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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 61ème jour de séance, 147ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 15 FÉVRIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY

vice-président

Sommaire

      CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
      SUR L'ÉVOLUTION DE LA FISCALITÉ LOCALE 2

      ARTICLE UNIQUE 17

      TITRE 18

      FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 19

      ANNEXE ORDRE DU JOUR 20

La séance est ouverte à neuf heures trente.

CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
SUR L'ÉVOLUTION DE LA FISCALITÉ LOCALE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de MM. Pierre Méhaignerie et Bernard Accoyer tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'évolution de la fiscalité locale, de ses conséquences sur le pouvoir d'achat des ménages et sur la vie des entreprises, ainsi que sur les conditions d'une responsabilité mieux assumée des décideurs.

M. Hervé Mariton, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du plan - La commission des finances a adopté à l'unanimité cette proposition de députés UMP qui fait suite à l'explosion des taux des impôts dans de nombreuses collectivités régionales, même si certains ont pu minorer les conséquences financières de leurs choix politiques.

Parce que la fiscalité locale représente près de 80 milliards d'euros, il est impératif de s'interroger sur ses conditions d'évolution. Curieusement, certains n'ont pas cette préoccupation au prétexte que cette explosion ne toucherait que les entreprises et les propriétaires. Merci pour eux !

Ce sujet est essentiel pour le pouvoir d'achat de nos compatriotes, pour la compétitivité de nos entreprises, pour la politique économique de notre pays.

Comme d'autres, j'avais été frappé par la présentation faite, il y a un peu plus d'un an par M. Francis Mer, du programme de stabilité triennal de la France, devant les commissions des finances et des affaires étrangères : si l'évolution de l'impôt national semblait parfaitement maîtrisée et si celle des prélèvements sociaux semblait l'avoir été grâce aux réformes menées, la hausse de la fiscalité locale apparaissait comme une fatalité. Cette position est incompatible avec une politique économique ferme et il est aujourd'hui heureux que nous nous préoccupions de cette question.

La décentralisation relevait d'un pari audacieux, celui d'une meilleure gestion, au plus près du terrain, mais elle ne devait pas pour autant se traduire par une envolée des impôts locaux ! C'est en démontrant qu'elle n'est pas synonyme d'explosion de ces impôts que nous pourrons convaincre nos concitoyens du bien-fondé de cette politique.

Avons-nous le droit de créer une telle commission d'enquête ? Oui, car la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen nous impose de constater la nécessité de la contribution publique et d'en suivre l'emploi. N'oublions pas la sagesse populaire qui nous dit que tout sort de la même poche, celle du contribuable !

La représentation nationale ne doit pas être indifférente à l'emploi de la contribution publique, aussi la commission d'enquête devra-t-elle dresser un constat, établir des causes, et proposer des remèdes.

Elle devra établir, en toute transparence, les composantes de l'impôt local pour que, par exemple, on n'entende plus jamais prétendre que l'augmentation des taux suit l'inflation, déjà prise en compte dans les bases.

Il faudra par ailleurs analyser les causes de cette hausse. La décentralisation de M. Raffarin n'aura encore que peu d'impact en 2005....

M. Augustin Bonrepaux - C'est vous qui le dites !

M. le Rapporteur - ....et ne saurait justifier les augmentations massives d'impôts qui sont surtout le fait, étrangement, de collectivités dirigées par des socialistes - l'Alsace ou la Corse, régions à majorité UMP, n'ont pas connu de telles envolées.

Enfin, il faudra voir ce qui résulte de l'enchevêtrement des compétences, toutes les collectivités voulant intervenir sur tous les domaines, ainsi que les conséquences de l'intercommunalité dont le coût a sans doute contribué aux hausses d'impôts.

Un point encore. Aujourd'hui, en matière de fiscalité locale, l'Etat est le premier contribuable : en effet, lorsque les impôts augmentent dans une collectivité, ce ne sont pas les seuls contribuables locaux qui paient, mais, je l'ai dit, l'ensemble des Français. La tentation est donc grande, pour les responsables, d'augmenter les impôts, sachant que ceux-ci ne pèseront pas sur les seuls habitants de leur commune, de leur département ou de leur région.

Enfin, nous devrons nous interroger sur notre propension nationale à augmenter la dépense publique alors que les collectivités locales, tout comme l'Etat, doivent savoir raison garder. Lorsque l'origine des financements est mal définie, la tentation est grande - souvent pour des raisons électorales - d'accroître les dépenses.

Oui, nous croyons en la décentralisation, oui les collectivités locales s'administrent librement dans les conditions fixées par la loi, mais l'Assemblée nationale est également compétente pour organiser un contrôle, pour répondre aux fortes interrogations de nos concitoyens, pour faire en sorte qu'un projet comme celui de la décentralisation ne soit pas dénaturé par des décisions irresponsables qui amènent les Français à douter de cette belle idée. La décentralisation est positive, mais nous devons le démontrer. C'est ce que nous permettra de faire cette proposition de création d'une commission d'enquête, adoptée à l'unanimité par la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - C'est avec M. Accoyer que j'ai présenté la proposition de résolution dont nous discutons. Elle fait suite aux vœux de nombreux parlementaires de créer une commission d'enquête sur les évolutions de la fiscalité locale, mais également aux souhaits du président de l'Association des régions de France, M. Alain Rousset. La commission des finances avait donc toutes les raisons d'adopter à l'unanimité cette proposition.

A son origine, un constat : la très importante hausse du taux d'imposition des régions. Selon les uns, celle-ci s'expliquerait par la décentralisation - alors que ses effets ne se font pas encore sentir -, selon les autres, parmi lesquels je me range, cette hausse vise à constituer une cagnotte susceptible de financer des politiques en tout sens tout en imputant l'impopularité des hausses au Gouvernement. Je suis en particulier inquiet face à l'évolution des dépenses de fonctionnement de nombreuses collectivités locales alors que tous nos voisins européens s'engagent dans une politique de maîtrise des dépenses publiques. Je pense quant à moi que cette stratégie a été pensée et organisée sur le plan national et que ses conséquences seront nuisibles pour le pouvoir d'achat des familles, pour les entreprises, et pour les idées même d'imposition et de décentralisation.

Quelles que soient nos divergences d'appréciation, nous pouvons néanmoins nous entendre sur trois objectifs essentiels. Il s'agit tout d'abord de lutter contre l'ignorance : nos concitoyens doivent savoir précisément qui paie quoi, dans quelle proportion sur les plans local et national, quel est le taux réel de pression fiscale par collectivité, quelle a été son évolution, quel est l'apport de l'Etat ? En mars 2004, avec M . Copé, nous avons essayé de comprendre les raisons de la hausse des impôts départementaux. Une analyse scientifique a permis de les déterminer : financement de l'APA, des SDIS, et de l'application des 35 heures.

M. Charles de Courson - Exact !

M. le Président de la commission - Nous avons alors engagé une campagne d'explication qui s'est soldée par un échec car pour les Français, c'est toujours le Gouvernement qui est responsable de la hausse des impôts.

M. Jean-Pierre Balligand - Ce peut être la faute des maires, et non pas du Gouvernement...

M. Augustin Bonrepaux - Que faisiez-vous dans les Côtes-d'Armor ?

M. le Président de la commission - Je comprends votre interrogation, Monsieur Bonrepaux, si vous avez regardé les comptes des Côtes-d'Armor et non de l'Ille-et-Vilaine (Sourires ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Deuxième objectif : la transparence. Si l'on disait hier à nos compatriotes que la remise en état des collèges et des lycées nécessitait un effort important, ils comprenaient que l'Etat n'avait pas transmis les enveloppes nécessaires. Mais si l'on prend en compte les décisions législatives qui ont conduit l'Etat à prendre en charge d'une manière de plus en plus significative la taxe d'habitation et la taxe professionnelle, chacun pourra constater que les collectivités locales n'ont pas été perdantes.

M. Jean-Pierre Balligand - Et c'est très bien.

M. le Président de la commission - En 1994, la taxe d'habitation était prise en charge par l'Etat à hauteur de 19%, et elle l'était en 2003 à hauteur de 34%.

