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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 61ème jour de séance, 149ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 15 FÉVRIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

            PROJET DE LOI D'ORIENTATION
            POUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE (suite) 2

            QUESTION PRÉALABLE 2

            ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 16 FÉVRIER 2005 26

La séance est ouverte à vingt et une heures.

PROJET DE LOI D'ORIENTATION POUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. François Liberti - Depuis la fin des années 1980, les réformes des systèmes éducatifs des pays développés tendent à une véritable déréglementation. Les institutions du capitalisme - FMI, banque mondiale, OCDE, OMC - soutiennent en effet que le nouvel ordre économique impose un nouvel ordre éducatif mondial. En adoptant, en 1994, les accords de Marrakech, les Etats signataires ont adhéré à l'organisation mondiale du commerce et souscrit par la même occasion à l'accord général sur le commerce des services. Les négociations prévues pour « élever progressivement le niveau de libéralisation » sont en cours : réunions, groupes de travail et sessions spéciales se succèdent à Genève. Les intentions ont le mérite d'être claires : ouvrir tous les services des 137 Etats membres de l'OMC aux lois du libre-échange, ce qui implique, à terme, la négation de droits fondamentaux comme l'éducation, la santé et le travail, la disparition de la notion de service public et la destruction de toute forme de diversité. L'interdiction de discrimination entre les fournisseurs de services s'imposerait sous toutes les latitudes. Les entreprises privées pourraient soumettre aux lois du marché et transformer en marchandises les activités de service concernant l'éducation, la santé et la culture par exemple.

Votre projet ultralibéral est parfaitement en phase avec le projet de Constitution européenne, qui, dès le premier article, pose comme fondement le dogme d'une libre concurrence non faussée, et doit être rejeté de la même manière. La libre concurrence à laquelle les activités d'éducation, de recherche et de culture seraient livrées aggraveraient des inégalités déjà très profondes. Depuis les élections de 2002 se développe une offensive sans précédent contre les grandes conquêtes populaires du XXe siècle : retraites, protection sociale, droit du travail, fonction publique... Alors que cette politique est de plus en plus contestée, le traité constitutionnel veut graver dans le marbre les principes du néo-libéralisme, pour une Europe du libre-échange au sein d'une économie mondialisée.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement entend imposer à l'école les principes d'organisation et de fonctionnement du libéralisme. Cet ajustement trouve son fondement dans l'exacerbation de la concurrence internationale : pour pouvoir répondre à la fois à la demande d'une force de travail hautement qualifiée et flexible et à celle d'une part de main-d'œuvre peu qualifiée, les savoirs scolaires s'adaptent en occultant leur valeur de formation intellectuelle. C'est la conception qui imprègne votre projet de transformation du système éducatif, répondant aux objectifs fixés par l'accord de Lisbonne de « construire une Europe de l'éducation et de la formation ». Cela implique de réduire la mission du système éducatif à la transmission d'un savoir minimum dans des écoles différenciées, pensées avant tout, pour celles des milieux populaires, comme des lieux de pacification pour des jeunes fortement stigmatisés.

Une intense campagne idéologique, s'appuyant sur un diagnostic très noirci, désigne les présumés coupables : l'individualisme, la permissivité et le corporatisme syndical. Pour éviter d'aborder la véritable question - quelle ambition, pour quelle société ? - elle présente la formation comme une dépense publique et un coût insupportables. L'accès au savoir devient ainsi une charge, et même un supplément d'âme que la nation n'aurait pas les moyens d'assumer. Or il s'agit d'un investissement générateur d'efficacité sociale et économique et source de développement des richesses produites et d'économies. Ce projet de loi n'est d'ailleurs qu'une partie des mesures élaborées contre le service public de l'éducation : on peut citer aussi la loi organique relative aux lois de finance, qui aligne la gestion des services publics sur le modèle des entreprises privées, la circulaire du 25 novembre 2004 sur les « pôles de compétitivité », la réforme du CNRS et le projet de loi d'orientation et de programmation de la recherche, la loi de « prévention de la délinquance », qui place les enseignants au sein d'un dispositif répressif, ou la loi de décentralisation.

Afin de masquer votre soumission à cette idéologie libérale, vous avez prétendu consulter nombre d'experts et recueillir l'avis de nos concitoyens. De nombreux rapports ont été remis : Conseil économique et social, Haut conseil d'évaluation de l'école, Miroir du débat national sur l'avenir de l'école, rapport Thélot... Le Conseil supérieur de l'éducation et le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche se sont, sans surprise, prononcés très majoritairement contre ce texte. La mobilisation sur le terrain, elle, va des lycéens aux chefs d'établissements en passant par les enseignants et les parents d'élèves.

Les critiques à votre projet sont nombreuses. Le « rapport annexé » a certes une portée juridique très limitée, comme c'était le cas pour la loi précédente, mais il révèle au moins les intentions du Gouvernement ! Bien que vous en demeuriez souvent au stade du constat, voire à celui des idées reçues, certaines des mesures envisagées constituent un véritable recul : discours moralisateur, culpabilisation des élèves en difficulté, tableau très pessimiste des problèmes de sécurité, volonté de sélection précoce... Le projet propose comme mesure phare la création d'un « sous-SMIC culturel » pour les pauvres et l'instauration de matières supplémentaires pour les « meilleurs ». Certains savoirs vont se trouver exclus du champ de cette culture commune, tels l'EPS, les enseignements artistiques ou la technologie. Les causes de l'échec scolaire ne sont pas traitées. Au contraire, la ségrégation se renforcera, par l'enfermement dans l'échec et l'orientation précoce. L'orientation vers l'apprentissage se concentrera sur les élèves les plus en difficulté. Le contrat individuel de réussite éducative ouvre la porte aux dispositifs dérogatoires, notamment à l'alternance dès l'âge de 13 ans. Pour ces élèves, le parcours semble tracé d'avance : redoublement, envoi en classe puis en atelier relais, puis en internat de réussite éducative.

Le brevet des collèges prendra en compte la discipline et l'assiduité. A géométrie variable, avec certaines disciplines laissées au choix des élèves, il consacrera la spécialisation précoce des parcours. La traduction du comportement de l'élève dans une note chiffrée sera partiale et altérera la relation avec le conseiller principal d'éducation, dont la fonction de médiation et d'écoute sera dénaturée. Le baccalauréat étant à 20% passé en contrôle continu, rien ne garantit qu'il restera un diplôme national. Ce système risque de créer des inégalités entre les établissements et des problèmes d'indépendance de l'évaluation. Même si l'on peut se féliciter de votre recul, Monsieur le ministre, sur la réforme du bac, il est clair qu'il ne s'agit que d'une mesure tactique. Quant au redoublement, il est préconisé pour les élèves faibles, dès le début du primaire, au mépris d'études convergentes dénonçant sa nocivité. Les punitions collectives sont rétablies : destinées à restaurer l'autorité du maître, elles seront évidemment contre-productives. Les travaux personnels encadrés sont supprimés, alors qu'ils sont considérés comme une innovation majeure pour faire réussir le plus grand nombre : ils favorisent le développement de compétences transversales propres à faciliter les apprentissages disciplinaires et à donner du sens aux savoirs scolaires.

Le renforcement de l'autonomie des établissements avec le conseil pédagogique, celui de la contractualisation avec les contrats d'objectifs, multiplieront les pouvoirs hiérarchiques. La rentabilité éducative s'imposera d'elle-même et entraînera une régulation des moyens attribués au mérite. Le chef d'établissement, chargé du remplacement des enseignants, verra sa mission réduite à un simple autoritarisme. La liberté pédagogique, soumise aux directives du conseil pédagogique et du projet d'établissement, sera, quant à elle, limitée. Le remplacement des enseignants absents par leurs collègues alourdira les services. La composition du Haut conseil de l'éducation qui remplace le Conseil national des programmes et le Haut conseil de l'évaluation ne garantira aucunement son indépendance. Son mode de désignation ne précise pas sur quels critères les personnalités seront choisies et l'on peut donc craindre une politisation de cette nouvelle instance. Pourtant, une alternative progressiste à votre projet existe bel et bien.

Il n'y a pas si longtemps, les élèves qui avaient des difficultés scolaires pouvaient tout de même entrer dans la vie active avec des chances raisonnables d'accéder à un emploi. Il n'en est plus de même aujourd'hui.

Mme Nadine Morano - C'est exact.

M. François Liberti - L'éradication de l'échec scolaire constitue donc l'un des enjeux de notre temps, et il y a des raisons d'espérer : en quelques décennies, l'école, sous la pression sociale, économique familiale, a fait des progrès spectaculaires. Grâce à la suppression de l'orientation en fin de cinquième et des filières institutionnelles au collège, les effectifs scolarisés avec succès jusqu'au bac ont plus que triplé jusqu'à représenter près de 70% d'une classe d'âge. Ces progrès ont permis qu'une partie importante de la jeunesse puisse peu à peu suivre des études supérieures et prétendre à un diplôme qui offre des débouchés professionnels. L'accès aux savoirs s'est démocratisé.

Néanmoins, malgré la mise en place des ZEP et l'investissement massif des enseignants, les inégalités s'aggravent. Les écarts entre groupes sociaux sont révélateurs : 68% des élèves orientés à la fin de la troisième vers un second cycle professionnel sont issus des milieux les plus populaires, lesquels constituent aussi 79% des élèves en SEGPA ; 20% des jeunes sortent quant à eux du système éducatif sans aucune qualification. La scolarisation en maternelle dès l'âge de deux ans concernait 35% d'une classe d'âge en 1985 alors que ce taux n'était plus que de 28% en 2004. A l'université, le nombre d'étudiants stagne à deux millions depuis les années quatre-vingt, et les enfants d'ouvriers n'y occupent qu'une place marginale.

En outre, la société confère sans arrêt à l'école de nouvelles responsabilités, comme si celle-ci pouvait remédier à tous les maux. Le tour de passe-passe idéologique ainsi constitué est redoutable : c'est l'école qui serait responsable des difficultés d'insertion professionnelle, de l'inadaptation des formations à l'emploi, entraînant une marginalisation qui engendre parfois incivilités et violences. Or, ces dérives sont le fait de la société et, comme telles, nécessitent des réponses politiques. Le Gouvernement, profitant de ces difficultés, tient un discours fataliste afin d'imposer sa logique : le système scolaire serait insuffisamment sélectif, trop peu soumis au libéralisme et aux lois du marché. Certains préconisent une meilleure gestion des inégalités en multipliant de coûteux dispositifs de compensation ou de soutien dont l'efficacité est par ailleurs limitée. Quoi qu'il en soit, notre système scolaire semble à bout de souffle et peine à poursuivre sa démocratisation : faute de moyens, il se révèle incapable de relever les nouveaux défis.

Nous considérons, quant à nous, que les élèves en échec scolaire ne posent pas de problèmes à l'école mais posent les problèmes de l'école, de son fonctionnement, de la culture qu'elle dispense, de son mode de transmission des savoirs. Poser un diagnostic sérieux sur l'état de l'école implique donc une réflexion sur les inégalités profondes que crée le système économique, social et culturel dominant : une démocratisation scolaire efficace doit en effet aller de pair avec une politique sociale ambitieuse. Le récent rapport du CERC a évalué à plus d'un million le nombre d'enfants vivant en France sous le seuil de pauvreté. Qui peut imaginer que cette situation serait sans incidences sur leur scolarité ? Ce serait certes une illusion de croire que l'école peut, à elle seule, résorber les inégalités sociales, mais prétendre que celle-ci ne peut rien faire en serait une autre.

