Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2004-2005)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 71ème jour de séance, 174ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 15 MARS 2005

PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY

vice-président

Sommaire

      PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ 2

      DROIT DE VIVRE DANS LA DIGNITÉ 2

      FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 18

      ERRATUM 18

      ANNEXE ORDRE DU JOUR 19

La séance est ouverte à neuf heures trente.

PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ

M. le Président - M. le Président de l'Assemblée nationale a reçu le 14 mars 2005 de M. le ministre de l'intérieur une communication faite en application de l'article LO 179 du code électoral l'informant que le 13 mars 2005, M. Nicolas Sarkozy a été élu député de la 6e circonscription des Hauts-de-Seine.

M. Alain Bocquet - Quelle surprise !

DROIT DE VIVRE DANS LA DIGNITÉ

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Au moment où reprennent les autorisations d'expulsions de logements, ma proposition de loi vient opportunément rappeler un problème intolérable en ce début de XXIe siècle, où une insolente richesse et les profits considérables de quelques-uns insultent une pauvreté et une détresse dont toutes les grandes associations indiquent qu'elles augmentent. Ce matin encore, on apprenait que le nombre de érémistes augmentait de 9%, que le pouvoir d'achat était en baisse et que le chômage dépassait la barre des 10%.

« Pauvreté : une bataille à recommencer » : titrait le journal Les Echos du 22 février dernier. Je suis, comme vous, élu de la nation, et j'ai honte ! Nous ne pouvons plus accepter que des citoyens soient réduits à la mendicité ou puissent, du jour au lendemain, être privés des moyens de se nourrir, de se loger, de se chauffer, de disposer de lumière ou d'eau courante.

C'est pourtant le terrible constat auquel nous sommes confrontés, malgré la mobilisation des associations. Et si les efforts consentis par le législateur sont réels, les faits nous en rappellent chaque jour l'insuffisance, en raison notamment de l'absence d'un authentique service public du logement.

Chacun d'entre nous pourrait reprendre à son compte l'appel lancé par l'abbé Pierre il y a cinquante ans, le 1er février 1954 : « Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l'avait expulsée ». Ayons le courage de reconnaître que de telles situations perdurent ! Dans la France d'aujourd'hui, des personnes meurent toujours de froid ou des suites d'un accident intervenu après une coupure d'électricité, comme à Castres, l'hiver dernier ou à Saint Denis, l'été dernier. En 2002, EDF a même coupé l'électricité à une personne, provoquant le décès de sa fille, sous assistance respiratoire.

Le droit au logement, le droit de disposer d'une fourniture en énergie ou en eau ne peuvent être opposés au droit de propriété, lequel justifierait les expulsions. D'abord parce que le préambule de la Constitution de 1946 reconnaît à toute personne le droit aux « conditions nécessaires à son développement », à sa « sécurité matérielle » ainsi qu'à « des moyens convenables d'existence ». Ensuite parce que le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce texte pour affirmer en 1995 que « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle », ajoutant même que « la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle ». Sa jurisprudence a amené le tribunal de grande instance de Paris, en mars 1995, à conclure que cet impératif « constitue un devoir de solidarité nationale qui mérite protection au même titre que le droit de propriété ».

Faut-il également rappeler que la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 dispose que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires » ?

Droit constitutionnel, le droit au logement et à une vie digne est donc aussi l'un des droits fondamentaux de l'homme auquel ne peut être opposé le droit de propriété. Notre devoir est de nous conformer à ces textes, car depuis vingt-cinq ans, tous les efforts du législateur n'ont pu arrêter le phénomène dégradant, humiliant et dangereux, des expulsions et des coupures d'eau et d'énergie, les 215 000 coupures d'électricité et les 17 000 coupures d'eau décidées chaque année. Et que penser des expulsions locatives, qui sont passées de 4 359 à 7 534 de 1998 à 2002, pour les seules expulsions effectuées par les forces de police ? En l'absence de statistiques précises, tout laisse d'ailleurs à penser que près de 10 000 contentieux locatifs aboutissent chaque année à une expulsion.

Certaines victimes seraient-elles de mauvaise foi, comme d'aucuns l'affirment ? C'est oublier qu'il est particulièrement disproportionné de prendre des mesures d'expulsion, au seul motif qu'une personne se serait rendue coupable de ne pas payer son loyer ou d'occuper sans titre le local qu'elle habite. De pareilles mesures sont inhumaines et ne règlent pas le problème de fond. Personne n'a le droit d'arguer de la notion de responsabilité pour justifier des mesures portant atteinte à la dignité de la personne, mais surtout, pourquoi utiliser l'argument uniquement contre les personnes défavorisées ?

Car la responsabilité est par nature incessible. Comment demander à autrui d'être responsable sans avoir préalablement pris soi-même toutes ses responsabilités ? La responsabilité des représentants de la nation est de mettre fin à des pratiques d'un autre temps, fondées sur un amoralisme juridique qui s'applique à faire triompher le droit du contrat au mépris du principe de solidarité et d'humanité. J'y insiste ! En cinq ans, les loyers ont augmenté de 9% dans le parc social, de 15% dans le parc privé, alors que l'aide au logement n'a crû que de 6%. Comment ne pas imaginer les dégâts causés par une telle situation ? Comment oublier les 200 000 familles dont on vient de supprimer l'APL ? Comment oublier que l'Etat paye avec de plus en plus de retard les subventions qu'il doit à l'Union sociale pour l'habitat et qu'il s'est totalement désengagé du FSL ? Rien d'étonnant à ce que les assistantes sociales s'adressent de plus en plus aux associations caritatives, le droit au logement se transformant en charité pour le logement !

Le devoir de solidarité nationale ne saurait se réduire pour l'Etat à un droit du préfet d'accorder l'aide de la police pour expulser ! C'est pourquoi notre proposition vise à aller droit au but, en proclamant l'interdiction pure et simple des expulsions locatives et des coupures de fourniture d'eau ou d'énergie. Il s'agit de mesures de protection, qui ne visent pas à donner quitus aux mauvais payeurs, ni à dissuader les bailleurs de louer leurs biens, mais à donner aux personnes en difficulté, comme aux bailleurs et aux fournisseurs, la garantie que les droits de chacun seront respectés. Voilà pourquoi nous voulons retenir un principe d'alerte et de saisine d'une commission départementale intervenant dès le deuxième loyer ou la deuxième échéance impayés, sur la demande du créancier, sans le recours à une procédure contentieuse.

D'ailleurs, les procédures d'expulsion ont un coût exorbitant par rapport aux dettes en jeu. Selon l'Union sociale pour l'habitat, le coût des impayés de loyers représentait entre 115 et 120 millions d'euros en 2001 et 135 millions d'euros en 2004, soit le double des crédits engagés par le Fonds de solidarité pour le logement. De surcroît, si l'on ajoute le coût administratif de la procédure judiciaire, celui du relogement des personnes expulsées et de la procédure précontentieuse, le total peut être estimé à plus de 200 millions d'euros.

Au regard de ces chiffres, on voit tout le profit humain mais aussi économique que l'on pourrait tirer de l'adoption de notre proposition de loi.

A titre préventif, nous souhaitons que la tarification sociale en matière d'électricité soit étendue à l'ensemble des foyers non assujettis à l'impôt sur le revenu. De même, les mesures proposées relatives au « reste à vivre », c'est-à-dire à la part insaisissable des revenus, viennent garantir des revenus décents aux familles. En effet, bien que la plupart des commissions de surendettement aillent au-delà du plancher légal, la détermination de cette part reste aléatoire et insuffisante car le nombre de personnes à charge et le montant des prestations sociales ne sont pas pris en compte.

