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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 62ème jour de séance, 150ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 16 FÉVRIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

        PROJET DE LOI D'ORIENTATION
        POUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE (suite) 2

        DÉCLARATION D'URGENCE 31

La séance est ouverte à neuf heures trente.

PROJET DE LOI D'ORIENTATION POUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.

Mme Martine David - Se pencher sur le fonctionnement de notre système éducatif tous les quinze ans est normal et souhaitable. Confirmer la pertinence des objectifs et des grands axes de la loi Jospin de 1989, en les adaptant aux changements de notre société, est judicieux. Malheureusement, le résultat inachevé que vous nous présentez est bien décevant.

Dès l'origine, votre projet a été entaché d'insuffisances. Le grand débat sur l'avenir de l'école a certes fait grand bruit, mais il n'a eu que l'apparence de la concertation : tout a été mis en œuvre pour qu'il vienne finalement appuyer des orientations dogmatiques et préétablies. Le seul objectif semble avoir été de réduire sans discernement les dépenses d'enseignement, pourtant déterminantes pour demain.

Les parents d'élèves, les personnels et les enseignants, qui ont participé en toute bonne foi à ce débat, ne s'y sont pas trompés. Dans ma circonscription, des rendez-vous ont été boycottés pour protester contre les suppressions de moyens qui se poursuivaient.

Les Français n'ont ensuite pas pu manquer le battage fait autour du rapport Thélot, qui n'a eu d'égal que le tollé qu'il a suscité. Les quelques pistes intéressantes qu'il suggérait ont en effet été éclipsées par des propositions aussi provocantes qu'inopérantes. L'ampleur des controverses et des ambitions ne se retrouve pourtant pas dans le projet que vous proposez : rien - ou presque - sur l'enseignement supérieur et le cycle maternel, pas de programmation budgétaire, mais seulement des annonces, rien non plus sur la formation tout au long de la vie. La déception est grande. On pourrait même croire que le décalage entre les attentes et la réalité de la discussion parlementaire est délibéré. Tout donne à penser que votre mission consiste à limiter l'expression des mécontentements - vous n'y parvenez d'ailleurs pas - pendant que l'entreprise de démolition se poursuit.

Pensez-vous que les lycéens, qui réclament des conditions d'apprentissage dignes, et pas seulement le retrait de votre projet de nouveau baccalauréat, vont se taire ? Ce serait mésestimer l'intelligence de ces jeunes citoyens qui refusent de voir leur mobilisation raillée. La capacité à mesurer les conséquences des réductions budgétaires n'attend pas le nombre des années !

Pensez-vous que les enseignants vont longtemps tolérer la détérioration de leurs conditions de travail et accepter de pallier les insuffisances budgétaires par l'obligation de remplacer tout collègue absent ?

M. Guy Geoffroy - La question n'est pas là !

Mme Martine David - Ce serait nier scandaleusement leur souci constant de responsabilité et de dialogue.

Au-delà de ce mécontentement général, je voudrais dire quelques mots du malaise suscité par la philosophie élitiste de ce texte. Même vos dispositifs de soutien commencent par marginaliser les élèves en difficultés. L'école que vous dessinez est celle du renoncement à lutter contre les inégalités sociales qui, trop souvent, s'imposent dans l'enceinte scolaire. Vous persistez à porter atteinte au service public de l'éducation. Certes, la solution n'est pas seulement quantitative. Mais après la disparition de 65 000 aides éducateurs, le gel du plan pluriannuel de recrutement, la suppression de 40 000 postes d'enseignants non titulaires à la rentrée 2004 et de 5 500 postes de professeurs dans le secondaire à la prochaine rentrée, ou l'extinction du corps des MI-SE, comment croire à votre volonté de relever le défi de la démocratisation ? Comment croire que le Gouvernement entend offrir des chances égales de réussite aux élèves ? C'est ainsi qu'est célébrée la liberté pour les uns d'approfondir leurs connaissances, et celle pour les autres de s'orienter précocement vers l'apprentissage.

Le groupe socialiste a essayé, dans un esprit de responsabilité, d'améliorer ce texte. Je ne peux, faute de temps, aborder le brevet, la discriminatoire note de vie scolaire, la contestable remise à jour du redoublement, la réforme du baccalauréat dont le report, que vous annoncez sous la pression de la rue, ne rassure personne, le CIRE, l'insuffisante promotion de l'égalité entre les filles et les garçons... Aussi m'en tiendrai-je à quelques aspects essentiels.

Prolongement de l'indispensable principe de la scolarité obligatoire, le socle commun des connaissances et des compétences à maîtriser à l'issue de la formation initiale doit permettre autant l'intégration professionnelle de chaque individu que l'exercice de sa citoyenneté. Il doit être commun à tous pour représenter une culture collective fondant le « vivre ensemble ». Il doit donner toute leur place à des objectifs linguistiques - maîtrise de la langue française et d'au moins une langue étrangère -, culturels, logiques et technologiques, mais aussi à des objectifs de pratique de l'effort, de travail collectif et d'autonomie, ainsi qu'à l'apprentissage de la citoyenneté. Je citerai notamment, en raison des craintes qui sont apparues, le caractère indispensable de l'enseignement économique et de l'enseignement de l'EPS. Votre revirement sur ces deux points ne convainc pas : je souhaite obtenir de votre part de réels engagements sur le maintien de ces deux disciplines fondamentales. Ce serait la première fois depuis que l'école de la République existe que l'éducation physique ne serait pas jugée indispensable, ce qui est d'autant plus surprenant que cette discipline a prouvé toute sa pertinence aux plans individuel et collectif et que 2005 a été proclamée par l'ONU année internationale du sport.

L'enseignement professionnel, cette école des métiers, est marginalisé au profit d'un système de professionnalisation sans formation. Vous poursuivez dans la voie dramatique tracée par les trois derniers budgets : 700 postes de professeurs de lycée professionnel seront supprimés à la rentrée 2005, soit bien plus en proportion que dans l'enseignement général, alors que les effectifs sont stables. Une nouvelle fois, les professeurs de lycée professionnel payent pour tout le second degré, et leurs conditions d'enseignement en pâtiront. Pire, vous réduisez les moyens de l'enseignement professionnel alors que des sommes importantes sont prévues en faveur de l'apprentissage dans le plan Borloo. L'enseignement professionnel a-t-il encore sa place au sein du service public de l'éducation nationale? Plus d'élèves en apprentissage, c'est moins d'élèves dans les lycées professionnels et un risque de marginaliser cette filière pourtant reconnue.

M. Guy Geoffroy - Pourquoi les opposer ?

Mme Martine David - Vous auriez dû saisir l'opportunité de cette loi d'orientation pour valoriser les atouts du lycée professionnel. On peut craindre que l'assèchement de ses ressources budgétaires et la réduction de la taxe d'apprentissage ne conduisent à la disparition de cette filière et à la privatisation de la formation professionnelle. Le Gouvernement va-t-il enfin entendre les professeurs des établissements d'enseignement professionnel et leur donner les moyens de continuer à assurer la réussite de leurs élèves ?

L'enseignement supérieur est, lui aussi, étrangement traité dans le texte. Bien peu d'actions sont proposées pour rendre plus juste et efficace le premier cycle universitaire...

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Ce n'est pas le sujet.

Mme Martine David - ...qui doit relever, après celui de la massification, le défi de la démocratisation, tandis que la contestable réforme des IUFM est présentée comme une panacée. Je souhaite donc que vous nous apportiez des éléments précis sur vos intentions dans ce domaine. J'insiste également sur la nécessité d'un plan pluriannuel de formation et de recrutement des futurs personnels de l'éducation nationale.

Il y a plusieurs mois, les personnels de la santé scolaire - médecins, infirmières, assistantes sociales - s'étaient mobilisés pour dénoncer le manque de moyens dont ils disposent pour remplir leur mission d'assistance et de prévention : moins de 6 400 infirmières pour plus de 12 000 collèges et lycées, 300 infirmières dans les universités pour 2 millions d'étudiants. Pire, vous vous résignez à gérer la pénurie en choisissant implicitement entre la santé des enfants et celles des adolescents, Ce texte renonce à la prise en charge correcte des élèves du cycle élémentaire alors qu'il est prouvé qu'un suivi précoce est indispensable quand les dépenses de santé deviennent un luxe pour trop de familles. Ces personnels, dont le statut est déjà insuffisamment attractif, réclament des embauches. Or, le Gouvernement a cassé la dynamique lancée par le gouvernement Jospin, qui avait permis le recrutement de 1 100 médecins, infirmières et assistantes sociales en quatre ans.

Je souhaite également attirer votre attention sur la question de la formation tout au long de la vie, indispensable pour permettre à chacun de nos concitoyens de faire face plus facilement à la nouvelle donne économique et sociale et à la précarité croissante des contrats de travail. Cette école des adultes doit être appréhendée comme un processus de globalisation d'éducation, comme outil d'émancipation et de promotion sociale à tous les âges. Il ne doit pas se réduire à la formation professionnelle continue ni au rattrapage d'une scolarité initiale ratée. Au contraire, elle doit étendre la période d'échange, d'apprentissage et de construction des valeurs du « vivre ensemble ». Elle doit permettre une ascension professionnelle grâce à une meilleure évaluation des changements techniques, économiques et sociaux de notre société. Comme le dit l'écrivain Paul Carvel « L'éducation se sème chez l'enfant mais doit se cultiver toute la vie ».

J'en viens aux carences qui concernent la soclarisation des élèves handicapés (M. Geoffroy s'exclame). Les crédits annoncés ne sont pas inscrits. On ne trouve dans ce projet que des intentions.

En conclusion, ce texte n'est pas acceptable en l'état. Vous ne pouvez vous considérer, Monsieur le ministre, comme le seul détenteur de la vérité.

M. Guy Geoffroy - Vous non plus !

Mme Martine David - Mais je n'affirme rien de tel, mon cher collègue. Les manifestations, les initiatives syndicales, les déclarations d'hostilité de toutes les fédérations de parents d'élèves se multiplient. Dans la vie de la nation, le ministre décide, certes, mais il passe. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Les enseignants, les personnels assurent quant à eux leur mission dans la durée. Compte tenu de leur expérience, leur avis mérite d'être entendu et pris en compte. Le groupe socialiste se fait le relais de cette exaspération et vous demande de revoir profondément votre copie, en étudiant les propositions concrètes formulées hier par Jean-Marc Ayrault pour que chaque enfant puisse trouver, grâce à une école respectueuse et formatrice, sa place d'adulte et de citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Yvan Lachaud - Construire l'école de demain, celle des quinze années à venir, tel est l'enjeu de ce projet.

La dernière loi de ce type date de 1989. L'objectif de porter 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat a marqué les esprits mais, explicitement assumé par plusieurs ministres, il n'a jamais été gravé dans le marbre.

Quant à ce projet, ses promoteurs ont voulu lui donner un grand retentissement. Il fait suite à un débat public qui a mobilisé plus d'un million de Français et au travail de la commission Thélot, dont le rapport a été accepté par la plupart des organisations d'enseignants et de parents d'élèves, ce qui est rare. Mais trop peu de ses propositions sont reprises dans ce projet. C'est dommage.

Notre système scolaire fonctionne bien. Alors que tout le monde le démolit, il faut dire qu'il est de qualité, en comparaison des systèmes en crise qu'on trouve en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Défendons notre modèle et nos acquis. Aujourd'hui, la priorité n'est pas de tout mettre par terre, mais d'améliorer ce qui existe dans le double souci de combattre l'échec scolaire et de conforter le rôle de l'enseignant.

Certes, de nombreuses mesures vont dans le bon sens, comme la constitution d'un socle commun de connaissances, la revalorisation de l'enseignement professionnel, l'évaluation des connaissances... La détection précoce des difficultés est une bonne mesure : elle figurait déjà dans le « nouveau contrat pour l'école » mis en place par François Bayrou.

Mais on aurait pu donner davantage d'autonomie aux établissements. Il faut regretter aussi que ce texte ne soit pas un projet de loi de programmation. Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué le coût de certaines mesures, et je vous en remercie, mais il faudrait que nous disposions d'un tableau d'ensemble précis.

Ce projet doit d'abord nous permettre de redéfinir la mission des enseignants, dont le rôle ne se limite plus à l'instruction. Il ne faut pas négliger l'usure du métier. L'évolution du comportement des élèves, l'écart qui se creuse entre les générations rendent nécessaire d'envisager la possibilité d'une seconde carrière pour les enseignants. C'est indispensable pour leur redonner confiance.

M. Guy Geoffroy - Très bien !

M. Yvan Lachaud - Il faut aussi étudier les modalités de l'évaluation pédagogique. Osons ouvrir ces chantiers !

Nous devons tout particulièrement résoudre le problème de la lecture et de l'écriture. Les chiffres sont connus : 10 % d'illettrisme lourd et 20 % d'illettrisme diffus chez les adultes ; 10 % de grosses difficultés et un fort illettrisme diffus à l'entrée en sixième. L'illettrisme conduit à l'échec scolaire de longue durée. Celui qui ne sait pas lire en sixième n'atteindra pas le baccalauréat. Or, ceux qui sont dans ce cas sont connus depuis le cours préparatoire : on sait qui va vers l'illettrisme, sans parvenir à résoudre le problème. Il ne faut surtout pas que le corps enseignant considère ce constat comme une critique. On voit ce qu'il convient de faire : comparer les méthodes, mettre en place l'expérimentation, prévoir des systèmes différenciés, évaluer... Il faut appliquer des pédagogies différenciées, dès le plus jeune âge, aux élèves promis à l'échec scolaire. On concentrerait sur eux les moyens, puisqu'ils en ont le plus besoin. Refuser la différenciation, c'est mal comprendre l'égalité.

C'est à l'école qu'il revient d'assurer l'égalité des chances et de compenser les inégalités sociales. C'est pourquoi nous voulons repenser le dispositif des ZEP, qui est une politique de différenciation des moyens sur critères sociaux et non sur critères pédagogiques.

