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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 66ème jour de séance, 163ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 2 MARS 2005

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

      SAUVEGARDE DES ENTREPRISES (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 2

      ARTICLE PREMIER ET ANNEXE 8

      APRÈS L'ARTICLE PREMIER 9

      ART. 2 10

      ART. 3 10

      ART. 4 10

      ART. 5 14

      APRÈS L'ART. 5 20

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 3 MARS 2005 22

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

SAUVEGARDE DES ENTREPRISES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de sauvegarde des entreprises.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

Mme. la Présidente - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Alain Vidalies - Mon intervention portera principalement sur la place accordée au dialogue social et aux salariés dans les nouvelles procédures proposées. En effet, depuis qu'il est aux affaires, ce gouvernement n'a eu de cesse, avec sa majorité, de détricoter le code du travail. C'est ainsi qu'il a mis à profit la loi sur le dialogue social pour remettre en cause deux règles fondamentales - le respect de la hiérarchie des normes et le principe de faveur -, et la loi dite de cohésion sociale pour alléger les procédures de licenciement économique. Dans les deux cas, la méthode utilisée fut la même : les dispositions contestées ne figuraient pas dans le texte d'origine, mais sont venues le polluer soit par le moyen d'une lettre rectificative, soit par des amendements. « Chat échaudé craint l'eau froide » : le groupe socialiste vous demandera donc de préciser, avant d'entrer dans l'examen de ces dispositions, vos intentions quant à la place que vous ménagez aux salariés et à l'emploi dans la réforme des faillites - question majeure si l'on considère que la vie d'une entreprise ne repose pas uniquement sur des dirigeants, des actionnaires et des banques créancières, mais aussi sur des hommes et des femmes qui, par leur travail, produisent de la richesse. A-t-on jamais vu un portefeuille d'actions ou un stock d'or créer de la richesse sans le travail des salariés ?

Traiter de la sauvegarde des entreprises en difficulté ne peut se faire sans prendre en compte l'emploi et l'avenir des 300 000 salariés concernés chaque année par de telles procédures, qui aboutissent à 150 000 licenciements. Rappelons que 90 % d'entre elles concernent des entreprises de moins de dix salariés dépourvues de toute institution représentative du personnel et que, neuf fois sur dix, elles aboutissent à la liquidation de l'entreprise et au licenciement des salariés.

Face à cette situation, le constat d'échec peut être partagé, tout comme la nécessité d'une réforme, d'autant qu'on a affaire à une réglementation qui, pour l'essentiel, date de 1985. Vous n'avez pourtant pas inscrit votre projet dans une démarche pragmatique de modernisation de notre législation, préférant une vision idéologique qui frise la caricature dès le deuxième paragraphe de l'exposé des motifs, où l'on dit que la loi de 1985 est inadaptée à notre économie au motif qu'elle « trouvait sa place dans un principe d'économie dirigée, caractérisé par les nationalisations et l'intervention de l'Etat ». Je n'ai pour ma part trouvé aucun commentateur politique ou juridique qui y ait décelé le substrat des errements du collectivisme ! (Rires sur les bancs socialistes) Comment avez-vous pu supporter un tel joug de 1986 à 1988, de 1993 à 1997 et de 2002 à 2005 !

Votre objectif ? C'est de combattre une législation qui protège trop les entreprises et l'emploi au détriment des créanciers. Ce choix politique a le mérite de la clarté et annonce des lendemains douloureux pour les salariés concernés. « Projet de loi pour la sauvegarde des créanciers » eût été un titre plus pertinent...

Cette vision vous a conduit pour l'essentiel à ignorer les salariés, vous qui, dans la loi sur le dialogue social, vous étiez engagés à soumettre aux partenaires sociaux toute réforme ayant des incidences sur l'emploi ou la législation sociale. Votre réforme sur les entreprises en difficulté n'a pourtant jamais été inscrite au menu du dialogue social, tant vous considérez que cette législation échappe au champ de ce dernier et que les salariés et leurs organisations syndicales n'ont pas à s'immiscer dans cette affaire.

Le rapporteur de notre commission des lois, dont je regrette l'absence, n'a même pas fait mine de contourner cette difficulté, lui qui a entendu des représentants des entreprises du Medef, de l'UPA, des banques, des magistrats, des avocats, des professeurs de droit, mais aucune organisation syndicale de salariés... Soixante personnes auditionnées sur ce texte, mais aucun représentants des salariés ! Voilà la réalité ! Vous êtes plus forts pour la théorie que pour la pratique !

M. Arnaud Montebourg - Et encore !

M. Alain Vidalies - De fait, on assiste à une utilisation de plus en plus fréquente du dépôt de bilan pour contourner les exigences de la législation sur les plans sociaux. Un associé d'un grand cabinet d'avocat le remarquait dans La Tribune du 28 novembre 2003. Parmi les 54 000 faillites qui fragilisent notre tissu économique, nombreuses sont celles qui relèvent d'une volonté de restructuration de grosses PME, restructuration dont le volet social aurait bien pu se traduire par un plan de sauvegarde de l'emploi. Or, bien évidemment, le détournement de procédure qui permet à certains de choisir le dépôt de bilan plutôt que le plan de sauvegarde de l'emploi correspond à deux objectifs : la prise en charge d'une partie du passif social par les AGS et l'accélération des procédures de licenciement.

Votre projet ? Il ne comporte aucune mesure susceptible de corriger ou d'aggraver cette situation, puisqu'il ignore la place des salariés dans l'entreprise. Sa principale innovation ? C'est de créer la procédure de sauvegarde, sorte de redressement judiciaire anticipé, inspiré de la loi américaine dite du chapitre 11, dont on parle souvent, oubliant que l'une de ses particularités est la surveillance exercée par un fonctionnaire issu du gouvernement fédéral.

M. Arnaud Montebourg - Un contrôleur d'Etat !

M. Alain Vidalies - Cette procédure de sauvegarde considérée par le Gouvernement comme le pivot du nouveau dispositif intervient à titre préventif, en l'absence de tout état de cessation des paiements, à l'initiative du seul chef d'entreprise et dans des conditions particulièrement floues, puisqu'il s'agit uniquement de « difficultés susceptibles de conduire à la cessation des paiements », formulation laconique qui diffère de celle de l'avant-projet élaboré par la Chancellerie en 2003, laquelle visait le débiteur qui « justifie de difficultés avérées ou prévisibles susceptibles d'entraîner, à bref délai, la cessation des paiements ».

Aujourd'hui, les difficultés n'ont plus à être avérées ou prévisibles, et l'exigence du bref délai a disparu. On imagine les interrogations qui seront demain celles des plaideurs devant ce changement de terminologie...

Cette extension manifeste du champ d'application de la sauvegarde n'entraînait pas de conséquences particulières pour les salariés, puisque le volet social de la restructuration ne pouvait, en l'état de la rédaction du projet, que s'inscrire dans le droit commun, c'est-à-dire la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Or le rapporteur et la majorité UMP de la commission des lois ont voté deux amendements qui modifient complètement l'économie générale du texte pour en faire une machine à licencier plus rapidement et à moindre coût.

M. Arnaud Montebourg - Exactement !

M. Alain Vidalies - Concernant les licenciements économiques, le code du travail distingue naturellement les procédures mises en œuvre après un dépôt de bilan dans le cadre d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation de biens. Pour les licenciements individuels, le délai de licenciement est raccourci et la notification peut intervenir dès le surlendemain de l'entretien préalable. Pour les licenciements de moins dix salariés, l'article 321-9 du code du travail ne prévoit qu'une seule réunion d'information et de consultation des représentants du personnel. Les lettres de licenciement sont notifiées par l'administrateur ou le mandataire et font seulement référence à l'ordonnance du juge commissaire en période d'observation, ou à la décision du tribunal en cas d'homologation d'un plan ou de mise en liquidation judiciaire. Sauf circonstances très particulières, les licenciements notifiés en exécution d'un plan de cession constituent une dérogation expresse à l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail qui précise que, s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fond, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Enfin et surtout, du fait du contrôle exercé par le juge commissaire ou par le tribunal, la cause économique du licenciement ne peut plus être contestée devant la juridiction prud'homale, dès lors que les ordonnances ou les jugements sont devenus définitifs. Le juge prud'homal ne peut donc contrôler ni la réalité des difficultés économiques, ni la suppression d'emplois notifiée dans le cadre du redressement ou de la liquidation judiciaire.

