, pour trouver des solutions concrètes. Aimer la Poste, c'est lui permettre d'évoluer dans le respect des principes fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Henri Nayrou - La question de la présence postale est cruciale pour l'aménagement du territoire.

Quel sera le statut des 17 000 points de contact ? Combien y en aura-t-il en 2007 ? Quels seront leurs capacités d'adaptation et le statut des personnes habilitées ? Avec qui collaboreront-ils ? Qui paiera ? Quel sera le rôle des collectivités locales ?

Alors que la Poste doit réduire ses coûts de fonctionnement, elle s'est engagée à investir un milliard dans la modernisation de ses bureaux d'ici à 2010. Et voilà qu'elle s'achemine à présent vers ce qu'on appelle pudiquement une « entreprise publique », qui devra garantir un service et une présence sur le territoire, dans une logique de productivité.

Dans ce cadre, les élus locaux ont raison d'exiger un service assuré, à savoir un service qui corresponde davantage à la réalité des usages qu'aux commodités d'organisation interne à la Poste.

S'agissant des services financiers de la Poste, la définition d'obligations législatives en matière de service public devrait permettre de les étendre, ce qui serait d'autant plus nécessaire que les mesures de protection des consommateurs de services bancaires sont difficiles à appliquer. La Poste doit rester un service public offrant des services financiers sans discrimination, et une telle mesure devrait même être financée sur les crédits de la cohésion sociale si l'état des caisses de M. Borloo le permettait.

Le rapport sur les services publics en milieu rural, dont je fus le coauteur en 2001, livrait quelques pistes de réflexion intéressantes, à condition d'en prendre connaissance ! La désertion postale en zone rurale est davantage à imputer à l'Etat qu'à la Poste, car l'Etat doit financer lui-même ses obligations en matière de solidarité territoriale, de lien social, de service public, au travers des volets territoriaux des contrats de plan Etat-région.

Le maintien d'un service comme la Poste dans un petit village représente, pour son maire, un projet qui permet le maintien des populations et, partant, de la vie.

Las, ces projets vous passent très au-dessus de la tête, aussi nous donnons-vous rendez-vous en 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Robert Lecou - La Poste est avant tout symbolisée par une personne - le facteur - et un lieu - le bureau - auxquels sont particulièrement attachés les Français.

Outre cette valeur affective, la Poste a un impact économique sur notre territoire, et doit s'inscrire dans l'évolution économique et sociale de notre pays, en prenant en compte les directives européennes que nous devons transposer, en particulier celles de 1997 et 2002, négociées par le Gouvernement de Lionel Jospin.

L'ouverture à la concurrence de la Poste s'impose, aussi relève-t-il de notre responsabilité de favoriser le service public tout en permettant à la Poste d'affronter la concurrence européenne, laquelle ne manquera pas de se développer jusqu'à devenir totale en 2009.

Dans ce contexte, il est heureux que l'article 1er de ce projet pose le principe de la fourniture par la Poste du « service universel postal », qui garantit la distribution des correspondances et des colis jusqu'à 20 kilos en tout point du territoire six jours sur sept.

Député d'une circonscription à la fois urbaine et rurale, je vois bien l'attachement viscéral des habitants à la Poste, et la France occupe un rang satisfaisant en termes de présence postale, équivalent à celui du Royaume-Uni, et devant l'Allemagne et les Pays-Bas.

Cette situation est un atout, et si je souhaite que les 17 000 points postaux soient préservés, je sais que la Poste doit évoluer, et chercher des solutions de proximité, grâce à la concertation avec les élus locaux.

Oui au service public afin que soit garanti un égal accès de tous aux services, mais oui également à la mutation vers une poste moderne. C'est grâce à une démarche contractuelle entre la Poste et les collectivités locales que la mutation du service postal pourra être efficace, contractualisation respectueuse du territoire et attentive à l'évolution de l'entreprise, où l'Etat devra être un partenaire actif. Aujourd'hui, des bureaux de poste ont déjà été transformés en « points contact » dont 91% des clients se disent satisfaits.

La Poste doit rester un service au public, à l'exemple du facteur qui incarne ce lien social auquel nous sommes tous attachés. Il fallait en effet légiférer dans le respect de l'universalité du service postal de manière à ce que La Poste réponde aux attentes des territoires et de leurs habitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Auclair - Lorsque l'on aborde la question des services publics dans les départements ruraux, on ne peut que constater l'ampleur du fossé qui sépare les discours des élus de gauche et les aspirations de nos administrés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Richard Mallié - Très bien !