M. Charles de Courson - Toujours plus !

M. le Président de la commission - Dans certaines collectivités, cette prise en charge atteint 50%...

M. Charles de Courson - A Rennes, par exemple.

M. le Président de la commission - ...et personne ne le sait car l'origine des dégrèvements n'est jamais indiquée. Quant à la taxe professionnelle, l'Etat la prenait en charge pour 31% en 1994 alors qu'elle l'est aujourd'hui par lui pour 48%. Que serait aujourd'hui l'impôt des collectivités locales si l'Etat avait indexé l'évolution de ses dotations sur l'inflation ? Nombre de nos concitoyens se révolteraient contre l'impôt local !

En matière de taxe d'habitation, à Boulogne-Billancourt, 70% des foyers sont imposables ; à Nîmes ou Perpignan, 25%. Or, plus l'imposition est forte, plus l'Etat prend en charge une partie importante de la taxe en raison des dégrèvements, ce qui est contraire à la péréquation : dans les Alpes-Maritimes, dont le revenu moyen par habitant est supérieur à la moyenne nationale, l'Etat prend en charge 500 francs par habitant - je me réfère à une enquête d'avant l'arrivée de l'euro ; en Haute-Saône et en Lozère, dont on ne peut considérer que le revenu par habitant soit supérieur à celui des Alpes-Maritimes, l'Etat ne prend en charge que 90 francs.

Troisième objectif enfin : la détermination des causes d'une telle situation. Nous devons éviter la hausse des impôts locaux afin de faire baisser les taux de prélèvements obligatoires, car la maîtrise des dépenses publiques est l'une des conditions de l'évolution favorable du pouvoir d'achat. Pour ce faire, il faut renverser la logique actuelle selon laquelle plus l'imposition est forte, plus l'Etat finance, et plus la collectivité est vertueuse, plus elle est sanctionnée.

M. Charles de Courson - Comme dans la Marne !

M. le Président de la commission - J'ai réuni les maires de mon agglomération il y a quinze jours afin de fixer les taux d'imposition. Le taux global de TP est de 20% alors que la moyenne nationale est de 24,5%. Comme nous nous situons ainsi au-dessous de la moyenne nationale, les entreprises doivent payer une taxe supplémentaire qui varie entre 1,6% et 3,6%. Les maires sont donc contraints d'augmenter la taxe professionnelle : si la règle ne change pas, la dépense publique locale continuera de croître.

Le système rend aujourd'hui la majorité électorale insensible à la dépense publique, s'il bien qu'elle n'exerce plus le contrôle démocratique. Les foyers pleinement imposés au titre de la taxe d'habitation, en minorité électorale, ne peuvent se faire écouter.

A ces difficultés s'ajoute le poids de l'intercommunalité. Celle-ci est nécessaire, mais elle induit des dépenses sans que celles des collectivités de base soient limitées.

Par passion pour sa ville et pour ses électeurs, un élu local a toujours le désir d'améliorer le service et les équipements. Je rends d'ailleurs hommage à tous les élus de ce pays. Mais la question est de trouver un équilibre entre la demande collective et le pouvoir d'achat des familles.

Le dynamisme des bases ne devrait pas entraîner l'augmentation de la pression fiscale. C'est pourquoi il nous faut sortir de l'ignorance en identifiant les mécanismes qui poussent à la hausse.

Voici ce que déclarait en 1995 notre collègue René Dosière, qui est un bon connaisseur de la fiscalité locale : « En quatorze ans, la fiscalité locale a été multipliée par 4,2, alors que l'impôt sur le revenu était multiplié par 2,2. Les raisons de cette évolution sont multiples : il y a bien sûr les transferts de l'Etat, mais aussi les efforts permanents des collectivités en matière d'équipements collectifs et de personnel ».

Ce qui était vrai en 1995 l'est encore aujourd'hui. M. Dosière ajoutait : « Le budget de l'Etat supporte une part importante de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation. On comprend pourquoi la révolte fiscale n'a pas encore eu lieu : en multipliant les dégrèvements, les gouvernements ont administré des calmants aussi coûteux que dangereux. Cette prise en charge par l'Etat, qui rompt le lien fiscal entre la collectivité et ses habitants, est potentiellement dangereuse pour la démocratie locale, qui doit reposer sur une citoyenneté active et non sur l'assistance. »

Madame la ministre déléguée, je souhaite que nous dépassions nos oppositions sur l'évolution des budgets régionaux pour aboutir ensemble à une meilleure maîtrise de la dépense publique locale, sans laquelle nous ne pourrons améliorer l'emploi et le pouvoir d'achat de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Augustin Bonrepaux - Nous venons d'entendre le président de la commission des finances nous inciter à être vertueux. Auparavant, j'avais fait un lapsus en parlant des Côtes-d'Armor : je voulais dire l'Ille-et-Vilaine. Dans ce département, l'imposition a augmenté de 8,87% en 2002 et de 9,87% en 2003. Mon cher collègue, votre principe ne devrait pas être : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais. » Il faut être vertueux soi-même. Je veux bien comparer l'évolution fiscale de l'Ariège avec celle de l'Ille-et-Vilaine...

M. Pierre Méhaignerie - J'ai présidé le conseil général d'Ille-et-Vilaine pendant dix-neuf ans, jusqu'en 2001. Durant cette période, les impôts locaux n'ont jamais augmenté : vous pouvez vérifier, les taux sont restés stables. Depuis 2001, mon successeur a dû faire face à l'allocation personnalisée d'autonomie et aux 35 heures. Il faut réfléchir aux effets de ces mesures sur les dépenses des collectivités locales.

C'est une leçon que vous m'avez faite, je vous réponds de manière objective. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Augustin Bonrepaux - C'est tout de même l'UMP qui dirige votre département. Vous saisissez le prétexte de l'APA, alors que l'Etat compensait cette charge à 50%.

L'exposé des motifs de cette résolution est un réquisitoire sans preuves contre les régions. Il met en accusation tous les élus qui ont augmenté les impôts locaux, comme on en trouve ici sur tous les bancs. C'est aussi désavouer le Premier ministre : si vous jugez utile de créer une commission d'enquête, c'est que vous ne lui faites pas confiance. Quand il affirme que la commission consultative des charges constitue une garantie, qu'elle sera « le juge de paix des collectivités locales », vous ne le croyez pas.

Mais, s'il s'agit d'améliorer la transparence, nous voterons cette résolution, à condition d'avoir la garantie qu'on recherchera les vraies raisons de l'augmentation des impôts locaux. Il faudra revenir sur les années antérieures, examiner les politiques conduites, s'interroger sur la baisse continue de la fiscalité exigée par le Front national dans les régions cogérées avec la droite.

M. le Rapporteur - Vous parlez de Vauzelle ?

M. Augustin Bonrepaux - En Picardie, en Bourgogne, en Languedoc-Roussillon, ces politiques ont déséquilibré les comptes.

En outre, les décisions prises en avril 2004 n'ont-elles pas causé, elles aussi, des déséquilibres ?

Il faudrait examiner les responsabilités des différentes parties, les conséquences du désengagement de l'Etat dans le domaine des contrats de plan, la mauvaise utilisation des crédits européens.

Dans ces conditions, une commission d'enquête peut avoir un réel intérêt.

Parmi les causes d'augmentation de la fiscalité, il y a bien sûr la réalisation des programmes approuvés par les citoyens. Ce n'est pas nouveau : on sait qu'après chaque élection, la fiscalité locale augmente. Après la stabilité de ce que j'appellerai les « années Jospin », entre 1997 et 2001, la fiscalité locale a augmenté, en 2003 tout particulièrement. Elle a progressé de 28,4% dans le Lot-et-Garonne, de 13,88% dans les Pyrénées-Atlantiques et de 13,94% en Charente, trois départements gérés par la droite. En outre, l'endettement des collectivités locales s'est aggravé depuis 2003.

Cette année, les régions sont frappées à leur tour.

M. Marc Laffineur - Parce qu'elles sont gérées par la gauche !

M. Augustin Bonrepaux - Elles sont victimes du désengagement de l'Etat, dont vous ne me ferez pas croire qu'il n'ait aucune motivation politique.

La décentralisation du RMI est un bon exemple de ces nouveaux transferts auxquels les départements doivent faire face. En 2003, on nous assurait que la TIPP constituait une ressource évolutive. En 2004, les recettes étaient inférieures de 848 millions aux prévisions, malgré l'augmentation du taux sur le gazole. Fin 2004, il restait 435 millions à la charge des départements : ce déficit sera reporté en 2005, alors que le nombre des allocataires du RMI continue d'augmenter.