Pour toutes ces raisons, il est utile que nous examinions ce texte aujourd'hui. Certes, il ne couvre pas tout le champ de la détresse sociale. Néanmoins, lorsqu'il est question de la dignité, de la simple survie des personnes, nous ne saurions nous contenter d'insuffisances évidentes et de formulations imprécises. Il en va d'une certaine idée de la solidarité, de la France et de l'action politique.

Un curé de mon département a écrit dans un journal paroissial : « Qui mettra un peu d'humanité dans ce monde ? ». Espérons que nous serons là pour lui répondre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Monsieur Sandrier, vous n'avez pas rappelé, en tant que rapporteur, que la commission des affaires économiques a voté contre le passage à l'examen des articles.

Votre proposition de loi est incontestablement pétrie de bonnes intentions. Personne ne peut rester insensible à l'émotion qui se dégage de la description que vous faites des cas rencontrés.

Mme Catherine Génisson - Nous ne sommes pas dans le domaine de l'émotion !

M. le Président de la commission - Nous devons trouver des solutions, tant que faire se peut, à ces situations de détresse. Monsieur Sandrier, je vous remercie d'avoir rendu hommage à l'action de la majorité et du Gouvernement en matière de lutte contre l'exclusion, puisque vous avez reconnu les efforts faits (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Nous partageons un même constat mais la solution proposée ne nous semble pas opérationnelle. L'article premier, trop radical, est contraire au droit de propriété garanti par la Constitution (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). La mesure que vous proposez serait contre-productive, car elle inciterait les propriétaires à ne plus proposer à la location leurs biens immobiliers.

Quant au Fonds de solidarité pour le logement, vous êtes de ceux qui l'ont mis en place.

Plusieurs députés communistes et républicains - Vous réduisez son enveloppe budgétaire !

M. le Président de la commission - Le fonds met déjà 50 millions d'euros au pot pour l'accès à l'électricité, et 70 millions pour le logement. Mme la ministre rappellera les mesures prises en accord avec M. Borloo relatives aux 500 000 logements sociaux et aux commissions de surendettement.

La commission votera donc contre le passage à l'examen des articles mais se réjouit du dépôt de cette proposition de loi qui permet d'approfondir le débat. Nous aurons l'occasion d'en rediscuter d'ici l'été lors de la présentation du projet de loi « Habitat pour tous ». Monsieur Sandrier, nous comptons sur votre présence.

Mme Muguette Jacquaint - M. Sandrier n'a pas été expulsé !

Mme Catherine Génisson - Monsieur Ollier, vous versez dans la sensiblerie !

M. Alain Bocquet - Aujourd'hui 15 mars, date fatidique pour de nombreuses familles populaires, jour d'angoisse, de détresse et de souffrance où les huissiers, accompagnés de la force publique, appliquent froidement cette mesure inhumaine et moyenâgeuse : l'expulsion.

Cent mille foyers sont concernés chaque année et 23 000 expulsions ont été décidées en 2004. Quelle honte dans une des économies les plus riches du monde, dans une France qui se dit moderne et a inscrit à son fronton « Liberté, Egalité, Fraternité » !

Cette proposition de loi vise à assurer à tous nos concitoyens le droit de vivre dans la dignité. La nation a un devoir impérieux de solidarité envers tous ses ressortissants.

Sous les coups de votre politique au service du capital financier, la fracture sociale ne fait que s'approfondir. UMP signifie plus que jamais Union pour une Minorité de Privilégiés ! Aujourd'hui, 3,5 millions de personnes dont 1 million d'enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Le nombre d'allocataires du RMI - 1,3 million - a progressé de 10% en un an. Le chômage dépasse les 10%. 65% des jeunes de moins de 25 ans et 50% des femmes inscrits au chômage ne touchent aucune indemnité.

Le pouvoir d'achat des fonctionnaires a reculé de 5% en cinq ans. Et si 5% des salariés étaient rémunérés au SMIC en 1975, ils sont 14% en 2004. Pis encore, en 2002, 17% des salariés gagnaient un salaire inférieur au SMIC. Le montant moyen d'une pension de retraite est de 848 euros pour une femme. Vous avez refusé de porter l'allocation adulte handicapé au niveau du SMIC. Le RMI pour une personne isolée était au 1er janvier de 425,40 euros et pour un couple de 638,10 euros. Du fait d'une si grande précarité, le surendettement a progressé de 22% depuis 2002.

Chaque mois, beaucoup sont placés devant le choix cornélien de payer leur loyer dont le coût a augmenté de 5% en 2004, leur électricité, leur gaz, leur nourriture, les études de leurs enfants ou les dépenses de santé. D'après l'INSEE, entre 1998 et 2004, la part consacrée par les ménages au loyer a augmenté de 12,3% ; à l'eau, de 14,1% ; au gaz, de 18,6% ; au médecin, de 15,4%.

En revanche, la presse étale l'opulence des dirigeants d'entreprises. Jean-René Fourtou, président de Vivendi Universal, bénéficie d'un modeste salaire annuel de 2,2 millions d'euros, plus un million de titres en 2002 et un autre en 2003 dégageant une plus-value 2004 estimée à 20 millions d'euros. Bernard Charlès, directeur général de Dassault Systèmes, gagne lui plus de 21 millions d'euros par an.

M. Jacques Desallangre - Il doit avoir un gros loyer ! (Sourires)

M. Alain Bocquet - La France compte aujourd'hui six millions de personnes mal logées, dont trois millions sont confrontées à l'insalubrité, au surpeuplement et à la promiscuité, sans oublier les 86 500 sans domicile fixe. Il est donc urgent d'instaurer un véritable service public du logement et, plus largement, de changer de politique afin de permettre à tous les Français de vivre dignement : notre pays est riche mais, hélas, toutes les richesses sont concentrées dans les mains d'un petit nombre. Les entreprises du CAC 40 ont ainsi distribué l'an dernier 17 milliards de dividendes à leurs actionnaires dont la moitié sont des fonds de pension étrangers. L'entreprise Total vient de pulvériser le record du plus gros bénéfice de France avec 9 milliards d'euros ; dans le même temps, la productivité du travail a augmenté de 1,8% en 2004 tandis que les salaires, eux, ont stagné.

Mme Catherine Génisson - On presse les citrons.

M. Alain Bocquet - Face à une telle confiscation des richesses, on comprend que la colère gronde et que le mouvement social contraigne le Gouvernement à reculer. Notre proposition s'inscrit dans cette lutte contre vos choix, qui sont ceux du MEDEF. Nous soutenons ainsi une revalorisation générale du pouvoir d'achat et du SMIC afin que celui-ci soit porté à 1 400 euros mensuels pour 35 heures hebdomadaires ce qui favorisera une croissance durable créatrice d'activité et d'emplois. Les Français n'adhèrent plus aux vieilles antiennes sur « les profits d'aujourd'hui qui feront les emplois de demain », pas plus qu'ils n'adhèrent à l'idée que l'inscription d'une Charte des droits fondamentaux au cœur d'un projet ultra libéral de Constitution européenne pourra répondre aux reculs sociaux. Nos concitoyens, en effet, perçoivent mieux l'impasse sociale d'une Europe qui a versé 199 milliards de dividendes aux actionnariats boursiers mais qui compte 65 millions de pauvres et refuse aux associations caritatives la réouverture, au-delà de 2005, des frigos européens de stocks alimentaires.

Notre proposition vise d'abord à dépasser les limites de la loi de juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions en prévoyant une exception à la compétence du juge lorsqu'une expulsion locative est poursuivie exclusivement pour défaut de paiement du loyer et des charges. Nous proposons que, dans ce cas de figure, le bailleur du logement ait l'obligation de saisir une commission départementale chargée de statuer sur ces dossiers ainsi que sur la solvabilité du débiteur.

700 000 foyers ont été privés d'électricité en raison d'impayés.

M. François Liberti - Que fait M. Borloo ?

Mme Odile Saugues - Des annonces !

