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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 53ème jour de séance, 127ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 27 JANVIER 2005

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      ALIMENTATION EN EAU ET ASSAINISSEMENT 2

      ART. 2 10

      APRÈS L'ART. 2 12

La séance est ouverte à neuf heures trente.

ALIMENTATION EN EAU ET ASSAINISSEMENT

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement.

M. André Santini, rapporteur au nom de la commission des lois - Alors que l'aide aux pays en développement en matière d'approvisionnement en eau et d'assainissement est depuis quelques années une préoccupation majeure des programmes de développement, le raz-de-marée qui vient de se produire en Asie du Sud-Est nous montre combien il peut être nécessaire, parfois, d'agir dans l'urgence. Les agences de l'eau ont ainsi, avec l'autorisation du ministre de l'écologie et du ministre des affaires étrangères, débloqué près de 3 millions pour une action actuellement dépourvue de base légale.

Cette proposition de loi, votée à l'unanimité en première lecture au Sénat le 22 juin dernier, donnera justement un fondement juridique à cette action, en permettant aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale, aux syndicats mixtes et aux agences de l'eau d'aider des collectivités étrangères.

Ce sont aujourd'hui 1,1 milliard d'hommes qui sont privés d'eau potable et 2,4 qui n'ont pas accès à des services d'assainissement satisfaisants. Aussi la Déclaration du Millénaire a-t-elle fixé l'objectif de réduire de moitié, d'ici à 2015, la proportion de personnes qui n'ont pas un accès permanent à de l'eau potable. Le forum mondial de l'eau, tenu à La Haye en mars 2000 a par ailleurs rappelé qu'il faudrait un investissement supplémentaire annuel de 100 milliards de dollars dans le secteur de l'eau. Consciente de ce défi, la Communauté européenne a, dès 1984, mis en place le programme Solidarité Eau, et en mars 2004, le Conseil a permis qu'un fonds Facilité pour l'eau serve à cofinancer des actions.

La France a un rôle décisif à jouer, et vingt-six villes ont déjà conclu des conventions de coopération décentralisée avec des collectivités étrangères, essentiellement en Afrique, pour améliorer la gestion des eaux, aider à la construction de châteaux d'eau ou rénover des puits. Permettez-moi ainsi de citer Issy-les-Moulineaux qui aide depuis longtemps la ville de Dapaong, au Togo.

Cependant, les services publics de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement ont un budget propre, qui ne peut financer la coopération décentralisée en matière d'eau et d'assainissement, laquelle doit être supportée par le budget général de la collectivité territoriale concernée.

Pour leur part, les agences de l'eau, établissements administratifs, ne peuvent pas, en principe, participer à des actions de coopération internationale en vertu du principe de spécialité. Elles l'ont pourtant fait, dans les années 1990, et l'agence Seine-Normandie y consacrait même 1 million par an. En 2002, la Cour des comptes a condamné ces pratiques, mettant fin à de telles opérations.

Soucieux de promouvoir la coopération décentralisée, M. Oudin et plusieurs autres sénateurs ont déposé en novembre 2003 cette proposition de loi, inspirée d'un système original mis en œuvre dès 1986 par le Syndicat mixte des eaux d'Ile-de-France, que je préside et qui consistait à prélever, à l'époque, un centime de franc par mètre cube d'eau vendu pour le consacrer à des actions d'aide dans les domaines de l'eau et de l'approvisionnement. Votée à l'unanimité par le Sénat le 22 juin 2004, elle est conforme aux premières propositions publiées en vue de la réforme de la politique de l'eau par le ministère de l'environnement et du développement durable en février 2004.

L'article premier doit permettre aux communes, établissements publics de coopération intercommunale et syndicats mixtes de financer les actions de coopération internationale dans les domaines de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement à partir des ressources provenant du budget propre aux services d'eau et d'assainissement, à condition de ne pas dépasser 1 % de l'ensemble des ressources.

L'article 2 doit autoriser les agences de l'eau à consacrer une partie de leurs ressources à la coopération internationale, toujours dans la limite de 1 % des ressources totales. La convention de coopération devra être soumise à l'avis du comité de bassin et les agences pourront avoir recours à leur personnel pour mener ces actions.

Outre la conclusion de conventions de coopération décentralisée dans le cadre de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, la proposition de loi permet tant aux communes, établissements publics intercommunaux et syndicats mixtes qu'aux agences de l'eau, de mener des actions d'aide d'urgence et des actions de solidarité internationale, ce qui leur permettra d'intervenir sans avoir conclu de convention ou au profit d'institutions n'ayant pas le statut de collectivités territoriales, quand le besoin s'en fait ressentir, comme ce fut le cas pour le raz-de-marée asiatique.

Cette proposition de loi a soulevé deux questions au Sénat.

