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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 56ème jour de séance, 137ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 3 FÉVRIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      RÉFORME DE L'ORGANISATION DU TEMPS

      DE TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE (suite) 2

      ARTICLE PREMIER (suite) 2

      APRÈS L'ARTICLE PREMIER 29

      ART. 2 34

      ORDRE DU JOUR DU LUNDI 7 FEVRIER 2005 42

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

RÉFORME DE L'ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL
DANS L'ENTREPRISE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

ARTICLE PREMIER (suite)

M. Jean Le Garrec - L'amendement 21 de Mme Billard vise à rétablir le délai maximum de cinq ans au terme duquel le CET devra être soldé. Sans la fixation de ce seuil, nous courons le risque d'encourager un transfert de plus en plus important des jours de congés et de repos sur le CET, de créer des conditions de travail de plus en plus contraignantes pour les salariés et de compliquer, plus encore, la gestion du CET.

Les salariés, y compris les cadres, sont aujourd'hui soumis à de fortes pressions et à des objectifs de rentabilité fixés par les directeurs financiers. Ce stress s'accompagne d'une perte de motivation et d'un moindre attachement au projet de l'entreprise. Nul ne peut nier cela.

Le CET ne doit pas devenir une voiture-balai. En nous refusant à fixer un seuil, nous ne ferions que renforcer la pression capitalistique, dénoncée par M. Borloo en personne. C'est contraire à l'intérêt de l'entreprise et du salarié.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 82 poursuit le même objectif que le précédent. Il ne faut pas transformer les droits à congé en un processus purement virtuel dont la gestion compliquée a été soulignée sur les bancs de l'UDF tout à l'heure. Une forte incertitude pèse sur le sort des créances éventuelles des salariés à l'égard des entreprises, le processus d'assurance est très aléatoire car il est simplement mentionné dans la loi sans être précisé. A un moment donné, il faut bien qu'il y ait passage à l'acte, que les congés soient pris !

M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Ces deux amendements vont à l'encontre de la souplesse recherchée. Le CET doit accompagner le salarié tout au long de sa vie professionnelle. Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Le Gouvernement est également défavorable car le seuil sera déterminé par la négociation entre l'entreprise et les salariés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - La commission et le Gouvernement envisagent donc que le CET du salarié ne soit pas soldé au bout de cinq ans !

M. Hervé Novelli - Le dispositif du CET n'était pas meilleur avant !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C'est stupéfiant ! Nous nous éloignons de l'esprit de la loi sur l'organisation du temps de travail, et même du principe fondamental du droit du travail selon lequel la rémunération est la contrepartie d'une prestation de service dans le cadre d'un lien de subordination. La relation entre le travail et la rémunération doit rester équilibrée. Un jour, vous devrez rendre compte de cette mise à bas du droit du travail et payer la facture. Votre dispositif, c'est « plus de travail, moins de rémunération » !

M. Jean Le Garrec - Avec son talent habituel, notre collègue Le Bouillonnec met le doigt sur la question essentielle des droits du salarié. Au fil des mouvements qui ont marqué l'histoire sociale de notre pays, nous étions parvenus à un équilibre, fragile mais bien réel, entre la protection des droits du salarié et la garantie du bon fonctionnement de l'entreprise. Brusquement, avec ce texte, vous prétendez donner au CET un espace élargi...

M. Hervé Novelli - Un espace de liberté !

M. Jean Le Garrec - Je vous en prie. Liberté est un mot fort qu'il faut éviter d'utiliser à tort et à travers. La vie en entreprise met en jeu des rapports de force et il revient précisément à l'ordre public social de préserver les garanties individuelles chèrement acquises. Ne parlons pas de liberté mais de juste équilibre entre droits et contraintes. En l'espèce, votre objectif est de faire sauter toutes les barrières de protection, au risque de rendre la gestion du CET extrêmement complexe. Certains envisagent d'ailleurs déjà de l'externaliser ! Parallèlement, vous ouvrez la porte de l'épargne retraite, avec sans doute l'intention inavouée de préparer le glissement du dispositif vers des fonds de pension à la française...

M. Hervé Novelli - Pourquoi pas ?

M. Jean Le Garrec - Avec M. Novelli, on sait où l'on va et même si je combat résolument ses idées, j'en respecte au moins la cohérence. L'échec de la réforme des retraites de M. Fillon, fondée sur un allongement de la durée de cotisations que l'usure prématurée des salariés rendra impossible, risque en effet de conduire inévitablement à la constitution de fonds de pension. Dans cette perspective, vous tendez à transformer le CET en instrument capitalistique, géré selon les règles ordinaires du capitalisme et sans aucune considération des droits les plus élémentaires des salariés.

Les amendements 21 et 82, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 79 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis favorable sur le fond, mais l'amendement 151 rectifié du Gouvernement, à venir, nous semble préférable dans la mesure où il fait référence au septième alinéa de l'article L. 227-1 plutôt qu'au deuxième. J'invite par conséquent au retrait de l'amendement 79 pour cette raison de pure forme, la précision qu'il apporte au fond étant pertinente.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 79 est retiré.

M. Gilles Cocquempot - L'amendement 22 de Mme Billard tend à supprimer les mots « ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate et différée » dans le deuxième alinéa de l'article L. 227-1 du code du travail. Le CET doit demeurer un outil donnant au salarié la possibilité d'accumuler des droits à congé. Il n'a pas vocation à devenir une forme régulière de rémunération permettant à l'employeur d'échapper au paiement d'heures supplémentaires au niveau de majoration correspondant aux heures effectuées.

Je profite de la défense de cet amendement pour dénoncer les nouvelles règles de partage de la valeur ajoutée qui ont cours depuis des années : traditionnellement, 70% de la valeur ajoutée de l'entreprise allaient aux salaires et 30% aux profits ; au terme d'énormes mutations de nos économies, le partage s'effectue désormais selon une règle - 60% aux salaires-40% aux profits -, éminemment défavorable aux salariés. On est passé du capitalisme rhénan au modèle anglo-saxon cher à M. Novelli. Quant à nous, nous ne pouvons que dénoncer cette dérive.

M. Alain Vidalies - Notre amendement 80 est identique à celui de Mme Billard. Il tend à appeler l'attention de notre assemblée sur le changement de nature que les promoteurs de la proposition de loi entendent faire subir au CET. Conçu dans un relatif consensus, le CET avait une fonction reconnue et largement partagée. Or s'il nous est aujourd'hui proposé de conserver l'intitulé, rien ne subsiste de l'esprit originel du dispositif. Pourquoi une telle évolution ? Ceux qui voulaient s'attaquer frontalement aux 35 heures n'ont pas obtenu le feu vert du Gouvernement, compte tenu de l'engagement du Président de la République en faveur de l'acquis social que constitue la RTT. Ils ont alors décidé de contourner l'obstacle en détournant le CET de ses objectifs initiaux pour parvenir à leurs fins. L'idée étant d'éviter de se mouiller, on a eu recours à une proposition de loi, complaisamment inscrite à l'ordre du jour prioritaire par le Gouvernement, ce qui donne au final un objet législatif non identifié des plus étranges ! Le CET en sort totalement dénaturé, les tractations internes à la majorité ayant manifestement primé sur les intérêts des salariés. Nul ne reconnaîtra dans le nouveau dispositif le système de capitalisation de droits différés - en vue par exemple de prendre un congé sabbatique ou de faire face à un accident de la vie - qui avait été voulu à l'origine.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons, par notre amendement 80, préciser les modalités d'utilisation du CET.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable. Le compte épargne-temps est utilisable pour des situations diverses afin de répondre à la diversité des souhaits des salariés.

M. le Ministre délégué - Je ne peux y être favorable. Cette disposition est dans la logique de la loi de janvier 2003. Un grand secteur, la métallurgie, a déjà inscrit dans un accord cette transformation en rémunération.

M. Jean Le Garrec - Ce texte a un parfum très XIXe siècle. On y entend le « enrichissez-vous » de Guizot et, derrière le temps épargné, l'appel à l'épargne tout court. C'est une conception repliée sur elle-même du développement, en même temps qu'elle se veut ultra-libérale. On transforme des droits fondamentaux en rémunération immédiate, ou mieux, différée, car c'est là le véritable objectif, et l'on sait bien quelles pressions s'exerceront.

M. Patrick Ollier - C'est votre conception des choses.

M. Jean Le Garrec - Mais non, on sait bien qu'il n'y aura pas rémunération immédiate.

M. Patrick Ollier - Nous voulons faire évoluer la culture d'entreprise.

M. Jean Le Garrec - A l'équilibre entre temps de travail et temps de repos, vous préférez l'épargne et, du compte épargne-temps, on passera aux fonds de pensions, dont on confiera la gestion à des sociétés d'assurance qui en feront un métier nouveau.

M. Patrick Ollier - Cela créera des emplois.

M. Jean Le Garrec - Une telle conception de l'emploi ne vous mènera pas loin. Le mécanisme échappera donc aux intéressés et, un jour pas très lointain, on découvrira qu'il y a eu spoliation.

Les amendements identiques 22 et 80, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies - L'amendement 81 est, en apparence, de précision. Mais il s'agit de savoir comment seront calculées les rémunérations au moment de l'utilisation en argent des droits affectés au compte épargne-temps. Ne faut-il pas le préciser dans la loi, pour que la règle soit la même pour tous ? Sinon, vous renvoyez la question à la négociation collective. Apparemment, ce n'est pas un oubli, mais un choix. A la rigueur, on aurait pu dire qu'il existe un compte épargne-temps, dans lequel les partenaires mettront ce qu'ils voudront. Mais en fait on ne peut discuter dans le cadre de la convention de droits prévus par la loi. On exclut donc du domaine de la loi la référence à un ensemble de droits comme le repos compensateur, fait pour protéger la santé. On sait pourtant aujourd'hui que cela a des conséquences sur l'espérance de vie. Il en va de même pour le calcul du salaire. Vous faites passer dans le domaine de la négociation, donc du compromis, des droits qui relèvent aujourd'hui de l'ordre public social.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable. Ce type de précision peut faire l'objet de dispositions dans des accords collectifs, plus propres à refléter la diversité des situations.

M. le Ministre délégué - Pour cette raison, mon avis ne peut être que défavorable. J'évoquerai plus tard le plan « santé au travail » qui est en préparation et d'autres éléments de réflexion, car le Gouvernement est déterminé à faire de grands progrès dans ce domaine.

L'amendement 81, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Que deviennent les droits du salarié à son décès ? Votre dispositif maintient le flou complet sur le devenir de sa créance. La question de l'assurance est différente. En cas de décès, les droits ouverts ne relèvent plus seulement du droit du travail mais du droit civil pour les ayants droit. En différant la contrepartie de son travail, le salarié s'est créé un droit à l'égard de l'entreprise. Sur cet élément, on ne peut renvoyer à la négociation. La loi doit donc dire que si le salarié ne va pas jusqu'au bout du processus, cette créance existe. Le problème se pose également en cas de liquidation judiciaire. Mais pour le cas qui nous occupe, nous proposons, par l'amendement 74, d'écrire qu'en cas de décès du salarié, les droits acquis par lui dans le cadre du compte épargne-temps sont liquides et exigibles, ce qui protège les ayants droit.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable. Il s'agit certes d'une question essentielle. Mais elle est résolue au 11e alinéa, le décès constituant évidemment un cas de force majeure de rupture du contrat de travail.

M. le Ministre délégué - L'article premier prévoit déjà qu'en cas de rupture du contrat de travail - le décès du salarié en est un -, une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l'ensemble des droits acquis reste due. En cas de décès, l'indemnité doit donc être versée à la succession du salarié. Les droits stockés sont assimilés à des salaires et sont garantis par l'AGS, et au-delà par une assurance complémentaire que chaque entreprise devra souscrire. Nous prendrons un décret sur ce sujet.

Je souhaite donc le retrait de cet amendement. A défaut, avis défavorable dans la mesure où il est satisfait.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Monsieur le rapporteur, le décès ne constitue pas un cas de force majeure, celui-ci se caractérisant en droit civil par le fait qu'il permet de s'exonérer d'une obligation.

M. Hervé Novelli - C'est néanmoins un motif de rupture du contrat de travail !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - La disposition évoquée par le ministre est en retrait de notre amendement, qui pose clairement un principe auquel le juge pourra se référer. L'existence de cette disposition légale permettrait au conjoint, aux enfants du salarié décédé de connaître et réclamer leur dû.

M. Alain Vidalies - L'objectif semble partagé, mais il n'est pas sûr qu'il soit atteint dans la rédaction de la proposition de loi. C'est un problème de droit civil plus que de droit du travail.

Il est important de savoir s'il s'agit d'un droit, ou s'il faut demander la liquidation ; s'il s'agit d'une créance salariale, ou s'il s'agit d'une créance successorale, le délai de prescription étant de cinq ans dans le premier cas, et de trente ans dans le second. Dans une situation voisine, la liquidation de comptes d'épargne collective, l'article R. 443-12 du code du travail précise qu'en cas de décès de l'adhérent, il appartient aux ayants droit de demander la liquidation de ses droits. Si nous n'apportons pas de précisions, il reviendra à la Cour de cassation de définir une jurisprudence, mais, entre-temps, beaucoup de gens pâtiront de cette incertitude.

M. Hervé Novelli - C'est une question importante, mais la situation évoquée me paraît couverte par l'accord collectif (« Mais non ! » sur les bancs du groupe socialiste). En effet l'accord collectif « précise notamment les conditions dans lesquelles les droits acquis sont transférés ou liquidés lorsque le montant de ceux-ci dépasse un montant défini par décret ou en cas de modification, de rupture du contrat de travail ou de fermeture du compte par le salarié ». Or le décès est une rupture, certes dramatique, du contrat de travail.

Si nous adoptions cet amendement, il n'y aurait pas de raison de ne pas apporter des précisions de même nature dans les autres cas de modification ou de rupture du contrat.

M. le Ministre délégué - Les droits stockés sur le compte épargne-temps constituent une « créance certaine et exigible », qui se transmet selon les règles du code civil aux successeurs du salarié défunt. C'est pourquoi nous souhaitons le retrait de cet amendement, soucieux que nous sommes de suivre les recommandations qu'ont formulées M. Badinter puis récemment M. Mazeaud, en tant que présidents du Conseil constitutionnel, de ne pas surcharger les textes en écrivant en termes différents ce qui est déjà codifié. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le droit de la veuve ou des enfants n'est pas une créance salariale.

M. le Ministre délégué - Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C'est une créance purement civile, réglée dans le cadre de la succession. C'est pourquoi il est nécessaire de préciser dans la loi qu'il s'agit d'une créance « liquide et exigible ».

Mme Chantal Brunel - Il a raison !

M. Jean-Pierre Soisson - Proposant cet amendement, le groupe socialiste fait un pas important dans le sens de l'approbation du texte ; que cela lui plaise ou non, c'est un fait. Par ailleurs, ce problème ne sera réglé que par la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation. Pour ma part, je considère qu'il n'y a pas de danger majeur pour l'équilibre du texte à voter un amendement qui est de précaution.

M. Patrick Ollier - Sur le principe, nous sommes tous d'accord. Le texte adopté par la commission précise « qu'à défaut de dispositions d'une convention ou d'un accord collectif de travail prévoyant les conditions de transfert des droits d'un employeur à un autre, le salarié perçoit en cas de rupture du contrat de travail une indemnité monétaire correspondant à la conversion monétaire de l'ensemble des droits qu'il a acquis. » On ne peut être plus clair. Je ne vois donc pas où est le problème. Dès lors que le compte épargne-temps est monétarisé, la créance est bien certaine et exigible, comme l'a dit le ministre.

L'amendement 74, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Le Garrec - La démonstration juridique de notre collègue Le Bouillonnec a été excellente : elle a d'ailleurs convaincu au moins un membre de la majorité qui a voté cet amendement !

Il ne s'agit pas, Monsieur Soisson, d'entrer ou non dans la logique du texte mais, dès lors que celui-ci sera de toute façon voté puisque vous êtes majoritaires, nous jugeons utile de l'améliorer dans l'intérêt des salariés. La réponse du ministre tout à l'heure n'était pas satisfaisante et nous regrettons de n'avoir pas pu approfondir le débat, ce qui aurait peut-être permis de convaincre d'autres collègues de la majorité.

Mme Jacqueline Fraysse - L'article 2 de la loi Fillon de janvier 2003 a assigné au compte épargne-temps une nouvelle fonction en précisant qu'il peut servir au salarié non seulement à accumuler des droits à congé rémunéré, mais aussi à se constituer une épargne. Avec d'ailleurs les dangers et les incertitudes que cela comporte en matière de financiarisation de l'épargne retraite, d'alimentation des marchés financiers et des fonds de pension !

Notre amendement 19 lui donne une autre fonction en permettant aux salariés de plus de 50 ans désirant partir en retraite anticipée de l'utiliser à cet effet. Les Français n'acceptent toujours pas votre réforme des retraites, en particulier l'allongement de la durée de cotisation. Ceux qui ont commencé à travailler très tôt ont été très déçus par le décret qui devait leur permettre de partir en retraite avant 60 ans. Cet amendement corrigerait une anomalie et permettrait de satisfaire à une aspiration légitime des salariés, négligée lors de la réforme des retraites.