Le Gouvernement prétend compenser « à l'euro près ». Mais sur les charges de l'ANPE pour l'intégration des allocataires du RMI, charges que l'Etat finançait auparavant pour moitié, où est la compensation ? En Ariège, la participation de l'ANPE représente 230 000 €, mais il n'y a plus un euro de l'Etat. Vous êtes donc pris en flagrant délit de mensonge.

Le revenu minimum d'activité et le contrat d'avenir vont alourdir de 20% les charges des départements. Mme Boutin avait d'ailleurs annoncé dans son rapport que ces mesures se traduiraient par des dépenses nouvelles. Où est la compensation ?

Pour que le RMA et le contrat d'avenir soient des réussites, il faut de la formation. Or, cette compétence a été transférée aux régions. N'est-ce pas une charge nouvelle qu'on leur donne ?

On voit ce qui va se passer avec le transfert des personnels techniques, ouviers et de service, ou le transfert de la voirie. S'agissant des TOS, les régions sont obligées de recruter du personnel administratif pour s'organiser. Leurs charges de formation professionnelle augmentent. Le plan de cohésion sociale alourdit leurs charges en matière d'apprentissage.

Enfin, les règles du jeu sont constamment modifiées. Après avoir transféré la formation aux régions, l'Etat leur dit qu'il faudra former plus, sans compensation. Il y a donc aggravation des charges, et désengagement financier de l'Etat.

Celui-ci concerne d'abord le FNDAE, qui a été réduit de plus de 50% en 2003, et qui est désormais supprimé. Il en résulte une charge nouvelle pour les régions et les départements.

M. le Rapporteur - Les crédits vont aux agences !

M. Augustin Bonrepaux - Il manquera toujours 50%, et les agences de bassin des régions rurales sont défavorisées en matière de recettes.

L'augmentation des coûts de péages ferroviaires est de 135% dans la région Midi-Pyrénées ! Autrement dit, le Gouvernement veut faire rééquilibrer RFF par les régions...

M. le Rapporteur - Les péages sont compensés !

M. Augustin Bonrepaux - Pas pour les dessertes mises en place en 2004 !

Le désengagement de l'Etat est également patent dans les contrats de plan, qui accusent un retard de trois ans pour les travaux routiers et de sept ans pour les travaux ferroviaires. En Aquitaine, pour éviter les retards, voire l'arrêt pur et simple des travaux routiers, les collectivités locales ont consenti une avance de 26 millions. En Ile-de-France, l'Etat devrait budgéter 220 millions pour honorer ses engagements en matière de transports en commun ; or, il n'a inscrit que 48 millions en loi de finances et il sollicite la région et les départements pour 87 millions. En Pays de Loire, pour les travaux ferroviaires, l'Etat n'a dégagé que 150 000 euros d'AP sur un programme de 120 millions !

Enfin, l'assèchement des crédits européens, conséquence d'une gestion calamiteuse, va nécessairement entraîner une mise à contribution croissante des régions et des départements. La commission d'enquête devra faire toute la lumière sur les conditions d'utilisation de ces crédits et sur les surprogrammations.

Pour masquer ses propres responsabilités et celles du Gouvernement, la majorité veut faire un coup politique en pointant les augmentations de taux des régions, mais il faut rappeler que sur 100 euros payés par les contribuables locaux, 70 reviennent aux communes, 25 aux départements et 5 régions ; un euro de plus, c'est donc 1,5% de plus pour les communes, 4% pour les départements et 20% pour les régions.

M. le Président - Je vous prie de conclure, vous avez déjà parlé quatorze minutes.

M. Augustin Bonrepaux - Je vais conclure.

De ce fait, l'augmentation de 12,80% dans le département de la Marne coûtera 26 euros au contribuable, alors que l'augmentation décidée en Languedoc-Roussillon ne lui coûtera que 17 euros. En Pays de Loire, l'augmentation de 20% représente pour le contribuable un prélèvement de 5,80 euros, tandis que le Maine-et-Loire lui prend 22 euros supplémentaires...

Quand nous connaîtrons tous les taux, nous poursuivrons les comparaisons et nous verrons où sont les responsabilités. Quoi qu'il en soit, il reste qu'entre 1997 et 2001, la fiscalité locale a été stabilisée et que depuis 2002, elle s'accroît, au risque de devenir insupportable. L'obsolescence des impôts locaux les rendant très injustes, il faudra en tirer les conséquences (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - Depuis plusieurs semaines, nous assistons à un débat public sur la hausse de la fiscalité locale. La proposition de MM. Méhaignerie et Accoyer de créer une commission d'enquête va, pour le groupe UDF, dans le bon sens si elle permet de sortir d'un débat purement politicien.

Les socialistes pratiquent la caricature, en affirmant que les régions ont été obligées d'augmenter les impôts à cause de la décentralisation et à cause de l'héritage. Quant à mes collègues de l'UMP, je les invite à ne pas tenter de faire croire que la droite a toujours été exemplaire.

Le président Méhaignerie a rappelé qu'en dix-neuf ans de présidence de conseil général, il n'a jamais augmenté les impôts ; au conseil général de la Marne, nous les avons même baissés, et nous avons la fiscalité départementale la plus basse de France, y compris après les hausses de 2004 et 2005, qui sont les dernières jusqu'à la fin du mandat. Il faut en effet considérer non seulement la variation mais aussi le niveau.

Le Gouvernement ne peut pas se contenter d'invoquer l'article 72-2. Celui-ci aurait empêché la gauche de faire ce qu'elle a fait sur l'APA, mais le problème est aussi de savoir si les crédits que consacrait l'Etat à la compétence qu'il transfère étaient suffisants. Chacun sait par exemple que ce n'est pas le cas pour les routes, qu'il s'agisse des crédits d'entretien ou des crédits d'investissement, qui ne permettent même pas d'exécuter les contrats de plan. Sur ce sujet, cher collègue Bonrepaux, n'agressez pas trop l'actuel gouvernement car le taux d'exécution des contrats était à peu près le même du temps de la gauche...

La commission d'enquête ne doit pas être seulement une nouvelle occasion pour les socialistes et l'UMP de se renvoyer la balle... A L'UDF, nous souhaitons qu'elle aille au fond des choses.

Plusieurs députés UMP - Nous aussi !

M. Charles de Courson - Première question : quelle est la hausse réelle supportée par le contribuable local ? Il n'est pas raisonnable en effet de comptabiliser les compensations versées par l'Etat dans la pression fiscale locale, comme on l'a fait pendant des années.

Deuxième question : quelles sont les conséquences de cette hausse sur le pouvoir d'achat des ménages et sur la vie des entreprises ? Plutôt que de calculer des taux moyens de pression fiscale sur les ménages, examinons l'effet d'une hausse d'impôt sur les diverses catégories de population, selon la manière dont leurs revenus évoluent : une hausse des impôts locaux est plus mal supportée par les retraités, dont les retraites sont amputées par la hausse du taux de CSG, ou par les 10% de Français qui sont au chômage... En ce qui concerne les entreprises, il faut examiner le cas des entreprises agricoles, fortement touchées par la hausse du foncier non bâti, du fait de la chute continue du revenu agricole. S'agissant des autres entreprises, il faut prendre à bras-le-corps le problème de la taxe professionnelle et se poser la question suivante : peut-on avoir un impôt local sur l'entreprise et lequel ?

Enfin, il faut que la commission s'interroge sur les conditions d'une responsabilisation des décideurs. Pour cela, il faut qu'elle examine l'incroyable enchevêtrement des compétences. La loi Raffarin de décentralisation a aggravé le mal, et c'est pour cela que le groupe UDF, qui est profondément décentralisateur, n'a pas voulu la voter.

Ce n'est d'ailleurs pas le seul gouvernement Raffarin, mais tous les gouvernements successifs, qui ont été incapables de dire dans quels domaines les collectivités locales ne sont pas compétentes pour intervenir. Ce serait plus clair.

M. Jean-Pierre Balligand - Très bien !

M. Charles de Courson - Par exemple, comment comprendre quoi que ce soit à l'organisation du tourisme, alors qu'à tous les niveaux on s'en occupe !