Tout d'abord, la commission des lois avait hésité entre le seuil de 1 % et celui de 0,5 %, mais le choix d'un seuil élevé a le mérite de donner un signe positif en faveur d'un tel type de coopération - sans pour autant créer une obligation - et de laisser une plus grande marge de manœuvre aux collectivités. Le Syndicat des eaux d'Ile-de-France, par exemple, a consacré 150 000 € à l'aide d'urgence en Asie.

Par ailleurs a été évoqué le risque d'une dénaturation des redevances d'eau et d'assainissement dès lors qu'une fraction de leur produit financerait des actions sans lien avec le service rendu, mais, comme le Sénat, nous estimons ne rien avoir à craindre de ce côté, d'autant que la coopération internationale peut être une source d'apprentissage réciproque et contribuer à l'amélioration du service pour la collectivité française concernée. La présentation des factures devra cependant faire ressortir la destination finale des contributions de l'usager. Aussi recommandons-nous, pour financer la coopération internationale, un prélèvement sous la forme de centimes additionnels sur les mètres cubes facturés à l'usager.

En effet, les actions de coopération internationale devront toujours être menées volontairement et dans la plus grande transparence.

La commission des lois vous propose d'adopter cette excellente proposition de loi sans la modifier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie - Je vous remercie d'avoir permis l'inscription rapide dans le calendrier parlementaire de cette proposition de loi. Présentée au Sénat par M. Oudin, elle a été adoptée à l'unanimité par la Haute assemblée et elle a reçu le soutien du Gouvernement. Il s'agit en effet d'un domaine essentiel à notre coopération décentralisée. En outre, le dramatique tsunami qui a frappé l'Asie du Sud-Est nous a imposé un devoir moral d'agir, et les aides apportées concernent bien souvent les infrastructures en eau potable. C'est dire l'importance qui s'attache à l'adoption rapide de ce texte.

Les acteurs locaux qui interviennent dans ce domaine - syndicats intercommunaux de gestion de l'eau, agences de bassin, communes - opèrent aujourd'hui dans un vide juridique déstabilisant. Le texte y remédie en leur proposant de mener, sur une base volontaire, des actions de coopération dans la limite de 1 % de leurs ressources. Je suis heureux que ce chiffre ait été retenu et j'en félicite votre rapporteur, M. André Santini, car la limite ainsi fixée est à la mesure des enjeux.

La proposition de loi a donc pour objet de légaliser un état de fait. Elle permettra de valoriser l'expertise française dans le domaine de l'eau. Je salue tout particulièrement le travail de votre rapporteur et le conseil qu'il a donné aux opérateurs d'isoler, dans la facture d'eau, le montant de l'aide affectée. Il s'agit là d'un élément de transparence, et surtout de mobilisation et des citoyens.

Le développement considérable des formes non gouvernementales de coopération rend indispensable une coordination de nos politiques de coopération décentralisée. Il importe donc d'introduire, dans le respect de la liberté de chacun, une meilleure cohérence dans les orientations et les actions de coopération extérieure et d'aide au développement. C'est un impératif moral : nous avons un devoir de transparence envers nos concitoyens, qui financeront, en tant que contribuables, nos actions de coopération. Nous avons surtout un devoir envers ceux qui bénéficieront de ces actions. Aussi la commission nationale de coopération décentralisée a-t-elle pour mission de coordonner les actions de l'Etat et des collectivités.

Les collectivités territoriales doivent veiller à se coordonner, afin de conduire leurs actions internationales dans la clarté et avec méthode. Tout ceci joue un rôle d'aiguillon pour l'Etat, qui intervient traditionnellement d'une manière plus institutionnelle, qui peut paraître désincarnée aux populations. « Complémentarité » est un terme diplomatique qui sert souvent à dissimuler que chacun travaille dans son coin.

La générosité exceptionnelle dont ont fait preuve les populations, les collectivités et les associations du monde entier après le raz-de-marée qui a touché l'Asie du Sud-Est a très vite posé un redoutable problème de coordination et d'allocation de l'aide. J'ai pu en prendre la mesure à Djakarta, lors de la conférence des bailleurs de fonds. Je sais que les collectivités attendent des propositions d'affectation de leurs aides. Un coordinateur national a été nommé le 18 janvier en la personne de M. Jean-Claude Mallet, conseiller d'Etat et jusqu'ici secrétaire général de la défense nationale.

La question de l'eau et de l'assainissement est sans doute la question essentielle qui se pose aujourd'hui à l'humanité. Plus d'un milliard d'hommes n'ont pas accès à l'eau potable et près de deux milliards et demi ne disposent pas d'assainissement. L'absence d'accès à l'eau et à l'assainissement reste la première cause de mortalité dans le monde : 6 000 personnes en meurent chaque jour. Dans ces conditions, l'une des priorités du millénaire pour le développement est de réduire de moitié d'ici à 2015 le pourcentage de la population privée d'un accès à l'eau potable.