M. Alain Vidalies - Une fois encore, Monsieur Soisson, il ne s'agit pas d'approuver le texte mais seulement, comme il sera adopté, de l'améliorer !

Notre amendement 122 permettrait aux salariés de plus de 50 ans désirant cesser leur activité, de manière progressive ou totale, d'utiliser à cet effet leur compte épargne-temps. Beaucoup de salariés qui ont un travail pénible aimeraient travailler jusqu'à l'âge légal de la retraite, mais en réduisant leur activité. La mobilisation de leur compte épargne-temps leur permettrait de compenser la perte de rémunération. Ce serait une mesure très utile sur le plan social. Autant que l'autorisation d'utiliser le compte épargne-temps pour le rachat des années d'études, que proposera tout à l'heure le Gouvernement, comme le demandaient les organisations syndicales.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Ces amendements sont satisfaits.

M. le Ministre délégué - Je souhaiterais qu'ils soient retirés. Le Gouvernement fera en effet tout à l'heure une proposition issue de son dialogue avec les partenaires sociaux...

M. Alain Vidalies - Un peut tardif !

M. le Ministre délégué - ...permettant que le compte épargne-temps serve au rachat des années d'études.

L'amendement 19, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 122.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous souhaitons par notre amendement 83 empêcher que le dispositif du compte épargne-temps puisse porter atteinte au principe fondamental des congés payés, en particulier de la cinquième semaine. Les jours de congés payés ne doivent pas pouvoir être convertis en rémunération, immédiate ou différée.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement remettrait en question la philosophie même de la proposition de loi.

M. le Ministre délégué - Même avis. Le compte épargne-temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée. C'est à la convention ou à l'accord collectif de préciser son cadre d'utilisation.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Est-il raisonnable de laisser un salarié renoncer à sa cinquième semaine de congés payés ?

M. Richard Mallié - Et la liberté ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Si l'on considère cette cinquième semaine de congés indispensable à la santé, l'équilibre et l'épanouissement personnel du salarié, alors il faut empêcher qu'elle puisse être convertie en argent. Nous ne visons par là qu'à protéger le salarié.

A un moment ou un autre, accumuler des heures supplémentaires aura un effet sur la santé des salariés ou sur leur sécurité. Le législateur peut décider aujourd'hui de s'en laver les mains et dire « chacun fait ce qu'il veut », mais lorsqu'il a construit le système des congés payés, il n'a pas entendu simplement ouvrir des facultés, mais bien satisfaire à une obligation de protection des individus, y compris, le cas échéant, contre eux-mêmes.

M. Jean-Yves Chamard - On voit bien là ce qui distingue la droite de la gauche. Est-il raisonnable de laisser un salarié renoncer à sa cinquième semaine ? nous demande M. Le Bouillonnec. Pour nous, la confiance et la liberté fondent une grande partie de nos décisions... (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ...alors que vous faites preuve de défiance et optez pour la contrainte ! Vous pensez savoir ce qui est bien, et donc vous l'imposez !

La loi Robien, dont je suis l'un des auteurs, ouvrait une possibilité. Dès que vous êtes arrivés au pouvoir, vous avez transformé cette possibilité en obligation. Avec ce texte, nous revenons aux possibilités et aussitôt vous réagissez en voulant mettre des barrières, car vous pensez que l'employeur va abuser. Pour ma part, je suis fier d'être du côté de la liberté et de la confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gaëtan Gorce - Cette conception de la liberté est caricaturale. Si vous défendez celle de renoncer à sa cinquième semaine, défendez donc aussi celle d'en réclamer une sixième ! Mais, bien sûr, le salarié qui voudrait faire valoir cette liberté n'aurait pas gain de cause, car la sixième semaine n'est pas dans la loi. C'est donc bien une liberté à sens unique que vous défendez.

Nous ne prétendons pas connaître le bien, Monsieur Chamard, mais simplement définir les droits élémentaires des salariés, des droits concrets, normaux dans une société avancée qui produit de la richesse. Nous pensons en l'occurrence que dans une telle société, le droit normal à congé est de cinq semaines. Il en est ainsi depuis 1982. Ce sont des droits désormais considérés comme fondamentaux, qui ne sauraient devenir sujets de négociation, encore moins être échangés contre de l'argent.

Si nous dénonçons ce texte avec tant de véhémence, c'est précisément parce qu'il y a des notions d'ordre public social qui ne sont pas négociables. Alors que le droit au repos est une chose différente du droit à rémunération, vous créez une confusion entre les deux. A poursuivre ainsi, ce serait tout le droit du travail qui deviendrait monnayable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

L'amendement 83, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Je comprends que la cinquième semaine de congés payés ne plaise pas plus à l'UMP que les 35 heures, mais avec l'amendement 84, nous abordons une question encore plus grave, celle du repos compensateur. Au nom de la liberté, puisque c'est ce terme que l'on galvaude depuis le début de cette discussion, la majorité veut inciter les salariés à renoncer à une protection que lui garantit la loi : bénéficier d'un repos compensateur au-delà d'un certain seuil d'heures supplémentaires. Il ne lui suffit pas d'avoir relevé ce seuil de 130 à 180 puis à 220 heures, elle veut maintenant remettre en cause un mécanisme destiné à préserver la santé et la sécurité des salariés.

La majorité veut en effet que ce repos compensateur puisse être transformé en argent. Et alors que le repos compensateur devait être pris dans un délai de deux mois, il n'y aurait désormais plus de délai ! Vous devez bien sentir vous-mêmes que vous allez trop loin ! Au nom de la liberté, faut-il permettre au salarié de mettre sa santé au danger ? Voulez-vous aussi lui donner la liberté de boire au travail ? Voulez-vous rétablir la liberté de conduire aussi vite que l'on veut ?

Je le répète : les droits fondamentaux ne sont pas des valeurs monnayables.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Il s'agit ici de diversifier les modes d'alimentation du CET. D'ailleurs le projet Aubry II avait prévu cette possibilité.

M. Gaëtan Gorce - Pas du tout.

M. le Rapporteur - Pour le reste, les règles de protection de la santé des salariés subsistent - repos quotidien, hebdomadaire, maxima hebdomadaires et congés annuels.

M. le Ministre délégué - Le repos compensateur est né en 1976, non pour des raisons de santé au travail mais de la volonté, face à la montée du chômage, de réduire les heures supplémentaires. C'était aussi une façon de les « toiser ».

Puisque M. Le Garrec a fait référence à cet excellent auteur qu'est Philippe Askenazy, je vous renvoie à quelques réflexions tirées de son livre Les désordres du travail. Il faut se demander avec lui pourquoi les Etats-Unis, où la moyenne d'heures travaillées est supérieure de 300 unités à celle de la France, ont moins de 8 000 accidents du travail par jour - alors que nous en déplorons 2 000 par jour, ce qui est aussi inacceptable que l'insécurité routière - et ont réussi, grâce à un plan fédéral sur dix ans, à abaisser de 40% leur nombre d'accidents du travail.

Que ce soit dans la France de la décennie 90, nous dit Philippe Askenazy, ou aux Etats-Unis quelques années auparavant, « l'arrivée du productivisme réactif, qui s'annonçait comme un enrichissement, voire comme une forme d'émancipation par rapport au modèle tayloriste, s'est accompagnée en réalité d'une dégradation des conditions de travail et d'une intensification de celui-ci. » Cela rejoint les observations de la Dares sur ces ouvrières qui considèrent à 41%, que le stress est aujourd'hui plus fort qu'avant. Cela rejoint aussi ce que disait Dominique Strauss-Kahn à Davos en 1998 : « les 35 heures ne créeront des emplois qu'à condition que la compétitivité des entreprises ne soit pas compromise par cette proposition. En échange de quatre heures de temps libre, les salariés doivent accepter soit un quasi gel des salaires pendant plusieurs années, soit une plus grande flexibilité du travail dans l'entreprise »

Philippe Askenazy pose aussi la question suivante : après l'échec en termes de bien-être au travail de la RTT, peut-on connaître en France et en Europe un miracle à l'américaine ?

Ce sont des questions qui nous ont guidés pour élaborer le plan de santé au travail, auquel je me suis attelé dès ma prise de fonctions et que le Gouvernement présentera le 17 février prochain à la Commission supérieure de prévention des risques professionnels. Nous voulons éviter de nouveaux drames comme celui de l'amiante mais aussi nous inscrire dans une démarche au quotidien pour réduire nous aussi notre taux d'accidentologie. On peut défendre la cinquième semaine pour des raisons sociales

Mais assimiler cette question à la problématique de la santé au travail est une erreur. Car cette problématique implique une autre approche, globale, des conditions de vie, tout au long de la vie ; elle met en jeu les problèmes des seniors, de la pénibilité. C'est un nouveau regard sur l'organisation des entreprises. Et ce regard, la présente proposition propose aussi, d'une certaine façon, de l'améliorer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Le Garrec - Nous avons les mêmes lectures, Monsieur le ministre, et les mêmes préoccupations. J'ai eu l'occasion, sur le plan professionnel, de travailler sur ces méthodes américaines dans le cadre de mon ancienne entreprise : le « juste à temps », l'enrichissement des tâches, la pluriactivité, etc. J'ai pu en mesurer le risque, et le stress. De même je me suis beaucoup occupé des conséquences désastreuses pour la santé au travail dans beaucoup d'entreprises, du plan amiante, et d'autres sujets. J'admets volontiers certaines critiques sur les 35 heures, je n'ai jamais pensé qu'elles répondaient à tous les problèmes. Si vous relisiez mes interventions de l'époque, vous verriez que j'ai posé le problème des risques d'aggravation de la pénibilité du travail. J'aimerais que M. Chamard évite des discours de préau d'école, avec la confiance d'un côté et la règle de l'autre : ces banalités n'enrichissent pas le travail parlementaire. Mais le problème est réel, et montre bien qu'en France nous sommes très en retard dans notre perception de l'évolution du travail. Je rappelle à M. Chamard que M. de Robien avait ouvert une piste, sur laquelle j'ai beaucoup travaillé. Elle était intéressante, mais il aurait fallu vingt ans pour qu'elle ait un effet significatif. Mais revenons à notre amendement, Monsieur le ministre. Nous n'avons jamais dit que le repos compensateur était la réponse absolue. Les études d'Askenazy sont très intéressantes. On pourrait d'ailleurs ajouter au stress les MTS. Mais il y a au moins une précaution à prendre : c'est de ne pas augmenter la durée du travail en créant la tentation de supprimer les repos compensateurs. Evitons de créer des conditions plus contraignantes, et de jouer avec les temps de repos indispensables ; et par ailleurs débattons au fond des risques professionnels et de la santé au travail.

M. Gaëtan Gorce - Le rapporteur dit que la loi Aubry avait déjà prévu ces dispositions. Il n'en est rien : M. Morange fait une confusion avec le repos compensateur de remplacement. D'autre part, comme Jean Le Garrec, je trouve paradoxal de vouloir régler un problème en augmentant la durée du travail et en rendant plus compliquée la situation des salariés.

L'amendement 84, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - M. Chamard croit discerner la liberté d'un côté, la règle de l'autre. C'est une conviction philosophique et politique qui s'arrête quand elle atteint votre cible électorale privilégiée... Car le cadre est magnifique, sauf si l'on veut l'appliquer à la loi Royer sur la liberté d'installation du commerce et de l'artisanat, ou aux professions protégées !

M. Hervé Novelli - Je suis d'accord...

M. Alain Vidalies - Bref, il faut se méfier des grands principes quand on a tant de difficulté à s'y tenir dans l'application. Respectons-les comme des valeurs, mais n'en faisons pas un sujet de confrontation politique.

Notre amendement 106 concerne une question de fond, qui touche au principe même des 35 heures et de votre proposition. Dès lors que les jours de repos peuvent être portés sur un compte, il faut en préciser l'utilisation. On ne voit pas la cohérence qu'il y aurait à mettre les compensations RTT sur un compte dit « épargne-temps » si c'est pour ensuite les transformer en argent ! Si tel est l'objectif, autant les payer directement, ou recourir aux formules existantes de capitalisation collective dans les entreprises. Tout cela ne recouvrirait-t-il pas un objectif de détournement du compte épargne-temps ? Le rapporteur nous a apporté une réponse sur les cotisations sociales qui, semble-t-il, seraient immédiatement payées au moment de la libération. Reste une autre question : est-ce que dans tous les cas la sortie monétarisée entraînera le paiement des cotisations ? Ou existe-t-il un habillage possible, qui permettrait le paiement au salarié tout en évitant le paiement des cotisations ? J'attends une réponse précise sur ce point.

M. le Rapporteur - Avis défavorable sur l'amendement 106. Je réaffirme que les cotisations sociales sont dues dans tous les cas. Pour le reste, les modalités de liquidation seront définies par l'accord collectif de branche ou d'entreprise.

M. le Ministre délégué - Je confirme ce que vient de dire le rapporteur. Le principe de choix de l'utilisation du compte épargne-temps doit rester intact. L'accord collectif encadre déjà ce choix. Il est inopportun de décider à la place du salarié s'il doit prendre un congé différé ou liquider ses jours épargnés pour faire face à un besoin financier immédiat. Nous ne pouvons donc être favorables à l'amendement.

M. Gilles Cocquempot - Je voudrais faire remarquer à M. Chamard que nous connaissons une grande mutation depuis plusieurs années. Je vous renvoie à une très bonne analyse de Laurent Mauduit parue aujourd'hui dans Le Monde. Pour lui, les mutations du capitalisme européen et notamment français depuis la fin des années 90 confortent les effets de la désinflation compétitive : au capitalisme rhénan se substitue le modèle anglo-saxon, et les grandes entreprises françaises en copient les mœurs financières : stock options, priorité au profit pour l'actionnaire. Pour les salariés, poursuit-il, la modération salariale reste la règle, d'autant que ce nouveau capitalisme va de pair avec l'accélération de la dérégulation sociale : emploi précaire, temps partiel, etc. On voit ainsi se développer le phénomène des « travailleurs pauvres ». Les bas salaires - définis comme inférieurs aux deux tiers des salaires médians - sont passés de 11,4% en 1983 à plus de 16% vingt ans après...

J'appelle également l'attention de M. Chamard sur un article de La Voix du Nord - journal apprécié par le Président de la République, puisqu'il y a un jour annoncé sa candidature... D'après des données de l'OCDE, au Royaume-Uni il n'y a pas de durée légale du travail ; la durée habituelle est de 43,3 heures. Il existe dans ce pays un système de dérogation générale qui permet à tout salarié de dépasser les 48 heures par semaine ; il suscite d'ailleurs de nombreux litiges. Il en va de même au Japon.

L'amendement 106, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 107 tend à maintenir la limite maximale en vigueur de jours de congé ou de repos, soit vingt-deux jours, pouvant être affectés au compte épargne-temps par an. Préserver ce droit fondamental du salarié répond à un souci que nous partageons tous : la santé du salarié.

M. le Rapporteur - Avis défavorable pour les raisons déjà développées tout à l'heure.

M. le Ministre délégué - Avis également défavorable. Cet article premier n'impose pas au salarié de renoncer à ses congés ; il rend possible, dans le cadre d'un accord, de différer un congé, par exemple, pour un temps de formation.

Un mot sur les chiffres de la pauvreté. Selon les statistiques de l'INSEE, il y avait 4,89 millions de personnes pauvres en 1996 ; 3,965 en 1997 ; 3,806 millions en 1998 ; 3,641 en 1999 ; 3,742 millions en 2000. Cette réalité doit être traitée dans le cadre d'une politique globale. Ces chiffres, nous devons les porter collectivement et ne pas nous les jeter au visage. Le plan de retour à l'emploi, la création d'équipes éducatives auprès des tout-petits et la différenciation en fonction des situations mis en place par le plan de cohésion sociale visent à apporter une réponse à ces préoccupations. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Le Garrec - J'apprécie que nous débattions du compte épargne-temps en le replaçant dans un contexte plus large.

Monsieur le ministre, me souvenant de la loi sur l'exclusion, je reproche à votre gouvernement d'avoir supprimé les outils que nous avions mis en place, et qui commençaient à porter leurs fruits à l'égard des jeunes et en matière de retour à l'emploi.

M. Hervé Novelli - Ça n'était pas un triomphe !

M. Jean Le Garrec - Sur ce terrain, il faut au moins un an à un an et demi pour juger de l'efficacité d'une procédure. En trois ans, vous avez démoli le travail de vos prédécesseurs. Les outils que vous avez mis en place, le CIVIS ou encore le plan de retour à l'emploi, ont échoué. Je ne doute pas de votre bonne volonté mais trois ans de perdus en matière de politique sociale, cela coûte cher !

L'amendement 107, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 51 vise à supprimer une partie de la réécriture de l'article L. 227-1 du code du travail.