Parce que nous ne nous résignons pas à ce que l'échec scolaire frappe essentiellement les enfants des milieux populaires, nous luttons pour une école de la réussite pour tous, scolarisant tous les jeunes sans exception : enfants porteurs d'un handicap, enfants des gens du voyage ou des sans papiers, et ce, dans le respect des principes de laïcité, de gratuité et d'égalité.

Le service public de l'éducation repose sur quatre piliers fondamentaux : transmission des savoirs et des méthodes, développement de toutes les capacités des élèves, formation du futur travailleur, éducation du citoyen. L'école publique, institution de la République, est seule à même de protéger les jeunes de l'influence des groupes de pression, de garantir des programmes et des enseignements d'égale qualité sur l'ensemble du territoire. Toute tentative de marchandisation de ses services est incompatible avec ces principes fondateurs.

La décentralisation du système éducatif devait originellement favoriser un rapprochement entre les citoyens, les usagers et les décideurs. Mais si la première phase, mise en œuvre dans les années quatre-vingt, a eu d'incontestables effets positifs, elle a également accru les inégalités entre les territoires. Les collectivités locales et territoriales ont, depuis plus de vingt ans, contribué de plus en plus fortement au fonctionnement du système éducatif ; elles ont souvent compensé efficacement les défaillances, voire le retrait de l'Etat, mais la nouvelle loi de décentralisation accentuera considérablement leur rôle : les investissements éducatifs dépendront désormais de leurs choix politiques. Alors que la contribution de l'Etat au financement des dépenses d'éducation baisse, les personnels ATOSS deviendront, quant à eux, des agents territoriaux ; les nouvelles dépenses qui en résulteront seront imputées sur les impôts locaux et régionaux, beaucoup moins progressifs que l'impôt sur le revenu. Soustraites à la gestion de l'Etat, les missions assurées par ces personnels seront plus facilement « externalisables » et ces postes seront ensuite plus facilement privatisables. Une fois de plus, ce sont les familles populaires qui subiront le plus lourdement les conséquences de cette politique.

De nouvelles cartes des formations - générales, techniques et professionnelles - devraient être élaborées démocratiquement par tous les partenaires du système éducatif et du monde du travail. Il est également indispensable d'engager les écoles des territoires ruraux et montagnards dans une véritable démarche interculturelle grâce à des échanges et à des partenariats avec les divers milieux urbains et les différents pays européens.

Les dispositifs d'adaptation et d'intégration scolaires sont indispensables à une réelle démocratisation et devraient être présents tout au long de la scolarité obligatoire. Aussi, des travaux d'accessibilité des locaux, d'adaptation au travail scolaire, d'accompagnement par des personnels formés doivent être réalisés. Les personnels itinérants doivent être mieux formés et disposer de temps pour travailler avec les équipes intégrantes.

Les politiques d'intégration des élèves dans les cursus scolaires doivent être encouragées et accompagnées des moyens indispensables à la réussite du projet individualisé d'intégration : formation adaptée des enseignants, conditions d'encadrement améliorées, temps institutionnel dégagé pour les concertations avec les familles. Les divers dispositifs existants - CLIS, UPL...- et ceux relevant du médicosocial doivent être renforcés pour garantir la continuité des prises en charge. Pour les enfants non francophones, les dispositifs d'acquisition rapide de la langue et des fondamentaux doivent être consolidés tout au long de la scolarité.

Pour les enfants dont le handicap ne permet pas la scolarisation en milieu ordinaire, les établissements spécialisés doivent être développés et relever de la solidarité nationale pour favoriser les prises en charge.

Une réforme progressiste de notre école exige aussi que l'on en finisse avec l'alibi du « handicap socioculturel » et tous les discours culpabilisateurs. Alors que la « théorie des dons » et sa légitimation des inégalités a été réfutée, un autre discours destiné à expliquer l'échec scolaire tend aujourd'hui à se développer : les jeunes des milieux populaires seraient porteurs d'une sorte de « handicap social culturel », devant lequel l'institution scolaire serait impuissante, et finalement réduite à fixer des objectifs diversifiés aux différents publics. Une telle approche tend à renvoyer l'individu à son milieu social, pour lui faire porter la « faute » de son échec, comme si l'école ne pouvait enseigner qu'à des élèves pré-instruits par la famille ! Et ces discours culpabilisent aussi les enseignants, en mettant en cause leur immobilisme supposé. Dans tous les cas, l'institution, se contente de « gérer les flux », par une orientation plus ou moins précoce des élèves en échec vers l'enseignement professionnel.

Notre ambition d'une formation de haut niveau pour tous s'inscrit résolument contre cette idéologie, dont l'ensemble de votre projet politique est imprégné. Nous postulons au contraire l'éducabilité de tous. Parce que nous pensons que l'investissement dans la formation n'est pas un coût, mais d'abord le signe que la société se projette dans l'avenir, nous proposons de nous inscrire dans une démarche de gratuité. Plutôt que d'adapter aux crédits votés les projets pédagogiques et les besoins, nous proposons de définir la base commune indispensable dans chaque établissement pour assurer un enseignement de qualité. Au-delà des mots, une véritable gratuité doit procurer à tous les bases matérielles indispensables pour assurer des enseignements de qualité, quelles que soient les situations considérées.

Nous demandons donc que la base matérielle et pédagogique de l'enseignement soit la même partout. L'accès à une véritable gratuité ne doit pas dépendre des enjeux politiques locaux. A cet effet, nous proposons de définir nationalement le socle commun exigible dans chaque établissement pour assurer gratuitement un enseignement de qualité : qualité des locaux scolaires et de l'équipement de base, matériel pédagogique, bibliothèques, piscines, restauration scolaire, transports...

Mme Nadine Morano - Mais qui va payer ?

M. François Liberti - Pour ce faire, il faut dégager les ressources nécessaires (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Nous demandons un investissement de l'Etat sur cinq ans à hauteur de 7% du PIB, et nous proposons la création d'un fonds national d'action contre les inégalités à l'école. Des moyens doivent être mobilisés en urgence pour mettre à niveau les établissements et réaliser les conditions d'égalité des chances entre tous les élèves. La participation des entreprises au coût global de la formation doit être repensée, et une partie des crédits des collectivités locales consacrés au financement des mesures de gratuité doit être réorientée vers le fonds d'action contre les inégalités. Parallèlement, la TVA prélevée sur l'ensemble des actions scolaires doit être ramenée à 0%.

Mais les moyens ne suffisent pas ; d'autres problématiques sont en jeu, telles que la laïcité ou la question des langues régionales. Les modes de fonctionnement du service public d'éducation, fondé notamment sur le principe de laïcité, ont favorisé le primat d'une culture commune sur les particularismes, du pluralisme sur le prosélytisme, du scientifique sur le religieux et de l'universel sur le singulier. La laïcité permet ainsi à tous les enfants de vivre et de s'instruire ensemble, quels que soient leurs parcours personnels. Elle est un facteur d'intégration des individus dans le respect de leurs différences. Le respect de ce principe implique, entre autres contraintes, le maintien de la sectorisation comme mode de répartition territoriale des élèves.

A nos yeux, l'éducation nationale doit également prendre en compte la diversité des langues et des cultures présentes sur notre territoire national. Nous défendrons des amendements en ce sens, conformes aux aspirations qui se sont exprimées au cours du débat national ouvert par le ministre. Lors des Assises nationales des langues et cultures de France, le 4 octobre 2003, le ministre de l'époque Jean-Jacques Aillagon déclarait : « Il importe, en effet, d'inscrire les langues et les cultures régionales au cœur d'un grand projet de politique culturelle et linguistique nationale. Le ministère de la culture et de la communication n'est pas le seul concerné par cette tâche. Certains autres, à l'image du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche le sont tout autant. Le développement des cultures et des langues régionales doit également être analysé à l'aune de la nouvelle impulsion décentralisatrice....» ; et d'ajouter : « Nous ne pouvons promouvoir la diversité culturelle, comme nous le faisons au sein de la Conférence annuelle de l'UNESCO, sans favoriser cette même diversité culturelle au sein de notre pays. La diversité linguistique est une réalité. Le moment est venu d'envisager un développement significatif des langues de France... » Eh bien, le moment souhaité par le ministre est venu, d'autant que M. Donnedieu de Vabres vient de confirmer cette volonté dans son avant-propos au document qui vient de nous être remis sous le titre « Rapport au Parlement sur l'emploi de la Langue Française ». Il déclare pour sa part : « Le français n'est pas la seule langue parlée sur notre territoire. Les langues régionales ont droit à une reconnaissance légitime comme élément de notre patrimoine et vecteurs de création. » Ce même document reconnaît l'enrichissement que représentent les émissions des stations régionales de Radio France et de France 3 en faveur de l'expression des langues régionales. L'œuvre de socialisation des langues de France doit trouver son prolongement dans le présent texte.

Au reste, évoquant les questions d'enseignement, le rapport précité note que « l'évolution quantitative favorable des enseignements de langue et cultures régionales se poursuit. Ce résultat témoigne, dans un grand nombre d'académies, d'une installation durable et continue de ces enseignements qui semblent s'accompagner de leurs meilleures reconnaissance et intégration au sein des enseignements de langues vivantes proposées aux familles ». Cette évolution encourageante ne se confirmera dans le temps que si le présent projet vient la conforter.

Pour exprimer toute notre détermination sur ces questions, je rappelle enfin que c'est votre gouvernement qui a adopté l'Agenda 21 de la Culture à Barcelone, en mai 2004, son point 23 vous engageant à promouvoir la permanence et le développement des cultures locales originelles, porteuses d'une relation historique et interactive avec le territoire. Ce propos, qui concerne les Etats, vaut également pour les cultures qui composent ces territoires. Les langues et cultures de France ne doivent pas être absentes de nos débats car ils en constituent une composante essentielle.

J'en viens à la place accordée à l'enseignement libre dans notre pays. L'école privée sous contrat, qui scolarise plus de deux millions d'élèves - soit un élève sur six ! - dispose de personnels enseignants formés et payés par l'Etat et propose les mêmes programmes d'enseignement. Cependant, elle n'est pas soumise à la même obligation d'accueil et de sectorisation que les établissements publics. Cette situation, qui favorise la concurrence entre le public et le privé, provoque de graves inégalités de traitement entre les jeunes. Elle constitue donc un danger majeur pour la cohésion de la société. C'est pourquoi nous nous prononçons pour l'intégration des établissements sous contrat dans le service public d'éducation nationale. (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Nous ne voulons pas laisser les familles devant la seule option de l'école privée, confessionnelle ou patronale. Cela implique de développer des établissements laïques avec toutes les filières de formation requises, y compris dans l'enseignement professionnel.

Outre la juste revendication d'une réelle égalité des chances, notre objectif est plus que jamais l'élévation du niveau de culture générale de l'ensemble de la société. Paul Langevin disait : « Nous concevons la culture générale, comme une initiation aux diverses formes de l'activité humaine, non seulement pour déterminer les aptitudes de l'individu, lui permettre de choisir à bon escient avant de s'engager dans une profession, mais aussi pour lui permettre de rester en liaison avec les autres hommes, de comprendre l'intérêt et d'apprécier les résultats d'activités autres que la sienne propre, de bien situer celle-ci par rapport à l'ensemble. »

Dans un état démocratique où tout travailleur est citoyen, il est essentiel que la spécialisation ne fasse pas obstacle à la compréhension de plus vastes problèmes, et qu'une culture générale étendue libère l'homme des limites de la technique. Tous les champs de la connaissance sont constitutifs de la culture et participent des valeurs communes de notre société. Nous définissons la culture comme le trésor accumulé des créations humaines et nous avons pour ambition d'en ouvrir l'accès à tous.