Le Président de la République n'a eu de cesse de rappeler toute l'importance qu'il attache à la coopération dans le domaine de l'eau. En témoignent la vidéo-conférence qu'il a tenue hier à l'adresse du Forum économique mondial de Davos et son engagement personnel aux sommets de Johannesburg et de Kyoto, où il a annoncé le doublement de notre aide publique au développement en faveur de l'eau, ou encore au sommet de Paris que j'ai organisé sur le Bassin du Niger. Cette initiative régionale aura besoin de la coopération décentralisée pour se développer.

Cette proposition de loi devrait faire l'objet d'un vote conforme. Je l'espère en tout cas : il est urgent que ce texte soit adopté, car nombre de collectivités se sont engagées dans des actions d'urgence auprès des victimes du tsunami. Je tenterai de rassurer M. Decocq lors de l'examen de son amendement : j'espère qu'il m'entendra !

Au-delà de sa portée technique, l'adoption de ce texte donnera un signe clair en sécurisant les initiatives des acteurs locaux dans un secteur crucial pour les populations en développement et notamment les populations sinistrées d'Asie. Leur savoir-faire est porteur de collaborations futures à même de promouvoir les objectifs permanents du développement humain - prévention des catastrophes, amélioration de l'état sanitaire, développement durable, lutte contre la pauvreté - en complémentarité avec les ONG et l'Etat. La France apportera ainsi une contribution exemplaire à la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement, qui seront examinés en septembre à l'ONU. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste)

M. Francis Hillmeyer - « Le prochain siècle sera-t-il celui des guerres de l'eau ? ». A l'image de cet article publié dans la Revue Internationale et Stratégique, la presse et les cercles scientifiques relaient l'idée que l'eau deviendra au XXIe siècle une ressource aussi convoitée que le pétrole au XXe siècle, suscitant autant de conflits pour son contrôle.

Enjeu majeur de la géopolitique, l'eau est avant tout, pour ceux qui n'y ont pas accès, un problème considérable. Le constat est éloquent. L'eau est la première cause de mortalité et de morbidité au monde. Plus d'un milliard d'individus n'ont pas accès à l'eau potable, et 3 millions d'enfants en meurent chaque année avant l'âge de 5 ans. Les épidémies de paludisme et de dengue qui affectent plusieurs centaines de millions de personnes sont les plus grandes épidémies mondiales, risque qui, on l'a vu dernièrement, a alerté l'ensemble de la planète.

Depuis trente ans, conférences internationales et colloques ont régulièrement établi ce constat catastrophique. La coopération internationale a donc un rôle majeur à jouer.

Enjeu alimentaire aussi, puisque l'eau demeure un élément essentiel aux cultures vivrières. Les pays en voie de développement sont ainsi les principales victimes de l'absence d'eau potable et la coopération internationale prend dès lors une importance particulière : des actions doivent être envisagées à l'échelle locale, régionale et internationale.

C'est dans cette optique qu'à l'initiative de notre éminent rapporteur, nous examinons ce texte qui a pour objet de permettre aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale, aux syndicats mixtes et aux agences de l'eau d'aider les collectivités étrangères dans les domaines de l'eau et de l'assainissement en ayant recours aux ressources provenant des services d'eau et d'assainissement, dans la limite de 1 % de leur budget.

Si de telles actions existaient déjà, le texte leur donne une base légale et fixe une limite. Les pays confrontés à des difficultés dans ce domaine ne peuvent évidemment y faire face seuls. C'est donc par le biais de coopérations qu'elles pourront être résolues. Des jumelages existants aux futures coopérations, la proposition de loi permettra de sécuriser les démarches des collectivités territoriales et des agences de l'eau en leur offrant un cadre légal et cohérent avec les grandes ambitions affichées par la France dans le domaine de l'eau sur la scène internationale.

Les ressources disponibles pour cette coopération vont permettre la réalisation d'un certain nombre de projets. En adoptant ce texte, nous contribuons à aider et à encourager les collectivités qui œuvrent en ce sens. En aidant les populations à accéder à une eau de qualité, nous remplissons notre rôle de citoyens du monde.

Je remercie les auteurs et initiateurs de cette proposition de loi, et tout particulièrement notre collègue André Santini pour cette belle idée. Le groupe UDF votera ce texte avec un enthousiasme non dissimulé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. François Asensi - Initié en 1984, le programme Solidarité Eau a pour objet de faciliter les initiatives locales de coopération internationale. Il permet de passer de la « bonne idée » ou de l'envie d'agir à un projet cohérent de coopération et est piloté par un ensemble d'ONG, de collectivités territoriales, de professionnels de l'eau et de représentants des pouvoirs publics.

C'est ainsi qu'en 1986, le Syndicat des eaux de l'Ile-de-France décidait à l'unanimité, sur proposition d'André Grillot, élu de Choisy-le-Roi et vice-président de ce syndicat, et de notre collègue Jean-Pierre Brard, de consacrer un centime de franc par mètre cube d'eau produite à des actions concrètes de partenariat avec les pays en développement touchés par l'absence de ressources en eau ou de moyens d'exploitation de celles-ci. Ce centime supplémentaire, correspondait à deux francs par foyer francilien et par an, soit 3 millions de francs annuels.