M. Alain Bocquet - En Nord-Pas-de-Calais, la seule agence EDF de Douai a procédé à 4 000 coupures partielles d'électricité en 2004 alors qu'à deux pas de la frontière, en Belgique, des patrons français installent leur résidence principale pour échapper au fisc et que leurs habitations disposent de systèmes sophistiqués qui font couler l'eau chaque jour, allument les lumières, lèvent les volets pour justifier de factures de consommation en cas de contrôles.

M. François Liberti - Eh oui !

M. Alain Bocquet - Voilà comment trichent les plus riches.

M. François Liberti - C'est la cohésion sociale telle qu'entendue par le Gouvernement.

M. Alain Bocquet - Votre gouvernement tolère ces pratiques alors que des actions en justice sont intentées contre des maires qui prennent des arrêtés interdisant les coupures d'électricité. Je suis d'ailleurs de leur nombre, poursuivi par l'Etat et EDF en cours de privatisation : quel symbole !

M. le Président de la commission - Un maire ne peut pas prendre de décisions illégales.

M. Alain Bocquet - Mais nous ne renoncerons pas à prendre des arrêtés que vous prétendez illégaux et que nous proclamons légitimes au nom du respect de la dignité et de la solidarité humaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) L'énergie, l'électricité et le gaz sont des produits de première nécessité, indispensables à la garantie des droits fondamentaux de la personne. Il faut donc que les services publics de l'énergie concourent à la cohésion sociale en permettant la distribution universelle de ces biens.

M. le Président de la commission - Pourquoi n'avez-vous donc rien fait pendant cinq ans ?

M. Alain Bocquet - Parce que nous étions minoritaires au gouvernement et au Parlement.

M. le Président de la commission - Vous auriez pu vous opposer, quitter la majorité.

M. Alain Bocquet - Probablement.

Nous proposons que le fournisseur soit tenu de saisir à compter de deux mois la commission départementale de solidarité, mais il convient également que sa responsabilité pénale soit engagée s'il décide de couper l'énergie fournie. Enfin, nous proposons l'extension de la tarification sociale en matière d'électricité à toutes les personnes non assujetties à l'impôt sur le revenu, et des mesures comparables pour le gaz et l'eau.

La définition du « reste à vivre » devrait quant à elle tenir compte des personnes à charge. Sur ce point, nos propositions contribueraient à gommer les différences qui existent d'une commission de surendettement à une autre dans la détermination de ce revenu.

Tel est le sens de notre proposition de loi. Nous regrettons que la commission, sous la houlette de M. Ollier, ait refusé de passer à la discussion des articles, ce qui montre combien la majorité craint de franchir une étape législative qui serait pourtant ô combien utile. Cette proposition témoigne, elle, d'une véritable volonté de cohésion sociale et tend à soutenir les Français blessés par la prédominance des lois du marché et la recherche exclusive du profit. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Alain Cousin - Le groupe UMP est sensible aux situations difficiles auxquelles nos concitoyens peuvent être confrontés...

M. François Liberti - Il suffit de voir combien vous êtes nombreux !

M. Alain Cousin - ...et nous partageons l'objectif poursuivi par cette proposition. Si les Français ont effectivement le droit de vivre dans la dignité, nous considérons en revanche que les mesures proposées dans ce texte sont démagogiques et ne régleront en aucune façon les problèmes d'expulsions locatives ou de coupures d'eau, d'électricité et de gaz.

Alors que vous avez bénéficié d'une période de croissance exceptionnelle entre 1997 et 2002, vous n'avez pas su faire reculer les exclusions , bien au contraire.

M. le Président de la commission - Ecoutez, Monsieur Bocquet !

M. Alain Cousin - Le problème ne date donc pas d'hier.

Mme Catherine Génisson - Ce n'est pas une excuse.

M. Alain Cousin - Les mesures mises en place par le gouvernement de Lionel Jospin, soutenues à l'époque par les communistes, n'ont pas eu les résultats escomptés comme le démontre le rapport 2003-2004 de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale.

Depuis 2002, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin n'est pas resté inactif. Nous nous sommes attachés à apporter des réponses concrètes aux problèmes de précarité : la loi du 1er août 2003 de programmation pour la ville et le renouvellement urbain a institué la procédure du rétablissement personnel, la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a modifié les modalités du calcul du « reste à vivre », la loi du 13 août 2004 relative aux responsabilités locales a étendu le champ d'application des Fonds de solidarité pour le logement - placés désormais sous l'autorité des départements - aux impayés d'eau et d'énergie, enfin, le décret du 8 avril 2004 a instauré la tarification sociale de l'électricité. Nous poursuivons notre réflexion et notre action puisque le projet de loi « Habitat pour tous » comportera les dispositions visant à renforcer le droit au logement des personnes démunies. En outre, des mesures réglementaires, annoncées par M. Devedjian, renforceront prochainement le dispositif d'aide sociale en matière d'électricité pour prévenir les coupures d'énergie.

Le comité interministériel de lutte contre l'exclusion du 6 juillet 2004 a fait de la prévention une priorité gouvernementale. A ce titre, nous avons voté, dans le cadre de la loi de programmation de cohésion sociale, le maintien de l'aide personnalisée au logement en cas de signature d'un protocole d'accord entre l'occupant de bonne foi d'un logement HLM, dont le bail a été résilié, et le bailleur, concernant l'apurement des dettes de loyer et de charges. Un accompagnement social des familles est également prévu. Ces mesures pérennisent le dispositif mis en œuvre par la circulaire du 13 mai 2004 relative à la prévention des expulsions dans le parc social.

S'agissant de l'application d'un système de garantie des risques locatifs dans le parc privé conventionné qui a été évoqué lors de la discussion de la loi de programmation de cohésion sociale, pouvez-vous nous indiquer, Madame la ministre, quel est l'avancement de la réflexion du Gouvernement et des acteurs concernés ?

L'interdiction des expulsions préconisée par le groupe communiste risque d'avoir des effets désastreux sur l'offre de logement, en particulier dans le parc privé, alors que nous avons besoin de la participation active de l'ensemble des acteurs pour lutter contre la pénurie de logements. Nous avons tous reçu des petits commerçants qui ont travaillé dur pendant des années, qui ont économisé pour acheter une maison ou un appartement occupé par des locataires indélicats.

M. François Liberti - C'est aujourd'hui qu'ils sont pénalisés par les impayés !

M. Alain Cousin - Il faut respecter leur travail.

Ce que vous proposez n'est pas de nature à encourager les petits épargnants à se constituer un complément de retraite en achetant un logement.

M. François Liberti - Quelle hypocrisie !

M. Alain Cousin - D'autre part, cette disposition est-elle constitutionnelle ? Elle remet en cause le droit de propriété, sanctionné par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789.

S'agissant des coupures d'électricité, votre proposition s'inscrit dans la même logique que celle du groupe socialiste relative à la couverture énergétique universelle. EDF, GDF et les pouvoirs publics ont toujours considéré que la coupure n'était que la dernière étape d'un processus de concertation. EDF a créé en 1994 un service de maintien de l'énergie offrant une fourniture minimale de 3 000 watts, pour laisser au client le temps de régulariser sa situation. En 2003, 195 000 « SME » ont été accordés. Ensuite un service de 1 000 watts peut encore éviter la coupure immédiate.

M. François Liberti - Ce ne sont pas des clients, mais des usagers !

M. Alain Cousin - Par ailleurs, depuis 1999 EDF s'est engagée à ne pas couper l'électricité sans avoir cherché un contact direct avec le client, j'insiste sur ce terme. Enfin, dans chaque centre EDF des interlocuteurs « solidarité énergie » ont été mis en place. Grâce à ces mesures, le nombre de coupures pour impayés est passé de 670 000 en 1993 à 189 000 en 2004.

