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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 75ème jour de séance, 185ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 23 MARS 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

VENTES À LA DÉCOUPE 2

TOMBES FRANÇAISES EN ALGÉRIE 2

POLITIQUE EUROPÉENNE 3

DIRECTIVE BOLKESTEIN 4

LUTTE CONTRE LE PROXÉNÉTISME 4

PREMIER BILAN DE LA RÉFORME
DE L'ASSURANCE MALADIE 5

ÉNERGIE ÉOLIENNE 6

RÉFORME DU DIVORCE 6

CRISE VITICOLE 7

FISCALITÉ LOCALE 8

ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ 9

LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE DES JEUNES 9

CRÉATION DU REGISTRE INTERNATIONAL FRANÇAIS (suite) 10

RAPPEL AU RÈGLEMENT 10

APRÈS L'ART. 3 10

AVANT L'ART. 4 13

ART. 4 14

APRÈS L 'ART. 4 23

ART. 5 24

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

VENTES À LA DÉCOUPE

Mme Annick Lepetit - Voilà des mois que nous vous alertons sur le problème des immeubles vendus appartement par appartement par des marchands de biens ou des fonds de pension, phénomène connu sous le nom de vente à la découpe. Cette spéculation immobilière chasse de nos villes des milliers de locataires que les prix exorbitants empêchent d'acheter leur logement. Les effets sont dévastateurs : l'offre de logements locatifs diminue, la hausse des prix s'amplifie et nos villes se vident.

Il y a cinq mois, Monsieur le ministre délégué au logement, vous avez rejeté, avec Jean-Louis Borloo, les amendements des députés socialistes proposant des mesures immédiates pour freiner cette spéculation. En réponse à une question de mon collègue Patrick Bloche, vous avez affirmé le 26 janvier que le problème allait être réglé rapidement, puisqu'il suffisait pour cela d'un simple décret. Nous sommes le 23 mars : il n'y a toujours pas de décret ! Or il y a urgence. La seule solution d'effet immédiat, qu'attendent d'ailleurs les locataires concernés, consiste à bloquer les procédures en cours et à légiférer dans l'urgence.

Nous vous demandons une nouvelle fois de décider dès aujourd'hui un moratoire sur les ventes à la découpe et de vous engager à soumettre au Parlement la proposition de loi que le groupe socialiste a déposée. Vous avez les cartes en main : allez-vous mettre un coup de frein aux ventes à la découpe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville - Le parti socialiste fait montre d'une audace créatrice dont il était dépourvu lorsqu'il siégeait dans la majorité ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Le problème des ventes à la découpe est posé depuis que M. Besson a, à juste titre, pris des mesures pour protéger les personnes les plus modestes et les plus fragiles. Dois-je vous rappeler sans vous faire injure qui est le principal opérateur à la manœuvre en région parisienne ou qui est le principal maire de la région lyonnaise ? Ce sont vos amis ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Pour ma part, j'ai dit ce que je ferai et je fais ce que j'ai dit. La commission nationale de concertation entre les locataires et les propriétaires s'est réunie la semaine dernière : un accord a été trouvé pour protéger les personnes de plus de 70 ans et les catégories intermédiaires, c'est-à-dire les personnes dont le revenu est inférieur à 6 300 euros par mois. Nous ne protégerons pas les vedettes et les hauts fonctionnaires qui bénéficient de privilèges que vous n'avez jamais dénoncés, mais les plus modestes et les plus fragiles.

Cet accord étant conclu, nous signerons le décret dès la semaine prochaine. La loi « Habitat pour tous » comportera également des dispositifs pour lutter contre les abus et la spéculation. Ils pourront s'inspirer des propositions de loi émanant de tous les bancs de cette Assemblée : celle de votre groupe, mais aussi, par exemple, celle de Mme Aurillac. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Comme le dit un proverbe du Nord, « grand faiseux, petit diseux » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

TOMBES FRANÇAISES EN ALGÉRIE

M. Pierre Albertini - Ma question concerne le sort des 250 000 tombes qui jalonnent plus d'un siècle de présence française en Algérie. J'y associe mes collègues Yvan Lachaud et Rudy Salles, et tous ceux qui souhaitent que la réconciliation entre les peuples s'accomplisse dans la recherche de la vérité, de la justice, et dans le devoir de mémoire, conformément au vœu du Président de la République.

Une société se juge à la manière dont elle honore ses défunts. Or il faut bien constater l'état de délabrement et d'abandon dans lequel se trouvent de nombreux cimetières français en Algérie. Ces sépultures, qui portent le poids de nombreux destins individuels et familiaux, méritent notre reconnaissance.

Comment le Gouvernement entend-il mettre en œuvre cette démarche respectueuse du souvenir et du devoir de mémoire, dans les principes de reconnaissance et de dignité qui doivent inspirer la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie - Cette question sensible mérite une réponse circonstanciée. Le nouvel élan d'amitié donné à la relation franco-algérienne, avec la perspective d'un nouveau traité l'année prochaine, suppose un travail de mémoire partagé. Dans ce contexte, nous nous sommes attachés à recenser l'état des cimetières français en Algérie. Certains n'ont besoin que de travaux d'entretien et de rénovation : Renaud Muselier a reçu hier les parlementaires concernés, et il a été décidé que des travaux y seraient entrepris pour un montant de 300 000 euros.

Pour les cimetières trop dégradés pour être rénovés, il a été décidé de procéder à des regroupements : cela concerne 4 000 tombes sur un total de 200 000. En concertation avec les associations, avec l'avis favorable du Haut conseil des rapatriés et l'accord des autorités algériennes, l'Etat prend en charge ces opérations. Un délai de quatre mois a été donné aux familles le 10 décembre pour choisir entre les regroupements sur place et le rapatriement des restes de leurs aïeux. Ce délai ne vise que la décision à prendre. Le Gouvernement agit en concertation avec les collectivités, les associations et les particuliers. Des plaques commémoratives rappelleront les emplacements des cimetières regroupés et des cérémonies religieuses auront lieu. Ce travail de mémoire doit se faire dans la confiance et dans le respect dû aux défunts et à l'amitié entre nos deux peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

POLITIQUE EUROPÉENNE

M. Maxime Gremetz - L'usine Flodor, à Péronne, qui appartient au groupe italien Unichips - signalé comme patron voyou - réalise des profits considérables et jette sur la paille 180 salariés, par délocalisation, afin de conforter les profits de ses actionnaires. Abelia Décors, à Abbeville, qui compte 380 salariés, un outil extraordinaire et un savoir faire remarquable, est abandonnée par le groupe allemand VDN pour le même motif. Le site d'Afimet, à Compiègne, comme bien d'autres en Europe, est menacé : après l'absorption du groupe Péchiney par le Canadien Alcan, 2 200 suppressions d'emplois sont envisagées. Sans l'action intelligente et déterminée des salariés, soutenus par la population, on ne parlerait déjà plus de Flodor et d'Abelia Décors !

Ces cas sont tous le résultat de cette Europe ultralibérale, menée par les multinationales des banquiers, qui se fait contre les salariés et les peuples. Les choix financiers de ces groupes sont encouragés par la Constitution européenne : chacun peut s'y reporter pour le vérifier. Votre politique, étroitement surveillée par le Medef et le futur patron des patrons européens, le baron Seillière, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) a été de préparer la France à cette Europe de régression sociale et de sacrifice de l'emploi. Le mouvement social, la montée du non peuvent vous faire reculer. Ils vous ont contraint par exemple à annoncer la remise à plat - c'est le terme exact - de la directive Bolkestein. Mais on est loin d'un retrait, d'autant que les articles 337 et 148 de la future Constitution reprennent la directive ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Laissez M. Gremetz poser sa question !

M. Maxime Gremetz - Dire non à la Constitution européenne, c'est préserver une chance de construire une Europe de progrès social et de droits nouveaux.

Plusieurs députés UMP - La question !

M. le Président - Monsieur Gremetz, ne m'obligez pas à vous ôter la parole.

M. Maxime Gremetz - Pourquoi, Monsieur le Premier ministre, vouloir à tout prix engager le peuple français dans cette impasse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Dans les deux cas que vous citez, Abelia et Flodor, le Gouvernement a mené une action déterminée en faveur de la réindustrialisation du site - ainsi que vous l'avez vous-même fait au niveau local. Ce que vous reprochez surtout à ces entreprises, c'est d'être les filiales de sociétés étrangères ! Vous voulez construire une économie d'entreprises purement nationales, sans investissements étrangers ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Ce modèle n'a pas de sens ! La France exporte 25% de sa production ; elle est au deuxième rang mondial pour les capitaux étrangers et de très nombreuses entreprises créent des emplois en France grâce à ces capitaux. Le modèle hypernationaliste que vous défendez est complètement périmé ! Il s'est effondré, et c'est sur lui que vous basez votre critique de notre système économique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

DIRECTIVE BOLKESTEIN

M. Claude Gaillard - Le Conseil européen qui a lieu en ce moment doit réexaminer la directive de libéralisation des services Bolkestein. Nous sommes convaincus de l'importance du modèle social européen et de la nécessité de développer le modèle français. Le dumping social est intolérable, inacceptable et contreproductif. Hier, le Président de la République a, une fois de plus, exprimé haut et fort la voix de la France en matière de relations sociales et de place de l'homme dans la société. Le Premier ministre luxembourgeois, président en exercice, a reconnu la nécessité de remettre à plat la directive. Qu'en est-il exactement ? Comment assurer la protection de notre modèle social, garantir la solidarité européenne et mener une réflexion imaginative pour aller de l'avant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - La France, par la voix du Président de la République, a réaffirmé que la directive sur les services telle qu'elle a été proposée par la Commission est inacceptable. Hier, à Bruxelles, un consensus s'est dégagé autour de cette position. Le projet de directive est donc retiré, (« Non ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) et une réécriture est à l'étude, sous le contrôle vigilant des chefs d'Etat et de gouvernement et du Parlement européen. (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Laissez parler le ministre !

M. le Ministre - C'est la deuxième fois cette semaine, entre le pacte de stabilité et la directive, que les positions françaises sont entendues. Il faut en déduire que la voix de la France est importante en Europe, que l'Europe a besoin de la France et que quand 25 démocraties ont décidé d'avoir un avenir commun, il leur faut des règles du jeu démocratiques : cela s'appelle un traité constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

LUTTE CONTRE LE PROXÉNÉTISME

M. Patrick Beaudouin - Depuis quelques jours, les forces de police et de gendarmerie mènent des actions contre les nombreux réseaux de proxénétisme qui existent sur notre territoire. Cette action est une nouvelle étape dans la lutte résolue que le Gouvernement a engagée contre le fléau, qui tend à se répandre, de la prostitution organisée. Déjà, en décembre, Olivier Dosne et moi avions attiré votre attention sur l'augmentation inquiétante de la prostitution motorisée dans le bois de Vincennes et appelé à appliquer toute la législation en vigueur. Depuis, rien que dans ce secteur, 33 proxénètes ont été arrêtés, 90 prostitués interpellés, 14 raccompagnés dans leur pays et 222 camionnettes retirées ! Il ne doit y avoir aucun sanctuaire pour les réseaux de proxénètes. Merci, Monsieur le ministre, de nous dresser le bilan de ces récentes interventions au niveau national.