M. Jean Auclair - Après des années d'immobilisme, la Poste doit se réformer pour ne pas mourir car ceux qui agitent le drapeau noir de la privatisation oublient que l'ouverture à la concurrence existe déjà en Europe : ne pas réformer la Poste reviendrait à la tuer.

Je rappelle que c'est Paul Quilès qui, en 1991, d'une administration qu'elle était a fait de La Poste un établissement public et que c'est Lionel Jospin qui a signé des directives européennes obligeant la Poste à rentrer dans le secteur concurrentiel, tout ceci avec l'approbation de la gauche plurielle...

M. André Chassaigne - Ah non !

M. Jean Auclair - ...alors au pouvoir, le même qui aujourd'hui ose sans vergogne manifester et s'opposer ainsi à la modernisation de ce secteur. Je sais bien, Monsieur Chassaigne, que vos collègues communistes ont été roulés dans la farine par vos amis socialistes, même si vous continuez de les soutenir !

La loi Voynet sur l'aménagement du territoire votée par la gauche permettait déjà aux collectivités locales, en cas de fermeture des bureaux de poste, de procéder à leur installation dans les mairies ou les commerces. Et des élus socialistes qui ont voté cette loi découvrent que les communes seront obligées de payer !

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Ce n'est pas une obligation.

M. Jean Auclair - Mais il fallait dénoncer les éventuelles dérives lorsque vous étiez majoritaires ! Je constate que la mémoire vous fait régulièrement défaut dès que cela vous arrange.

M. Henri Nayrou - Vous vous défaussez de vos propres responsabilités !

M. Jean Auclair - Pas du tout : je mesure combien la vérité, parfois, vous blesse.

Nos concitoyens, et en particulier ceux qui vivent à la campagne, sont affectivement très attachés à La Poste, mais cela ne doit pas nous aveugler. L'inadaptation de la Poste aux modes de vie actuels est évidente. Désormais, les mots « performance », « compétitivité », « modernisation », « adaptation » sont à l'ordre du jour. La présence postale relève de l'aménagement du territoire. Ce sont les usagers qui doivent être placés au cœur de nos préoccupations et non les considérations de quelques syndicalistes démunis de visions prospectives et avant tout soucieux de préserver leurs avantages (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

La Poste, en zone rurale, ce sont les bureaux de poste et les facteurs. Leur nombre doit être suffisant car, dans les zones où la population est la moins dense et la plus âgée, ils assurent une offre de service attendue et très appréciée. Le bureau de poste, quand il est ouvert deux heures par jour, est obsolète car le service rendu n'est pas celui que le public attend. Quitte à faire bondir les syndicats réactionnaires et les élus conservateurs et ringards (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), il faut mettre un terme à ces bureaux de poste fantômes et développer les « Points poste », exemples d'une synergie entre secteurs public et privé. Je trouve scandaleux que certains osent parler de manque de confidentialité car les professionnels indépendants respectent le secret professionnel au même titre que les postiers.