Les personnes en difficulté peuvent aussi s'adresser au Fonds de solidarité pour le logement. Le Fonds de solidarité énergie, désormais intégré au FSL, a attribué 45 millions d'aides en 2003. Les conseils généraux, les fournisseurs d'eau, d'énergie et de téléphone participent au financement de ces fonds - EDF l'a fait à hauteur de 20 millions en 2004.

Le Gouvernement a mis en œuvre en 2004 le tarif social de l'électricité, prévu par la loi de modernisation du service public de l'électricité du 10 février 2000. 1 600 000 familles en bénéficient. Lorsque leurs revenus sont inférieurs à 5 520 euros, leur facture est réduite de 30% à 50% et le coût de l'abonnement l'est également en fonction de la composition de la famille. M. Devedjian a mis en place en décembre 2004 un groupe de travail chargé de proposer des améliorations de l'aide sociale pour l'accès à l'énergie, auquel participaient notamment les représentants de la commune de Saint-Denis. Ses réflexions vont donner lieu à la publication de deux décrets.

Le premier améliorera l'information des clients en difficulté et des services sociaux, auxquels on pourra désormais communiquer l'identité des personnes faisant l'objet d'une coupure. Le groupe UMP est particulièrement favorable à une telle évolution, qui permettra d'éviter la répétition d'événements tragiques. Le second décret portera sur la tarification des services de fourniture d'électricité. Pouvez-vous nous préciser, Madame la ministre, dans quels délais ils seront publiés ?

D'autre part, la majorité UMP a récemment amélioré le dispositif de calcul du « reste à vivre » en y intégrant, dans la limite d'un plafond, les dépenses de logement, de nourriture et de scolarité, et en donnant priorité aux créances locatives sur les créances bancaires, pour écarter le risque d'expulsion pour impayés.

Nous disposons donc déjà d'un arsenal de mesures de prévention en faveur des personnes en grande difficulté, certes, mais aussi de bonne foi.

Alors que le groupe communiste propose un dispositif d'assistanat... (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Marie-George Buffet - C'est honteux !

M. Alain Cousin - ...nous considérons qu'une politique cohérente d'aide aux plus démunis consiste à favoriser l'emploi, et que c'est la responsabilité qui permet à chacun de trouver sa place dans la dignité.

Mme Marie-George Buffet - Alors, il ne faut pas licencier !

M. Alain Cousin - C'est la politique suivie par le Gouvernement avec la revalorisation des bas salaires, la mobilisation en faveur du logement social, le développement du microcrédit. Le groupe UMP la soutient et ne votera pas cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Odile Saugues - Cinquante ans après son cri de révolte de l'hiver 1954, l'abbé Pierre use ses dernières forces à essayer de convaincre que notre société laisse de côté les plus pauvres de ses frères. Les responsables politiques devraient avoir l'humilité d'en tirer les conséquences.

Le droit au logement est inscrit dans la loi Besson de 1990, mais n'est pas opposable dans notre Constitution. Malgré quelques tentatives, il n'a jamais été mis en œuvre. Pourtant, chaque année le Droit au logement, la Fondation Abbé Pierre, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, le Conseil national de l'habitat et d'autres nous livrent des rapports alarmants. Chaque année, c'est la même litanie sur les carences déjà connues, les économies mesquines et les gels de crédit, car le budget du logement est celui qu'on utilise en silence comme variable d'ajustement.

Parmi les mesquineries gouvernementales, citons le passage de 15 à 24 euros du seuil de versement des aides personnalisées au logement. Pour 115 000 familles, c'est un manque à gagner qui peut atteindre 280 euros par an, ce qui n'est pas négligeable. Nous avons été nombreux à stigmatiser cette attitude scandaleuse, et l'association des familles en Europe a jugé que « le Gouvernement organise avec minutie le dépouillement des familles ».

Les aides à la personne ne rendent pas réellement les ménages solvables et le mois de carence pour l'ouverture des droits peut conduire les plus fragiles à l'endettement. Quant au forfait charges, il ne couvre que la moitié des charges effectives d'une location en HLM et le dernier hiver a été dur pour les ménages. Surtout, les loyers restent indexés sur l'indice du coût de la construction, alors que l'APL l'est sur l'indice du coût de la vie !

Selon l'INSEE, le taux d'effort net, c'est-à-dire le rapport entre d'une part le loyer moins les charges et d'autre part les revenus, a augmenté de plus de trois points depuis quatre ans, surtout dans le secteur privé.

De surcroît, le dispositif de Robien consent aux investisseurs des avantages fiscaux sans contrepartie. C'est insupportable, et le groupe socialiste comme la fondation abbé Pierre ont dénoncé cette mesure dont les conséquences sont néfastes sur l'évolution des loyers.

Aussi, Madame la ministre, vos annonces médiatiques apparaissent-elles comme des médications de charlatan.

M. le Président de la commission - C'est excessif !

Mme Odile Saugues - Rééditer les « chalandonnettes » ne remédiera pas au mal-logement. Nous ne pouvons admettre que de plus en plus de locataires de bonne foi, victimes des aléas de la vie, soient expulsés.

Il faut donc définir un droit au logement opposable, et en tant que présidente du Conseil national de l'habitat, j'avais présenté à Mme Lienemann le 31 janvier 2002 un rapport sur la couverture logement universelle. Pour nous, le droit au logement, c'est la possibilité pour tous d'accéder à un logement adapté à la composition de la famille. Cela nécessite une diversité de l'offre, pour tous les types de population, en fonction de leur parcours social - par exemple pour les personnes qui sortent d'un hébergement d'urgence. Or, malgré les efforts des associations et de certains bailleurs sociaux, nous n'avons pas de réponse à ce problème et trop de familles sont logées dans les hôtels quelquefois sordides et coûteux. Un autre problème est qu'on demande un dépôt de garantie théoriquement de deux mois de loyer, mais souvent d'une année, un garant et le règlement d'avance du loyer dans le parc privé, alors que l'APL n'est versée qu'avec un mois de décalage.

Après un tel parcours du combattant, il faudra que le locataire ne connaisse pas de difficultés familiales ou professionnelles pour se maintenir dans les lieux. Or le chômage et les contrats précaires ne favorisent pas les parcours stables. La maladie peut également survenir. Par ailleurs, en cas de séparation, il faut trouver un logement qui permette l'accueil des enfants à tour de rôle, et ce avec moins de revenus et alors que les aides personnalisées au logement ne sont versées qu'à l'un des deux parents.

Le Fonds de solidarité logement, qui était utilisé à aider l'entrée dans le logement des plus démunis et à leur permettre d'y demeurer en cas de difficulté de courte durée, ne pourra plus jouer son rôle, la décentralisation l'ayant mis à la charge totale des départements, déjà bien en peine de faire face aux nombreuses situations de détresse.

La couverture logement universelle n'était pas un dispositif unique, mais une somme de mesures apportant plus de cohésion entre les différents mécanismes existants. Sa partie la plus novatrice consistait en une réforme de la loi de 1989 sur les rapports locatifs et à remplacer le dépôt de garantie, si contraignant, par un fonds de garantie financé notamment par le 1% logement. L'objectif était d'avoir une garantie couvrant à la fois les locataires et les propriétaires bailleurs, en protégeant ces derniers contre les risques d'impayés.

Si la couverture logement universelle avait été adoptée, nous ne serions pas confrontés au problème récurrent des expulsions pour impayés de loyers. Fruit d'une réflexion menée avec tous les acteurs du logement - institutionnels, syndicaux, caritatifs -, cette proposition fut caricaturée et accusée de conduire à une déresponsabilisation des locataires. Son coût était évalué en janvier 2002 à 76 millions d'euros, soit à peu près ce que la droite nouvellement aux commandes s'empressa d'enlever à son premier budget du logement, en rognant sur les aides personnalisées au logement. Et bien entendu, la droite mit immédiatement sous le boisseau la couverture logement universelle.