Mais il importe, au-delà, de se préoccuper du sort des prostitués. Dans une société comme la nôtre, garante des droits des individus, la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des mineurs, ne saurait être tolérée. Il n'est pas non plus acceptable que la santé publique se trouve menacée par des pratiques défiant les règles les plus élémentaires de l'hygiène. Il faut faire preuve de tolérance zéro à l'encontre des proxénètes, freiner résolument le développement de la prostitution sous toutes ses formes et veiller à la santé publique. Toutes les prostituées, les mineures en particulier, sont des victimes et ont droit à la protection de l'Etat. Quelles mesures comptez-vous prendre, Monsieur le ministre de l'intérieur, en liaison avec vos collègues concernés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Le proxénétisme, qui repose sur l'exploitation des êtres humains, des mineurs en particulier, ne saurait en effet être toléré dans notre pays. Nous nous attachons donc à démanteler les réseaux, ce qui suppose une meilleure coordination des services de police et de gendarmerie -c'est tout le sens de la création des groupements d'intervention régionaux. Nous avons également mis en place une cellule d'identification des patrimoines illicites, qui devrait aider la police judiciaire. Enfin, nous cherchons à améliorer la coopération internationale. Cette triple action commence de porter ses fruits puisque les résultats obtenus sont de 30% meilleurs qu'il y a trois ans.

Notre deuxième objectif est de nous attaquer au premier maillon des réseaux, à savoir les « chiens de garde » qui encadrent et violentent au quotidien les prostituées. D'où les 28 interventions lancées sur 18 sites ces derniers jours, qui ont permis 70 arrestations. Nous continuerons ces interpellations dans les semaines à venir.

Notre troisième objectif est de faciliter la réinsertion sociale des prostituées. L'exigence d'ordre public nous a conduit à éloigner du territoire quatre cents d'entre elles, en application de la loi votée à l'initiative de Nicolas Sarkozy en mars 2003. Mais parallèlement, nous travaillons avec les associations concernées et avons réussi à obtenir 350 titres de séjour pour celles acceptant de coopérer avec les services de police en vue du démantèlement des réseaux.

Fermeté à l'encontre des proxénètes, respect de l'exigence d'ordre public et humanité dans le traitement social de la prostitution : tels sont les trois principes qui guident notre action en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PREMIER BILAN DE LA RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. Jean-Marie Rolland - Nous avons adopté l'été dernier une indispensable réforme de l'assurance maladie, alors menacée par l'explosion de ses dépenses et son déficit abyssal. La CNAM a publié avant-hier de premières statistiques sur l'évolution des dépenses de santé au cours des derniers mois. Celle-ci se serait infléchie depuis le début de l'année, en particulier pour les soins de ville où le rythme de hausse observé est inférieur d'un point à l'objectif fixé. Monsieur le ministre de la santé, pouvez-vous confirmer cette tendance ? Quel est votre sentiment sur l'évolution à attendre dans les prochains mois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille - La meilleure réponse à apporter à ceux qui pouvaient douter de l'efficacité de notre réforme de l'assurance maladie, ce sont les chiffres, non pas ceux du ministère de la santé, mais ceux publiés par la CNAMTS elle-même. Les dépenses d'assurance maladie auront augmenté de moins de 4,9% au dernier semestre 2004, rythme que l'on n'avait plus observé depuis cinq ans. La tendance se confirme sur les deux premiers mois de 2005, les dépenses de médecine de ville ne progressant, pour la première fois depuis quinze ans, que de 1,6%, et le nombre des arrêts de travail diminuant de 5%, ce qui n'avait jamais été le cas auparavant.

Je remercie les Français et les professionnels de santé qui ont compris que seul un changement des comportements pouvait sauver notre assurance maladie. Face aux résultats moins bons de l'hôpital, je remercie d'avance la communauté hospitalière de travailler avec nous pour que chaque euro dépensé à l'hôpital public le soit efficacement. Lorsqu'on a le courage d'engager les réformes nécessaires, on en recueille toujours les résultats. J'invite ceux qui n'ont rien fait pendant cinq ans et n'ont toujours rien à proposer à le méditer... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ÉNERGIE ÉOLIENNE

M. François Dosé - Nous allons tout à l'heure examiner en seconde lecture le projet de loi d'orientation sur l'énergie. Avant que s'ouvre ce débat, je souhaite interroger le ministre de l'écologie et du développement durable. En effet, si ce texte concerne de nombreux ministères -économie, transports, industrie recherche, logement...-, il convient d'aborder d'urgence la question des énergies renouvelables. Une directive européenne de septembre 2001, déclinant le protocole de Kyoto de décembre 1997, fixait à 21% la part des énergies renouvelables à atteindre dans la consommation totale d'énergie électrique à l'horizon 2010. Alors que la France, par la voix de ses plus hautes autorités politiques, s'est à maintes reprises engagée à respecter cet objectif, la part des énergies renouvelables ne cesse de régresser, tombée de 18% en 1990 à 15% en 2000 et 13,5% en 2003, toutes les filières connaissant, hélas, le même échec.

Nous pensions, sans doute naïvement, que la loi d'orientation sur l'énergie poserait une « ardente obligation » en ce domaine. C'est donc avec stupeur que nous avons pris connaissance de plusieurs amendements adoptés en commission modifiant profondément les modalités de rachat de l'électricité d'origine éolienne. L'un d'entre eux freinera considérablement le développement, pourtant prometteur, de cette filière nouvellement implantée dans certains départements. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Un autre stoppera purement et simplement l'implantation de fermes éoliennes, pourtant autorisées par la préfecture après une enquête publique n'ayant soulevé aucun problème. S'il faut être vigilant quant à la défense de nos paysages...

M. le Président - Posez votre question, je vous prie.

M. François Dosé - ...qui oserait ici demander l'interdiction de la pratique du ski alpin ou la destruction des silos céréaliers, au motif qu'ils dénaturent les paysages ?

Ma question est simple : le Gouvernement s'opposera-t-il à ces amendements qui rendraient beaucoup plus aléatoire l'atteinte de nos objectifs environnementaux globaux et détruiraient toute une filière, déjà bien mal lotie par comparaison à nos partenaires européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - C'est moi qui répondrai, si vous le permettez, car c'est moi qui assumerai ce soir la responsabilité de la discussion des amendements.

Début 2002, nous en étions à 100 mégawatts d'origine éolienne. Nous en sommes aujourd'hui à 400, ce qui est encore trop peu mais ce qui montre que le Gouvernement n'est pas resté inactif.

Notre volonté est d'augmenter la part de l'électricité produite de cette façon, tout en la produisant dans de meilleures conditions, c'est-à-dire en ayant davantage le souci de la sauvegarde des paysages. L'Assemblée aura ce soir à discuter d'un certain nombre d'amendements sur le sujet - je pense que vous n'êtes pas hostile au droit d'amendement ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) La position du Gouvernement sera celle que je viens de vous dire : plus et mieux d'éoliennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RÉFORME DU DIVORCE

M. Philippe Houillon - Au cours de la précédente session, Monsieur le Garde des Sceaux, nous avons voté, sans une voix contre, la réforme du divorce. Très attendue, elle est entrée en vigueur le 1er janvier dernier, car vous aviez veillé à ce que tous les outils d'accompagnement soient prêts à cette date.

Ce sont 140 000 divorces qui sont prononcés chaque année et cet événement familial est souvent mal vécu. Le but de la réforme était donc de pacifier la procédure et de responsabiliser les époux au cours de celle-ci. Lundi dernier, à l'occasion d'un déplacement à Pontoise, vous avez souhaité, lors d'une table ronde, entendre les professionnels - juges des affaires familiales, avocats, notaires, médiateurs - pour dresser un premier bilan. Pouvez-vous nous dire si la loi a déjà bien rempli son objectif et quelles sont les appréciations que les professionnels portent sur elle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Les réformes du droit de la famille que nous avons entreprises ensemble ont pour but de simplifier et d'humaniser les règles juridiques qui constituent la vie de nos concitoyens. Dans le cas du divorce, le but était de pacifier autant que possible les choses au cours de la procédure et après celle-ci.

Le texte qui a été voté sans une voix contre, après un long travail de préparation, s'applique dans de très bonnes conditions. Le divorce par consentement mutuel - avec un seul passage devant le juge - se passe bien, les délais ayant été ramenés de neuf mois en moyenne à deux ou trois mois. En ce qui concerne les autres procédures, plus contentieuses, le tronc commun fonctionne bien et nous atteindrons probablement l'objectif que nous nous étions fixé : faire baisser le pourcentage de divorces pour faute dans le nombre total de divorces.

Je crois donc pouvoir dire que la réforme s'applique bien. C'est également l'avis des professionnels que j'ai rencontrés dans votre ville de Pontoise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CRISE VITICOLE

M. Robert Lecou - La viticulture tient une grande place dans l'histoire et la culture de notre pays, ainsi que dans son économie, mais elle traverse aujourd'hui une crise importante, notamment dans le Languedoc Roussillon.

Les vignerons de cette région ont su s'adapter et ont fait beaucoup d'efforts ; ils ont procédé à des arrachages et se sont engagés sur la voie de la qualité. Les résultats sont là et doivent être reconnus. Mais cette évolution se heurte à la crise et l'inquiétude gagne, confinant parfois au désespoir. Après le Livre blanc sur la viticulture, après l'aménagement législatif sur les conditions de communication sur le vin, après les premières assises « vin, santé, vérité » de Béziers, après votre réunion, Monsieur le ministre, avec la filière viticole du Languedoc-Roussillon, que comptez-vous faire pour préserver un marché intérieur fort ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité - Une partie des vignobles français vit actuellement une crise, liée à la surproduction dans certains cas, dans d'autres à l'arrivée de concurrents redoutables - l'Australie, les Etats-Unis, le Chili et d'autres.

Après avoir reçu à plusieurs reprises la profession viticole, nous avons le 31 janvier adopté un certain nombre de mesures visant à restaurer la confiance :...

M. Augustin Bonrepaux - C'est raté !

M. le Ministre de l'agriculture -...création du Conseil de la modération, amélioration du dispositif de prévention et de communication, mesures à caractère conjoncturel pour aider les exploitants, mesures structurelles pour les exportations.

Nous allons décliner ces mesures nationales bassin par bassin. Je me suis rendu à Béziers la semaine dernière et j'ai fait le point avec la profession, dont j'ai à nouveau reçu des représentants hier. D'ores et déjà, les circulaires sur les mesures conjoncturelles sont sorties. Nous allons également travailler dans deux autres directions : la modernisation des coopératives, qui jouent dans votre région un rôle de premier plan ; la définition d'un contrat d'objectifs entre la filière du Languedoc-Roussillon et les pouvoirs publics. Comme vous l'avez souhaité, je recevrai à nouveau les représentants de cette filière, le 18 avril, pour leur annoncer les mesures que nous prendrons en sa faveur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

FISCALITÉ LOCALE

M. Pascal Terrasse - Depuis maintenant plusieurs semaines, Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement mène, avec la complicité de certains parlementaires de l'UMP, une indigne campagne de communication contre les élus locaux (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP).