Une autre question qu'il sera important d'examiner est l'identification, défaillante, des responsables de la hausse ou de la baisse des impôts. On touche ici à l'absence de spécialisation de l'impôt. Parmi ceux qui sont spécialisés, la vignette est en train de mourir puisqu'on a supprimé la part des particuliers et que, sur ce qui reste, la fraude atteint 20 à 25% ; la carte grise sur les régions perdure tant bien que mal. Mais pour tous les autres impôts, la responsabilité est partagée. Dès lors, quand l'impôt augmente, à qui le reproche-t-on ? Au président du conseil général ou du conseil régional ? Pas tellement. La faute, c'est celle du maire de Loches, du maire de Vitré. De plus, voyons les choses en face en ce qui concerne l'intercommunalité. N'a-t-elle pas été une cause d'augmentation ?

M. le Rapporteur - Si !

M. Charles de Courson - Et si oui, le système administratif et politique que nous avons mis en place n'en est-il pas responsable ?

Plusieurs députés UMP - Oui.

M. Charles de Courson - Il arrive que tel maire, interpellé sur la hausse des impôts, renvoie la faute sur l'intercommunalité. Si les citoyens étaient informés, ils lui répondraient que ce n'est pas sérieux, puisque c'est lui qui a voté le budget commun ! Pour notre part, lorsque nous avons créé un groupement intercommunal, chacune des onze communes participantes a baissé ses impôts à due concurrence de ceux qui étaient créés.

M. Jean-Pierre Balligand - Ils avaient peur du procureur de Courson. (Sourires)

M. Charles de Courson - Le président Méhaignerie a soulevé un autre point fondamental. Les compensations mises en place lorsque l'impôt est repris au niveau national déresponsabilisent les collectivités territoriales.

Plusieurs députés UMP - Absolument !

M. Charles de Courson - Ceux qui pratiquaient des impôts très élevés ont reçu une compensation sur cette base. On connaît un cas d'augmentation préalable de 15 à 20% de la vignette pour en profiter.

L'UDF est attachée à l'autonomie fiscale locale. Mais le problème de fond est que nos impôts locaux sont très archaïques. Il y a bien eu des réformettes, mais jamais un gouvernement n'a pris l'initiative que nous appelons de nos vœux d'établir une fiscalité locale claire et simple. Nous avons fait des propositions, qui ont fait hurler à gauche comme à droite, comme d'affecter une partie de la CSG aux départements, voire aux régions, en baissant le taux national à due concurrence, pour financer les transferts de compétences. Puisque nous sommes d'accord pour dénoncer l'archaïsme des impôts locaux, il faut dire par quoi on les remplace. Mais ne comptons pas sur les gouvernements. En la matière, ils sont conservateurs. Ils sont entre les mains de hauts fonctionnaires du ministère des finances dont la stratégie est thatchérienne et qui ont réussi, depuis quinze ans, à faire financer les collectivités locales par des dotations indexées. Voilà une somme forfaitaire, débrouillez-vous avec ! Telle est leur conception de la démocratie locale. Ce n'est pas la nôtre, et l'UDF s'est battue bec et ongles lors de la réforme constitutionnelle pour une autonomie fiscale réelle, c'est-à-dire des impôts à base locale dont les taux sont fixés par les assemblées locales responsables face aux citoyens.

Sur ces sujets, la commission pourra peut-être faire un travail utile. C'est dans cet esprit que le groupe UDF votera en faveur de sa création. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Claude Sandrier - Quoi de plus politicien que cette commission d'enquête « règlement de comptes » ? Evidemment, elle ne mènera pas une analyse sérieuse du désengagement de l'Etat et des dégâts qu'il provoque sur l'emploi, la santé, les salaires et les services publics, tous sujets cruciaux pour nos concitoyens. Ce n'est pas par cette manœuvre que vous allez redorer votre blason, largement terni par vos échecs électoraux et par les lois de régression sociale que vous qualifiez de « réformes ».

Certes, on pourrait utilement créer des commissions d'enquête, par exemple sur le rapport entre les cadeaux faits au Medef et les emplois créés, sur le droit à l'emploi et au logement, sur les moyens nécessaires pour soigner tous ceux qui ne se soignent pas. On pourrait tout aussi utilement enquêter sur l'effet sur le pouvoir d'achat de certaines baisses d'impôt et des hausses de cotisations sociales, des prix et des taxes, ou sur ce que coûte à la société une exigence de rendement des actions de 15 à 20% quand la croissance est de 2%.

Mais vous préférez vous livrer à une petite opération pour tenter de faire oublier que vous venez de lancer le plus grand processus de désengagement de l'Etat au détriment des collectivités et des contribuables locaux, alors même que les impôts locaux sont les plus injustes de tous.

C'est faux, nous dites-vous : l'Etat doit se recentrer sur ses missions « régaliennes » de défense, police et justice, et donc opérer un transfert massif d'autres compétences vers les collectivités. Et ajoutez-vous, ce transfert se fera à l'euro près ! Formule alléchante, mais vide de sens.

D'abord, l'Etat effectue des transferts hors du cadre des lois de décentralisation. Pour le RMI par exemple, sa dotation au conseil général du Cher pour 2005 est inférieure de 2 millions à ce qu'elle devrait être, soit trois points d'impôt local. De même, la prime pour la retraite des pompiers volontaires, qui vient d'être créée, coûtera 300 000 euros, sans aucune compensation. Pour la région Centre, les transferts de charges dans le domaine sanitaire en 2005, après dotation de l'Etat, se traduiront par une charge supplémentaire de 14,3 millions. On est bien loin du transfert à l'euro près, et ce sera pis dans les années à venir. L'Etat prendra-t-il à sa charge la cotisation employeur pour la retraite des TOS ? Quant aux routes nationales, le transfert se fait en fonction des investissements des dernières années. Sur la portion de la RN 76 qui traversa ma circonscription, l'investissement a été nul, le transfert ne coûtera donc rien ! C'est un marché de dupes. Et qu'en sera-t-il de la loi sur le handicap ? Sans parler de la SNCF qui sollicite les régions, de RFF qui augmente ses tarifs, ce qui coûtera un million à la région Centre faute de compensation intégrale par l'Etat. Et le pire est à venir, car les transferts dans le cadre de la décentralisation se feront surtout de 2006 à 2008.

Cette commission d'enquête aura donc surtout pour mission de répandre un épais brouillard sur une politique de cadeaux fiscaux et d'exemptions de charges sans compensation pour les uns, d'aggravement des prélèvements et des impôts pour les autres ! Comme vous n'assumez pas cette politique, vous lancez une opération de diversion sur une hausse d'impôts locaux qui est de 6 à 10 euros par habitant selon les régions.

Ce dont nous aurions vraiment besoin, c'est d'un grand débat citoyen sur la gestion de l'Etat et des collectivités territoriales. Ce n'est pas une commission d'enquête qui le remplacera.

Oui, il y a des engagements passés à tenir, et des ardoises à effacer. Je pense ainsi au comportement irresponsable consistant à réduire les impôts locaux pour obtenir le soutien du Front national, comme l'ont fait quelques présidents de région de vos amis.

Pour tenir leurs engagements électoraux, les régions ont le souci légitime de compenser des politiques publiques désastreuses en matière d'emploi et d'action sociale bien que pallier localement le dysfonctionnement d'une société qui se délite trouve forcément des limites. Les collectivités locales ne peuvent indéfiniment être les pompiers des feux sociaux allumés par un gouvernement soucieux des seuls dividendes d'une minorité.

Pour anticiper le nouveau transfert de charges de 2006-2008, notre groupe propose de privilégier l'information, le débat avec nos concitoyens et la transparence. La gauche, dans son ensemble, doit suivre cette ligne de conduite si elle veut prétendre gouverner autrement que la majorité actuelle.

Le groupe communiste et républicain votera contre la création de cette commission d'enquête, alibi de la majorité qui veut cacher les conséquences de ses choix politiques.

M. Michel Piron - Créer une commission d'enquête sur l'évolution de la fiscalité locale, comme le proposent M. Accoyer et de M. Méhaignerie, est non seulement utile mais nécessaire.

Nous sommes arrivés à un moment-clé de la décentralisation : depuis les premières lois de 1982-1983, les questions de fiscalité locale ponctuent l'actualité et l'environnement juridique et financier des collectivités locales a connu des mutations considérables.