Ce qui manque à votre politique du logement, ce n'est pas telle ou telle somme, c'est la volonté politique de donner à chacun un droit imprescriptible, celui de vivre tout au long de sa vie dans un logement digne.

Pour empêcher que chaque mois de mars voie arriver son lot d'expulsions - il en est prévu 12 000 supplémentaires cette année - et pour concrétiser ce droit, il faut autre chose que des mesures annoncées à gros roulements de tambour mais non financées, comme celles auxquelles vous nous avez habitués ces trois dernières années. Et ce n'est pas en faisant miroiter à chaque Français le rêve de devenir facilement propriétaire que vous résoudrez les problèmes du mal-logement et de l'expulsion.

De même que la France a su se doter d'une sécurité sociale qui couvre, sur le plan de la santé, tous les citoyens, il nous faut construire une sécurité logement universelle qui assure à chacun la reconnaissance du droit au logement. (Applaudissements bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Philippe Folliot - Depuis que nos lointains ancêtres ont quitté les arbres pour se réfugier dans des grottes, le logement a toujours été une préoccupation essentielle de l'homme. Qui pourrait dans ces conditions se déclarer contre le « droit de vivre dans la dignité » ? A l'évidence, personne. Reste à voir ensemble comment concrétiser ce droit pour tous nos concitoyens, en particulier ceux qui sont en difficulté. J'ai à cet instant une pensée émue pour une dame de Castres qui, il y a quelques semaines, a péri carbonisée dans son logement. Qu'il existe encore, malgré tous les efforts collectifs, malgré le travail des services sociaux, de telles situations de précarité ou d'isolement doit tous nous interpeller.

Mme Muguette Jacquaint - Ces situations vous étonnent ?

M. Gilbert Biessy - C'est votre politique qui conduit à cela !

M. Philippe Folliot - Je n'ai pas interrompu l'orateur de votre groupe.

Aux mesures générales qui sont proposées aujourd'hui, le groupe UDF préfèrerait des dispositifs qui tiennent compte de la diversité des situations sociales. Sans revenir sur le caractère peut-être inconstitutionnel de l'article premier de la présente proposition de loi, j'attire l'attention sur les possibles effets pervers qu'elle pourrait avoir sur les bailleurs privés, qui ne sont pas tous des grands groupes contrôlés par des capitaux anonymes ou des fonds de pensions avides de profits. Les bailleurs privés, ce sont aussi des personnes modestes qui ont économisé et investi dans l'immobilier locatif pour préparer leur retraite. Veillons donc à ce que le remède ne soit pas pire que le mal... (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Liberti - Les expulsions, un remède ?

M. Philippe Folliot - ...et à ne pas décourager les petits bailleurs privés. Notre objectif commun doit être de soutenir l'offre de logements. A cet effet, le groupe UDF avait proposé que la DGF des communes faisant un effort pour développer le parc locatif social soit majorée. Il faut aussi relancer l'accession sociale à la propriété. Nous devons par ailleurs nous demander si nous n'avons pas trop privilégié les aides à la personne au détriment de l'aide à la pierre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

En ce qui concerne les expulsions, il ne faut pas mettre tous les cas de figure sur le même plan. En tant qu'ancien gestionnaire HLM, je sais qu'il y a parfois des expulsions légitimes, compte tenu du comportement asocial de certains locataires. Le texte qui nous est proposé aujourd'hui ne permettrait pas de répondre à ce type de situation.

M. André Gerin - Les gens ne sont pas des paquets jetables !

M. Philippe Folliot - Et puis l'on risque de déresponsabiliser les individus, car n'oublions pas que nombre de familles modestes font des efforts pour payer leur loyer, et que le surendettement n'est pas forcément lié aux revenus.

M. André Gerin - Vous parlez de Neuilly et de Paris XVIe !

M. Philippe Folliot - S'agissant du droit à l'énergie...

M. André Gerin - Vous ne connaissez pas la réalité, c'est une honte !

M. Pierre Cardo - Mais c'est incroyable de s'emporter ainsi !

M. Philippe Folliot - ...il existe des dispositifs qui méritent d'être renforcés et adaptés, et peut-être serait-ce le moment de revenir sur l'une de nos propositions qui tendait à mettre à contribution une partie des fonds du CCAS d'EDF pour venir en aide aux familles défavorisées.

Quant aux dispositions relatives au « reste à vivre », elles vont dans le bon sens, et certains éléments pourraient être repris dans le cadre d'une prochaine discussion, laquelle pourrait aussi être l'occasion de revenir sur votre décision de ne plus verser les APL inférieures à 24 euros.

Ce texte pose une bonne question, mais n'apporte pas une bonne réponse.

M. André Gerin - Vive les privilégiés !

Mme Catherine Génisson - Nous avons aujourd'hui l'opportunité de défendre ce que l'homme a de plus inattaquable, ce qui lui reste lorsque les aléas de la vie ont tout détruit : sa dignité.

On ne peut pas vivre dignement sans un minimum de bien-être ; on ne peut pas vivre dignement quand tout espoir est perdu.

La précarité ne cesse d'augmenter. En 2004, plus de 9% de nos concitoyens vivaient avec le revenu minimum d'insertion, soit plus d'un million et demi de personnes. Aujourd'hui, 3 400 000 personnes, dont 80% de femmes, sont en dessous du seuil de pauvreté alors qu'elles travaillent. 22 500 femmes qui ont un emploi sont sans domicile fixe, de même que 16 000 enfants.

Permettez-moi de m'attacher plus particulièrement à la fourniture d'énergie. Depuis le passage de la majorité de leur capital dans le privé, EDF et GDF ont durci leur politique et multiplié les coupures d'énergie. Privées de courant, des familles démunies recourent à des méthodes dangereuses de remplacement, conduisant parfois à des drames. Je rappellerai avec pudeur la situation de cette jeune enfant, découverte en hypothermie par sa maîtresse, parce qu'il n'y avait plus ni électricité, ni gaz chez elle.

Le préambule de la Constitution de 1946 dispose que « la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » et que « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler, a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. » Les services publics de l'électricité et du gaz doivent garantir l'accès de tous à ces produits de première nécessité, et l'Etat doit assurer la continuité de ce service public.

Dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord, particulièrement touchés par le chômage, de nombreuses communes ont pris des arrêtés pour interdire les coupures d'énergie. Jean-Pierre Kucheida, maire de Liévin, a pris de tels arrêtés, et est à l'initiative d'une proposition de loi tendant à instaurer une couverture énergétique universelle pour les personnes en difficulté.

M. le Président de la commission - Qu'avez-vous fait lorsque vous étiez au Gouvernement ?

Mme Catherine Génisson - Cela fait trois ans que vous êtes aux affaires ! De notre côté, nous avons fait voter la loi de lutte contre les exclusions qui a porté ses fruits !

M. le Président de la commission - Vous n'avez pas été capables de faire quoi que ce soit, et vous voudriez que l'on fasse des miracles !

Mme Catherine Génisson - Les coupures d'électricité et de gaz doivent être interdites dès lors qu'elles sanctionnent des personnes démunies. Notre groupe interviendra d'ailleurs sur ce sujet la semaine prochaine, lors de l'examen de la loi d'orientation sur l'énergie, si cette proposition n'est pas acceptée.

Pour toutes ces raisons, je soutiens ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Hélène Mignon - Cet hiver, les Français ont été sensibilisés aux risques courus par les personnes qui vivent dehors, mais si l'urgence peut se comprendre une année, elle devient difficile à expliquer lorsqu'elle se répète au fil des ans.

