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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 76ème jour de séance, 188ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 24 MARS 2005

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      AVENIR DE L'ÉCOLE (CMP) 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 4

      ORIENTATION SUR L'ÉNERGIE
      -deuxième lecture- (suite) 14

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 14

      AVANT L'ARTICLE PREMIER A 21

La séance est ouverte à quinze heures.

AVENIR DE L'ÉCOLE (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.

En conséquence l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire.

M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission mixte paritaire - Réformer l'école a, de tout temps, été un exercice périlleux, et le projet de loi actuel n'a pas échappé à la règle, même s'il a été plus qu'aucun le fruit de longues concertations. Je suis pourtant heureux de vous présenter aujourd'hui les conclusions de la CMP qui s'est tenue le 22 mars.

Malgré les délais un peu courts impartis à nos deux assemblées, nous pouvons être fiers de notre travail. Guidés par le souci d'amener à la réussite tous les élèves, nous avons voulu rompre avec cette spirale de l'échec qui laisse chaque année 150 000 jeunes sur le bord du chemin, alors que le budget de l'Education nationale a augmenté de plus de 20 % en dix ans.

Le Sénat, saisi, après l'adoption du projet de loi par l'Assemblée, de 71 articles, en a adopté 57 conformes, en a supprimé 5, et en a rajouté 28.

En première lecture, l'Assemblée s'était efforcée de supprimer dans le projet les dispositions dénuées de portée normative, et dans le rapport annexé les dispositions trop générales. Le ministre s'est d'ailleurs appliqué au même exercice. Le code de l'éducation nationale comportant nombre de dispositions règlementaires, il était effectivement difficile de le réformer sans sombrer dans cette dérive.

La CMP a essayé de concilier les différentes approches. Avec le président de notre commission des affaires culturelles, Jean-Michel Dubernard, et d'autres députés de l'UMP, nous avons demandé le rétablissement de certains articles, et tenté d'améliorer quelques points, notamment sur les missions de l'école. J'ai moi-même présenté vingt amendements.

Comme il n'y avait pas entre les deux assemblées de désaccord sur le fond, nous pouvons vous présenter aujourd'hui un texte équilibré et de qualité.

S'agissant des principes généraux de l'éducation, outre la transmission des connaissances, l'école se doit de transmettre les valeurs de la République.

L'article 2 bis nouveau traite des différentes composantes de la communauté éducative et de leur rôle.

L'article 4, qui vise la réussite de tous les élèves, et l'article 6 bis A, relatif au socle commun de connaissances, ont été précisés pour tenir compte de la diversité des élèves. Le texte dispose notamment que l'acquisition du socle commun fera l'objet d'une évaluation qui sera prise en compte dans la poursuite de la scolarité et que, parallèlement à l'acquisition du socle, d'autres enseignements seront dispensés au cours de la scolarité obligatoire.

L'article 6 ter comble un vide juridique en répondant au problème des mineurs - principalement des jeunes filles - dont les parents s'opposeraient à ce qu'ils poursuivent leurs études au-delà de 16 ans.

Le Haut conseil de l'éducation transmettra chaque année au Parlement un bilan sur les résultats du système éducatif ; rien ne devrait donc nous empêcher d'en débattre régulièrement, en dehors de l'examen du budget.

Le suivi individualisé des élèves est conforté, avec la mise en place du programme personnalisé de réussite éducative - PPRE - et l'allocation des crédits nécessaires pour la période allant de 2006 à 2008. Le Sénat a précisé que, sur la même période, 1,32 million serait programmé pour la réalisation du PPRE dans l'enseignement agricole.

Dans le premier degré, des enseignants ayant acquis une formation complémentaire, des assistants d'éducation, des médecins, des psychologues scolaires, assureront le suivi des élèves en difficulté. La dotation des collèges sera calculée en fonction du nombre d'élèves en difficulté. Des aménagements sont par ailleurs prévus pour les enfants intellectuellement précoces et pour les primo-arrivants non francophones.