Depuis sa création, le compte épargne-temps est la propriété du salarié. Il a le pouvoir d'en décider l'ouverture, l'alimentation et l'utilisation. Notre rapporteur a lui-même souligné que le compte épargne-temps doit être « bien compris comme un instrument pour gérer son temps de travail ».

Or la réécriture proposée accorde à l'employeur un droit d'utilisation du compte épargne-temps. C'est une brèche sans précédent ! Autrement dit, vous transformez le compte épargne-temps en une variable d'ajustement de la flexibilité du travail pour l'employeur. C'est bel et bien un nouveau gage donné au patronat au détriment des salariés. Vous ne parviendrez pas à me convaincre que c'est un progrès. On ne monte pas au plafond, on descend en dessous du plancher pour tomber dans la cave !

M. Alain Vidalies - Par l'amendement 108, nous abordons de nouveau l'importante question du changement des droits des salariés, de la nouvelle approche du compte épargne-temps.

Après avoir refusé de maintenir dans le texte de l'article L. 227-1 l'expression de la volonté du salarié, vous allez encore plus loin puisque, de sa seule initiative, l'employeur pourra décider d'affecter des heures supplémentaires sur le compte épargne-temps. Vous prétendez améliorer le texte existant alors qu'en réalité vous en changez profondément la nature. C'est la première fois que l'employeur, après exécution du travail par le salarié au-delà de l'horaire réglementaire, pourra affecter les droits acquis par ce travail sur un compte épargne-temps !

Non content de ne plus garantir la liberté de l'employé d'effectuer ou non des heures supplémentaires, vous supprimez le cadre autrefois fixé par l'article L. 7-1, la référence à la négociation collective et le nombre limite de jours pouvant être affectés sur le compte épargne-temps ! Vous revenez au système de la corvée avec le travail obligatoire non payé du lundi de Pentecôte, et à celui du métayage avec le travail obligatoire non rémunéré avec affectation obligatoire sur le compte épargne-temps. Nous sommes loin de la modernité et de la liberté ! Cela a été amplement souligné par les organisations syndicales. Si vous aviez abandonné cela, la lecture de votre proposition de loi aurait été différente.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable dans la mesure où cette possibilité existe déjà dans les faits (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Certes la référence à un nombre total de quinze jours a été supprimée mais le huitième alinéa de l'article montre bien que l'esprit reste le même car c'est par une convention ou un accord collectif, ou convention ou accord d'entreprise, que les conditions dans lesquelles les heures affectées sur le compte épargne-temps sont fixées.

La convention ou l'accord collectif doit préciser notamment les modalités selon lesquelles les jours affectés sur le CET peuvent être utilisés à titre individuel ou collectif. Et je souhaite compléter mon propos par la lecture de la circulaire d'application de la loi Aubry II...

M. Maxime Gremetz - Ce n'est jamais de bon augure ! (Murmures sur divers bancs)

M. le Rapporteur - Que dit-elle ? « L'accord peut prévoir que les bonifications, majorations ou repos compensateurs de remplacement afférents à ces heures alimentent le CET. Cette modalité de gestion du temps de travail permet donc à un accord collectif de prévoir une affectation collective d'heures de travail sur le CET. L'utilisation des ces heures peut également suivre les mêmes règles, permettant ainsi à l'entreprise de faire face à des périodes de baisse d'activité et lui évitant de recourir éventuellement au chômage partiel ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Votre rapporteur vous dévoile tout : en fait, la proposition de loi s'inspire de la circulaire Aubry ! Plus sérieusement, l'esprit est bien de renvoyer à l'accord collectif la fixation des modalités d'alimentation et d'utilisation du CET. Oui, nous avons une différence d'approche sur ce sujet. Le Gouvernement est en accord avec l'inspiration des auteurs de la proposition de loi.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Nous avions cru le remarquer !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Dans tout ce qui a été lu, l'initiative de l'employeur n'est jamais évoquée. Le fait que l'employeur puisse lui-même décider, par la contrainte, d'alimenter le CET du salarié est inquiétant. C'est exactement la même inspiration qui a conduit à modifier les règles du droit du travail dans la loi de cohésion sociale, en ouvrant la possibilité pour l'employeur de procéder à un licenciement économique lorsqu'il y modification d'un élément essentiel - et non plus substantiel - du contrat de travail. Petit à petit, on appauvrit le socle de protection du salarié. Dans le présent dispositif, quelle est la marge de manœuvre laissée au salarié ? De quelle manière va-t-il exercer la fameuse « liberté » que vous évoquez depuis trois jours ? Va-t-il être en mesure de refuser sans s'exposer au licenciement, pour faute réelle et sérieuse ou pour motif économique ? Cela renvoie à la démarche fallacieuse du Gouvernement, qui, dans la loi de cohésion sociale, a fait commencer la nuit à minuit - au lieu de vingt heures auparavant - et intégré le trajet dans le temps de travail. Le socle du rapport de travail s'en trouve profondément bouleversé.

Les amendements 51 et 108, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies - Notre amendement 109 procède de la même inspiration...

M. Patrick Balkany - Est-il bien nécessaire de développer ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Le Garrec - Merci de nous rejoindre à cette heure tardive !

M. Alain Vidalies - La différence de rédaction essentielle entre l'article L. 227 tel qu'il existe aujourd'hui et celui que vous nous proposez aujourd'hui est la suivante : les cas de figure envisagés pour alimenter le CET sont pour partie identiques mais la rédaction actuelle évoque en premier lieu le choix du salarié, fait référence ensuite à l'accord collectif et mentionne enfin que l'alimentation est soit prévue conjointement dans l'accord, soit résulte du choix exclusif du salarié. Vous présentez les choses d'une manière totalement différente puisque vous supprimez toute référence au choix du salarié, pour distinguer ensuite le cas où il décide lui-même d'alimenter le compte et celui - totalement inédit - où il reviendra à l'employeur de le faire. C'est sans précédent ! Et ne nous dites surtout pas que cela renvoie à l'accord collectif, lequel n'est évoqué que dans la suite du texte. Pour que les praticiens et les juges ne s'y trompent pas, vous avez bel et bien choisi d'identifier le cas de figure tout à fait particulier où seule la volonté de l'employeur s'imposera. Pas la peine dans ces conditions de nous renvoyer à la lecture des lois ou de la circulaire Aubry, lesquelles se situaient dans un contexte tout différent et ne retenaient jamais la possibilité d'une décision unilatérale de l'employeur.

L'amendement 109, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Chamard - Nous en avons un peu assez de recevoir des leçons de morale de la gauche ! De quel droit vous présentez-vous en gardiens de l'ordre public social et en détenteurs exclusifs de la vérité en ces matières ? Qu'il s'agisse des problèmes économiques ou sociaux, de la maîtrise de l'inflation à la lutte contre l'insécurité, vous n'avez pourtant pas connu de réussites particulièrement remarquables ! Alors, la pensée unique de la gauche, ça suffit ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Le Garrec - Je suis heureux que M. Chamard ait pu décompresser : c'est sans doute excellent pour sa santé ! Prenons son intervention pour du repos compensateur. (Sourires) Comme l'a brillamment démontré M. Vidalies, le fait de laisser à l'employeur l'initiative d'alimenter le CET constitue une attaque sans précédent contre l'ordre public social. C'est la poursuite du démembrement total de notre système de garanties.

M. Maxime Gremetz - Cette discussion me rappelle les nuits merveilleuses que nous avons vécues il n'y a pas si longtemps, lors de la discussion de la loi de Robien. Sur le coup de deux heures du matin, nous avions vu surgir un amendement Chamard tendant à défendre la réduction du temps de travail...

M. Jean-Yves Chamard - Choisie, pas imposée !

M. Maxime Gremetz - Malheureusement, à cette époque, Mme Aubry était d'accord avec vous et avec M. de Robien. Moi pas tout à fait.

L'amendement 109, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 150 et 110 sont en discussion commune.

M. Gaëtan Gorce - Notre amendement 150 précise qu'on ne peut affecter au compte épargne-temps le repos compensateur attaché aux heures supplémentaires. C'est une protection minimum. Notre amendement 110 affirme que les heures supplémentaires affectées au compte épargne-temps s'imputent sur le contingent d'heures supplémentaires et sont rémunérées comme telles. Par un tour de passe-passe, vous permettez à l'employeur de différer la rémunération et de payer moins qu'il ne le devrait, ainsi que de dépasser le contingent de 220 heures supplémentaires.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable. En réponse à une question orale, M. Larcher a énoncé solennellement ce principe et c'est le droit aujourd'hui en vigueur suite à la circulaire d'application de la loi Aubry II du 3 mars 2000. Il va de soi qu'en l'absence de dispositions écartant explicitement les règles relatives aux heures supplémentaires, elles s'appliquent. Il n'y a pas lieu de surcharger le texte.

M. le Ministre délégué - Les heures supplémentaires affectées sur le contrat épargne-temps à l'initiative de l'employeur sont bien, juridiquement, des heures supplémentaires auxquelles s'applique le droit commun. C'est dans le cadre conventionnel que l'employeur a le droit de les affecter ainsi. Cette pratique, qui existe dans la métallurgie, a permis d'éviter le chômage partiel. C'est dans cet esprit que nous envisageons les accords.

M. Jean-Pierre Soisson - Effectivement, cette procédure est utilisée par l'UIMM et elle a été autorisée par Mme Aubry, qui a donc été la première à faire ce que vous appelez un tour de passe-passe. Les « dérives » découlent de la circulaire du 3 mars 2000.

M. Hervé Novelli - Eh oui !

M. Jean-Pierre Soisson - Ni vous ni nous n'y avons été assez attentifs à l'époque. Ce que vous appelez dérives sont pour nous des avancées. Si Mme Aubry puis tous les ministres du travail sont allés dans cette voie, c'est pour limiter le chômage partiel. Vous menez un combat d'arrière-garde. Relisez donc Mme Aubry, c'est la bible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Le Garrec - Monsieur Soisson, mon amitié avec Mme Aubry ne m'a pas empêché d'être parfois en désaccord avec elle. Sur ce point je reconnais que notre vigilance n'a pas été à la hauteur de l'enjeu. Mais qui n'a jamais commis d'erreur, n'est-ce pas, Monsieur Gremetz ?

M. Maxime Gremetz - J'en ai commis beaucoup ! (Rires)

M. Jean Le Garrec - Aussi aujourd'hui avertissons-nous le Gouvernement...

M. Maxime Gremetz - Pour l'aider.

M. Jean Le Garrec - Qu'il ne commette pas la même erreur. Par ma voix et celle de M. Soisson, opposition et majorité le lui demandent.

Les amendements 150 et 110, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies - Je précise d'abord que l'acte de contrition de M. le Garrec n'engage pas le groupe.

M. Jean-Pierre Soisson - Vous-même n'avez pas toujours été d'accord avec Mme Aubry.

M. Alain Vidalies - Il m'est certes arrivé d'être en désaccord avec le ministre du travail d'un gouvernement que je soutenais... (sourires)

Notre amendement 111 précise que les sommes et droits versés par l'employeur sur le compte épargne-temps ne peuvent se substituer à aucun des éléments de rémunération, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. Dans les autres formes d'abondement par l'employeur, il existe une disposition de ce type, qu'il s'agisse du plan d'épargne entreprise ou du plan interentreprises. Le juge retiendra que, dans ce cas, son absence est délibérée. Mieux vaut le parallélisme des formes.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable. Il va sans dire que cette affectation au compte épargne-temps se fait sans préjudice des obligations souscrites dans le contrat individuel. L'accord collectif y veille.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable. L'employeur n'est pas autorisé à affecter au compte épargne-temps les augmentations de salaire ou compléments de salaire de base. L'abondement ne peut porter que sur des droits complémentaires, non un élément de la rémunération.

Dès lors, l'absence de précision dans le dispositif que vous instituez va nécessairement entraîner des contestations. A l'article L. 443-7, qui concerne les versements à un plan d'épargne d'entreprise ou à un plan d'épargne pour la retraite, le dernier alinéa précise bien que « les sommes versées par l'entreprise ne peuvent se substituer à aucun des éléments de rémunération ».

L'amendement 111, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Monsieur le président, compte tenu du bon déroulement de nos travaux, j'ai l'honneur de vous demander, au nom du groupe socialiste, une pause de quinze minutes.

M. le Président - Elle me paraît légitime.

La séance, suspendue le vendredi 4 février à 0 heure, est reprise à 0 heure 25.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 112 vise à supprimer le sixième alinéa de l'article L. 227-1 du code du travail. Les augmentations de salaire et les compléments du salaire de base ne peuvent pas être affectés au compte épargne-temps, notamment à l'initiative de l'employeur. Cela serait contraire à la préoccupation des salariés de voir augmenter leur pouvoir d'achat et risquerait de rendre totalement virtuelles les augmentations de salaire.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La possibilité d'affecter au compte épargne-temps une fraction des augmentations individuelles de salaire ainsi que les sommes versées dans les conditions définies à l'article L. 444-6 du code du travail n'est pas nouvelle. Notre texte dispose en outre expressément que l'abondement peut être effectué à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Enfin, l'amendement 152 à venir du Gouvernement, qui complète le sixième alinéa par les mots « à l'initiative du salarié » après les mots « notamment par l'affectation », répond à la préoccupation de nos collègues.

M. le Ministre délégué - Nous partageons l'analyse du rapporteur. La possibilité pour l'employeur d'abonder le compte épargne-temps n'est pas une novation. Ouverte par la loi du 25 juillet 1994, elle n'a jamais été supprimée depuis.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - On ne sait plus trop ce que le salarié va avoir sur son compte : parfois du temps, parfois de l'argent. On ne sait plus très bien non plus comment ces heures seront payées. Sur quelle base ? Au-delà de quel contingent ? Le texte devient vraiment flou. A quel moment le salarié d'une PME pourra-t-il récupérer le travail effectué ? Comment et à quel taux ?

L'amendement 112, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - L'idée qu'une partie des augmentations de salaire et des compléments du salaire de base soit affectable au CET est acceptable à la seule condition que cette décision relève exclusivement du salarié. Sans quoi on fausse complètement la relation employeur-employé et la négociation qu'ils ont sur les conditions de rémunération. Dans cette négociation, il ne faut pas que l'employeur puisse se servir de la perspective d'une telle affectation ni comme une promesse ni comme une menace. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 113, de supprimer les mots « par l'employeur » dans le sixième alinéa de l'article L. 227-1.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. le Ministre délégué - Avec votre permission, Monsieur le président, je répondrai en présentant l'amendement 152 du Gouvernement, qui précise que l'affectation sur le CET d'augmentations ou de compléments de salaire se fait à l'initiative du salarié.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Dans ces conditions, pourquoi écrire au début de l'alinéa que « la convention ou l'accord collectif peut prévoir en outre que ces droits peuvent être abondés par l'employeur ou par le salarié, notamment par l'affectation... » ? Il faut écrire : « ...que ces droits peuvent être abondés par l'affectation, à l'initiative du salarié, des augmentations ou des compléments du salaire de base... »

L'amendement 113, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Votre avis sur le 152, Monsieur le rapporteur.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. le Président - Je le mets aux voix...

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Nous n'avons pas pu nous exprimer !

M. Alain Vidalies - En effet, le ministre m'a répondu en présentant son amendement, mais vous n'en aviez pas appelé la discussion.

M. le Président - Si vous souhaitez intervenir, levez la main.

M. Alain Vidalies - Je ne crois pas qu'il soit de bonne méthode d'écarter le 113 pour adopter le 152, d'autant, Monsieur le ministre, que vos explications sont davantage en cohérence avec notre amendement qu'avec le vôtre, qui crée une contradiction interne au sein de l'article L. 222-7 en parlant d'abord de « l'employeur ou du salarié » puis seulement du salarié. Il faut que nous examinions les conséquences de la nouvelle rédaction, car elle recèle soit une erreur, soit une ambiguïté derrière laquelle je ne sais ce qui se cache.

Demain il faudra interpréter la loi. Et c'est une règle majeure en ce domaine que de choisir, entre deux interprétations possibles, celle qui donne un sens au texte au détriment de celle qui ne lui en donne aucun. Comme la rédaction que vous allez adopter est incohérente, les gens qui devront l'interpréter chercheront ce qu'a été la volonté du législateur. Or la première phrase pose le principe, alors que la seconde introduit une exception... L'interprétation qui prévaudra est donc contraire aux intentions formulées par M. le ministre en soutenant l'amendement 152. Donc, ou bien il y a erreur, et elle peut être rectifiée ; ou bien on ne nous a pas donné les vraies explications.

L'amendement 152, mis aux voix, est adopté.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement. Le groupe socialiste aborde cette discussion, depuis le début, avec le souci d'aller au fond des problèmes, avec sérénité, sans provocation ni polémique. Or nous obtenons rarement des réponses du Gouvernement. Le texte qui vient d'être voté comporte une contradiction interne : on pouvait donc espérer que le Gouvernement aille plus loin dans l'explication. Je suis contraint de demander une suspension pour permettre au Gouvernement de revoir sa stratégie dans ce débat.