Sollicités par nombre d'associations caritatives, et en particulier les Restos du cœur, nous leur avons, vous comme moi, sans doute, répondu. Mais est-ce ainsi que l'on peut répondre à l'attente de nos concitoyens les plus démunis ? Aujourd'hui, les médias se font l'écho de la reprise des expulsions, mais ils ne se soucient pas de la souffrance quotidienne de ceux qui ne peuvent se chauffer, s'éclairer, qui n'ont pas droit à une vie décente.

La précarité augmente, c'est un fait. Le nombre d'allocataires du RMI grandit, les CDD, surtout chez les femmes, ne permettent pas de vivre décemment. Tout s'aggrave.

Combien de jeunes couples, même avec un salaire, n'ont pas accès au logement ? Et rester vivre chez leurs parents n'est pas la solution.

C'est vrai, il y a des mauvais payeurs, mais combien sont-ils par rapport à tous ceux qui ne peuvent pas payer ? (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Comment chercher un emploi quand on n'a pas de logement ? Comment faire suivre un cursus scolaire normal à ses enfants quand on doit fréquemment déménager, lorsqu'on s'entasse dans un petit logement ou que les conditions de vie sont indécentes ?

Le problème du logement est crucial, et je regrette que nous ne soyons pas allés plus loin lors de l'examen de la loi de cohésion sociale. Nous devons rendre effectifs les droits fondamentaux fondés sur la dignité de chacun. ATD Quart-Monde le dit, nous ne devons pas accepter pour d'autres ce que nous refuserions pour nous-mêmes. Qui accepterait de ne plus avoir de toit, de devoir chaque hiver recourir aux distributions alimentaires, de voir ses enfants sortir de l'école sans maîtriser les savoirs de base ? Chaque citoyen doit pouvoir se loger et toucher un salaire décent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

La discussion générale est close.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion - Je vous ai tous écoutés avec beaucoup d'attention. Nul ne peut demeurer insensible à la précarité et à la détresse de nos concitoyens les plus démunis. Mais sur un sujet aussi douloureux, nous avons tous un devoir d'humilité, et n'avons surtout pas le droit de céder à la démagogie et la surenchère. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Ce gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, a fait de la restauration de la cohésion sociale un objectif prioritaire (Mêmes mouvements) et ne peut donc qu'approuver les principes et les objectifs de cette proposition de loi.

M. Patrick Roy - Il ne suffit pas de les approuver, il faut les mettre en œuvre.

Mme la Ministre déléguée - Je ne vous ai pas interrompus, vous écoutant tous avec grande attention. Ce serait une marque de correction de votre part que de ne pas m'interrompre non plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Restaurer l'autonomie et la dignité des personnes en difficulté en trouvant un juste équilibre entre protection et responsabilité, tel est l'objectif du Gouvernement depuis 2002. Face aux situations sociales douloureuses visées par cette proposition de loi, il n'a pas attendu pour agir. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Ainsi la loi de programmation pour la ville et le renouvellement urbain du 1er août 2003 a-t-elle instauré une procédure de rétablissement personnel -avancée que tous souhaitaient. Un décret relatif au tarif social d'électricité, publié le 8 avril 2004, a bénéficié à 1,6 millions de ménages. La loi de décentralisation du 13 août 2004 a renforcé le dispositif départemental d'aide aux impayés d'énergie et d'eau en prenant en compte les situations d'urgence. La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 modifie les modalités de calcul du reste à vivre pour les ménages surendettés. De plus, je le rappelle à Mme Saugues, l'article 86 de cette loi, comme je l'avais personnellement souhaité, donne une priorité d'accès à un logement social aux personnes hébergées en CHRS.

Mme Odile Saugues - Nous en reparlerons.

Mme la Ministre déléguée - Un décret visant à prévenir les coupures de gaz et d'électricité doit paraître prochainement. Je m'étais engagée personnellement devant votre Assemblée à intervenir auprès d'EDF afin que les personnes en grande difficulté n'aient pas à souffrir en plus du froid dans ces périodes difficiles.

M. Bocquet a évoqué la question du SMIC. Ce gouvernement, en réunifiant les différents SMIC, a permis à un million de salariés d'être augmentés de plus de 11% contre 0,29%, de coup de pouce en coup de pouce, de 1999 à 2002.

Le rapporteur, dont j'ai apprécié la qualité et le ton modéré du propos, tant la situation des plus démunis ne saurait faire l'objet de polémique, a d'ailleurs lui-même reconnu ces « efforts législatifs ».

Pour ce qui est des expulsions locatives, je suis, comme vous tous, préoccupée par la situation des familles qui risquent d'être expulsées à la fin de l'hiver. Mais veillons à ne pas nous tromper de réponse à force de surenchère ! L'interdiction pure et simple des expulsions risquerait d'être frappée d'inconstitutionnalité, au motif qu'elle porte atteinte au droit de propriété.

M. André Gerin - De tels propos sont insupportables.

Mme la Ministre déléguée - Plutôt que d'interdire, ce gouvernement préfère prévenir.

Monsieur Cousin, je vous rappelle que l'article 125 de la loi de programmation pour la cohésion sociale sécurise le paiement des loyers et charges locatives pour les bailleurs, privés et publics, en donnant à leur remboursement la priorité lors des procédures d'apurement des dettes engagées par les commissions de surendettement. C'est une première étape. Nous dresserons un bilan complet de la mesure dans le cadre du groupe de suivi du surendettement. Par ailleurs, avec Marc-Philippe Daubresse, nous sommes en train d'évaluer les différents dispositifs de garantie du paiement des loyers qui pourraient compléter le FSL.

L'interdiction faite au bailleur d'expulser un locataire risquerait d'avoir l'effet inverse de celui recherché et d'aboutir à une diminution du nombre des logements mis en location. Nous ne pouvons en prendre le risque à l'heure où nous avons l'ambition de résoudre la crise du logement en rattrapant le retard pris en matière de logement social mais aussi en mobilisant le parc privé. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler vos tristes records en ce domaine ni qui était ministre en 1999, année où ne furent construits que 39 000 logements sociaux, quand la loi de cohésion sociale prévoit de doubler le nombre de constructions pour atteindre 500 000 logements d'ici à 2009. Cette loi organise également le maintien des aides personnelles au logement en cas de résiliation du bail et pérennise les mesures des protocoles d'urgence du 13 mai 2004 sur la prévention des expulsions dans le parc social.

Conformément à la décision du comité interministériel sur la lutte contre l'exclusion, une circulaire interministérielle est en cours de signature qui a pour objectif de mieux préciser le rôle respectif de l'Etat, des collectivités et des bailleurs sociaux dans la prévention des expulsions et de mobiliser les préfets pour que dans chaque département soit signée une charte de prévention. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Dois-je vous rappeler qu'aucune évaluation n'avait jamais été faite des dispositifs que vous aviez mis en place ? Ce n'est que sous ce gouvernement qu'a été évaluée la loi de 1998 et que des mesures vraiment concrètes - et financées - ont été prises. Nous avons tenu à ce que le juge qui intervient en fin de procédure soit parfaitement éclairé sur la situation sociale et financière du locataire avant de prendre sa décision. Un guide relatif à l'enquête sociale va être adressé à tous les préfets pour améliorer la qualité de cette enquête, qui doit être systématique.

S'agissant des impayés d'énergie, le montant des contributions au Fonds de solidarité énergie s'est élevé à 70 millions d'euros en 2003, en augmentation de 15% par rapport à 2002. L'Etat a, pour sa part, doublé son engagement financier par rapport à 1999, le portant à 11,5 millions d'euros. 230 000 ménages ont au total bénéficié du dispositif. La loi du 13 août 2004 renforce elle aussi la prévention. Les événements tragiques de l'été dernier ont toutefois mis en évidence les insuffisances des dispositifs existants. C'est pourquoi j'ai rencontré M. Gadonneix, PDG d'EDF, pour convenir que dans l'attente de l'amélioration du mécanisme d'alerte, aucune coupure d'électricité n'aurait lieu pour les ménages démunis durant l'hiver.