Concernant l'enseignement des langues régionales, le Sénat, à ma surprise, ayant supprimé l'article 12 bis qui visait à leur donner une base légale, nous avons trouvé un compromis en prévoyant la conclusion d'une convention entre l'Etat et les collectivités territoriales où les langues régionales sont en usage.

L'amélioration de l'enseignement des langues étrangères est au cœur de ce texte. Le dispositif introduit par le Sénat instituant une commission sur l'enseignement des langues a été maintenu en CMP alors que j'avais proposé de le mettre dans le rapport annexé.

L'apprentissage d'une deuxième langue vivante en cinquième fera partie du tronc commun des enseignements des secondes générale et technologique, et les élèves seront regroupés par paliers de compétences telles qu'elles sont définies dans le cadre européen.

L'orientation des élèves, ainsi que leur information, est améliorée pour tenir compte de leurs aspirations, de leurs aptitudes et des perspectives professionnelles liées au contexte économique.

Je terminerai en vous signalant quelques dispositions nouvelles, comme l'apprentissage de l'hymne national et de son histoire, ou la légalisation du label « lycée des métiers ».

Par ailleurs, sous réserve de l'autorisation préalable des autorités académiques, le projet d'établissement peut prévoir des expérimentations sur l'enseignement des disciplines, l'organisation pédagogique de la classe, le jumelage avec des établissements étrangers. Le Haut conseil en dressera chaque année le bilan.

Le Sénat a proposé que les lycées technologiques ou professionnels puissent expérimenter pendant cinq ans au plus la désignation du président du conseil d'administration parmi les personnalités extérieures à l'établissement siégeant en son sein. J'ai fait ajouter « sur proposition du chef d'établissement ».

D'ici à 2010, le Comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel évaluera l'intégration des IUFM au sein des universités, notamment au regard des objectifs qui leur sont fixés.

En matière de santé scolaire, chaque établissement du second degré bénéficiera des services d'une infirmière ou d'un infirmier identifié qui participera à l'éducation des élèves sur les questions de santé et de nutrition.

Voilà l'essentiel des dispositions de ce texte. Nous ne pouvons que nous réjouir des engagements du ministre sur leur financement, que ses amendements traduisent dans le rapport annexé, ce qui justifie la transformation du titre de cette loi en loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.

Il nous reste à surveiller l'application de cette loi.

Durant ces deux derniers mois, les médias n'ont cessé de dénoncer les mesures prises à propos de la carte scolaire, mais le fait qu'il y ait 43 000 élèves en moins dans le secondaire ne pouvait qu'entraîner des suppressions de postes. Les médias ont relaté les revendications des lycéens, mais ils n'ont que rarement pointé les avancées réelles du projet de loi. Pour ce qui est du baccalauréat, après que M. le ministre a judicieusement retiré la partie incriminée du rapport annexé, l'article 16 crée les conditions pour que la réforme de cet examen, attendue par les Français, puisse être mise en chantier. L'introduction des contrôles en cours de formation et de la validation des acquis de l'expérience viendra compléter les examens terminaux et le contrôle continu, déjà inscrits dans le code de l'éducation.

Au demeurant, si l'homme est doué de raison, il est aussi sentiment et affectivité. Aujourd'hui comme hier, la qualité de la relation affective entre le maître et l'élève est décisive. Socrate disait d'un de ses disciples : « Je ne peux rien lui apprendre, il ne m'aime pas »... Je me prends à rêver que les élèves puissent aimer leur école ; la réussite est souvent à ce prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Yves Durand - Après des débats relativement longs dans les deux assemblées, ma défense de cette exception d'irrecevabilité sera brève.

Vous avez souhaité, Monsieur le ministre, accélérer la discussion de ce projet en déclarant l'urgence. Nous achevons donc aujourd'hui une discussion tronquée, malgré la richesse qui fut parfois la sienne, et il est dommage que nous n'ayons pu bénéficier d'une vraie navette parlementaire, sur un texte important qui définit les grandes orientations de l'école pour quinze ans. C'est d'autant plus regrettable que le débat parlementaire, à l'Assemblée comme au Sénat, a mis en lumière un certain nombre d'imprécisions dans le texte, portant parfois sur des points essentiels. Nous avons essayé de lever ces imprécisions par nos amendements, mais ils ont été balayés. Pourtant, même au sein du groupe majoritaire, tout ne semble pas clair sur certains points importants.