Depuis la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République et, plus encore, celle du 12 juillet 1999 touchant au renforcement de la coopération intercommunale, les groupements intercommunaux à fiscalité propre se sont considérablement développés : ils regroupaient 50,7 millions d'habitants en 2004 contre 16 millions en 1993. Les groupements à taxe professionnelle unique gèrent désormais près de la moitié du produit de la taxe professionnelle et le coefficient d'intégration fiscale des autres établissements publics de coopération intercommunale a fortement augmenté : 24,46% en 2004 contre 16,59% en 1998.

Parallèlement, l'imbrication des compétences des collectivités locales avec celles de l'Etat s'est accrue, notamment en matière de gestion du logement social, des services départementaux d'incendie ou encore des réseaux de trains express régionaux.

L'essor des politiques contractuelles, c'est-à-dire la mise en œuvre des contrats de plan et des fonds structurels européens, a substantiellement modifié l'environnement juridique, administratif et financier des collectivités locales. Malgré les actions d'expérimentation prévues par la loi organique 1er août 2003 afin d'assouplir le cadre d'intervention des acteurs locaux, des évolutions normatives contraignantes, concernant la collecte des ordures ménagères par exemple, pèsent lourdement sur l'évolution des prélèvements locaux.

Malgré la prévision d'une hausse des taux de prélèvement limitée à 1% en 2004, le débat sur la fiscalité locale a ressurgi avec vigueur suite à l'approfondissement de la décentralisation et aux élections régionales et cantonales de mars 2004.

Le recours répété à des images telles « les quatre vieilles » pour suggérer l'archaïsme des principales taxes locales ou le « manteau d'Arlequin » pour signifier la complexité du paysage local fiscal, traduit d'abord l'incapacité à donner une définition simple et complète de la fiscalité locale. Représentant l'essentiel des ressources des collectivités - 51,7% de leurs recettes totales en 2003 -, la fiscalité locale est cœur du débat sur l'autonomie financière des collectivités et, partant, sur l'avenir de la démocratie locale.

La complexité globale du système fiscal local et ses conséquences sur les budgets des ménages et des entreprises rendent nécessaires la création de cette commission d'enquête qui s'attachera à mesurer l'impact de la décentralisation sur les acteurs économiques et la pertinence des choix fiscaux des collectivités territoriales, à étudier les moyens de préserver l'autonomie financière des collectivités et d'accompagner financièrement le développement de l'intercommunalité.

Parce que la crédibilité et la pérennité de la démarche décentralisatrice dépendent de l'équilibre territorial des pouvoirs entre les collectivités et l'Etat, la commission des lois m'a confié une mission d'information qui aura pour objet d'éclairer la question de la fiscalité locale et non pas - que l'opposition se rassure - d'en faire une lecture partisane.

Sur ce sujet complexe, préférons la force du débat parlementaire aux échanges caricaturaux. Pour rattacher les bonnes causes aux bons effets, inspirons-nous de la formule de Spinoza : Non ridere, non lugere neque detestari, sed intellegere , c'est-à-dire « ne pas railler, ne pas déplorer, ne pas maudire, mais comprendre » et votons cette proposition de résolution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud - Quel regret que M. Piron n'ait pas rédigé l'exposé des motifs de cette proposition de résolution qui, en l'état actuel, ne contient que partis pris et faux procès de l'UMP à l'encontre des exécutifs régionaux ! Nous aurions préféré cette volonté de transparence à l'hypocrisie.

Les politiques de décentralisation ont incontestablement alourdi les charges des collectivités territoriales de 2 à 6%. M. Mariton et M. Zeller le reconnaissent eux-mêmes. Le mode de calcul des transferts de charge et des ressources par rapport aux charges, le désengagement de l'Etat, la création de la journée de solidarité ou encore la modification du régime des primes grèvent le budget des collectivités locales.

M. Méhaignerie nous a appelés à éviter la caricature. Pourtant, Madame la ministre, la semaine dernière lors des questions d'actualité, répondant à un collègue UMP qui mettait en cause l'augmentation de la taxe d'habitation, vous n'avez même pas eu la courtoisie de signaler que la part régionale de cette taxe avait été supprimée par le gouvernement Jospin. En Poitou-Charentes à une certaine époque, la fiscalité locale a augmenté de 100% sur un exercice budgétaire !

M. Bernard Derosier - Qui présidait la région ? (Sourires)

M. Didier Migaud - Dans cette région, la personnalité de l'actuel Premier ministre a été très présente...

Evitons l'hypocrisie et les faux procès et cherchons la cause de telles augmentations.

Il nous faut d'ailleurs avoir l'honnêteté de ne pas raisonner uniquement sur la variation de la charge du contribuable, mais aussi sur son niveau.

M. le Rapporteur - Cela fait des excuses, mais non des explications !

M. Didier Migaud - Ne nous trompons pas de sujet, et donnons-nous les moyens d'aller jusqu'au bout. S'arrêter à l'évolution de la fiscalité locale, c'est passer à côté de l'essentiel. Archaïque et injuste, la fiscalité locale doit surtout être remise à plat - ce que nous n'avons pas encore eu le courage de faire.

Les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales sont encore marquées par trop de non-dits. Posons donc la question de notre organisation administrative et de la nécessaire clarification des compétences entre les différents niveaux de collectivités. A cet égard, la loi de 2004 a manqué une occasion : c'est bel et bien à cela qu'il faut s'attaquer. Si la commission d'enquête peut le faire, nous y participerons très volontiers, en faisant abstraction de l'esprit très partisan de l'exposé des motifs de cette proposition de résolution.

La commission d'enquête n'est d'ailleurs pas le meilleur cadre pour aborder ces questions. Vous l'avez choisie car elle vous permettait de mieux mettre en accusation, surtout si l'on bornait son champ aux régions. Mais heureusement, la proposition de résolution a été modifiée. Nous participerons donc à cette commission d'enquête, dans la transparence, et pour nous assurer qu'elle s'attache bien à l'ensemble des questions à traiter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Je me réjouis de la création de cette commission d'enquête sur la fiscalité locale. Notre pays éprouve en effet les plus grandes difficultés à réduire le poids des prélèvements obligatoires.

Si les prélèvements de l'Etat tendent à diminuer grâce à la maîtrise de la dépense, les prélèvements sociaux augmentent plus vite que la croissance, sous l'effet conjugué du vieillissement de la population et du coût de la santé.

M. Jean-Pierre Balligand - Et des réformes !

M. le Rapporteur général - La multiplication des transferts de compétences a en outre conduit la fiscalité locale à augmenter tendanciellement plus vite que la croissance sur les vingt dernières années. Complexe, opaque et dissimulée, elle est source d'irresponsabilité. La commission d'enquête devra s'attacher à analyser ces phénomènes pour œuvrer à une plus grande transparence des mécanismes.

Sans esprit de polémique, je souhaite qu'elle s'intéresse plus particulièrement au transfert, souvent masqué, de la charge de l'impôt local sur le contribuable national par le biais des dégrèvements et des exonérations, et à l'éclatement de l'impôt local entre les différents niveaux de collectivités territoriales, qui est source d'opacité.

L'impôt local est certes archaïque, injuste et inégalement réparti. Mais nous n'avons jamais su le réformer : nous aurions pu, par exemple, réviser les valeurs locatives...

M. Charles de Courson - Absolument !

M. le Rapporteur général - C'est donc l'Etat qui est intervenu pour « gommer » les aspérités de l'impôt local. Il paye aujourd'hui plus de 30% de la taxe d'habitation, 25% de la taxe professionnelle - malgré la suppression de sa part salaires - et environ 5% de l'impôt sur le foncier bâti. Or, le mécanisme de la compensation sur la base des taux locaux est pervers : il encourage l'irresponsabilité.

Prenons l'exemple de la taxe d'habitation : dans les villes où les habitants dégrevés sont nombreux, l'augmentation du taux de la taxe ne pèsera que sur le contribuable national. On observe de même des taux particulièrement élevés de taxe professionnelle dans les villes où les bases par habitant sont élevées : le plafonnement par rapport à la valeur ajoutée permet de transférer la charge sur le contribuable national. Pierre Méhaignerie a noté à juste titre que le contribuable national contribue cinq ou six fois plus au paiement de la taxe d'habitation dans les Alpes-maritimes que dans le centre de la France.