Nous avons par ailleurs, avec mon collègue Patrick Devedjian, mis en place un groupe de travail réunissant EDF, la commune de Saint-Denis, des associations de consommateurs et l'association Droit à l'énergie SOS futur. Un projet de décret est en préparation, qui crée pour EDF une véritable obligation de signalement des ménages en difficulté aux services sociaux et aux maires. Après avis de la CNIL, ce décret sera soumis au Conseil supérieur de l'électricité et du gaz le 22 mars prochain, pour être publié d'ici à la fin du mois. J'en suivrai personnellement la mise en œuvre et en tirerai toutes les conséquences nécessaires.

Le Gouvernement a par ailleurs institué, par décret du 8 avril 2004, un tarif social de l'électricité en faveur des ménages les plus modestes. La mesure est effective depuis le 1er  janvier 2005. Ce tarif dit de première nécessité, modulé en fonction de la composition de la famille, permet d'alléger de 30% à 50% la facture d'électricité, avec notamment un prix réduit de l'abonnement. Quelque 1,6 million de ménages bénéficieront de cette mesure qui représente une diminution moyenne de 21% de leur facture annuelle. Je précise à M. Cousin que le décret en préparation assure la gratuité de la mise en service et de l'enregistrement du contrat EDF pour les ménages concernés. Il ne serait pas raisonnable de revenir sur le dispositif, quelques semaines seulement après son entrée en vigueur. Une telle mesure en faveur des plus modestes était déjà prévue dans la loi sur l'électricité de 2000, mais le gouvernement précédent ne l'a jamais mise en œuvre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

S'agissant de la prévention et du traitement du surendettement, la loi du 1er août 2003, voulue par Jean-Louis Borloo, offre une véritable deuxième chance aux ménages surendettés. Dans les situations irrémédiablement compromises pour lesquelles les plans conventionnels ne peuvent apporter de solution, la procédure de rétablissement personnel permet d'effacer totalement les dettes. Je remarque que c'est nous qui en avons eu l'idée, et pas vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) D'ores et déjà, plus de 20 000 ménages en ont bénéficié. La loi de cohésion sociale a marqué un autre progrès en prenant en compte les dépenses de logement, de nourriture et de scolarité dans le calcul du reste à vivre.

Pour améliorer l'examen individuel de chaque situation, un conseiller en économie sociale et familiale sera intégré aux commissions de surendettement. Son avis leur permettra de mieux apprécier le reste à vivre, qu'il n'est pas souhaitable de trop encadrer, car il ne faut pas créer de rigidités.

Le sujet d'aujourd'hui exige détermination, mais aussi humilité. Les problèmes sont complexes, les réponses jamais simples, et les résultats toujours trop longs à obtenir. Derrière les dispositifs et les procédures, il y a des hommes, des femmes, et beaucoup de souffrance humaine.

M. Maxime Gremetz - Vous les oubliez ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Ministre déléguée - Vous n'avez pas de leçons à me donner !

Avec la loi de programmation pour la cohésion sociale, le Gouvernement a pris plusieurs dispositions pour remédier à ces situations. Plutôt que de polémiquer et de nous opposer, travaillons ensemble à les mettre en œuvre, avec cœur et intelligence. D'autres textes viendront la renforcer cet été, notamment la loi sur l'habitat pour tous. La volonté que nous mettrons tous à les appliquer sur le terrain nous permettra de faire reculer l'exclusion et de tendre la main à nos concitoyens en grande détresse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Rapporteur - Les hausses de SMIC ? L'argument tombe à plat, après l'annonce, ce matin, de la baisse du pouvoir d'achat et du nombre toujours plus important de personnes dont le revenu est inférieur au SMIC.

M. le président de la commission a voulu jeter le trouble, en déclarant que j'avais rendu hommage à la majorité. Je n'ai fait que rappeler les efforts des majorités successives, en soulignant que la situation n'avait guère évolué depuis vingt-cinq ans. C'est bien la preuve que ma proposition de loi s'impose !

D'aucuns jugent ce texte illégal. Mais pour moi, la vraie illégalité, qui domine toutes les autres, c'est celle que constituent la non-assistance à personne en danger et le non-respect de la dignité humaine, contraires à la Déclaration des droits de l'homme. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) L'inconstitutionnalité ? Le Conseil constitutionnel affirme dans une décision du 19 janvier 1995 que la sauvegarde de la dignité et le droit de vivre dans un logement décent ont valeur constitutionnelle. Depuis, cette décision a fait jurisprudence.

M. François Liberti - Exactement !

M. le Rapporteur - Elle a d'ailleurs amené le tribunal de grande instance de Paris, en mars 1995, à conclure que cet impératif constitutionnel constitue « un devoir de solidarité nationale qui mérite protection au même titre que le droit de propriété ».

M. François Liberti - Eh oui !

M. le Rapporteur - Et l'on sait que la jurisprudence du Conseil constitutionnel tend toujours à concilier les principes à valeur constitutionnelle, non à faire primer les uns sur les autres. En voulant faire primer le droit de propriété sur le droit au logement, vous allez contre la position du Conseil constitutionnel.

Vous avez enfin manifesté une grande inquiétude à l'égard des propriétaires. C'est oublier que la proposition de loi leur offre une série de garanties et conforte le droit de propriété, car elle solvabilise les locataires. Nous proposons d'augmenter le reste à vivre. Trop rigide, nous dit Mme la ministre.

Mme la Ministre déléguée - Je n'ai pas dit tout à fait cela...

M. le Rapporteur - Demandez aux familles ce qu'elles en pensent ! C'est une assurance supplémentaire pour les revenus des locataires et du même coup une garantie pour les bailleurs. La proposition de loi respecte donc le droit des propriétaires. M. Folliot, lui, estime que le remède sera pire que le mal, car le texte n'incitera pas le propriétaire à louer, comme si l'on pouvait, un seul instant, comparer la gêne du bailleur et la mise en cause de la dignité des gens ?

Il suffirait d'appliquer les textes existants et le problème serait réglé, nous dit-on. Vous oubliez que les lettres d'expulsion ont été adressées aux préfectures voilà une semaine, et qu'on attend des préfets comme des sous-préfets qu'ils exécutent les expulsions, de manière à ne pas mettre en difficulté l'Etat. Se reposer sur les seules associations caritatives pour éviter les expulsions ? Autant faire d'un devoir national une forme de charité.

Mme Catherine Génisson - Ce n'est pas acceptable !

M. le Rapporteur - Quant à la bonne ou la mauvaise foi des locataires, c'est un faux argument, qui ne sert qu'à masquer la vraie question : les familles ont-elles les moyens de payer ?

Au total, nous demandons un acte humaniste. Certains le croient inutile, au motif que l'arsenal législatif est suffisant. Les prochains jours leur donneront tort... Notre proposition de loi suppose de reconnaître que des familles n'ont pas les moyens de se loger, de se payer énergie et eau, et qu'y remédier doit passer par l'interdiction des expulsions ou des coupures d'eau et d'électricité, seul moyen de trouver des solutions humaines. Bref, son adoption impose un renversement des mentalités : il faut passer de la culpabilité a priori du pauvre à la responsabilité de la société. L'écart qui grandit chaque jour entre riches et pauvres permet d'en mesurer l'urgence. Certains collègues, je le sais, souhaitent approfondir le sujet : je propose donc, avec l'accord du président de mon groupe, la création d'une mission d'information. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. le Président de la commission - Monsieur le rapporteur, je veux vous remercier une nouvelle fois. Vous avez souligné l'insuffisance des efforts du législateur, et notamment de votre propre majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. François Liberti - De la vôtre !