Premier service d'eau potable en France, l'un des tout premiers en Europe et dans le monde, ce syndicat intercommunal qui opère dans une des régions les plus riches du monde considère l'aide aux populations les plus démunies comme faisant partie de ses responsabilités de service public. Afin d'assurer l'efficacité et la pérennité des installations qu'il subventionne, il porte ses choix sur des techniques variées s'appuyant sur les savoir-faire locaux. Ses ingénieurs peuvent intervenir dès la conception des projets, puis sur le terrain par une action de conseil. Pour que les projets contribuent durablement à l'amélioration des conditions de vie, une grande importance est accordée à la transmission des savoir-faire.

A ce jour, 1,7 million de personnes ont bénéficié de 160 opérations. Dix millions d'euros ont ainsi été consacrés dans ce cadre à des actions de solidarité visant à promouvoir l'accès à l'eau potable dans les pays en développement. Le montant moyen d'une opération est de 60 000 € et le budget par personne se situe autour de 5,7 €.

Aujourd'hui, le financement est assuré par un prélèvement de 0,3 centime d'euro sur chaque mètre cube distribué par le Syndicat des eaux de l'Ile-de-France, ce qui correspond à une contribution annuelle de 0,6 € par foyer. Comparé au million de mètres cubes d'eau distribué chaque jour aux quatre millions de consommateurs, ce montant représente, si j'ose dire, une goutte d'eau, mais une goutte d'eau vitale, notamment dans de nombreux villages du Mali.

De plus en plus, nos agences de l'eau s'impliquent elles aussi dans la coopération internationale, par le biais de jumelages en réservant une part variable de leur budget au financement d'actions relatives à l'eau potable et à l'assainissement dans des pays en voie de développement. Leurs actions en faveur du développement se traduisent par l'attribution d'aides sur dossier en faveur d'associations spécialisées, d'organisations non gouvernementales ou d'actions menées sur le terrain par les collectivités territoriales.

Toutefois, dans le cadre d'un contrôle exercé sur l'agence Rhin-Meuse en décembre 2002, la Cour des comptes a estimé que ces pratiques étaient contraires au principe de spécialité qui régit tout établissement public. Faute d'une assise légale suffisamment solide, les opérations menées par cette agence ont dû être interrompues l'année suivante. La présente proposition de loi devrait permettre de remédier à cette situation, en autorisant les collectivités territoriales et leurs établissements à contribuer à l'effort de solidarité envers les pays les plus démunis. A cette fin, il appartient au législateur de donner un cadre légal solide, tendant à exprimer la reconnaissance officielle de la France à l'égard de la coopération décentralisée, laquelle a vocation à jouer un rôle essentiel dans des domaines qui relèvent depuis la Révolution française de la compétence des communes.

Je rappelle d'ailleurs que le projet de loi portant réforme de la politique de l'eau, adopté en première lecture par notre assemblée le 15 janvier 2002, comportait un article 30 autorisant les collectivités ou établissements gérant les services publics de distribution d'eau et d'assainissement à participer à des actions de coopération décentralisée ou à des actions humanitaires dans ces domaines.

Le groupe des député-e-s communistes et républicains votera pour cette proposition de loi, car elle donne aux collectivités l'outil qui leur faisait défaut pour continuer de mener à bien l'action solidaire en faveur des populations les plus démunies de la planète. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet - Le Sénat a adopté à l'unanimité la proposition de loi du sénateur Oudin qui nous revient aujourd'hui et qui a un double objet : régler un problème de droit susceptible de mettre en difficulté les communes, leurs groupements et leurs établissements dans le cadre de leurs actions de coopération internationale, et proposer aux agences de l'eau qui le souhaitent un prélèvement complémentaire tendant à pérenniser le financement de l'action solidaire. Du reste, cette dernière mesure n'est pas inédite puisqu'elle reprend la logique du centime par mètre cube naguère envisagé. Je rappelle que la possibilité d'en proposer la généralisation avait été évoquée au sommet de Johannesburg mais qu'on y a renoncé, du fait de la complexité du dispositif et du manque de maturité de la réflexion à ce sujet. L'idée d'une contribution de solidarité citoyenne relève de la même philosophie que le dollar prélevé sur chaque nuitée d'hôtel aux Etats-Unis. La dimension symbolique de ce type de gestes n'échappe à personne, mais leur efficacité ne saurait être mise en cause.