Viser une culture effectivement partagée par tous présuppose que l'on se fonde sur le principe de l'éducabilité de tous. Mais encore faut-il remettre en question les conceptions dominantes relatives à la culture. Les jeunes accèdent à de nombreux espaces de diffusion de connaissances, la télévision étant l'un des plus puissants. Mais, avec ses missions originales, l'école reste un vecteur essentiel de construction, de diffusion et d'appropriation des valeurs d'émancipation humaine, des savoirs et de la culture.

La notion de « formation scolaire commune » exige d'engager une réflexion approfondie sur les contenus d'enseignement que l'école devrait permettre à tous les jeunes de partager, respectant tout à la fois la spécificité des disciplines scolaires historiquement constituées, favorisant la transdisciplinarité et permettant l'acquisition d'outils intellectuels pertinents.

Ces choix sous-tendent le projet de société que la nation entend se donner. Il est par exemple urgent d'en finir avec l'image rétrograde de la femme que véhiculent trop souvent les livres scolaires, et de sensibiliser les enseignants aux pratiques pédagogiques nécessaires de ce point de vue.

A l'inverse des perspectives réductrices de votre socle commun de connaissances, une culture adaptée aux évolutions rapides de la société de la connaissance doit valoriser les techniques, les histoires, les cultures, les langues nationales et régionales, les valeurs dont tous les jeunes, quelles que soient leurs origines, sont porteurs. Notre conception de la culture scolaire commune présuppose l'égale valeur formatrice des cultures physiques et sportives, artistiques, scientifiques et techniques, professionnelles, philosophiques, toutes également fondamentales. Le sens des enseignements scolaires est à construire en permanence par des méthodes d'enseignement favorisant l'implication de l'élève dans le processus d'acquisition et par l'expérience de la confrontation au réel. C'est seulement si les enseignements prennent un sens pour tous les jeunes que la lutte contre l'échec scolaire pourra être efficace. Il y a là un enjeu culturel et politique considérable.

Parce que nous avons l'ambition que tous les jeunes réussissent leur scolarité, nous estimons que le système éducatif dans son ensemble doit être repensé à partir de ce qui est nécessaire aux élèves qui ont le plus de difficultés. Il serait indispensable, de ce point de vue, de faire un bilan objectif de l'apport des ZEP et des divers dispositifs de lutte contre l'échec scolaire, afin de mieux penser les réformes nécessaires à la réussite de tous les élèves.

De son côté, l'école maternelle française constitue une originalité. Elle est la première étape de la scolarité commune et presque tous les enfants sont scolarisés dès trois ans. Mais, aujourd'hui, cette école est menacée. L'accent est trop souvent mis sur son seul rôle de garde et l'on multiplie les solutions de rechange. L'école maternelle fait trop souvent l'objet d'une discrimination dans l'attribution des moyens d'ouverture de classes et de remplacement des maîtres absents. Les discours officiels restent très discrets sur son rôle formateur. En outre, les difficultés financières de certaines communes face aux coûts élevés que représentent les charges immobilières et en personnels et la volonté de désengagement de l'Etat font planer des craintes sur la pérennité de cette école comme obligation de service public. Il est pourtant largement démontré qu'une scolarisation précoce, dès l'âge de deux ou trois ans, est un atout supplémentaire pour la réussite scolaire, en particulier pour les enfants des milieux populaires. Il s'agit d'un droit ouvert et qui doit le demeurer ; il est pourtant remis en cause par l'éducation nationale. Nous proposons au contraire une politique ambitieuse et incitatrice en faveur des familles populaires afin qu'elles utilisent ce droit au mieux des intérêts de leurs enfants.

Cela implique des contraintes que le service public se doit d'assumer - constructions scolaires, recrutement, formation et affectation des personnels - notamment dans les secteurs où se concentrent les familles populaires. Nous proposons de porter l'obligation scolaire à trois ans et de maintenir le droit à la scolarisation dès deux ans pour les familles qui en font la demande. Nous demandons aussi que l'éducation nationale prenne en compte l'intégralité de la demande de scolarisation dans l'évaluation des besoins en matière de carte scolaire ; et que la formation des enseignants intègre cette mission du système éducatif.

Il faut se donner des outils communs de diagnostic et d'initiatives. Les inégalités dans l'offre de formation sont massives, en quantité comme en qualité : cela concerne notamment la diversité des formations offertes par le service public, les moyens consacrés aux équipements scolaires, les taux d'encadrement par élève, etc. Or les données statistiques retraçant ces disparités ne sont pas à la disposition de tous les acteurs concernés dont les organisations représentatives ne disposent souvent que de données fragmentaires. Elles sont donc source de diagnostics insuffisants, voire faussés, d'où des propositions parfois inopérantes. Il faut donc pouvoir obtenir ces données dans les administrations, à tous les niveaux, afin d'engager un travail commun. Ainsi, dans un département d'Ile-de-France où cette démarche à été entreprise, on découvre, dans les données obtenues de l'inspecteur d'académie par les élus, que le recul sur l'accès en maternelle à partir de deux ans a été bien plus important en dix ans que ne le pensaient les acteurs. Les observatoires de la scolarité permettraient aux acteurs de l'école de se doter d'une analyse commune, afin de réfléchir et de se mobiliser sur des points précis pour lutter contre les inégalités.

Nous demandons un plan conduisant à une gratuité véritable. Ce qui se conjugue également avec notre revendication de création immédiate d'un fonds de lutte contre les inégalités à l'école. En effet, la gratuité, certes incontournable pour la lutte contre les inégalités, ne résout pas tous les problèmes de l'échec scolaire. Ce fonds devrait concentrer les moyens nécessaires pour faire reculer les inégalités d'origine sociale dans l'appropriation des savoirs. Nous proposons qu'il soit structuré en quatre volets. Le premier serait un volet social comportant à la fois des mesures immédiates de gratuité tout au long de la scolarité, appliquées selon des critères sociaux, et des mesures, différentes de celles que prend l'école, pour aider chaque jeune à se construire : accès à la culture, maîtrise de différentes structures indispensables - bibliothèque, centres de ressources... - mais aussi aide aux devoirs et activités diverses favorisant la socialisation. Le deuxième volet serait éducatif avec le lancement d'un programme national de recherche sur la construction des inégalités scolaires, le renforcement de la « professionnalité » enseignante, l'accompagnement et l'évaluation des expérimentations en vue de leur généralisation. Un volet démocratique viendrait, en troisième lieu, renforcer le rôle des différents acteurs - enseignants, parents, grands élèves, élus, associations - dans les observatoires mis en place, qui seront au centre de la définition de nouvelles orientations, de la mise en œuvre des actions et de leur évaluation. Enfin un volet « politique territoriale » devrait permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent, sans en avoir les moyens financiers, de réhabiliter ou de construire des locaux scolaires publics et d'assurer leur dotation de premier équipement.

La gestion de ce fonds, dont les ressources proviendraient pour l'essentiel d'une augmentation significative du budget de l'Etat, devrait être assurée par un organisme démocratiquement constitué associant les représentants de tous les partenaires du système éducatif public.

Nous voulons aussi des formations initiales et continues professionnelles porteuses d'avenir. La formation souffre de contradictions importantes où interagissent les avancées exponentielles de la connaissance et le développement des techniques de communication. La disparition massive de l'emploi industriel qualifié, le développement des activités de service ont transformé rapidement la structure de l'emploi. On voit cohabiter une augmentation des emplois nécessitant des formations élevées et une dévalorisation du travail salarié. Les situations d'emplois précaires se sont multipliées. Selon l'INSEE, 20 à 25% des emplois sont aujourd'hui considérés comme « non qualifiés » alors que l'évolution des métiers appelle à une diminution progressive du nombre de ces emplois.

Le patronat cherche à imposer une classification des salariés liée non à la qualification acquise, mais au poste de travail occupé. Il préconise une formation étroitement utilitariste et en adéquation avec le marché de l'emploi. Le socle commun minimaliste de votre projet, qui constituera la base de délivrance du futur diplôme de fin d'études à l'issue du collège, va dans ce sens. Ce projet de loi apparaît comme un véritable projet d'apprentissage de la flexibilité. Nous affirmons au contraire que seule une formation initiale de haut niveau peut rendre efficace la formation continue.

S'interroger sur la formation professionnelle, initiale ou continue, est donc une question politique de première importance : on ne peut la réduire à la simple adaptation des formations aux emplois immédiatement disponibles, qui du reste évoluent rapidement. On ne peut séparer la question de la reconnaissance des qualifications dans la société et dans l'entreprise de celle des diplômes et de la juste rémunération des qualifications acquises au cours des formations initiales et continues. La lutte pour l'emploi, la fin de la précarisation, la sécurisation des trajectoires professionnelles, la garantie des revenus et des droits sont indispensables pour redonner du sens à l'école, au travail et à l'engagement professionnel.

Depuis une vingtaine d'années, les collectivités territoriales font un effort financier considérable pour développer l'apprentissage, y compris parfois dans des filières non couvertes sur leur territoire par le service public. Le Gouvernement veut accélérer ce mouvement en annonçant un objectif de 500 000 apprentis en 2007. Parallèlement le nombre d'élèves entrant en lycée professionnel diminue depuis 1997. Cette situation a des conséquences sur la reconnaissance des diplômes dans les conventions collectives, les droits individuels et collectifs des salariés, notamment leurs droits à la formation continue. La formation dispensée sous la responsabilité directe des entreprises se résume trop souvent en effet à un apprentissage de savoirs utilitaires et à la maîtrise des compétences indispensables pour s'insérer dans la profession, au détriment de la culture générale, y compris sur le plan professionnel, quand il ne s'agit pas de main-d'œuvre à moindre coût.

Les jeunes en formation dans l'entreprise, qu'ils relèvent de l'apprentissage ou du service public dans le cadre des stages en alternance, doivent être mieux protégés de l'exploitation par un meilleur statut d'apprenti ou de stagiaire.

Nous approuvons la proposition d'assurer aux salariés une formation continue tout au long de la vie, s'appuyant sur une formation initiale de haut niveau, ce qui serait également bénéfique au dynamisme d'une économie qui repose de plus en plus sur la maîtrise de savoirs élevés. Elle s'articule avec notre propre proposition de mettre en place un système de sécurité d'emploi ou de formation garantissant la permanence de la rémunération, qui encadre l'alternance entre moments de travail et moments de formation continue, et avec la proposition de loi communiste sur la « valorisation du travail ».

La formation continue peut être dispensée soit dans le cadre du système éducatif public, soit dans le cadre de dispositifs emploi-formation. Les offres de formation devront être élaborées démocratiquement à la suite d'une consultation entre les représentants des salariés, le patronat, les associations, les élus régionaux et l'Etat, qui en sera le garant.

Nous proposons de revaloriser les lycées professionnels : ils doivent offrir des débouchés vers l'enseignement supérieur et leurs élèves doivent être rémunérés au moins dans les mêmes conditions que les apprentis. Nous proposons également de créer des observatoires régionaux de l'emploi et des qualifications.

M. Bernard Deflesselles - Cela existe déjà !

M. François Liberti - Ceux-ci travailleraient en synergie avec les observatoires des scolarités. Nous demandons aussi que soit ouvert un débat avec les chercheurs, les enseignants, les jeunes, les parents, les employeurs pour déterminer les contenus et le niveau de la culture scientifique et technique commune délivrée sous la responsabilité du service public d'éducation. Nous proposons enfin un système de sécurité d'emploi ou de formation pour tous les travailleurs, financé par le redéploiement d'une partie des sommes consacrées aux exonérations des cotisations patronales de sécurité sociale.