M. le Président de la commission - Exactement.

M. Jean Auclair - Elu de la Creuse, je préfère cent fois que le logo de la Poste soit apposé sur le multi-services ou sur la façade de tout autre commerce plutôt que de voir disparaître toute présence postale. Je souhaite en outre apporter un bémol aux propos concernant les démissions des élus de la Creuse : ce ne sont pas 260 élus qui ont démissionné, mais un conseiller municipal et un conseiller général qui a voulu faire du cinéma dans une comédie médiatique mise en scène par la gauche. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Ces « Points poste » représentent dix heures de présence journalière toute la semaine, car ni l'épicier ni le boulanger ne sont aux 35 heures. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Qui dit mieux en terme de service au public ? Et je dis bien de service au public, car il y en a assez d'entendre parler de service public : l'important, c'est de rendre service à nos administrés. L'intérêt général est là et moi, je le défends ! Je souhaite dorénavant que lorsque les médias évoqueront la Poste, ils ne parlent plus de service minimum mais de service maximum. La Poste de nos parents ne sera pas celle de nos enfants ou alors, elle sera absorbée par nos concurrents européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Le Gouvernement nous demande de transposer a minima la directive européenne qui exige pour la Poste une réforme d'envergure propre à assurer sa survie avec une ouverture à la concurrence envisagée en 2009. Ne nous y trompons pas : La Poste s'apprête à vivre un choc économique qui met en cause sa survie et l'emploi de dizaines de milliers de salariés. Il faut avoir sans cesse à l'esprit ce que représente le service postal pour nos concitoyens : c'est le facteur qui, dans nos vallées et nos montagnes tisse le lien social en étant souvent le seul contact journalier de nos aînés, c'est le guichetier qui essaie d'aider les Français les plus défavorisés. Je rappelle qu'une personne sur deux percevant le RMI dispose d'un compte courant postal. La mairie, La Poste, l'école, ces trois lieux incarnent le bien public de proximité et l'intérêt général dans chaque territoire. Oui, ce texte doit être enrichi, oui, il faut accélérer la création de l'établissement public de crédit à part entière, l'élargissement des services financiers, les prêts au logement sans épargne préalable, les prêts à la consommation. Pour ce faire, il faut que l'Etat s'engage financièrement afin de compenser l'allégement des charges sur les bas salaires mais aussi les surcoûts induits par les retraites des fonctionnaires et ceux liés à la charge de la diffusion de la presse par voie postale. Dans le cas contraire, toute mutation serait illusoire car qu'en sera-t-il alors de la couverture de tous les usagers sur tout le territoire en ce qui concerne les services financiers et de crédit ? Il faut donc envisager une péréquation nationale, donner plus à ceux qui ont moins : territoires ruraux, zones de montagne, quartiers dits sensibles. La création de l'établissement de crédit est indispensable mais le capital doit être détenu en totalité par la Poste, contrairement à ce qui est proposé.

S'agissant de l'autorité de régulation, je vous avoue ne pas comprendre. La Poste méritait à elle seule une structure à part entière. Je rappelle qu'en 1990, une commission supérieure du service public des postes et des télécommunications a été créée et que jamais son fonctionnement ou sa compétence n'ont été remis en cause. Pourquoi la démanteler ? L'inscription dans la loi du principe de l'égalité d'accès des usagers, la continuité du service postal et l'aménagement du territoire sont indispensables. Le financement du maintien de tous les bureaux de poste exige un effort durable de la part de l'Etat et non des collectivités locales qui subissent déjà les préjudices des lois de décentralisation de M. Raffarin.

Comme mon ami sénateur Gérard Delfau, je conclurai en martelant : « Après tant d'années passées à subir l'indifférence ou l'ingratitude des pouvoirs publics, les postiers ont les yeux rivés sur nous. Ils attendent que le Parlement donne une nouvelle chance à leur entreprise dans sa double mission : être performante sur les marchés européens et continuer à assurer un véritable service public à la française. Plus encore sans doute, ils guettent un signe de reconnaissance, eux qui ont tant donné à la nation, de génération en génération. Faisons leur confiance pour sauver la Poste tant qu'il en est encore temps. Mais pour ce faire, ils ont besoin de nous, mes chers collègues, pour amender ce texte, de vous, Monsieur le ministre pour nous indiquer clairement les engagements financiers de l'Etat, indispensables pour la sauvegarde et le développement de cette entreprise et de ses milliers de salariés ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Richard Mallié - Ce projet se démarque de ceux que nous avons coutume d'examiner. Aucun texte, en effet, n'avait été consacré exclusivement à l'activité postale. Or, chacun sait à quel point les services postaux sont chers aux Français. Outre la nécessaire transposition de la directive européenne, il fallait faire en sorte que nos concitoyens continuent de bénéficier d'un service public de qualité sur l'ensemble du territoire.

Je tiens donc à vous féliciter, Monsieur le ministre, pour la démarche qui a été la vôtre. Contrairement à ce que prétend l'opposition, c'est dans la perspective de préserver ce service aux personnes que vous avez estimé qu'il était temps d'agir et de dépoussiérer un système datant de 1914. On ne peut que se féliciter du maintien d'un maillage constitué par 14 000 bureaux de poste.