Le groupe UMP souscrit à ce double objectif de sécurisation juridique et d'innovation solidaire. Nous estimons en outre que le choix de l'eau pour expérimenter de nouvelles formes de coopération est particulièrement opportun. Les difficultés d'accès à l'eau potable et à un réseau d'assainissement constituent en effet la première cause de mortalité et de morbidité au monde. Plus d'un milliard d'hommes sont privés d'accès à l'eau potable. Dès lors, on ne s'étonnera pas que l'eau figure en bonne place dans les objectifs du millénaire. La nécessité de renforcer la coopération internationale en ce domaine a été évoquée dès la conférence de Stockholm de 1972 et fait l'objet désormais de rencontres dédiées, tel le troisième forum mondial de l'eau de Kyoto, en mars 2003. Le président Chirac en a fréquemment rappelé l'importance, notamment dans ses déclarations du 2 septembre 2002 au sommet mondial du développement durable de Johannesburg.

Le drame qui a touché l'Asie à la fin de l'année dernière est venu confirmer l'urgence à agir dans le domaine de l'eau, d'autant que nombre de collectivités se sont montrées désireuses de manifester leur solidarité aux populations sinistrées. La France se doit de jouer un rôle moteur dans l'effort de coopération internationale. Notre système de gestion de l'eau, s'il n'est pas à l'abri de toute critique, a en effet été jugé assez pertinent pour être repris comme modèle à l'échelle européenne et nos sociétés exportent leur savoir-faire partout dans le monde.

La présente proposition de loi comble une attente. Nous souhaitons qu'elle puisse être appliquée en toute transparence, car seule une gestion limpide est de nature à donner confiance à nos concitoyens. A cet égard, nous souscrivons donc sans réserve aux propositions de notre rapporteur, André Santini. Dans le même esprit, il nous semble essentiel que le chiffre de 1 % soit bien entendu comme un plafond et en aucun cas comme un objectif systématique (Assentiment sur divers bancs)... et que le consentement des usagers puisse être recherché en toute occasion. Il faut en effet éviter que la nouvelle contribution solidaire ne soit perçue comme une taxe de plus.

Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean Launay - Nous savions déjà, depuis la loi sur l'eau de 1992, que l'eau fait partie du « patrimoine commun de la nation ». Nous découvrons ensemble progressivement qu'il faut élargir cette approche à l'ensemble de la planète. Le Président de la République l'a dit en mars 2003 à Kyoto : « l'eau est par nature un bien public. Nul ne saurait se l'approprier. C'est à la collectivité d'en définir l'usage pour assurer un bon approvisionnement et un bon assainissement, pour limiter les gaspillages, dans un esprit de justice sociale, de saine économie et de respect de l'environnement ». Et Michel Barnier d'ajouter le 26 août 2004 : « la protection de l'environnement, c'est l'urgence pour tous. Mais c'est le devoir des plus riches. Car, à l'échelle d'une ville comme à l'échelle du monde, la dégradation de l'environnement accompagne et aggrave l'injustice sociale. Aujourd'hui même, un milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable et deux milliards et demi à l'assainissement. Imaginer que cela ne joue aucun rôle dans les troubles politiques et sociaux ici serait une très grave illusion. »

Mme Danielle Mitterrand, présidente de l'association France Liberté l'avait du reste déjà dit lors d'une intervention publique au Buisson-de-Cadouin, le 24 juin dernier : « le manque d'accès à l'eau et à l'assainissement est la première cause de la mortalité dans le monde. Or, l'accès à l'eau est un droit inaliénable et sa valeur intrinsèque doit primer sur sa valeur utilitaire et commerciale ». En découle la nécessité de définir l'accès à l'eau comme un droit, et non comme un besoin ; sinon, on accorde à l'eau une valeur marchande génératrice d'inégalités.

L'avenir de l'eau, source de vie, suppose aussi la réunion de quatre conditions fondamentales : la reconnaissance de l'eau comme un bien commun de l'humanité ; l'accès à l'eau en quantité et en qualité suffisantes pour vivre, apprécié comme un droit fondamental individuel et collectif - on estime que le chiffre de quarante litres d'eau potable gratuite par jour et par personne doit être retenu ; l'affirmation de l'eau comme vecteur de solidarité entre communautés, pays, sexes et générations - et non comme objet de guerre ; la prise en charge financière des besoins collectifs et individuels selon les principes de responsabilité et d'utilité. Vaste programme, qui, à la faveur des différentes instances dédiées nous laisse d'accord sur plusieurs constats : l'eau est un bien essentiel ne pouvant être considéré comme une marchandise ordinaire ; l'accès à l'eau potable est un droit fondamental ; l'eau est gratuite mais l'eau potable a un coût ; l'eau potable devient rare et chère. Ce diagnostic partagé débouche sur un consensus : l'action solidaire s'impose. Le plan d'application adopté par les Etats au sommet mondial de Johannesburg sur le développement durable comporte l'engagement suivant : « nous convenons de réduire de moitié d'ici à 2015 la proportion de personnes qui n'ont pas accès à l'eau potable ou qui n'ont pas les moyens de s'en procurer, et la proportion de personnes privées d'accès à des services d'assainissement de base ». Pour atteindre cet objectif, il faudra donc engager un programme d'investissements considérable dans l'ensemble des pays en développement, la majeure partie devant être financée par les pays industrialisés.