Notre projet pour l'école concerne bien évidemment la communauté éducative dans son ensemble. Aucun changement ne peut être envisagé sans que les personnels de l'éducation nationale soient fortement impliqués dans ses objectifs et sa mise en œuvre. Or ils sont sceptiques, et même méfiants, après d'innombrables consultations et annonces de réformes qui furent suivies de régressions, notamment en ce qui concerne leur charge de travail.

Recruter devient une priorité absolue quand la moitié des enseignants partiront en retraite dans les quinze ans, ainsi que créer des postes pour améliorer l'enseignement. Au contraire, vous cassez méthodiquement le service public avec 50 000 suppressions d'emplois de 2002 à 2006.

Nous proposons une programmation annuelle des postes ainsi que des pré-recrutements rémunérés pour orienter les étudiants vers les concours. Ces dernières années, les métiers de l'enseignement ont subi une dévalorisation, notamment des rémunérations, ce qui entrave le recrutement. Il faut les revaloriser, y compris sur le plan financier.

D'autre part, le travail en équipe est un levier de transformation de l'école. C'est dès la formation initiale que les enseignants doivent s'y initier. Il est tout à fait indispensable pour les jeunes trop souvent affectés en ZEP.

La création des IUFM a été un progrès. Chacun doit pouvoir à la fois s'y préparer à la spécificité de son métier et bénéficier d'une culture commune à tous les enseignants. En particulier, l'IUFM doit aider à dépasser l'opposition entre théorie et pratique, enseignants polyvalents ou spécialisés, formation par les pairs et formation savante, et mettre l'accent sur les solidarités entre disciplines.

Il faut prolonger la durée de la formation initiale pour relever les défis d'un enseignement de masse et intégrer la formation continue dans les obligations de service. Les instructions ministérielles en font souvent mention sans qu'elle réponde aux besoins ou aux attentes.

Nous proposons d'élaborer un plan de recrutement révisable à cinq ans et des pré-recrutements rémunérés ainsi qu'un plan de développement de la formation initiale et continue en relation avec la recherche, pour laquelle il faut développer des programmes ambitieux sur la formation et la réussite scolaire et, parallèlement, la formation des formateurs.

Faute de revaloriser la situation des personnels, on ne revalorisera pas leur mission éducative. Conseillers d'éducation et de surveillance, conseillers d'orientation-psychologues, bibliothécaires-documentalistes devraient aussi être mieux formés dans les IUFM. Enfin, il ne faut pas oublier les personnels ATOSS, les médecins, infirmières et assistantes sociales, qui ont toute leur place dans l'équipe éducative. Ainsi, les infirmières devraient jouer un rôle accru d'éducation à l'hygiène et à la prévention, les assistantes sociales être mieux à même de repérer les difficultés de certains élèves, les personnels ouvriers et administratifs participer à la formation à la citoyenneté. Dans ce dernier secteur, il faut recruter pour remplacer les emplois précaires, et éviter l'externalisation des services. Dès que possible, il faudrait envisager le retour au statut de personnels de l'Etat.

Nous proposons de créer les postes budgétaires indispensables, de former en partie les ATOSS dans les IUFM et d'affecter à chaque établissement ou à des groupes d'établissement une équipe permanente comprenant un médecin scolaire, une infirmière conseillère de santé et une assistante sociale. Pour tous les personnels, une revalorisation s'impose en rapport avec l'importance accordée à l'école. L'éducation nationale doit aussi se doter d'une véritable médecine du travail, d'autant que les maladies contagieuses ont fait leur réapparition.

Enfin, on ne transformera pas l'école sans un partenariat entre parents et enseignants. Les fédérations de parents d'élèves doivent donc pouvoir fonctionner démocratiquement et leurs représentants disposer d'un local dans chaque établissement, ainsi que du temps nécessaire pour exercer leur mandat dans les meilleures conditions, notamment pour recréer des liens avec ces familles « qu'on ne voit jamais ». Il faut donc instaurer un statut de parent-délégué, avec des droits comparables à ceux des délégués du personnel, ce qui implique que les employeurs les libèrent le temps nécessaire pour siéger dans les organes de concertation. Pour valoriser leur rôle une campagne nationale d'information devrait être organisée chaque année à l'occasion des élections des délégués de parents.

A l'école, l'enfant apprend, mais il se construit aussi comme individu, comme citoyen. L'institution a donc une responsabilité fondamentale dans l'appropriation des valeurs et d'un projet de société. Refusant tout philosophie officielle et tout endoctrinement, nous proposons que tous les courants de pensée, à l'exception de ceux interdits par la loi, aient droit de cité dans notre enseignement. L'école doit être un lieu de discussion entièrement libre, où l'on apprend à forger son point de vue dans le débat contradictoire. Aujourd'hui, 80% des manuels sont édités par deux groupes, l'un dirigé par M. Lagardère, l'autre par le baron Seillière.

M. François Rochebloine - C'est le Medef !

M. François Liberti - Ne doit-on pas s'en inquiéter ? Il faut libérer l'édition des manuels de l'emprise des concentrations éditoriales et des logiques de marché. Telle est la vraie conception de la laïcité. Comment peut-il y avoir pluralisme quand l'idéologie patronale s'étale dans toute la documentation disponible ?

L'école a une responsabilité fondamentale dans la socialisation des jeunes générations et l'appropriation des valeurs d'égalité, de respect, de démocratie, l'apprentissage des droits et obligations qui conditionnent le vivre-ensemble. C'est en prenant en compte l'histoire, la culture, l'identité singulière de chacun qu'on pourra mener une véritable action éducative. C'est ainsi, en rendant du sens aux études, qu'on luttera le mieux contre l'incivilité, l'agressivité, la violence.

M. Guy Geoffroy - Très bien.

M. François Liberti - En cas de besoin, des dispositifs adaptés peuvent être mis en place sous la responsabilité de l'équipe éducative.

Sortir le système éducatif de la crise, implique de modifier les règlements intérieurs, trop souvent rétrogrades pour étendre les droits des jeunes et leur permettre d'intervenir de façon permanente. De même, l'indépendance et la liberté d'expression des délégués de classe, véritables représentants des élèves, doivent être garanties par la loi commune. Dans la perspective transformatrice que nous défendons, nous proposons que les programmes aient pour but de développer l'esprit critique des élèves, que les conseils d'école et d'administration des collèges et lycées deviennent des lieux de démocratie et non de simples chambres d'enregistrement, que l'organisation de la vie scolaire et associative soit conçue dans un esprit de démocratie participative. Toutes les réformes lancées ces dernières années ont tendu, sous prétexte d'efficacité, à introduire les techniques de management importées de l'entreprise privée et la décentralisation des services de l'Etat pousse dans cette direction.

Au contraire, la logique de service public devrait impliquer une recherche systématique de la concertation entre partenaires, de la prééminence de l'intérêt commun et de la sécurisation des situations individuelles de tous les salariés.

Cette position de principe ne s'oppose pas à la recherche de modalités d'organisation des examens nationaux respectant les échéances officiellement affichées et la vie des établissements.

Les lois de décentralisation de 1985, en créant le statut d'EPLE, accordaient aux établissements de second degré une marge réelle d'autonomie de fonctionnement favorisant l'élaboration locale de stratégies éducatives et pédagogiques. Or, leur esprit est aujourd'hui dévoyé : les nouvelles lois de décentralisation permettent de substituer aux lois nationales garantissant l'égalité de traitement des élèves et des personnels des règles élaborées et négociées au plan local. Dans une situation marquée par les inégalités de moyens entre collectivités territoriales et les différences d'orientation idéologique des édiles locaux, élargir cette autonomie exacerbe la concurrence entre établissements et les inégalités. En revanche, dans le cadre d'une décentralisation maîtrisée, la liberté d'initiative des personnels et des équipes doit être préservée pour permettre aux acteurs de l'éducation nationale d'identifier la nature des problèmes locaux.

La gestion actuelle des remplacements des enseignants malades ou en congé suscite, à juste titre, la colère des parents d'élèves. Pour des questions de déontologie et de responsabilité du service public, un élève mineur ne peut être dispensé d'assiduité scolaire en raison de l'absence momentanée d'un enseignant. Une réponse au problème aigu des remplacements de courte durée, soit un à trois jours, devra être élaborée en concertation avec tous les partenaires de l'école lorsque le remplacement s'avère impossible. Plus généralement, tous les personnels absents doivent être rapidement remplacés par des personnels de compétence au moins égale.

L'éducation nationale, parce qu'elle enseigne les valeurs de démocratie et de citoyenneté et implique directement de nombreux partenaires - parents, personnels, élèves, élus, représentants d'associations - doit être exemplaire sur le plan de la concertation. Nous proposons donc d'asseoir la définition des missions et objectifs du service public d'éducation sur une double légitimité : celle des assemblées élues au suffrage universel et celle des instances consultatives dans lesquelles sont représentés les partenaires. Les instances de concertation, avec l'aide des observatoires des scolarités, doivent devenir de véritables lieux de réflexion et de proposition sur la politique de l'éducation dont les assemblées élues et les responsables administratifs devront tenir compte.

Parce que le développement d'une véritable démocratie participative est une condition incontournable d'un système scolaire efficace, nous souhaitons la création d'un statut de titulaire remplaçant, particulièrement attrayant, pour recruter des personnels qualifiés en nombre suffisant pour chaque catégorie de métier sur la base du volontariat ; la redéfinition des objectifs des instances de concertation pour favoriser une réelle démocratie participative ; une indépendance renforcée des instances de gestion à l'égard des pouvoirs politiques et enfin la participation de la représentation nationale aux choix en matière d'éducation.

Notre projet pour l'école a pour première vocation de nourrir le débat avec tous ceux qui partagent l'ambition d'une école de l'égalité et de la réussite pour tous. Il démontre qu'une véritable alternative existe - ne vous en déplaise, Monsieur le ministre - à ce projet de loi dogmatique qui consacre une régression sans précédent pour notre école. Il a été rejeté massivement par tous les acteurs de l'école, contesté dans vos propres rangs, largement amputé avant même le débat parlementaire ! Votre recul sur le baccalauréat ou vos amendements visant à éviter le rejet du Conseil constitutionnel, témoignent d'un projet de loi rabougri que nous vous demandons de retirer.

Parce que notre responsabilité engage le devenir des générations à venir et la prospérité de notre pays, j'en appelle à la sagesse de notre Assemblée pour voter cette question préalable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Les amendements déposés par le groupe communiste montrent qu'en défendant cette motion de procédure, il n'avait d'autre but que d'allonger la durée des débats et ne souhaitait pas réellement repousser l'examen de ce texte. Je me contenterai donc de répondre à deux points soulevés par M. Liberti.

Dans une longue introduction, il a souligné que ce texte était étroitement lié au projet de constitution européenne, anticipant largement sur le débat qui aura lieu au moment du référendum. Effectivement, l'accent mis sur les langues avec l'apprentissage obligatoire d'une deuxième langue vivante, l'adoption de nouvelles méthodes d'évaluation des résultats du système éducatif et le socle minimal de connaissances et de compétences sont conformes aux recommandations de l'Union européenne comme de l'OCDE. Vous n'êtes pas sans savoir que les résultats de notre système éducatif sont moyens en mathématiques voire mauvais en langues. Ce n'est pas par obsession du classement mais par souci de l'avenir des Français au sein de la compétition européenne que le Gouvernement se préoccupe de l'évaluation des résultats. Une formation initiale des jeunes élèves doit être gage d'excellence et la moitié d'une classe d'âge doit parvenir au niveau de l'enseignement supérieur.