Indigne d'abord pour un gouvernement qui se dit favorable à la décentralisation. Les propos du ministre délégué à l'intérieur, hier encore, condamnant la gestion des collectivités locales, remettent en cause leur libre administration (Mêmes mouvements). Cette campagne, indigne, est surtout mensongère (Mêmes mouvements). Une commission d'enquête sur la fiscalité locale, présidée par notre collègue Bonrepaux, président du conseil général de l'Ariège, travaille sereinement sur ce problème. Les premières auditions - et j'invite mes collègues de l'UMP à en prendre connaissance - démontrent la fausseté des propos répandus dans cet hémicycle, et naturellement relayés par Nicolas Sarkozy. En vérité les collectivités locales subissent et subiront de plus en plus la décentralisation des déficits (Mêmes mouvements) qu'a entreprise votre gouvernement. Les cadeaux fiscaux accordés aux plus riches des Français vont se payer, on le voit déjà, par des hausses d'impôts locaux. Vous-même, Monsieur le Premier ministre, qui fûtes président d'une région, et qui d'ailleurs avez augmenté de 100% vos impôts locaux en 1989, le savez bien. Je pourrais aussi citer la région Rhône-Alpes, qui en 1992 augmenta de 72% les impôts locaux. Je pourrais encore prendre, dès cette année, l'exemple de nombreux conseils généraux à direction UMP ou UDF... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) dont les impôts locaux augmentent de plus de 10%. (Mêmes mouvements)

M. le Président - Je demande le silence ! Posez votre question, Monsieur Terrasse.

M. Pascal Terrasse - Ma question est simple : quand cesserez-vous, Monsieur le Premier ministre, de vous prêter à cette campagne indigne ? (Mêmes mouvements) Êtes-vous prêt à entendre les conclusions que rendra la commission d'enquête ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur - (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Merci d'avoir rappelé qu'à l'initiative de MM. Accoyer et Méhaignerie une commission d'enquête sur les finances locales vient d'être créée, dont la présidence a d'ailleurs été confiée à M. Bonrepaux, ce qui prouve que nous agissons de façon transparente et démocratique. Il est prématuré, sur la base de quelques auditions seulement, de préjuger du rapport final. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) En revanche, pour ce qui est de la fiscalité régionale, c'est immédiatement qu'elle s'impose aux contribuables, et c'est pourquoi il faut en parler (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

J'observe d'abord que les augmentations que viennent d'opérer les régions sont du jamais vu en France (Mêmes mouvements). Il semble qu'elles répondent à un mot d'ordre national, puisque ni la Corse ni l'Alsace ne les appliquent... D'autre part ces augmentations n'ont pas de sens, puisque les transferts ne pèsent que de 2,4% sur les budgets des régions, de 0,25% sur ceux des départements, et qu'ils sont entièrement compensés (Mêmes mouvements).

Vous prétendez qu'il fallait augmenter préventivement, pour anticiper les coûts à terme de la décentralisation. Attendons donc de savoir ce qui sera ou non compensé ! Tous les outils de cette compensation sont en place, et vous le savez. Le Premier ministre vient d'annoncer la compensation intégrale du RMI aux départements : plus 400 millions d'euros (Mêmes mouvements). Enfin, vous prétendez que ces augmentations sont insensibles, alors qu'elles atteignent 274 millions d'euros supplémentaires pour l'Ile-de-France, 211 pour le Languedoc-Roussillon, 215 pour PACA ! Ce n'est pas indolore ; contribuables et entreprises s'en sont aperçus. Chacun doit dire la vérité aux Français, et assumer ses responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ

M. Bernard Depierre - Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au logement. D'après la dernière estimation des besoins, 500 000 logements sociaux nouveaux seront nécessaires dans les cinq ans à venir. L'urgence du dossier a incité le Gouvernement à le prendre à bras-le-corps, et grâce à votre détermination vous résorbez le retard accumulé. Dans le cadre du volet logement du plan de cohésion sociale, vous avez imaginé une formule novatrice, qui a suscité rêves et interrogations : la maison à cent mille euros. Sous certains plafonds de revenus, les locataires de logements HLM pourront faire construire une maison, pour des remboursements de 500 euros pendant vingt ans. Certains offices et sociétés HLM ont déjà pratiqué la cession de maisons à leurs locataires, et leur expérience est encourageante pour votre projet.

Toutefois la rareté foncière, surtout en ville, risque de faire obstacle. Nous nous félicitons que le prêt à taux zéro ait été ouvert à l'acquisition de logements anciens. Mais les ménages qui souhaitent acquérir une maison neuve sociale ont de plus en plus de mal à financer l'achat du terrain. Qu'entendez-vous faire, Monsieur le ministre, pour motiver le concours des maires, afin qu'ils mettent à disposition des terrains pouvant accueillir les maisons sociales à cent mille euros ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville - Quand M. Borloo, a proposé le plan de cohésion sociale, il a indiqué les trois conditions de sa réussite. C'était d'abord une loi de programmation financière : c'est fait, vous l'avez votée. C'était ensuite le concours des acteurs du 1% logement et du monde HLM : c'est fait, les conventions sont signées. C'était enfin le foncier. Dans la loi « habitat pour tous » - qui est prête et sera déposée au Parlement avant l'été - nous avons prévu de donner aux maires la faculté de taxer les terrains constructibles non bâtis ; celle d'imposer un pourcentage de logements sociaux dans les promotions privées ; et celle de territorialiser les programmes locaux de l'habitat. Le deuxième volet de cette loi concernera l'accession sociale à la propriété, qui est une forte volonté du Premier ministre. Nous avons déjà fait le prêt à taux zéro nouvelle formule ; nous avons fait le prêt social de location-accession. Jean-Louis Borloo a proposé une formule simple qui repose sur trois éléments : d'abord, un terrain fourni par les maires avec un bail emphytéotique ; ensuite, une haute qualité environnementale ; enfin un montage financier performant. Ce dispositif fera l'objet d'une charte proposée aux maires ; elle pourra s'appliquer en particulier dans les zones en grande difficulté, où nous disposons de foncier à bas prix. Telle est notre logique : plus d'accession à la propriété, plus de foncier, pour réussir la cohésion sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE DES JEUNES

M. Bernard Perrut - L'emploi, au cœur des préoccupations de tous les Français, est une priorité du Gouvernement, comme en témoignent la détermination du Premier ministre, le plan de cohésion sociale, la politique menée par le ministre de l'économie.

Nous mesurons chaque jour, sur le terrain, les conséquences du chômage pour les demandeurs d'emploi, quel que soit leur âge, et pour leurs familles. Les jeunes sans qualification, surtout, sont en grande difficulté. Ceux que j'ai rencontrés, il y a quelques jours, sur un chantier d'insertion de ma ville, me confortent dans ma détermination à les aider à trouver leur place dans la vie économique.

Le dispositif des contrats jeunes en entreprise, proposé ici en juillet 2002 par M. Fillon, a incité les entreprises à recruter des jeunes peu diplômés, les aidant ainsi à intégrer le marché du travail avec un CDI.

Monsieur Hénart, vous venez de publier un décret. Qu'en est-il exactement ? Pourriez-vous nous dresser le bilan des contrats jeunes en entreprise ? Plus généralement, vous qui vous impliquez sur le terrain, comment entendez-vous réconcilier les jeunes avec leur avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes - Au 31 décembre 2004, plus de 200 000 jeunes entre 16 et 22 ans ont profité du contrat jeunes en entreprise (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le plan de cohésion sociale s'appuie sur le contrat jeunes en entreprise, et entend le dynamiser encore en le recentrant autour des jeunes sans qualification.

Je connais votre implication personnelle, Monsieur Perrut, auprès de ces jeunes, au sein des missions locales. 40% d'entre eux sont au chômage de longue durée, et ont pourtant été écartés du bénéfice du programme nouveaux services-emplois jeunes. Il faut aujourd'hui les prendre en charge, aussi les décrets des 11 et 14 mars dernier combinent-ils deux mesures simples, le doublement de la prime versée à l'employeur pour l'embauche d'un jeune de moins de 25 ans sans qualification - la limite d'âge a été reculée - , et la mise en place d'un tutorat personnalisé à leur profit, au sein des missions locales et des PAIO, qui se prolongera au-delà de la période d'essai.

On a pu parler d'effets d'aubaine sur certains bancs. Je ne vois qu'une seule aubaine, celle de l'opportunité pour les jeunes de se voir offrir une première réussite professionnelle, avec un contrat à durée indéterminée.

Dans cet esprit, nous présenterons mi-avril, avec Jean-Louis Borloo, l'ensemble des mesures jeunes aujourd'hui opérationnelles grâce à la publication des décrets, et les premières campagnes de sensibilisation des familles, des employeurs et des formateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 15, sous la présidence de Mme Guinchard-Kunstler.

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

CRÉATION DU REGISTRE INTERNATIONAL FRANÇAIS (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la création du registre international français.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Jean Gaubert - Je voudrais faire un rappel au Règlement fondé sur l'article 58 du Règlement. Selon ses promoteurs, cette proposition de loi, parée de toutes les vertus, répond aux aspirations des salariés. Elle nous paraît plutôt satisfaire aux exigences des armateurs. Du reste, les salariés, par leur mobilisation, ont exprimé hier leur vif mécontentement à l'égard de ce texte. Les manifestations ont été marquées par des violences. Un manifestant a été blessé à Calais. Nous protestons énergiquement contre les brutalités de la police. Nous n'apaiserons pas l'inquiétude des salariés en employant la force.

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - Certains manifestants ont été arrêtés hier pour trouble à l'ordre public et des procédures pénales ont été engagées. Nous déplorons tous ces événements. La meilleure façon d'apaiser les craintes des salariés est de tenir un véritable débat démocratique et de faire savoir que ce texte, loin de menacer les acquis sociaux des marins français, vise à encourager le développement de la marine marchande et à offrir un cadre bien plus protecteur que tous les pavillons bis existant dans les autres pays européens.

APRÈS L'ART. 3

M. Daniel Paul - Par l'amendement 277, nous voulons inscrire dans la loi que la langue commune utilisée sur un navire battant pavillon registre international français, RIF, est le français.

Eu égard à la nature du pavillon, il n'est pas anormal que le français soit langue commune sur un bateau dirigé par un commandant et un officier de nationalité française. Cette disposition n'exclut pas l'utilisation d'autres langues. L'élargissement de l'équipage à des marins d'origine étrangère et la faible proportion des Français sur le navire, deux ou trois selon ce texte, rend nécessaire d'imposer le français pour des raisons de sécurité : la chaîne des ordres ou les relations entre la mer et la terre et entre les navires ne doivent pas être brouillées pour des problèmes de compréhension, particulièrement en cas de tempête ou de naufrage.

M. Jean Gaubert - L'amendement 187, plus limité que le précédent, vise à imposer une langue commune sur les navires battant pavillon RIF. Nous aurions pu exiger un niveau minimal de compréhension du français...

Plusieurs députés UMP - Ce serait impossible à contrôler !

M. Jean Gaubert - Le naufrage du Cistude, dans lequel quatre marins français ont trouvé la mort à l'été 2002, trouve son origine dans un accident avec le Bow Eagle, un cargo norvégien...

M. le Secrétaire d'Etat - Norvégien et non français !

M. Jean Gaubert - Peut-être, mais l'avocat chargé de défendre l'équipage du Bow Eagle a plaidé les circonstances atténuantes au prétexte que le marin à la barre, un Philippin, n'avait pas compris les ordres reçus de terre.

Si vous refusez l'amendement de M. Daniel Paul, acceptez au moins celui-là qui constitue un progrès pour la sécurité maritime.

Mme Marylise Lebranchu - Je vais vous citer quelque chose qui s'est passé au Havre. Après des premiers échanges avec le poste de commande et l'équipage, constatant que l'un et l'autre ne se comprennent pas, le pilote a décidé de faire monter un homme auprès du poste de commande et un autre auprès du marin à la barre au lieu de n'envoyer qu'un seul homme.

La réponse « Yes Sir ! Yes Sir » ne garantit pas que l'ordre ait été compris par l'équipage. Si nous ne voulons pas envoyer deux hommes pour chaque navire entrant dans nos ports et porter atteinte à nos règles de sécurité maritime, il est nécessaire d'imposer l'utilisation d'une langue commune sur les navires battant pavillon RIF. Ainsi se justifie notre amendement 264 identique au précédent.

Mme la Présidente - Sur le vote des amendements identiques 87, 264, 266 et 267, je suis saisie d'une demande de scrutin public à la demande du groupe socialiste.

M. Jean Le Garrec - Monsieur le secrétaire d'Etat, en tant que marin, vous savez que le français a été autrefois la langue de la marine. Ce problème d'une langue commune n'est pas nouveau. Récemment, vous avez également pu vous en rendre compte de visu. A Dunkerque, ces difficultés linguistiques touchent même aux hommes chargés de la manutention sur le port.