La présente proposition de loi tend à satisfaire cet objectif, en facilitant la coopération décentralisée et la diffusion au plan mondial de notre modèle national de gestion de la ressource. Ses deux articles visent à permettre de mobiliser en toute légalité des moyens importants en dehors du budget de l'Etat. L'article premier autorise le financement d'opérations extérieures de coopération humanitaire par les municipalités et leurs établissements ; l'article 2 ouvre cette même possibilité aux agences de l'eau, en exigeant d'elles la signature de conventions de coopération soumises à l'avis des comités de bassin. Voici donc remis au goût du jour le principe du centime pour l'eau.

Nous ne ferons pas la fine bouche. Pour qui veut bien prendre conscience des objectifs de la déclaration du millénaire ou ceux du sommet de Johannesburg, voilà une proposition qui vient à point. Sans attendre la prochaine loi sur l'eau, il est juste d'intégrer rapidement dans une disposition législative l'autorisation faite aux collectivités de poursuivre leurs actions de coopération solidaire. Dans l'absolu, le présent texte se suffisait à lui-même. Mais l'actualité dramatique de la fin de l'année dernière éclaire d'un jour nouveau les exigences morales qui s'y attachent. Les effets du tsunami nous conduisent à envisager, plus que jamais sans doute, l'eau comme un problème majeur appelant des réponses globales. Et si les collectivités n'ont pas attendu ce cataclysme pour s'engager dans la voie de la coopération - le principe en étant posé dans la loi ATR du 6 février 1992 -, il est juste de donner désormais à leur action une assise juridique incontestable. Faute de dispositions inattaquables, nos agences de bassin ont parfois été conduites à interrompre leurs opérations de coopération, à la suite d'une mise en cause de la CRC ou d'une injonction de la direction de l'eau du ministère. Coupable faiblesse !

Pour notre part, nous n'avons besoin ni d'une catastrophe d'une dureté exceptionnelle ni de l'urgence qui s'y attache pour être convaincus de la nécessité d'aider les ONG à rendre l'eau potable, partout où cela est nécessaire.

Nous voterons ce texte qui donne, de façon définitive, aux collectivités et aux agences, un cadre légal à leur action internationale dans le domaine de l'eau. J'observe cependant que le projet voté en première lecture par l'Assemblée le 15 janvier 2002, autorisait, dans son article 30, les collectivités et établissements gérant des services publics de distribution d'eau et d'assainissement à participer à des actions de coopération et des actions humanitaires dans leur domaine. A l'époque, le Conseil d'Etat n'avait pas estimé que ces dispositions risquaient la censure du Conseil constitutionnel. Au-delà de l'aspect juridique, nous voterons ce texte parce qu'il permet de financer les actions à hauteur de 1 % des budgets des services de l'eau et de l'assainissement.

Le groupe socialiste voulait aller plus loin, et initialement ne doutait pas de votre approbation. On nous dit maintenant attendre un vote conforme. L'amendement que nous soumettons n'est pas nouveau, puisque nous l'avions déposé lors de la loi de transposition de la directive cadre. Nous souhaitons que le 22 mars, journée mondiale de l'eau depuis la résolution de l'ONU du 22 décembre 1992, devienne aussi une journée nationale, donnant lieu à des actions de formation et de sensibilisation. N'attendons pas la prochaine et hypothétique loi sur l'eau pour appeler l'attention des citoyens, qui sont aussi des contribuables et des consommateurs, sur la nécessité du partage de l'eau et d'une gestion éclairée dans ce domaine.

M. Jean-Marie Binetruy - Cette proposition ne fera sans doute pas les grands titres, alors qu'elle est fondamentale. C'est dommage et je tiens à saluer le sénateur Oudin pour son initiative.

Il s'agit simplement de donner un cadre juridique à des pratiques dans lesquelles sont déjà engagées de nombreuses collectivités, à travers la coopération décentralisée, ainsi que les agences de bassin Seine-Normandie, Adour-Garonne et Rhin-Rhône. Ces dernières ont interrompu leurs actions en 2003 suite aux observations de la Cour des comptes.

Sur le fond, cette possibilité d'agir est fondamentale. Permettre l'accès à l'eau est la première des solidarités, la première des nécessités comme on l'a encore constaté après la catastrophe d'Asie du Sud-Est : l'eau qui tue est aussi l'eau qui sauve. « Tu n'es pas nécessaire à la vie, tu es la vie » disait Saint-Exupéry après son séjour forcé en plein Sahara.

L'eau fascine là où elle est rare ; dans nos sociétés évoluées, on la gaspille. Ce texte rappellera aussi à nos concitoyens combien elle est précieuse et mérite respect. Le Président de la République a rappelé à Johannesburg en 2002, à Kyoto en 2003 qu'elle est au cœur du développement.