Il faut encore adapter le système éducatif aux jeunes d'aujourd'hui, qui sont fragiles. En particulier, il faut résoudre les problèmes du collège en multipliant les passerelles et en proposant des voies différentes à ceux que leur situation d'échec transforme en délinquants potentiels. Toucher au collège, c'est donner la possibilité à tous les collégiens de trouver leur voie. Quand on s'est fixé pour objectif 100 % d'une tranche d'âge au brevet, on a profondément modifié le public du collège. Il faut adapter le collège à ce nouveau public. C'est le niveau où il y a le plus d'échecs ; c'est le point noir de l'éducation nationale.

Nous devons conserver au brevet son caractère d'examen, en associant contrôle continu et épreuve terminale, car il constitue pour les élèves le premier examen de leur cursus.

La génération des professeurs, contrairement à celle des collégiens, n'est pas née avec l'informatique. Il en résulte une inadéquation entre les outils que les enseignants utilisent et ceux que les élèves aiment utiliser. A cet égard, il faudrait revoir en profondeur le programme de technologie.

A l'UDF, nous voulons aussi proposer. C'est pourquoi nous avons élaboré treize mesures prioritaires pour améliorer ce projet.

Il faut d'abord permettre à chaque élève d'acquérir un ensemble de connaissances et d'aptitudes, clés de sa réussite scolaire et professionnelle, en élargissant le socle de connaissances fondamentales proposé par le Gouvernement : du français, des mathématiques, une langue vivante, des technologies de l'information, une culture humaniste et citoyenne, un enseignement artistique, une culture scientifique et technologique, la pratique sportive enfin, défendue hier par notre collègue Rochebloine dans un discours remarqué.

Il faut en outre garantir l'accès de tous aux enseignements optionnels, comme les langues anciennes ou régionales et les différentes filières de l'enseignement professionnel.

Il faut redéfinir la mission des enseignants, qui comprend aussi l'accompagnement des élèves, leur suivi individualisé, les relations avec les parents, le travail en équipe et la concertation.

Autre chantier important : améliorer la formation des enseignants, qu'il s'agisse de son contenu ou de son déroulement. Il importe de définir un cahier des charges national, de garantir leur autonomie, de préparer tous les enseignants à accueillir des élèves handicapés.

MM. François Rochebloine et Pierre-André Périssol - Absolument !

M. Yvan Lachaud - L'accent doit être mis sur l'accompagnement des élèves en difficulté et la personnalisation des apprentissages. Certains jours, l'élève pourrait bénéficier d'études accompagnées durant lesquelles il ferait ses devoirs avec l'assistance d'un enseignant, d'un retraité ou d'un étudiant.

De même, il nous faut donner les moyens de réussir aux élèves des quartiers défavorisés en recentrant le dispositif des ZEP, qui tend à éparpiller les moyens. Il faut se concentrer sur les établissements les plus en difficulté et lier le bénéfice du dispositif à la signature d'un contrat d'objectifs. On pourrait s'inspirer du travail réalisé par les groupes d'aide à l'insertion dans les lycées professionnels.

Nous devons préserver les écoles rurales en assouplissant les critères de seuil et en prenant en compte les projets des communes pour maintenir l'école, avec la création de garderies, de logements et de bibliothèques. Il faut aussi prendre en considération la dimension intercommunale.

J'insisterai sur la nécessité d'accompagner la croissance des effectifs dans les établissements privés sous contrat. Un rapport sur ce thème serait intéressant.

Enfin, une politique de santé doit être mise en place. Il faut au moins une infirmière par établissement du second degré. Or, il n'y a aujourd'hui que 6 700 postes pour 8 000 établissements. Il faudrait aussi un médecin pour 3 000 élèves, au lieu d'un pour 6 500.

Il convient aussi de s'occuper des personnels non enseignants qui jouent un rôle important dans le fonctionnement des établissements. Il faut donc prévoir leur recrutement, leur formation et leur participation à l'élaboration du projet d'établissement.

La réussite de tous les élèves impose aussi de valoriser l'enseignement professionnel et technologique. Il faut informer sur cette voie, mettre en avant ses réussites, favoriser les partenariats entre les collèges et les entreprises, mieux adapter la formation aux emplois, offrir aux collégiens qui le souhaitent la possibilité, dès la classe de 4ème, de choisir une formation à vocation technologique... L'orientation est une mission de l'école à part entière. Elle doit être inscrite dans la loi.

Nous demandons également au Gouvernement de s'engager à élaborer un statut pour les directeurs d'école, qui prévoie en particulier un nouveau système de décharge d'enseignement afin qu'ils soient en mesure d'assumer pleinement et dans de bonnes conditions toutes leurs attributions.

Pensons aussi aux classes post-bac des lycées : dans le cadre de la réforme L-M-D, nous demandons que la formation dispensée dans les classes préparatoires et les BTS soit reconnue et validée, par exemple via des conventions locales entre les lycées et les universités, s'appuyant sur une grille nationale d'attribution des ECTS.

La discussion de ce projet est l'occasion de mettre en place une politique favorisant l'enseignement des langues régionales. Cela suppose notamment d'attribuer un nombre de postes correspondant aux effectifs d'élèves et de garantir la situation juridique de l'enseignement par la méthode de l'immersion. Nous avons déposé plusieurs amendements sur ce sujet.

La concertation et la confiance des acteurs de l'école, des mesures simples et concrètes pour assurer la réussite des élèves et redonner confiance aux acteurs de l'école : voilà ce que l'UDF propose pour que notre système éducatif soit doté d'une véritable ambition et que chaque élève, quel que soit son milieu d'origine, reçoive les compétences solides servant de base à une formation tout au long de la vie.

Nous sommes convaincus que l'on peut réformer l'Education nationale, pourvu que l'on sache gagner la confiance de ceux qui constituent l'école. Cette confiance se gagne par la discussion et la concertation.

M. François Bayrou - Très bien.

M. Yvan Lachaud - Le but de l'école n'est pas le diplôme, ni même l'insertion professionnelle, mais de donner à une personne les moyens de son épanouissement et de sa liberté de choix en tous domaines, y compris professionnel. Dans les situations tellement mouvantes de notre monde, c'est la culture générale qui permet de faire un choix pertinent.

Mais il convient dans le même temps de parer à la désaffection regrettable des jeunes pour le monde des métiers. Il faut leur expliquer que ce n'est pas parce qu'on exerce un métier manuel que l'on n'a pas droit à une vie culturelle et intellectuelle.

Pour que les enfants, au moment des premiers apprentissages, se trouvent dans des situations qui se rapprochent le plus de l'égalité, il faut développer autour de l'école une sorte de réseau éducatif qui puisse soutenir le travail des enseignants. Prenons l'exemple de la lecture : l'école ne viendra à bout des difficultés qu'ont certains enfants dans ce domaine que si la société tout entière valorise aussi la lecture, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui.

Ce soutien de l'école est indispensable. Quand François Bayrou était ministre de l'Education nationale, il avait fait mener une étude, sous la responsabilité de Claude Thélot, pour comprendre pourquoi des enfants de milieux favorisés, socialement et culturellement, échouaient, alors que des enfants de milieux défavorisés réussissaient. Les conclusions ont été claires : réussissaient dans les milieux défavorisés les enfants dans la famille desquels l'école était valorisée, et échouaient dans les milieux favorisés ceux pour qui l'école était constamment dévalorisée.

Garantir l'avenir de l'école exige de valoriser le système scolaire et de respecter le travail des enseignants. On ne peut réformer l'école que si on respecte ses acteurs et qu'ils se sentent respectés dans la société, considérés.

M. François Rochebloine - C'est urgent.

M. Yvan Lachaud - Au moment où des difficultés s'annoncent pour la rentrée prochaine, nous voulons améliorer ce texte pour que l'éducation reste la priorité du pays. Nous le devons à nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Patrick Braouezec - La loi d'orientation que vous proposez veut fixer les objectifs éducatifs de la nation pour les prochaines années. Dans son exposé des motifs, il est question de « perte de vitesse en ce qui concerne la lutte contre les inégalités sociales » et « d'incapacité à garantir un niveau de formation répondant tant aux besoins sociaux qu'aux besoins citoyens ou économiques. Je suis d'accord, Monsieur le ministre, sur l'état des lieux que vous dressez et sur le fait qu'il est temps « d'assurer la réussite de tous les élèves » comme l'a souligné la commission du débat national sur l'avenir de l'école.

Mais ces constats appellent des mesures à la hauteur des enjeux. Or, force est de constater que le budget de l'Education nationale a baissé, en euros constants, de 3 % et que le présent projet s'insère dans un ensemble de mesures qui se retournent contre le service public de l'Education, par exemple la loi organique relative aux lois de finances qui, sous couvert de contrôle de l'utilisation des deniers publics, aligne la gestion des services publics sur le modèle des entreprises privées.

Si l'on peut admettre que la gestion doive être menée avec rigueur dans une entreprise publique comme dans une entreprise privée, on ne peut pour autant accepter que le service public souscrive aux politiques libérales mises en place dans le privé, sauf à se résigner aux suppressions de postes et au non remplacement des personnels absents ainsi que des nombreux départs en retraite prévisibles. Dans un département comme la Seine-Saint-Denis, le manque d'enseignants se fait cruellement sentir. Dans cette académie, 2 500 enfants en plus sont attendus pour la rentrée prochaine et nous savons que deux postes seulement vont être créés, alors qu'il en faudrait une centaine !

Pour moi, améliorer la gestion implique d'augmenter les moyens ; pour votre gouvernement, cela suppose suppression de moyens humains mais aussi d'une partie de matières importantes. Ainsi disparaissent du « socle commun pour tous » les enseignements artistiques et l'éducation physique et sportive.

Je n'ai pas oublié l'appel lancé par les étudiants inscrits en STAPS en mars 2004 qui se demandaient - compte tenu de la baisse du nombre de postes mis au concours du CAPEPS - si le sport aurait encore sa place au sein de l'Education nationale. Un an après, les inquiétudes des étudiants se trouvent confirmées. En faisant siennes les propositions du rapport Thélot, le Gouvernement prend une lourde responsabilité, car comme l'écrit Michel Serres, dans son ouvrage Variations : « Les cinq sens ne sont pas la seule source de la connaissance : elle émerge, en grande part, des imitations que rend possibles l'extraordinaire plasticité du corps tout entier. En lui, avec lui et par lui commence le savoir. »

Le « socle commun » s'accompagne d'un certain nombre de dispositifs d'orientation mis en place pour évacuer rapidement les élèves en difficulté...

M. Guy Geoffroy - Ce n'est pas vrai !

M. Patrick Braouezec - Une fois de plus, les causes de l'échec scolaire ne sont pas traitées.

Ce refus de traiter les vraies causes de l'échec scolaire se retrouve dans les orientations données au brevet, avec ce coefficient affecté à la note de vie scolaire qui prend en compte l'assiduité, le respect du règlement intérieur et l'engagement dans la vie du collège.

M. Guy Geoffroy - C'est bien.

M. Patrick Braouezec - Il me semble ahurissant et significatif de mettre sur le même plan des compétences d'ordre cognitif avec des attitudes de comportement. Qui n'a pas connu au cours de sa scolarité des élèves au comportement très perturbant mais au parcours scolaire brillant ? Cette introduction d'une note de vie scolaire est le signe d'un refus d'analyser les raisons qui amènent la violence ou l'irresponsabilité au sein de l'école.

En procédant ainsi, le projet permet que le brevet des collèges rénové soit à géométrie variable et consacre la spécialisation précoce des parcours. Le Gouvernement semble considérer comme inéluctable l'aggravation des inégalités sociales dans l'accès au savoir. Nous voyons bien se mettre en place, de manière insidieuse, un projet qui remet en cause les finalités même de l'école : il s'agit de faire éclater le système éducatif en autant de structures autonomes et concurrentielles afin de formaliser définitivement un système à plusieurs vitesses. Cette perspective est à mettre en relation avec l'accord généralisé sur les services qui assimile l'éducation à une marchandise.

Votre projet d'éclatement du système éducatif s'en prend même aux parents en les rendant responsables de la sortie de route éducative de leur enfant, puisqu'un contrat de réussite individuelle sera mis en place lorsqu'il apparaîtra qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle. S'agit-il vraiment d'un contrat librement consenti et librement établi entre les deux parties ? Non, il s'agit d'un contrat unilatéral qui illustre le déséquilibre des forces en présence. Les parents seront de facto rendus responsables de l'échec de leur enfant. On ouvre aussi la porte aux dispositifs dérogatoires, et notamment à la formation en alternance dès l'âge de 13 ans. Les parents n'auront pas leur mot à dire dans l'établissement de ce contrat, qui pourra signifier pour les jeunes redoublement, envoi en classe et atelier relais, puis en internat de réussite éducative, créé par la loi de cohésion sociale...

Les parents n'ont pas davantage pu se faire entendre sur le devenir des matières exclues du champ de la culture commune. Or, la diversité et l'interaction des disciplines donne sens aux apprentissages et permet de développer la créativité et le sens critique. Refuserions-nous de former des citoyens affirmant leur liberté d'esprit ?

On préfère noircir le diagnostic de l'échec scolaire pour désigner les coupables - la famille, la permissivité, l'individualisme -, et situer à l'école l'origine des difficultés d'insertion professionnelle, de l'inadaptation des formations à l'emploi, des incivilités et même des violences. Pourtant, force est de constater que cette école est bien celle qui a permis à une grande partie de la jeunesse d'accéder aux savoirs - tout en perpétuant les inégalités.

On préfère assigner de nouvelles missions à l'école, comme si elle pouvait remédier à tous les maux de la société. Pourtant, ses missions sont claires et elles ont été rappelées par le rapport Thélot. Je les résumerai ainsi : permettre à un individu de se construire, de comprendre le monde qui l'entoure, de développer ses capacités et de les utiliser. Certains experts de l'éducation préconisent des cursus qui vont à l'encontre de cet objectif... En revanche, le Conseil supérieur de l'éducation et le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche ont exprimé leur opposition à ce projet.