M. le Président - Nous avons déjà eu une suspension de 25 minutes. Je suspends brièvement.

La séance, suspendue à 0 heure 45, est reprise à 0 heure 50.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Notre amendement 115 a pour objet de modifier le septième alinéa de l'article L. 227-1 du code du travail. Il est intéressant de noter que sa rédaction est celle-là même que nous proposions pour le sixième alinéa, puisqu'il dispose : « La convention ou l'accord collectif définit les conditions dans lesquelles les droits affectés sur le compte épargne-temps sont utilisés, à l'initiative du salarié » - vous le voyez : il était simple d'utiliser ces derniers mots au sixième alinéa, et nous étions d'accord... Il est étonnant que vous ayez refusé cette proposition rédactionnelle, alors que le texte voté par l'Assemblée comporte une contradiction. Quant à l'amendement 115, il tend à insérer au septième alinéa, après les mots « soit pour compléter la rémunération de celui-ci », « sur la base du salaire perçu au moment de l'utilisation des droits affectés indexé sur l'évolution de l'indice national des prix à la consommation et complété par les majorations appliquées aux heures de travail supplémentaires ». Il s'agit de parer à une difficulté non résolue qui affecte la compréhension du texte, et demain son application. Car le compte épargne-temps ne doit pas avoir pour objet de permettre une rémunération du travail effectué par le salarié et des droits qui y sont attachés à un taux inférieur au salaire normalement perçu lors de l'utilisation de ses droits affectés. Sans quoi il y aurait rupture d'égalité : le produit du travail ayant donné lieu à une créance, celle-ci serait servie plus tard avec une valeur inférieure.

M. Pierre-Christophe Baguet - Notre amendement 86 tend à insérer au septième alinéa, après les mots « sont utilisés », les mots : « sur la base du salaire perçu au moment du versement des droits ». Ce sentiment est assez partagé, y compris par notre rapporteur, puisqu'il écrit page 51 de son rapport que cette formulation « a disparu, dans un souci de simplification. Il va sans dire qu'elle sera utilement reprise dans le texte de la convention collective ». Mais dans ce cas pourquoi ne pas la reprendre dans l'article 227-1 ?

M. le Rapporteur - Il me paraît en effet nécessaire, comme je l'ai expliqué en commission, dans un souci d'allégement du texte et de souplesse pour les entreprises, de laisser à la convention collective le soin de prévoir de telles dispositions. Les formules de revalorisation des droits devront logiquement être différentes selon qu'elles seront comptabilisées en temps ou en argent. Dans le premier cas, de facto, la conservation des droits acquis implique que leur valorisation suive l'évolution du salaire du bénéficiaire, alors que dans le second on peut imaginer une garantie de revalorisation indiciaire, comme il est d'ailleurs prévu dans un certain nombre d'accords collectifs, notamment celui de l'UIMM. Les accords collectifs traitent de cette question en fonction des modes d'alimentation et de sortie du compte épargne-temps qu'ils privilégient.

M. le Ministre délégué - Je rappelle que le compte épargne-temps peut être complété par des versements en argent, effectués soit par l'employeur, soit par le salarié, qui peut notamment décider d'affecter une part de ses rémunérations, naturellement sur la base du volontariat. Je pense qu'il appartient aux partenaires sociaux de fixer les conditions de valorisation des droits épargnés sur le compte épargne-temps. Ils pourront alors se référer au niveau des salaires au moment de l'utilisation du compte, ou fixer un taux de valorisation, voire panacher ces deux systèmes. C'est pourquoi je souhaite le retrait de ces amendements, et à défaut leur rejet.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je maintiens l'amendement 115 en soulevant un problème important : tel que vous le rédigez, Monsieur le ministre, le septième alinéa laisse-t-il ou non au dialogue social la possibilité de ne pas intégrer la revalorisation de la créance au moment où elle est liquidée ? Si c'est le cas, dites-le. Car rien dans l'article ne dispose qu'on devra prévoir une revalorisation. Quand M. Morin propose d'ajouter « sur la base du salaire perçu au moment du versement des droits », il vise bien le même problème que nous, que votre article ne prévoit pas. J'engage donc M. Baguet à maintenir son amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je ne fais pas la même interprétation de la réponse de M. le ministre. Il laisse aux partenaires sociaux le choix de la revalorisation de la créance. L'amendement 86 est donc retiré.

M. Jean-Pierre Soisson - Contrairement à l'amendement de M. Morin, la rédaction de l'amendement 115 n'est pas acceptable. Inscrire une clause d'indexation dans la loi est ce que nous cherchons à éviter depuis des années ! La réponse de M. le ministre satisfait votre amendement.

L'amendement 115, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Par l'amendement 114, nous précisons que les droits du compte épargne-temps seront utilisés à la seule initiative du salarié.

Vous avez modifié les conditions d'alimentation du compte épargne-temps, y compris avec une alimentation forcée décidée par le seul employeur. Il ne manquerait plus que le salarié soit obligé de demander l'autorisation à son employeur d'utiliser le compte épargne-temps ! Le lien de subordination entre l'employeur et l'employé ne se limiterait plus aux conditions d'exécution du travail mais aussi aux conditions d'utilisation de la rémunération. Cela va au-delà de tout ce que nous avons connu dans le droit du travail !

M. le Rapporteur - Avis défavorable car cette précision est inutile. Cet alinéa traite bien de l'utilisation des droits affectés à l'initiative du salarié. L'utilisation des droits affectés à l'initiative de l'employeur est abordée au neuvième alinéa.

M. le Ministre délégué - Cette précision n'enrichit pas le texte d'une manière déterminante, avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous ne sommes pas en train de créer le droit positif mais les conditions dans lesquelles l'accord collectif ou la convention définit les conditions d'utilisation du compte épargne-temps ! Dire aux partenaires sociaux que l'accord collectif ou la convention définit les conditions dans lesquelles les droits affectés sur le compte épargne-temps sont utilisés à l'initiative du salarié ou à la seule initiative du salarié, est une précision importante.

L'amendement 114, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Par l'amendement 116, nous souhaitons maintenir l'annualisation du compte épargne-temps. Vous avez déjà élargi la possibilité d'alimenter le CET par des éléments qui font aujourd'hui partie de la rémunération du salarié, telles les augmentations auxquelles le salarié a naturellement droit. Si l'on ne fixe pas de limite, toutes les augmentations, in fine, pourraient être affectées au compte épargne-temps.

Le véritable paysage de cette proposition de loi se dessine : l'assouplissement du compte épargne-temps est le moyen que vous avez trouvé pour remettre en cause les 35 heures. Ceux qui vous ont vendu cette réforme sont même allés plus loin : le compte épargne-temps alimentera, pour partie, les fonds de pensions. Ils ont définitivement légitimé, avec un certain génie, le recours aux fonds de pensions. Ce point semble avoir échappé aux commentateurs comme au rapporteur. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur - Notre avis est défavorable. Il convient de préserver une certaine souplesse afin que les grandes entreprises et les PME puissent disposer librement de leur trésorerie. Du reste, cela restreindrait la liberté du salarié désireux de liquider totalement son compte à un moment donné.

M. le Ministre délégué - Le rapporteur a tout dit ! Les versements annuels peuvent être d'un montant très différent, la souplesse est nécessaire. Avis défavorable.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Encore une contradiction de plus ! Si j'ai bien compris la philosophie de ce texte, une entreprise peut choisir d'alimenter le compte épargne-temps selon son bon vouloir et, comme l'a dit le Premier ministre dans son discours du 9 janvier, le salarié pourra « travailler plus pour gagner plus ».

Si une entreprise a eu des besoins supplémentaires d'activité, elle a eu des gains de productivité supplémentaires. A quel moment le salarié pourra-t-il récupérer ces gains ? Le respect du droit du salarié doit être, au minimum, maintenu. Il doit bénéficier des gains de son travail au cours de l'année !

L'amendement 116, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - L'amendement 117 vise à supprimer la possibilité d'utiliser le compte épargne-temps pour alimenter les formes particulières d'épargne, définies par les articles L. 443-1 et L. 443-1-2 et L. 911-1, qui modifie profondément le sens du compte épargne-temps. Il suffit de relire la définition du plan d'épargne d'entreprise à l'article L. 443-1 pour s'en convaincre.

Parfois, le diable est dans les détails !

Il faut saluer une nouvelle fois la constance de M. Novelli et la forme d'exploit qui consiste à recycler ses propositions les plus radicales concernant le financement des retraites dans le présent texte. Il a finalement réussi à vendre l'idée que les produits d'épargne salariale et d'épargne retraite pourraient être alimentés par les ressources du CET, ce qui constitue une étape supplémentaire dans l'individualisation du financement des retraites.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement car il est contraire à l'objectif de diversification de l'utilisation du CET.

M. le Ministre délégué - Les auteurs de la proposition de loi souhaitent avec raison développer l'épargne salariale. Dans cette optique, il est cohérent de diversifier les sources d'abondement des produits d'épargne et de privilégier les ressources directement issues de l'activité professionnelle, dont le CET. De son côté, le Gouvernement présentera un texte sur la participation au printemps...

M. Patrick Ollier - Très bien !

M. le Ministre délégué - Le texte qui vous est soumis prévoit enfin que c'est le salarié lui-même qui choisira d'alimenter un plan d'épargne retraite à partir du CET. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement 117.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Insensiblement, l'on prétend nous faire passer de l'épargne temps à l'épargne salariale, pour déboucher finalement sur l'épargne retraite. Lorsqu'ils réaliseront que, sous couvert d'« assouplir » les 35 heures, vous utilisez le CET pour régler les problèmes d'épargne salariale et d'épargne retraite, les salariés se sentiront doublement floués. On est loin, en effet, de l'idée du « travailler plus pour gagner plus », puisque votre proposition tend à instrumentaliser les conditions dans lesquelles le produit du travail du salarié viendra alimenter d'autres fonds que les siens propres.

L'amendement 117, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre délégué - L'amendement 151 rectifié - que nous avons évoqué en début de soirée lors de l'examen de l'amendement 79 - tend à préciser que le CET rénové pourra être utilisé pour le rachat d'annuités manquantes - correspondant notamment aux années d'études - pour le calcul de la pension de retraite.

M. le Rapporteur - La commission est tout à fait favorable à l'ouverture de cette possibilité nouvelle.

M. Alain Vidalies - Nous y sommes également favorables. Je reviens sur une question qui n'a pas été tranchée : s'agissant des plans d'épargne d'entreprise, la part versée par le salarié est exonérée d'un certain nombre de cotisations sociales, et celle qui incombe à l'employeur bénéficie d'un régime fiscal également favorable. Qu'en sera-t-il de la part versée par le salarié à partir de son CET, compte tenu du fait qu'elle est pour partie constituée de rémunérations ordinaires ? Est-ce la règle générale ou la règle particulière qui va s'appliquer ?

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Alain Vidalies - Permettez ! Mon temps de parole n'est pas écoulé. Ne changez pas en cours de route les règles que vous avez vous-même fixées.

M. le Président - Je veille à ce que tout le monde puisse s'exprimer, dans le cadre d'interventions d'une durée raisonnable...

M. Alain Vidalies - Les sujets abordés sont techniques. Il faut un peu de temps pour les exposer avec rigueur et il est un peu désagréable de vous entendre taper sur votre micro avec une règle comme si nos propos vous agaçaient... (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Il est une heure trente du matin. Mon seul souci est de permettre à l'Assemblée de travailler dans de bonnes conditions.

M. Patrick Balkany - Très bien !

M. Alain Vidalies - Tenons-nous en aux règles que nous avons fixées. La question que je posais n'est pas anodine : est-ce la règle dérogatoire qui va s'appliquer - ce qui conduit à un régime d'exonération - ou bien la règle générale précisée tout à l'heure par le rapporteur ?

M. le Ministre délégué - L'abondement de l'employeur bénéficiera d'une exonération sociale et fiscale. C'est au moment du transfert que devra être acquitté ce qui est dû, notamment les cotisations à l'URSSAF sur la partie qui n'est pas exonérée. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)

L'amendement 151 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Vidalies - Depuis la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle et au dialogue social, les actions de formation professionnelle ayant pour objet le développement des compétences des salariés peuvent se dérouler en dehors du temps de travail effectif dans la limite de 80 heures par an. Elles donnent alors lieu au versement par l'entreprise d'une allocation de formation de 50% de la rémunération. Par notre amendement 119 rectifié, nous demandons que le compte épargne-temps puisse être utilisé pour ces formations.

M. le Rapporteur - Favorable. C'est une précision pertinente.

M. le Ministre délégué - L'amendement est utile. Favorable.

L'amendement 119 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - Notre amendement 88 a pour objet d'augmenter les revenus de ces Français courageux qui travaillent mais dont un nombre croissant est en difficulté financière. Il consiste à augmenter les droits acquis dans le compte épargne-temps de 25% dès lors qu'ils sont utilisés en complément de rémunération. En contrepartie, le surcoût pour les entreprises serait neutralisé par une exonération de cotisations sociales.

Actuellement, 18% seulement des entreprises ont mis en place un compte épargne-temps et peu de salariés l'utilisent. En même temps, les salaires sont bloqués, surtout au bas de l'échelle, en raison du coût exorbitant de l'application des 35 heures obligatoires. Nous voulons relancer les comptes épargne-temps pour augmenter le pouvoir d'achat de ceux qui, de plus en plus nombreux, ont des fins de mois difficiles. La fracture sociale dénoncée en 1995 s'aggrave et aujourd'hui ce ne sont plus les précaires mais des salariés méritants qui sont touchés. Permettons-leur de travailler plus pour gagner plus.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le dispositif proposé ne répond pas à l'objectif de cet article qui est de donner plus de liberté à la négociation collective. De plus l'exonération prévue serait coûteuse mais d'une efficacité relative. La proposition de loi permet déjà la défiscalisation des abondements de l'employeur. Le contribuable n'a pas à subventionner toutes sortes d'utilisation du compte épargne-temps.

M. le Ministre délégué - Laissons les partenaires sociaux fixer les conditions d'utilisation du compte épargne-temps. Il convient de tenir compte de la durée de stockage des droits dans une perspective de long terme. Les auteurs de la proposition ont, logiquement, misé sur une épargne longue. Je souhaiterais le retrait de cet amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je le maintiens pour manifester notre volonté d'une politique salariale plus juste. Un travail supplémentaire mérite une rémunération supplémentaire et une augmentation de 25% au moment de la liquidation serait une mesure équitable et uniforme.

M. Gaëtan Gorce - Même si nous ne partageons pas la philosophie de M. Baguet, nous constatons que nous ne sommes pas les seuls à considérer que votre politique ne garantit pas le pouvoir d'achat des salariés. La comparaison de son évolution entre la période 1997-2002 et depuis lors le confirme. C'est la raison pour laquelle vous voulez faire croire qu'avec le compte épargne-temps, on va travailler plus pour gagner plus, formule sortie tout droit d'un congrès du Medef. Mais une politique salariale passe par la concertation entre partenaires sociaux, pas par des solutions individuelles à coup d'heures supplémentaires. Au lieu de mener une vraie politique de pouvoir d'achat, vous le freinez en augmentant les prélèvements obligatoires. Ce que l'UDF dit, Maryse Dumas l'écrit aussi dans Le Figaro de ce matin. 77% des Français veulent garder les 35 heures et estiment vos propositions dangereuses. Ces questions doivent donc alimenter le débat.

M. Hervé Novelli - On l'a eu ! Vous citez toujours le même sondage.

M. Gaëtan Gorce - Monsieur Novelli, vous souhaitez que la dérégulation soit généralisée et la politique salariale réduite à des relations directes entre employeur et salarié. Mais vous ne nous avez pas convaincus, et vous n'avez pas convaincu les Français.

L'amendement 88, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Je défends l'amendement 120.

Ayant fait de la comptabilité pendant 30 ans, j'essaye d'imaginer la situation d'une PME qui met en place un contrat épargne-temps. Quand faut-il verser les cotisations ? Le rapporteur nous a dit que c'est au moment où l'on abonde le compte qu'on les provisionne.

En écoutant le ministre, en revanche, j'avais cru comprendre que c'était au moment de la liquidation... Mais le dispositif que vous instituez peut s'étaler sur de très nombreuses années, et on risque de creuser les déficits de nos organismes sociaux !

Franchement, je n'ai pas très bien compris quand il fallait payer. Ce que je sais, c'est que le salarié est perdant. Imaginez celui qui a fait des heures supplémentaires à l'âge de 30 ans : quand et comment en retirera-t-il quelque chose ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable à l'amendement 120.

Les droits stockés sur le compte épargne-temps sont assimilés à des droits immatériels, et les cotisations sociales sont versées au moment de la liquidation des droits. Les charges sont provisionnées, mais le versement ne se fait que lorsque les droits sont liquidés.