Peut-on appliquer ces dispositions extrêmement réductrices des droits des salariés à la nouvelle procédure de sauvegarde ? Chacun comprend que c'est le cœur du débat et que répondre positivement à cette question change profondément la nature de votre projet.

Devant les conséquences graves de cet amendement, le groupe socialiste a choisi d'interroger le Gouvernement lors des questions d'actualité du 16 février. M. Jacob, au nom du Gouvernement, a précisé que le Garde des Sceaux n'était pas favorable à l'assouplissement des règles du licenciement économique. Vous-même, Monsieur le Garde des Sceaux, avez aujourd'hui confirmé cette position. Il est surprenant que la majorité UMP de la commission, pourtant informée de votre position, ait adopté ce matin même un amendement signé par M. Cardo, identique à celui qu'avait précédemment déposé le rapporteur... Une clarification s'impose. Elle est d'autant plus nécessaire, Monsieur le ministre, qu'au moment même où vous vous prononciez cet après-midi contre un tel amendement, Le Monde publiait un article dont voici un extrait : « Le ministre pense ce qu'il veut, maintient le rapporteur de la commission. Moi, je suis juriste. Dès lors qu'on considère que la procédure de sauvegarde est un redressement judiciaire anticipé, les mêmes règles doivent s'appliquer. »

M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission des lois - C'est assez logique.

M. Alain Vidalies - Votre logique est en effet redoutable, surtout pour ceux qui en seront les victimes... Que veulent faire le Gouvernement et l'UMP? Il ne s'agit évidemment pas d'une difficulté secondaire sur laquelle le Gouvernement pourrait s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée, ou, pis, affirmer son désaccord de principe tout en n'opposant à l'adoption de cet amendement qu'une résistance en réalité complice.

Sur l'importance et les effets de cette initiative, je rappelle les craintes exprimées par toutes les organisations syndicales de salariés. Je n'en citerai qu'une, la Confédération générale des cadres, pourtant tout à fait favorable initialement à votre projet : « La CGC a salué le projet de loi de sauvegarde des entreprises. Or, les députés UMP proposent, à l'occasion de ce texte, de porter un nouveau coup à la procédure de licenciement pour motif économique. Après la loi Borloo de cohésion sociale qui a remis en cause nombre d'acquis des salariés en la matière, il s'agirait d'étendre l'allégement des procédures de licenciement pour motif économique existant en matière de redressement ou de liquidation judiciaire dès la phase de sauvegarde. Cet amendement permettrait ainsi de supprimer les étapes en matière de consultation des représentants du personnel et d'accélérer les licenciements... La sauvegarde des entreprises ne peut-elle passer que par la réduction de la masse salariale ? Ce sont une nouvelle fois les salariés qui vont trinquer !»

M. Philippe Cochet - Caricature !

M. Alain Vidalies - La CGC appréciera votre façon de la renvoyer dans l'extrémisme infréquentable...

Ce débat sur l'extension à la sauvegarde des procédures dérogatoires de licenciement économique doit également prendre en compte celui sur l'intervention de l'Association pour la Garantie des Salaires. Celle-ci, créée en février 1974, a pour objet de garantir dans les cas de redressement ou de liquidation judiciaire le paiement des créances dues en exécution du contrat de travail. Ce régime est géré uniquement par le patronat et financé par une contribution des entreprises, actuellement égale à 0,45 % de la masse salariale ; ce taux a d'ailleurs été relevé de 0,10 % en 2003. L'AGS a indemnisé en 2003 294 000 salariés, et versé 2 milliards d'euros d'indemnités.

Le projet de loi élargit le champ d'intervention de l'AGS aux salariés des professions libérales et surtout à la procédure de sauvegarde. Je cite conjointement ces deux extensions, car le rapport de M. de Roux comporte cette appréciation extraordinaire : « Le périmètre de l'AGS est étendu aux salariés des professionnels libéraux. Ces structures connaissent statistiquement moins de sinistres que les entreprises. Le résultat net de cette extension devrait s'avérer positif pour l'AGS. Aucun chiffrage précis n'a malheureusement pu être transmis à votre rapporteur pour lui permettre d'apprécier les ordres de grandeur respectifs des recettes supplémentaires dues à la prise en compte des salariés des professionnels libéraux et des dépenses supplémentaires résultant de l'intervention de l'AGS dans la procédure de sauvegarde. » (Rires et applaudissements ironiques sur les bancs du groupe socialiste) Les intéressés apprécieront cet aveu étonnant : vous avez imaginé faire payer les professions libérales pour financer les restructurations des entreprises !

M. le Rapporteur - Je vous trouve bien égoïste : vous devriez penser à vos salariés !

M. Alain Vidalies - Les conditions d'intervention de l'AGS dans la procédure de sauvegarde suscitent un débat légitime et méritent une clarification. Notre rapporteur écrit encore : « L'intervention de l'AGS au titre des licenciements économiques devrait être sensiblement plus limitée dans le cadre de la sauvegarde qu'une lecture rapide ne pourrait le laisser penser. En l'état du projet de loi, les règles de droit commun et les délais de la procédure de licenciement économique collectif rendront difficile la satisfaction des conditions d'intervention de l'AGS. » Et de poursuivre : « Pourtant la plupart des intéressés estiment souhaitable que la charge des indemnités de licenciement soit assumée par l'AGS pour permettre un traitement anticipé des réductions d'effectif qui s'avéreront indispensables avec un coût économique et social moindre. »

M. le Rapporteur - C'est ce qu'ont dit tous les syndicats de salariés !

M. Alain Vidalies - Simplifier les procédures de licenciement, faire payer les salaires et les indemnités par les AGS, c'est quand même un monde rêvé pour les banquiers créanciers... Les AGS n'ont évidemment pas les moyens de payer à guichet ouvert ces restructurations décidées par l'entreprise mais qui, en réalité, seront souvent imposées par les principaux créanciers, c'est-à-dire les banques. Déjà le Medef refuse d'augmenter les cotisations à la charge des entreprises et menace de « rendre les clés de l'AGS ». Déjà les plafonds de prise en charge par l'AGS ont été abaissés en 2004. Le scénario qui s'annonce est cousu de fil blanc !

Le texte et les amendements de l'UMP chargent la barque : faute de ressources, l'AGS devra réduire le montant des indemnités et des salaires dont elle assure la garantie.

M. le Rapporteur - Vous le direz au Medef !

M. Alain Vidalies - C'est donc sur les salariés que pèseront pour l'essentiel les conséquences de votre initiative.

M. Arnaud Montebourg - Cela a déjà commencé !

M. Alain Vidalies - Ces questions majeures ne peuvent être traitées au simple détour d'un projet de loi, sans concertation préalable avec les partenaires sociaux...

M. Gérard Bapt - Le dialogue social !

M. Alain Vidalies - ...et notamment les organisations syndicales des salariés.

Le rapporteur va plus loin : au nom de la confidentialité, il propose d'exclure le comité d'entreprise de l'information nécessaire lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, pour ne l'informer que lors de l'audience prévue dans le cas d'homologation par jugement, c'est-à-dire en fin de procédure. Le comité d'entreprise serait ainsi exclu de toute information pour la désignation d'un mandataire ad hoc ou d'un conciliateur, voire pour la constatation de l'accord de conciliation par ordonnance du président du tribunal.

Rien n'a échappé à votre vigilance, Monsieur le rapporteur...

M. le Rapporteur - Rien, Monsieur Vidalies !

M. Alain Vidalies - ...pas même les malheureux salariés licenciés après une liquidation de biens, dont les droits sont aujourd'hui limités au respect du délai de cinq jours pour l'entretien préalable et d'un jour franc pour l'envoi de la lettre de licenciement, le liquidateur devant prononcer les licenciements dans un délai de quinze jours. Vous proposez en effet de supprimer ces règles minimales en expliquant, sans rire, qu'il est dans l'intérêt des salariés « que les modalités de leur licenciement soient simplifiées et accélérées, dans la mesure où en tout état de cause l'entreprise a disparu et ses actifs ont été dispersés. Dans ces circonstances, les salariés sont en effet en attente d'une information et d'un traitement rapide de leur situation... Il est donc inutile, sinon dommageable, d'appliquer les délais prévus par le droit commun. »

M. le Rapporteur - Au lieu de faire de la propagande, dites-nous quel est le droit aujourd'hui !

M. Alain Vidalies - J'ai rappelé les délais. Les agressions permanentes du rapporteur visent à me déstabiliser. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Présidente - Continuez, Monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies - Il n'est donc pas étonnant que les salariés soient les grands absents de votre projet. Il est pourtant indispensable de répondre aux questions légitimes qui se posent sur leur rôle dans les différentes procédures.