Arguant de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, Didier Migaud estime qu'il n'y a pas lieu d'en parler, mais il aurait pu ne pas nous rappeler un mauvais souvenir : au printemps 2000, deux régions qui n'avaient pas encore adopté leur budget au moment du vote du collectif, le Nord-Pas-de-Calais et le Limousin, ont majoré la taxe d'habitation parce qu'elles savaient qu'elle allait être supprimée - c'est presque un délit d'initié ! - et qu'elles bénéficieraient ainsi d'une compensation calculée sur des bases élevées dès 2001.

La même arrière-pensée se devine derrière le vote des taux de la part régionale de la taxe professionnelle, dont la commission Fouquet a proposé la suppression. Nous avons tous exigé, s'agissant de la prise en compte des dépenses, un calcul pluriannuel sur trois ou cinq ans. Le bon sens et l'équité commanderont que l'on tienne le même raisonnement sur les taux de taxe professionnelle lorsqu'il s'agira de compenser la recette.

Michel Piron s'est inquiété à juste titre de l'éclatement de l'impôt entre collectivités territoriales. La commune, l'intercommunalité, le département, la région, l'Etat et les chambres de commerce perçoivent une part de la taxe professionnelle : comment le contribuable pourrait-il s'y retrouver ? Comment éviter des augmentations irresponsables ? Hélas, les petits ruisseaux font les grandes rivières : quels que soient les montants, nous devons être vigilants.

J'espère que la commission d'enquête nous permettra de progresser, dans un esprit d'objectivité et de collégialité, vers une véritable réforme de la fiscalité locale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Balligand - Je voudrais répondre, à la fois comme député socialiste et comme co-président de l'Institut de la décentralisation, aux propos que j'ai entendus ce matin : je n'apprécie guère le procès qui est fait aux collectivités territoriales.

Le premier respect que nous leur devons, avant celui de leur autonomie financière, c'est celui du suffrage universel. L'Assemblée nationale est dans son rôle lorsqu'elle s'intéresse à l'évolution de la fiscalité locale. Mais les propos du rapporteur avaient de véritables accents « thatchériens ». Or, on entend souvent dans les milieux politiques des balivernes sur la prétendue correspondance entre la décentralisation et le libéralisme économique.

Comme mes collègues Didier Migaud et Augustin Bonrepaux l'ont demandé, c'est sur la durée que doit être appréhendée l'évolution de la fiscalité locale. Je veux bien que l'on fasse des procès, mais Adrien Zeller, qui préside avec moi l'Institut de la décentralisation, vous dirait tout comme moi que notre principale inquiétude ne porte pas sur les régions, mais sur les départements. Ce n'est pas pour 2005 que nous sommes inquiets, mais pour 2006 et 2007, en particulier du fait de l'augmentation de l'APA et de la départementalisation des services d'incendie et de secours. Je vous le dis, il faudra faire attention au montant des dépenses !

Les transferts sont en train de se décider, et parfois même à la demande de certains présidents de conseils généraux, mais pour ma part, je n'étais pas favorable au transfert des routes nationales aux départements, car ce sont essentiellement les routes en mauvais état que nous recevrons : la voilà, la réalité ! Et que dire du transfert de l'équipement, d'autant plus inquiétant que l'on connaît le taux d'occupation des postes dans les subdivisions de l'équipement sur l'ensemble du territoire, sans parler de celui des TOS.

Si une fiscalité locale doit exploser, ce sera celle des départements, qui affecte l'ensemble des ménages et des entreprises. Il est clair que le transfert par l'Etat de secteurs dans lesquels il n'a pas investi depuis longtemps se traduira par un relèvement des impôts locaux.

M. le Rapporteur - Les dépenses ne vont pas monter jusqu'au ciel non plus !

M. Jean-Pierre Balligand - Il faut donc que nous soyons attentifs à l'évolution des dépenses des départements.

M. le Rapporteur - Choix de gestion !

M. Jean-Pierre Balligand - Quant à la multiplicité des compétences, que nous avons tous dénoncée, je vous rappellerai tout de même que la majorité a voté l'acte II de la décentralisation !

M. Charles de Courson - Pas l'UDF !

M. Jean-Pierre Balligand - Je ne vous intègre pas tout à fait dans la majorité.

M. Richard Mallié - Vous nous avez empêchés de voter en faisant de l'obstruction !

M. Jean-Pierre Balligand - Ne niez pas les divergences qui existaient entre vous !

Vous avez dressé le procès de l'acte II de la loi Raffarin, en regrettant un tel enchevêtrement des compétences.

M. le Rapporteur - C'est un pari que l'on peut réussir et que vous pouvez faire échouer.

M. Jean-Pierre Balligand - Cela fait un moment qu'en tant que président de l'Institut de la décentralisation, je m'interroge sur ce texte et me demande si vous n'avez pas voulu désengager l'Etat au détriment des collectivités locales, dans le seul but de permettre une baisse de l'impôt national. Rappelez-vous ainsi que la compétence économique des régions, largement défendue par M. Raffarin, leur a finalement été refusée au dernier moment, parce que nous étions au lendemain des élections régionales.

Peut-on, dans un pays où toutes les collectivités veulent exercer toutes les compétences, faire l'économie d'une spécialisation ? Il en va de la survie de la décentralisation ! Comment voulez-vous que les départements se chargent du social, du transport, de la gestion des TOS, de l'APA, des collèges, des services de secours et d'incendie, et interviennent en plus en matière économique ?

C'est dommage que M. Méhaignerie soit parti car je lui aurais rappelé le numéro que l'on nous avait joué à l'époque pour dénoncer l'atteinte à l'autonomie fiscale - je pense notamment au dispositif de M. Strauss-Kahn sur la part salaire. Nous étions quelques-uns, avec M. Migaud, à appeler à la prudence, et à défendre l'autonomie financière, car nous avions déjà dépassé le stade de l'autonomie fiscale, vu le niveau de compensation par l'Etat des charges transférées.

Aujourd'hui, il aurait fallu donner des garanties au niveau constitutionnel, mais vous avez réussi, à l'UMP, à opérer un véritable tour de passe-passe qui a même donné le change à l'UDF, qui a fini par céder. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Et le Sénat, chargé de défendre les collectivités locales, ne s'est pas mieux conduit.

Il ne s'agit plus aujourd'hui que d'autonomie financière, mais au moins assurons-nous que le système est cohérent et lisible pour le citoyen.

Arrêtez donc de dire que la décentralisation coûte moins cher ! Adrien Zeller, qui préside avec moi l'Institut de décentralisation, ne défend pas cette idée, alors même qu'il est de votre bord, mais l'idée qui, elle, est juste, d'une meilleure efficacité de l'action publique. Il faudra en arriver à la spécialisation des compétences et des impôts et il est encore temps de ne pas supprimer la taxe professionnelle pour les régions !

Par ailleurs, c'est vrai que la commune et le département peuvent jouer un rôle essentiel au niveau social et que la taxe d'habitation est importante pour cela.

Je serais très heureux que cette commission d'enquête nous permette d'aller plus loin, mais surtout, n'agissez pas uniquement sur le court terme.

Il ne faut pas jouer uniquement sur les régions car sinon, dans un an, quelles que soient les majorités, la fiscalité départementale augmentera - sauf à diminuer l'action publique locale, comme le préconise M. Mariton, auquel cas c'est le lien social qui en pâtira.

Cette commission d'enquête doit déboucher sur des propositions concrètes afin d'éclairer l'action publique. Ne tombons pas dans le faux procès de l'augmentation massive des impôts régionaux : après tout, un exécutif régional peut très bien décider d'anticiper les conséquences financières des transferts de compétence.

M. Richard Mallié - Quel culot !

M. Jean-Pierre Balligand - Ne pratiquons pas la langue de bois : nous savons tous ce qu'implique la gestion d'une collectivité.

Il faudra donc veiller à simplifier la répartition des compétences en s'attaquant à la clause de compétence générale, mais aussi spécialiser les compétences ainsi que les impôts par couple. Cette commission d'enquête, alors, aura fait montre de son efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Marc Laffineur - Décidément, Monsieur Balligand, nous avons des divergences fondamentales.

M. Augustin Bonrepaux - Vous feriez mieux de l'écouter !

M. Marc Laffineur - Nous, nous ne considérons pas que c'est la dépense publique qui fonde le lien social mais bien plutôt les rapports humains.