M. le Président de la commission - Oui, nous en avons assez de recevoir des leçons de morale ! (Huées sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Gilbert Biessy - Un peu de courage !

M. le Président de la commission - Pourquoi n'avez-vous rien fait pendant cinq ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Liberti - Honteux !

M. le Président de la commission - Cela dit, nous partageons votre objectif.

M. François Liberti - Faux !

M. le Président de la commission - Comme vous, nous avons le souci de défendre ceux qui sont dans la précarité. Mais nous ne pouvons accepter votre proposition, trop démagogique. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

La commission la refuse pour deux motifs : elle est inconstitutionnelle car elle viole le droit à la propriété et ses effets seraient contraires aux objectifs poursuivis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, n'ayant pas présenté de conclusions, l' Assemblée, conformément à l'article 94 alinéa 3 du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi. Conformément aux dispositions du même article du Règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Sur le vote du passage à la discussion des articles, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

Nous en venons aux explications de vote.

M. Alain Bocquet - Si des personnes concernées par ce texte et des représentants des associations caritatives étaient présents dans les tribunes du public, ils seraient indignés par le mépris qu'affichent le Gouvernement et la majorité. Pour preuve de ce mépris, l'absence des députés UMP dans l'hémicycle ce matin. Toute la matinée, M. Ollier n'a cessé de compter ses troupes pour vérifier si la majorité pouvait l'emporter lors du vote. Quelle insolence ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés communistes et républicains - Antisociaux !

M. Alain Bocquet - Cette proposition de loi cherche à apporter des solutions pour des dizaines de milliers de personnes. Nous souhaitons vivement l'examen de ses articles. Pour des raisons de principe, il n'est pas normal que les propositions de loi, déjà si rares, déposées à l'initiative des groupes parlementaires, ne soient pas discutées dans leur totalité. Puisque vous avez la majorité, rien ne vous empêche de poursuivre le débat et de refuser un à un les articles du texte !

Plusieurs députés UMP - C'est de la démagogie !

M. Alain Bocquet - Votre politique est au service des riches. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Nous le constatons chaque jour. Vous refusez toute solution parlementaire à ce problème de l'expulsion, vous contentant de dire : « Circulez, il n'y a rien à voir » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Pierre Cardo - La gauche est pleine d'imagination et d'audace quand la majorité est à droite ! Les explications de Mme Mignon et du rapporteur étaient intéressantes. Depuis la Déclaration des droits de l'homme, du temps a passé. Certes, nous avons été au pouvoir mais nous portons une appréciation différente sur la manière de régler cette question. Lorsque vous étiez au gouvernement, pourquoi ne pas avoir soumis au Parlement un projet de loi ? Nous ne sommes pas opposés à une politique sociale. Nous avons adopté la loi de cohésion sociale, publié des décrets et des circulaires portant sur des lois que vous aviez votées mais dont vous aviez négligé l'application ! Depuis la loi Besson, bien peu a été fait en matière de logement. Et même si cette loi comportait des poins intéressants, l'enfer est parfois pavé de bonnes intentions : en étendant à l'échelon national un dispositif mis en œuvre localement, dans les Yvelines, on l'a déshumanisé ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Odile Saugues - Le groupe socialiste votera le passage à l'examen des articles. Le constat établi par M. Sandrier est partagé par tous les hommes politiques sur le terrain, les associations caritatives et les groupements institutionnels, tel le conseil national de l'habitat.

Madame la ministre, vous ne pouvez pas nier les situations dramatiques évoquées par chacun d'entre nous. Le respect de la dignité passe par le logement tout au long de la vie et la couverture énergétique. Nous avions fait une proposition en ce sens mais nous sommes prêts à nous associer à celle des communistes.

Plusieurs députés UMP - Récupération !

Mme Odile Saugues - Vous êtes dans une logique caritative, nous sommes dans une logique de droit.

Au gouvernement, nous avions mené des réflexions approfondies, notamment dans le cadre du conseil national de l'habitat, sur la création d'une couverture logement universelle. Nous n'avons pas eu le temps de les mettre en œuvre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Madame la ministre, ce travail avait abouti à des conclusions fortes et motivées, ne faites pas semblant de l'ignorer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Philippe Folliot - Le groupe UDF partage le constat de M. Sandrier. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Nous voulons également inscrire dans la loi le droit de vivre dans la dignité.

Pour autant, les effets induits par l'application du dispositif proposé seraient pernicieux et préjudiciables aux personnes en situation précaire (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Pour résoudre la crise du logement, nous voulons promouvoir un parcours résidentiel permettant l'accès à la location mais aussi à la propriété.

Plusieurs députés communistes et républicains - Vous voulez parler des 600 m² de Gaymard ? (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Folliot - Sur un point nous sommes d'accord : le rôle du Parlement doit être revalorisé et les propositions de loi examinées dans leur ensemble. Mais, en l'espèce, les conditions ne sont pas réunies pour poursuivre le débat : j'ai été interrompu au moins une trentaine de fois durant mon intervention. Plus de sérénité et moins de démagogie sont nécessaires pour examiner cette question du logement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Je vous dispense d'entendre démontrer, article par article, que votre proposition n'est pas bonne. Pour les personnes en situation de fragilité, le groupe UDF ne votera pas le passage à la discussion des articles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Je mets aux voix le passage à la discussion des articles.

A la majorité de 53 voix contre 34, sur 87 votants et 87 suffrages exprimés, l'Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des article.

M. le Président - L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 31 mars 2005 inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents. Ce document sera annexé au compte rendu de la présente séance. Par ailleurs, la Conférence des présidents a décidé que le vote solennel sur la proposition portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, en deuxième lecture, aura lieu le mardi 22 mars après les questions au Gouvernement .

Prochaine séance, cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

ERRATUM

au compte rendu analytique de la 1ère séance du jeudi 10 mars 2005.

Page 15, dans l'intervention de M. Michel Bouvard, au quatrième paragraphe, lire : « Notre collègue Joël Giraud, député des Hautes-Alpes, »... (le reste sans changement)

ANNEXE
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 31 mars 2005 inclus a été ainsi fixé ce matin en Conférence des Présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet, adopté par le Sénat, relatif aux aéroports ;

Propositions de résolution sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur ;

à 21 heures :

Eventuellement, suite de l'ordre du jour de l'après-midi ;

Deuxième lecture du projet relatif au statut général des militaires ;

Projet modifiant la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'État de ses pouvoirs de contrôle en mer.

MERCREDI 16 MARS, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

Deuxième lecture de la proposition portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

JEUDI 17 MARS, à 9 heures 30 :

Proposition de résolution de M. Daniel PAUL et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'ouverture à la concurrence des services publics dans les secteurs de l'énergie, des postes et télécommunications et des transports ferroviaires.

(Séance d'initiative parlementaire)

à 15 heures et à 21 heures 30 :

Suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 22 MARS, à 9 heures 30 :

Questions orales sans débat.

à 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 21 heures 30 :

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, en deuxième lecture ;

Proposition, adoptée par le Sénat, relative à la création du registre international français.

MERCREDI 23 MARS, à 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 21 heures 30 :

Éventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;

Deuxième lecture du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

JEUDI 24 MARS, à 9 heures 30 :

Suite de l'ordre du jour de la veille.

à 15 heures et à 21 heures 30 :

Éventuellement, texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école ;

Suite de l'ordre du jour du matin.

MARDI 29 MARS, à 9 heures 30 :

Questions orales sans débat.

à 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 21 heures 30 :

Projet portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance ;

Proposition, adoptée par le Sénat, tendant à créer un Conseil des prélèvements obligatoires.

MERCREDI 30 MARS, à 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 21 heures 30 :

Projet relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs.

JEUDI 31 MARS, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

Suite de l'ordre du jour de la veille.


© Assemblée nationale