Celui-ci vise à trouver les moyens les moins coûteux pour régler le problème de l'échec scolaire. Sans doute s'agit-il pour le Gouvernement de s'aligner sur l'objectif stratégique que s'est fixée l'Union européenne pour 2010 en termes d'éducation, à savoir parvenir à l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable ; mais l'éducation et les connaissances ne sont pas des marchandises !

Considérer l'éducation comme une valeur marchande, comme le fait ce projet, c'est sonner le glas de notre école publique et de ses valeurs. L'école publique qu'on nous propose sera destinée à tous ceux qui ne peuvent aller dans des structures privées ; elle ne sera plus une priorité dans les dépenses publiques. Elle mérite pourtant que l'on sorte des contraintes du pacte de stabilité et des programmes d'ajustement structurel exigés par la mondialisation !

Dans la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le « droit au travail » est devenu un « droit de travailler ». Cette évolution sémantique change tout : l'Etat n'est plus obligé de garantir le droit au travail, et l'individu peut choisir de travailler ou d'être au chômage... C'est ce qu'anticipe ce projet qui, loin de régler les problèmes de l'école, ne fait que les augmenter.

Beaucoup de réformes de l'éducation ont avorté, faute d'avoir été réfléchies avec les enseignants et les parents d'élèves. Nombre de ministres ont dû faire marche arrière. Il faut cesser de mépriser et de vilipender les enseignants, il faut au contraire revaloriser leurs fonctions et leurs salaires, comme y invite quelqu'un que vous connaissez bien, Monsieur le ministre, Denis Tillinac, qui écrit dans son dernier livre : « Le jour où, à égalité de diplômes, un professeur sera mieux payé qu'un publicitaire, la France redeviendra un modèle de citoyenneté et de civilité. La prolétarisation du corps enseignant compte beaucoup dans notre déclin. Pas de morale publique sans un corps enseignant fier de son rôle et socialement considéré ».

La réforme de l'éducation pour la réussite de tous reste à faire. Ce sera l'une des tâches majeures de ceux qui vous succéderont. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Guy Geoffroy - Lorsque le Président de la République, relayé puissamment par le Gouvernement et par le groupe majoritaire, a souhaité lancer le grand débat sur l'école qui a abouti à ce projet, beaucoup disaient que l'école n'allait pas si mal que cela et qu'il suffisait d'y mettre quelques moyens supplémentaires. Aujourd'hui, la question des moyens est bien sûr encore évoquée, mais un accord quasi-unanime apparaît pour dire que l'école ne fonctionne pas comme elle devrait, qu'elle ne constitue plus l'ascenseur de réussite qu'elle doit être, et qu'il faut la réformer.

Certains vous ont dit, Monsieur le ministre : des moyens, encore des moyens, mais ne touchons surtout pas à ce texte sacré qu'est la loi d'orientation de 1989 ! D'autres vous ont invité à tout mettre à terre, considérant que le système ne pouvait plus être réformé et qu'il fallait le reconstruire, pour revenir aux temps glorieux de notre école, où il semble que les choses étaient si simples... Face à ce choix délicat, vous avez fait un pari, dans lequel nous sommes fiers de vous accompagner : celui de la sagesse et de l'audace réunies. Vous nous invitez à regarder dans les yeux l'école de notre pays.

La sagesse consiste à considérer que ce qui a été fait depuis qu'en 1959, le général de Gaulle a créé l'événement dans notre école en prolongeant la scolarité obligatoire de 14 à 16 ans, constituait un ensemble répondant à une logique profonde, la volonté de démocratiser l'enseignement. Quand donc vous déclarez que la loi de 1989 est une base sur laquelle il faut travailler, vous êtes dans le vrai.

L'audace, c'est de décider malgré tout de bouger quelques lignes. Ce faisant, vous provoquez, et c'est normal, des réactions qui attestent que, contrairement à ce que certains ont pu dire, ce projet n'est pas insipide, et qu'il n'est pas non plus un catalogue informe de propositions qui n'auraient aucune chance d'être mises en œuvre.

Sans entrer dans le détail de ses dispositions, je voudrais insister sur ses aspects essentiels.

Ce texte reconnaît ce que beaucoup ont mis du temps à reconnaître, à savoir que notre école a besoin de sérénité pour faire apprendre, et qu'aujourd'hui cette sérénité lui manque. Cela ne date pas de la disparition des emplois-jeunes, qui était programmée au moment de leur création (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Ceux qui, comme Patrick Roy et moi-même y étaient le savent bien, eux qui affrontaient tous les jours cette violence qui montait, en partie importée de l'extérieur. Ce que dit votre texte, c'est qu'il n'y a pas d'un côté ceux qui ont raison parce qu'ils préviennent, et de l'autre ceux qui ont tort parce qu'ils répriment, mais qu'il faut donner à l'institution - ce qu'il fait avec le quintuplement des classes relais - les moyens de prendre en charge de manière spécifique ceux qui en ont besoin et de laisser les autres travailler dans le calme. Il a aussi le courage de dire que la police existe et qu'il peut être nécessaire d'y avoir recours aux abords de nos établissements, qu'elle n'est pas là pour brimer mais pour sécuriser. Ce mariage de la prévention et de la répression, c'est le choix de la lucidité.

Votre texte aborde également au fond la question dramatique de l'illettrisme. Entre 15 et 20% des enfants arrivent au collège sans maîtriser les outils de la réussite. En personnalisant le suivi, vous combattez l'illettrisme à la racine, et nous soutiendrons vos efforts.

Vous avez le mérite de traiter la formation des enseignants sous l'angle plus global du recrutement et de l'attractivité du métier. Enraciner les IUFM dans l'université, c'est aller jusqu'au bout d'une logique. Vous rééquilibrez la formation initiale autour des apports théoriques et de la formation pratique. Quant à la formation continue, vous l'abordez de manière audacieuse pour qu'enfin ceux qui sont chargés de former les autres ne soient plus paradoxalement exclus du droit désormais reconnu à tous d'une formation tout au long de la vie.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP sera à vos côtés...

M. André Schneider - Tout à fait.

M. Guy Geoffroy - ...et accompagnera vos efforts, en tentant d'améliorer ce texte dans des domaines aussi importants que le socle de connaissances, ou l'éducation physique et sportive, objet d'un bien mauvais procès ( « Ah oui ! » sur les bancs du groupe UMP). Le groupe UMP, à mon initiative, a déposé un amendement pour inscrire l'épreuve d'EPS au diplôme national du brevet, mais je vous renvoie à la page 57 du projet de loi, que l'opposition n'a pas voulu lire, et qui prouve que l'enseignement de l'EPS est toujours obligatoire.

Par ailleurs, notre groupe vous invite à vous pencher sur la direction d'école, car aucune solution n'a été apportée au problème qu'a posée la grève administrative des enseignants. Nous savons que vous allez nous entendre.

M. Yvan Lachaud - Très bien.

M. Guy Geoffroy - Grâce au travail remarquable du rapporteur, et du président de la commission, nous avons enfin cette loi que le Président de la République appelait de ses vœux. Pour la première fois, en effet, une loi fixera les missions et les orientations de l'école, et prévoira en même temps les moyens d'atteindre ces objectifs.

Le groupe UMP vous soutient, sereinement et avec détermination, sur cette loi qui doit permettre la réussite de tous les élèves de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Patrick Roy - Monsieur le ministre, si la France est aujourd'hui l'une des plus grandes nations, ce n'est pas grâce à l'importance de sa population, ni à l'étendue de son territoire, ni à ses matières premières, mais bien grâce à son savoir-faire et à son intelligence collective. (« Jusque-là, nous sommes d'accord ! » sur les bancs du groupe UMP).

C'est par l'école que nous arrivons à un tel résultat.

La loi que vous nous présentez aurait dû être une loi d'avenir (« Elle l'est ! » sur les bancs du groupe UMP) , que j'aurais aimé voter avec vous. Malheureusement, une fois de plus, votre Gouvernement déçoit et renforce les inégalités (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Pis, ce projet n'est pas une réforme, mais une contre-réforme qui sonne creux, qui sonne injuste, qui sonne faux.

Alors que la fracture scolaire, conséquence directe de l'injustice sociale, ne cesse de se creuser, du fait d'un gouvernement uniquement soucieux de renforcer les privilèges, votre projet refuse toute attention à l'enjeu que constituent les écoles situées en REP.

Pourtant, si nous n'amplifions pas nos efforts en direction des zones en difficulté, l'exclusion continuera à ronger notre pays, et demain, l'addition économique et sociale sera insupportable !

Parce que tout se joue dès le plus jeune âge, il ne faut pas hésiter à investir largement dans les écoles primaires, surtout dans ces quartiers défavorisés que votre projet abandonne, laissant aux communes asphyxiées l'obligation morale de suppléer les retraits de l'Etat.

Quand un gouvernement est à ce point aveugle, il risque de provoquer la ruine économique du pays. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Reprenez donc votre copie, Monsieur le ministre ! Venez dans une de ces écoles, mais ne venez pas en visite ministérielle ! Venez donc faire classe, dans une école de Denain par exemple.

Plusieurs députés UMP - Quel mépris !

M. Patrick Roy - Vous comprendrez l'ampleur des difficultés, et découvrirez des élèves et des parents avec un cœur immense mais qui, confrontés à des difficultés sociales souvent insurmontables, ont le sentiment d'être abandonnés par la République.

Un député UMP - Depuis deux ans et demi, comme par hasard !

M. Patrick Roy - Vous pourriez d'ailleurs venir remplacer un de ces enseignants absents, que vos services ne savent plus remplacer, du fait des nombreuses suppressions de postes.

Mme Christine Boutin - Vous saviez mieux le faire ?

M. Patrick Roy - Votre contre-réforme sonne injuste. Vous prétendez vouloir lutter contre la violence scolaire, et renforcer l'éducation à la citoyenneté...

Mme Christine Boutin - C'est scandaleux, l'école mérite vraiment un autre débat !

M. Patrick Roy - ...mais, comme d'habitude, les actes ne suivent pas. La suppression des emplois-jeunes...

M. André Schneider - C'est vous qui n'avez rien prévu pour les remplacer !

M. Patrick Roy - ...et la diminution drastique des contrats aidés a été une erreur politique - voyez les résultats des élections - et un drame pour la qualité de notre enseignement !

Comment pouvez-vous nous parler aujourd'hui de citoyenneté alors que vous vous êtes montrés si peu responsables ? Ces dispositifs avaient pourtant fait naître de multiples innovations pédagogiques, tout en permettant de renforcer l'éducation à la citoyenneté.

En ce moment même, les conseils d'administration constatent amèrement que la gestion inégalitaire de la carte scolaire aboutit à la suppression de postes, de filières et d'options - 940 postes en moins dans le Nord-Pas-de-Calais !

M. Guy Geoffroy - Et combien d'élèves en moins ?

M. Patrick Roy - Et combien en plus ?

Mais surtout, ce recul de l'encadrement conduit à une montée de la violence et décourage l'équipe éducative. Permettez-moi d'ailleurs d'évoquer ici un récent conseil d'administration d'un collège de ma circonscription, où il apparaît que les représentants des parents d'élèves regrettent les deux suppressions de classes...

M. Guy Geoffroy - J'ai connu cela pendant trente ans !

M. Patrick Roy - Quant au conseiller principal d'éducation, il déplore le manque de postes d'encadrement des élèves. Il y a 90 heures de moins par semaine d'assistants d'éducation depuis son arrivée au collège. Les congés maternité ne sont plus remplacés. Et le conseiller principal s'inquiète d'avoir à jouer le rôle plus d'un policier que d'un éducateur... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Alors, que dois-je dire aux équipes éducatives ? Allez-vous revenir sur toutes ces suppressions ? Ou préférerez-vous envoyer une nouvelle fois la police fouiller les collégiens à la porte de leur établissement ? Ce jour-là, je dois le dire, j'ai vu pleurer la République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Enfin, votre contre-réforme sonne faux, tant par l'incohérence de votre conception du socle commun que par votre volonté de faire disparaître les cycles créés par la loi Jospin de 1989.

M. le Ministre - C'est faux ! C'est dans la loi !

M. Patrick Roy - Vous proposez le redoublement à la fin de chaque classe, et non plus de chaque cycle. Mais même si les cycles n'ont pas eu tous les effets qu'on pouvait espérer, ils ont été une évolution pédagogique incontestable, notamment pour favoriser le travail en équipe des enseignants. C'est dans cette voie qu'il faut continuer, en dégageant les moyens nécessaires.

M. le Ministre - Et le conseil pédagogique, c'est quoi ?

M. Patrick Roy - Allez-vous revenir pleinement à la politique des cycles ? Quant au redoublement, peut-être ne vous y intéressez-vous que pour qu'il bénéficie à la majorité en 2007...

Partout dans le pays gronde l'opposition à cette réforme. Vous ne pouvez pas y rester sourd. Les enseignants sont contre, les parents sont contre, et les élèves, qui ne sont manipulés par personne, sont contre aussi. Il y avait 50 000 personnes dans la rue hier à Paris. Et si cela ne suffit pas à vous convaincre, j'ai l'argument décisif : les socialistes sont contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Lionnel Luca - Nous sommes en train d'examiner un projet de loi que les Français attendent depuis longtemps et que ceux qui nous ont précédés ont renoncé à défendre. Ils n'avaient même rien trouvé de mieux que de renvoyer le ministre qui avait reconnu les insuffisances du système scolaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Ils ne sont donc guère qualifiés pour donner aujourd'hui des leçons, alors même qu'ils ne proposent aucune alternative. Il faut saluer le Gouvernement pour avoir, dès le début de la législature, engagé la réforme de l'école. Le Président de la République s'était en effet engagé, durant la campagne, à tout faire pour que 100 % des enfants acquièrent les savoirs fondamentaux et réussissent à l'école.