M. le Ministre délégué - Même avis.

Monsieur Gorce, j'ai sous les yeux le rapport de l'INSEE. Voici les chiffres concernant le revenu disponible brut des ménages : de l'indice 88,4 en 1995, nous sommes tombés à l'indice 86,4 en 2001, pour remonter à 87,3 en 2002 et 2003.

M. Gaëtan Gorce - Cet amendement concerne un point important, les avantages financiers attribués à l'employeur qui affecte divers éléments au compte épargne-temps pour ensuite opérer des transferts sur un plan d'épargne collective. Cela lui permet d'une part de bénéficier d'une exonération de cotisations sociales, d'autre part de réduire l'assiette de son impôt sur les sociétés ! On pourrait presque dire que c'est pour l'employeur une sorte de blanchiment des heures supplémentaires. C'est grave...

On change la nature du dispositif : ce n'est plus un compte épargne-temps, et il serait plus honnête de ne plus utiliser cette appellation. C'est un compte d'épargne tout court, un compte fourre-tout, à la discrétion de l'employeur et dans son intérêt exclusif. Le salarié, lui, voit passer les trains : les rémunérations, les repos compensateurs... On lui promet une rémunération pour plus tard, tandis que les avantages accordés à l'employeur sont, eux, immédiats ! J'aimerais avoir là-dessus des explications plus précises du rapporteur et du Gouvernement.

L'amendement 120, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Nous reprenons l'amendement 131 de Mme Billard.

Nous entendons depuis le début de ce débat qu'il faut « travailler plus pour gagner plus » - en fait, travailler plus tout de suite en échange d'une promesse de rémunération plus tard. Mais à l'origine, le compte épargne-temps a été conçu pour permettre au salarié d'articuler au mieux ses temps de vie, en lui offrant la possibilité de mettre en réserve du temps pour ses loisirs, pour sa formation, pour sa vie familiale... Que je sache, certains ici qui défendent la valeur du travail sont aussi des défenseurs des valeurs de la famille...

On voit bien là tout ce qui nous sépare. Pour vous, le temps n'est que de l'argent, en l'espèce destiné à être versé de manière différée, alors que pour nous, il a une valeur en soi, notamment par les capacités d'épanouissement qu'il offre, au travail mais aussi en-dehors.

A cet égard, je souhaiterais rendre hommage à Mme Aubry qui a réalisé sur le sujet un travail considérable et courageux. Face à des attaques souvent virulentes et toujours injustes, elle a tenu bon sur l'idée que la réduction du temps de travail, notamment au travers du compte épargne-temps, était un moyen de créer des emplois mais aussi de développer un réel projet de société.

M. Patrick Ollier - On a vu le résultat !

M. Gaëtan Gorce - J'observe que cet hommage tout à fait justifié à Mme Aubry ne fait même pas réagir nos collègues de la majorité. Preuve qu'elle commence de se ranger à nos arguments ! C'est un acquis de trois années qui vient de s'écouler.

M. le Rapporteur - Avis défavorable à l'amendement pour les raisons déjà exposées.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

L'amendement 131, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Afin que le nouveau dispositif ne permette pas à l'employeur d'échapper au paiement des cotisations sociales, notamment sur les heures supplémentaires, il convient de le réserver au seul cas où le compte épargne-temps est abondé à l'initiative du salarié. Tel est l'objet de l'amendement 132 de Mme Billard, MM. Cochet et Mamère, que nous jugeons tout à fait pertinent.

Puisque la liberté est censée être la clé de voûte de ce texte, faisons en sorte que le salarié puisse l'exercer chaque fois que possible ! Pour nous, la liberté n'est pas une valeur en soi, indépendante du contexte dans lequel elle s'exerce. La République, dès l'origine, l'a d'ailleurs associée à l'égalité. En effet, du moins pour nous, l'exercice de la liberté ne peut se concevoir sans recherche de l'égalité. Et, pour que le combat entre liberté et égalité ne mette pas à mal la cohésion sociale, a été ajouté l'impératif de fraternité. Défendant cet amendement, j'ai le sentiment de renforcer le caractère républicain de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 132, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Je suspends la séance pour dix minutes.

La séance, suspendue à 2 heures 5, est reprise à 2 heures 25.

M. Alain Vidalies - L'amendement 38 de Mme Billard pose lui aussi la question des conditions de liquidation des droits salariaux accumulés sur le CET et tend à ce que cette liquidation soit calculée en fonction du salaire horaire du salarié à la date de cette liquidation. Si le calcul se faisait en fonction de la valeur des droits salariaux au jour de leur affectation au CET, sans indexation sur l'évolution des taux d'intérêt, cela représenterait une dépréciation des droits acquis immobilisés sur le CET, parfois contre la volonté des salariés.

S'agissant des conditions de sortie, vous nous dites que l'accord collectif répondra, mais voir les choses ainsi, c'est remettre en cause la hiérarchie des normes, en l'occurrence la primauté du code du travail et de la loi sur un accord d'entreprise, et franchir un pas de plus vers l'individualisation des rapports sociaux.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Nous avons déjà traité la question.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

L'amendement 38, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 29 rectifié de Mme Billard tend à supprimer le neuvième alinéa de cet article. Nous voyons bien ici les difficultés majeures que soulève ce texte et qui ne peuvent que nous amener à nous interroger sur sa philosophie générale. Les présentes dispositions sont-elles animées par l'esprit de solidarité ? En tant que maire d'une commune qui s'appelle La Charité, je m'interroge très régulièrement sur les rapports entre charité et solidarité. La première n'a assurément rien de condamnable, elle est la façon qu'a le chrétien d'apporter son soutien à ses frères...

M. Jean-Pierre Soisson - Une des plus belles abbayes de France !

M. Gaëtan Gorce - C'est vrai. A deux heures à peine de Paris, La Charité offre beaucoup de possibilités de loisirs...

M. Patrick Balkany - Quel rapport avec le débat ?

M. Gaëtan Gorce - Un rapport direct, car le salarié qui ferait le choix d'utiliser son CET non pour le convertir en rémunération mais pour constituer un congé, afin par exemple de se rendre à La Charité, ferait un excellent choix : non seulement il serait dans un esprit différent de celui de cette loi que nous condamnons, mais il pourrait admirer le prieuré que nous sommes en train de restaurer et l'ensemble des équipements mis à la disposition de la population. Un tel usage du compte épargne-temps serait des plus profitables à son épanouissement. Mais j'en reviens au rapport entre charité et solidarité. La solidarité n'est pas contraire à la charité : elle en est la forme organisée, le législateur est passé par là.

L'amendement 29 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le neuvième alinéa de l'article 227-1 dispose : « la convention ou l'accord collectif dispose en outre, le cas échéant, les conditions d'utilisation des droits qui ont été affectés sur le compte épargne-temps à l'initiative de l'employeur ». Ce qui nous gêne, c'est l'expression « le cas échéant ». Elle laisse planer la possibilité que l'accord ne fixe pas ces conditions d'utilisation, ce qui nous rend légitimement suspicieux. Nous proposons donc par l'amendement 123 de supprimer ces mots.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Défavorable.

M. Alain Vidalies - Tout à l'heure, le ministre a fait, fort légitimement, référence au président Mazeaud.

M. Julien Dray - Voilà qui touche mon cœur !

M. Alain Vidalies - Si le président de la commission des lois était là, il se serait sans doute associé à cet hommage, et à cette précision. Car il y a deux expressions que l'on cite aux étudiants comme exemples de ce qu'il ne faut pas écrire dans un texte de loi, et qui font la honte du législateur : ce sont « notamment » et « le cas échéant ».

M. Jean-Pierre Soisson - Il y a aussi « en particulier ».

M. Alain Vidalies - C'est exact. Je me rappelle la première fois où j'ai soulevé cette question. Il s'agissait d'un texte dont le rapporteur était Gérard Gouzes, lequel avait écrit « notamment ». Je lui objecte que cela ne veut rien dire. Et lui de me répondre : « Tu ne vas pas tuer le métier »... Et j'avais compris que le seul intérêt pour le législateur d'écrire un terme au sens aussi élastique, c'était de nourrir le contentieux et de permettre au juge de remplacer le législateur ! C'est bien le problème que nous avons ici. Ou bien on écrit une règle claire : la convention précise les conditions d'utilisation des droits. Ou bien on ajoute « le cas échéant », mais alors que se passe-t-il si la convention ne les précise pas ? Quelle est la règle ? Il n'y en a plus. Et quand M. Le Bouillonnec soulève ce problème, il n'obtient aucune réponse. Il faut que le rapporteur ou le Gouvernement nous disent pourquoi ce « cas échéant » échapperait à la critique que je formule, ou bien qu'ils se rallient à notre position.

M. le Rapporteur - La notion du « cas échéant » signifie ici que tous les accords de compte épargne-temps ne comportent pas nécessairement d'utilisation dite collective.

M. le Ministre délégué - Cette liste n'est pas exhaustive et pourrait être source de confusion : la simple référence aux modalités de gestion du compte est suffisante.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Si tel est vraiment le sens que le rapporteur donne à cet alinéa, alors il ne faut pas l'écrire comme cela : en plaçant les mots « le cas échéant » après « la convention ou l'accord collectif précise en outre », vous rendez aléatoire le fait que cet accord précise ou non ce point. Pour donner au texte le sens que lui attribue le rapporteur, il faut que les mots « le cas échéant » soient placés après « qui ont été affectés ». Je propose donc de procéder par un sous-amendement à cette modification rédactionnelle, qui éviterait tout doute sur l'interprétation.

L'amendement 123, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement. Le débat qui s'est engagé peut paraître anecdotique. L'anecdote peut d'ailleurs avoir son charme, et voir Gérard Gouzes reparaître dans cet hémicycle est un plaisir pour plusieurs d'entre nous. Pour ma part, à « le cas échéant » je préfère « notamment », car ce dernier terme évoque pour moi le mot « nuitamment », qui me laisse espérer des choses que ne contiennent pas « le cas échéant » et « notamment »...

M. Jean-Pierre Soisson - Amen !

M. Julien Dray - M. Soisson rompt le pacte laïque !

M. Patrick Ollier - Ridicule.

M. Julien Dray - Pour vous, défendre la laïcité est ridicule ? Elle est menacée aujourd'hui ! M. Soisson doit retirer son « amen ».

M. le Président - Calmons-nous.

M. Jean-Pierre Soisson - Vive la laïcité !

M. Julien Dray - Voilà.

M. le Président - Monsieur Le Bouillonnec, ramenez donc un peu de juridique dans cet hémicycle en défendant l'amendement 147.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je souhaitais ramener un peu de poésie, Monsieur le président, car je repensais à ce qu'a dit Gaëtan Gorce au sujet de la nuit. Vous savez, de Guiche rend visite à Roxane ; au prieuré c'est la nuit. Il est amoureux d'elle ; il ne le dit pas, mais il l'aime toujours. Et il se confie à elle :

    « Voyez-vous, lorsqu'on a trop réussi sa vie,
    On sent, - n'ayant rien fait, mon Dieu, de vraiment mal ! -
    Mille petits dégoûts de soi, dont le total
    Ne fait pas un remords, mais une gêne obscure ;
    Et les manteaux de duc traînent dans leur fourrure,
    Pendant que des grandeurs on monte les degrés,
    Un bruit d'illusions sèches et de regrets. »

Je pense pour ma part qu'au terme de cette loi il y aura beaucoup d'illusions sèches et de regrets. Une gêne obscure s'infiltre dans la République quand de telles lois sont adoptées. Le dixième alinéa de l'article L. 227-1 dispose que « la convention ou l'accord collectif de travail définit par ailleurs les modalités de gestion du compte ». Nous souhaitons préciser le contenu de ces accords et le cadre dans lequel ils peuvent intervenir. Nous proposons donc par l'amendement 147, non pas de définir le contenu des accords, mais les thèmes sur lesquels ils porteront : ancienneté minimale donnant accès au compte épargne-temps, modalités de valorisation en argent des éléments affectés au compte, conditions d'utilisation de ce compte, d'octroi du congé, de calcul, de liquidation et de versement des indemnités compensatrices.

M. le Rapporteur - Avis défavorable : cet amendement est contraire au processus de simplification du dispositif existant.

M. le Ministre délégué - Défavorable : la simple référence aux modalités de gestion du compte nous paraît suffisante.

M. Gaëtan Gorce - Faire référence à l'amour et au sentiment pour aborder cette question complexe du compte épargne-temps n'est pas un exercice facile ! En introduisant cette poésie dans le débat, M. Le Bouillonnec a permis que d'autres questions soient soulevées, telles que la laïcité. Toutes nos actions sont empreintes de laïcité puisque nous sommes dans un monde profane. Du reste, la frontière entre le sacré et le profane n'est pas aisée à définir et même les plus laïcs cèdent parfois à la lumière inspirée du ciel. Jaurès disait : « Le monde sera beau lorsqu'en regardant à l'extrémité de la prairie le soleil mourir, l'homme sentira soudain à l'attendrissement étrange de son cœur et de ses yeux qu'un peu de la douce lampe de Jésus est mêlé à la lumière apaisée du soir ».

Plusieurs députés UMP - Jésus ! Ah, c'est très beau !

M. Gaëtan Gorce - Pas de vie possible sans spiritualité !

Nous n'accepterons pas qu'à travers la réforme du compte épargne-temps, vous mettiez à bas les principes du pacte républicain que Jaurès a toujours défendu dans cet hémicycle, avec l'inspiration qui était la sienne, nourrie d'une grande culture et de la connaissance de notre histoire. Présent, il s'opposerait à ces mesures contraires à l'esprit républicain dont il a été le promoteur.

L'amendement 147, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Par l'amendement 148, nous abordons le onzième alinéa qui traite du sort fait au crédit lors du transfert du salarié d'une entreprise à une autre. Ce point n'est pas mieux réglé dans votre dispositif que ne le sont l'évaluation de la créance et les modalités d'évaluation de celle-ci lors de la fin du crédit temps.

Selon cet alinéa 11, « le salarié perçoit, en cas de rupture du contrat de travail, une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l'ensemble des droits acquis. » L'accord collectif devrait, au minimum, déterminer les conditions de transfert au sein d'un même groupe, à défaut les conditions de conversion monétaire des droits acquis en cas de rupture du contrat de travail.

M. le Rapporteur - Votre amendement est satisfait et les précisions qu'il contient sur l'indexation des droits relèvent de la négociation collective. L'avis de la commission est défavorable.

M. le Ministre délégué - Le principe posé par la proposition de loi est la liquidation des droits épargnés en cas de rupture du contrat de travail. Quant aux conditions de valorisation des droits épargnés, elles sont fixées librement par les partenaires sociaux. Avis défavorable.

M. Gaëtan Gorce - Je salue le mérite du Gouvernement de prendre la peine de répondre à deux heures cinquante-cinq du matin ! Mon attachement à cette assemblée me conduit à m'interroger sur l'opportunité de poursuivre ce débat. A ces heures tardives, l'Assemblée peut-elle sereinement repousser ou accepter des amendements, parfois très pertinents ? J'imagine le jeune Gambetta ou le jeune Edouard Herriot entrant dans cet hémicycle, nous observant discuter avec cet air fatigué de questions essentielles...

L'accord collectif évoqué dans cet amendement renvoie directement à l'idée que ee fait la République du pacte social.

L'amendement 148, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Par l'amendement 124, nous souhaitons protéger les droits accumulés par le salarié sur le compte épargne-temps, notamment ceux versés à l'initiative de l'employeur, en cas de faillite de son entreprise.

En cas de procédure de liquidation judiciaire, les sommes dues aux salariés, arriérés de salaire ou indemnités de licenciement, sont payées par l'association pour la garantie des salaires, l'AGS. Or, le système de l'AGS, alimenté par les cotisations des seules entreprises, a connu de nombreux dysfonctionnements.

Certes, l'Etat a redressé le système en abaissant les plafonds pour éviter les détournements. Mais ce plafond étant fixe, les possibilités de créance explosent puisque la créance correspondra au salaire, aux indemnités légales et désormais au compte épargne-temps. L'existence de plafonds ne permet plus de garantir le paiement du salarié.

Le rapporteur avait proposé d'augmenter les plafonds. Le Gouvernement lui a préféré une autre solution : les entreprises prendront une assurance particulière pour garantir le paiement de la différence entre le plafond de l'AGS et les nouveaux droits. Cette solution, quoique complexe, pourrait être satisfaisante mais le Gouvernement a refusé de la rendre obligatoire !

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Les alinéas 11 et 12 répondent à ce souci de sécurisation. La commission a prévu un mécanisme de versement automatique des droits acquis en l'absence d'assurance pour couvrir la différence avec le plafond de l'AGS.

M. le Ministre délégué - Avis également défavorable. L'AGS, dont le plafond sera fixé par décret, et le dispositif d'assurance sont de solides garanties. Si tout allait sur le compte épargne-temps, cela n'excèderait pas 3% de la masse salariale. C'est dire que le risque est modeste !

Depuis janvier 2002, le Gouvernement a eu le courage de redresser l'AGS.