De la conférence de Stockholm en 1972 à ce forum mondial de l'eau à Kyoto, en passant par la Déclaration du Millénaire qui a fixé comme objectif de diminuer de moitié d'ici à 2015 le nombre de ceux qui n'ont pas accès à l'eau potable, de multiples initiatives ont été prises au niveau international. Il est heureux que la France se donne la possibilité de faire profiter d'autres pays moins favorisés de son savoir-faire technique et institutionnel. En effet, qu'elle soit assurée par les collectivités - pour 25 % des usagers - ou par des sociétés privées, malgré quelques imperfections, la gestion de l'eau en France est reconnue comme l'une des meilleures du monde. Ce texte contribuera à ce qu'elle serve de modèle. Il a également le mérite d'aborder la question de l'assainissement, essentielle même si ce n'est pas pour l' instant une préoccupation majeure dans les pays défavorisés.

Certes, sa portée est limitée, comme le sont les ressources apportées par les usagers français, face à l'immensité des besoins mondiaux. Mais c'est une nouvelle possibilité d'agir de façon solidaire. J'y souscris avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Claude Gaillard - Je me réjouis de cette proposition qui légitime totalement une pratique qui, comme souvent, a précédé la loi. J'insiste sur l'importance de la coopération décentralisée, car on travaille toujours mieux près du terrain. Beaucoup a été fait dans le cadre de la fédération mondiale des villes jumelées ou de la fédération Cités unies.

En 1984, nous avons créé à Nancy le Centre national de l'eau pour aider les pays en voie de développement par des conseils aux maîtres d'ouvrage, afin qu'ils puissent plus facilement mobiliser l'argent des institutions internationales. Nous prélevions pour cela un centime de franc par mètre cube. L'existence d'une « école française de l'eau », nos compétences dans la recherche et la gestion, la qualité de nos groupes industriels nous donnent des responsabilités particulières. Il est bien de pouvoir le faire, dans le cadre de la coopération décentralisée, de façon coordonnée. Et dans la future loi sur l'eau, il conviendrait de revenir sur les possibilités de réorganiser l'Office international de l'eau de façon à ce que cette coordination ne freine pas notre élan.

En ce qui concerne les agences, ce que nous faisions par exemple au comité de bassin Rhin-Rhône était très bien, mais pas tout à fait légal, nous a fait observer la Chambre régionale des comptes. Nous allons mettre cela en ordre. Mais il subsiste un problème de fond. En effet, les grands ministères techniques ont perdu de leur influence et de leurs compétences. Il est essentiel de recréer une vraie compétence publique, face à celle du privé. Les agences ont un rôle particulier à jouer, sur la durée, en tant que centres de compétence. Il existe six de ces centres en France et il faut réfléchir à leur évolution - nous avons commencé à le faire avec le ministre de l'environnement. Les agences doivent apporter leur aide à l'action internationale, car notre organisation est une référence, j'ai pu le constater au Costa Rica comme au Vietnam ou au Maroc.

Quant à plafonner le montant de l'aide, c'est sans doute utile. Cela étant, les collectivités territoriales savent d'elles-mêmes si elles ont 0,8 % ou 1,2 % de ressources à y consacrer. Pour l'administration parisienne, fixer une limite de 1 % est rassurant. Mais comptez sur nos provinces pour ne pas tomber dans l'excès.

Ce texte nous permettra de poursuivre nos actions de solidarité de façon réaliste. Je remercie l'ensemble de ses auteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Christian Decocq - L'amendement 2 est de suppression. Le rapport consacre 9 pages denses à argumenter fort bien en faveur du développement de la coopération décentralisée dans le domaine de l'eau. Il ne consacre en revanche que moins d'une demi-page à l'idée qu'il faudrait combler un vide juridique concernant le rôle des agences de bassin.

La coopération décentralisée est un excellent levier pour participer au rayonnement de ce que Claude Gaillard appelle avec raison « l'école de l'eau française ». Dans un monde où 50 % de la population vit en zone urbaine, les collectivités locales sont de fait les mieux placées pour animer cette coopération dans un domaine qui est au coeur, en tout état de cause, de leurs attributions de base. Elles sont d'ailleurs depuis longtemps investies dans cette action - souvenez-vous de la réunion de Curitiba, où les grandes villes du monde ont jeté les bases de cette coopération décentralisée.

Si mon amendement 1 tend à supprimer l'article 2, c'est qu'il ne me paraît pas nécessaire d'ajouter un quatrième niveau d'action internationale, administratif celui-ci, aux trois qui existent déjà - ministériel, décentralisé et associatif. Les agences de l'eau peuvent certes apporter leur expertise, mais en appui, pas en première ligne. On nous dit qu'il faut contrôler les comités de bassin, mais que vont donc contrôler des assemblées hétérogènes et pléthoriques ? Quant à l'argument de l'urgence, il me surprend, car ce serait vraiment la première fois que l'on soutiendrait ici que l'administration est plus rapide que les collectivités !