J'insisterai tout particulièrement sur la refonte du cadre juridique des services financiers. Si la création d'une filiale ayant le statut d'établissement de crédit constitue une transformation essentielle, elle appelle toutefois quelques réflexions. Il faut se réjouir que la Poste diversifie son offre en matière de services bancaires. Toutefois, avant qu'elle puisse devenir une banque à part entière, l'entreprise doit refermer un dossier douloureux : je pense au litige opposant la Poste à certains clients victimes de l'opération « Harpon ». En 1999, la Poste a mis sur le marché un nouveau produit nommé Bénéfic, promettant 23% d'intérêts en trois ans « que l'indice CAC 40 fasse 0% ou plus ». Entre 1999 et 2000, ce sont 300 000 Français qui ont souscrit à ce qu'ils pensaient être un placement de père de famille. Mais ces petits épargnants ignoraient souvent qu'il s'agissait d'un placement boursier, ce qui implique un minimum de risques. Le CAC 40 ayant chuté de plus de 23%, beaucoup de souscripteurs ont perdu sans comprendre parfois jusqu'à 50% de leur capital. Si les documents fournis aux souscripteurs n'étaient pas trompeurs, les épargnants, souvent de petites gens, ont unanimement crié à la mauvaise information. Il s'agissait de Français soucieux de faire fructifier leur épargne, constituée par les économies de toute une vie. Mais ils n'étaient pas experts en pratiques boursières. Dans ma circonscription, un mineur qui avait vendu un studio pour souscrire ce placement a perdu 50% de son capital.

Avant de prendre un nouveau tournant, il serait bon que l'entreprise jaune et bleue accepte la proposition de résolution à l'amiable proposée par les associations de petits épargnants il y a quelques mois. Elle est loin d'avoir traité l'intégralité des dossiers. Or, cette question ne doit pas être négligée. C'est aussi de la manière dont elle va se défaire de cette sombre histoire que dépend l'avenir de la Poste. Ce texte, en effet, ne peut lui garantir un élément essentiel à sa prospérité : la confiance du client.

Enfin, vous me permettrez de m'interroger sur « la défense du service public », un des fers de lance des agents de la Poste qui ont vociféré ici même il y a quelques heures. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Pour avoir été maire d'une commune des Bouches-du-Rhône pendant treize ans, je sais que l'entreprise ne daigne même pas entretenir au quotidien des locaux de qualité que les collectivités locales mettent à sa disposition. Combien de maires se sont heurtés comme moi au caractère excessivement procédurier d'une entreprise qui semble avoir exclu de son éthique l'ouverture et la conciliation et qui impose ses conditions par un chantage éhonté ?

La campagne de protestation menée actuellement par les syndicats me fait donc doucement sourire.

M. Daniel Paul - Il faut les supprimer, les syndicats !

M. Jean Auclair - Surtout les démagos, la CGT !

M. Richard Mallié - Avant de donner des leçons au Gouvernement, il serait bon que cette entreprise fasse preuve d'une plus grande ouverture d'esprit dans ses relations avec les collectivités locales et le public. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Arnaud Montebourg - On mesure la cohésion, l'unité et la force d'une société à sa capacité à disposer de biens communs et à exercer sur eux des préférences collectives. Tel est le sens d'un service public, tel est le sens historique de ce que fut, de ce qu'a été et de ce que ne sera plus la Poste. Depuis Louis XI, elle est un des instruments de l'unité française. Plus tard, elle est devenue un des symboles de la présence de la République, incarnant le désir de vivre ensemble et de correspondre en paix.

Grâce à l'effort de modernisation qu'a représenté la loi de 1990, ce bien commun était aussi une machine performante, qui s'autofinançait tout en garantissant l'égalité des citoyens sur l'ensemble du territoire. Elle ne coûtait pas un franc au contribuable, mais mutualisait par le tarif du timbre la contribution de chaque utilisateur à l'effort national.

Aujourd'hui, notre préférence collective, c'est la concurrence, et notre bien commun, le marché. Mais il m'arrive souvent, comme parlementaire et comme juriste, de me demander à quoi cela sert. La directive de 1997 maintenait le monopole, celle de 2002 généralisait la concurrence, mais aucun de ces choix n'a fait l'objet d'un véritable débat national. Les citoyens et leurs représentants auraient pu refuser ou approuver en connaissance de cause, l'introduction de la concurrence dans l'activité postale européenne. Il n'en a rien été. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) A travers la désignation de leurs élus locaux, les citoyens peuvent se prononcer sur la privatisation de services de proximité comme la restauration scolaire, le ramassage des ordures ménagères, l'assainissement, mais ce droit élémentaire leur a été dénié s'agissant des grands services publics nationaux. Pas de contrôle parlementaire avant la signature d'une directive européenne ! De là vient l'amendement Balladur. Le Gouvernement est législateur communautaire à parité avec le Parlement européen, mais le législateur national n'est plus que l'exécutant de volontés qu'il n'exprime pas, qu'il n'assume pas, ni ne contrôle.