Je regrette qu'aujourd'hui le français ne soit plus la langue de la marine mais la nécessité d'une langue commune demeure. Une connaissance a minima d'un certain nombre de termes communs est indispensable pour que les règles de sécurité soient respectées. Cela suppose un effort de formation des personnels qui va dans le bon sens. Sans cela, il faudra deux opérateurs à bord pour tout navire entrant dans nos ports, un auprès de l'équipage et l'autre auprès du commandant. Tel est le sens de l'amendement 265.

En acceptant cet amendement de M. Daniel Paul, vous ne ferez que rendre hommage à notre marine royale !

M. Maxime Bono - Les amendements 266 et 267 sont identiques aux précédents. C'est bien à l'article 3 que doit figurer l'obligation d'une langue commune, puisqu'il fait référence aux règles de formation.

M. le Rapporteur - La commission a donné un avis défavorable à l'amendement de M. Paul, qui vise à imposer le français comme langue commune à bord des bateaux du RIF. Il est évidemment important d'avoir une langue commune à bord d'un navire, mais les accidents peuvent avoir bien d'autres causes que les difficultés de communication.

En tout état de cause, cette langue commune ne serait pas le français, mais l'anglais. Vous sous-entendez que les marins non communautaires ne parleraient pas bien l'anglais. Pour ma part, je rencontre régulièrement à l'association Seafarer, au Havre, des marins du monde entier qui parlent parfaitement l'anglais.

Des milliers de navires croisent chaque jour en Manche. Toutes leurs conversations avec les CROSS de Gris-Nez ou de Jobourg se font en anglais. On peut le déplorer, mais c'est ainsi. En vertu de quoi imposerions-nous le français à des gens qui parlent déjà une langue commune, l'anglais ? Car c'est bien l'anglais qui est la langue commune sur les bateaux. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Je le regrette comme vous, mais on ne vit pas de regrets. Permettez-moi de vous rappeler à des réalités tangibles.

Quant aux autres amendements, l'avis de la commission est également défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Ces amendements sont sans objet. La France est en effet partie à la convention SOLAS, dont la règle 14.3 impose, au chapitre V, une langue commune à bord des navires, et nous respectons nos engagements.

Des centaines de milliers de navires croisent au large de nos côtes. Mais n'oublions pas que nous légiférons pour les 221 navires français. Or, ce ne sont pas les navires français qui menacent la sécurité sur les mers, mais les navires battant d'autres pavillons. En les incitant à choisir le pavillon français, nous allons donc dans le sens de la sécurité maritime.

On peut bien sûr, Monsieur Paul, souhaiter que le français soit une langue universelle. Je pourrais même vous dire que je connais des navires de pêche où l'on parle breton et où l'on se comprend très bien. Mais il n'est pas réaliste de disposer que le français est la langue commune à bord.

M. Daniel Paul - Nous ne sommes plus au temps de la marine à voile, et je n'ai pas demandé à ce que la langue commune à bord des navires battant pavillon du RIF soit le breton !

Ne confondons pas les relations entre les CROSS et les navires, et la langue à bord des navires. Il est évident que le commandant doit parler anglais. Il est tout aussi évident qu'il doit y avoir une langue commune. Il me paraît justifié qu'à bord d'un navire battant pavillon français, qui a bénéficié de subventions pour sa construction et d'exonérations de charges ENIM, cette langue soit le français. Cela n'empêche pas que la langue employée par ce navire dans ses relations avec les CROSS puisse être l'anglais.

M. Jean Gaubert - Le rapporteur et le ministre n'ont pas la même argumentation. L'un nous explique qu'il ne sert pas à grand-chose d'imposer une langue commune, l'autre que cela n'a pas de sens. Au demeurant, si les conventions internationales nous imposent cette langue commune, cela ne devrait pas poser de problème de le rappeler dans ce texte.

Vous avez dit, Monsieur le rapporteur, que nous reprochions à certains marins de mal parler l'anglais. Mais on sait bien que c'est une réalité, et que la maîtrise de l'anglais ne sera pas la première compétence exigée des marins qui seront recrutés par les sociétés de manning.

Demain, avec le pavillon RIF, l'augmentation du nombre de nationalités présentes sur un même bateau posera des problèmes autrement plus importants. Marylise Lebranchu a évoqué celui de l'abord des ports : il y en a bien d'autres.

L'amendement 277, mis aux voix, n'est pas adopté.

A la majorité de 27 voix contre 13, sur 40 votants et 40 suffrages exprimés, les amendements 87, 264, 265, 266 et 267 ne sont pas adoptés.

AVANT L'ART. 4

M. Jean Gaubert - Après la sécurité, voici que nous abordons le statut social des marins. Par l'amendement 150, nous proposons d'aligner celui-ci sur le droit français du travail maritime, sauf pour les marins originaires d'Etats disposant d'un droit plus protecteur. Rien de bien révolutionnaire en somme...

M. le Rapporteur - Un navire battant pavillon RIF embarquera à la fois des marins français et des marins étrangers, et tous les marins ne souhaitent pas forcément se voir soumis au droit français (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste). De la même façon, prévoir l'application éventuelle d'un droit étranger plus protecteur peut donner lieu à débat. Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Le sort de cet amendement a été tranché quand vous avez rejeté la question préalable, puisque c'est le principe même de ce pavillon qui est en cause. Défavorable.

M. Alain Gouriou - Vous poussez le bouchon un peu loin, Monsieur le rapporteur ! A-t-on jamais vu des salariés refuser un statut plus avantageux que celui de leur pays d'origine ? Nous voici sur le terrain d'une directive fameuse...

M. Daniel Paul - Bolkestein !

M. Alain Gouriou - Il est de la plus élémentaire humanité qu'à bord d'un navire, les marins puissent bénéficier des mêmes droits, quelle que soit leur nationalité d'origine.

Il fut un temps où les internes des établissements scolaires avaient des régimes différents : selon le montant de leur pension, ils mangeaient plus ou moins bien... Dorénavant, le même bateau connaîtra des protections à plusieurs vitesses, et celle des marins recrutés par les agences de manning aux Philippines, en Malaisie ou au Maghreb ne nous paraît pas digne de la patrie des droits de l'homme.

Mme Marylise Lebranchu - On ne peut pas imaginer qu'un marin choisisse d'être moins bien protégé et moins rémunéré que ce à quoi il pourrait avoir droit ! Il me semble que ces propos peu réfléchis devraient être retirés.

Je voudrais insister, en cette période de débat européen, sur le fait que la Charte des droits fondamentaux, pour l'instant seulement annexée au traité de Nice mais qui pourrait être « gravée dans le marbre » en cas d'adoption de la Constitution européenne, rappelle que les ressortissants des pays tiers, qui sont autorisés à travailler sur le territoire des Etats membres, ont droit à des conditions de travail équivalentes à celles des citoyens de l'Union. Si vous rejetez cet amendement pour permettre aux armateurs de payer leurs marins moins cher en les faisant recruter par des agences de manning, dites-le simplement. Mais si la Charte des droits fondamentaux devient opposable, nous attaquerons votre dispositif, car un navire français battant pavillon français est une partie de notre territoire. Cette charte fait la quasi unanimité dans cet hémicycle. Si d'aventure le traité constitutionnel n'était pas adopté, appliquons-la tout de suite !

M. Maxime Bono - S'agit-il, oui ou non, d'un pavillon français ? C'est la véritable question. Le pavillon est le lien de droit entre le navire et l'Etat, il conditionne l'exercice de la souveraineté. Un bateau battant pavillon français est territoire français et je ne vois pas comment il pourrait s'affranchir du droit social français et des obligations de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sur les conditions de travail des ressortissants des pays tiers. Cet amendement aurait pour effet d'affirmer que les navires concernés sont sous pavillon français - ou alors faut-il avoir le courage de dire que le RIF ne mérite pas cette qualification !

L'amendement 150, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 4

M. Jean Gaubert - Affirmer que deux personnes à bord des navires doivent être françaises laisse entendre qu'elles seront les deux seules ! L'amendement 75 demande donc la suppression de l'article 4. Cette disposition pose en outre le problème de la formation des générations futures, puisque personne n'aura pu faire ses classes : c'est le début de l'extinction de notre pavillon. Nous reviendrons à plusieurs reprises sur le nombre de marins sous statut européen et surtout sur les données de référence qui serviront à le calculer.

M. Alain Gouriou - L'amendement 173 est identique. Il serait temps d'avoir des précisions sur cet article : le commandant et son suppléant seront-ils des Français, formés dans les écoles nationales d'hydrographie, ou pourront-ils être originaires d'un des pays de l'Union ? On ne peut conserver la rédaction actuelle que si le Gouvernement s'engage à ce qu'ils soient français. Dans le cas contraire, on ne peut parler que d'officiers français ou de l'Union européenne. Nous sommes évidemment favorables à la première solution, d'autant que nous sommes particulièrement inquiets quant aux débouchés offerts aux élèves de nos écoles d'hydrographie, dont le nombre a déjà été fortement réduit, et considérons en tout état de cause que le nombre de deux marins français est largement insuffisant.

M. Jean Le Garrec - L'amendement 174 demande également la suppression de cet article, mais il s'agit surtout d'interroger le Gouvernement sur ses intentions. Il est clair que cet article n'est pas acceptable en l'état. Que la seule obligation soit que le commandant et son second soient français ne correspond absolument pas à la réalité, ni à ce que souhaitent les mains eux-mêmes. Nous ne pouvons en rester là, pour des raisons qui touchent tant à la chaîne de formation qu'au dumping social ou aux problèmes de sécurité. Avec l'extension du commerce international, certaines zones sont devenues de grands boulevards maritimes, comme le Pas-de-Calais. La question de la sécurité sera donc de plus en plus aiguë, et deux marins de nationalité française ne pourront suffire.

En posant ce problème, nous relayons de nombreuses interrogations. Il ne faut pas oublier en outre que ce texte aura un retentissement sur des directives en cours de préparation, comme celle relative à la manutention faite par du personnel embarqué, bloquée jusqu'à maintenant par le Parlement européen. Tous ces problèmes sont liés, et si nous ne donnons pas des garanties très sérieuses sur la sécurité et le statut social des marins, ce sera un très mauvais signal pour l'ensemble des professions non seulement maritimes, mais portuaires. Il faut aller au bout de ce débat.

M. Maxime Bono - Les amendements 175 et 176 tendent aussi à supprimer cet article qui a mis le feu aux poudres. Nous sommes en train de remanier le texte issu du Sénat, il aurait été beaucoup plus aisé de le retirer et de lui substituer un projet de loi. Quoi qu'il en soit, l'article 4 affirme aujourd'hui que les navires battant pavillon français compteront seulement deux marins français.

Quant à accepter 25% seulement de marins ressortissants d'un pays communautaire, c'est signer la disparition du commandement français et tarir le recrutement de nos écoles maritimes. Comment la carrière de marin pourrait-elle être attractive pour nos jeunes s'il n'y a plus que deux marins français par bateau ? Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article.

M. le Rapporteur - Citoyens d'un Etat de droit, nous devons respecter le droit. Il n'est pas possible d'aller au-delà des dispositions de cet article - sans préjudice du pourcentage de marins d'origine communautaire dont nous aurons à débattre tout à l'heure. Le décret portant création du pavillon des Kerguelen en 1987 a été cassé par le Conseil d'Etat au motif qu'il prévoyait plus de deux marins français par navire ! Je souhaite donc que ces amendements soient repoussés.

M. le Secrétaire d'Etat - Que d'amalgames ! Vous feignez d'ignorer ce qui a été dit hier, de même que les dispositions adoptées par vos deux commissions saisies au fond et pour avis. L'article 4 se borne à exiger la nationalité française pour le capitaine et l'officier éventuellement chargé de le suppléer. Le supprimer, comme vous le demandez, reviendrait à admettre que des capitaines de navires français puissent ne pas être de nationalité française. Or, aux termes mêmes de notre droit, un capitaine de navire français qui exerce des fonctions d'ordre public, pouvant par exemple, dans certaines circonstances, être officier d'état-civil, doit être français.