Je n'en donnerai qu'un exemple, apparu dans notre discussion de mardi en commission mixte paritaire : la question du socle commun de connaissances et de compétences. Cette discussion a d'ailleurs fait apparaître certaines contradictions au sein de la majorité, mais n'a pas permis de lever les ambiguïtés sur ce qui est pourtant présenté comme le cœur de votre dispositif. De fait, jusqu'à mardi, nous ne savions pas vraiment si des enseignements complémentaires viendraient ou non compléter le socle commun exigé pour tous. Mais aujourd'hui, même après la CMP, la notion reste à mes yeux toujours aussi floue. S'agit-il d'exiger que tous les élèves maîtrisent les mêmes connaissances ou compétences ? Ou le dispositif peut-il être représenté comme un ensemble de cercles concentriques, avec au centre le socle commun, entouré de cercles qui permettraient d'ouvrir à certains élèves l'accès à d'autres connaissances et compétences ? Nous avions ici même insisté sur cette question, Monsieur le ministre, mais vos réponses ne nous ont pas apporté les précisions indispensables sur la nature de la scolarité obligatoire, et sur ce qui est demandé à tous les élèves dans ce cadre. Ce que je redoute, c'est que cette confusion soit révélatrice d'une réalité : c'est que vous réduisez la mission de l'école à l'apprentissage d'un minimum immédiatement utilitaire, réservant aux plus favorisés la culture, les arts, autant d'éléments sans doute superflus pour vous et qui doivent rester l'apanage d'une élite.

M. Guy Geoffroy - Contresens !

M. Yves Durand - Si c'est un contresens, il eût été utile que vous le leviez dans le débat, notamment mardi.

M. André Schneider - Nous avons tout fait pour être clairs.

M. Guy Geoffroy - Pour nous c'est clair. Mais quand on ne veut pas voir...

M. Yves Durand - Ce mot d'« élite », Monsieur le ministre, vous ne l'avez jamais prononcé. Mais il semble transparaître dans votre texte. La référence permanente au mérite et au talent traduit une volonté - en cohérence avec votre conception de l'école, et plus globalement de la société - de dégager avant tout une élite ; les autres suivront s'ils le peuvent.

M. Guy Geoffroy - L'idée de mérite est républicaine !

M. Yves Durand - Pour ces autres, votre conception de l'école vous conduit à rétablir de fait le redoublement, ainsi que des paliers d'orientation après la quatrième, même si vous maintenez les objectifs ambitieux de vos prédécesseurs, notamment de gauche, y compris ceux de la loi de 1989.

Là réside le grand vice qui fait que votre loi, au-delà de cet hémicycle, n'est pas crédible. Car au fond, plus encore que le texte lui-même, c'est sa sincérité qui est en cause. Vous affichez des objectifs que nul ne peut récuser, mais aucune disposition du texte ne permet de les atteindre. Je ne reprends pas les arguments que nous avons longuement développés à ce sujet. Vous avez cru répondre aux lycéens, Monsieur le ministre, en retirant les articles concernant l'organisation du baccalauréat. Mais celle-ci n'était pas seule en cause : c'est le principe même de l'égalité devant le savoir, quels que soient l'établissement où l'on étudie et le territoire où l'on vit, qui est en question. Qui reprochera à ces jeunes, à qui nous demandons de s'engager dans la vie civique, d'avoir l'égalité chevillée au corps ? Or, chacun sait qu'on n'a pas les mêmes chances de réussite dans un lycée de banlieue ou de centre-ville ; chacun connaît les subterfuges utilisés pour échapper à la sectorisation et placer ses enfants dans les établissements les plus cotés.