Ce texte répond à cet objectif. C'est pourquoi il était attendu par tous.

Plusieurs députés socialistes - Ils l'attendent dans la rue !

M. Lionnel Luca - Il est admis par tous que la dernière loi d'orientation, celle de 1989, n'a non seulement pas atteint ses objectifs, malgré des moyens financiers considérables alors que les effectifs étaient en baisse, mais a aggravé les inégalités sociales et territoriales. Chaque année, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans aucune qualification et 80 000 entrent en sixième sans maîtriser le minimum : lire, écrire et compter. Comme le dit l'un des syndicats enseignants, notre système éducatif ne parvient pas à assurer l'égalité des chances et reste marqué par de très profondes inégalités. Cet échec est bien celui de la gauche qui, de 1997 à 2002, n'a rien fait d'autre que d'acheter à coups de subventions la paix scolaire sans réformer un système dont elle savait qu'il était à bout de souffle ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Ce projet de loi est l'aboutissement d'un long débat, qui a mobilisé tous les partenaires, dans 26 000 réunions, avec un million et demi de participants, et où ceux qui sont dans la rue aujourd'hui n'étaient pas les plus nombreux ! Pendant un an, un débat démocratique tel qu'on n'en avait jamais organisé a permis à tous de s'exprimer. Des personnes aux compétences reconnues ont été réunies dans une commission dont le président n'est pas réputé pour être du côté du pouvoir, Claude Thélot, dont le rapport aura fait mentir Georges Clemenceau selon lequel il suffit, pour enterrer un problème, de créer une commission ! Cette commission a inspiré largement ce projet de loi, que vous auriez à l'évidence pu approuver si vous étiez au pouvoir, alors qu'aujourd'hui, vous tentez de faire croire qu'il s'agit d'un texte purement gouvernemental, sorti tout droit d'un cabinet ministériel.

Pour qui se donne la peine de le lire, ce texte apporte de vraies réponses, d'abord pour faire une école plus juste. Le socle commun est réclamé par tous les syndicats d'enseignants. Vous le traitez de « SMIC culturel », alors que la commission en a montré toute la nécessité. Pour la première fois, un programme personnalisé de réussite scolaire est mis en place, pour ne laisser personne au bord du chemin. La revalorisation des diplômes, les mentions, les bourses au mérite pour les plus défavorisés sont aussi importantes.

Quant au bac, il y eut une époque où certains de ceux qui défilent aujourd'hui réclamaient un contrôle continu exclusif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Aujourd'hui, ils disent que le contrôle continu créera des inégalités, ce qui témoigne au demeurant d'un mépris incroyable à l'encontre de leurs collègues enseignants !

Les options de découverte professionnelle, les parcours en alternance sont une chance pour les enfants en constat d'échec, pour ceux qui n'ont comme horizon que le chômage ou parfois la délinquance. Tout le monde sait qu'il y a dans les classes des élèves qui s'ennuient,...

M. Patrick Braouezec - Demandez-vous pourquoi !

M. Lionnel Luca - ...qui empoisonnent aussi bien leurs camarades que leurs professeurs et qui pourraient s'épanouir dans une option professionnelle. Le parcours professionnel n'est pas un ghetto, il est une chance ! Les BEP, bacs professionnels et BTS peuvent amener à la licence et permettent la réussite ! Enfin, jamais autant n'a été fait autant pour l'intégration des enfants handicapés, pour assurer une égalité que vous leur avez refusée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Monsieur Luca, il faut conclure.

M. Lionnel Luca - Un mot, avant de conclure, de la reconnaissance du métier d'enseignant. C'est la première fois qu'on affirme que des enseignants pourront enseigner là où ils ont été formés. C'est la première fois qu'on leur donne un crédit de formation - une formation qui devrait d'ailleurs pouvoir se faire dans l'entreprise ou les laboratoires, et non pas uniquement dans le bocal de l'éducation nationale, dont les formateurs ne sont pas toujours très ouverts sur le monde. Et c'est la première fois qu'on reconnaît aux enseignants une liberté pédagogique, la possibilité d'être jugés sur leurs résultats et non sur des méthodes portées par un terrorisme ambiant mais qui ont prouvé de leur inefficacité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés socialistes - N'importe quoi !

M. Lionnel Luca - Voilà pourquoi nous soutenons ce texte dans le lieu de la représentation du peuple, au lieu de le critiquer dans quelques défilés où l'on envoie devant ceux à qui on n'a pas tout expliqué et qui n'ont pas à craindre de retraits pour faits de grèves parce qu'ils ne sont pas devant leurs élèves ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Paul - Cette loi d'orientation comme votre politique scolaire prêtent le flanc à tant de critiques qu'elles vous font apparaître, Monsieur le ministre, comme un moderne Saint-Sébastien percé de mille flèches. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Maladresse ou malédiction des réformes de l'école, les lycéens ont tranché. Les critiques sont fondées : il vous est reproché d'affirmer une ambition, mais de réduire les budgets, de provoquer un grand débat et d'accoucher d'une souris, de commander le rapport Thélot et n'en retenir qu'une version ultra light. Personne ne croit à cette loi d'orientation, personne n'en veut, et chacun le dit, y compris parmi vos amis.

Plusieurs députés UMP - C'est faux !

M. Christian Paul - Vous persistez, mais la salle des profs, elle, a bien compris le sens de votre projet !

Au moins nous faut-il prendre date, puisque vous lancez un défi à la gauche. Nous le relevons, au nom d'une vision différente qui pourrait réparer le présent et préparer l'avenir.

Mme Maryse Joissains Masini - Que ne l'avez-vous fait !

M. Christian Paul - Il est beaucoup question des socles de connaissance - des socles au pluriel, car il ne s'agit, dans votre texte, ni d'un socle unique, ni d'un socle commun. Nous revendiquons, pour notre part, l'idée d'une culture commune partagée par tous les élèves. Elle n'est d'ailleurs pas neuve : c'est la promesse d'égalité de la République, le devoir de justice que Condorcet assignait en 1792 à la puissance publique. Mais pour qu'elle ne reste pas purement formelle, le socle doit être solide et commun. Or, le vôtre est rétréci, réduit au minimum. Vous dites vouloir vous recentrer sur les apprentissages fondamentaux, mais c'est un appauvrissement, en même temps qu'un risque pédagogique majeur. Les itinéraires de réussite scolaire ne sont pas uniformes, formatés. Il est indispensable que des disciplines que vous négligez gardent une place importante, comme le travail manuel, les enseignements artistiques ou le sport.

M. le Ministre - Evidemment ! C'est le cas !

M. Christian Paul - Plus qu'un recentrage, c'est un bon équilibre qu'il faut trouver pour favoriser la réussite de tous. Votre socle, en outre, n'est pas commun, mais à géométrie variable. Ce n'est pas un SMIC éducatif, mais plutôt un RMI, la ressource minimale indispensable ! Et comment ne pas voir qu'il est cohérent avec l'orientation précoce, que certains réclament mais que beaucoup dénoncent, y compris dans votre majorité ? Ces choix sont d'autant plus dangereux que le Gouvernement refuse de poursuivre l'effort engagé par MM. Jospin et Mélenchon (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en faveur de l'enseignement professionnel. Enseignement professionnel condamné au statu quo, apprentissage instrumentalisé par M. Borloo en outil de ségrégation sociale, socle minimal de connaissances : telle n'est pas notre vision d'un système éducatif moderne !

S'agissant du soutien aux élèves, aux territoires et aux établissements en difficulté, où est donc passée votre vision globale de l'école ? Vous sortez de votre boîte à outils dégarnie le peu imaginatif « contrat individuel de réussite éducative » et les ZEP ne bénéficient pas du surcroît d'attention dont elles auraient tant besoin. A la vérité, vous n'y croyez plus ! Au reste, les contrats individuels ne tendent-ils pas à tourner le dos à l'approche territoriale, pour mieux ignorer les réalités de vie des élèves en difficulté et la relégation sociale à laquelle ils sont trop souvent condamnés ? Et vous ne faites pas un meilleur sort aux établissements situés en milieu rural isolé, alors qu'ils ont besoin d'un soutien constant et que les CEL ont démontré leur capacité à mobiliser les énergies locales.

Au final, où sont les moyens qui permettraient de concrétiser vos engagements ? Où allez-vous prélever - comment allez-vous redéployer, pour complaire à Bercy - les 100 000 enseignants prévus en renfort ? Allez-vous en priver les écoles rurales, au risque de faire gagner du terrain au désert éducatif ? Les filières professionnelles ? Les petits lycées déjà privés d'options ? Les RASED ? Les IUFM, que vous vous proposez de dissoudre dans les universités ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Procès d'intention !

M. Christian Paul - Monsieur le ministre, quand vous aurez répondu à ces questions, faute de cesser de combattre ce projet navrant...

M. le Ministre - C'est votre intervention qui est navrante !

M. Christian Paul - ... au moins pourrons-nous mieux comprendre le paysage sinistré dans lequel nous devrons, le moment venu, refonder avec ferveur l'école de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Juliana Rimane - Rendre l'école plus efficace et plus juste, tels sont les défis majeurs que vous avez choisi de relever pour assurer l'avenir de notre pays. Comment accepter que plus de 150 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans aucune qualification et que plus de 80 000 d'entre eux entrent en classe de sixième sans savoir ni lire, ni écrire, ni compter, alors même que la dotation budgétaire de l'Education nationale continue de progresser ?

Mme Maryse Joissains Masini - C'est une honte !

Mme Juliana Rimane - Voici un peu plus d'un an, la parole a été donnée aux Français sur l'avenir de l'école. Ce débat national, d'une ampleur jamais égalée, a permis de dégager des grandes orientations que la commission Thélot a traduites en propositions. Le projet de loi que notre assemblée examine aujourd'hui est le fruit de cette vaste entreprise. Les Guyanais se sont mobilisés en masse pour participer au grand débat national. Ils ont trouvé dans la démarche l'occasion exceptionnelle de contribuer à l'élaboration de grands principes directeurs et à l'affirmation des particularités des communautés et territoires où ces règles générales ont vocation à s'appliquer.

Le constat largement partagé est que des règles générales trop rigides conduisent l'éducation à atteindre des objectifs contraires à sa mission. Peut-on en effet traiter de manière identique les problèmes scolaires de l'Ile-de-France, de Mayotte, du Cantal ou de la Guyane ? Le traitement égalitaire est parfois source d'injustice.

Ainsi, la situation de l'école est depuis longtemps très préoccupante en Guyane. Alors que la démographie scolaire baisse globalement en métropole, elle connaît là une forte croissance, liée à la fois à une progression naturelle et à une immigration clandestine continue et importante. L'augmentation de la population scolaire, tous secteurs et niveaux confondus, a été évaluée entre les deux dernières rentrées à près de 5 %. Les collectivités doivent fournir des efforts considérables pour assurer la construction de nouveaux établissements. Ainsi, entre 1999 et 2003, elles ont dû réaliser 256 classes supplémentaires et quatorze nouvelles écoles pour le seul premier degré. Or, malgré ces efforts exceptionnels, plusieurs milliers d'enfants ne sont pas scolarisés faute de places suffisantes pour les accueillir.

Par ailleurs, l'académie de la Guyane connaît un taux d'échec scolaire particulièrement élevé, compte non tenu des redoublements et des retards scolaires de deux ans et plus. Elle doit aussi faire face à une forte présence d'élèves d'origine étrangère - plus de 26 % dans les collèges et plus de 30 % dans les lycées - pour la plupart non francophones.

Enfin le tiers des communes de Guyane n'est pas relié au réseau routier. Le transport en pirogue constitue l'unique moyen pour les enfants de rejoindre l'école. Or, le conseil général, compétent pour le transport scolaire, se trouve dans une position très inconfortable de ce point de vue : en cas d'accident, il est tenu pour civilement et pénalement responsable, aucun acte juridique n'autorisant la navigabilité des voies fluviales. Las, les demandes de classement des fleuves de Guyane en voies navigables n'ont jamais abouti.

Les collectivités locales ne peuvent plus assumer pleinement leur mission de transport public fluvial, mais aussi terrestre, en raison de l'explosion des dépenses due à l'augmentation rapide de la population scolaire. Les difficultés de transports, auxquelles s'ajoute le manque d'internats et d'établissements d'enseignement professionnel, ont pour conséquence d'amener trop d'enfants à quitter l'école prématurément.

Face à cette situation plus que préoccupante, les Guyanais sont unanimes : le projet pour l'éducation n'atteindra pleinement ses objectifs en Guyane que s'il comporte les dispositions adaptées à la géographie, à la démographie et aux réalités ethniques, socioculturelles et économiques du territoire.

Votre projet de loi, Monsieur le ministre, satisfait certaines de nos attentes, qu'il s'agisse de l'acquisition des savoirs fondamentaux, du contrat individuel de réussite éducative, de l'apprentissage d'une langue étrangère dès le cours élémentaire et d'une deuxième langue ensuite ou encore de la maîtrise de l'informatique et d'internet. S'agissant des besoins en personnel, il faut également saluer le projet de recrutement de 150 000 agents d'éducation, la nomination des jeunes enseignants dans leur académie de formation, l'affectation de professeurs expérimentés dans les zones difficiles et la reconnaissance à chaque enseignant d'un droit individuel à la formation continue. Sur ce dernier point, je vous renouvelle ma demande d'extension à la Guyane de l'expérimentation conduite par MM. Bentolila et Gavard, visant à renforcer le dispositif d'aide et à prendre en compte la formation à l'apprentissage de la lecture à l'aide des nouvelles technologies.