Nous l'avons dit, le texte du Sénat concernant l'emploi maritime est insuffisant, mais adopter ces amendements de suppression irait à l'encontre même des positions que vous défendez.

M. Jean Le Garrec - Il s'agit d'amendements d'appel, visant à lancer le débat sur les dispositions qui viendront ultérieurement en discussion. Vous avez été naguère trop fin parlementaire pour, aujourd'hui ministre, nous le reprocher !

Les amendements de suppression, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Gaubert - L'amendement 116 vise à exiger que 50% au moins de l'équipage embarqué, dont le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance, soient ressortissants d'un pays de l'Union européenne. Sur certains navires comme les méthaniers, les pétroliers ou certains porte-conteneurs, l'effectif embarqué est faible, parfois inférieur à dix. Exiger que la moitié au moins soit de nationalité européenne, c'est la seule assurance, étant donné les contraintes liées au quart, qu'il y ait toujours un marin européen « sur le pont ». Il y va notamment de la sécurité, à la défense de laquelle nous sommes tous attachés.

Les décisions que nous prendrons à cet instant du débat sont cruciales, attendues des armateurs qui cherchent à s'affranchir de l'obligation d'embauche de personnels sous statut communautaire qui leur coûtent cher, mais aussi des marins actuels qui perçoivent bien que se joue là l'avenir de leur profession et surtout des élèves de nos écoles maritimes qui se demandent s'ils ont bien fait de choisir ce futur métier.

M. Maxime Bono - L'amendement 115, de repli, pose un pourcentage minimal de 49%. Nous souhaiterions obtenir un nombre de marins communautaires suffisant pour garantir qu'au sein de cette « enveloppe », le nombre de marins français sera lui-même suffisant pour que la profession continue d'attirer les jeunes. Nous savons pertinemment que c'est de la négociation engagée avec les armateurs que dépendra directement le pourcentage de marins communautaires embarqués. Nous cherchons seulement à susciter le débat. Il est vraiment dommage que nous soyons contraints de discuter à partir de cette proposition de loi du Sénat, rejetée par l'ensemble des professionnels. Ses auteurs auraient dû avoir la sagesse de le retirer et le Gouvernement de proposer un autre texte, ce qui aurait permis de repartir sur de nouvelles bases.

M. le Secrétaire d'Etat - Nous suivons la procédure parlementaire.

Mme Marylise Lebranchu - Ne vous abritez pas ainsi derrière la procédure parlementaire ! Il y a quantité de propositions de loi votées à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement n'a jamais inscrites à l'ordre du jour du Sénat. Dans le parfait respect des droits du Parlement comme de la procédure parlementaire, mieux aurait valu transformer ce texte en projet de loi, ce qui aurait permis de tenir compte de la négociation entre armateurs et syndicats de marins.

Je défends donc l'amendement 114. La création du RIF n'était pas une obligation. On aurait très bien pu se contenter de réviser le statut du pavillon des Kerguelen.

M. le Secrétaire d'Etat - Il est nettement moins bon !

Mme Marylise Lebranchu - S'il n'est pas bon, supprimez-le carrément !

Quoi qu'il en soit, vous avez aujourd'hui l'occasion de faire un travail de très bonne qualité, alors faites le et retenez un taux - 50% - qui préserve mieux l'avenir de notre marine marchande et de nos écoles. Vous serez ainsi en meilleure position à Bruxelles pour négocier un pavillon européen. Un pays qui s'alignerait d'emblée sur le moins-disant communautaire ne serait pas crédible pour demander la création d'un pavillon européen d'une norme supérieure. Retenez nos amendements, faites le meilleur texte possible et il y aura un pavillon Goulard dont on se souviendra !

Mme la Présidente - Je rappelle que nous avons 21 amendements en discussion commune.

M. Alain Gouriou - Etant donné que les équipages sont de plus en plus réduits, un pourcentage de 50% ne représenterait jamais que 6 ou 7 personnes. En défendant ce taux et ceux qui s'en rapprochent, nous défendons aussi l'avenir des écoles de la marine marchande. L'élu que je suis sait les efforts consentis par les régions en faveur des lycées maritimes. Ils ont coûté fort cher et continuent de coûter cher en fonctionnement. Il serait illogique de s'évertuer à financer de telles écoles si les marins et officiers qu'elles forment sont à peu près sûrs de ne pas trouver ensuite sur les bateaux de leur propre pays les postes qu'ils sont en droit d'attendre !

J'ai défendu l'amendement 113.

M. Jean Le Garrec - En défendant l'amendement 112, qui se réfère à un taux de 46%, j'ai parfaitement conscience d'être un peu redondant. (Sourires ) Mais de toute façon, pour nous, le bon taux serait celui de 50%. Quand on pense à la taille des porte-conteneurs, à la complexité des manœuvres, aux rotations de nuit, aux temps de repos nécessaires, à l'exigence de sécurité, je crois vraiment qu'il s'agit là d'une exigence minimale, sauf à imaginer des bateaux qui fonctionnent sans équipage !

Mme la Présidente - Je pense que l'on peut considérer que les amendements 111, 110, 109, 108, 107, 106, 105, 104 et 103 sont défendus. Nous arrivons à l'amendement 77 rectifié de M. Gaubert.

M. Jean Gaubert - Mieux vaudrait que nous sachions d'abord quel sort est réservé à l'amendement portant sur le taux de 50%.

Mme la Présidente - Les amendements en discussion commune doivent être présentés avant d'être mis aux voix un par un. C'est la règle.

M. Jean Gaubert - Si le taux de 50% était adopté, nous retirerions les autres, mais soit, je vais défendre l'amendement 77 rectifié, qui se réfère à un taux de 35%.

Sur les pétroliers et les porte-conteneurs, nous avons des équipages de 10 à 20 personnes. Si l'on retenait un taux de 50%, nous aurions donc entre 5 à 10 agents obligatoirement ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne. Avec 35%, on tombe à 3 ou 4, ce qui serait une très forte concession aux armateurs. En tout état de cause, ces 35% doivent être calculés sur les effectifs réellement embarqués et pas sur la fiche de postes, qui se situe toujours en dessous. Je sais que les armateurs se battent pour que le calcul se fasse à partir de la fiche de postes, mais ce n'est pas une raison pour leur céder.

Quant à descendre à 25% calculés sur la fiche de postes, ce serait vraiment une faute. Croyez-vous, mes chers collègues, que vous pourriez ensuite expliquer aux marins que vous avez bien défendu la marine française ? Croyez-vous que vous pourrez leur vendre l'idée que nous allons créer plus de mille emplois dans la marine marchande, j'entends des emplois français ? Vous ne pourrez pas leur dire que vous avez sauvé la marine marchande française. Vous ne pourrez pas aller devant les jeunes aujourd'hui en formation, et qui se demandent s'ils ont encore un avenir, et leur affirmer honnêtement qu'ils en ont un.

M. Daniel Paul - Selon le rapport, l'équipage d'un navire marchand est aujourd'hui de seize marins en moyenne. Si vous prenez 35% de ce nombre, vous trouvez 5,6 marins communautaires - nombre que d'ailleurs vous arrondissez gaillardement à 6 ; je ne suis pas sûr que ce sera aussi simple du point de vue des armateurs, et j'ai peur qu'on arrondisse plutôt à 5. Sur la base de ces 5,6, on peut donc estimer qu'il y aura à bord deux officiers, le commandant et son adjoint, et éventuellement un élève-officier. Je ne vois là-dedans aucun marin d'équipage : il n'y aura plus de marins d'équipage français sur les navires battant pavillon RIF... Ce qui signifie la mort inéluctable des lycées d'enseignement maritime : qui osera s'y inscrire en étant assuré de ne pas trouver d'embarquement sous ce pavillon ? Les seuls qui en trouveraient éventuellement sont donc les officiers. Mais on aperçoit les limites que rencontrera vite ce système, puisque déjà dans le système actuel on a de plus en plus de mal à trouver des officiers. Cette profession comporte en effet de lourdes contraintes ; elle fut attractive, mais elle l'est de moins en moins. D'autre part on trouve dans l'Union européenne des officiers de marine marchande très compétents ; les règles internationales mises en place depuis plusieurs années ont permis d'élever le niveau de qualification de ces officiers.

En revanche, sur quel dividende calculera-t-on ce taux de 35% ? M. le rapporteur envisage trois possibilités : « soit retenir l'effectif nécessaire à un bon fonctionnement du navire - définition restreinte. Cette notion, découlant de celle utilisée dans les conventions internationales de « safe manning », constitue néanmoins un minimum destiné à assurer la sécurité la plus élémentaire du navire, sans lien concret avec l'effectif effectivement embarqué. Soit retenir la fiche d'effectif - définition intermédiaire, représentant, dans le cadre de la décision d'effectif instruite par l'administration des affaires maritimes, l'effectif qui devra être embarqué pour être en conformité avec les exigences de la réglementation française. Soit retenir l'effectif d'exploitation réellement présent à bord : définition large, dont l'inconvénient est de fluctuer en fonction des décisions managériales de l'armateur. » Selon la base de calcul que vous retenez, les 5,6 pourront facilement descendre à 4 ou 5. Dans ce cas je doute qu'il y ait encore un élève-officier à bord. Et en tout cas les normes de sécurité seront extrêmement tendues. Et c'est dans ce cadre que vous proposez en plus qu'il puisse y avoir 25% de l'équipage, et non plus 35%, qui soient communautaires ! On descend à des chiffres extrêmement bas. Il est même clair que dans certains cas il n'y aura pas d'officier français en charge, parce que ce sera humainement impossible.

Pour ma part je serais partisan de 100% de marins français... Mais quand les bornes sont franchies, il n'y a plus de limites, et je cherche à empêcher qu'on aille dans le mur. C'est pourquoi nous proposons par l'amendement 278 de faire au moins en sorte que les 35% soient effectifs pour tout le monde, et qu'ils soient calculés sur la base la plus favorable. Je sais que vous avez tendance à tirer dans le sens le plus libéral et le plus favorable aux armateurs. Des décisions que va prendre l'Assemblée dépendra le nombre des marins français et communautaires, non pas de marins d'équipage - on sait déjà qu'il n'y en aura pas. Il faut que les jeunes le sachent, nous allons vers la suppression des écoles d'apprentissage maritime ; mais nous allons de même vers la réduction du nombre des écoles nationales de la marine marchande. Nous proposons donc de retenir 35% sur tous les navires, sans faire de différence selon les bases fiscales, afin de limiter la casse.

M. René Couanau, rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles - L'amendement 3 deuxième rectification de notre commission est assorti de trois sous-amendements : faut-il que nous soyons au cœur du sujet ! Et cela donne l'impression au rapporteur pour avis - de la majorité - d'être une frégate prise sous le feu de l'imposante armada gouvernementale, de la flotte non moins importante de la commission des affaires économiques, sans oublier quelques chaloupes amies qui échangent quelques coups avec nous en tirant un peu sous les sabords... (Sourires )

C'est une question grave. C'est le point central de la création du pavillon bis dit RIF, et celui qui a inquiété, à la suite de la proposition du Sénat, l'ensemble du monde maritime. Ce point central, c'est l'idée que sur le nouveau pavillon français - second, mais français - n'embarquent que deux officiers, le commandant et son suppléant. Tout le monde, y compris sans doute vous, Monsieur le ministre, bien que vous ne l'ayez pas dit officiellement, a jugé cette proposition inacceptable. A tel point que le Gouvernement a accepté de mettre ce texte en discussion pendant six mois en concertation tripartite, ce qui était une excellente initiative. Cette concertation a fait avancer les choses, mais sur ce point précis elle n'a pu parvenir à un arbitrage. M. Scemama n'a pu que constater qu'il était en face de deux conceptions, celle des armateurs à 25% et celle des organisations syndicales à 35%. Soit dit en passant, amener à la table de discussion toutes les organisations syndicales pour aboutir à une discussion sur 35%, ce n'était pas joué d'avance ; et ce fut fait. Il n'y a donc pas eu d'arbitrage à l'issue de cette discussion, Monsieur le ministre, et vous vous en êtes remis au Parlement : au Parlement d'arbitrer aujourd'hui.