C'est cette inégalité scolaire, née des inégalités territoriales, qu'il fallait attaquer, si vous vouliez construire une véritable égalité des chances. Nous avons pour notre part commencé à le tenter avec les zones d'éducation prioritaire. Celles-ci sont les grandes absentes de votre projet. Cette politique, il aurait fallu l'évaluer, comprendre les échecs qu'elle rencontre parfois, étudier l'adéquation des moyens aux objectifs, se demander si la multiplication même des ZEP n'a pas affaibli l'efficacité de ces moyens. Il fallait en somme prendre le temps, et avoir le courage de chercher quel traitement inégalitaire pouvait le mieux servir l'objectif d'égalité réelle. C'est cette égalité réelle que revendiquent aujourd'hui les jeunes, mais aussi leurs parents et les enseignants. C'est elle qu'en fait vous ne construisez pas, et c'est pourquoi votre projet n'est pas crédible. Ce texte manque d'ambition. Il est étriqué, parce qu'il refuse de s'attaquer aux vraies causes des inégalités scolaires.

M. Jean-Louis Bernard - Ils n'ont rien fait pendant cinq ans !

M. Yves Durand - Le projet n'est pas plus crédible - j'allais dire qu'il est mensonger - quant aux moyens que vous mettez en face des objectifs affichés. Sur la carte scolaire pour la rentrée prochaine, que M. le rapporteur a évoquée avec une légèreté qui sera sans doute peu appréciée sur le territoire, je conteste votre argumentation qui justifie la baisse du nombre de fonctionnaires par celle du nombre des élèves. Un seul exemple : Mme Guinchard-Kunstler vous a posé récemment une question - qui n'a pas reçu de réponse - sur l'académie de Besançon, où le nombre d'élèves augmente pendant que celui des enseignants diminue. Quant à la programmation annoncée, nous vous avons demandé inlassablement où vous prendriez les crédits.

M. Guy Geoffroy - Dans le budget de l'Etat !

M. Yves Durand - Je poserai donc la question autrement, Monsieur le ministre. Outre vos fonctions gouvernementales, vous êtes l'un des proches conseillers du président de l'UMP, qui milite pour une réduction drastique du nombre des fonctionnaires. Sachant que l'Education nationale emploie la moitié des fonctionnaires, comment honorerez-vous à la fois votre engagement de recruter des enseignants et celui du président de l'UMP de réduire le nombre des fonctionnaires ? Votre programmation ne serait-elle qu'un effet d'annonce ? On peut le craindre. Vous vous êtes engagé à créer un poste d'infirmière dans chaque collège : alors pourquoi avoir accepté, au Sénat, une rédaction qui remplace les mots « en permanence » par l'adjectif « identifiée », si ce n'est pour vous exonérer de tenir cet engagement ?

Votre texte sans ambition est aussi un texte sans moyens. Ce qui aurait pu être un grand rendez-vous entre la nation et son école, après celui de 1989, est un rendez-vous manqué. Ce qui aurait dû être un moment de rassemblement des Français ne suscite que la déception, et sans doute bientôt la rancoeur. Votre projet aura beau être adopté dans quelques instants, il ne suscite pas l'adhésion de ceux qui devront l'appliquer demain. Vous avez échoué à faire partager votre vision de l'école. (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Le groupe socialiste votera bien sûr contre votre projet. Il vous demande une nouvelle fois solennellement de renouer au plus vite les liens que vous avez rompus avec les acteurs de l'école. Rétablissez la confiance ! Dès aujourd'hui, annoncez des rencontres pour envisager, par exemple, le rétablissement des TPE, qui sont à la fois un symbole et un facteur de réussite. Annoncez un collectif budgétaire pour assurer une rentrée sereine.

Je crains qu'avec ce texte, vous n'ayez gâché la chance de redonner un nouveau souffle à l'école. D'autres le lui redonneront !

M. Guy Geoffroy - En première lecture, notre collègue Yves Durand avait estimé de manière quelque peu hasardeuse que vous nous présentiez, Monsieur le ministre, une copie bâclée. Permettez-moi, Monsieur le Président, de lui dire que son intervention d'aujourd'hui n'était qu'un brouillon incertain. Dès le début de son propos, il a donné le ton - celui de la contradiction. Résumons les deux premières phrases : les débats ont été longs, mais les discussions ont été tronquées.