Vous avez ensuite évoqué une menace pesant sur l'école maternelle.

Un député UMP - Quel Père Fouettard !

M. le Ministre - Or l'article 14 du projet souligne justement la place et le rôle qui lui sont dévolus.

M. François Liberti - Ce ne sont que des mots !

M. le Ministre - Toutes les études menées sur la petite enfance, montrent que la scolarisation des enfants de moins de trois ans n'est pas souhaitable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et que la question de leur garde et de leur socialisation relève de la politique familiale ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) La formule que vous proposez est utile, en particulier aux enfants socialement défavorisés. Mais la véritable vocation de l'école maternelle est d'offrir la qualité d'un accueil réellement adapté à la petite enfance dans un cadre réellement scolaire. Employer des professeurs des écoles qualifiés pour assurer la garde des jeunes enfants serait prendre le risque de dévoyer l'outil exceptionnel que constitue l'école maternelle française et que la plupart des pays étrangers nous envient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

Mme Martine David - Le contexte dans lequel nous débattons n'est pas porteur de dynamique, et encore moins à la hauteur des enjeux. Tout ce qui avait été annoncé pour préparer ce texte - le grand débat, le rapport de la commission Thélot - n'est pratiquement pas pris en compte, d'où le malaise actuel.

M. Michel Bouvard - C'est la gardienne du mammouth !

Mme Martine David - Vous ne vous êtes même pas donné la peine d'écouter les avis et les propositions des syndicats d'enseignants, des parents d'élèves, et des élèves. Vous vous arc-boutez sur vos positions, en ignorant les préoccupations légitimes des acteurs de l'éducation nationale. Comment voulez-vous, dans ces conditions, aboutir à ce contrat que nous souhaitons tous voir renouvelé entre la nation et son école, d'autant que les moyens budgétaires ne sont pas au rendez-vous ?

M. Yves Bur - Il faut faire mieux avant de donner plus !

Mme Martine David - Depuis que vous êtes aux affaires, vous avez réduit chaque année le nombre de postes, en particulier celui des adultes chargés de l'encadrement et de l'accompagnement des enfants.

M. Yves Bur - Vous n'avez que ce mot à la bouche : dépenser !

Mme Martine David - Cet après-midi encore, la mobilisation massive d'enseignants, de parents, d'élèves, aurait dû vous inciter à écouter davantage, à remettre en cause vos certitudes. Le communiqué qu'ont signé aujourd'hui quatorze syndicats et associations vous invite à revoir votre copie. Parce que leurs propositions méritent d'être examinées, nous voterons cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yvan Lachaud - L'école est au cœur de la nation : pourquoi différer encore ce grand débat ?

Après deux ans de réflexion, il faut aujourd'hui répondre aux attentes qui se sont exprimées sur la capacité de notre système éducatif à assurer la réussite de tous les élèves.

Notre système scolaire est bon, il suffit de le comparer à celui de nos voisins pour s'en convaincre. Il ne s'agit pas de tout mettre par terre, mais de faire fonctionner ce qui existe, afin de lutter contre l'échec scolaire, et de conforter les enseignants dans leur légitimité.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Daniel Paul - Votre projet tend-il à élever le niveau général de formation et de qualification ? (« Oui » sur les bancs du groupe UMP) S'il est vrai que le niveau de formation est meilleur, les inégalités se sont creusées, aggravant les injustices sociales,...

M. Yves Bur - Cinq ans de Gouvernement à gauche !

M. Daniel Paul - ...au moment où la crise économique s'accentuait et où notre société s'enfonçait dans le libéralisme qui soumet l'homme aux impératifs de la concurrence et de la rentabilité.

On pourrait vous croire, Monsieur le ministre, si la réalité ne vous donnait pas tort. Vous venez ainsi d'affirmer qu'il ne serait pas question de remettre en cause l'école maternelle, tout en doutant du bien-fondé de la scolarisation des moins de trois ans. Or, je me souviens d'un inspecteur d'académie qui, il y a quelques années, se félicitait de la scolarisation de ses trois enfants avant l'âge de trois ans.

M. Yves Bur - Sans doute un homme de gauche !

M. Daniel Paul - Et je vous entends dire que c'est discutable. En vérité, pour vous, il n'y a même plus lieu à discuter, puisque vous êtes en train de supprimer l'accueil des moins de trois ans dans les écoles maternelles.

M. Philippe Briand - Mais il ne sait même pas ce qu'est un enfant !

M. Daniel Paul - Quant à la carte scolaire, ma circonscription a bénéficié de l'expérimentation, lancée par votre prédécesseur M. Ferry en juin 2002, des cours préparatoires de dix élèves. En septembre dernier, cette expérimentation a été arrêtée de façon abrupte, alors que tout le monde reconnaissait que les résultats s'étaient améliorés. Et parce que cette même école compte dix élèves de moins, on supprime un poste, qui plus est celui dévolu à la lutte contre l'illettrisme ! (« Mais arrêtez donc ! » sur les bancs du groupe UMP)

En invoquant la baisse des effectifs dans les écoles des quartiers défavorisés à l'appui de votre politique, vous oubliez que ce sont les enfants qui tiraient ces écoles vers le haut qui s'en vont ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

De même, vous refusez d'accorder aux collèges et aux lycées les moyens de lutter contre l'échec scolaire. La stagnation du taux de scolarisation au niveau du bac, la diminution du nombre des étudiants dans beaucoup d'universités sont contraires à l'intérêt du pays mais conformes à votre souci de contenir la dépense publique et de transférer la charge de la dépense éducative aux collectivités locales. Vous voulez nous faire accepter la fatalité d'une société et d'une école inégalitaires.

Pour toutes ces raisons, nous appelons au vote de cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Nadine Morano - Monsieur Liberti, quelle est la question ? Vous n'avez fait que dresser un beau catalogue !

Quand on sait que 150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification, que 80 000 ne maîtrisent pas plus l'écriture que la lecture, alors que nous consacrons 23% du budget de l'Etat à l'enseignement scolaire et qu'il a augmenté de 25% en dix ans, vous voudriez que l'on en reste là ?

M. François Liberti - Mais personne ne le propose !

Mme Nadine Morano - A l'initiative du Président de la République, un million et demi de personnes ont participé à plus de 5 000 débats organisés sur l'ensemble du territoire. La commission Thélot a rendu son avis, le ministre nous propose aujourd'hui une loi d'orientation sur l'avenir de l'école, et je vous donne rendez-vous en 2006 pour le budget qui permettra d'atteindre ces objectifs : deux milliards de dépenses nouvelles, 6 000 enseignants supplémentaires, 200 nouvelles classes relais. Et c'est nous qui mettons en place un programme personnalisé de réussite scolaire !

Alors que vous vous réfugiez dans votre dogmatisme, nous sommes tournés vers l'avenir, et nous voterons contre cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

A la majorité de 120 voix contre 46, sur 167 votants et 166 suffrages exprimés, la question préalable n'est pas adoptée.

La séance, suspendue à 22 h 45, est reprise à 22 h 55.

Mme Ségolène Royal - La question a déjà été posée : pourquoi donc une loi ? Vous êtes là depuis trois ans et, indépendamment du problème des moyens, que vous avez réduits, je voudrais vous convaincre que le plus efficace, pour réformer notre système scolaire, consiste en des actions concrètes. Pour faire évoluer, il y a quelques années, les collèges, je n'ai pas voulu faire de lois. Après avoir visité plus de 350 établissements, j'ai pris une série de mesures qui peuvent sans doute paraître fort modestes, mais dont j'ai le sentiment qu'elles ont changé considérablement les conditions de vie des élèves, les conditions de travail des enseignants et le niveau de la réussite. Il s'est agi d'abord, tout simplement, de diviser en deux les collèges de plus de mille élèves : ainsi, le chef d'établissement peut les connaître tous et les appeler par leur nom dans la cour de récréation, ce qui facilite la transition avec l'école primaire. Vous avez qualifié le collège de maillon faible, mais c'est pourtant bien un des fondements de notre système : depuis la suppression du service national, c'est le seul endroit où sont mélangés tous les enfants de la République. Ce n'est donc pas rien que de s'interroger sur notre ambition en la matière, sur la façon de rester fidèle à l'idée du collège unique et sur le moyen d'éviter les orientations précoces, qui frappent toujours les mêmes.

Une deuxième mesure très simple permet d'assurer la transition avec le primaire, donc le passage à plusieurs professeurs, qui provoque le décrochage des enfants les moins armés : il s'agit de réserver une classe aux élèves de sixième, afin qu'ils ne soient pas ballottés de salle en salle.

La question du tutorat est également cruciale : les enfants qui arrivent en classe de sixième ou de cinquième doivent pouvoir bénéficier de la présence d'un adulte référent.

C'est en définitive la question de l'adolescence qui est posée. Face à elle, les enseignants sont démunis. Les adolescents ont changé : ils sont sans doute plus ouverts et plus créatifs que nous ne l'étions, mais ils sont également beaucoup plus imprévisibles. Sans doute est-il d'ailleurs beaucoup plus difficile de vivre cette période de l'existence aujourd'hui. En effet, des valeurs différentes sont véhiculées par l'école, certaines familles, la télévision, la rue, et les élèves ont plus que jamais besoin d'adultes cohérents qui sachent faire preuve d'autorité et de générosité. Le ministre a longuement parlé de la transmission des savoirs, mais les enseignants sont parfaitement formés et tel n'est pas le problème principal.

M. Guy Geoffroy - Ce n'est pas ce que disent les professeurs.

Mme Ségolène Royal - Il faut apprendre à interpréter l'éventuelle violence verbale dont un adolescent peut faire preuve afin de ne pas accroître les incompréhensions mutuelles. Les lieux d'écoute font défaut à l'école, ainsi que les adultes disponibles. C'est pourquoi nous dénonçons vivement la suppression des postes d'aides éducateurs, de surveillants, et aussi des contrats éducatifs locaux, des classes à projets artistiques et culturels. La révolte lycéenne contre la suppression des TPE s'inscrit dans la même logique : ce sont autant d'espaces pédagogiques d'écoute qui disparaissent.

Deuxième observation : les parents sont absents de votre projet. Il faudrait que les enseignants puissent se former aux relations avec les familles. Vous devez renoncer à cette mesure démagogique qui consiste à donner aux enseignants le dernier mot quant à la décision du redoublement. Le temps n'est plus aux méfiances mutuelles. Les enseignants ne demandent pas à avoir le monopole de l'orientation des enfants ; ils savent que la réussite réside dans la co-éducation, dans un dialogue nécessaire et constructif avec les familles, en particulier les plus défavorisées. Ce n'est pas en supprimant la semaine des parents à l'école ou en mettant en place des procédures d'orientation précoce dès la fin de la quatrième que vous le favoriserez.