Je propose, avec la commission des affaires culturelles, une motion de synthèse : c'est que notre arbitrage porte sur 35% de l'effectif embarqué (Approbation sur les bancs du groupe socialiste). Pourquoi ? Tout d'abord parce que la situation précédente n'était pas tolérable. Ensuite parce qu'il s'agit tout de même d'un pavillon français : il ne faut pas désespérer l'emploi français, les formations françaises. Dans nos écoles nationales de la marine marchande, dans les lycées maritimes, les élèves attendent.

Et on nous suggère pratiquement, par un amendement à 25%, de revenir à la position du Sénat ! Ce n'est pas acceptable (M. le rapporteur proteste). Si, c'est bien la proposition du Sénat, car M. Besselat écrit page 36 de son rapport : « votre rapporteur proposera donc un amendement fixant un quota d'embauche de 25% »... Et d'expliquer : « un navire ayant un effectif de 16 marins, ce qui est une moyenne pour les navires de commerce, il y aura quatre marins communautaires, dont deux français - le capitaine et son suppléant - et un élève officier embarqué de nationalité française. » Ce qui va de soi pour les élèves embarqués, puisque nous avons réclamé que des possibilités d'embarquement leur soient réservées, car s'il n'y a pas d'embarquement il n'y a plus de formation et l'on peut fermer les quatre écoles nationales de la marine marchande...

C'est donc bien à la position du Sénat, Monsieur le rapporteur, que vous nous faites revenir en acceptant 25%. C'est d'autant moins acceptable maintenant que notre proposition de synthèse, Monsieur le ministre, était précisément de rechercher la compétitivité de nos navires sous RIF par l'exonération des charges sociales patronales, mais à condition que cette compétitivité ne soit pas acquise par une réduction du nombre des emplois français. Sur la base de l'amendement que vous allez proposer à l'article 10, quelle sera la situation de nos armements ? Tout d'abord ils disposeront toujours, je l'espère, du GIE fiscal pour construire leurs navires, ce qui signifie qu'au bout de huit ans le navire est amorti dans de bonnes conditions fiscales. D'autre part la plupart des armements bénéficiera de la taxe au tonnage, qui en bonne période - et c'est le cas - est plutôt avantageuse. A quoi s'ajoute l'exonération des charges sociales patronales... N'est-ce pas le moins que de demander en contrepartie qu'on embarque 35% de marins, non pas même français, mais communautaires ? Si en plus, sous le bombardement des sous-amendements du Gouvernement et de la commission des affaires économiques, nous nous retrouvons avec 35% mais sur la fiche d'effectifs théoriques, et non sur l'effectif réellement embarqué, nous revenons exactement, à quelque chose près, à la position du Sénat. Ceci n'est pas acceptable. Pour ma part, dussé-je excéder quelque peu mon rôle de rapporteur pour avis, je dis que ce n'est pas tolérable.

Ces trois sous-amendements doivent être retirés, car ils canonnent mon amendement...

Mme Marylise Lebranchu - Très bien !

M. le Rapporteur pour avis - ....en voulant prendre pour référence la fiche d'effectifs et non l'effectif réellement embarqué, fixer le taux à 25% et non plus à 35%, et supprimer la disposition par laquelle je souhaitais que le chef d'entreprise et les organisations syndicales puissent se mettre d'accord sur une proportion supérieure à 35%. Après avoir, pendant des années, déploré le manque de dialogue social au sein du monde maritime, vous en instaurez un pendant six mois, mais refusez qu'il puisse se prolonger !

L'adoption de ces sous-amendements conduirait à la suppression d'au moins 200 emplois de marins français !

M. Daniel Paul - Il a raison !

M. le Rapporteur pour avis - Mes chers collègues, il faut secourir le ministre pour qu'il améliore ce texte sur le plan social, comme nous l'avons fait en matière de compétitivité en l'aidant à obtenir un arbitrage favorable pour l'exonération des charges sociales patronales.

J'en appelle à votre raison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Secrétaire d'Etat - Permettez-moi de profiter de la présentation des sous-amendements 292 et 293 pour répondre à M. Couanau, qui s'est exprimé avec passion, mais aussi avec excès, en usant d'arguments qu'il devrait laisser à l'opposition.

Monsieur Couanau, vous parlez de motion de synthèse, mais je vous rappelle qu'à la suite de la discussion initiée par le Gouvernement, deux positions ont été dégagées, celle des armateurs - 25% - et celle des syndicats de marins - 35%. Vous avez parfaitement le droit de défendre la proposition des syndicats de marins, mais ce n'est pas ce que j'appelle une synthèse !

Vous dites que le taux de 25% est un retour à la position du Sénat, mais vos calculs, que l'on pourrait contester par ailleurs, aboutissent à la conclusion inverse !

En vérité, le Gouvernement, comme l'exprime le sous-amendement du rapporteur, souhaite fixer le quota de marins européens à au moins 35% quand des aides à l'investissement ont été accordées, ce qui est aujourd'hui le cas de tous les navires battant pavillon français, car les armateurs ne le choisissent malheureusement pas s'ils n'obtiennent pas cette aide. C'est une mesure de bon sens, les contraintes devant être moins lourdes lorsque le navire n'obtient aucune aide à l'investissement.

Nous avons longuement discuté de ce taux, pour aboutir à un équilibre entre le souhait partagé par tous que les navires français comptent le maximum de marins français, et la réalité - si nos exigences sont plus lourdes que celles des autres pavillons européens, aucun armateur ne choisira le RIF.

Il ne s'agit pas que des navires qui battent pavillon français choisissent le RIF, mais que des navires étrangers choisissent le RIF ! Le Kerguelen, aujourd'hui, n'a plus aucune exigence de nationalité pour les marins, mais en pratique, il s'avère que la proportion moyenne de marins français est largement supérieure à 35%. Du reste, le premier armateur français a signé une convention collective qui lui impose d'avoir 50 marins français à son bord. Autre exemple : le second pavillon danois, véritable succès, n'a aucune exigence en matière de nationalité, et il y a en moyenne 70% de nationaux à bord de ses navires !

Il ne s'agit pas de faire une loi idéale, mais de rendre notre pavillon attractif. Je l'ai dit hier, notre pavillon bis est largement plus protecteur que ceux des autres pays européens, parce que les taux imposés ailleurs sont très faibles, voire inexistants, et parce que nous instaurons un statut social pour les marins non européens. Soyons-en fiers, sans pour autant perdre de vue l'objectif économique.

Quant à la question de la référence, il faut que le respect du taux puisse être contrôlé, ce qui est impossible si l'on retient le critère de l'effectif réellement embarqué, par hypothèse fluctuant, contrairement à la fiche d'effectifs, fiable et connue de l'administration. Ainsi, sur un câblier, les marins peuvent être minoritaires au sein de l'effectif embarqué, lequel peut varier en fonction de la nature des missions. C'est donc une mesure de bon sens que de se référer à la fiche d'effectifs, mais je m'engage à ce que l'administration évalue de façon réaliste l'effectif normal de tous les navires français, et cela de la même manière selon les régions ou les départements.

Enfin, par le sous-amendement 293, nous voulons supprimer le dernier alinéa de l'amendement 3 relatif à la négociation collective, principe auquel nous sommes très favorables mais qui figure déjà dans le droit du travail. L'inscription redondante de dispositions identiques dans le droit conduit souvent les juges à les interpréter de manière restrictive.

Plusieurs députés socialistes - C'est nouveau !

M. le Secrétaire d'Etat - Il est évident qu'un accord entre la direction et les organisations syndicales peut intervenir. Le premier armateur français a signé une convention garantissant la présence de 50% de marins français par équipage. Comme dans les autres secteurs, il est souhaitable que soient signés dans l'armement des accords collectifs, qui vont souvent plus loin que les exigences légales (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - M. le secrétaire d'Etat et M. Kerguéris ont montré hier, que, dans le secteur maritime, nous légiférons à long terme. Pour preuve, la création du pavillon des îles Kerguelen date presque de vingt ans.

Par conséquent, nous devons envisager les deux cas de figure possibles. Premièrement, celui d'un navire battant pavillon RIF, bénéficiant d'un GIE fiscal pour une durée de huit ans, auquel nous imposons un taux de 35% de marins d'origine communautaire. Deuxièmement, au terme de huit ans, si le navire ne bénéficie plus d'un dispositif d'aide fiscal, il est normal que nous abaissions le taux de marins d'origine communautaire à 25%. C'est le sens du sous-amendement 291.

L'opposition nous abreuve de chiffres étranges, elle ne cesse de répéter qu'il n'y aura plus que deux ou trois marins d'origine française par bateau. Sur un navire de 300 mètres, comme un porte-conteneurs ou un pétrolier, la fiche d'effectifs, sur laquelle le ministre se repose à juste titre, recense seize marins. Dans le cas d'un navire battant pavillon RIF bénéficiant d'un GIE fiscal et donc contraint d'embaucher un équipage communautaire à 35%, il y aura donc environ six marins d'origine communautaire ou plutôt française car les armateurs français préféreront embaucher des nationaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Quant aux navires immatriculés au RIF sans bénéficier d'une aide fiscale, soumis au taux de 25% de marins d'origine communautaire, cela donne au moins quatre marins. Nous sommes donc loin des chiffres présentés par l'opposition ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Par ailleurs, comme dans l'aviation, il existe un équipage de relève dans la marine marchande. Cela n'a pas été encore noté dans cet hémicycle. Nous pouvons donc multiplier les chiffres par deux : huit marins pour les navires soumis à un taux de 25% et douze pour les autres ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Plusieurs députés socialistes - C'est la multiplication des marins !

M. le Rapporteur - Cet argument est tout à fait réaliste. Je n'ai pas affirmé qu'il y avait huit ou douze marins en permanence sur le bateau. Il s'agit d'un équipage de relève.

Enfin, la majorité est suspectée d'entretenir des relations privilégiées avec les armateurs. Nous sommes ici des législateurs et non les représentants d'intérêts privés. Tous les députés du groupe UMP qui se sont exprimés depuis le début de ce débat sont bretons - pour autant, la Bretagne n'a pas le monopole du pavillon français !

Nous avons inséré une clause politique dans ce texte, l'article 34, aux termes duquel un rapport d'évaluation devra être remis au Parlement en 2006. Nous pourrons ainsi vérifier que chacun des partenaires, armateurs et salariés, exerce ses droits et respecte ses devoirs.

Plusieurs députés socialistes - Vous prenez des risques !

M. le Rapporteur - Nous exercerons un contrôle politique afin d'examiner si tous les partenaires ont bien joué le jeu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Sur le vote des amendements 116, 77 rectifié, 3 2e rectification et des sous-amendements 292, 291 et 293, je suis saisie d'une demande de scrutin public par le groupe socialiste.

M. Daniel Paul - L'amendement 23 rectifié vise à conserver le taux de 35% pour tous les navires battant pavillon RIF.

Une mauvaise politique a peu d'avenir et je vous trouve bien imprudents d'affirmer que vous légiférez pour dix ans. Votre taux de 25% est une proposition a minima.

Au Havre, Delmas est un grand armateur qui appartient au groupe Bolloré. Aucun de ses huit porte-conteneurs ne bat pavillon français. Monsieur le rapporteur, vous qui êtes originaire du Havre comme moi, pensez-vous vraiment que votre proposition persuadera cette société d'immatriculer ses navires au RIF plutôt que de continuer à battre un pavillon des tropiques ?