M. Yves Durand - Absolument !

M. Guy Geoffroy - On comprend qu'il avoue être dans le flou sur certaines dispositions du texte...

Nous sommes dans un autre état d'esprit, celui du soutien très déterminé à un texte très pragmatique, qui a beaucoup plus de souffle qu'on veut bien le dire, et qui fixe des orientations importantes pour l'avenir.

Nous n'avons pas entendu le moindre début d'argument sur l'inconstitutionnalité présumée du texte. Vous avez une fois de plus cédé à la caricature à propos du socle. Le socle commun des connaissances et compétences indispensables réduirait l'enseignement à un savoir immédiatement utilitaire. C'est tout le contraire, et le débat très intéressant que nous avons eu en CMP l'a bien montré : pour que la scolarité obligatoire soit une réussite, il faut, à l'intérieur de cette scolarité obligatoire, un socle commun de connaissances et compétences indispensables. Le débat n'a pas porté sur le caractère fondamental du socle, mais sur son contenu : doit-il se résumer à quelques disciplines ou en intégrer un maximum ?

M. Yves Durand - Ce n'est pas le débat !

M. Guy Geoffroy - Le ministre a insisté sur la nécessité d'assigner des priorités à l'action publique en faveur de l'école. Le socle commun en est une.

Ce texte est un texte équilibré, un texte fondateur, qui ne mérite pas les approximations dont il a fait l'objet. Le groupe UMP, unanime derrière le ministre...

M. Yves Durand - Cela n'a pas toujours été le cas !

M. Guy Geoffroy - ...repoussera cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Dosé - Le Président de la République avait souhaité une grande loi d'orientation pour l'école de demain.

M. Guy Geoffroy - La voici !

M. François Dosé - Des centaines de milliers de personnes ont participé pendant dix mois à près de 20 000 rencontres ; une commission présidée par M. Thélot a rendu un rapport qui a reçu un accueil plutôt favorable. Tous les ingrédients pour une loi remarquable étaient réunis : la volonté politique, la parole collective, l'avis de personnalités compétentes.

Sans vouloir vous offenser, Monsieur le ministre, ce projet est pourtant une occasion manquée. Nous ne nions pas que s'expriment ici et là quelques corporatismes, voire certains archaïsmes. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP) Mais il vous revenait de mettre à profit la substantifique moëlle des travaux préparatoires, et vous les avez ignorés, voire dénaturés. Ni les objectifs, ni les moyens, ni les méthodes ne sont au rendez-vous.

Je suis élu d'un département, la Meuse, où l'on ne pourra plus passer les oraux du baccalauréat : il faudra que les élèves fassent jusqu'à une heure et demie de trajet pour se rendre dans un département voisin. C'est cela la réalité des moyens !

L'irrecevabilité se fonde sur des objectifs, sur des principes, mais aussi sur la capacité d'en témoigner. Rien de tout cela n'est au rendez-vous.

M. Yves Durand - Très bien !

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - Nous en venons à la discussion générale.

M. Jean Dionis du Séjour - Avec ce projet de loi d'orientation, nous avons à construire l'école de demain. Nous avons donc besoin d'un texte ambitieux, qui sache répondre aux difficultés de l'école et donner une mission aux enseignants, l'objectif étant de donner à nos enfants les moyens de se former et de réussir leur insertion professionnelle et sociale.

Certes, ce projet comporte des avancées intéressantes : le socle commun de connaissances, la revalorisation de l'enseignement professionnel, l'accent mis sur l'évaluation des connaissances. Il fallait du courage pour définir les composantes du socle, et je me félicite de la reconnaissance des technologies de l'information et de la communication.

Mais le projet est resté entre deux eaux. Bon nombre de dispositions sont des retouches qui relèveraient davantage du décret ou de la circulaire : pourquoi avoir pris la peine de rédiger une loi pour changer finalement peu de choses dans notre système scolaire?