Si le droit positif organise la représentation des salariés pour le contrôle des créances salariales, l'absence d'institutions représentatives dans les entreprises de moins de 11 salariés les exclut du droit à l'information et à l'expression à chaque phase de la procédure. Comme nous l'avions fait pour l'assistance du salarié lors du licenciement avec la création du conseiller du salarié, il serait opportun d'assurer une assistance syndicale aux salariés des petites entreprises concernés par une procédure collective.

Mme Marylise Lebranchu - Très juste !

M. Alain Vidalies - Cette assistance pourrait résulter d'une extension de la mission du conseiller du salarié ou de la généralisation des délégués de site.

Les salariés des entreprises de moins de 11 salariés sont également exclus du droit d'alerte, visé, dans le projet, aux articles L.631-5 et L.640-6. Confrontés à la réalité d'un état de cessation de paiement, ils ne disposent d'aucun moyen d'alerter le président du tribunal de commerce ou le ministère public. Ce droit d'alerte spécifique pourrait être attribué au responsable départemental des organisations syndicales représentatives au plan national.

Mme Marylise Lebranchu - Très bonne idée !

M. Alain Vidalies - L'œuvre législative de la majorité mériterait d'être coordonnée. La proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail aura en effet pour principale conséquence de permettre l'alimentation du compte épargne-temps. Dans son rapport, M. Morange notait que « la garantie de l'AGS étant limitée à un plafond fixé par décret, l'une des questions qui se pose sera celle de la garantie des droits supérieurs à ce plafond ». Or, l'employeur pourra décider de stocker dans le compte épargne-temps les heures effectuées au-delà de la durée collective en cas de surcroît d'activité, ainsi que certains éléments complémentaires du salaire.

Il convient d'éviter au salarié tout risque de perdre le montant de ce compte, qui devrait être exclu du plafond de l'AGS.

M. Arnaud Montebourg - Que répondez-vous à cela, Monsieur de Roux ?

M. Alain Vidalies - La commission a certes beaucoup travaillé, mais elle doit reprendre l'examen du texte en organisant - ce qui a été oublié - l'audition des syndicats de salariés...

M. le Rapporteur - Non, nous les avons entendus.

M. Alain Vidalies - ...qui peuvent avoir le sentiment légitime d'être les grands oubliés de votre réforme, voire, si vous suiviez les propositions du rapporteur, ses victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - L'Assemblée appréciera sans doute d'apprendre que j'ai reçu à trois reprises les organisations syndicales de salariés : à l'été 2003, pour faire le bilan de la législation en vigueur et recueillir leurs avis et leurs critiques ; à la fin 2003 et au début de 2004, pour examiner l'avant-projet de loi ; et enfin ces dernières semaines, avant l'ouverture de notre débat.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Cette motion de renvoi est d'autant moins justifiée que la commission a eu largement le temps de travailler sur le sujet. La mission d'information a consacré la seconde partie de ses travaux au droit des sociétés et aux procédures collectives, ce qui nous vaut un premier rapport en plus de celui du rapporteur, qui fait plus de 700 pages. Nous avons donc envisagé toutes les possibilités et toutes les conséquences de nos décisions.

Quant aux représentants des salariés, ils ont été les premiers à être reçus par la mission d'information. Je ne me souviens d'ailleurs pas que nous ayons été très nombreux à les accueillir... Nous avons essayé en toute conscience de progresser sur cette question, qui a été très mal abordée depuis le début de ce débat.

Vous vous posez en champions du social...

M. Alain Vidalies - La victoire est facile !

M. le Président de la commission des lois - Mais y a-t-il encore des Français assez naïfs pour croire que la politique se résume à l'affrontement d'une droite bornée, s'acharnant à licencier à tout prix, et d'une gauche grande et généreuse, qui ferait s'effondrer le chômage à chaque fois qu'elle est au pouvoir ?

Mme Marylise Lebranchu - C'est ce qui s'est passé la dernière fois !

M. le Président de la commission des lois - Ne confondez pas tout ! Décidément, les socialistes croient toujours faire l'économie ! Ce n'est ni la droite ni la gauche qui crée la croissance, Madame Lebranchu. On peut la ralentir ou l'encourager, mais aucun gouvernement ne saurait la créer, quand bien même vous essayez de le faire croire aux Français. (« C'est plutôt Raffarin ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Puisque nous partageons le même constat douloureux, pourquoi ne pas essayer de progresser ensemble ? Vous avez beaucoup versé dans l'idéologie jusqu'à présent. Je vous invite maintenant à faire avancer avec nous le droit des procédures collectives et à abandonner les postures qui ne vous grandissent qu'un court instant. Les Français ne pourront qu'y gagner. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Arnaud Montebourg - Nous sommes surpris de constater l'absence d'expression politique sur les bancs de l'UMP, en dehors de celle du président de la commission des lois, qui va jusqu'à suppléer le rapporteur. Nous aimerions connaître la position de l'UMP, qui ne saurait se limiter à la personnalité omnisciente et supérieure de M. Clément.

Notre collègue Alain Vidalies s'est livré à une démonstration précise et documentée. Il paraît, selon les engagements du Gouvernement, que chaque fois que l'on touche au droit du travail, il faudrait une négociation. Le président de la commission vient d'affirmer que ce texte a donné lieu à moult travaux de la commission. Certes, mais sans les syndicats de salariés, qui ont été entendus une fois. Le Garde des Sceaux vient d'indiquer qu'il les avait reçus à la Chancellerie. Le débat est en effet né d'un amendement de M. de Roux - qui n'a cure des salariés et est, semble-t-il, incapable de s'exprimer. Cet amendement a mis le feu aux poudres : il a été désavoué par le Gouvernement. Deux sous-amendements votés ce matin en commission ont pourtant entendu mieux rétribuer les licenciements dérégulés dans le cadre de la procédure de sauvegarde.

Bref, nous allons vers des licenciements massifs, faciles et rapides. La procédure de sauvegarde n'est rien d'autre que l'absence de cessation des paiements, des sûretés supplémentaires pour les banques, des abandons de créances pour les caisses publiques et la dérégulation pour les salariés. Et lorsque nous décrivons le déséquilibre de ce texte, on nous taxe d'idéologie ? Alain Vidalies a expliqué l'utilisation perverse qui pouvait être faite de l'assurance garantie de salaire, sans compter que vos dispositions doivent être cumulées avec les autres textes contestables que vous avez déjà pris, mais lorsque nous parlons du compte épargne-temps, c'est de l'idéologie ! Aucune garantie n'est donnée sur ce que deviendra l'argent de ce compte, issu du travail du salarié, en cas d'application des procédures de conciliation, sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation, mais tout ce que nous disons là-dessus, c'est propos de bolchevik avec un couteau entre les dents ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP) Nous voulons des réponses ! Le Gouvernement va-t-il parler ? Va-t-il rassurer la population ?

Alors que la commission des lois a pris beaucoup de temps pour finalement esquiver tous les problèmes et ne répondre à aucune question, nous sommes fondés à demander le renvoi de ce texte. Nous avons été extrêmement surpris du fait que le Gouvernement déclare subitement l'urgence, sur un texte déposé en mai 2004. Ce matin, la commission des lois n'a pas consacré plus de quelques secondes à chaque amendement.

Mme la Présidente - Monsieur Montebourg, veuillez conclure...

M. Arnaud Montebourg - Et sur les 500 amendements du rapporteur, la moitié a été déposée dans des délais qui ne sont pas sérieux ! La déclaration d'urgence va nous priver d'une lecture supplémentaire. Le texte portait déjà en lui des risques considérables, on sait maintenant qu'il aura des conséquences cruelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Présidente - Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 60 voix contre 18 sur 78 votants et 78 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.