Troisième point : nous attendons de toute réforme de l'école un renforcement de la discrimination positive dans les quartiers les plus difficiles. Tel est le défi républicain majeur. C'est dans les ZEP que les équipes pédagogiques sont les plus inventives. Le milieu social ne pèse pas toujours fatalement sur le destin des élèves issus des milieux populaires et les « handicaps sociaux culturels » sont loin de tout expliquer : certains élèves issus de milieux défavorisés connaissent ainsi des parcours exemplaires. C'est précisément ce phénomène qu'il s'agit d'amplifier. La réussite est au rendez-vous lorsque existent des partenariats avec les familles, des équipes pédagogiques structurées, une ambition culturelle, des règles du jeu admises par tous pour tenir la violence à distance. Voilà ce que votre projet aurait dû mettre en avant ! Non seulement les moyens dont disposera l'éducation nationale n'augmentent pas mais nous ne voyons pas en quoi votre texte soutient ceux qui veulent se battre, quelles que soient leurs origines. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Rochebloine - Le dernier débat sur l'avenir de l'école a permis à l'ensemble des acteurs du système éducatif de s'exprimer. Tous ceux qui pensent que l'école est au coeur des enjeux de notre société, que celle-ci est le bien le plus précieux de notre République ont eu à cœur de prendre la parole.

La concertation a été réelle mais insuffisante. Des interrogations demeurent parmi les enseignants, et en particulier sur le contenu des programmes et donc les épreuves du brevet et du bac. Je note avec satisfaction qu'à ce sujet, vous avez souhaité prolonger le temps de la réflexion.

J'ai déjà eu l'occasion de vous alerter, Monsieur le ministre, sur un point particulier : il s'agit de la place de l'éducation physique et sportive. De nombreux enseignants d'EPS, à la lecture de votre projet, ont fait part de leurs craintes. Une pétition a suscité une forte mobilisation. Vous comprendrez donc que j'insiste à nouveau sur ce point, qui conditionnera d'ailleurs la décision finale du groupe UDF. La pratique sportive n'est pas incluse dans la définition des principes et des composantes de ce que vous appelez « un socle de connaissances et de compétences indispensables pour tous les élèves ». Nous avons déposé un amendement pour qu'il en soit autrement.

L'objectif a priori louable qui consiste à vouloir recentrer les enseignements sur les apprentissages fondamentaux implique-t-il un recul de l'EPS ?

Si cet enseignement n'est plus obligatoire, il est probable que de nombreux élèves s'en dispenseront et que cette discipline sera marginalisée.

L'EPS permet pourtant de développer le goût de l'effort et du dépassement de soi, elle est indispensable au bon équilibre et à la santé des élèves. Si l'on considère les trois missions de l'école - éduquer, instruire et former - comment peut-on la marginaliser ? Alors que l'obésité devient un enjeu de santé publique, la pratique sportive ne devrait-elle pas être encouragée ? Voilà 125 ans que la gymnastique est devenue une discipline scolaire. 2004 fut l'« année européenne de l'éducation par le sport », 2005 a été déclarée par l'assemblée générale de l'ONU « année internationale du sport et de l'éducation physique ».

La France soutient la candidature de Paris pour l'organisation des jeux olympiques de 2012. Je ne puis imaginer, dans ce contexte, une remise en cause aussi grave.

Ce serait également contraire à l'engagement de l'un de vos prédécesseurs, François Bayrou, qui, en 1994, avait porté de trois à quatre le nombre d'heures d'EPS en sixième et programmé la création de 150 postes pour autant d'établissements situés en zones sensibles. Las, votre texte n'évoque ce sujet essentiel qu'au travers de sept lignes du rapport annexé, ce qui semble en décalage avec votre définition du socle commun.

Et comment interpréter l'annonce de la suppression du caractère obligatoire de l'EPS au brevet à compter de 2006, comme cela vient tout juste d'être précisé aux inspecteurs pédagogiques régionaux de l'académie de Lyon ? Pourtant, le 2 février dernier, le ministre déclarait sur une radio périphérique que l'éducation physique aurait toujours les mêmes horaires et serait toujours obligatoire aux examens, son coefficient dans les épreuves du brevet passant de un à deux... A entendre cela, le débat serait donc clos...

M. le Ministre - Il l'est.

M. François Rochebloine - Pour dissiper tout malentendu, pouvez-vous cependant confirmer qu'il n'est pas prévu de rendre l'EPS facultative aux examens ? Sensible aux inquiétudes qui se sont exprimées à ce sujet, le groupe UDF défendra des amendements sur ce thème et j'espère qu'ils recevront votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. André Chassaigne - Monsieur le ministre, j'ai lu avec attention l'analyse que vous faites de votre réforme en la présentant comme « l'enjeu d'une génération », et, suivant votre conseil à la lettre, j'ai balayé tout a priori idéologique « suranné » avant de l'aborder... Je me suis donc borné à confronter ce texte à ma double expérience de trente années d'enseignement et de mandats locaux en milieu rural.

Vous demandez dans un grand journal du soir : « Qui peut légitimement affirmer que ce projet de loi ne représente pas une réelle avancée contre l'échec scolaire » ? Ah, qu'en termes galants ces choses-là sont mises ! Certes, votre Gouvernement n'est pas directement responsable de la fracture scolaire qui grandit depuis des décennies sans que nul ministre de l'enseignement scolaire ne soit parvenu à inverser le cours des choses...

La situation tient en premier lieu à la dégradation du contexte économique et social et à la fragmentation du territoire entre les zones où se concentrent toujours davantage de richesses et celles où ne prospèrent que la pauvreté et le chômage. Dans ce contexte, votre posture m'évoque ce mot de Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des effets et chérissent les causes »... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Vous exhortez aussi les Français à ne pas céder à la résignation. Eh bien, chiche ! Vous avez mille fois raison : l'école doit se fixer pour objectif de réduire les fractures sociales et territoriales. La réduction de la fracture scolaire suppose la maîtrise d'un socle de connaissances et le contrat individuel de réussite éducative.

Mais le contenu du fameux bagage commun nous semble minimaliste. Ne pouvons-nous nourrir pour nos enfants des ambitions plus élevées que la maîtrise du français, des en mathématiques vraiment élémentaires, un anglais de communication et de l'informatique ?

L'école du XXIe siècle ne doit-elle viser qu'une simple actualisation du certificat d'études ? Au reste, l'objectif du socle commun ne peut s'apprécier qu'au regard des autres dispositions du texte. Comment faut-il entendre ceci : offrir aux élèves qui ont montré aisance et rapidité dans l'acquisition des connaissances indispensables des approfondissements dans les disciplines fondamentales ou des diversifications ?

Cela paraît signifier que les élèves qui n'auront pas montré de facilités particulières à l'école ne pourront pas bénéficier de certains savoirs, pourtant essentiels à notre culture commune. Votre choix, c'est institutionnaliser des parcours de formation réservés aux meilleurs élèves. Vous reconstituez des filières de formation nobles, destinées en priorité aux élèves issus des milieux favorisés.

L'ambition que vous affichez pour lutter contre l'échec scolaire fleure la résignation ! Aujourd'hui, nombre d'élèves sont en grande difficulté pour suivre certains cours. Demain, ils ne seront plus en difficulté puisqu'ils n'y assisteront plus !

M. le Ministre - Mais c'est faux ! Comment peut-on dire cela ?

M. André Chassaigne - Je ne vois pas comment une telle démarche pourrait contribuer à réduire l'échec scolaire. Au mieux se contentera-t-elle de l'occulter. De la même façon, l'introduction du pompeux « contrat individuel de réussite éducative » affiche l'objectif - juste - (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) de renforcer le suivi pédagogique des élèves qui en ont le plus besoin. Mais si les mesures de soutien se font à moyens constants...

M. le Ministre - Il n'en est pas question. Lisez le texte !

M. André Chassaigne - ...elles ne viendront qu'aggraver la ponction sur les dotations accordées aujourd'hui aux ZEP, déjà annoncée pour la rentrée prochaine. Ne s'agit-il pas plutôt d'individualiser les parcours de formation pour mieux orienter vers des voies de garage ceux qui sont confrontés aux plus lourdes difficultés ? Le rapport Hussenet-Santana a pourtant bien montré en quoi ces filières spécifiques avaient une « influence non négligeable sur les sorties sans qualification, donc sur la difficulté scolaire en fin de scolarité obligatoire ».

De même, en quoi la promotion du socle commun de connaissances pourra-t-elle effectivement garantir la réussite de tous les élèves ? Si la réussite signifie que l'on donne à chaque jeune la capacité de trouver un emploi, quel qu'il soit, alors ce projet y aidera. Car, manifestement, le fait que cet emploi soit précaire, très mal payé et qu'il n'offre aucune perspective d'avenir ne semble pas vous préoccuper ! Si la réussite signifie que l'on donne à tous les élèves, notamment à ceux issus de milieux ou de régions défavorisés, les moyens pour réaliser leurs projets, et donc pour réussir leur vie, alors ce projet sonnera comme un douloureux rappel à l'ordre : une éducation simplement utilitariste, que vous limitez à l'apprentissage d'un bagage culturel minimal, n'ouvrira guère les portes de la réussite pour tous ces jeunes.

La réduction des inégalités à l'école passe aussi par une réduction des inégalités territoriales. Les lycéens, avec toute la fraîcheur de leur jeune âge, ont montré qu'ils avaient bien compris le problème.

Passons sur l'introduction du contrôle continu au bac ; nous espérons tout que votre recul n'est pas que provisoire !

La logique sournoise de ce projet de loi est malheureusement portée par d'autres dispositifs. Ainsi, la volonté de renforcer l'autonomie des établissements scolaires. L'institution d'un conseil pédagogique dans les établissements peut certes répondre à la nécessité de mieux coordonner le travail des enseignants. Mais dans le contexte marqué de votre décentralisation, l'autonomie pédagogique ne vise-t-elle pas à institutionnaliser les inégalités de formation ? Les lycées de centres-villes, dont les élèves auront parfaitement intégré le socle commun de connaissances, pourront définir une politique pédagogique plus ambitieuse. Les exigences qui seront celles des équipes pédagogiques dans les lycées des banlieues populaires risqueront quant à elles d'être bien plus restreintes.

Je ne dis pas, Monsieur le ministre, que vous souhaitez cette ghettoïsation scolaire.

M. le Ministre - Je la combats.

M. André Chassaigne - Mais c'est ce qui adviendra si rien n'est fait pour donner aux établissements situés dans les territoires les plus défavorisés les moyens nécessaires à une véritable ambition pédagogique. En donnant une liberté factice aux établissements, le ministère de l'éducation nationale se prive surtout d'une réflexion globale sur les orientations pédagogiques à prendre au niveau national.

Un certain nombre d'études démontrent par exemple que les pédagogies dites « centrées sur l'élève », à l'œuvre aujourd'hui dans nos établissements, se révéleraient plutôt discriminantes à l'encontre des jeunes issus des milieux populaires. Les enseignements « directs » ou « explicites » seraient plus adaptés à ces jeunes. Le règlement d'une question aussi importante ne peut être renvoyée à la seule responsabilité des équipes enseignantes des établissements et à des décisions empiriques aux applications sectorielles. Voilà pourquoi nous souhaitons créer, partout en France, des observatoires de la scolarité (Murmures sur les bancs du groupe UMP), qui permettront aux acteurs de terrain de se doter d'analyses communes, alimentées par la recherche et les réflexions contre les inégalités à l'école. Il s'agirait ainsi de lancer un programme national de recherche sur l'origine des inégalités scolaires et l'évaluation des expérimentations. Des actions pourront être développées, telles que l'identification des différentes strates de la scolarité et de l'organisation scolaire qui contribuent au renforcement des inégalités.