Il y a un génie français, celui précisément qui a permis la naissance et le rayonnement de l'école française de l'eau. Mais il y a aussi un mal français, que nous connaissons tous : celui de la sédimentation administrative. Par mon amendement, j'ai voulu militer pour l'un et me battre contre l'autre.

M. le Rapporteur - Je regrette que M. Decocq n'ait pas poussé plus loin sa lecture de mon rapport : il y aurait trouvé cinq pages d'explication sur l'article 2 et non pas seulement quelques lignes.

Certaines agences de l'eau ont pris l'habitude de consacrer une partie de leurs recettes à des actions de coopération internationale dans le domaine de l'eau, mais ces pratiques ont dû être interrompues après les observations de la Cour des comptes à l'agence Rhin-Meuse. Les agences de l'eau étant désireuses de continuer à agir dans ce domaine, un fondement législatif incontestable à leur action est nécessaire. Tel est l'objet de l'article 2. Songez que les 3 millions d'euros qu'ont apportés les agences de l'eau en réponse au raz-de-marée du 26 décembre n'ont pour le moment pas d'autre base juridique qu'une lettre conjointe du ministre de l'écologie et du ministre des affaires étrangères.

Je tiens à faire remarquer que si le Fonds national de l'eau comprend une section retraçant les opérations relatives aux actions de solidarité pour l'eau, ces sommes sont uniquement consacrées au territoire français.

L'article 2 pose des conditions strictes à l'action internationale des agences de l'eau : le respect des engagements internationaux de la France et la conclusion de conventions qui devront être soumises à l'avis du comité de bassin. Or, le comité de bassin comprend des représentants des collectivités et des usagers, tout comme le conseil d'administration de l'agence de l'eau. Il y aura donc une coordination avec les actions menées par les collectivités territoriales, et non pas une concurrence ou une contradiction.

Si le groupe UDF a fait inscrire cette proposition de loi dans sa « niche parlementaire », c'est pour accélérer l'adoption d'un texte dont la nécessité est apparue encore plus flagrante après le raz-de-marée en Asie du Sud-Est. L'amendement de M. Decocq aurait pour effet immédiat de renvoyer ce texte au Sénat pour une nouvelle lecture, ce qui retarderait grandement son entrée en vigueur, et donc les projets d'aide. Avis défavorable, par conséquent.

M. le Ministre délégué - Je rejoins la position du rapporteur pour des raisons à la fois juridiques, conjoncturelles et de fond.

Juridiques, d'abord : la Cour des comptes ayant indiqué que les agences de l'eau n'avaient pas compétence pour intervenir au niveau international, nous avons aujourd'hui besoin d'un cadre juridique qui leur permette de continuer à intervenir tant en Europe - comme elles le font sur les bassins transfrontaliers, je pense notamment au bassin de l'Escaut et à l'action qu'y mène l'agence Artois-Picardie, que vous connaissez bien, Monsieur Decocq - que dans le cadre de l'aide du développement.

Conjoncturelles, ensuite. Il y a en effet urgence à aider les pays touchés par le tsunami. Or, cet amendement empêcherait un vote conforme et retarderait l'entrée en vigueur d'un texte qui fait l'unanimité.

Sur le fond, enfin. Les établissements publics que sont les agences de l'eau sont dotés d'une personnalité civile et donc d'une autonomie financière. Leur conseil d'administration comprend des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, du personnel, des usagers. Il s'agit d'une structure très classique, Monsieur Decocq, et le risque de conflit entre la politique souhaitée par l'Etat et l'action que voudrait mener une agence est très relatif. C'est un peu comme si vous craigniez que l'existence de recteurs fasse obstacle aux conventions de coopération interuniversitaire. On voit mal d'autre part comment, au niveau de l'administration centrale, le directeur de l'eau pourrait défendre des intérêts contradictoires avec une ligne d'orientation constante du Gouvernement.

J'ajoute que la compétence donnée ici aux agences de l'eau est facultative et qu'il ne s'agit en aucun cas d'une mission première. Elles interviendront essentiellement en appui des collectivités territoriales de leur bassin ou d'ONG.

Pour toutes ces raisons, je souhaiterais que vous retiriez votre amendement. Sinon, je demande à l'Assemblée de bien vouloir le rejeter.

M. Claude Gaillard - Je souhaite moi aussi que M. Decocq, dont je salue la compétence, retire son amendement, étant entendu qu'il a posé des questions de fond, qui devront être reprises dans la loi sur l'eau.

M. Christian Decocq - Pour avoir une bonne base de discussion, je maintiens mon amendement.

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. Jean Launay - Compte tenu du souhait d'un vote conforme, je retire l'amendement 2.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 10 heures 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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