Mme la Présidente - J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

ARTICLE PREMIER ET ANNEXE

M. le Rapporteur - Ce projet de loi est un texte complexe, qui comprend des dispositions sophistiquées. L'un de ses objets est d'améliorer la structure du livre VI du code de commerce, en distinguant clairement les différentes procédures - sauvegarde, redressement, liquidation - qui correspondent à autant de titres. Cette réécriture d'ensemble du livre VI entraîne de nombreuses renumérotations d'articles, qui sont présentées dans l'annexe au projet de loi. Souhaitant simplifier la lecture de celui-ci, la commission a déposé deux amendements, rédigeant l'article premier - c'est l'amendement 1 - et l'annexe - amendement 2. Elle a en effet considéré qu'il était inutile de découper la nomenclature du livre VI en quasiment autant d'articles qu'il y a d'éléments dans cette nomenclature. Le deuxième tableau de l'annexe permettra donc d'adopter la nouvelle structure du livre VI globalement, faisant l'économie d'une trentaine d'articles ou de paragraphes du projet.

La commission a également trouvé inutile de répéter dans les articles du projet de loi des substitutions de références qui sont présentées dans l'annexe, ce qui permet de faire l'économie d'une autre trentaine d'articles ou de paragraphes. Par ailleurs, la réécriture de l'annexe permet de corriger quelques erreurs commises dans le tableau de concordance du projet : de nombreux articles sont créés qui ne peuvent pas, par construction, concorder avec d'autres qui sont en vigueur, et le tableau mentionne des articles dont les numéros sont inchangés, ce qui est manifestement inutile, ou au contraire donne plusieurs numéros à certains autres articles.

Les amendements 1 et 2 permettent donc d'alléger sensiblement le projet de loi pour mieux dégager l'essentiel. L'annexe est entièrement réécrite par l'amendement 2, avec deux tableaux, le premier ne concernant que les articles effectivement abrogés ou renumérotés et le second présentant la structure nouvelle du livre VI, avec ses intitulés et ses numéros d'articles. Ainsi, plus de 70 articles ou paragraphes deviennent inutiles, qui ne servaient qu'à présenter les libellés de la nomenclature ou les changements de référence regroupés dans la table de concordance, et autant d'amendements proposeront par la suite de les supprimer. En outre, ces deux amendements devraient permettre d'améliorer la présentation de chacun des articles, de façon à tirer tous les bénéfices de la simplification du texte. Enfin, il va de soi que l'adoption en bloc de la structure complète du livre VI ne l'empêchera pas d'évoluer, au fil des amendements qui pourraient être adoptés.

M. le Garde des Sceaux - Avis favorable aux deux amendements.

M. Arnaud Montebourg - Autant nous avons déploré tout à l'heure le silence de M. de Roux, autant nous apprécions qu'il condamne ici implicitement la Chancellerie, qui semble ignorer le besoin de codifier, c'est-à-dire de rendre la loi de la nation accessible au plus grand nombre. Il faut l'informer qu'il existe même des commissions de codification ! Pour le reste, ces amendements semblent intéressants, mais nous n'avons pas les moyens de les comprendre pleinement. Nous allons donc nous abstenir mais nous resterons vigilants, tout en espérant que le travail du rapporteur n'aura pas été inutile, au moins en cette matière.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté et l'annexe est ainsi rédigée.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté et l'article est ainsi rédigé.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur - L'amendement 3 rectifié va sans doute faire plaisir à M. Montebourg. Il n'a pas pour objet de modifier la carte judicaire, mais déplace vers le tout début du livre VI le troisième alinéa de l'article L. 621-2 résultant de la renumérotation de l'actuel article L. 621-5, relatif aux tribunaux appelés à connaître des procédures du livre VI.

Le seul but est d'améliorer la lisibilité et l'intelligibilité du futur livre VI.

M. le Garde des Sceaux - Avis favorable.

M. Arnaud Montebourg - Lorsque Mme Guigou a entrepris en 1997 la refonte de la carte judiciaire, il y avait 250 tribunaux de commerce. Il en reste 191. Le risque de conflits d'intérêts dépendant de la taille des tribunaux, nous souhaiterions savoir si le Gouvernement a l'intention de reprendre ce travail, et dans quels délais.

A ceux de mes collègues qui seraient inquiets, je voudrais livrer une expérience personnelle. Le tribunal de Louhans, en Saône-et-Loire, ayant été l'une des premières victimes de la réforme Guigou, quelques adversaires politiques du département ont voulu faire signer des pétitions mais ont dû cesser car il n'y eut que trois pétitionnaires pour demander son maintien...

M. le Garde des Sceaux - Je vous indique, Monsieur Montebourg, qu'est actuellement en examen au Conseil d'Etat un projet de décret qui supprime les tribunaux de Paimpol, de Romorantin, de Mayenne, de l'Ile-Rousse, d'Issoudun, de Montélimar et de Salins-les-Bains.

M. Arnaud Montebourg - Y a-t-il d'autres projets ?

L'amendement 3 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. le Rapporteur - L'amendement 4 est de coordination.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté, et l'article 2 est ainsi supprimé.

ART. 3

M. le Rapporteur - L'amendement 573 est rédactionnel.

L'amendement 573, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 573 est rédactionnel.

L'amendement 573, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis de la commission des finances - Mon amendement 495 charge l'expert-comptable d'une personne morale d'informer ses dirigeants, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation.

M. le Rapporteur - La commission des lois est allée plus loin dans son amendement : elle a reconnu à l'expert-comptable, s'il constate au vu des comptes que l'entreprise va vers des difficultés graves, un devoir d'alerte, c'est-à-dire de saisine du président du tribunal de commerce dans les cas où le chef d'entreprise, alerté par ses soins, ne réagirait pas. Un conseil ferme permettrait sans doute de sauver beaucoup d'entreprises...

M. Paul Giacobbi - Les experts-comptables sont-ils d'accord ?

M. le Rapporteur - Non (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Paul Giacobbi - Comme on les comprend !

M. le Rapporteur - Monsieur Giaccobi, la loi Le Chapelier a mis fin aux corporations ! Nous représentons ici l'intérêt général !

M. le Président de la commission des lois - Je ne suis pas favorable à l'amendement de M. Chartier, pour des raisons de déontologie de la profession. Un expert-comptable, par définition, conseille son client : il serait risible d'écrire dans la loi que le conseil devra être donné dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ! Mais je suis moins favorable encore à la proposition du rapporteur : imagine-t-on ce que signifie, de la part d'un expert-comptable, de saisir le président du tribunal de commerce ? Où est le conseil, où est la confiance ? Je supplie l'Assemblée de ne voter aucun de ces deux amendements !

M. Paul Giacobbi - Très bien !

M. le Garde des Sceaux - Sur l'amendement de M. Chartier, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée car il ne s'agit que d'un principe déontologique qui paraît une évidence. En revanche, il ne serait pas acceptable de demander à l'expert-comptable de « dénoncer » au tribunal de commerce la personne pour qui il travaille.

M. Arnaud Montebourg - Je m'étonne que le Garde des Sceaux ne prenne pas une position claire sur l'amendement de M. Chartier car celui-ci pose le problème de la responsabilité de l'expert-comptable et celui du secret professionnel, deux sujets qui relèvent de l'article 34 de la Constitution, et non d'un décret en Conseil d'Etat ! Il ne peut en aucune façon être soutenu.

M. Philippe Houillon - L'amendement 495 a le mérite de consacrer le devoir de conseil de l'expert-comptable et ne doit pas être confondu avec un autre amendement dont il a été question mais qui n'est pas encore soumis à la discussion. Celui-là consiste à demander à l'expert-comptable d'alerter une autorité extérieure et devra être repoussé parce que l'expert-comptable est précisément un conseil qui doit jouir de la confiance de son client. Je suis donc favorable à l'amendement de M. Chartier, à condition toutefois de le sous-amender afin de ne pas renvoyer à un décret en Conseil d'Etat la définition des conditions dans lesquelles l'expert-comptable doit procéder à l'information du dirigeant.

Mme la Présidente - Je n'accepte que des sous-amendements écrits.