En commission, interrogé par les parlementaires de l'opposition, vous avez déclaré, Monsieur le ministre, qu'il ne servait à rien de s'opposer aux futurs élargissements de la concurrence en matière postale, révélant ainsi votre intention de rétrécir encore le service universel. Vous nous avez dit que les bureaux de poste en milieu rural représentent 60 % des points de vente, pour seulement 18 % de la population. Mais la fermeture de bureaux de poste dans les campagnes ne provoque pas l'ouverture d'autres bureaux dans les villes. Je peux en témoigner d'après ce que j'observe en Saône-et-Loire. Nous savons où mène cette compétition croissante : à la hausse du timbre pour les particuliers, et à la baisse des coûts des prestations postales pour les grandes entreprises. Il s'agit en définitive d'un transfert de charges au détriment des ménages, ce qui ressemble comme deux gouttes d'eau à la politique fiscale conduite par ce Gouvernement.

Les Suédois ont expérimenté il y a quelques années une mise en concurrence analogue à celle que vous imposez. Ils en ont vu les résultats : l'explosion du prix du timbre, la disparition de la présence postale dans les zones non rentables, la dégradation du service, un déficit chronique frôlant le dépôt de bilan... Ils ont dû faire machine arrière.

L'absence de contrôle démocratique sur l'évolution du service public mène à sa destruction lente.

L'autorité de régulation obtient les pleins pouvoirs en matière de concurrence, ce qui signifie que le pouvoir politique se défait de ses responsabilités. Composée de pseudo-technocrates sans responsabilité, à qui rendra-t-elle des comptes ? Vous auriez dû politiser cette instance et la responsabiliser devant le Parlement. Ses membres seront-ils des libéraux ou des agents de résistance ? Si vous ne résistez pas, attendez-vous à ce que la société résiste. Dans deux ans, nous ferons les comptes. Si l'autorité de régulation n'est pas responsable de ses choix, ceux qui auront approuvé ce texte le seront. A bon entendeur, salut. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Yannick Favennec - Comme je l'avais indiqué en novembre pendant l'examen du budget de l'industrie, ce texte va offrir à la Poste le cadre législatif dont elle a besoin pour améliorer sa compétitivité. Le secteur postal est en attente de changements législatifs importants qui lui permettront d'affronter à armes égales ses concurrents européens.

Ce projet constitue un bon compromis entre la nécessité de transposer une directive qui date de 1997 et la volonté de maîtriser le processus d'ouverture du marché postal.

Elu d'un territoire rural, je souhaite insister sur la présence de ce service public indispensable dans nos villages. L'attachement affectif des Français au réseau postal n'est plus à démontrer. Le facteur est l'une des figures les plus emblématiques de notre pays. Les élus tiennent à leur bureau de poste, qui est souvent, en zone rurale, le dernier service public présent dans la commune.

Le départ du service de proximité qu'est la Poste est toujours difficile à accepter, en particulier pour les personnes âgées : le facteur constitue pour elles un lien social indéniable. Il est vrai que nous ne pouvons plus ignorer les chiffres, mais si la couverture communale paraît surdimensionnée et la répartition ne plus répondre aux besoins, les zones rurales ne doivent pas pour autant être abandonnées. Ce problème du réseau constitue un handicap pour la Poste, en termes de compétitivité. Sans réforme de son organisation territoriale, elle serait condamnée à brève échéance à voir augmenter ses déficits structurels. Il faut donc trouver une échelle pertinente pour délivrer, à un coût raisonnable, un service adapté aux besoins de toutes les populations. L'indispensable compétitivité de La Poste ne saurait se construire contre l'intérêt de nos territoire et de nos concitoyens.