Vous êtes, Monsieur le ministre, un excellent connaisseur des réalités politiques françaises. Vous savez que la culture d'allergie à la réforme de certains syndicats d'enseignants et le désir de transgression de ceux qui ont 18 ans rend délicate toute réforme de l'Education nationale. Dès lors que le Gouvernement avait fait le choix de modifications modestes, fallait-il prendre le risque de perturber notre système scolaire ?

Vous présentez ce projet comme une réforme conséquente, alors que certains problèmes ne sont pas traités : le nombre considérable de jeunes qui ne savent ni lire ni écrire en sixième, l'échec du collège unique, le manque d'attrait pour les filières technologiques. Pourquoi avoir lancé un grand débat national pour aboutir à un résultat aussi modeste ?

Nous nous interrogeons aussi sur les conditions de mise en œuvre des priorités que vous avez définies, telle la prise en compte la plus précoce possible des difficultés des élèves, déjà prévue dans le nouveau contrat pour l'école de François Bayrou. Au final, où sont les mesures nouvelles pour traiter les situations de grande difficulté scolaire ?

Quel sort a été réservé à nos quatorze propositions - certes d'inégale importance - pour améliorer l'école ? Pour dire le vrai, nous avons été bien peu écoutés, qu'il s'agisse de l'accès aux options dans toutes les filières, du recentrage des ZEP sur les établissements les plus en difficulté, de la préservation des écoles rurales - notamment à classe unique -, de la valorisation de l'enseignement professionnel ou de l'accompagnement de la croissance des effectifs dans l'enseignement privé sous contrat. Et nous n'avons pas obtenu davantage d'assurances sur la possibilité de faire bénéficier les directeurs d'école d'un nouveau système de décharge d'enseignement ou sur la validation de la formation dispensée dans les classes post-bac des lycées - classes préparatoires et BTS, dans le cadre de la réforme LMD -, alors que tous les établissements l'attendent.

Pour nous, le problème majeur de l'école, c'est qu'elle ne réussit pas à apprendre à lire à tous les élèves, de sorte que près de 80 000 jeunes arrivent au collège chaque année sans maîtriser la lecture et l'écriture. L'essentiel se situe donc à l'école élémentaire. Las, tel que vous l'avez envisagé, le socle de connaissances repousse la difficulté à la classe de troisième, lorsqu'il est presque toujours trop tard pour réagir. C'est donc une occasion manquée.

Monsieur le ministre, au terme de ce débat, le groupe UDF salue votre courage de réformateur... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Mais nous ne pouvons manquer de nous interroger sur l'opportunité d'une telle loi d'orientation, les dispositions ayant résisté aux arbitrages successifs ne consacrant finalement que de bien timides avancées. Quant aux priorités dégagées, comment seront-elles finalement mises en œuvre ? Pour toutes ces raisons, et parce qu'il est déçu que se ses propositions n'aient pas recueilli l'écoute qu'elles méritaient, le groupe UDF s'abstiendra. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Ça, c'est courageux !

M. Patrick Braouezec - II a été dit que le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école avait été élaboré avec l'ensemble des acteurs concernés. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP) Or, que voyons nous ? La jeunesse est en colère ! Certains lycées, après huit semaines de mobilisation, sont occupés ; d'autres sont bloqués par les lycéens pour une heure ou deux, voire une journée entière et, aujourd'hui même, ils sont là, à quelques centaines de mètres de nous ; ils veulent être entendus car ils ont des choses à dire sur l'avenir de leur école. Les futurs enseignants et leurs professeurs d'IUFM constatent que la formation initiale et continue des enseignants du premier degré fait l'objet d'une régression sans précédent. Quant aux professeurs, ils seront dans la rue le 2 avril...

Plusieurs députés UMP - Ça, c'est nouveau !

M. Patrick Braouezec - L'ensemble des partenaires sociaux et des acteurs de l'école condamnent donc votre texte. Certains ont fait des propositions pour l'améliorer, mais vous refusez de les entendre, préférant user de méthodes qui relèvent du déni de démocratie. Ainsi, pour raccourcir les débats, vous n'avez pas hésité à déclarer l'urgence alors que nos travaux étaient déjà engagés. La précipitation qui a prévalu, ici-même comme au Sénat, a fait parler de marathon législatif.