Cette tendance à l'éclatement du cadre national de l'éducation m'inquiète d'autant plus que je vois chaque année, dans mon académie, les dotations des collèges ruraux se réduire. Certains - M. Giscard d'Estaing peut en témoigner - sont mêmes condamnés à fermer leurs portes à la rentrée prochaine, avec toutes les difficultés que cela suppose pour les élèves en terme de déplacements ou d'allongements des journées de travail. Parallèlement, je constate un assèchement de l'offre éducative dans les lycées : des options disparaissent et certaines filières supérieures de proximité - de BTS notamment - sont arbitrairement fermées, privant les élèves de régions isolées d'un accès à l'enseignement supérieur. Chacun sait en effet que nombre d'élèves potentiellement intéressés sont freinés par les coût de transports et de logement engendrés par une scolarisation en ville universitaire.

Pour ce qui concerne l'enseignement en milieu rural, une étude scientifique récente de l'observatoire de l'école rurale en Franche-Comté démontre toute la valeur des petites structures. L'idée reçue, selon laquelle les enfants ne recevraient pas un bon enseignement dans les écoles rurales isolées, est ainsi de nouveau battue en brèche, quinze ans après les analyses concordantes de Françoise Œuvrard.

Une forte présence scolaire en milieu rural est pourtant bien nécessaire. En termes d'aménagement du territoire, on connaît les conséquences de la disparition d'un collège pour une commune : pertes d'emplois et de population, baisse de l'attractivité, perte d'activité pour les commerçants et artisans, affaiblissement de la vie culturelle, mais aussi atteinte à la cohésion sociale et sentiment local d'abandon.

Ces établissements ont pourtant de l'avenir, pour autant qu'on leur donne des moyens spécifiques. Ainsi certains collèges que je connais bien ont su redresser leurs effectifs et retrouver un vrai dynamisme en quelques années, simplement parce que leurs équipes éducatives ont pu exploiter leurs atouts propres. Je pense notamment aux collèges ruraux dotés d'internats. La baisse de fréquentation des internats ne doit pas masquer leur utilité pour la scolarisation d'élèves en situation particulière : les enfants de familles monoparentales, ceux qui se retrouvent isolés du fait des horaires de travail de leurs parents, ceux dont les parents connaissent de lourdes difficultés sociales, ceux enfin qui ont besoin d'un suivi scolaire. J'ai personnellement vérifié l'efficacité de petits établissements ruraux où sont accueillis chaque année des enfants confrontés à de semblables difficultés. Cette scolarisation en résidence peut être un atout déterminant pour la réussite scolaire et l'intégration sociale. Je n'entends nullement retomber dans le mythe de la pension ou de la maison de correction : bien au contraire, il s'agit de permettre à tous les enfants qui le souhaitent de profiter d'une offre pédagogique différente et adaptée à leurs besoins.

Pourquoi alors s'acharner, Monsieur le Ministre, à fermer de plus en plus d'internats et de collèges ruraux ?

Le traitement de toutes ces inégalités, tant sociales que territoriales, est pour nous une question fondamentale. Comme pour vous, direz-vous ! Et pourtant vous allez recréer une école à géométrie variable, qui ne fera qu'accentuer cette double fracture. En outre, vous n'êtes pas prêt à prendre à bras le corps la question des moyens financiers appropriés. Le carcan budgétaire de l'Europe de Maastricht, tout comme votre volonté de réduire la pression fiscale sur les plus nantis, n'aident certes pas à appréhender sereinement cette question...

Nous voulons pour notre part inscrire notre système éducatif dans un projet social fort, ce qui supposera en particulier la création d'un fonds national d'action contre les inégalités à l'école. Il est notamment essentiel de garantir une gratuité effective tout au long de la scolarité. Il est tout aussi important de prendre des mesures pour aider chaque jeune à se construire : accès à la culture, aux bibliothèques et centres de ressources, mais aussi aide aux devoirs et activités diverses favorisant la socialisation. Tel serait, en peu de mots, le cœur d'une politique réellement volontariste contre l'échec scolaire.

Enfin la réduction de ces inégalités sociales ne se fera pas sans moyens ni sans professeurs. La faiblesse des engagements financiers du Gouvernement et la forte baisse des recrutements sont aussi le signe clair d'une implication bien trop réduite du Gouvernement dans la lutte contre l'échec scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. André Schneider - Quelle merveilleuse institution que l'école de la République ! Quel extraordinaire creuset social, vecteur de promotion et d'intégration ! Dans sa lettre circulaire du 17 novembre 1883, Jules Ferry rappelait aux instituteurs : « la loi du 28 mars 1882 affirme la volonté de fonder chez nous une éducation nationale et de la fonder sur des notions du devoir et du droit que le législateur n'hésite pas à inscrire au nombre des premières vérités que nul ne peut ignorer. » Quelle noble ambition ! Elle reste tout à fait d'actualité. Force est de constater, hélas, que notre système éducatif n'atteint plus, depuis fort longtemps, les objectifs que la nation lui a fixés. Chacun le sait : plus de 10% des élèves entrant en 6e ne savent pas lire, et l'ex-principal de collège que je suis peut en témoigner. Chaque année 150 000 élèves quittent le système éducatif sans qualification. Tel est le bilan. Et pourtant notre personnel enseignant, à qui je tiens à rendre hommage, est de grande qualité. Disons-le avec force : nous sommes fiers de notre corps enseignant, de nos ex-« instituteurs » - quelle appellation chargée de sens, et quel dommage de l'avoir supprimée... Nous sommes fiers de nos professeurs. Malheureusement certains d'entre eux, en raison des difficultés rencontrées dans certains établissements, sont aujourd'hui découragés. Je leur dis : courage, nous vous aimons ! Nous allons vous redonner toute votre place dans notre société, toute votre dignité, c'est-à-dire cette « revalorisation morale » que vos organisations professionnelles réclament depuis si longtemps.

Mais aujourd'hui le problème essentiel porte sur les élèves. Non, la très grande majorité de notre jeunesse n'est pas celle qu'on nous montre en permanence, oisive, paresseuse, voire délinquante... Notre jeunesse est belle, noble, courageuse, mais elle est inquiète, légitimement préoccupée par son avenir. Il faut lui donner des raisons d'espérer et des outils pour réussir. II faut promouvoir une école qui ouvre aux jeunes l'horizon des frontières européennes, une école où la connaissance est la clé du développement individuel et le fondement de la richesse des nations.

Car, demain comme hier, l'école de la France doit être l'école, joyau de la République. Qui, dans cette enceinte peut être franchement contre l'objectif fixé par Jules Ferry ? Qui peut être contre le cap fixé par le Président de la République pour 2005, « année déterminante pour le savoir et l'innovation ? » Qui peut être contre notre objectif de donner à notre école un nouveau souffle ? Mes chers collègues, quelle plus noble ambition pouvons-nous nous fixer pour l'avenir de notre pays que de donner à notre système éducatif un nouveau départ afin de permettre à chaque enfant, quelle que soit sa religion ou la couleur de sa peau, d'obtenir un passeport pour sa propre réussite ? Alors, de grâce, ne faisons pas de notre école un enjeu partisan !

Pour relever ce défi, Monsieur le ministre, il était important de renouveler le pacte qui lie l'enfant à son école. Pour cela Luc Ferry puis vous-même avez lancé une large consultation afin de mieux connaître les attentes des Français en matière d'éducation, en concertation avec tous les partenaires du système éducatif. Vous tenez d'ailleurs le plus grand compte des conclusions du rapport Thélot. Et aujourd'hui vous nous présentez ce projet. C'est une nouvelle et grande ambition pour la France, un nouveau défi pour l'avenir de ce que nous avons de plus précieux : nos enfants.

Votre dispositif instaure un socle commun de connaissances et de compétences fondamentales que devront maîtriser tous les enfants: la langue française, les mathématiques, une culture humaine et scientifique, une langue étrangère au moins, et les nouvelles techniques d'information et de communication. Vous nous proposez un texte cohérent qui fixe clairement les objectifs de la maternelle à l'université, définit la formation des élèves comme celle des personnels, organise le suivi et le soutien individualisé, et crée en plus des bourses sociales existantes des bourses au mérite. Votre proposition est excellente, Monsieur le ministre, et devrait obtenir le soutien de tous les groupes de cette Assemblée, car je sais que tous ici aiment notre école républicaine. Il est donc permis d'espérer que les arrière-pensées politiciennes ne feront pas irruption dans ce débat.

Certes, il reste quelques points à préciser. Le débat est fait pour cela et je suis persuadé que quelques amendements judicieux, présentés par vous-même ou par le rapporteur, nous permettront de le faire. Enfin, cette loi d'orientation fixe les grands principes qui régiront notre système éducatif pour les vingt ans à venir. Ne confondons donc pas le débat qui s'engage aujourd'hui avec la discussion d'une loi de finances,voire de mesures ponctuelles de carte scolaire.

Vos orientations, Monsieur le ministre, sont bonnes pour notre jeunesse, pour les familles, pour les personnels de l'éducation, et porteuses d'avenir pour la France et l'Europe. Alors, mes chers collègues, tous ensemble disons : halte au scepticisme ambiant, halte au découragement, haut les cœurs ! Soyons fiers de notre école, elle est le socle de notre patrie. Cap sur un nouvel avenir ! Nous devons créer un nouvel état d'esprit, redonner dignité et autorité aux maîtres, courage et espoir aux élèves, sens de l'effort et goût de la réussite à tous, confiance aux parents. Tel est le défi qu'il nous faut relever ensemble. En avant ! Votre projet, Monsieur le ministre, trace la voie. Engageons-nous sur le seul chemin qui vaille : celui du bonheur et de l'avenir de notre jeunesse ! Le groupe UMP vous apportera son soutien avec enthousiasme et détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Blazy - Votre projet de loi, Monsieur le ministre, est une copie bâclée, raturée et largement hors sujet.

Bâclée et raturée : calendrier d'examen au Parlement avancé pour cause de référendum, amendements de suppression du Gouvernement présentés en commission pour éviter les foudres du Conseil constitutionnel et répondre aux critiques du Président de l'Assemblée nationale, faux-semblant de marche arrière sur le baccalauréat face à la légitime anxiété des lycéens, et aussi à leur détermination que nous avons encore perçue aujourd'hui...

Le Gouvernement a fait une loi d'orientation et de programmation pour la justice, pour la sécurité intérieure, pour la cohésion sociale. Il n'a pas jugé bon de faire une loi d'orientation et de programmation pour l'éducation. M. Périssol ne partage d'ailleurs pas votre opinion, puisqu'il a déposé en commission toute une série d'amendements de programmation. C'est aussi l'avis exprimé par le rapporteur. Et maintenant, Monsieur le ministre, vous entendez nous proposer un bricolage de programmation...

Mais surtout votre texte est hors sujet. Sur le constat, nous sommes en partie d'accord : 80 000 élèves entrent en sixième sans savoir réellement lire, écrire et compter ; la proportion des bacheliers ne progresse plus, celle des bacheliers de l'enseignement général diminue, et le nombre des élèves quittant le système scolaire sans diplôme ni qualification reconnue est de 150 000. Certes, depuis quarante ans, les progrès ont été réels. L'évolution de la société française a imposé des transformations de l'école et de l'université. Cependant, la démocratisation du secondaire et du supérieur n'a pas assuré le brassage ni même la promotion sociale. Nous avons tous des responsabilités. Pour notre part, nous n'avons pas réussi à mettre en place un grand service public laïc et unifié. La droite a tout fait pour favoriser l'école privée, et fait tout aujourd'hui pour accentuer la marchandisation de l'école, attentive aux demandes du Medef. Vous n'osez pas relancer votre projet de casser le collège unique avec une voie menant à l'enseignement général et une autre à l'enseignement professionnel, mais vous introduisez sournoisement l'option de découverte professionnelle en troisième.