Je remercie MM. Méhaignerie et Accoyer pour leur initiative salutaire. Les collectivités locales, en effet, doivent participer au même titre que l'Etat à l'effort national de maîtrise des dépenses publiques et de réduction du déficit. C'est précisément pourquoi, en tant que maire, j'ai adhéré au pacte de stabilité de la fiscalité locale lancé par M. Mariton, lequel engage ses signataires à ne pas augmenter les impôts locaux dans les trois années à venir : 200 élus locaux l'ont ratifié à ce jour, témoignant ainsi que l'augmentation de la fiscalité n'a rien d'inéluctable mais correspond le plus souvent à des promesses électorales ou relève du laxisme.

Lors de la précédente législature, 19 impôts et taxes ont été créés. En 2000, la France a battu un record en matière de prélèvements obligatoires puisque ceux-ci ont atteint 45,5% de la richesse nationale. Le Gouvernement a dû faire face à une situation budgétaire déplorable car de nombreux transferts de charges de l'Etat n'avaient pas été financés: ainsi, le gouvernement Jospin avait prévu de transférer 800 millions aux départements pour financer l'APA alors que cette compétence a coûté 2,5 milliards en 2003. En imposant les 35 heures sans concertation à la fonction publique territoriale, vous avez fait augmenter les charges de personnel dans les départements et les régions de 8,9% en 2002 et de 7,9% en 2003. Les 35 heures expliquent très largement l'accroissement de la contribution des communes, regroupements de communes et départements au financement des SDIS qui a presque triplé, passant de 1 a 2,7 milliards d'euros entre 1997 et 2002. La gauche a mis à mal l'autonomie financière des collectivités locales en transformant une grande part des recettes fiscales locales en dotations de l'Etat - suppression de la vignette ainsi que de la part régionale de la taxe d'habitation. Au total, plus de 14 milliards d'euros de recettes fiscales ont été retirés aux collectivités locales. En 2003, les quatre régions où les impôts étaient les plus importants étaient gérées par la gauche. A la veille des dernières élections régionales, la fiscalité des régions de gauche était supérieure de 10% à celle des régions de droite. La situation est identique dans les départements.

Il est donc temps de mettre fin à ce faux procès que la gauche nous intente depuis la mise en œuvre de l'acte II de la décentralisation : pour toutes les compétences transférées aux collectivités locales, l'Etat versera à l'euro près les sommes correspondantes. Cette garantie de compensation est en outre inscrite dans la Constitution. Pour 2005, les compétences transférées ne concernent d'ailleurs que 400 millions d'euros, soit à peine 2,85% des dépenses des régions. Si la gestion des techniciens ouvriers et de service de l'éducation nationale est effectivement confiée aux collectivités locales, ceux-ci continueront à être payés par l'Etat jusqu'en 2008 : à compter de 2006, ils auront deux ans pour décider ou non de leur intégration dans la fonction publique territoriale. Il est donc difficile, pour les présidents de régions de gauche, de justifier des hausses s'échelonnant de 15 à 30%, voire 50% alors que dans le même temps les hausses des deux seules régions de droite - la Corse et l'Alsace - varient de 0 à 2,5%.

Le Gouvernement favorisera de plus le dynamisme fiscal des collectivités territoriales en transférant une partie de la TTPP aux régions et la taxe sur les conventions d'assurance aux départements. En cas de diminution du rendement de ces taxes, l'Etat s'est engagé à compenser aux régions la perte induite.

Les hausses de la fiscalité régionale ne s'expliquent que par les promesses électorales des nouveaux exécutifs, à moins que certaines régions ne cherchent à se constituer une belle cagnotte fiscale. Je me garderai d'omettre en outre l'augmentation non négligeable des frais de fonctionnement de certains conseils régionaux.

M. Louis Giscard d'Estaing - Absolument.

M. Marc Laffineur - Que chacun assume donc ses responsabilités ! Tel est également l'objectif de cette commission d'enquête qui, je l'espère, permettra de rétablir la vérité aux yeux des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - La décentralisation est un pari sur l'efficacité qu'il est possible de gagner ou de perdre. M. Adrien Zeller, président du conseil général d'Alsace, préconise ainsi un meilleur fonctionnement de la décentralisation plutôt que la baisse des dépenses. Mais l'évolution de la fiscalité en Alsace, en 2005, est éloquente puisqu'elle n'augmente que de 2,5% et que tel n'est pas le cas, par exemple, en Septimanie (Sourires).

La commission d'enquête devra prouver que la décentralisation est efficace et qu'elle ne génère pas que des angoisses. Quoi qu'il en soit, en matière de dépenses et de recettes, les élus prendront leurs responsabilités à un moment ou à un autre : l'augmentation de la fiscalité locale n'est pas fatale mais relève de choix politiques. La commission d'enquête le démontrera, et toute autre analyse reviendrait à déresponsabiliser les élus locaux.

Enfin, les intérêts de l'Etat et des collectivités locales convergent au sein de la nation. Nous ne devons pas appréhender cette dialectique sur un mode revendicatif. C'est le point de vue de la nation dans son ensemble que la commission d'enquête de l'Assemblée nationale devra exprimer : elle ne doit en rien être prisonnière d'un affrontement comptable. La comptabilité n'est pas un exercice sans importance, mais elle ne peut résumer tout le débat.

Après avoir dressé le constat et analysé les causes, nous pourrons proposer des remèdes. Mais la commission d'enquête, malgré tout notre talent, ne sera peut-être pas capable de refaire l'édifice. C'est de l'évolution de la fiscalité locale qu'elle devra rendre compte, ce qui constitue déjà un champ considérable. C'est un travail important qui nous attend. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur - Permettez-moi de saluer cette initiative et de remercier MM. Accoyer, Méhaignerie et Mariton, ainsi que l'ensemble des orateurs qui ont su débattre de manière constructive, sans esprit partisan.

Vous l'avez dit, Monsieur Méhaignerie, il s'agit de promouvoir une citoyenneté active fondée sur la responsabilité des décideurs politiques. La création de cette commission d'enquête répond à une double préoccupation : disposer d'une information objective sur les conditions dans lesquelles ont été faits des choix qui doivent être assumés en toute transparence et identifier les causes d'évolution de la fiscalité locale au moment où une réflexion commune nous conduit à renforcer le contrôle de la dépense publique.

Sur la distinction faite entre les impositions nationales et les impositions locales, il faut rappeler que le contribuable est toujours le même. Mais le développement de la décentralisation exige que le contribuable local soit proche des décisions qui concernent son environnement immédiat. Cette distinction doit donc être lisible.

Par ailleurs, au moment où s'ouvre un grand débat sur l'Europe, je rappelle que la France a dû, pour se conformer aux exigences communautaires, préciser la part des prélèvements obligatoires dus aux administrations publiques locales. La loi organique sur l'autonomie locale a précisé la notion de « ressources propres des collectivités locales ». L'imposition locale, définie avec clarté, est intégrée dans le programme de stabilité. La France s'est engagée, auprès des autorités européennes, à stabiliser ses prélèvements obligatoires à 43,7% du PIB dans la période 2006-2008. Dans ce total, la fiscalité locale représente 5,1 points. Notre effort commun doit demeurer la maîtrise des prélèvements obligatoires. La clarification des compétences, l'adoption de nouveaux modes de gestion, le développement de l'intercommunalité doivent concourir à cet objectif.

Je partage l'avis selon lequel la fiscalité locale ne peut être appréhendée sur une période trop courte. Les cycles électoraux ou d'autres facteurs peuvent avoir des effets ponctuels. La pression s'était stabilisée sur une longue période à partir de 1997, les collectivités locales recherchant leur désendettement et la préservation de leur autofinancement comme des préalables à l'investissement. Elles assurent d'ailleurs 70% de l'investissement public et leur part devrait encore s'accroître avec les nouveaux transferts de compétences.

Or, je suis inquiète de constater une augmentation déraisonnable de la pression fiscale dans les régions. Il faut que les citoyens sachent qui est responsable de quoi. La démocratie ne peut reposer que sur la clarté.

L'Etat transférera une partie de ses recettes fiscales pour accompagner les mutations. Il s'agira d'impositions dynamiques et de long terme. Il ne faut pas se limiter à l'analyse du dernier trimestre pour argumenter. En outre, le décroisement des finances publiques rendra plus efficace l'affectation des ressources.