Mme Anne-Marie Comparini - Au nom de l'UDF, je m'oppose à ces deux amendements car il faut faire confiance aux professions, en particulier lorsqu'elles sont organisées. N'oublions pas de plus que des relations personnelles s'établissent entre experts-comptables et chefs d'entreprise et que ce n'est pas au législateur à leur dicter leur comportement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Dans les entreprises dépourvues de commissaires aux comptes, les experts-comptables jouent un rôle capital : au-delà de leur rôle de conseil, ils rédigent les feuilles de paies, énoncent les conditions dans lesquelles peuvent être engagées les ruptures de contrat et travaillent même sur les modalités de discussion avec les banques. Comment pourraient-ils dire à ceux qui les emploient qu'ils sont dans un processus qui compromet la continuité de l'exploitation ? Par écrit ? En recommandé avec accusé de réception ? Ceux qui ne l'auront pas fait seront-ils poursuivis ? L'expert-comptable est-il en outre déontologiquement habilité, dans ces conditions, à demander à celui dont il est le prestataire de continuer à tenir la comptabilité ? Enfin, si les experts-comptables eux-mêmes ne sont pas d'accord, nous avons tout intérêt à prendre des précautions puisque ce sont eux qui devraient contrôler les modalités selon lesquelles la profession exercerait cette obligation légale. Au mieux, une telle question doit être discutée dans un autre contexte. Dans l'immédiat, il convient de repousser cet amendement.

Mme la Présidente - Je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 495.

M. le Rapporteur pour avis - Je le retire, même si tous les arguments entendus plaident précisément en faveur d'une formalisation de l'alerte du dirigeant par son expert-comptable. Que faire lorsque celui-ci ne sait pas trouver les mots pour dire à son dirigeant que l'entreprise va mal et qu'elle risque le dépôt de bilan ?

M. Paul Giacobbi - Dans ce cas, il doit changer de métier !

M. le Rapporteur pour avis - Sans obligation formelle, l'expert-comptable ne dira rien. Or, nous débattons précisément de la prévention des faillites, des processus de conciliation et de sauvegarde. Le débat reste ouvert.

L'amendement 495 est retiré.

M. le Rapporteur - Depuis 1967, le code du commerce oblige les chefs d'entreprises à déposer leurs comptes au greffe du tribunal de commerce. Or, la loi n'est pas respectée dans plus de 50 % des cas. L'amendement 5 tend à donner au président du tribunal de commerce le pouvoir d'ordonner sous astreinte le dépôt des comptes.

M. le Garde des Sceaux - Sagesse.

M. Arnaud Montebourg - Nous soutenons cette mesure de bon sens qui existe dans les mêmes termes dans tous les pays européens. Une entreprise ne vit pas en vase clos : ses salariés, ses concurrents doivent être informés.

M. Philippe Houillon - Cet amendement est dangereux et doit être repoussé. Le projet permet déjà au président du tribunal de faire injonction à des entreprises qui ne l'auraient pas fait de déposer leurs comptes. Il prévoit également une sanction lourde en cas de refus, avec convocation devant le juge de la prévention. Cet amendement rajoute une sanction supplémentaire en permettant au président du tribunal de prononcer unilatéralement et arbitrairement une sanction pécuniaire sans procédure contradictoire aucune.

M. le Rapporteur - Ces propos m'étonnent. Il s'agit d'un pouvoir de police du président du tribunal. L'obligation de déposer les comptes est de plus fort ancienne. Certes, des entreprises ne veulent pas que leurs comptes soient connus, mais il est impératif d'établir une plus grande transparence.

M. Philippe Houillon - Je suis d'accord sur ce point.

M. le Rapporteur - Il est inadmissible que 62 % des SARL ne déposent pas leurs comptes.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg - Lorsque le Garde des Sceaux a évoqué la décision du Gouvernement de déclarer l'urgence, il a argué qu'il faudrait beaucoup de temps pour publier l'ensemble des décrets d'application de cette loi complexe et technique. C'est précisément pourquoi nous défendons la compétence du Parlement et nous luttons contre le renvoi systématique des décrets à l'exécutif ou au Conseil d'Etat, ce qui paralyse l'application de la loi. Tel est le sens de l'amendement 390. Nous en défendrons d'autres qui iront dans le même sens au cours de notre débat.

M. le Rapporteur - Défavorable. La Constitution distingue de manière parfaitement claire les champs respectifs du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire. Il ne nous appartient pas de modifier ici, au détour d'un amendement, cette répartition.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable également. Pour le reste, Monsieur Montebourg, je vous renvoie à ce que j'ai dit et non à ce que vous avez cru entendre. Je souhaite que le texte puisse être approuvé avant le 14 juillet de façon qu'il puisse entrer en application au 1er janvier 2006, je n'ai rien dit d'autre.

L'amendement 390, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 6 est de coordination.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Arlette Grosskost - L'amendement 332 permettrait que, dans des circonstances particulières, de vive concurrence notamment, les comptes de l'entreprise puissent, après avis du procureur de la République, ne pas être communiqués à des tiers après leur dépôt.

M. le Rapporteur - Défavorable pour les raisons déjà indiquées. La loi s'impose à tous, et aucun corporatisme ne saurait justifier qu'elle ne soit pas respectée.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable.

L'amendement 332, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 7 est retiré par cohérence avec le débat que nous avons eu sur l'amendement 495.

M. Arnaud Montebourg - Comme le savent tous ceux qui connaissent bien le fonctionnement des tribunaux de commerce, les greffes de ces tribunaux détiennent quantité d'informations précieuses sur la situation des entreprises, concernant par exemple les impayés. Ils savent d'ailleurs parfaitement les monnayer lorsqu'il en est besoin. Utilisons donc au mieux ce qui existe déjà en prévoyant qu'ils informent le président du tribunal - cette idée est d'ailleurs soutenue par la CGPME. Tel est l'objet de notre amendement 391.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Les greffes, que vous n'aimez d'ailleurs pas beaucoup, je crois, Monsieur Montebourg, exercent naturellement cette mission d'information auprès du président du tribunal. Si vous souhaitez leur confier une mission nouvelle, il conviendrait qu'elle soit rémunérée. Or, j'ai cru comprendre que vous n'étiez pas favorable à une augmentation de leurs honoraires...

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable.

M. Arnaud Montebourg - Je trouve curieuse la réponse du rapporteur. Faudrait-il donc rémunérer encore davantage les greffes ? Celui du tribunal de commerce de Paris réalisait 39 millions de francs de bénéfices en 1996 !

L'amendement 391, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - L'amendement 540 rectifié permet que, dans les entreprises dépourvues d'institution représentative du personnel, le responsable départemental d'une des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national puisse informer le président du tribunal de commerce ou le ministère public des difficultés d'une entreprise. Cela est particulièrement important puisque 90 % des procédures dont nous parlons concernent des entreprises de moins de dix salariés, où n'existe ni comité d'entreprise ni délégué du personnel. Les articles concernés du code du travail et du code du commerce qui mentionnent « le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel », prêtent d'ailleurs à confusion, laissant à penser que cette procédure serait possible dans toutes les entreprises d'au moins onze salariés, où existent nécessairement des délégués du personnel, alors qu'en réalité, elle ne l'est que pour les entreprises de plus de cinquante salariés, dotées d'un comité d'entreprise. Les délégués du personnel ne sont mentionnés qu'au cas où le comité d'entreprise ne pourrait agir.

Par cet amendement, nous soulevons une question essentielle pour les petites entreprises. D'autres réponses que celle que nous proposons sont sans doute possibles, mais le pire serait de ne pas en apporter.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Le code du travail reconnaît déjà un droit d'alerte au comité d'entreprise, lequel peut s'appuyer sur les travaux de son propre commissaire aux comptes.

M. Michel Vaxès - L'amendement concerne les cas où il n'y a pas de comité d'entreprise.

M. le Rapporteur - Rien n'empêche non plus n'importe quel représentant syndical de saisir le président du tribunal de commerce. Cela se fait d'ailleurs souvent.

M. le Garde des Sceaux - Défavorable. Ce que vous voudriez inscrire dans la loi est déjà la pratique, comme me l'ont confirmé les organisations syndicales lorsque je les ai rencontrées.

M. Alain Vidalies - Nous aussi les avons rencontrées. Et elles nous ont dit qu'elles souhaiteraient un fondement juridique à leurs interventions, qui sont en effet monnaie courante, mais dont l'issue est laissée à l'appréciation du président du tribunal de commerce. La pratique enfin est loin d'être généralisée, ce qui fait courir le risque d'une inégalité de traitement entre salariés des petites et des grandes entreprises, s'agissant de l'exercice du droit d'alerte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur - Lors de la mission d'information, j'avais personnellement interrogé Jean-Claude Quentin, représentant de Force ouvrière, sur le droit d'alerte et je m'en tiens à sa réponse dont vous pouvez prendre connaissance à la page 54 du rapport d'information.