Avec ce texte, nous confortons l'extinction de la présence de marins français sur des navires immatriculés en France. A quoi bon avoir une marine française sans marins français ?

Plusieurs députés socialistes - C'est une vraie question !

Plusieurs députés UMP - Quelle caricature !

M. le Rapporteur - J'ai défendu l'amendement 41 rectifié en présentant le sous-amendement 291. La commission a émis un avis défavorable aux amendements 102 à 116, 77 rectifié, 278 et 23 rectifié. Nous sommes favorables à l'amendement 3, 2e rectification, à condition que les trois sous-amendements 292, 291 et 293 soient adoptés.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est favorable au sous-amendement 291, et, sous réserve de son adoption, à l'amendement 3, 2e rectification, de la commission des affaires culturelles. Avis défavorable sur tous les autres amendements.

M. le Rapporteur pour avis - Sur votre premier sous-amendement, Monsieur le ministre, je comprends bien que le plus aisé pour l'administration soit de rechercher la fiche d'effectif, mais vous en avez vous-même souligné l'imprécision.

Il ne me paraît pas compliqué de se référer à l'effectif embarqué : les registres de bord peuvent facilement être contrôlés.

Nous défendons tous l'intérêt général. Ce n'est pas parce que l'opposition approuve l'initiative d'un membre de la majorité que celui-ci doit se voir immédiatement coller une étiquette. Le dialogue fait partie de notre culture parlementaire, et j'ose espérer que cette culture est partagée par le Gouvernement...

Retenir un pourcentage de 35% de l'équipage pour le cas des GIE fiscaux nous paraît satisfaisant. Mais que fait-on quand on passe, à la sortie du GIE fiscal, à 25% de l'équipage ? Doit-on réduire le nombre de marins français et européens ? Il eût été plus lisible de fixer un chiffre unique de 35%. Cela aurait en tout cas satisfait l'attente du monde maritime.

Sur le sous-amendement 293, vous me dites que ce qui est déjà dans les textes va de soi. Il ne me paraît pas inutile de rappeler que le dialogue social peut être ouvert. Je maintiens donc mon avis défavorable sur les trois sous-amendements.

Mme Marylise Lebranchu - Nous sommes à un moment crucial du débat. Je puis vous rassurer, Monsieur le ministre, M. Couanau n'a pas encore adhéré au parti socialiste ! Je me souviens en revanche d'avoir accepté lorsque j'étais ministre, Monsieur Goulard, des amendements déposés par vous-même ou vos collègues. Heureusement que nous nous rejoignons de temps en temps sur des objectifs communs !

Le pourcentage de 35% est déjà difficile à accepter. Nous connaissons tous le milieu maritime, nous avons tous écouté les armateurs, les affréteurs et les marins, et nous savons tous ce qui se passe sur les navires.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas la différence entre la fiche d'effectif et l'équipage réellement embarqué, je rappelle que l'effectif réellement embarqué ne comprend pas l'effectif destiné à prendre la relève : les inspecteurs ne comptent que les marins embarqués. M. Goulard a cité l'exemple des câbliers et rappelé que les fiches techniques n'étaient pas les mêmes dans tous les quartiers. Il faudra déjà les réécrire. Dans la mesure où vous vous êtes engagé solennellement sur le contrôle des navires - en particulier en matière de sécurité -, il est plus facile de prendre en compte l'effectif réellement embarqué que la fiche technique. L'effectif réellement embarqué évolue d'ailleurs : il n'est pas toujours le même à l'aller et au retour, et peut alors s'éloigner un peu plus de la fiche technique.

Bref, pour nous, le pourcentage de marins français et communautaires doit s'appliquer à l'effectif réellement embarqué.

Je vous rappelle que nous avons déjà exclu de cet effectif réellement embarqué les personnes embarquées pour servir les quelques passagers qu'un cargo peut prendre ou assurer des missions spécifiques. Si nous continuons dans cette voie, nous allons en revenir à la proposition du Sénat. Peut-être y aura-t-il de temps en temps un marin de plus...

L'effectif réellement embarqué est la seule référence. D'autre part, la marine marchande a déjà bénéficié d'un avantage fiscal important avec la taxe au tonnage. Si l'on y ajoute le pourcentage de 35%, il est clair que c'est le contribuable qui va payer pendant huit ans le passage de 25% à 35%, et il pourra en outre y avoir des licenciements ultérieurement !

M. Jean Gaubert - Ce débat sur l'effectif réellement embarqué et la fiche d'effectif est d'autant plus important que le ministre et le rapporteur ont annoncé hier des chiffres de création d'emplois sujets à caution.

Nous savions quand même, Monsieur Besselat, qu'en France les marins ne sont pas embarqués 24 heures sur 24 et 365 jours par an ! Vous avez parlé de 50 bateaux. Avec quatre emplois nouveaux par bateau et une double équipe, on arrive à 400 créations d'emplois. Or, vous avez avancé le chiffre de 1 400 ! Même avec les 35%, nous ne pourrions pas les atteindre !

J'en viens au retour à 25% à la sortie du dispositif d'aide fiscale. C'est, pour toutes les entreprises qui perçoivent des subventions à l'installation, un encouragement à ne plus tenir compte de l'effort de la collectivité et à se comporter comme les autres - par exemple en se délocalisant - dès que la subvention est amortie. Si nous légalisons ces pratiques, ne venons pas nous lamenter dans quelque temps !

Les armateurs demandent que la période d'amortissement soit ramenée de huit à cinq ans. Peut-être les satisferez-vous à l'occasion d'une loi de finances - ce serait plus discret. En tout cas, on ne peut pas ne pas se poser la question.

Ces sous-amendements dénaturent complètement l'amendement de la commission des affaires culturelles. Si vous les adoptez, ce ne sont ni l'opposition ni la commission qui y perdront, c'est la marine française.

M. Maxime Bono - Notre position de départ était que 50% au moins de l'équipage réellement embarqué soient des ressortissants de l'Union européenne. Nous ranger à 35% est donc déjà un compromis. Mais les deux sous-amendements nous ramènent à 25%, et qui plus est de la fiche d'effectif ! Les 35% ne concerneraient en fait que les bateaux relevant d'un GIE fiscal : ils seraient une sorte de contrepartie de cette aide. J'avais cru que nous trouverions un compromis, et je regrette que le travail que nous avons mené n'y ait pas abouti. Vous avez annoncé hier un avantage supplémentaire pour les armateurs : l'exonération de la part patronale des charges sociales. J'avais espéré qu'elle s'accompagnerait d'une contrepartie pour les marins. A la sortie du débat, nous aurons une règle de 25% de marins originaires des Etats membres de l'Union, sauf pour les GIE fiscaux, et un bonus pour les armateurs.

M. Jean Le Garrec - Le monde maritime a besoin d'un signal, surtout alors que la discussion européenne sur la manutention à bord est en train de reprendre et suscite de grandes inquiétudes dans le monde portuaire, qui lui est intimement lié. Ce signal, c'est l'amendement de M. Couanau. Vous savez, Monsieur le ministre, que la commission des affaires sociales est capable d'adopter des amendements utiles de quelque bord qu'ils viennent. Nous comprenons parfaitement la nécessité de passer par un GIE fiscal pour la construction de bateaux navigant sous pavillon français, mais il n'est pas normal que, lorsque l'amortissement est accompli mais que le bateau est loin d'avoir terminé sa carrière, on diminue la contrainte ! Je n'ai jamais vu une obligation diminuer au terme d'un amortissement. Et encore une contrainte de 35% de marins membres de l'Union européenne n'est-elle pas vraiment insupportable, concernant des bateaux de cette taille et de ce prix ! A cela s'ajoute la diminution des charges patronales que vous venez d'annoncer. Ne discutons même pas du bien-fondé de cette mesure : en général, quand une mesure de ce genre est prise, on négocie des contreparties ! Le minimum serait une règle de 35%. Il me semble que ces arguments ont un poids certain. Montrez que vous comprenez l'inquiétude du monde maritime !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - J'ai bien entendu les excellents arguments de M. Couanau, mais je dois rappeler que la commission saisie au fond a tranché. La commission des affaires économiques a largement débattu de ce sujet, et M. Besselat a déposé sa proposition sous forme de sous-amendement pour favoriser un compromis. Le rapporteur a clairement expliqué que chaque bateau a deux équipages. Passer de huit marins français à douze, avec deux équipages, ce n'est pas la même chose que de passer de quatre à six ! Il a évoqué la création de 1 400 emplois : on sait en effet que chaque emploi créé en mer génère quatre emplois à terre. Avec une perspective de 70 navires, le calcul est simple... Vous voyez donc que les arguments de la commission des affaires économiques sont parfaitement fondés.

Restons logiques : nous voulons que le RIF soit utilisé, sans quoi nous n'y passerions pas tout ce temps ! Or, nous ne pouvons restreindre la liberté de choix des armateurs. Ils peuvent quitter le pavillon du jour au lendemain. Le passage de 35% à 25%, à l'échéance du GIE fiscal, est un bon moyen de les inciter à rester. Le ministre a prévu une évaluation au bout de trois ans. Donnons-nous le temps de mettre le dispositif en place. M. Bono a parlé de compromis : nous y sommes ! Nous souhaitons que l'ensemble de la majorité soutienne le rapporteur de la commission saisie au fond et rejette les amendements de M. Couanau et de l'opposition.

M. Gilbert Le Bris - En matière maritime, le chemin le plus court n'est pas forcément la ligne droite : il faut s'adapter aux éléments. En l'espèce, il s'agit de la négociation qui a eu lieu entre les armateurs et l'intersyndicale, et qui aurait pu aboutir à un bon compromis si nous avions accepté la règle des 35%. Par ailleurs, je dois rappeler que M. Sarkozy s'est engagé, devant les syndicats, à Calais, à faire passer les 35% ! La parole donnée à l'intersyndicale devrait avoir plus de valeur pour vous.

A la majorité de 39 voix contre 22, sur 61 votants et 61 suffrages exprimés, l'amendement 116 n'est pas adopté.

L'amendement 115, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Gaubert - Je retire les amendements 114 à 102.

A la majorité de 37 voix contre 22, sur 60 votants et 59 suffrages exprimés, l'amendement 77 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement 278, mis aux voix, n'est pas adopté.

A la majorité de 36 voix contre 23, sur 59 votants et 59 suffrages exprimés, le sous-amendement 292 est adopté.

A la majorité de 35 voix contre 23, sur 58 votants et 58 suffrages exprimés, le sous-amendement 291 est adopté.

A la majorité de 35 voix contre 23, sur 58 votants et 58 suffrages exprimés, le sous-amendement 293 est adopté.

A la majorité de 35 voix contre 21, sur 56 votants et 56 suffrages exprimés, l'amendement 3, 2e rectification, ainsi sous-amendé, est adopté.

Mme la Présidente - Les amendements 23 rectifié et 41 rectifié tombent.

M. Aimé Kerguéris - Je retire l'amendement 118.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 18 heures 50, est reprise à 18 heures 55.

APRÈS L 'ART. 4

M. le Rapporteur pour avis - Le sous-amendement 291 de M. Besselat, que nous venons d'adopter, impose implicitement un effectif minimal de 35% de marins communautaires sur les navires bénéficiant ou ayant bénéficié d'un dispositif d'aide fiscale. L'amendement 4 rectifié vise à inscrire expressément dans le code général des impôts que lorsque le navire a fait l'objet d'un GIE ayant reçu l'agrément fiscal, le pourcentage de membres d'équipage communautaires ne peut pas être inférieur à 35% de l'effectif embarqué.