Nous nous trouvons aujourd'hui face à la nécessité de concilier contraintes financières et solidarité territoriale, développement équilibré du territoire et adaptation aux exigences de la modernité économique. Nous ne le pourrons qu'en faisant preuve de lucidité, mais également d'inventivité. Lorsque le service est assuré par des points de contact, confiés à un commerçant par exemple, il est indispensable de bien peser les avantages et les inconvénients de la formule, s'agissant notamment de la confidentialité des opérations. Il est également primordial de gérer cette évolution avec les élus : l'adaptation est indispensable, pour améliorer l'accessibilité et l'attractivité du réseau et maintenir le lien social, mais elle ne peut se faire qu'en concertation continue avec eux. Dans ma circonscription du nord de la Mayenne, les responsables de la Poste font de leur mieux pour améliorer la communication avec les élus, mais trop nombreux sont les maires qui ont encore des inquiétudes. L'indispensable réforme de la Poste doit être l'occasion pour elle de se rapprocher des citoyens : c'est dans son propre intérêt, dans le leur, dans celui de ses employés et enfin dans celui de nos territoires, dans toute leur richesse et leur diversité. Tel est le vœu que je formule à l'aube de cette discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Frédéric Soulier - Le présent projet est une pièce essentielle du dispositif de rétablissement de la performance de la Poste. Le président Bailly a expliqué que l'entreprise était face à son avenir de pleine concurrence sur le marché européen et a souligné la nécessité que le législateur lui donne les moyens de sortir d'une stratégie défensive pour passer à l'offensive. Permettez-moi d'abord de rappeler les décisions prises dans les années passées, sans la moindre réflexion sur l'avenir des services publics en milieu rural. Nous sommes en effet à la fin d'un processus. Le gouvernement précédent a supprimé, avec la loi Voynet, le schéma national d'aménagement du territoire institué par la loi Pasqua, levé le moratoire sur la fermeture des services publics dans les communes de moins de 2000 habitants, lancé l'opération « Bercy en mouvement » annonçant la fermeture des trésoreries et perceptions rurales, adopté et transposé la directive postale et enfin ratifié l'accord sur la poursuite de la libéralisation du marché intérieur des services postaux... L'inéluctable modernisation des services publics a donc commencé, mais pas sur les bases de ces actes politiques : sur celles de leurs conséquences, qui n'avaient pas été anticipées. C'est ce qui a créé le retard de la Poste face à ses concurrents plus organisés, et la responsabilité en est politique.

En ce qui concerne la problématique des services publics en milieu rural, la Poste souffre d'un déficit de communication. Elle n'a pas pu faire taire la désinformation. Ce projet de loi est sans doute le plus grand chantier de son histoire. Devons-nous craindre la concurrence ? Oui, si nous ne nous préparons pas à la difficile équation de la modernisation du marché postal, entre ouverture croissante du marché et baisse des parts de services réservés. Comment permettre à la Poste de lutter à armes égales ? Le retard pris dans la modernisation de l'outil de production pèse lourdement, notamment face à nos concurrents directs allemands ou hollandais. D'autre part, les missions d'intérêt général créent des contraintes fortes dans la gestion du personnel, et l'application des 35 heures sans compensation a pesé sur les horaires d'ouverture de certains bureaux ruraux. En outre, les activités d'intérêt général ne font l'objet d'aucune remise en cause et leur financement pose problème. Or, c'est le réseau urbain qui finance le réseau rural et l'ouverture du marché, qui toucherait davantage le premier, fragiliserait par voie de conséquence le second.

Pourtant, nous défendons clairement le maintien de 17 000 points postaux, dans un maillage repensé en concertation avec les élus. Le président Bailly s'est engagé dans ce chantier, sans doute le dos au mur : on peut regretter que le gouvernement précédent ne lui ait pas donné les moyens plus tôt de mener cette mission dans de bonnes conditions. A ce propos, je souligne l'intérêt de l'avenant au contrat de performance et de convergences signé le 13 janvier 2004 entre la Poste et l'Etat, qui détermine les ressources et les modalités d'emploi du fond postal national de péréquation territoriale, afin d'améliorer le maillage du territoire. Ce maillage doit assurer le maintien des activités dans un réseau multiservice de proximité, avec une offre postale élargie au service aux personnes. Des solutions existent. Les initiatives prises en Corrèze, par exemple, ont permis de rester auprès de la population, avec les maisons du département, ou de soutenir des commerces de produits de première nécessité, lesquels sont plus importants pour la population qu'une trésorerie qui n'accomplit pas un acte administratif par jour ! Avec, en outre, son projet de banque postale, ce texte devrait nous permettre d'offrir à la Poste le cadre législatif dont elle a besoin et de lui donner les moyens d'améliorer sa compétitivité au niveau européen. Il était temps que ces bonnes décisions soient prises : c'est notre Gouvernement qui vient de sauver l'avenir du service au public et la pérennité de la Poste à la française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nathalie Gautier - Ce projet de loi engage la Poste dans une évolution comparable à celle de la poste allemande, transformée depuis 1995 en société anonyme de droit privé, bénéficiant d'un statut bancaire complet. Nous ne voulons pas de cette perspective de privatisation totale. La création d'une véritable banque postale constitue l'une des dispositions les plus polémiques de ce projet. Il y a mieux à faire pour les 13 millions de titulaires de comptes courants et les 15 millions de détenteurs de Livret A ! Il y a mieux à faire au bénéfice du service public ! Ce projet de loi applique une logique strictement financière aux activités bancaires de la Poste, qui doivent pourtant rester à 100% publiques. Si le capital est ouvert à des intérêts privés, comme le texte le permet, le risque est grand d'observer des dérives telles que l'écrémage des clients. Or, la Poste fournit aujourd'hui un service bancaire unique aux plus démunis.