M. le Président de la commission des lois - Nous avançons !

M. Emile Blessig - Nous traitons de l'alerte, ne l'oublions pas, c'est-à-dire d'une option offerte au président du tribunal. Ce pouvoir d'information existe-t-il pour les petites entreprises ? Oui ! Faut-il davantage le formaliser ? Je doute, tant le devoir d'information impose la souplesse.

L'amendement 540 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. Michel Vaxès - La procédure de conciliation qui vient remplacer l'actuelle procédure de règlement amiable reste un mode de traitement préventif extrajudiciaire, ouverte à la seule initiative du débiteur.

Ouvrir le bénéfice de cette procédure à la seule demande du débiteur repose cependant sur un présupposé contestable, qui ne reconnaît qu'au seul chef d'entreprise la faculté d'analyser la situation économique de son entreprise et de déterminer le procédé de traitement qui lui est le plus favorable. Force est pourtant de constater qu'un dirigeant refuse le plus souvent de reconnaître un état de cessation des paiements déjà avéré, preuve qu'il est dangereux de remettre entre ses seules mains le choix de l'ouverture d'une procédure de conciliation. Sans compter que nous ne pouvons être à l'abri de débiteurs qui, souhaitant à tout prix éviter une procédure judiciaire, négocient un accord amiable très désavantageux.

Quant aux salariés, votre texte leur interdit de demander le bénéfice d'une procédure de conciliation pour leur entreprise, alors qu'ils sont parfaitement aptes à analyser sa situation économique et à déterminer le traitement le plus favorable à l'entreprise. Il convient de leur ouvrir cette possibilité afin d'écarter tout risque de voir un débiteur négocier un accord amiable désavantageux.

En prévoyant que la conciliation peut être ouverte en cas de cessation de paiements depuis moins de 45 jours, votre texte ouvre une période d'insécurité juridique, brouille les critères d'ouverture des procédures en diluant l'importance de la cessation de paiements et favorise les calculs stratégiques des dirigeants et des créanciers, au détriment des intérêts des salariés. Il importe donc que ces derniers soient pleinement associés à la procédure de conciliation.

M. Arnaud Montebourg - La procédure de mandat ad hoc, reconnaissons-le, est satisfaisante, même si elle est assez rare : on compte à peu près deux tiers de sauvetages sur le nombre de procédures engagées. La conciliation, elle, pose problème lorsqu'elle aboutit à un déséquilibre dans la procédure, s'accompagne de la rupture de confidentialité, et de son corrélat, le privilège bancaire.

Hier soir, le rapporteur et le président de la commission ont dit que nous avions des visions. Force est pourtant de constater que votre texte accorde un privilège au seul créancier bancaire, rompant l'égalité entre les créanciers, ce qui oblige à rompre la confidentialité, et donc suscite la peur. Cercle vicieux ! Nous ne condamnons pas la conciliation, mais le privilège et ses effets pervers. C'est un problème concret, non un délire !

Tout cela justifie notre amendement de suppression 392 qui vise surtout à susciter le débat.

M. le Rapporteur - Cet amendement revient à supprimer le mandat ad hoc et la conciliation. Mais comment empêcher M. Montebourg de penser que les banques sont les principales ennemies de la République ?

M. Arnaud Montebourg - Ridicule !

M. le Rapporteur - En supprimant cet article, vous supprimez une avancée très importante.

M. le Garde des Sceaux - Défavorable. L'article apporte une sécurité juridique qui n'existait pas jusqu'ici.

M. Arnaud Montebourg - Je souhaite appeler l'attention sur le problème du privilège. Non parce que nous considérerions que les banques sont les ennemies de la République, comme je viens de l'entendre. Je reconnais bien volontiers qu'elles sont nécessaires dans une économie, quelle qu'elle soit.

M. le Rapporteur - Ah !

M. Arnaud Montebourg - Mais quelle contrepartie exige-t-on à leur privilège ? Quels risques de déséquilibre entraînera-t-il ? Voilà des questions sérieuses !

M. le Président de la commission des lois - Vous voulez supprimer l'article 8, par lequel un débiteur peut disposer d'un crédit ou d'une avance pour assurer la poursuite de l'activité d'une entreprise ou sa pérennité. Pour vous qui êtes né avec la Révolution française, Monsieur Montebourg, je conçois que le mot « privilège » fasse bondir, provoquant une sorte de réflexe pavlovien. Mais quelles solutions proposez-vous pour apporter de l'argent nouveau à une entreprise en difficulté ? A défaut de garanties, l'entreprise est assurée d'aller dans le mur, et les salariés sûrs de perdre leur travail. Pour résoudre ce problème, il ne suffit pas de crier « Privilège, privilège, privilège » !

M. Arnaud Montebourg - Nous sommes surtout défavorables au super-privilège non compensé.

Mme la Présidente - Monsieur le président de la commission, M. Montebourg parlait de l'article 5.

M. le Président de la commission des lois - Il s'est trompé !

M. Emile Blessig - Vous soulignez, Monsieur Montebourg, l'absence de contrepartie. Or, que ce soit dans le cadre du mandat ad hoc ou de la conciliation, la contrepartie de l'engagement du créancier, c'est précisément de sauver une entreprise en difficulté, c'est de préserver des emplois.

Mme Marylise Lebranchu - Nous ne soulevons pas un débat sur l'intérêt que présentent les banques ; nous ne sommes pas à ce point déconnectés de la réalité ! Il s'agit de savoir, après les succès constatés du mandat ad hoc, si les chefs d'entreprise vont utiliser effectivement ce que leur propose la conciliation. A nos yeux, pour qu'elle rencontre le succès espéré, il faut préserver la confidentialité. Nous ne sommes pas dans un débat sur la Révolution française, Monsieur Clément, et le terme de « privilège » n'a pas seulement un sens historique : c'est un terme de droit.

Dès lors qu'on crée ce privilège pour le créancier qui apporte de l'argent frais, il demande, et obtient par ce texte, une contrepartie pour sécuriser son crédit ; c'est-à-dire que ce créancier informe de son geste d'apport les autres acteurs, afin que chacun soit alerté sur la situation, et que l'entreprise ne recommence pas à avoir des comportements qui pourraient mettre en péril son apport. De ce fait on rompt la confidentialité. Mais s'il est une chose que redoutent les chefs d'entreprises, et particulièrement de petites entreprises, c'est la publicité. Quand il sera connu qu'une entreprise est en conciliation au tribunal de commerce, bien des élus locaux hésiteront à lui attribuer tel marché public, de peur que l'entreprise mette en difficulté la collectivité. La DGCCRF a noté que beaucoup de collectivités territoriales, dans les commissions d'appels d'offres, invoquent les difficultés d'une entreprise pour ne pas la retenir. Que va-t-il se passer ? Un appel d'offres d'une collectivité en moins ; un fournisseur qui cesse de fournir, craignant de n'être pas payé ; un co-traitant potentiel qui se refusera à confier une part de son marché - et l'entreprise est perdue !

Nous savons que nous n'aurons pas gain de cause sur ce point ce soir. Mais même la CGPME, qui n'est pas une organisation révolutionnaire, demande si cette conciliation ne pourrait pas être confiée à autre chose que le tribunal, et songe au CODEFI. Nous sommes devant un vrai problème : le privilège accordé rompt la confidentialité, et met donc en danger cette procédure de conciliation, qui est pourtant attendue.

M. le Rapporteur - Ce débat sur la confidentialité est important, mais nous l'aurons à l'article 7, où j'ai moi-même déposé un amendement à ce sujet.

L'amendement 392, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg - Rappel au Règlement. Je souhaite inviter M. le rapporteur et M. le président de la commission à ne pas systématiquement assortir leurs commentaires juridiques et politiques sur nos amendements de considérations personnelles. Je suis tout à fait capable d'en faire autant, mais le débat n'y gagnerait guère. Tout à l'heure, M. le rapporteur a dit que je voyais dans les banques les ennemies de la République ; j'ai répondu sur ce point, mais on peut faire l'économie de ce genre de procès. Quant au président de la commission, il a vu en moi un enfant de la Révolution française. Edgar Faure, engageant les cérémonies de commémoration de la Révolution, disait que seules deux personnes pouvaient l'éviter : Turgot et lui. « Malheureusement, ajoutait-il, Turgot était mort, et je n'étais pas né. » (Sourires) Chacun peut sortir son petit Edgar Faure ; évitons donc, Monsieur le Président, les remarques personnelles.