L'Etat a consenti des efforts pour améliorer les conditions scolaires en Guyane. Le chemin parcouru est important ; celui qui reste à faire l'est plus encore. C'est pourquoi je souhaite que les dispositions de ce projet soient complétées par des mesures adaptées à la situation très spécifique de la Guyane : poursuite d'un soutien aux constructions scolaires, règlement définitif de la question des transports scolaires, simplification des conditions de recrutement des personnels de l'éducation au plan local, maintien du statut de l'IUFM tant que l'Université de la Guyane dépendra de l'entité universitaire Antilles-Guyane, définition d'une pédagogie adaptée aux spécificités socioculturelles, élargissement du choix des langues enseignées pour tenir compte de la réalité linguistique locale et régionale...

Enfin, la mise en place de l'Observatoire régional de l'éducation est une heureuse initiative. Je souhaite que sa mission ne se limite pas seulement au recueil de données, mais qu'il devienne un instrument d'évaluation et de prospective, pour définir une politique de l'éducation à la mesure des problèmes que connaît la Guyane. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Emile Zuccarelli - Compte tenu du temps imparti, je m'en tiendrai à quelques remarques lapidaires sur des sujets qui me tiennent à cœur.

D'abord sur la décentralisation de la gestion des TOS. Vous m'objecterez qu'elle n'est pas évoquée dans le texte. Justement ! Ce n'est pas parce qu'une mauvaise mesure est passée sous silence qu'elle perd de sa nocivité. La dyarchie que vous tendez à introduire dans les établissements pour satisfaire on ne sait quelle boulimie locale portera préjudice aux intéressés pendant longtemps. Renoncez-y s'il en est encore temps !

S'agissant ensuite du rôle intégrateur de l'école, vous dites : « l'ascenseur social ne fonctionne plus, donc, on va moderniser le système »... D'accord, mais il ne faut pas perdre de vue la mission citoyenne de l'école. Préparer les jeunes aux métiers de demain, c'est un formidable défi. Le relèvera-t-on sans mobiliser des moyens conséquents ? Pour que chacun ait sa chance dans l'école de demain, il faut individualiser les parcours de formation et cela requiert un engagement considérable. De suppression des TPE en fermetures de filières professionnelles et autres contractions d'effectifs, en prenez-vous le chemin ? Permettez-nous d'en douter !

Ma troisième observation, de plus longue portée et faite sans aucun esprit polémique, porte sur la promotion du « droit à la différence ». J'ai réagi à la publication du Guide républicain, que vous avez préfacé et dans lequel certains avaient cru bon de proclamer ce droit, ce qui ne me semble pas de bon aloi. Si les différences doivent être respectées dans l'école de la République, elles n'ont pas vocation à s'y ériger en droit. Par contre, l'ajout à l'article 2 du présent texte d'un alinéa disposant que « la nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République » va dans le bon sens. La formulation n'est pas nouvelle, mais elle reste d'actualité.

Extrêmement vigilant - voire tatillon - sur ce point, je voudrais vous dire en revanche mon désaccord avec la reconnaissance des communautés que constitue, dans le rapport annexé, la mention d'une « affirmation légitime des différences ». En effet, l'évocation d'un «droit à la différence», n'aboutit pas seulement - dans le moindre de ses avatars - à la discrimination positive, mais aussi à la stigmatisation d'autrui, ce qui est mis en avant chez lui étant justement sa différence.

Ces différences, la République les respecte dans chaque individu. Mais elle n'a pas vocation à les entretenir dans la loi, encore moins à les exacerber. Il ne s'agit pas de protéger les différences comme on protège les espèces. La force de toute institution républicaine, et au premier chef de l'école, c'est au contraire sa capacité à rassembler sur ce qui est commun, par la mise en œuvre du droit à la ressemblance.

A ceux qui redoutent que l'ennui naisse de l'uniformité, je voudrais dire que la France, à l'instar du monde d'aujourd'hui, est davantage menacée par le tribalisme et les inégalités que par l'uniformité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Danielle Bousquet - Votre loi d'orientation vaut pour les quinze ans à venir. Elle doit donc s'appréhender au regard du contexte démographique, social et économique prévisible des années 2020.

L'éducation est aujourd'hui confrontée à un nouveau défi, celui de la société du savoir. Elle n'est plus une « unité finie » : loin de se concentrer sur des savoirs acquis une fois pour toutes, elle doit s'articuler autour d'un processus continu de formation, ce qui conduit à refuser un système de formation sélectif. Or les résultats de notre système éducatif tendent, après trente ans de progrès, à stagner : 60 000 jeunes en sortent chaque année sans qualification, ce qui compromet les chances de formation ultérieure. La proportion de jeunes d'une classe d'âge obtenant le baccalauréat - 62% aujourd'hui - n'augmente plus, et le fonctionnement sélectif de notre enseignement supérieur nous empêche de conduire un nombre suffisant d'étudiants à un niveau supérieur à la licence.

Lors du grand débat sur l'école s'est manifestée la volonté unanime de voir assurer la réussite scolaire pour tous. Ont ainsi été placées au cœur de la réflexion la place du collège, la formation des enseignants et l'orientation des élèves. Votre texte aurait donc dû répondre au double enjeu de la réduction des inégalités...

M. Jean-Marc Roubaud - C'est le cas !

Mme Danielle Bousquet - ...et de l'amélioration de la qualité des performances éducatives. Nous en sommes loin.

M. Jean-Marc Roubaud - Vous n'avez pas lu le texte !

Mme Danielle Bousquet - Au lieu d'un véritable projet de société éducative, vous ne proposez qu'un ensemble de mesures disparates. Les chiffres que vous affichez suffisent d'autant moins à donner une ambition au texte que vous êtes décidé à ne pas vous attaquer au vrai sujet : celui des inégalités scolaires qui naissent des inégalités sociales. L'égalité des chances passe par l'affirmation d'un droit fondamental à l'éducation et à la formation, bien loin du socle de connaissances minimal que vous avez défini...

M. Guy Geoffroy - Mais non !

Mme Danielle Bousquet - Concrétiser la promesse d'égalité, fondée d'abord sur le principe de laïcité implique que l'on concentre les moyens humains et financiers sur les établissements confrontés aux difficultés les plus grandes. Vous faites l'inverse en procédant à des coupes claires pour la prochaine rentrée.

Quid de la pédagogie différenciée quand vous rognez la formation continue des enseignants et que l'on voit poindre le risque de borner la formation professionnelle à une mesure disciplinaire ? Quid de la collégialité des enseignements quand vous supprimez les TPE en terminale ? Quid de la lutte contre les inégalités sociales quand vous supprimez des classes en ZEP ? Vous ne prévoyez rien pour l'école maternelle, alors que c'est dès le plus jeune âge que tout se joue. Rien non plus sur les moyens de prévenir la rupture entre l'école primaire et la sixième.

Monsieur le ministre, l'école n'incarne plus un principe de justice. Les parents d'élèves, les enseignants et les lycéens vous le disent. Parce que votre texte ne répond pas à leurs attentes, vous avez le devoir de les entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bruno Bourg-Broc - Ce texte fait partie des réformes structurelles que le Gouvernement a engagées avec courage. L'entreprise ne relève certes pas des adaptations les plus faciles à mener, ni des changements les plus populaires. L'histoire des trente dernières années nous montre que les réformes touchant à l'école, de quelque bord qu'elles émanent, ne laissent jamais la rue insensible.

Mais cette réforme a le mérite d'exister et de fixer le cap pour notre système scolaire : il ne suffit plus, en effet, de mettre toujours plus de moyens sur la table pour répondre aux problèmes qui rongent celui-ci de l'intérieur.

Le texte vise à renforcer la qualité de l'enseignement dispensé dans nos écoles, afin de permettre à notre système éducatif de répondre aux défis du XXIe siècle. A l'issue d'un débat d'une ampleur inégalée, il s'agit de donner à chacun un socle de connaissances solide et une qualification à la sortie du système scolaire, bref le maximum de chances pour réussir sa vie d'adulte.

Vous avez relevé la permanence de l'échec scolaire dans notre pays et la faiblesse relative de nos performances en langues vivantes. Vous vous assignez le double objectif de favoriser la poursuite d'études supérieures dans un autre pays européen et de faciliter la recherche d'emploi sur les marchés français et européen du travail. Notre pays doit donc rattraper son retard. Aussi le projet prévoit-il donc l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères au cours de la scolarité, et c'est une excellente chose. Je me félicite que l'apprentissage d'une langue vivante soit généralisé dès le CE2, puis dès le CE1, et que vous n'ayez pas sacrifié au « tout anglais ».

M. André Schneider et M. Céleste Lett - Très bien !

M. Bruno Bourg-Broc - Autres bonnes nouvelles : l'apprentissage d'une deuxième langue dès la cinquième et le dédoublement des classes en fonction du niveau. Assurer la performance scolaire et intellectuelle de nos enfants sera le signe de la réussite de notre nation. Mais l'enseignement des langues étrangères ne doit pas être une corvée : il faut modifier les méthodes, en privilégiant une approche orale et vivante. Apprendre la grammaire est essentiel, mais encore faut-il que l'on puisse s'en servir ! Nous resterons donc attentifs à la traduction concrète de cet objectif impérieux.

La France doit avoir l'exigence de son ambition : notre système éducatif doit être au rendez-vous de la globalisation des échanges et de la communication. Toutes les mesures qui favorisent l'élévation du niveau général d'instruction doivent donc être encouragées. Promouvoir une plus grande égalité des chances et récompenser le mérite des élèves est l'une des qualités de ce texte. Il inscrit notre système scolaire dans le monde d'aujourd'hui : le meilleur moyen de promouvoir la francophonie, c'est l'apprentissage des langues. Ne pas manier deux, voire trois langues, est aujourd'hui une infirmité. Les objectifs sont par conséquent conformes à l'ambition que nous devons avoir pour la France. Aussi, ne fléchissons pas face aux crispations conservatrices : c'est l'avenir de notre jeunesse que nous préparons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 11 heures 30, est reprise à 11 heures 35.

M. Michel Liebgott - « Ne demandez pas à l'école de vous donner des frissons, demandez-lui de vous étonner. » Dans cette phrase d'André Lévy, qui a étudié les nouvelles relations entre enseignants et élèves, tout est dit. Ce projet ne nous étonne pas, mais il nous donne des frissons. Je ne suis pas le seul à le penser, les manifestations l'ont prouvé.

Vous changez le couvert, mais que reste-t-il à manger ? Comme dans d'autres débats, celui des 35 heures en particulier, vous n'avez pas entendu les principaux intéressés. La démocratie sociale ne vous intéresse pas, vous vous contentez de la majorité politique.

Le Gouvernement a plusieurs de ces pseudo-réformes à son actif : des projets qui sont autant de leurres destinés à faire accepter des mesures impopulaires, comme des suppressions de postes dans presque toutes les académies. Celui-ci ne sert qu'à dissimuler un véritable plan social, une restructuration de l'éducation nationale. Pour y parvenir, vous n'avez rien trouvé de mieux que de faire de la philosophie.

Même les académies qui gagnent des élèves, comme celle de Créteil, perdent des postes. On voit que vos choix sont purement comptables et malthusiens, et nullement pédagogiques. Les recteurs d'académie, au moins, nous disent la vérité. Ces fonctionnaires ne font qu'appliquer votre politique.

J'insisterai particulièrement sur le Nord-Pas-de-Calais et sur la Lorraine, où la démographie s'est stabilisée après s'être effondrée. Ces deux régions totaliseront 1 390 suppressions de postes dans le second degré et 109 dans le premier. Cela représente, dans le second degré, un quart des postes perdus à l'échelon national. En Moselle, où nous pensions que le pire était passé, mais où nous avions besoin d'une éducation nationale forte, celle-ci se casse la figure. Les chiffres sont effrayants : nous perdons 110 élèves et 56 postes, soit un poste pour deux élèves ! Ce département est en première position parmi ceux où vous faites des économies, puisque tel est votre seul objectif.

Pour 45 000 élèves de plus au plan national, vous ne prévoyez que 1 000 recrutements, dont 300 pour Mayotte, soit un recrutement pour 45 élèves. En Moselle, il suffit de perdre deux élèves pour que soit supprimé un poste.

La réalité est affligeante : on supprime des filières, des formations, voire des établissements. Dans ma circonscription, le préfet a rencontré les élus locaux pour leur demander de choisir, entre les collèges d'Hayange, de Nilvange et d'Algrange, lequel sera fermé. Voilà comment fonctionne aujourd'hui l'Etat en province !

On a aussi supprimé le BTS électro-technologique au lycée général. Dans ma commune, où 53 % de la population vit en zone urbaine sensible, le bac professionnel de comptabilité a été supprimé l'année dernière. Le transfert d'un bac professionnel de commerce était prévu, mais il n'a pas eu lieu, bien que cette formation ait été supprimée dans la ville d'origine.

Lionel Jospin avait dit, en 1997 : « L'école est le berceau de la République. » Puissiez-vous ne pas l'avoir oublié, ou du moins puissiez-vous entendre les enseignants et les parents d'élèves qui vous le rappellent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Giran - Jamais une décision sur l'école n'avait été précédée d'une concertation aussi vaste : un an de débats et de rencontres, un rapport de référence, de multiples discussions avec les organisations syndicales.

Les enseignants, les élèves et les parents se sont largement exprimés. Il est donc naturel que le Parlement se prononce : on ne peut indéfiniment différer les décisions. Il est même urgent d'agir. Des dizaines de milliers de jeunes sortant du système éducatif sans diplôme, des comparaisons internationales cruelles, cela ne peut laisser indifférents ceux pour qui l'éducation constitue la priorité de la nation.

Pour répondre à cette urgence, vous fixez un objectif : qu'aucun élève ne sorte de l'école sans disposer d'un socle minimum de compétences et de connaissances. Cet objectif n'est pas discutable, mais je pense que sa formulation n'a pas toujours été bien comprise. Il ne s'agit pas d'opposer des matières fondamentales à d'autres qui seraient accessoires, mais de reconnaître que l'acquisition d'un certain nombre de langages et d'outils constitue un préalable indispensable à l'exploration d'autres domaines. On ne peut par exemple faire de la physique sans connaître les mathématiques ni de l'économie sans maîtriser le français. Ce n'est pas affaire de hiérarchie, mais de chronologie.