M. le Président - Monsieur Vidalies, je vous redonne la parole bien que le débat s'éternise quelque peu. Vous conviendrez que la présidence fait preuve d'une particulière mansuétude.

M. Alain Vidalies - C'est qu'il ne s'agit pas d'une mince affaire mais de questions pratiques qui vont concerner des millions de salariés. Soit le surcoût pour l'AGS est prohibitif et il faut inventer un autre système, soit il est marginal et il n'y a pas lieu de recourir à un autre système, complexe et aléatoire. Il faut aller au plus simple, et, dans tous les cas, préciser le régime d'assurance applicable. Sinon, en cas de déconfiture de l'entreprise, les salariés seront non seulement licenciés mais ils perdront aussi une partie des versements réalisés grâce au fruit de leur travail.

L'amendement 124, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Je souhaite faire un rappel au Règlement sur le déroulement de nos travaux. Nous sommes informés qu'un nombre important d'amendements - sans doute de grande qualité - ont été déposés cet après-midi et dans la soirée par des parlementaires comme par le Gouvernement. Il serait bon que notre commission des affaires sociales se réunisse pour les examiner préalablement à leur défense en séance. Je demande par conséquent une suspension de séance de vingt minutes pour permettre aux commissaires de prendre connaissance de ces amendements.

M. le Président - La suspension est de droit, mais je ne vous accorde que deux minutes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

La séance, suspendue à 3 heures 4, est reprise à 3 heures 6.

M. Gaëtan Gorce - Je constate avec plaisir que le président Dubernard, très attentif au respect de l'expression des opinions de chacun, est encore parmi nous à cette heure tardive. Aurait-il l'amabilité de nous indiquer s'il a l'intention de réunir la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Environ 600 amendements ont en effet été déposés il y a une heure environ. Il semble qu'ils s'inscrivent dans la stratégie actuelle du groupe socialiste puisqu'ils consistent à décliner à l'infini des pourcentages et des données chiffrées, sans différences notables sur le fond. En accord avec le rapporteur, j'ai estimé, en vertu de l'article 91-9 du Règlement, qu'il n'y avait pas lieu de réunir la commission. A nos yeux, le débat peut se poursuivre normalement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Pour la bonne information de chacun, je précise que ce ne sont pas 600 mais 1 300 amendements qui sont désormais enregistrés.

M. Gaëtan Gorce - La réponse du président Dubernard me déçoit beaucoup. Une réunion de la commission aurait permis de faire avancer le débat. Nous constatons avec regret que la majorité préfère précipiter en séance la discussion d'amendements non examinés en commission. Il a la lettre du Règlement et il y a son esprit : force est de constater que vous n'y êtes pas très fidèles...

M. Patrick Ollier - Nos collègues socialistes n'avaient qu'à déposer leurs amendements plus tôt !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - En vue d'encadrer les conditions de retour du salarié dans l'entreprise après utilisation des droits à congé issus de son CET, notre amendement 149 tend à insérer un nouvel alinéa à la fin de l'article L. 227-1 du code, disposant que « sauf lorsque le CET précède une cessation volontaire d'activité prévue par la convention ou l'accord collectif, le salarié retrouve, à l'issue de son congé, son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ».

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre délégué - Même avis. Seuls les congés légalement définis sont assortis d'une clause de retour à l'emploi. En l'espèce, il appartiendra à l'accord de prévoir les garanties attachées au CET. Nous restons fidèles à la logique conventionnelle qui nous anime depuis le début de l'examen de ce texte.

M. Gaëtan Gorce - Il est 3 heures 15 du matin, et il semble que le Gouvernement veut poursuivre ce débat coûte que coûte, sans doute pour que la discussion sur les articles du texte soit achevée avant les grandes manifestations de samedi. La majorité est si peu fière de son texte qu'elle veut le faire passer en catimini ! Nous l'invitons à prendre en compte les réactions que son projet suscite dans l'opinion et à ne plus chercher à entraver l'expression des parlementaires.

L'amendement 149, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Julien Dray - Rappel au Règlement. Certains parlementaires ont déposé une proposition de loi. C'était peu glorieux pour le Gouvernement, mais passons. Des syndicats veulent en faire un débat public et manifesteront samedi. Et le Gouvernement s'acharne à faire passer ce texte avant samedi. Nous acceptons de telles conditions de travail, mais il faudrait respecter le personnel ! Le ministre se contente de lire des notes techniques sans conviction, le rapporteur est fatigué, la majorité lasse. Il serait juste que le ministre des relations avec le Parlement vienne s'expliquer. Je demande une suspension de séance pour qu'il puisse venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement ne déclame pas le guide vert de la Nièvre et n'a pas besoin d'écorner quelques vers. Il répond avec des arguments...

M. Julien Dray - Faibles !

M. le Ministre délégué - Monsieur Dray, vous êtes arrivé comme un ludion...

M. Julien Dray - Vous n'avez pas le droit ! Respectez les parlementaires ! Je demande un fait personnel.

M. le Président - Calmez-vous. Le fait personnel sera en fin de séance.

M. le Ministre délégué - Si le terme « ludion » gêne, parlons de l'arrivée tardive de M. Dray. Mais le Gouvernement se tiendra à la disposition de l'Assemblée le temps qu'il faudra.

M. Julien Dray - J'ai demandé une suspension de séance.

M. le Président - Le représentant du Gouvernement est en séance. La suspension serait de droit pour réunir votre groupe.

M. Gaëtan Gorce - Les déclarations du ministre ne sont pas acceptables. Pour lui permettre d'y réfléchir et pour réunir notre groupe, je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 3 heures 20, est reprise à 3 heures 22.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le salarié doit pouvoir utiliser le compte épargne-temps pour faire prendre en compte des périodes d'études supérieures pour sa retraite. Par notre amendement 118, nous demandons que le Gouvernement présente un rapport au Parlement sur ce sujet.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Il n'y a pas lieu de demander un rapport de plus.

M. le Ministre délégué - Défavorable. Le bilan annuel de la négociation collective présenté en juin intègre, dans son annexe 3, un rapport sur la mise en œuvre du compte épargne-temps.

M. Gaëtan Gorce - Il faut un certain toupet pour mentionner la négociation collective alors que le Gouvernement l'a oubliée lors de la préparation de ce texte et du décret sur le contingent d'heures supplémentaires, contrairement à ses engagements solennels. C'est qu'il a cédé à une organisation patronale qui ne voulait pas négocier. Le Gouvernement a donc pris en compte son seul point de vue dans la loi, alors qu'il doit garantir l'intérêt général. Il n'y a plus de dialogue social et le Gouvernement et le Medef en portent la responsabilité. En 2000, ce dernier demandait une refondation sociale, et l'Etat ne devait pas s'en mêler. Depuis 2002, c'est à la loi d'intervenir, car le Gouvernement est partisan, sert des intérêts particuliers et casse le dialogue social, au mépris de la parole donnée.

L'amendement 118, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Notre amendement 121 tend à supprimer les paragraphes II et III de cet article, le II prévoyant que les versements à un ou plusieurs plans d'épargne pour la retraite collectifs peuvent inclure des droits provenant d'un compte épargne-temps, et le III que ces sommes et droits peuvent être déduits de l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Il s'agit là, en effet, d'un véritable détournement des droits des salariés, qui n'auront pas leur mot à dire, à seule fin d'alimenter les profits financiers et conforter les fonds de pensions.

M. Eric Besson - Je reprends l'amendement 133 de Mme Billard, qui vise à supprimer le II.

C'est d'autant plus important à un moment où le chômage prend une ampleur réellement dramatique. A Londres, où je me suis rendu quarante-huit heures avec quelques-uns de mes collègues, j'ai constaté combien les Anglais étaient inquiets et surpris devant la dégradation de notre situation économique et sociale. Depuis la prise de fonctions de M. Raffarin, le nombre de chômeurs a augmenté de 200 000, celui des érémistes de 250 000, alors qu'au bout de trente mois de gouvernement Jospin, on comptait 500 000 chômeurs de moins ! Et vous n'en tirez aucune conclusion...

M. Alain Vidalies - Je reprends l'amendement 134.

Il faut le resituer dans le contexte de notre discussion, qui nous a permis d'apporter deux informations importantes. La première : le slogan « travailler plus pour gagner plus », dont on a fait l'emblème de ce texte, était en réalité celui du congrès du MEDEF en 2002, comme l'a rappelé M. Seillière il y a quelques jours. La deuxième : l'absence de négociations et de consultations, en violation de la loi.

Cet amendement tend à supprimer le III, qui concerne l'aspect fiscal de cette affaire. Force est de constater que le passage de diverses sommes par le compte épargne-temps a pour seul objectif d'alimenter des comptes spéculatifs, et plus précisément des fonds de pension.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis. L'incitation à l'abondement par l'employeur des sommes placées sur un CET est un levier important de constitution d'une épargne retraite, sans pour autant représenter la menace que vous dites.

Monsieur Besson, j'étais moi-même lundi avec M. Johnson, le ministre du travail britannique, qui a évoqué quelques réalités.

En Grande-Bretagne, on travaille 1 707 heures par an, soit 248 heures de plus que chez nous.

M. Gaëtan Gorce - Avec quelle productivité horaire ?

M. le Ministre délégué - Par opt-out - système que les Britanniques ont défendu en décembre contre la France, qui a réussi à constituer une minorité de blocage -, le temps de travail peut aller jusqu'à 65 heures par semaine. Enfin, les indemnités de chômage sont très faibles, et après une troisième proposition d'emploi refusée, l'aide est totalement supprimée. Si donc M. Besson veut s'inspirer du système britannique, tel n'est pas notre cas ! Nous avons une autre vision, que traduit le plan de cohésion sociale.

M. Hervé Novelli - Je reviens aux trois amendements, qui vont évidemment à l'encontre de nos objectifs.

Les auteurs de cette proposition de loi ont voulu assouplir le compte épargne-temps qui ne remplit pas aujourd'hui ses fonctions puisqu'il n'est utilisé que dans moins de 20% des entreprises. Nous sommes donc résolument opposés à ces amendements.

M. le Président - Je vais les mettre aux voix. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je ne donne la parole qu'à un seul orateur pour répondre au Gouvernement Depuis le début de cette séance, jamais le groupe UMP ne lui a répondu. Je donnerai dorénavant la parole à un orateur et un seul de l'UMP ou un orateur et un seul du parti socialiste pour répondre, comme le prévoit d'ailleurs notre Règlement.

L'amendement 121, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 133 et 134.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement. Monsieur le président, changez-vous les règles de notre débat vu l'heure tardive ou à cause de la difficulté politique du sujet ? Quoi qu'il en soit, il faut vous expliquer. Vous ne cessez de réduire le temps de parole de l'opposition puisque de plusieurs orateurs qui pouvaient s'exprimer on est passé à un seul, et maintenant plus du tout, comme sur les amendements précédents. Il est normal que l'auteur d'un amendement ou un membre de son groupe puisse réagir à la réponse du rapporteur et du ministre, et si ensuite un membre de la majorité s'exprime à son tour, l'équilibre est respecté. Mais si seul un représentant de la majorité peut répondre à la commission et au Gouvernement, le débat n'est plus du tout équilibré. Souhaiteriez-vous accélérer la discussion au détriment de l'approfondissement des sujets en débat ?

M. le Président - L'article 100-7 du Règlement dispose que « hormis le cas des amendements visé à l'article 95, alinéa 2, ne peuvent être entendus, sur chaque amendement, outre l'un des auteurs, que le Gouvernement, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond, le président ou le rapporteur de la commission saisie pour avis et un orateur d'opinion contraire. » Il n'est nulle part prévu que sont entendus un orateur de la majorité et un orateur de l'opposition.

M. Alain Vidalies - C'est la pratique !

M. le Président - L'article 56, alinéa 3, dispose que « le Président peut autoriser un orateur à répondre au Gouvernement ou à la commission ». Monsieur Gorce, s'il y a un déséquilibre depuis le début de ce débat, c'est entre le temps de parole utilisé par l'opposition et celui utilisé par la majorité. Nous en venons aux articles additionnels après l'article premier. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Eric Besson - C'est scandaleux !

M. le Président - Je ne me laisserai pas impressionner.

M. Eric Besson - Nous ne cherchons pas à vous impressionner. Je demande la parole pour un rappel au Règlement, et ce n'est que la deuxième fois que je m'exprime depuis le début de cette séance...

M. le Président - De toute façon, il n'existe pas ici de crédit-temps.

M. Eric Besson - Je ne peux pas laisser dire le ministre, comme il l'a fait, que je serais un adepte des méthodes suivies en Grande-Bretagne. Imaginez l'émotion des électeurs de ma circonscription s'ils lisaient le Journal Officiel ! Nous n'approuvons pas du tout les méthodes prônées par les travaillistes anglais pour lutter contre le chômage.

M. le Président - Ce n'est pas un rappel au Règlement. Vous rouvrez le débat. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Alain Vidalies - Notre amendement 128 se veut une réponse à une initiative singulière de M. Fourgous lors de l'examen du projet de loi de cohésion sociale. M. Fourgous, vaillant coéquipier idéologique des auteurs de la présente proposition de loi et fervent ultra-libéral de la majorité, a en effet fait adopter un amendement selon lequel le temps de déplacement professionnel du salarié pour se rendre de son domicile au lieu d'exécution du contrat de travail lorsque celui-ci n'est pas le lieu habituel de travail, n'est pas du temps de travail effectif. Le Gouvernement a, à l'époque, habilement expliqué que cet amendement ne voulait pas dire ce qu'il disait ! Et lorsque nous avons saisi le Conseil constitutionnel, il a tout aussi habilement donné à ce texte une portée tout autre que celle qu'il avait. Et le juge constitutionnel a pris acte non pas du texte de la loi, mais de l'interprétation qu'en a donnée le Gouvernement. Ce n'est que tout récemment que nous avons compris quels étaient les inspirateurs de cet amendement. Dans le numéro de janvier de sa revue, l'Union des industries et métiers de la métallurgie explique que « cette décision demeure bien modeste. » Qu'aurait-elle voulu de plus encore ?

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Eric Besson - Le sujet est très important et concerne directement la vie quotidienne de millions de nos concitoyens.

M. le Président - Nous avons examiné 51 amendements en 6 heures 30. Il en reste 63 à examiner, sans compter les 1 200 qui viennent tout juste d'être déposés.

M. Alain Vidalies - Notre amendement 128 ne fait que reprendre une jurisprudence sur laquelle chacun s'était toujours accordé jusqu'à présent en considérant que le temps de déplacement professionnel constitue un temps de travail effectif.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Nous ne pouvons pas accepter un amendement qui remettrait en question tout le dispositif prévu à l'article 69 de la loi de cohésion sociale, que le Conseil constitutionnel, saisi, a jugé parfaitement conforme à la Constitution dans sa décision du 13 janvier 2005.

M. Patrick Ollier - Le Conseil Constitutionnel avait été clair et cet amendement n'a donc pas sa place ici (vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) .

L'amendement 128, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Scandaleux !

M. Gaëtan Gorce - Vous n'êtes pas équitable, Monsieur le Président. Si vous donnez la parole à un représentant de la majorité sans permettre à l'opposition de lui répondre, vous détournez le Règlement de l'Assemblée. Nous parlons là d'une modification substantielle du code du travail. Je demande une suspension de séance de vingt minutes pour réunir mon groupe.

M. Patrick Ollier - La majorité souhaite faire part de son irritation face aux détournements permanents du Règlement auxquels se livre l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) tandis que vous présidez cette séance avec sérénité et efficacité, Monsieur le président. L'article 100, alinéa 7, permet à un orateur pour et un orateur contre de s'exprimer sur un amendement, mais le président laisse chaque fois trois ou quatre orateurs s'exprimer afin que tous les arguments puissent être entendus. Et il donne systématiquement la parole à l'opposition pour répondre à la commission ou au Gouvernement. On peut parler du tourisme à La Charité...

M. Gaëtan Gorce - Merci de le rappeler.

M. Patrick Ollier - ...ou déclamer des vers, mais je ne laisserai pas dire que la présidence ne fait pas son travail, que la majorité empêche le débat ou que le Gouvernement ne répond pas. La vérité est que l'opposition fait de l'obstruction, car elle veut faire traîner le débat jusqu'aux manifestations (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - La séance est suspendue pour deux minutes.

La séance, suspendue à 4 heures 5, est reprise à 4 heures 7.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement. Les propos de M. Ollier ne sont pas acceptables. Alors que la majorité a tous les pouvoirs, le simple fait que l'opposition s'exprime sur un sujet aussi important que les 35 heures serait excessif ? Le simple fait que nous souhaitions que le débat qui a commencé mardi se poursuive la semaine prochaine le serait aussi ? Le fait que nous traduisions ici le mécontentement des Français constituerait un détournement du Règlement ? Je demande une nouvelle suspension de séance car je n'ai pas eu le temps de réunir mon groupe.