Nous ne somment pas opposés à un élargissement de la gamme des services financiers offerts par La Poste, qui doit être étendue non seulement au crédit immobilier sans épargne préalable, mais aussi au crédit à la consommation. La Poste n'est en effet pas une banque comme les autres. Elle est porteuse de certaines valeurs : accessibilité, proximité, simplicité. Elle permet l'accès de toutes les catégories de clientèle au système bancaire. Le livret A et le service des mandats jouent un rôle de porte-monnaie pour les populations défavorisées. Tout doit être fait pour maintenir ce service. Les encours de la Poste sont détenus à 26% par des clients de plus de 75 ans. La clientèle des Comptes Chèques Postaux comprend 50% d'inactifs et 40% d'employés, ouvriers et agriculteurs, pour seulement 5% de cadres supérieurs. En revanche, la tranche des 25 à 44 ans est sous-représentée, car la Poste ne peut leur accorder ni prêt à la consommation, ni prêt immobilier sans épargne préalable.

Actuellement, le crédit a la consommation est distribué par des acteurs spécialisés et par les banques généralistes. Quand mettrez-vous enfin un terme aux abus du crédit revolving, délivré par des banques commerciales plus soucieuses de profit que des conséquences du surendettement ? La Poste pourrait jouer un rôle déterminant grâce à ses missions de service public. La délivrance et le traitement gratuits des chèques, la gratuité des retraits, l'obligation de proposer un contrat de base pour un coût modique, la gratuité de la banque à distance, l'obligation d'une convention de compte : voilà les propositions que nous formulons en faveur du service public de la Poste. Il est de même indispensable de prévoir des mesures en faveur du tissu économique local, notamment des PME et des TPE, qui accèdent difficilement au crédit. Mais votre projet n'en parle pas, non plus que de la situation dans les zones urbaines sensibles. Il est pourtant urgent de reconnaître enfin la difficulté d'exercer les métiers de la Poste sur ces territoires et les spécificités de ce travail. Ainsi, la circulation fiduciaire est particulièrement importante dans ces bureaux, surtout au moment du versement des prestations sociales.

Voilà notamment ce que m'ont rappelé les agents lors de mes visites dans les bureaux de poste de Villeurbanne. Selon une enquête réalisée par la CFDT au premier semestre 2003, auprès des guichetiers, 61% d'entre eux ne veulent pas rester en ZUS et disent que les relations avec la clientèle sont souvent conflictuelles. Les témoignages des agents ont renforcé ma conviction sur le rôle social de la Poste comme service public. Venez les voir, Monsieur le ministre, écoutez-les !

M. le Ministre délégué - Il y a longtemps que je l'ai fait.

Mme Nathalie Gautier - La Poste doit rester un service public pour tous, et ses services financiers doivent faciliter l'accès du plus grand nombre au système bancaire. Comment croire à l'intérêt d'une privatisation quand on voit les pratiques actuelles des banques, notamment à l'égard des plus démunis ? La banque postale prévue par ce projet porte en germe un démantèlement de la Poste : d'un côté les activités financières, de l'autres le courrier et les colis. Ma conviction est qu'une véritable banque publique postale ne doit pas être une banque classique de plus, mais un outil de lutte contre l'exclusion d'un nombre croissant de citoyens qui ne peuvent accéder aux services bancaires de base, afin d'assurer une égalité entre les citoyens sur l'ensemble du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi, mercredi 19 janvier, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 19 JANVIER 2005

QUINZE HEURES : 1re SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement (1).

2. Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1384), relatif à la régulation des activités postales.

Rapport (n° 1988) de M. Jean PRORIOL, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

(1) Les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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