Pour ce qui est du « privilège », je rappelle que ce terme signifie « loi privée ». S'il y a une loi privée, particulière, on peut poser la question de sa compensation. C'est d'ailleurs ainsi que raisonne le Conseil constitutionnel : il cherche à définir les conditions dans lesquelles la rupture de l'égalité entre les créanciers concourt à l'intérêt général. Et nous aurons ce débat devant le Conseil constitutionnel .

M. le Rapporteur - L'amendement 8 rectifié est de coordination.

L'amendement 8 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 9 est de précision : nous rendons compétent le tribunal de grande instance, puisque les professionnels libéraux pourront maintenant bénéficier d'un mandat ad hoc.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Arlette Grosskost - Les chambres de métiers exercent un rôle de sauvegarde et de conseil auprès des entreprises. L'amendement 311 de M. Christ a pour but de reconnaître ce rôle, en disposant que le mandataire ad hoc sera choisi sur une liste établie par la chambre de métiers et de l'artisanat. Ceci permettrait de tenir compte des spécificités des artisans, en confiant cette mission à des personnes qui comprennent parfaitement leur profession.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, en considération de la liberté du président du tribunal. Rien ne lui interdit de désigner un mandataire qui fasse partie des métiers relevant de la chambre de métiers.

M. le Garde des Sceaux - Même avis.

L'amendement 311, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg - Avec l'amendement 393 nous posons la question des critères d'ouverture de la conciliation. Le sujet n'est pas mince. Le texte en énumère un certain nombre. Mais nous soutenons l'idée - et cela fait aussi partie du débat sur les contreparties du privilège bancaire - d'ouvrir au chef d'entreprise la possibilité de rechercher la conciliation, y compris avec ses créanciers bancaires, en cas de refus de prêt. Ce refus est cause de 10 % des défaillances d'entreprises. C'est un acte de rupture, l'exercice d'un rapport de forces ; c'est le moment où la banque décide de prendre le pouvoir sur le débiteur, pour le mener où elle ne le dit pas toujours... C'est là qu'on arrache les cautions sur le dirigeant, et votre texte en aggrave le régime ; nous y reviendrons. Nous proposons donc que l'on puisse ouvrir la conciliation en cas de besoins ne pouvant être couverts par un financement adapté aux possibilités de l'entreprise. C'est une manière de dire aux banques : si vous ne voulez pas que nous nous mettions d'accord maintenant, on va se réunir à plusieurs.

M. le Rapporteur - Défavorable, car cet amendement réduit considérablement le champ d'application de la procédure de conciliation. La commission propose en revanche, par l'amendement 10, une nouvelle rédaction de l'article L. 611-4. Dans le texte du projet, en effet, il semble curieux de dire que la cessation des paiements est une condition de la conciliation. Ce que veut dire en réalité le texte, et c'est en ce sens que nous l'avons récrit, c'est que jusqu'à quarante-cinq jours après la cessation des paiements on peut aller en conciliation - ce qui est une avancée considérable.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable sur l'amendement 393, que M. Montebourg a d'ailleurs présenté d'une façon qui m'a surpris : l'important dans cet amendement, en effet, c'est qu'il supprime le b) de l'article L. 611-4 qui dit : « ou qu'elles se trouvent, depuis moins de quarante-cinq jours, en cessation des paiements » - ce qu'il ne faut pas supprimer. Je suis en revanche favorable à l'amendement 10 de la commission.

L'amendement 393, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 10, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 12 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 12 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 11 est de précision.

M. le Garde des Sceaux -Sagesse.

L'amendement 11, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 13 est rédactionnel.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Vaxès - L'amendement 455 s'inscrit dans le cadre de nos propositions visant à accorder aux salariés le droit et les moyens de participer à la sauvegarde de leur entreprise.

Les salariés et leurs représentants doivent être des acteurs à part entière des décisions qui pourront être prises pour assurer la pérennité de leur entreprise. La conciliation entre le débiteur et ses créanciers peut être envisagée au moment où l'entreprise éprouve des difficultés juridiques, économiques ou financières, ou lorsqu'elle se trouve en cessation de paiement depuis au moins quarante-cinq jours. Il est important d'associer dès cet instant les salariés ou leurs représentants : la pérennité de leur emploi et de leur entreprise est en jeu. Si nous voulons concilier vie de l'entreprise et efficacité économique, nous devrons tôt ou tard mettre en œuvre les principes d'une entreprise citoyenne. Cela suppose de donner de nouveaux pouvoirs d'intervention démocratique aux salariés. Ils doivent être associés à la gestion et aux choix stratégiques de leur entreprise sur les aspects qui touchent à toutes les formes d'emploi. Or, les règles actuelles limitent le rôle des élus à un simple avis, au demeurant peu suivi.

C'est une vision progressiste du monde du travail et de l'économie que nous vous proposons. Dans cet esprit, cet amendement tend à ouvrir le droit de saisine aux salariés ou à leurs représentants.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé. Le droit d'alerte figure déjà dans le code du travail.

M. le Garde des Sceaux - Défavorable. Pour des raisons de confidentialité, l'initiative de l'ouverture d'une procédure de conciliation revient au seul chef d'entreprise. L'article 7 dispose en revanche que, lorsque le tribunal statue sur l'homologation, il consulte les représentants des salariés.

M. Michel Vaxès - Les salariés ne sont donc invités à donner leur avis qu'en fin de procédure. Notre amendement leur ouvre la possibilité de proposer l'ouverture d'une conciliation. Mais vous préférez sous-estimer leur rôle, voire le nier : ils ne sont pas associés aux décisions.

La majorité n'a de cesse de nous rappeler ce que représente l'entreprise en termes d'emplois et de richesse. Mais la richesse, ce sont les salariés qui la créent ! Donnons-leur la possibilité de recourir aux procédures instituées par le texte.

M. Alain Vidalies - Deux questions se posent. Faut-il préciser le pouvoir du comité d'entreprise, ou considérer qu'il résulte des attributions que lui confère le code du travail ? Chaque fois que nous proposons de préciser le pouvoir d'alerte du comité d'entreprise, vous nous renvoyez au droit en vigueur. Il faut savoir que, lors de la discussion de la loi de 1985, le texte initial précisait les conditions d'intervention du comité d'entreprise, et que c'est l'Assemblée qui a supprimé cette précision au motif qu'elle était redondante. Résultat, on a abouti à un droit dont l'existence même est contestée.

L'article L. 432-1 du code du travail est rédigé dans des termes suffisamment généraux pour s'appliquer à tous les cas de figure. Il dispose en effet que « dans l'ordre économique, le comité d'entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion, la marche générale de l'entreprise, et notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions de travail et de formation professionnelle du personnel. » L'expérience prouve que le raisonnement n'est pas bon et que mieux vaudrait apporter cette précision.

La deuxième question porte sur le moment de l'intervention du comité d'entreprise ou des délégués du personnel. L'information peut-elle intervenir au début de la procédure, et non au moment de l'homologation, c'est-à-dire à la fin de celle-ci ?

L'amendement 455, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 14 apporte une précision.

L'amendement 14, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 396 vise à compléter ainsi le deuxième alinéa de l'article 5 : « dès leur transmission, le président du tribunal notifie par lettre recommandée le rapport et les conclusions de l'expertise au débiteur. Dans tous les cas, il fixe un délai pour présenter des observations ou formuler une demande de complément d'expertise ou de contre-expertise qui ne peut faire l'objet d'un refus. » Il s'agit de permettre au débiteur d'accéder au rapport d'expertise et d'obtenir une contre-expertise, afin que ses intérêts soient pris en compte.

M. le Rapporteur - Cet amendement étant de nature réglementaire, la commission vous invite à le repousser.

M. le Garde des Sceaux - Défavorable. L'amendement méconnaît la nature du rapport d'expertise. Il s'agit d'une mesure d'investigation destinée à favoriser la mission du conciliateur, qui en discutera nécessairement avec le débiteur. Entrer dans une logique de contre-expertise serait contre-productif dans des délais aussi resserrés.

Vous aurez noté que je ne me retranche pas derrière les prérogatives du pouvoir réglementaire...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - A vrai dire, nous nous contentions de préciser la loi.