M. Julien Dray - Tout à l'heure, le ministre m'a traité de ludion...

M. le Ministre délégué - J'ai retiré ce mot.

M. Julien Dray - De toute façon, je ne vous en fais pas grief et je me souviens, Monsieur le ministre, que vous étiez une référence pour moi lorsque j'étais jeune parlementaire. Sur le droit du travail, il fallait lire le sénateur Larcher.

Je me rappelle aussi, Monsieur Ollier, qu'en 1989, nous avions passé des jours et des nuits sur la loi relative à l'entrée et au séjour des immigrés et que vous aviez alors utilisé, tout comme M. Raoult d'ailleurs, toutes les ressources du Règlement, ce qui était au demeurant parfaitement normal, car le Règlement est aussi fait pour protéger les droits de l'opposition.

Nous sommes en ce moment dans une situation difficile - et je regrette à ce propos que le ministre chargé des relations avec le Parlement ne soit pas là - car le Gouvernement veut passer en force en essayant de fatiguer les parlementaires de l'opposition. Mais nous ne rendrons pas les armes, car nous sommes là pour défendre nos idées. Je demande une suspension de séance pour voir comment nous allons continuer à travailler.

M. le Président - Je ne vous l'accorde pas, car nous venons d'en avoir une.

M. Alain Vidalies - L'amendement de M. Fourgous à la loi de cohésion sociale contenait une définition du temps de déplacement et disait que celui-ci pouvait donner lieu à une indemnité résultant d'un accord entre le salarié et l'employeur. Faute d'accord, l'employeur décide tout seul. Par exemple de donner un caramel mou. Voilà ce qu'a voté la majorité, voilà comment elle rédige le code du travail !

J'en viens à notre amendement 144...

M. le Président - Sur lequel je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Alain Vidalies - Nous avons vu en début de discussion que le refus d'un salarié d'effectuer des heures supplémentaires était une faute - c'est sans doute ce que vous appelez la liberté et le temps choisi. Mais qu'en est-il du refus éventuel d'un salarié de voir les heures supplémentaires qu'il a effectuées être affectées par l'employeur sur un CET ? Ce refus est-il constitutif d'une faute pouvant justifier un licenciement ?

Notre amendement a pour but d'écarter une telle hypothèse. Et comme ce n'est pas une hypothèse d'école, nous avons absolument besoin d'une réponse sur ce point.

M. le Rapporteur - Défavorable : l'amendement est contraire à l'esprit de la proposition de loi.

M. le Ministre délégué - Je réponds tout d'abord à M. Vidalies sur l'indemnité pour le temps de déplacement individuel : elle relève d'un accord collectif et ce n'est qu'à défaut qu'elle est fixée par l'employeur.

Quant à l'amendement 144, le Gouvernement en partage la préoccupation, qui est d'éviter que le salarié, qui refuserait une affectation des heures de travail sur le compte épargne-temps, encoure pour ce motif une sanction disciplinaire. Mais cette préoccupation ne nous paraît pas fondée. En effet la caractéristique essentielle du compte épargne-temps est de reposer sur le volontariat du salarié ; un refus ne saurait donc avoir pour lui de conséquence défavorable. La seule exception résulte du cinquième alinéa de l'article premier, qui permet à l'employeur d'affecter sur le compte épargne-temps les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail lorsque les caractéristiques des variations de l'activité le justifient. Toutefois cette affectation doit résulter d'une convention ou d'un accord collectif qui en précise les conditions et les limites, ce qui constitue une garantie pour le salarié. L'amendement n'est donc pas justifié.

A la majorité de 23 voix contre 11, sur 34 votants et 34 suffrages exprimés, l'amendement 144 n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 146 a pour objet de compléter l'article L. 227-1 par un article L. 227-1-1 disposant que « le salarié conserve la faculté de refuser l'affectation des heures de travail, repos, augmentations ou compléments de salaire de base définies à l'article L. 227-1 dans un compte épargne-temps », et que « le refus par le salarié de cette affectation ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ». Cet amendement se justifie par la volonté qu'affichent les initiateurs de cette proposition d'accorder plus de souplesse dans la gestion du temps de travail pour pouvoir augmenter celui-ci en fonction des besoins de l'entreprise. On nous dit par ailleurs qu'il en résultera plus de liberté pour les salariés. Or le refus d'une modification des modes de rémunération des salariés, qui constitue selon un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 janvier 1998 « un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode serait plus avantageux », ne saurait être utilisé comme moyen de licenciement sans attenter gravement à l'équilibre des parties au contrat, que l'article 1101 du code civil définit comme « une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Si le législateur devait considérer...

M. le Président - Je vous interromps pour indiquer que sur cet amendement le groupe socialiste demande un scrutin public.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je reprends mon explication.

M. le Président - Dans la limite de vos cinq minutes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ces perpétuels rappels au temps de parole sont bien peu agréables.

M. le Président - Pour les prochains amendements, je demanderai au groupe socialiste s'il y a un scrutin public.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je poursuis : si le législateur devait considérer que le refus d'évolution par l'une des parties au contrat de travail des éléments de la rémunération est une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat par l'employeur, il romprait la sécurité juridique liée à l'acceptation de ladite convention et porterait gravement atteinte à l'économie des conventions légalement conclues.

M. le Rapporteur - Défavorable, pour les raisons déjà indiquées.

M. le Ministre délégué - Ici encore je suis défavorable à l'amendement même si j'en partage la préoccupation. Je le répète, le compte épargne-temps repose sur le volontariat, et la seule exception, je l'ai dit, est encadrée par une convention ou un accord collectif.

A la majorité de 23 voix contre 8, sur 31 votants et 31 suffrages exprimés, l'amendement 146 n'est pas adopté.

M. le Président - Je donne la parole à M. Vidalies pour l'amendement 129, et je lui demande tout de suite s'il fera l'objet d'un scrutin public.

M. Alain Vidalies - Nous n'avons pas encore pris notre décision. Nous la prendrons en fonction des réponses qui nous seront faites.

M. le Président - Je vous demande s'il y aura une demande de scrutin public.

M. Alain Vidalies - Nous prendrons cette décision en fonction des réponses. Rien dans le Règlement ne nous oblige à vous répondre dès maintenant. Il est évident que la décision politique de demander ou non ce scrutin dépend de la réponse du Gouvernement. S'il accepte l'amendement, je ne demanderai pas de scrutin public ! Votre obstination tend à couper court à ce débat : c'est scandaleux !

M. le Président - Vous êtes d'habitude un homme courtois ; j'essaie de l'être aussi.

M. Alain Vidalies - C'est la première fois en quinze ans que je hausse le ton, parce que c'est la première fois que je suis confronté à une présidence qui remet en cause le rôle de l'opposition dans cet hémicycle.

M. le Président - Je ne cèderai pas.

M. Alain Vidalies - Moi non plus. Je défends les droits de millions de Français et je n'accepte pas d'être traité ainsi.

M. le Président - C'est de la grandiloquence.

M. Alain Vidalies - Sur ordre, depuis des heures, vous n'avez qu'une obsession : que ce débat soit terminé avant samedi. Vous n'y arriverez pas ! Je demanderai un scrutin public quand je l'aurai décidé !

M. le Président - Je vous rappelle au calme.

M. Alain Vidalies - Je vous rappelle à la sérénité et aux droits de l'opposition.

M. le Président - Je vous demande de respecter la présidence.

M. Alain Vidalies - Vous ne respectez pas l'opposition.

M. le Président - Vous avez tenu des propos qu'aucun président de séance ne peut accepter, accusant la présidence d'être partiale. Je vous demande de revenir au calme qui a caractérisé l'ensemble de ce débat. Et je réitère ma question sur le scrutin public.

MM. Gaëtan Gorce, Eric Besson et Julien Dray - Rappel au Règlement !

M. le Président - Je demande à M. Gorce, responsable entre guillemets du groupe socialiste pour ce texte, de rappeler ses collègues au calme.

M. Gaëtan Gorce - Je ferai deux observations. La moins importante d'abord : si vous voulez éviter les mises en cause, abstenez-vous de remarques désagréables comme celle que vous venez de faire ; pour ma part je ne parle pas de président entre guillemets. Mais il y a plus grave : nous assistons à une tentative de passage en force. L'opposition demande simplement le respect du Règlement. Rien ne nous oblige à dire si nous demandons un scrutin public avant que les orateurs aient fini de s'exprimer. Rien ne nous oblige à renoncer à notre demande de suspension pour réunir notre groupe. Si nous sommes forcés de recourir à ces méthodes, c'est que le Gouvernement veut nous obliger à voter ce texte avant que le débat soit allé à son terme, alors qu'il peut parfaitement se prolonger la semaine prochaine. Le seul objectif est de passer en force. Je demande une suspension d'un quart d'heure pour réunir mon groupe.

M. le Président - Depuis le début de la discussion, l'opposition a pu très largement s'exprimer. On pourrait même reprocher à la présidence un excès d'indulgence envers elle. La commission demande un scrutin public sur l'amendement 129 : je retire donc la question que j'avais posée à ce sujet à M. Vidalies, à qui je demande de défendre l'amendement.

M. Alain Vidalies - Je demande une suspension.

M. le Président - Elle n'est pas accordée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gaëtan Gorce - Vous n'avez pas le droit.

M. Julien Dray - Selon le Règlement, la suspension de séance est de droit !

M. Alain Vidalies - Y a-t-il eu, dans cette Assemblée, un précédent de suspension de séance refusée ? Pourquoi refusez-vous de nous accorder dix minutes pour nous réunir. Deux minutes, ce serait de la provocation ! Nous ne pouvons pas rester silencieux devant de tels procédés auxquels nous ne sommes absolument pas habitués.

Nous avons connu des débats plus agités, nous posons des questions techniques auxquelles le Gouvernement essaye de nous apporter des réponses.

Les instructions venues d'ailleurs ne doivent pas conduire la présidence à abandonner nos règles communes. Le principal groupe de l'opposition ne peut pas accepter à 4 heures 30 du matin d'être traité de la sorte !

M. le Président - Monsieur Vidalies, vous demandez, comme M. Gorce, une suspension de séance. Je pourrai vous citer une quinzaine d'exemples de suspension de séance refusée : M. Yves Cochet, le 17 octobre 1997 ou encore M. George Hage, le 13 octobre 1994...

Plusieurs députés socialistes - Vous serez donc le premier président de séance à refuser une suspension depuis huit ans !

M. Julien Dray - Elles avaient été refusées dans des conditions très particulières !

M. le Président - Je donne droit aux quatre rappels au Règlement. Si ils concernent tous une demande de suspension de séance, je vous répondrai sur ce point.

M. Eric Besson - En vertu de quoi refusez-vous à M. Gaëtan Gorce, responsable du groupe socialiste, cette suspension de séance ? Vous vous targuez de précédents datant de 1997 et de 1994. Etes-vous sûr qu'entrer dans cette lignée ce soir vous honore ?

Je n'ai pas eu le sentiment d'abuser de mon temps de parole. M. le ministre a répondu à la question que je lui ai posée en évoquant la situation en Grande-Bretagne. C'est la deuxième fois que je prends la parole dans l'hémicycle, vous auriez pu ne pas m'interrompre. Monsieur le président, vous faites dégénérer nos travaux.

M. Julien Dray - La définition des modalités de suspension de séance au troisième alinéa de l'article 58 du Règlement de l'Assemblée nationale est claire, nette et précise : la suspension de séance est de droit ! Il y a eu des précédents de refus de suspension de séance lorsque les débats étaient agités.

Monsieur le président, au perchoir, vous n'êtes plus le représentant de votre circonscription ou de la majorité, vous êtes le gardien des droits de l'opposition !

M. Patrick Balkany - On n'entend qu'elle depuis le début de ce débat !

M. Julien Dray - Vous ne nous faites pas une faveur en nous accordant une suspension de séance. M. le ministre nous a répondu avec respect, il n'est pas en cause. En revanche, il n'en va pas de même du ministre chargé des relations avec le Parlement, il est parti se coucher après avoir lancé que nous siégerons tant qu'il le faudra !

Personne ne gagnera à refuser une suspension de séance ! Personne ne peut passer en force dans cette Assemblée ! Suspendons la séance, réunissons-nous et codifions les modalités de débat à venir !

M. le Président - Vous avez fait allusion à la partialité du président. Sachez qu'avant 2002, j'ai exercé cette responsabilité de 1993 à 1995. J'ai toujours essayé de respecter l'opposition comme j'ai toujours apprécié, lorsque j'étais dans l'opposition, le respect que nous témoignaient M. Emmanuelli et d'autres.

Si vous m'aviez laissé répondre à vos rappels au Règlement, je vous aurai indiqué que le ministre a demandé dix minutes de suspension de séance. Pour le ministre, pour l'opposition, pour la majorité, nous devons clore la discussion des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article premier. Le président de la commission a demandé des scrutins publics sur l'ensemble des amendements suivants, cela nous fera gagner quelques minutes.

M. Alain Vidalies - L'amendement 129 vise à abroger l'article 69 de la loi de programmation pour la cohésion sociale introduit par un amendement d'origine parlementaire. J'ai proposé une rédaction différente de cet article, tenant compte de la jurisprudence, mais elle a été repoussée.

L'utilisation du mode indicatif à la première phrase de l'article pose des problèmes d'interprétation. Si le Conseil constitutionnel n'a pas censuré cet article, c'est uniquement en se fondant sur le mémoire remis par le Gouvernement.

Cet article 69 pose, pour la première fois, que la contrepartie du temps de déplacement peut être unilatéralement fixée par l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel. Il contredit la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes. Lors de l'affaire Skills Motors Coaches Ltd, elle a explicitement reconnu que le temps de déplacement des chauffeurs routiers devait être considéré comme du temps de travail effectif.

Selon le promoteur de cet article 69, considérer le temps de déplacement comme un temps de travail effectif créerait une inégalité en faisant varier le temps de travail effectif selon le lieu d'habitation du salarié.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, pour les raisons déjà exposées, le sujet ayant été évoqué précédemment.

M. le Ministre délégué - Même avis. Le Conseil constitutionnel a estimé que ces dispositions n'entraînaient aucune violation du principe d'égalité et qu'elles étaient conformes à la Constitution. Il n'y a donc pas lieu de les modifier.

A la majorité de 23 voix contre 11, sur 34 votants et 34 suffrages exprimés, l'amendement 129 n'est pas adopté.

La séance, suspendue à 4 heures 45, est reprise à 5 heures 5.

ART. 2

M. Gaëtan Gorce - Notre amendement 93 est de suppression de cet article qui constitue une négation de la notion de durée légale du travail et même de celle de contingent d'heures supplémentaires. En effet les salariés qui ont pu négocier des conventions de forfait ou obtenu que la RTT soit sous forme de journées de travail pourront, dans des conditions mal précisées, racheter ces jours. De même, le salarié « qui le souhaite », nous dit-on, pourra effectuer des heures choisies au-delà du contingent. Ces dispositions sont dangereuses et mal conçues.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable. Les heures choisies visent à donner aux salariés qui le souhaitent, et ils sont nombreux, la possibilité de travailler plus pour gagner plus, et aux entreprises de produire plus si besoin est, dans le respect du libre choix des salariés.

Plus du tiers des salariés ont dépassé le contingent légal et au deuxième semestre 2003 toutes les entreprises, qu'elles aient ou non réduit le temps de travail, ont enregistré un net redressement du nombre d'heures supplémentaires.

Enfin, la volonté individuelle du salarié et la volonté collective telle qu'elle s'exprime dans l'accord constituent un double verrou. Il est aussi prévu un taux minimal de majoration, un repos compensateur et le respect de la durée hebdomadaire maximale de travail.

M. le Ministre délégué - Les heures choisies sont une véritable innovation. Ce régime est accessible au salarié volontaire, dans des limites définies par l'accord collectif. Il s'applique au-delà du contingent d'heures supplémentaires et il y a bien majoration de salaire, dont le montant est fixé par l'accord. L'employeur pourra proposer aux cadres soumis au forfait annuel en jours, toujours dans le cadre de l'accord collectif, le rachat d'un certain nombre de jours de repos ou de congé. Je ne peux être favorable à l'amendement.

L'amendement 93, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - L'amendement 94 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable pour les raisons que j'ai développées.

L'amendement 94, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 95 réintroduit l'accord de branche étendu pour les raisons que j'ai exposées à propos de l'article premier.

M. le Rapporteur - Avis défavorable pour les motifs également exposés.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable. Il est vrai que la négociation collective n'implique pas l'extension automatique des accords. Mais en pratique, les partenaires sociaux la demandent dans presque tous les cas pour rendre l'accord obligatoire.

L'amendement 95, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - L'amendement 96 confie à la négociation de branche l'organisation d'un régime dérogatoire, alors que vous mettez sur le même plan accord de branche et d'entreprise.

M. le Rapporteur - Défavorable. Nous en avons déjà débattu.

M. le Ministre délégué - Même avis. Les conditions de validité des accords prévus par la loi du 4 mai 2004, notamment le principe de l'accord majoritaire, sont des garanties importantes pour encadrer les accords quel que soit leur niveau, branche, groupe ou établissement.