Votre proposition de résolution part certes d'un débat sur le financement de la décentralisation, mais son esprit est beaucoup plus large. Il faut distinguer son rôle de celui des instances de concertation, comme la commission consultative d'évaluation des charges. Un large consensus est nécessaire. Il s'agit de clarifier la part dans la fiscalité locale des différents acteurs, de préciser le rôle de l'Etat et d'identifier dans les dépenses celles qui relèvent des choix politiques propres à chaque exécutif local.

L'Etat vous apportera son soutien et toute information utile à vos investigations. Il importe de replacer le débat sur des bases objectives au moment où s'ouvre l'acte II de la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ARTICLE UNIQUE

M. Augustin Bonrepaux - Nos amendements ont été repris dans le texte de la commission, de sorte que nous voterons cette proposition de résolution. Nous allons pouvoir remonter jusqu'en 2001, voire au-delà. Il est tout de même surprenant que tous les départements où l'on observe une augmentation des impôts supérieure à 8% sont gérés par la droite. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Pourquoi ?

M. Richard Mallié - Et l'Ariège ?

M. Augustin Bonrepaux - En Ariège, le taux d'augmentation n'est que de 3%, contre 11% dans le Jura, 28% dans le Lot-et-Garonne, 12% dans le Rhône, 20% en Haute-Savoie... Il est surprenant que la fiscalité augmente ainsi dans les départements les plus aisés.

M. Richard Mallié - Ne faites pas ici le travail de la commission d'enquête !

M. Augustin Bonrepaux - Je veux bien accepter la comparaison avec l'Ariège.

M. Alain Gest - Vous aviez augmenté les impôts dans les années précédentes, voilà tout.

M. Augustin Bonrepaux - Il serait intéressant de remonter jusqu'en 1990, quand la région Poitou-Charentes a augmenté ses prélèvements de 100% ! Je ne sais plus qui était alors son président, mais il avait sûrement des raisons de le faire...

Nos amendements visaient aussi à garantir que soient déterminées les causes de l'évolution fiscale. Je veux bien, comme l'a fait le rapporteur, qu'on compare l'Alsace et le « Septimanie », c'est-à-dire la région Languedoc-Roussillon. Mais ont-elles les mêmes ressources ? En outre, dans les années passées, la co-gestion avec le Front national de la région Languedoc-Roussillon s'est traduite par une baisse des taux qui a déséquilibré les comptes. Enfin, les décisions prises au début de l'année 2004 ont créé des difficultés financières.

La commission d'enquête devra examiner tout cela, en faisant la part des engagements électoraux et du désengagement de l'Etat. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) On dirait que vous ne voulez pas examiner ces questions.

Sur la décentralisation, vous auriez dû écouter notre collègue Balligand. En l'entendant d'ailleurs, le président hochait la tête en signe d'acquiescement. (Sourires.) La situation va devenir désastreuse en 2006 et en 2007.

Enfin, madame la ministre déléguée, il faut apprécier le prélèvement par contribuable. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Il se peut que cette commission d'enquête - qui aurait pu n'être qu'une mission d'information - se retourne contre vous.

M. le Président - Je vous remercie, monsieur Bonrepaux. Pour ma part, ne pouvant m'exprimer depuis ce siège, j'aurai l'occasion de dire ce que je pense au sein de la commission d'enquête.

M. Charles de Courson - Le groupe UDF est très attaché au principe de responsabilité, dont l'une des contreparties est l'autonomie financière. Mon amendement 2 a donc pour objet de préciser que l'une des missions de la commission d'enquête sera d'apprécier la réalité de l'autonomie financière des collectivités.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement, mais à titre personnel j'y suis défavorable car il ne faut pas alourdir le texte. Rien n'empêchera la commission d'enquête d'examiner cette question.

M. Didier Migaud - Nous soutenons cet amendement car il va de soi que la réalité - ou non - de l'autonomie financière a des conséquences sur l'évolution de la fiscalité. L'adopter serait répondre au souci de lisibilité, de transparence et d'objectivité exprimé par le président Méhaignerie.

M. Charles de Courson - Monsieur le rapporteur, nous sommes d'accord sur l'objectif, mais il aurait été bon de poser le problème suivant : est-ce que les collectivités qui ont une autonomie financière plus faible augmentent plus leur fiscalité locale ? C'est une question intéressante, le taux d'autonomie financière étant très variable au sein d'une même catégorie de collectivités, les communes par exemple. Au niveau global, le taux d'autonomie financière réelle le plus faible est celui des régions, puisqu'il est tombé à 34%, la gauche l'ayant divisé par deux en cinq ans ; est-ce pour partie l'explication de la hausse de leur fiscalité ?

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article unique, mis aux voix, est adopté.

TITRE

M. le Rapporteur - Mon amendement 3 vise à simplifier le titre en l'arrêtant après le mot « locale ».

M. Augustin Bonrepaux - Mon amendement 1 visait à évoquer les conditions d'une responsabilité mieux assumée « par » - et non « de » - l'ensemble des décideurs, y compris l'Etat, mais il n'a plus d'objet si nous nous en tenons au titre proposé par M. Mariton.

M. Charles de Courson - Je ne suis pas d'accord pour « simplifier » le titre car mieux vaut qu'il indique clairement ce sur quoi la commission d'enquête aura à travailler.

M. le Président de la commission - Nous n'avons pas de divergence sur le fond. L'exposé des motifs est clair.

M. le Rapporteur - L'article unique également, et il est bien qu'un titre soit bref.

M. Augustin Bonrepaux - Nous voterons cette simplification, qui ne changera rien aux travaux de la commission d'enquête.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Le titre de la proposition de la résolution est donc ainsi rédigé : « Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'évolution de la fiscalité locale ».

L'ensemble de la proposition de résolution, mis aux voix, est adopté.

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 10 mars inclus a été fixé ce matin en Conférence des Présidents. Ce document sera annexé au compte rendu.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures .

La séance est levée à 12 heures 10.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ANNEXE
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 10 mars 2005 inclus a été ainsi fixé ce matin en Conférence des Présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

Projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.

MERCREDI 16 FÉVRIER, à 9 heures 30, 15 heures, après les questions au Gouvernement, et 21 heures 30 :

Suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 17 FÉVRIER, à 9 heures 30, 15 heures et 21 heures 30 :

Suite de l'ordre du jour de la veille.

Éventuellement, VENDREDI 18 FÉVRIER, à 9 heures 30, 15 heures et 21 heures 30 :

Suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 1ER MARS, à 9 heures 30 :

Questions orales sans débat.

à 17 heures et à 21 heures 30 :

Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes ;

Projet de sauvegarde des entreprises.

MERCREDI 2 MARS, à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école ;

Suite de l'ordre du jour de la veille.

à 21 heures 30 :

Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

JEUDI 3 MARS, à 9 heures 30, 15 heures et 21 heures 30 :

Suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 8 MARS, à 9 heures 30 :

Questions orales sans débat.

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

Suite du projet de sauvegarde des entreprises.

MERCREDI 9 MARS, à 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 21 heures 30 :

Éventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;

Projet, adopté par le Sénat, relatif aux aéroports.

JEUDI 10 MARS, à 9 heures 30, 15 heures et 21 heures 30 :

Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, d'une part, et le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la communauté française, le Gouvernement de la Région wallonne et le Gouvernement flamand, d'autre part, sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux ;

Projet autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention portant création d'un office européen de police (convention Europol) et le protocole sur les privilèges et immunités d'Europol, des membres de ses organes, de ses directeurs adjoints et de ses agents ;

Projet autorisant l'approbation de la convention sur la cybercriminalité ;

Projet autorisant l'approbation des protocoles d'application de la convention alpine du 7 novembre 1991 dans le domaine de la protection de la nature et de l'entretien des paysages, de l'aménagement du territoire et du développement durable, des forêts de montagne, de l'énergie, du tourisme, de la protection des sols, et des transports ;

Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion à la convention relative à la conservation et à la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central (ensemble quatre annexes) ;

Projet autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention sur le transfèrement des personnes condamnées ;

Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'instrument amendant la convention du 23 juin 1993 relative à la création du Bureau européen des radiocommunications (ensemble deux annexes) ;

Suite de l'ordre du jour de la veille.

Par ailleurs, le mardi 1er mars, à 15 h 00, M. José Luis ZAPATERRO, Premier ministre du Royaume d'Espagne, sera reçu dans l'Hémicycle.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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