Une chose est que le rapport d'expertise fasse état des éléments fournis par le débiteur, une autre est que celui-ci en connaisse le contenu et puisse éventuellement le contester.

L'amendement 396, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 15 vise à permettre aux parties, sans lier le président du tribunal, de lui proposer un conciliateur. Il nous a semblé qu'un conciliateur ayant l'accord de toutes les parties pouvait améliorer les chances de réussite de la procédure. Par ailleurs, l'amendement précise que la prorogation d'un mois de la durée de la conciliation est décidée par le président du tribunal, par parallélisme des formes avec la durée initiale de la procédure.

M. Alain Vidalies - Le sous-amendement 638 ressemble fortement à l'amendement 541 qui devait suivre, mais que l'amendement du rapporteur, s'il est adopté, fera tomber. Il s'agit de savoir à quel moment les représentants du personnel peuvent demander à être consultés.

Existe-t-il des raisons pour que les représentants du personnel ne soient pas informés dès le début de la conciliation ? Il n'y en a aucune dans les dispositions générales du code du travail, qui prévoient un large droit à l'information, surtout pour tout ce qui concerne l'emploi. C'est le respect de la confidentialité qui est généralement invoqué : mais la confidentialité sert à protéger l'entreprise d'un environnement concurrentiel ! Le chef d'entreprise n'est pas le seul à se soucier de l'avenir de l'entreprise ! Quand reconnaîtra-t-on que l'entreprise est un tout, avec des dirigeants, des capitaux, des hommes et des femmes qui y travaillent ? Leur sort, leur vie est en cause ! Par ailleurs, leurs connaissances peuvent leur donner des idées qui seraient très utiles au président du tribunal ! Pourquoi écarter cette faculté, pourquoi privilégier la suspicion à leur égard, faire croire qu'ils divulgueront l'information ? Cela est révélateur de votre vision : les salariés ne sont pas reconnus comme faisant partie intégrante de l'entreprise.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné ce sous-amendement. A titre personnel, j'y suis défavorable. D'abord, je rappelle que le président du tribunal a toute possibilité de mandater un expert pour étudier la situation de l'entreprise, lequel, dans le cadre de sa mission confidentielle, peut parfaitement entendre les salariés. Ensuite, tout le monde insiste sur le besoin de confidentialité de la procédure de conciliation, sur vos bancs aussi ! A quoi bon, si tout le monde est au courant dès le début ? Il faut veiller à cette confidentialité, sachant que les représentants du personnel pourront toujours se faire entendre si nécessaire.

M. le Garde des Sceaux - Avis favorable à l'amendement 15 et défavorable au sous-amendement 638. Il y a un temps pour tout : la confidentialité, qui est souhaitée sur tous les bancs de l'hémicycle, doit être respectée au début de la procédure de conciliation.

M. Arnaud Montebourg - Nous sommes un peu fâchés de ce qu'on veut nous faire admettre : parce qu'on est favorable à la confidentialité, il va de soi qu'il faudrait exclure l'information des salariés ? Mais qu'est-ce que le cercle de la confidentialité, à part le lieu du processus productif, où se combinent capital et travail, où tout le monde est intéressé au sauvetage de l'entreprise ? Ce n'est pas le cas des concurrents ! Eux ont intérêt à faire reculer l'influence de l'entreprise, pas ses salariés ! Cette marque de défiance est très politique. Elle signe, comme le font d'autres étapes du texte, l'oubli des salariés... mais que de précautions prises pour d'autres partenaires ! Les salariés sont responsables, ils défendent leur outil de travail ! Ils le font parfois mieux que leur employeur, parti en Suisse... ou à la cloche de bois ! Le patriotisme d'entreprise existe, et il est inacceptable de laisser entendre que les salariés en seraient dénués.

Le sous-amendement 638, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 15, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Pour les raisons déjà évoquées, notamment de confidentialité, l'amendement 16 propose que le parquet ne soit pas systématiquement informé de la nomination du mandataire ad hoc.

M. le Garde des Sceaux - Avis favorable.

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 17 est rédactionnel : certaines professions libérales n'ayant pas d'autorité disciplinaire, il insère les mots « le cas échéant ».

M. le Garde des Sceaux - Avis favorable.

M. Alain Vidalies - Nous regrettons de n'avoir pas obtenu d'explication convaincante sur l'amendement précédent. On nous dit que la désignation du mandataire ad hoc ne doit pas s'accompagner systématiquement de l'information du parquet...

M. le Président de la commission des lois - C'est passé !

M. Alain Vidalies - ...au motif que, dans de nombreuses juridictions de petite taille, le parquet n'a pas les moyens de faire son travail. Tout de même !

M. le Président de la commission des lois - Ce n'est pas le motif !

M. Alain Vidalies - Je ne fais que lire l'exposé des motifs ! Vous proposez de supprimer le contrôle du parquet sur les procédures, au motif qu'il n'a pas le temps de s'en occuper, ou que le Garde des Sceaux ne leur en donne pas les moyens ! Je suis sûr que cette explication va gagner une notoriété bien méritée ! Je m'attends même à la voir utiliser devant les tribunaux, à propos d'autres procédures. Il serait vraiment souhaitable de trouver une autre explication à cette initiative singulière...

L'amendement 17, mis aux voix, est adopté.

L'article 5, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 5

M. Arnaud Montebourg - L'amendement 397 vise à rétablir la possibilité pour le juge, dans le cadre de la procédure de conciliation, de suspendre des poursuites. La suspension des poursuites est le moyen par lequel le tribunal peut figer la situation autour du débiteur qui demande discussion avec le créancier. Cette méthode, qui était prévue dans la loi de 1967, était très peu usitée, mais pourrait gagner un intérêt nouveau dans le cadre de la conciliation.

La procédure de conciliation fait se confronter le fort et le faible. Le juge, qui ne fera que ratifier passivement ce qui a été décidé entre eux, peut seulement octroyer des délais de paiement au débiteur. Il est privé de tout pouvoir coercitif à l'encontre des créanciers. Afin de rééquilibrer la négociation et de faire en sorte que les sacrifices soient équitablement répartis, nous proposons que le juge ait la possibilité de suspendre les poursuites.

M. le Rapporteur - Avis défavorable pour des raisons assez simples. La possibilité que nous avions donnée au président du tribunal, dans le texte sur le règlement amiable, d'ordonner la suspension provisoire des poursuites n'a jamais été utilisée. Dans la procédure de sauvegarde, qui signifie que l'entreprise n'est pas en état de cessation de paiement, elle n'a pas lieu d'être. Au demeurant, l'article 6 donne au président du tribunal la possibilité de protéger le débiteur en opposant aux créanciers les délais de l'article 1244-1 du code civil.

M. Alain Vidalies - Il s'agit de délais de grâce, c'est différent !

M. le Garde des Sceaux - J'avoue ne pas bien comprendre : cet amendement confond ou superpose la conciliation et la sauvegarde. Je ne saurais donc l'accepter, même si c'est peut-être un hommage.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ce que nous contestons, c'est que pendant la procédure de conciliation rien ne puisse arrêter les créanciers dans leurs poursuites. Nous souhaitons donner au président du tribunal, à la demande du conciliateur, la faculté d'interrompre celles-ci afin de conforter la démarche de conciliation.

M. Arnaud Montebourg - J'abonde dans le même sens : la suspension des poursuites est le moyen d'obliger les créanciers à accepter une négociation. Il n'est pas sérieux d'invoquer les délais de paiement prévus à l'article 1244 car la course entre les créanciers continue à dépouiller l'entreprise.

Si vous refusez la suspension des poursuites, c'est que vous ne voulez pas donner au débiteur les moyens de se défendre. Vous voulez donner le pouvoir aux créanciers, voilà la vérité ! C'est un choix politique que nous combattons.

M. le Rapporteur - Je ne peux pas laisser passer de telles énormités. Qui dit conciliation dit recherche d'un accord, par conséquent les créanciers n'exercent pas leurs poursuites !

L'amendement 397, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin jeudi 2 mars, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 25.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 3 MARS 2005

NEUF HEURES TRENTE : 1ERE SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 1596) de sauvegarde des entreprises.

Rapport (n° 2095) de M. Xavier de ROUX, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Avis (n° 2099) de M. Jérôme CHARTIER, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

QUINZE HEURES : 2EME SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3EME SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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