L'année dernière, nous avions légiféré sur la laïcité. Ce texte était nécessaire, il n'était pas suffisant. Il ne traite pas du port de signes religieux dans le cadre des activités scolaires par des parents d'élèves ou leurs représentants. Ceux-ci sont pourtant de plus en plus amenés à entrer dans les écoles, ou à accompagner des sorties scolaires. Si le dialogue doit naturellement être de rigueur, le principe de laïcité à l'école doit également s'appliquer aux parents d'élèves. Je vous ai adressé une question écrite à ce sujet, à ce jour sans réponse.

M. le Ministre - La réponse est non !

M. Jean-Pierre Blazy - Surtout, il n'y pas de vraie laïcité sans égalité des chances. Si l'école de la République n'a jamais réduit toutes les inégalités sociales, elle est aujourd'hui impuissante face à des réalités très inégalitaires selon les individus et selon les territoires. Il y a plusieurs fractures scolaires, d'abord entre le privé et le public, évidemment. Les élèves du privé sont issus des milieux les plus favorisés et la proportion d'élèves boursiers y est deux fois plus faible. Dans le public, concurrence entre établissements est de plus en plus forte et les familles font tout pour éviter les établissements ghettos.

Selon le rapport 2004 de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, 39% des élèves de 6e des établissements placés en ZUS ont un retard d'un an ou plus, contre 29% pour la France entière. Un habitant des ZUS sur trois n'a aucun diplôme et les écarts s'accroissent par rapport à la moyenne nationale.

Chaque année, 65 000 filles et garçons de 17 ans sont identifiés en difficulté sérieuse de lecture et d'écriture à l'occasion du test de dépistage de l'illettrisme pratiqué au cours de la journée de préparation à la défense. Selon certaines enquêtes, 36% des allocataires du RMI sont en très grande difficulté de lecture. Le linguiste Alain Bentolila parle à juste titre d'une véritable insécurité linguistique. Votre projet ne fait rien pour y mettre fin.

Alors, Monsieur le ministre, vous êtes hors sujet en nous faisant le coup démagogique et populiste de l'autorité qu'il faut restaurer à l'école, du socle des connaissances à acquérir, du contrat Individuel de réussite, solution miracle contre l'échec scolaire, ou encore de la bourse au mérite qui se veut sans doute la caution républicaine d'un ensemble de dispositions franchement réactionnaires. Et comment assurer une solide formation à la fin du collège si l'on exclut du socle de compétences et du contrôlé terminal les disciplines artistiques et l'éducation physique et sportive ? Comment mettre en œuvre le contrat individuel de réussite à l'école élémentaire alors que les réseaux d'aide aux élèves en difficulté fonctionnent souvent mal ? Il faudrait réduire encore l'effectif des classes en ZEP pour diminuer l'écart des performances entre ces élèves et les autres, comme l'a démontré l'économiste Thomas Piketty.

Comment lutter contre l'échec scolaire alors que vous supprimez des postes et que vous réduisez les dotations horaires dans les collèges et les lycées ? Le budget 2005 réduit fortement les moyens accordés à l'éducation.

Vous avouez vous-même dans la note intitulée « la vérité sur les chiffres » que la suppression des TPE en terminale vous a permis de récupérer 980 emplois et la création de la première STG qui remplace la STT de récupérer 441 emplois. Le véritable objectif de votre réforme est de poursuivre dans cette voie malthusienne. En outre, 18 700 postes d'éducateurs et maîtres d'internat et surveillants d'externat ont également disparu. De ce fait, les violences scolaires ont augmenté de 13% en 2004.

Comment dès lors répondre à l'inquiétude des lycéens qui manifestent et s'opposent à votre projet de réforme du baccalauréat à laquelle, en dépit de manœuvres médiatiques, vous ne voulez pas, au fond, renoncer ? Ils protestent également contre la suppression des travaux personnels encadrés.

Votre projet aggrave la politique hostile à l'école de la République que ce gouvernement conduit depuis trois ans. Vous n'avez pas le courage d'une vision qui porte au-delà de 2007. Une autre réforme du système éducatif est possible. Vous vous obstinez à ne pas entendre les propositions alternatives. Il faut retirer votre mauvaise copie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Pierre-André Périssol - Il y a dix-huit mois, le Président de la République a donné la parole aux Français. C'était une grande première, dont la majorité est fière. Plus de deux millions d'entre eux ont exprimé leurs attentes et quatre orientations claires se sont dégagées. Les Français veulent que l'école fasse réussir tous les élèves, sans que la réussite puisse être la même pour tous. Ils souhaitent que tous nos enfants maîtrisent un socle commun de connaissances et de compétences pour conduire leur vie professionnelle et être des citoyens. Ils veulent, pour que chacun trouve sa voie, que le socle commun se poursuive par des enseignements complémentaires. Enfin, ils demandent que l'on tienne compte de la diversité des rythmes et des compétences des élèves. Nombre d'enseignants pratiquent déjà la personnalisation des apprentissages ; le CIRE ira dans ce sens. Enfin, l'école doit ouvrir sur le monde et vous mobilisez des moyens importants pour l'apprentissage des langues étrangères.

Mais ce sont ses acteurs, et tous les Français, qui seront les garants du succès. Je voudrais d'abord m'adresser aux enseignants pour leur dire que nous leur faisons confiance. Ils ont élevé le niveau d'éducation, doublé le nombre de bacheliers en vingt ans, et dans des conditions difficiles, puisque l'effort et le mérite, valeurs de l'école républicaine, sont moins prisés dans notre société. Leur tâche est d'autant plus indispensable qu'elle est difficile. Cependant il subsiste trop d'échecs. Nous refusons que 20% des enfants restent sur le bord de la route. Les orientations de votre projet permettront d'en diminuer le nombre. Certes, les enseignants ne peuvent agir seuls. Ainsi, notre société a laissé se dévaloriser l'écrit. A nous tous de nous mobiliser pour que la lecture soit traitée comme une grande cause nationale.

Je veux ensuite m'adresser aux parents. L'école a été construite, puis renouvelée, sans eux. Or leur accompagnement est un facteur déterminant de la réussite scolaire. La loi devra favoriser les contacts entre enseignants et parents.

Je m'adresse enfin à tous les Français, car l'école est l'affaire de toute la nation et doit le rester. Le Parlement débat une fois tous les quinze ans du système éducatif ; c'est peu. Le ministre a placé l'acquisition d'un socle commun au centre du système éducatif. Le choix de son contenu est déterminant pour notre avenir, car il y a va de la cohésion sociale, du dynamisme économique, de la confiance collective. Bien entendu, les grands choix porteront sur la langue française, les mathématiques, une culture scientifique et humaniste, une langue étrangère, les technologies de l'information et de la communication.

Mais, pour que demain ce socle commun soit mis en œuvre, il doit être partagé et soumis à l'approbation du Parlement avant d'être examiné par le Haut conseil pour l'éducation ; et non confié à un seul cénacle d'experts, fussent-ils de grande qualité. Ainsi, cette marque de confiance accordée au Parlement prolongera la participation constructive des Français au grand débat sur l'école.

Personne ne détient le monopole de l'école. Après les élections de 2002, la majorité s'est trouvée face à un rendez-vous historique. La réussite de ce rendez-vous ne sera assurée que par une réponse collective et fidèle aux espérances et aux attentes que les Français ont exprimées lors du grand débat sur l'école ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Huguette Bello - Lieu de tous les enjeux, carrefour décisif de nos existences, ciment de la cohésion sociale, l'école ne saurait être l'objet de querelles partisanes et d'affrontements idéologiques. J'approuve sans réserve le Président de la République de vouloir faire de l'école « un espace où l'on forme les citoyens de demain à la critique, au dialogue et à la liberté. »

Malheureusement, votre projet de loi est éloigné de ces préoccupations et contient des aberrations qui, pour être universellement répandues, n'en sont pas moins détestables.

Premièrement, vous concevez l'école comme une entreprise destinée à produire des connaissances. Mais les élèves ne sont ni des travailleurs ni des produits ! Employer le langage de la performance, de la compétition et des objectifs quantifiés pour parler de l'école obscurcit au lieu d'expliquer, immobilise au lieu de faire avancer (Murmures sur les bancs du groupe UMP) L'intelligence et l'épanouissement de l'imagination ne sont pas captés par des objectifs et ne se mesurent pas par des chiffres. Bien qu'il soit difficile d'échapper à cette logomachie technocratique et à cette logorrhée de l'évaluation, il est préférable de l'éviter pour aborder la question de l'école.

Les préconisations de ce texte ne s'appuie sur aucune vision claire de l'homme et de la société. Tout juste y fait-on allusion à des circonstances dépourvues de toute résonance historique comme de toute épaisseur humaine ! Les exigences de la société de l'information ou les enjeux démographiques, cités dans le rapport annexé, les impératifs de rentabilité ou l'obligation de préparer les enfants à la vie professionnelle ne sont pas des objectifs suffisants pour construire une politique de l'enseignement. La formation de l'enfant doit rester le but premier de l'éducation. Avec Jean-Marie Domenach, affirmons que la relation pédagogique se fonde « non sur l'utilité mais sur la vérité, la beauté, la liberté et la convivialité. »

De quels faux plafonds sommes-nous en train de recouvrir les salles de classe au moment où les sensibilités sont à vif ? Les treize objectifs du Conseil européen de Lisbonne représentent un chef-d'œuvre de la langue de bois, une plongée dans un verbalisme glacé. Parler ainsi « d'économie de la connaissance », est-ce une imposture, une arnaque ou l'expression prosaïque des volontés des puissants lobbies industriels ? Rien d'étonnant dès lors à ce que l'on préconise comme remède à l'échec scolaire l'orientation dès l'âge de quatorze ans vers l'apprentissage. Cette spécialisation prématurée est une violence faite aux élèves.

Deuxièmement, vous infligez à l'école la fonction démesurée de tenir lieu d'infirmerie de la société. Vous vous réclamez de principes républicains - la fraternité, la tolérance et l'égalité des chances - que je partage. Mais, demander à l'école de remédier à la violence et l'inégalité croissantes de notre société tout en lui assignant des objectifs qui sont à l'origine même de cette violence et de cette inégalité n'est qu'un joli tour de passe-passe.

Si je suis sensible aux intentions affichées de ce texte, je suis également touchée par l'aveuglement qui les fait aussitôt oublier. Vous consacrez le règne des opinions sur l'enseignement alors qu'il a pour objet de l'éclairer, de le mettre en perspective et de le dépasser !

L'école joue un rôle fondamental dans mon département, la Réunion. J'ai évoqué, à plusieurs reprises, l'effort qu'il reste à produire et les moyens à mettre en oeuvre pour répondre aux attentes des enseignants et des parents, et ce, sans nier les progrès accomplis ces vingt dernières années. La logique qui sous-tend cette réforme y provoquera, plus encore qu'ailleurs, des réactions douloureuses.

La sensibilité des enfants, blessée par la brutalité du temps, doit être protégée. Prenons garde au tour trop idyllique sous lequel nous leur présentons le monde du travail : ils le savent injuste, dur et en redoutent la froide violence. Une de nos poétesses, Agnès Guéneau, nous en a averti :

« L'enfant ne comprend pas

Ce regard d'oiseau de proie. »

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce matin, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 10, le mercredi 16 février.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 16 FÉVRIER 2005

NEUF heures TRENTE : 1re SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion du projet de loi (n° 2025) d'orientation pour l'avenir de l'école.

Rapport (n° 2085) de M. Frédéric REISS, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

QUINZE HEURES : 2e SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de l'ordre du jour de la première séance.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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