Ce socle est un passeport indispensable pour la réussite d'une vie professionnelle et personnelle, en particulier pour les élèves issus des milieux les moins favorisés. On notera que pour ces publics plus difficiles, des pédagogies originales, axées par exemple sur le sport, peuvent être utiles. Que l'on ne s'inquiète donc pas concernant la future place de l'EPS.

Il appartiendra au Haut conseil de l'éducation de proposer les modalités concrètes d'acquisition de ce socle. Nous souhaitons que les personnalités qui y seront nommées soient largement représentatives du monde enseignant. Quant au suivi personnalisé que vous avez décidé de mettre en place, Monsieur le ministre, il ne dispense évidemment pas de maintenir les moyens attribués aux ZEP mais constitue une amélioration incontestable.

Nous soutenons donc votre projet. Mais vous me permettrez deux remarques.

La première porte sur le bac. Vous avez décidé de remettre à plus tard sa réforme. C'est sage. Vous permettrez pourtant à l'universitaire que je suis de s'étonner que les critiques portent essentiellement sur la mise en place d'un contrôle continu. En effet, si, demain, dans les facultés, on devait remettre en cause le contrôle continu qu'on y pratique depuis vingt ans, tous les étudiants descendraient dans la rue ! Or, les diplômes universitaires sont eux aussi des diplômes nationaux et il y a parfois dans une même faculté deux ou trois divisions qui accueillent des étudiants d'une même année. Les arguments sur un diplôme à plusieurs vitesses ne tiennent donc pas !

Quand le vote aura eu lieu et que les clameurs seront retombées, un autre grand défi restera à relever : celui d'attirer vers le métier d'enseignant les meilleurs étudiants de leur génération. Nous devrons d'autant plus nous demander comment accroître l'attractivité de la fonction enseignante que les départs à la retraite des enfants du baby-boom vont se multiplier dans les prochaines années. La création de passerelles vers d'autres activités, la restauration des IPES, l'adaptation de la mobilité, une place plus grande accordée aux promotions au mérite et au choix peuvent constituer à cet égard des pistes.

Là encore, il faudra avancer pas à pas. Mais, Monsieur le ministre, celui que vous nous faites aujourd'hui franchir est décisif et nous sommes heureux de le faire avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. René-Paul Victoria - L'école a une triple mission : instruire, responsabiliser et ouvrir les jeunes sur le monde. Pour l'accomplir, elle doit s'appuyer sur le principe de l'égalité des chances, c'est-à-dire offrir à chaque jeune, quel que soit son rythme d'apprentissage, la possibilité d'acquérir la maîtrise des langues, des mathématiques et des autres disciplines afin d'être à même, plus tard, d'exprimer ses talents dans le monde du travail comme dans sa vie de tous les jours, en qualité de citoyen. Ces préoccupations, Monsieur le ministre, sont celles de votre projet.

Il convient de distinguer ici instruction et éducation.

L'instruction est au cœur de l'école. C'est là en effet que nos jeunes acquièrent les bases de la connaissance. Vous souhaitez les y aider grâce à la définition d'un « tronc commun » et il s'agit en effet d'une bonne arme contre l'échec scolaire. Donner à chaque élève les moyens de comprendre et d'analyser une situation - écrite ou orale - est un minimum vital et la base de toute citoyenneté. Il faudra pour cela que les enseignants puissent s'appuyer sur des outils pédagogiques adaptés au rythme de l'enfant et aux réalités quotidiennes. L'illettrisme récurrent que nous connaissons, et l'exclusion qu'il emporte constituent à n'en pas douter un point faible de notre système éducatif.

Il faudrait aussi pouvoir diversifier le recrutement des enseignants : la barrière de la licence freine des vocations, alors que nos entreprises, nos associations, nos métiers peuvent fournir des hommes et des femmes de qualité tout à fait aptes à intégrer la profession, surtout dans un contexte démographique qui ne favorisera guère les vocations dans les années à venir.

L'éducation, si elle est inséparable de l'instruction, est aussi l'affaire des familles. Il convient donc de conforter la cellule familiale et de l'aider à participer davantage à ce qui se joue à l'école. Trop souvent des familles en situation précaire rencontrent des difficultés pour remplir leur mission éducative. Il importe de redonner une place à chaque génération et de promouvoir son rôle éducatif, qu'il s'agisse de l'éveil de l'enfant ou de sa socialisation, d'éducation à la santé ou du respect des valeurs...

Ce projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école nous intéresse au plus haut point, nous représentants de l'outre-mer, dont les régions et les territoires constituent, ainsi que l'a souligné le Président de la République, les nouvelles frontières de la France et de l'Europe. Notre académie, qui vient de fêter ses vingt ans, a réussi sur le plan quantitatif, mais elle doit maintenant gagner la bataille de la qualité. Il est en particulier indispensable que l'école retrouve sa fonction d'ascenseur social. A quoi serviraient sinon les sacrifices des parents, et notamment des plus modestes d'entre eux ?

L'instruction et l'éducation sont par essence interculturelles. C'est à l'école que le jeune apprend qu'il existe d'autres pays, d'autres manières d'organiser sa vie ou de croire, d'autres formes d'expressions artistiques. Sur une île comme la Réunion, dont la culture est une mosaïque de traditions millénaires, nous sommes très sensibles à cette approche. C'est pourquoi je souhaite que dans le « tronc commun », une place soit accordée à la connaissance de la France dans toute sa diversité. C'est en large partie grâce à l'école de la République, à sa fonction de promotion sociale et individuelle, que la France d'outre-mer et, en particulier, la Réunion, ont pu intégrer des cultures diverses.

Votre projet de loi, Monsieur le ministre, constitue l'ossature de cette école nouvelle que nous appelons tous de nos vœux. Je formulerai pour ma part quelques propositions visant à le compléter : intégrer dans le contenu des programmes la découverte et la connaissance de l'outre-mer, qui assure à la France une présence forte sur tous les continents ; renforcer la formation continue des maîtres et leur assurer une meilleure maîtrise de la psycho-pédagogie à travers l'adossement des IUFM à l'université ; sécuriser et valoriser le métier d'enseignant ; donner aux directeurs d'école un véritable statut ; veiller à une juste répartition des moyens sur l'ensemble du territoire pour permettre aux régions qui sont en déficit de rattraper les retards accumulés.

Vous donnez à l'école le nouvel élan qu'elle mérite, Monsieur le ministre. Je sais que je peux compter sur vous comme vous pouvez compter sur mon soutien pour faire de notre école une école de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Henri Nayrou - En dépit d'un intitulé alléchant, cette nouvelle loi d'orientation manque singulièrement d'ambition. Je suis particulièrement déçu par la faible part faite à l'éducation physique dans l'éducation tout court et je considère qu'il s'agit là d'un deuxième rendez-vous manqué. Mais je suis surtout déçu de la façon dont on traite les écoles rurales.

Je suis issu, Monsieur le ministre, de ces écoles de montagne et de campagne où la mesure est le temps de trajet et non la distance, où la norme est le relief tourmenté, où le moindre lâchage de l'Etat est vécu comme une trahison à la solidarité territoriale, où on est loin de tout, des mots creux comme des vanités, mais tellement près des réalités subies que l'on en vient à se demander si l'on vit bien dans le même monde que celui des décideurs.

Dans le département de l'Ariège dont je suis l'un des élus, il n'y a pas eu, la semaine dernière, de vastes manifestations de rues, parce qu'il y a davantage de chemins que de rues. Il y a eu, par contre, des rassemblements sur les départementales qui mènent aux classes de montagne, avec des parents d'élèves furieux des suppressions de postes et des enseignants exaspérés par les pratiques de ce gouvernement qui se prétendait le défenseur des zones rurales mais qui en sera le fossoyeur.

Les méfaits d'une carte scolaire appliquée à la lettre viennent s'ajouter aux inquiétudes que génère votre projet parmi la communauté éducative, parce qu'il remet en cause certaines valeurs de la République telles que l'égalité des chances, le bagage culturel et social commun, le sentiment d'appartenance et de cohésion sociale et, enfin, la qualité du service public.

Si votre loi est si mal perçue dans la ruralité, c'est parce qu'on n'y sent pas de souffle mais c'est aussi parce que les moyens ne sont pas au rendez-vous. II faut comprendre que dans ces bourgs et villages, les suppressions de postes sont ressenties comme des catastrophes ; que, dans ces régions où l'on ne se pique pas de grands mots, l'école rurale est une condition essentielle du maintien de la vie. Il faut comprendre que, pour ne pas sombrer, les collectivités territoriales ont engagé des sommes considérables afin de se doter d'équipements scolaires et para-scolaires capables d'offrir des services attractifs à des jeunes ménages.

Des communes, des communautés de communes, des départements constatent aujourd'hui que l'Etat n'en finit pas de se désengager, ici sur l'école, là sur d'autres aspects de l'aménagement du territoire. Surtout, nous nous heurtons à deux problèmes rédhibitoires, Monsieur le ministre : les choix budgétaires désespérants de votre gouvernement et le mépris des députés de votre majorité pour les fonctionnaires en général et pour les enseignants en particulier. Concernant le budget, le bilan chiffré est éloquent : 5 000 postes en moins dans le secondaire, 9 000 suppressions de postes de surveillants, 14 000 aides-éducateurs en fin de contrat et seulement 13 000 postes d'assistants d'éducation créés. Sans parler des dizaines de milliers de fonctionnaires en moins que prévoient les lettres de cadrage du Premier ministre en date du 7 février, et qui affecteront inévitablement votre ministère... A quoi bon parler de grande ambition pour le service public de l'Education nationale, quand les moyens sont ainsi sans cesse revus à la baisse, tandis que les baisses d'impôts sont revues à la hausse, au nom d'un catastrophique credo libéral ?

Quant au mépris des membres de votre majorité à l'égard des enseignants, il est d'un cynisme absolu. Quand, le 20 janvier 2004, lors du débat sur l'éducation, j'ai évoqué à cette tribune la situation difficile des enseignants, l'un d'eux s'est écrié « Au boulot ! ».

Mme Danielle Bousquet - Scandaleux !

M. Henri Nayrou - Etonnez-vous après cela que les enseignants fassent aussi peu confiance à votre gouvernement...

J'espère que vous avez compris que les écoles rurales ne peuvent se satisfaire de la situation actuelle et que leur évolution doit s'inscrire dans le cadre de l'aménagement du territoire. L'Education nationale avait plus besoin d'une programmation effective que d'une orientation manquée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Céleste Lett - Ce projet est ambitieux et porteur de véritables évolutions. L'école est recentrée sur ses missions fondamentales et l'égalité des chances, ou plutôt l'objectif de justice, redevient une priorité. Vous avez à juste titre, Monsieur le ministre, ainsi que M. le rapporteur, rétabli certaines vérités sur ce texte, ce qui s'imposait après une désinformation orchestrée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) qui a nié le travail de concertation sur lequel repose le rapport Thélot. Permettez-moi de citer celui-ci : « Le rapport propose une vision cohérente de l'école, mais il ne constitue pas un monolithe que l'on devrait prendre ou abandonner dans sa totalité. Les contraintes propres à la politique expliqueraient fort bien que toutes les recommandations ne soient pas retenues ».

Je me limiterai dans cette intervention à l'un des sommets du carré évoqué par le rapporteur, la pratique d'au moins une langue vivante étrangère.

Je suis très heureux des réelles avancées de ce texte en la matière. La langue française, langue de la République, fait partie du patrimoine et de l'identité de la nation. Jamais elle n'a été autant parlée, écrite dans le monde. Néanmoins on ne peut pas être francophone aujourd'hui sans être au moins bilingue.

Alors, quelle deuxième langue ? Certains de nos collègues ont eu la tentation de choisir l'anglais, langue de communication internationale, mais ce serait une erreur. Cette réforme est justement l'occasion de montrer sans ambiguïté notre volonté de promouvoir les langues vivantes étrangères et régionales. En Moselle, l'allemand est référence standard pour les dialectes franciques, et il est langue d'enseignement dans les écoles primaires.

La Moselle, l'Alsace et d'autres régions ont pu développer à partir de bases linguistiques populaires régionales des enseignements de langue vivante très efficaces dès l'école maternelle. Car, dans ce domaine, la précocité est un atout. Ne devrait-on pas de même prévoir dans la loi l'acquisition ludique d'une langue étrangère dès la maternelle, une deuxième pouvant être introduite dès la sixième ?

Par ailleurs, les régions où existe une langue régionale qui est aussi langue de proximité et langue européenne - l'allemand, par exemple - disposent d'un grand nombre de maîtres capables d'enseigner dans cette langue. Elles sont même susceptibles d'en trouver d'autres, par échange de services, dans les régions et pays voisins. L'apprentissage de la langue régionale à l'école en Moselle, mais aussi en Alsace, sous sa forme standard, l'allemand, qui compte 100 millions de locuteurs natifs en Europe, permet de maîtriser la langue du partenaire au sein du couple franco-allemand, moteur de l'Union européenne, et de respecter les souhaits exprimés par le général de Gaulle et le Chancelier Adenauer à l'occasion du traité de l'Elysée et renouvelés lors du quarantième anniversaire de celui-ci par le Président Chirac et le Chancelier Schröder.

En outre, il y a là un moyen de préserver en France et en Europe la diversité linguistique, qu'a défendue en octobre dernier, à Hanoï, le Président de la République, lorsqu'il a affirmé que « chaque fois qu'une culture disparaît, qu'une langue disparaît, c'est la culture du monde qui s'affaiblit ».