L'amendement 96, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Nos amendements 55 et 97 concernent la représentativité des signataires, sujet que nous avons déjà abordé à l'article premier. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nous dire que la loi du 4 mai 2004 règle le problème, car elle n'instaure pas partout le système de l'accord majoritaire. Nous proposons une règle unique et claire : la signature de l'accord par des organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés aux élections.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, pour les raisons déjà indiquées.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable également. Nous n'allons pas revenir sur la loi de mai 2004 moins d'un an après son adoption ; au demeurant, le rapport de Jean-Paul Anciaux montrait bien que le Gouvernement avait respecté la « position commune » des partenaires sociaux.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe des députés communistes et républicains d'une demande de scrutin public sur les amendements 55 et 97. A l'issue de ce scrutin, je suspendrai la séance pour permettre à la Conférence des présidents de se réunir dans les salons voisins de l'hémicycle.

M. Alain Vidalies - Monsieur le ministre, vous avez fait état de l'opinion du rapporteur de la loi de mai 2004, mais elle n'était pas partagée par les organisations syndicales. Il faut dire que la déclaration commune, résultat d'un compromis entre des positions opposées, comportait des paragraphes contradictoires, ce qui laissait le choix au Gouvernement...

A la majorité de 21 voix contre 9 sur 30 votants et 30 suffrages exprimés, les amendements 55 et 97 ne sont pas adoptés.

La séance, suspendue à 5 heures 25, est reprise à 5 heures 35.

M. Alain Vidalies - L'amendement 126 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis. Le Gouvernement souhaite le maintien de l'équilibre entre salarié et employeur.

M. Maxime Gremetz - Je demande un scrutin public sur cet amendement.

M. le Président de la commission - J'avais moi-même préalablement demandé un scrutin public sur tous les amendements.

M. Maxime Gremetz - Vous n'avez pas le droit !

M. le Président - Si, tout comme le rapporteur. Cela étant, pour cet amendement 126, je ne l'avais pas encore annoncé. Le délai de cinq minutes doit donc être respecté. En attendant qu'il soit écoulé, je vous informe que la Conférence des présidents vient de se réunir...

M. Maxime Gremetz - Non !

M. le Président - Si, vous y avez assisté ! A la demande du Gouvernement, l'Assemblée nationale tiendra séance le lundi 7 février à 16 heures et 21 heures 30 pour poursuivre l'examen de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

M. Maxime Gremetz - La Conférence des présidents n'a pas pu avoir lieu, le Président de l'Assemblée et tous les présidents de groupe se trouvant actuellement en Turquie.

Le ministre nous a indiqué qu'au Sénat, il est déjà arrivé que la Conférence des présidents se réunisse en l'absence du Président du Sénat. Mais à l'Assemblée, seul le Président peut convoquer et réunir la Conférence, un haut fonctionnaire nous l'a confirmé en début de soirée.

M. le Président - En l'absence du Président de l'assemblée, la Conférence des présidents peut se tenir sous la présidence de l'un des vice-présidents. Vous ne pouvez pas prétendre, Monsieur Gremetz, qu'elle ne s'est pas tenue : vous y étiez. J'y ai d'ailleurs pris note de vos observations.

M. Maxime Gremetz - Je n'y allais que pour voir ce que prévoit exactement le Règlement.

M. le Président - On ne va pas à la Conférence des présidents pour consulter le Règlement ! Vous y représentiez le président Bocquet. Par ailleurs, nous savons de longue date que le Président Debré serait aujourd'hui en Turquie avec les présidents de groupe.

M. Pierre-Christophe Baguet - La Conférence des présidents s'est tenue en présence d'un représentant de chacun des groupes de l'Assemblée. Et en effet, Monsieur Gremetz, vous y représentiez le président Bocquet, tout comme vous le représentez en séance, où preuve en est que vous demandez en son nom scrutins publics et suspensions de séance. Vous ne pouvez pas prétendre que tantôt vous le représentez, tantôt non.... à moins d'être totalement schizophrène ! Je souhaite, pour ma part, que nous poursuivions nos travaux et que vous cessiez de perturber le fonctionnement de l'Assemblée.

A la majorité de 22 voix contre 9, sur 31 votants et 31 suffrages exprimés, l'amendement 126 n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - L'amendement 125 est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Président - J'ai indiqué tout à l'heure que le président de la commission demandait un scrutin public...

M. Maxime Gremetz - Non.

M. le Président - Vous vous associez à cette demande ?

M. Maxime Gremetz - Pas du tout !

M. le Président - Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le Ministre délégué - Défavorable.

M. le Président - Je rappelle que je suis saisi par le président de la commission d'une demande de scrutin public...

M. Maxime Gremetz - Il faut attendre cinq minutes.

A la majorité de 22 voix contre 7, sur 29 votants et 29 suffrages exprimés, l'amendement 125 n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement.

M. le Président - J'indique tout d'abord que sur l'amendement 137...

M. Maxime Gremetz - Vous ne l'avez pas annoncé !

M. le Président - ...j'ai été saisi par le président de la commission d'une demande de scrutin public.

M. Maxime Gremetz - Premièrement, je ne veux pas passer pour un menteur. On m'avait dit tout à l'heure qu'il n'était pas possible que se tienne une Conférence des présidents. Et il paraît maintenant que c'est possible ! Je ferai une observation officielle à ce sujet.

Deuxièmement, je vous demande, Monsieur le président, de respecter les cinq minutes règlementaires entre l'annonce du scrutin et le scrutin lui-même.

Troisièmement, je demande une suspension de séance car ce qui se passe en ce moment est très grave.

M. le Président - Vous demandez à vous exprimer mais vous interrompez systématiquement la séance !

M. Maxime Gremetz - Parce que la méthode que vous suivez n'est pas correcte.

M. le Président - La méthode de l'appel par sonnerie permet aux parlementaires de revenir dans l'hémicycle pour voter. Mais comme il y en a peu dans les couloirs à six heures moins cinq du matin...

M. Maxime Gremetz - Il faut de toute façon attendre cinq minutes.

M. le Président - A cette heure-ci, si l'on n'attend que quatre minutes...

M. Maxime Gremetz - Non, vous n'avez pas le droit. Le Règlement, c'est le Règlement.

M. le Président - Je vais suspendre la séance pour cinq minutes et j'espère que les esprits se seront calmés quand nous reprendrons.

La séance, suspendue à 5 heures 50, est reprise à 5 heures 55.

M. le Président - L'amendement 137 n'est pas défendu.

M. Alain Vidalies - L'amendement 98 est défendu.

L'amendement 98, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 32 et 44 ne sont pas défendus.

M. Alain Vidalies - L'amendement 102 est défendu, de même que le 103.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

Les amendements 102 et 103, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies - Le 99 est défendu.

L'amendement 99, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - L'amendement 45 n'est pas défendu.

M. Julien Dray - L'amendement 100 est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Défavorable.

M. Maxime Gremetz - Scrutin public, n'est-ce pas ?

M. le Président - Non, la demande de scrutin public a été retirée...

M. Maxime Gremetz - J'en demande un, moi.

M. le Président - Trop tard pour l'amendement 100.

L'amendement 100, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - L'amendement 46 de Mme Billard n'est pas défendu...

M. Maxime Gremetz - Je le reprends.

M. le Président - Il n'est pas défendu puisque Mme Billard n'est pas là. Quant à l'amendement 101, il est retiré.

M. Maxime Gremetz - J'ai le droit de reprendre l'amendement de Mme Billard, qui ne peut avoir été retiré puisque Mme Billard n'est pas là et qu'elle seule pourrait le faire !

M. le Président - C'est précisément parce qu'elle n'est pas là qu'il n'est pas défendu.

M. Maxime Gremetz - Je proteste !

M. le Président - Nous en sommes à l'amendement 90.

M. Alain Vidalies - Il est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Défavorable.

M. Maxime Gremetz - Je demande un scrutin public !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La commission peut-elle demander un scrutin public sur l'ensemble des amendements suivants ?

M. le Président - C'est de droit.

A la majorité de 23 voix contre 10, sur 33 votants et 33 suffrages exprimés, l'amendement 90 n'est pas adopté.

M. le Président - Je suis saisi par la commission d'une demande de scrutin public sur les amendements 56, 57, 58, 59, 60, 61, 89, 62 et 63. Ces scrutins vont être annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

L'amendement 33 de Mme Billard n'est pas défendu.

M. Maxime Gremetz - Je le reprends.

M. le Président - Non : il n'est pas défendu, il n'a pas été retiré, vous n'en êtes pas l'auteur et vous n'avez pas de document signé par l'un des auteurs. (M. Maxime Gremetz proteste) Aucun terrorisme intellectuel ou verbal ne fera plier la présidence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous passons à l'amendement 104 du groupe socialiste, sur lequel la commission a demandé un scrutin public.

M. Alain Vidalies - Cet amendement a pour objet de supprimer le II de cet article. En effet les conditions de conclusion d'une convention de forfait en heures sur l'année, visée par le II de l'article L. 212-15-3 du code du travail en vigueur, sont prévues par la convention ou l'accord collectif étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement visé par le I du même article. Celui-ci précise en outre qu'« à défaut de convention ou d'accord collectif étendu ou de convention ou d'accord d'entreprise ou d'établissement, des conventions de forfait en heures ne peuvent être établies que sur une base hebdomadaire ou mensuelle. »

Or le II de l'article 2 de la présente proposition prévoit qu'une convention ou accord collectif non étendu « peut enfin ouvrir la faculté au salarié qui le souhaite, en accord avec le chef d'entreprise, d'effectuer des heures au-delà de la durée annuelle de travail prévue par la convention de forfait. » Cet article ne tente t-il pas de contourner les accords collectifs étendus dont un avenant obligerait à négocier avec les signataires de l'accord instituant les conventions de forfait heures et d'introduire l'accord de groupe ? Toutefois les conventions ou accords de groupe ne peuvent comporter des dispositions dérogatoires à celles qui sont applicables en vertu des conventions de branche ou d'accords professionnels dont relèvent les entreprises ou établissements appartenant à ce groupe, sauf dispositions expresses de ces conventions de branche ou accords professionnels : c'est l'article L. 132-19-1.

La circulaire d'application relative à cet article de la loi Aubry précise bien que : « la convention de forfait annualisée en heures vise à rémunérer une durée annuelle de travail intégrant, le cas échéant, un nombre prédéterminé d'heures supplémentaires sur l'année. Dans ce cas, la rémunération prévue doit intégrer les majorations et bonifications pour les heures supplémentaires accomplies durant l'année au-delà de la durée annuelle moyenne du travail correspondant à la durée légale de 35 heures. Si la durée du travail des salariés concernés ne peut être prédéterminée, elle peut en tout état de cause être décomptée sur une base horaire. »

S'il s'agit d'effectuer des heures supplémentaires, les dispositions en vigueur le permettent déjà. S'il s'agit de les effectuer dans des conditions non prévues par le dispositif de convention de forfait heures en vigueur, cela implique que les conditions de majoration de salaire fixées dans le cadre de ces nouveaux accords pourraient établir des majorations à des taux différents de ceux fixés par la loi, et tout en respectant le libre choix du salarié... par exemple à 10% ! Il conviendrait que le Gouvernement donne une réponse à ces questions.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Il nous paraît important de laisser la possibilité à un accord collectif de prévoir que les cadres ayant conclu des conventions de forfait en heures peuvent travailler au-delà de ce forfait dans le cadre du régime du temps choisi. C'est pourquoi le Gouvernement n'est pas favorable.

M. Maxime Gremetz - Je ne comprends pas cette position, alors que vous dites souvent vouloir sécuriser, garantir, et aussi donner de la liberté. On constate pourtant que votre texte va dans un sens opposé. C'est pourquoi je soutiens cet amendement.

A la majorité de 21 voix contre 10, sur 31 votants et 31 suffrages exprimés, l'amendement 104 n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - L'amendement a pour objet d'ajouter l'adjectif « supplémentaires » après les mots « d'effectuer des heures », au dernier alinéa du II de l'article. Ne pas le faire serait vouloir endormir les salariés, et refuser d'appliquer à ces heures les dispositions légales normalement attachées aux heures supplémentaires, à savoir la majoration de salaire de 25% pour les huit premières heures et de 50% pour les suivantes, ainsi que les compensations en temps de repos nécessaires à la protection de la santé du salarié.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Les heures effectuées au-delà de la durée de la convention ne s'inscriront pas dans la logique des heures supplémentaires, ne seront pas encadrées par un contingent, et seront mises en place librement par un accord entre l'employeur et le salarié, avec toutefois les garanties qu'apporte l'accord collectif, qui reste la clef de voûte de l'ensemble. La majoration de ces heures ne sera pas déterminée par le régime de droit commun, mais là encore par les clauses de l'accord collectif. Nous ne pouvons donc accepter cet amendement.

M. Maxime Gremetz - Vous ne supportez pas qu'on essaie de préciser les questions liées aux heures supplémentaires. Je le conçois fort bien. Car vous feignez de maintenir la durée légale de 35 heures. Mais en réalité vous élargissez les contingents d'heures supplémentaires, vous réduisez la prise en compte des astreintes, vous révisez à la baisse la notion de durée effective du travail et vous diminuez le plancher de paiement des heures supplémentaires, qui passe de 25 à 10% pour les quatre premières heures...

Quant au paiement des heures supplémentaires, il ne sera plus majoré que de 10% ! Vous avez cédé à la revendication du Medef : encore et toujours plus d'heures supplémentaires moins payées ! Acceptez de rétablir la législation antérieure : 25% pour les quatre premières heures supplémentaires, 50% pour chacune des suivantes. Dans le cas contraire, vous réduirez encore le pouvoir d'achat !

A la majorité de 21 voix contre 10, sur 31 votants et 31 suffrages exprimés, l'amendement 52 n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 57 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Une réponse du ministre !

M. le Ministre délégué - J'ai déjà expliqué les raisons de mon refus tout à l'heure.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, votre réponse déterminera mon vote ! (Rires) Comme M. Douste-Blazy, vous répétez : « amendement repoussé, amendement repoussé ». Quel mépris envers la représentation nationale ! Si vous ne répondez pas, je demande une suspension de séance ! (Rires)

A la majorité de 21 voix contre 10, sur 31 votants et 31 suffrages exprimés, l'amendement 57 n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 6 h 20, est reprise à 6 h 25.

M. le Président de la commission - Je retire ma demande de scrutin public.

M. le Président - L'amendement 138 n'est pas défendu.

M. Alain Vidalies - Les amendements 58, 59, 60, 61, 89 sont défendus.

Les amendements 58, 59, 60, 61, 89, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - L'amendement 142 n'est pas défendu.

M. Alain Vidalies - L'amendement 62 est défendu.

L'amendement 62, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président de la commission - Je demande un scrutin public sur l'article 2.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 63 vise à ce que l'on ne puisse pas assimiler le refus du salarié de renoncer à des jours de repos à une modification d'un élément essentiel du contrat de travail pouvant entraîner un licenciement pour motif économique, rendu possible par la loi de programmation pour la cohésion sociale.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cette disposition nuit aux droits du salarié car elle implique que le dispositif ne relève pas de son initiative mais de celle de l'employeur.

M. le Ministre délégué - Le renoncement à ces jours de repos repose sur le volontariat. Chaque salarié est donc parfaitement libre de renoncer à ses jours de repos sans que cela constitue une modification d'un élément essentiel du contrat de travail. Nous partageons les préoccupations des auteurs de cet amendement, mais nous ne pouvons pas transiger sur les principes.

M. Maxime Gremetz - Votre temps choisi, comme le temps partiel, est un temps imposé à des volontaires désignés !

Pour vous, Monsieur le ministre, le refus de renoncer à des jours de repos n'équivaut pas à une modification d'un élément essentiel du contrat. Puisque cela va de soi, pourquoi ne pas l'inscrire dans la loi ?

Vous tenez le même raisonnement sur les heures supplémentaires : elles reposent sur le volontariat donc nul besoin de mentionner que le refus d'effectuer des heures ne peut être une cause de licenciement.

Vous n'avez rien lâché au cours de ce débat et, manifestement, cette assemblée est quelque peu désemparée. Alors, faites un petit geste de bonne volonté !

A la majorité de 23 voix contre 8, sur 31 votants et 31 suffrages exprimés, l'amendement 63 n'est pas adopté.

A la majorité de 24 voix contre 9, sur 33 votants et 33 suffrages exprimés, l'article 2 est adopté.

M. le Ministre délégué - Je tiens à remercier M. Raoult pour sa remarquable présidence et l'ensemble des personnels de l'Assemblée nationale pour leur dévouement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu lundi 7 février, à 16 heures.

La séance est levée à 6 heures 35.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU LUNDI 7 FEVRIER 2005

SEIZE HEURES : 1re SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la proposition de loi (n° 2030) de M. Patrick OLLIER et plusieurs de ses collègues portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

Rapport (n° 2040) de M. Pierre MORANGE, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

EVENTUELLEMENT À VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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