M. le Rapporteur - Le GIE fiscal étant de toute façon assorti de l'obligation d'embarquer 35% de ressortissants de l'Union, je ne suis pas sûr qu'il soit judicieux, en pleine phase de négociation, d'attirer davantage l'attention de la Commission de Bruxelles. C'est pourquoi j'ai un avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Je ne vais pas reprendre le débat sur l'article 4, mais je voudrais tout de même indiquer qu'à l'issue de la période d'amortissement de 8 ans, un armateur peut certes changer immédiatement de pavillon, très vite et sans aucune contrainte, mais que cela n'entraîne pas pour autant le licenciement des marins. N'agitons donc pas des épouvantails !

Cet amendement va dans le sens de ce que nous venons de voter, mais j'y suis défavorable pour des raisons techniques : il ne vise pas le bon article du code général des impôts.

M. Jean Gaubert - Après le vote de l'article 4, nous pouvions espérer être au bout des concessions faites aux armateurs, mais apparemment il leur en faut encore plus ! Comment expliquer autrement l'avis défavorable de la commission et du Gouvernement sur cet amendement ? Il est tout de même normal que l'avantage octroyé soit assorti d'un minimum de contraintes. L'argument de la négociation en cours n'est pas très convaincant. En vérité, nous vivons une époque où la moindre contrepartie semble excessive, dans un monde où il faut tout libéraliser, pour le plus grand bénéfice du plus fort et au détriment du plus faible. C'est la liberté du renard libre dans le poulailler libre.

J'ai du mal à vous suivre, Monsieur le ministre, quand vous expliquez qu'un changement de pavillon n'entraîne pas forcément le licenciement des marins du bateau. Ce dernier passe tout de même sous un autre statut social.

M. le Secrétaire d'Etat - Le bateau n'est pas l'employeur.

M. Jean Gaubert - Mais le bateau entre bien, en quelque sorte, dans le territoire d'un autre pays, par exemple le Libéria ou Panama. Ce sera donc le droit des licenciements de ce pays qui s'appliquera. En tout état de cause, des conflits sont à prévoir et nos marins souffriront.

L'amendement 4 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - L'amendement 24 rectifié est défendu.

L'amendement 24 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Gaubert - L'amendement 81, 4e rectification, est défendu.

L'amendement 81, 4e rectification, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente - Les amendement 5 rectifié et 25 rectifié sont en discussion commune.

M. le Rapporteur pour avis - L'idée de l'amendement 5 rectifié, qu'il faudrait corriger pour viser l'article du code général des impôts auquel le ministre faisait allusion, est qu'il conviendrait de moduler l'avantage fiscal accordé dans le cadre du GIE en fonction de la proportion de marins français ou communautaires embarqués.

M. Daniel Paul - L'amendement 25 rectifié est défendu.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces deux amendements.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable, pour la même raison technique que précédemment.

L'amendement 5 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 25 rectifié..

ART. 5

M. le Rapporteur - L'amendement 42 de la commission dit que chaque armateur assure la formation embarquée nécessaire au renouvellement des effectifs visés à l'article 4. Le but est qu'il y ait forcément un ou plusieurs élèves officiers à bord. Nous savons que les élèves officiers ont parfois du mal à trouver des embarquements. Nous voulons répondre à leur inquiétude.

M. le Rapporteur pour avis - Le RIF version Sénat avait un peu désespéré les élèves des quatre écoles nationales de la marine marchande et les classes préparatoires. Cet amendement est donc une bonne chose. Mon sous-amendement 295, de séance, le précise en confiant à la négociation collective le soin de programmer les embarquements et de déterminer les modalités d'embarquement et de formation des élèves officiers. A défaut d'une convention ou d'un accord, un décret en Conseil d'Etat interviendrait.

Il est important de donner des garanties à nos filières de formation et de savoir un peu où l'on va.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement, mais à titre personnel, il me paraît difficile de « programmer » les embarquements, car chaque armateur arme ses navires en fonction des besoins économiques. Je pense que l'amendement 42 répond suffisamment au souci de M. Couanau, que je partage.

M. le Secrétaire d'Etat - L'un des objectifs du RIF est de contribuer à assurer le renouvellement des équipages français, et donc la formation des jeunes. Assurer une formation de qualité, nous le faisons en soutenant les lycées maritimes.

Nous le ferons également en réformant prochainement le cycle d'études des écoles de la marine marchande, en particulier pour les adapter aux nouvelles règles européennes. Il est effectivement nécessaire que des embarquements assurent une formation pratique aux élèves officiers ou aux futurs marins. Il me semble que l'amendement de M. Besselat répond à cette nécessité. Il prévoit avec raison un accord collectif sur une matière mouvante, fluctuante, qui ne peut relever du règlement et d'un décret en Conseil d'Etat : de tels sujets demandent un débat entre partenaires sociaux, pour parvenir à des solutions pratiques.

Je veux dire d'autre part que l'Etat est directement concerné : en matière de formation, une convention le lie en effet avec Armateurs de France ; notre intention est de la réviser, notamment pour l'adapter au nouveau texte. Les armateurs ont pris des engagements précis en matière de formation et donc d'accueil des stagiaires à bord. Dans cette période où nous allons instaurer un dispositif qui remplacera le GIE fiscal, le Gouvernement sera attentif au respect des engagements pris par la profession. Il est donc favorable à l'amendement et défavorable au sous-amendement.

M. le Rapporteur pour avis - Je ne partage pas votre avis, Monsieur le ministre, et il me semble que ces précisions sont importantes. Pour ce qui est de la programmation, si à bord des navires on ne veut pas indiquer au-delà d'un an à une école de la marine marchande les possibilités d'embarquements et de stages, comment allez-vous déterminer les effectifs de ces écoles ? C'est vraiment le B-A BA de la gestion d'une formation ! Je ne comprends pas bien. Les propositions nous sont présentées comme devant développer l'emploi, rassurer la filière maritime, donner des débouchés aux écoles nationales de la marine marchande, former des spécialistes - et j'ai dit déjà que la formation française était une des plus performantes au monde et que nos officiers étaient recherchés ; et tout d'un coup on nous dit qu'il va être impossible de la programmer avec les armateurs... Ce n'est pas sérieux.

J'ajouterai enfin à l'adresse de M. Besselat que ceci ne me paraît pas fair play. Car l'amendement dont est tiré mon sous-amendement, pour des raisons de procédure, a été adopté en commission des affaires économiques ; et il avait été convenu que les deux rapporteurs feraient un amendement commun ; on m'a ensuite expliqué que ce n'était pas possible. M. le rapporteur donne aujourd'hui un avis défavorable ; mais il y a deux semaines la commission des affaires économiques avait donné un avis favorable. Il y a donc une question de fond, sur laquelle je comprends qu'on puisse discuter, et une question de forme, sur laquelle je dois dire que je ne suis pas très satisfait.

M. Léonce Deprez - J'ai participé à cette réunion de la commission des affaires économiques, dont je suis un des secrétaires, et ce que vient de dire M. Couanau est exact. Nous avions pensé qu'il y aurait un amendement ou un sous-amendement commun ; et je me retrouve en position de soutenir la proposition de M. Couanau. Pourquoi ? Nous sommes tous d'accord sur l'objectif : former aux carrières maritimes et redonner confiance à ceux qui sont formés. C'est ce que dit le ministre et c'est aussi le propos du rapporteur. M. Couanau est de cette école, qui est aussi la mienne, qui entend exprimer une volonté politique plus forte de voir les intérêts particuliers des professions converger davantage vers l'intérêt supérieur qui est le développement de l'économie maritime et la promotion des hommes dans les carrières maritimes.

Et je pensais, Monsieur le rapporteur, que vous alliez tenir compte de cette volonté. Les termes du sous-amendement ne sont pas excessifs ; on sait bien que les conventions en question peuvent déboucher sur une orientation plus forte sans que la profession en souffre. Les armateurs peuvent quand même avoir une organisation qui permette d'atteindre ce résultat. Je souhaite donc, Monsieur le ministre, que vous fassiez preuve de compréhension envers la position que nous défendons.

M. Jean Gaubert - Le sous-amendement de M. Couanau peut paraître presque anodin : il ne déséquilibre pas le texte, mais a l'avantage de préciser quelques contreparties. Or, je constate à nouveau un refus systématique de changer quoi que ce soit, et même un recul par rapport aux promesses faites en commission des affaires économiques. A croire que l'engagement a été pris de refuser toute amélioration sociale, toute contrepartie qui pourrait être demandée à ceux qui bénéficieront de ce texte ! Car si je doute fort que la France en bénéficie, il est certain que les armateurs, qui font déjà de gros profits, y gagneront ! Vous vous honoreriez en acceptant que quelques contreparties soient inscrites dans ce texte. Cela pourrait même vous faciliter les choses, dans les ports, dans les temps qui viennent...

M. Daniel Paul - Je suis un peu surpris par les réactions du rapporteur et du ministre. Comme je l'ai dit hier, nous légiférons sous surveillance. Chacun de nous a reçu des courriers, des journaux, envoyés par certaines forces économiques, syndicales, etc. Et les refus qu'expriment le Gouvernement et le rapporteur correspondent aux recommandations qui figurent dans certains de ces documents... Ainsi, il y a une ligne rouge à ne pas dépasser, définie par les intérêts des armateurs. Et pourtant ces armateurs ont obtenu depuis quelques années le GIE, la taxe au tonnage, l'exonération totale des charges ENIM... Depuis lors les taux de fret ont littéralement explosé, tirés par le développement de nouveaux pays comme la Chine ; le marasme d'il y a quelques années a disparu, et les navires sont surbookés. Ce secteur ne se porte pas mal ! Il demande aujourd'hui l'exonération totale des charges. C'est de la reddition en rase campagne, Monsieur le rapporteur, Monsieur le ministre ! Quand vous aurez tout lâché, que vous restera-t-il à accorder ? La demande que fait le rapporteur pour avis est de simple dignité : vous la refusez encore. Il n'y a vraiment plus de limites. Nous glissons vers un avenir... qui n'en sera pas un pour les marins français.

M. le Secrétaire d'Etat - Nous avons l'habitude, Monsieur Paul, des discours de votre groupe, qui nous traitent de commis du grand capital ; l'un de vos collègues a vu en moi un jour « le commis de Mme Betancourt »...

M. Daniel Paul - Ils avaient raison !

M. le Secrétaire d'Etat - Cela relève d'un passé qui peut inspirer quelque nostalgie, la grande époque où l'on invoquait la lutte des classes ; je le prends avec le sourire.

Plus sérieusement, pour ce qui est du sous-amendement de M. Couanau, j'ai dit que nous avions besoin d'adaptabilité, pour mettre en place des dispositifs avant tout pratiques concernant la présence des stagiaires sur les navires. C'est pourquoi le décret en Conseil d'Etat ne convient pas : vous connaissez, Monsieur le rapporteur pour avis, la lourdeur de cette procédure. Je souhaiterais donc que vous acceptiez de rectifier le sous-amendement 295 en remplaçant les mots « un décret en Conseil d'Etat» » par les « un arrêté ». Nous pourrions trouver là un point de conciliation, pour un objectif qui nous est commun.

M. le Rapporteur pour avis - Je salue le pas fait à cet instant par le ministre, et j'accepte volontiers de rectifier ainsi mon amendement.

Le sous-amendement 295 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 42 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté et l'article 5 est ainsi rédigé.

M. Jean Gaubert - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58 alinéa 1. Selon une dépêche toute récente, le Président de la République aurait déclaré que le principe du pays d'origine n'étant pas acceptable, il l'excluait. Or, sur nos navires, terres françaises au titre du RIF, des marins étrangers ne relèveront-ils pas du droit de leur pays d'origine ? Il va nous falloir revenir sur ce qui a été voté !

M. le Président - Ceci n'est pas un rappel au Règlement.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 35.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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