La méconnaissance de l'allemand favorise chez nous l'augmentation du chômage ; son apprentissage est un facteur de développement économique. D'une façon générale, l'enseignement des langues représente un atout pour notre pays. A nous de prendre les dispositions nécessaires pour faire aussi bien dans ce domaine que nos partenaires et voisins !

Monsieur le ministre, nous sommes fiers d'être à vos côtés pour cette réforme, tout simplement parce qu'elle est juste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Henriette Martinez - Monsieur le ministre, la loi d'orientation que vous nous proposez après un an d'une très large concertation répond aux attentes exprimées par les enseignants, les parents d'élèves et l'ensemble des Français. Certains parlent de « loi sans ambition », oubliant sans doute que la seule ambition qui vaille en matière d'éducation est celle de donner à chaque enfant le maximum de chances de réussite.

Ce texte, néanmoins, dérange. Il dérange tous les conservateurs qui, depuis des décennies, ont contribué à scléroser notre système éducatif par leur refus de l'évaluer et d'en corriger les dysfonctionnements. L'enseignante que je fus pendant vingt-cinq ans et que je reste au fond de moi y voit enfin émerger le bon sens.

J'y vois aussi une volonté de justice sociale, en particulier à l'égard de ceux que notre système a laissés en situation d'échec.

Mme Christine Boutin - Très bien !

Mme Henriette Martinez - La réforme de l'école est nécessaire pour remédier au laxisme éducatif, à la dispersion des contenus, à l'abandon des savoirs fondamentaux, au manque de méthode dans les apprentissages, qui ont conduit à l'absence de résultats, à la violence dans les établissements et à l'aggravation des inégalités sociales. L'école ne remplit plus son rôle. J'ai vécu cette perte de repères au début des années 1980, lorsque j'étais jeune professeur de collège. En stage de formation, on m'a posé la question suivante : « Que devez-vous donner à vos élèves ? ». Il y avait trois réponses possibles : « un savoir », « un savoir-faire », « un savoir-être ». J'imaginais devoir transmettre le savoir que j'avais reçu, mais on m'a expliqué qu'il fallait donner avant tout un savoir-être... Je me suis souvent interrogée sur les effets de cette orientation dictée par l'idéologie du laisser-vivre, du laisser-faire et de la facilité.

Je me suis surtout souvent interrogée sur l'absence d'évaluation du système. Devant l'amplification des problèmes, un seul diagnostic a été fait : le manque de moyens. Pourtant, l'augmentation des moyens a été parallèle à la diminution des effectifs... Si des moyens nouveaux sont nécessaires, c'est pour assumer les missions nouvelles que vous définissez, Monsieur le ministre. Mais certaines remises en cause risquaient de déstabiliser, de contrarier une pensée dominante, celle de l'égalitarisme laxiste qui nivelle par le bas, sous couvert d'égalité et de bons sentiments (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'école doit être exigeante car sa responsabilité est immense : elle doit donner la confiance en l'avenir à chaque enfant qui lui est confié, et qui a le droit de sortir du système avec un diplôme ou une formation professionnelle qui lui assure sa place dans la société ; le droit, aussi, de demander des comptes à l'école quand ce n'est pas le cas. L'école pour tous, c'est celle qui dispense les savoirs de base et qui forme des citoyens responsables, porteurs de valeurs de la République, en étant capable de récompenser comme de sanctionner ; celle qui différencie les parcours pour prendre en compte les capacités des uns et les difficultés des autres ; celle qui protège les plus faibles, qui dépiste les handicaps et les éventuelles maltraitances.

Les enseignants attendent de nous de pouvoir retrouver le sens et la noblesse de leur métier, qu'ils aiment mais qu'ils sont souvent découragés d'exercer. Confrontés à des situations difficiles, ils doivent être mieux formés, et soutenus. Ils ont besoin de programmes et d'objectifs clairs, et ne veulent plus faire fonction d'éducateurs spécialisés.

Dans leur grande majorité, ils approuvent les orientations de cette loi réaliste, juste, exigeante et ambitieuse. Une fois passées les polémiques politiciennes, il conviendra que la communauté éducative se mobilise pour mettre ce texte en œuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Lignières-Cassou - Il manque une vision d'ensemble à votre projet de loi, Monsieur le ministre, même si vous prétendez que vos orientations sont présentées dans le rapport annexé, au statut juridique douteux !

M. Guy Geoffroy - Comme en 1989 !

Mme Martine Lignières-Cassou - Votre projet est exclusivement centré sur l'école, comme si les difficultés de celle-ci n'étaient pas celles de la société toute entière.

Par ailleurs, vous n'envisagez pas l'éducation comme un parcours de toute une vie. Que ne vous inspirez-vous de la sagesse béarnaise, qui doit dire : « La vieille, en mourant, elle apprenait encore » !

Ces partis pris excluent tout partenariat. Les parents n'interviennent qu'en cas d'échec de leur enfant par la signature du prétendu contrat de réussite scolaire, et ils sont maintenant exclus du processus de décision en cas de redoublement.

Les familles bougent, évoluent, et il faut les impliquer en tant qu'éducatrices. La même approche doit prévaloir au niveau local, pour que soient mobilisées toutes les institutions d'un territoire et que les collèges et lycées soient ouverts sur leur environnement. Mais encore faudrait-il accepter que l'école ne soit que la partie émergée de l'iceberg éducation ! Le temps scolaire n'accepte que 1 000 heures du temps de l'enfant par an, tandis que le temps libre en occupe 4 500. Et si l'école ne réduit pas les inégalités sociales, le temps libre les aggrave. Ne pas prendre en compte cette réalité, c'est laisser la réussite éducative dépendre des moyens de chaque famille.

L'école n'est pas le seul lieu d'éducation. C'est en dehors d'elle que se font les apprentissages proprement dits, ceux qui fondent la destinée sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Richard Mallié - Voilà maintenant quinze ans que nous n'avons pas débattu d'un projet de loi sur l'école. Il était temps d'avoir le courage de porter un regard critique, mais juste, sur son état.

M. François Liberti - Ce n'est pas réussi !

M. Richard Mallié - C'est un véritable projet de vie que vous nous proposez aujourd'hui...

M. François Liberti - D'une vie très difficile !

M. Richard Mallié - ...nous rappelant à l'essentiel, à savoir que l'école est le lieu de transmission des savoirs, mais aussi des valeurs fondamentales de notre République. En instaurant une école plus juste, ce projet contribue à des avancées aussi considérables que la parité ou la promotion de l'égalité des chances et des droits des personnes handicapées.

Certes, le terrain de l'éducation est miné, et nombre de vos prédécesseurs, à trop vouloir se mesurer au mammouth, se sont cassé les dents, mais les dinosaures ne peuvent avoir leur place dans ce système.

M. Eric Raoult - Sauf au parti socialiste !

M. Richard Mallié - L'école de demain doit s'adapter aux évolutions. Elle doit être consciente de ses forces, mais aussi de ses faiblesses. Il est inacceptable que des jeunes en sortent sans même savoir lire ou écrire.

Je salue ici, Monsieur le ministre, votre attitude intelligente et honnête face à la grogne des lycéens à l'encontre de la réforme du bac...

M. François Liberti - Pas seulement de la réforme du bac !

M. Richard Mallié - Alors que les journaux titraient hier encore sur la « reculade » de François Fillon, il me semble plus juste de parler d'avancée, car vous avez su montrer que le Gouvernement était capable de reprendre le débat s'il pensait ne pas avoir été compris. Beaucoup de jeunes, en tout cas dans le lycée de ma fille, sont favorables au contrôle continu, et certains qui y étaient hier opposés, semblent changer d'avis.

Je n'ai pas déposé d'amendements à ce projet, car nombre de points concernant l'éducation relèvent du domaine règlementaire, et sur un tel texte, il me paraît important de veiller au respect des compétences de chacun, définies par la Constitution. Sans qu'il soit question que le Parlement se dessaisisse du premier des services publics, il faut se prémunir contre toute dérive législative. Vous avez du reste amendé le texte pour tenir compte des remarques émises à ce sujet par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat.

Les concertations qui s'imposaient ont été engagées, une large campagne de consultation a été entamée auprès des partenaires sociaux : l'heure est maintenant aux décisions. L'expression populaire « On ne fait pas d'omelette sans casser d'œufs » garde ici toute sa portée.

M. François Liberti - Comparer les enseignants et les élèves à des œufs !

M. Richard Mallié - J'entends d'ici la voix des protestataires qui se hérissent au simple énoncé du mot « réforme » ! Nous ne devons pas avoir honte de notre ambition d'améliorer notre système scolaire. L'attentisme ne sera jamais l'attitude d'un pays tel que la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Ghislain Bray - Depuis hier, nous abordons la phase législative de cette réforme et, quinze ans après la loi du 10 juillet 1989, il n'était que temps !

Ce projet de loi a fait l'objet d'un débat national sans précédent, qui a mobilisé plus d'un million de Français autour de 22 questions élaborées par la commission Thélot - à laquelle participaient, notamment, MM. Périssol et Geoffroy, mais aucun député de l'opposition ! C'est le problème de cette dernière, mais je suis choqué de l'entendre proclamer aujourd'hui que ce projet serait bâclé ! C'est faire injure, vous en conviendrez, à tous ceux qui y ont contribué : outre les enseignants, parents et élèves, plus de 200 personnalités, organisations syndicales, associations et experts !

Ce projet manque d'ambition, dit-on. Le propos recèle un premier compliment : il prouve qu'il y a au moins un projet ! Et surtout, qu'est-ce que cette ambition ? Une surenchère, une démagogie perpétuelle sur le nombre de postes et les crédits supplémentaires ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) Ne serait-il pas ambitieux de vouloir que 80 000 enfants n'entrent plus en sixième chaque année sans savoir lire, écrire ni compter ? Ne serait-il pas ambitieux de faire en sorte que tous les jeunes sortent du système scolaire avec un diplôme ? Contrairement à ce que vous dites, de nombreux enseignants font ce constat d'échec !

Plusieurs députés socialistes - Bien sûr !

M. Ghislain Bray - Laisser un jeune traîner ses lacunes au fil des années en espérant qu'il ira quand même jusqu'au bac, c'est être sûr de le dégoûter. Pourquoi se plongerait-il dans des livres ou des énoncés dont il comprend à peine le sens ? Le laisser accumuler ses lacunes, c'est aussi le mettre en marge de la classe, et favoriser tout naturellement l'absentéisme. Enseignant dans un lycée professionnel, je vous assure que mes collègues attendent ardemment qu'on prenne conscience de ce désastre. Comment préparer un diplôme professionnel sans même maîtriser l'essentiel ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP). Il est donc choquant de résumer ce projet à un SMIC social. Comment accéder à un emploi si, écoeuré par le système, on n'a pu obtenir une qualification ? L'article 6 apporte la réponse la plus appropriée : le socle commun est nécessaire, et ne revient en aucune façon à mettre de côté certaines matières ! Il est aberrant d'entendre que le sport n'aurait plus sa place dans le système éducatif !

Plusieurs députés socialistes - Et pourtant !

M. Ghislain Bray - Ce serait contraire à l'esprit de cette loi, qui prône un juste équilibre de l'ensemble des matières pour donner à l'enfant une culture large et variée. D'autant qu'avec le socle commun, c'est l'apprentissage de l'ensemble des disciplines que nous rendons plus aisé ! Car la culture est un tout. Cessons de tout mettre dans des cases, ici les langues, là l'arithmétique, ou les matières nobles et les secondaires. On ne peut acquérir les unes sans avoir recours aux autres !

L'école a également pour mission d'aider les jeunes à définir leur projet de formation. Il faut faire cesser l'orientation par défaut, parfois synonyme de sanction et qui nuit à la motivation des élèves. L'article 13 répond à ce souci. Enfin, l'intégration des élèves handicapés telle que définie dans la loi que nous venons d'adopter doit trouver pleinement sa place dans ce projet. Quant au bac, j'avoue ne pas comprendre pourquoi le contrôle continu, apprécié de tous, quand il s'applique au bac professionnel, deviendrait inégalitaire pour le bac général !

Monsieur le ministre, vous êtes à la tête du ministère qui doit permettre aux jeunes générations de trouver leur place dans la société. Ce ministère est toujours décrié lorsqu'il faut réformer : s'oppose toujours au pragmatisme le conservatisme, voire le corporatisme.

M. Guy Geoffroy - Et le dogmatisme !

M. Ghislain Bray - On vous reproche un manque d'ambition, mais on vous reconnaîtra le courage d'avoir défini les priorités de l'école, mis en place une pédagogie personnalisée et permis à chacun de forger son avenir par ses propres efforts. C'est un projet que l'enseignant et le parlementaire que je suis est fier de soutenir avec force. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Sylvie Andrieux - Dans un monde marqué par la recherche absolue de compétitivité, la matière première d'un pays reste sa matière grise. Or, depuis juin 2002, l'éducation nationale n'est plus la priorité du Gouvernement. Le budget pour 2005 laissait déjà augurer de l'entreprise de démolition du service public de l'éducation. (Rires sur les bancs du groupe UMP) Monsieur Geoffroy, vous êtes le porte-parole de l'UMP, pas encore celui des socialistes !

M. Guy Geoffroy - Il n'y a pas de risque !

Mme Sylvie Andrieux - Ce projet de loi d'orientation vient confirmer nos craintes. Les Français ont cru à la grande réforme promise par le Président de la République soi-même. Ils s'aperçoivent aujourd'hui que les débats organisés pendant des mois dans toute la France n'étaient qu'une vaste supercherie. La réforme, qui ne fait même pas l'unanimité au sein de la majorité, consacre en fait l'abandon de l'égalité des chances. La déception des Français est à la hauteur de leurs attentes et les manifestations en sont la preuve.

L'école de la République s'assigne pour ambition la réussite de tous les élèves. Cette réforme ne fait que mettre en place un enseignement à deux vitesses. Certaines mesures sont particulièrement inquiétantes, qui remettent en cause les acquis de la loi Jospin de 1989 et les fondements du collège unique. Pour vous, Monsieur le ministre, il semble qu'il y ait d'un côté les bons élèves et de l'autre les gêneurs. Pour les bons, les collèges « veilleront à permettre des approfondissements dans les disciplines fondamentales ou des diversifications, en particulier dans des disciplines telles que les langues anciennes." Pour les mauvais, le temps de travail " sera aménagé de façon à leur permettre à la fois de progresser dans les matières où ils rencontrent des difficultés, et de retrouver confiance en eux en développant leurs aptitudes dans une matière où ils sont en situation de réussite".

Plusieurs députés UMP - Et alors ?

Mme Sylvie Andrieux - Le contenu des enseignements sera donc variable et fonction des aptitudes et des intérêts des élèves, comme si ces données étaient intangibles. Or, tout le monde s'accorde à dire que l'échec scolaire découle des inégalités sociales, économiques et culturelles. Mais cette vérité vous a échappé : le projet de loi fait totalement l'impasse sur ce point.

Alors que l'échec scolaire se caractérise souvent par un refus de l'école, dont les causes viennent bien souvent de l'extérieur, vous proposez des programmes personnalisés qui imposent trois heures de plus à des enfants qui ont déjà décroché ! Ce qui s'appelait encore la semaine dernière Ie contrat de réussite scolaire, passé entre le directeur, l'élève et sa famille, renvoie la responsabilité de l'échec scolaire uniquement aux deux derniers. L'institution est dédouanée de ses carences, et c'est l'élève qui est stigmatisé ! En vérité, ce programme personnalisé de réussite éducative n'est que poudre aux yeux. Seule la généralisation de dispositifs d'aide précoce, avec des classes spécialisées à l'école primaire et des études surveillées dans chaque collège, ainsi que des assistants sociaux et des psychologues scolaires, pourrait se révéler efficaces. Mais bien sûr, cela coûte cher!

Monsieur le ministre, tous les élèves ne sont pas égaux devant l'école. Permettez-moi de vous rappeler que les zones d'éducation prioritaires ont déjà vingt ans, et que votre projet ne dit rien sur leur adaptation aux évolutions sociales et démographiques ! Dans les zones les plus difficiles, les effectifs augmentent et on taille des postes à la hache ! On ne crée pas de classes supplémentaires ! A Marseille, treize classes d'initiation pour les primo-arrivants viennent d'être supprimées, ce qui ne risque pas de faciliter l'intégration de ces enfants ! En fait,c'est tout l'enseignement dans ces zones qui est sacrifié et l'élève en situation d'échec qui est stigmatisé.

Mais, si vous n'avez pas su prendre les besoins en compte, par complaisances pour certaines visions très conservatrices de l'éducation vous avez su mettre l'accent sur la moralisation de la jeunesse ! A cet égard, la très médiatique note de vie scolaire est significative. Au brevet des collèges, cette note prend en compte sur un même niveau l'assiduité, le respect du règlement intérieur et l'engagement dans la vie de l'établissement...

Plusieurs députés UMP - Et alors ?

Mme Sylvie Andrieux - Autrement dit, l'élève est appelé à confondre le respect des valeurs républicaines et les acquis fondamentaux de la civilité ! L'élève en difficulté, lui, est sanctionné par la note de vie scolaire. Plutôt que d'être accompagné et encouragé, il est soumis à une « double peine » !

En vérité, vous installez une école à deux vitesses. En appauvrissant les enseignements, en supprimant ou en dénaturant des matières, on déqualifiera les diplômes. Au prétexte que l'école coûte trop cher à la nation... (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Eric Raoult - Caricature !

Mme Sylvie Andrieux - ...votre projet installe une culture managériale des résultats et supprime des milliers de postes d'enseignants. Monsieur le ministre, vous avez su entendre la colère des lycéens et retirer votre projet de réforme du baccalauréat. Nous vous invitons à être le garant de l'égalité des chances pour tous les jeunes de ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Decool - Il est aujourd'hui permis à notre assemblée de discuter de l'avenir de l'école. Le constat est clair : stagnation des résultats, situation catastrophique de la lecture et des mathématiques... L'urgence d'une réforme pragmatique est évidente. Elèves, enseignants et parents attendent beaucoup de vos propositions et je ne doute pas que vous souhaitiez leur répondre.

De nombreux professeurs s'inquiètent pour leurs matières. Ainsi, l'enseignement des sciences de la vie et de la terre doit être fondé sur l'observation et l'expérimentation et implique des conditions de sécurité et des modalités d'organisation particulières. Il doit être dispensé à des groupes restreints, sous forme de travaux pratiques, à tous les niveaux du collège et du lycée. Le sport et les matières artistiques permettent aux élèves de s'épanouir et redonnent aux jeunes en difficulté les moyens d'affirmer leur personnalité et leur passion. Il est donc indispensable qu'ils appartiennent au socle commun des compétences, ainsi par ailleurs que les sciences économiques et sociales. Pouvez-vous préciser ce qui est envisagé à cet égard ? Cela ne pourrait que rassurer le corps enseignant. Je sais que vous avez le sentiment de vous répéter sans cesse, mais qu'est-ce d'autre que la pédagogie ?

La réussite de tous les élèves doit être prise en charge aussi bien par le corps professoral que par les parents. Le rôle de la famille ne doit en effet pas être négligé : les enseignants soulignent le décalage entre les élèves suivis par leurs parents et ceux dont l'éducation et l'orientation est laissée à l'entière responsabilité de l'école - ce qui pose la question de la mission première de l'école : éduquer les enfants ou leur donner les bases indispensables à leur avenir ?

D'autre part, comme il arrive souvent que les parents n'approuvent pas les décisions d'orientation prises par l'établissement scolaire, il est indispensable qu'ils soient régulièrement associés au projet scolaire de leur enfant et impliqués dans la vie de l'établissement.

Défenseur des langues régionales et plus particulièrement du flamand, je souhaite que ces disciplines soient offertes aux élèves au même titre que les langues étrangères. Deux de mes amendements plaideront pour cette évolution.

S'agissant des conditions de travail des enseignants - auxquels je rends hommage -, j'ai été interpellé par des élus de ma circonscription quant aux suppressions de postes dans les collèges de Flandre maritime...

M. François Liberti - Tiens donc !

M. Jean-Pierre Decool - Il est étonnant de constater qu'un collège dont l'effectif ne varie pas perde plus d'un poste d'enseignant. Dans l'académie de Lille, la réussite aux examens est plus faible que la moyenne nationale et le taux de boursiers plus élevé. Il est donc essentiel de revoir l'affectation des moyens humains et budgétaires dans sa globalité...

M. François Liberti - Ça, c'est pas mal !

M. Jean-Pierre Decool - Elu d'une circonscription rurale, je puis également témoigner de la nécessité d'accueillir les enfants de deux ans, et cela pas seulement dans les milieux sociaux défavorisés.

Monsieur le ministre, en tant que professeur, je pense connaître le système scolaire et je puis vous assurer que j'apprécie votre souhait de définir les priorités de l'école : contrat de réussite scolaire, projet d'établissement, implication des parents et mise en place d'une structure pédagogique adéquate. Je vous remercie de m'apporter les quelques précisions demandées. Je vous assure de mon soutien pour cette réforme, qui, espérons-le, fera école. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Christine Boutin - L'objectif de sortir de l'exclusion les 15 % d'élèves qui ne maîtrisent pas les compétences de base en leur apprenant à écrire, lire et compter justifierait à lui seul l'adoption de cette loi d'orientation. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Aujourd'hui, 15 % des élèves ne maîtrisent pas les compétences de base à la fin de la scolarité obligatoire, et, chaque année, 150 000 jeunes quittent l'école sans aucune qualification. Quelles que soient nos appartenances, personne ne peut se satisfaire que près de 20 % d'une classe d'âge soient en situation d'exclusion (Assentiment sur divers bancs), faute d'avoir acquis les savoirs fondamentaux, alors même que les moyens consacrés à l'éducation augmentent continûment depuis plus de trente ans.

Qui peut s'opposer sincèrement à la maîtrise d'un socle de connaissances fondamentales par tous les élèves, à l'apprentissage précoce d'une deuxième langue vivante, au développement de « bourses au mérite » ou au soutien personnalisé de tout élève en difficulté ? Bien entendu, l'on peut toujours discuter des méthodes et des moyens, mais personne ne peut regretter que l'on fixe au système des priorités claires.

Chacun connaît mon engagement dans la lutte contre toutes les formes d'exclusion. Lire, écrire, compter, maîtriser les outils modernes de communication : tels sont les facteurs clés d'une bonne intégration sociale dans la période actuelle. Il faut à la fois pallier de graves carences, accompagner les mutations et préparer les Français au changement. Notre système éducatif participe au premier chef à la cohésion sociale, dans un environnement marqué par de profonds bouleversements.

L'école est le seul - et dernier - point de passage pour tous. Elle se situe au point de convergence de toutes les exigences de notre temps. Pour réussir cette réforme, il nous faut faire preuve d'efficacité politique. J'aurais préféré que, face à ces enjeux d'avenir, nous sachions oublier les clivages partisans et les débats stériles. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; murmures sur les bancs du groupe socialiste) L'objectif de ce texte est simple : offrir l'acquisition des fondamentaux à 100% d'une classe d'âge. Tâchons de ne pas l'oublier ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Eric Raoult - " Cette loi d'orientation va dans la bonne direction " : c'est cette idée simple qui, au gré des rencontres dans les villes de mon département de Seine Saint-Denis, me paraît le mieux résumer le sens de votre projet. Ce texte engage une transformation de notre système éducatif et lui fixe de nouveaux objectifs pour les années à venir. Il est le fruit d'une vaste concertation...

M. Jean-Pierre Blazy - Tu parles !

M. Eric Raoult - ...qui est peut-être passée au dessus de la tête des élus de l'opposition, sans qu'ils en soient pourtant le moins du monde écartés. Au reste, certaines des interventions que j'ai entendues laissent accroire que nombre de nos collègues n'ont même pas lu le projet de loi ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Voulu par le chef de l'Etat, le grand débat sur l'Ecole a atteint son objectif : inviter la nation à s'exprimer sur son système éducatif, pour aboutir à un diagnostic partagé et à des propositions d'évolution concrètes. Votre prédécesseur, Luc Ferry, était venu animer plus de quatre heures de débat au lycée René-Cassin, dans ma ville du Raincy, et j'avais alors été marqué par le fait qu'en groupe, les enseignants refusaient le dialogue, mais qu'individuellement, ils y participaient très intelligemment ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP)

Améliorer le fonctionnement de l'école représente un véritable défi. Dans un département difficile comme la Seine-Saint-Denis, proie de tous les retards, de toutes les inquiétudes, lieu de tous les essais de rattrapage et des demandes de moyens supplémentaires, mais aussi terrain de toutes les violences scolaires, l'école est révélatrice de bien des échecs successifs.

Dans les cités, beaucoup de valeurs sont oubliées : la tolérance cède à la violence, la laïcité à l'intégrisme, et la République est un peu en file d'attente dans ces écoles. Dans ce contexte, Madame Andrieux, il n'est pas répressif de vouloir réapprendre la politesse et le respect de l'autre. Et puis, de grâce, évitons de tenir un double discours selon que l'on parle du haut de cette tribune ou devant les membres de son conseil d'école ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Lire, écrire et compter sont des objectifs majeurs. Las, il aura fallu bien des années pour dresser ce constat de bon sens. Aujourd'hui, vous répondez aussi à la demande d'efficacité, de visibilité et d'autorité, émise par la communauté éducative elle-même.

Vous avez pris en compte ces faits et vous reprenez d'autres valeurs comme le goût du travail et de l'effort, l'apprentissage de la politesse, le respect de la règle commune. Comme l'a souligné notre rapporteur, les orientations de votre texte répondent aux attentes de la société - plus d'Europe, plus de justice, plus d'efficacité - en modernisant l'apprentissage des langues, en préparant les jeunes à l'emploi, en développant l'usage des technologies de l'information et des communications, sans oublier les disciplines artistiques ou le sport... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Votre projet va dans la bonne direction, et cette inspiration favorable ne se traduit pas dans des slogans péremptoires, mais dans les indicateurs chiffrés que vous fixez pour le cap 2010, afin d'augmenter le nombre des diplômés, le niveau de qualification et l'accès à l'enseignement supérieur.

Comme l'a rappelé le Président de la République, cette loi va permettre d'assurer la transmission des valeurs républicaines, de sorte que notre école soit véritablement l'école du respect et de la compréhension de l'autre. Le respect doit être revalorisé dans nombre de nos villes sensibles et la compréhension est elle aussi à retrouver, notamment pour cette réforme, tant la désinformation et la manipulation sont fortes dans ce monde lycéen que l'on voudrait voir réuni dans la rue, alors qu'il n'a même pas lu votre texte. (« Très juste ! Excellent !» sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Paul - Quel mépris pour nos jeunes !

M. Eric Raoult - Durant tout le week-end, les élus et les militants de l'UMP de Seine-Saint-Denis ont parcouru les marchés et les gares pour expliquer le contenu de ce projet de loi. Ceux qui ne connaissaient pas le texte nous disaient " Ah bon ? ", cependant que les autres nous criaient " Tenez bon ! "

Monsieur le ministre, l'école témoin des années Jospin-Mélenchon, nous ne la connaissons que trop en Seine-Saint-Denis, avec sa violence, ses échecs, ses bacheliers sans papiers (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste), ses enseignants en situation de retrait de Claude-Debussy... L'école des années Raffarin-Fillon, c'est celle de l'espoir car, comme vous l'a dit Nicolas Sarkozy, « l'école de demain se prépare aujourd'hui ». Alors, Monsieur le ministre Fillon, tenez bon ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. André Schneider - Bravo !

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

DÉCLARATION D'URGENCE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.

Acte est donné de cette communication.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

    www.assemblee-nationale.fr


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