Pour quel enjeu ? Certainement pas celui de garantir l'accession du plus grand nombre aux savoirs et à la réussite scolaire ! Qu'allons nous gagner à un système éducatif guidé par le libéralisme ? Si l'on nous a imposé ce marathon, c'était pour supprimer toute possibilité de débat contradictoire. Le Gouvernement a failli en ne respectant pas les règles démocratiques, et c'est l'ensemble de notre système éducatif qui se trouve aujourd'hui mis en cause.

Ce projet de loi d'orientation devait remédier au constat - dressé de longue date et introduit de façon insidieuse dans l'esprit de nos citoyens - que l'école est malade. Malade, mais de quoi ? Ne doit-on pas plutôt se demander qui veut la mort de l'école et pourquoi ? Même si vous avez supprimé toute référence au baccalauréat, transformé le contrat individuel de réussite éducative en programme personnalisé de réussite scolaire, réintroduit l'enseignement des langues régionales, relevé le socle de connaissances et même introduit des éléments de programmation budgétaire, toutes ces concessions n'altèrent pas l'idéologie libérale qui imprègne le projet. Tout compte fait, vos propositions utilisent le contexte financier pour faire le procès des valeurs républicaines, au profit exclusif de la privatisation. Il n'est que de lire la presse pour connaître le nombre de fermetures de classes dans l'enseignement primaire - notamment à Paris et à Saint-Denis - et le nombre de postes supprimés. Pour couronner le tout, vous voulez installer une sélection encore plus drastique au collège, supprimer nombre d'options au lycée, remettre en cause les dédoublements et supprimer les TPE. Dans ces conditions, comment pourriez-vous remédier aux carences du système que vous avez énumérées dans l'exposé des motifs ?

Il eût fallu tenir compte des enjeux d'une réforme du système éducatif. En cédant à la facilité d'une CMP, vous prouvez que votre seul objectif est de réorganiser l'école à la va-vite, pour l'adapter aux exigences d'employabilité imposées par le marché. Parce que votre texte reste ultralibéral, nous persistons à en demander le retrait.

A y regarder de plus près, l'on constate que tous les textes que nous soumet le Gouvernement sont en congruence avec le traité établissant une Constitution pour l'Europe. Finalement, la seule manière d'expliquer la façon délétère dont ont été menés les débats, c'est que l'ensemble des services publics doivent répondre au plus vite aux exigences posées à l'article du traité qui fixe les objectifs de l'Union ! Plutôt que de faire des choix de société qui engagent le pays, vous préférez brader les acquis en facilitant l'ouverture à la libre concurrence des activités d'éducation, de recherche et de culture. Et c'est pour vous donner bonne conscience que vous affirmez que l'école est malade ! Mais personne n'est dupe. Non, l'école n'est pas malade. La vérité, c'est que depuis la fin des années 1980, notre système éducatif a été soumis à une série de réformes qui, sous le prétexte d'améliorer les conditions d'enseignement, ne tendent qu'à organiser sa déréglementation. Nous sommes par conséquent fondés à considérer que ces mutations expriment la volonté d'ajuster l'école aux nouvelles exigences du libéralisme.

N'oublions pas qu'en 1994, lors de la signature des accords de Marrakech, la France a souscrit à l'accord général sur le commerce des services, ce qui n'est pas sans incidence sur les retraites, la protection sociale, le droit du travail et la fonction publique. Les négociations pour la mise en application de cet accord « en vue d'élever progressivement le niveau de libéralisation » sont en cours, et il semble bien que peu importe à notre Gouvernement s'il est conduit à remettre en cause certains des droits fondamentaux que sont l'éducation, la santé et le travail ! A travers la réforme de l'école, ce sont bien les principes de base du libéralisme qu'il entend en effet affirmer. Dans cette perspective, les savoirs scolaires doivent s'adapter à une vision moins-disante du monde dans lequel on veut faire vivre nos enfants.

Au reste, cette conception est conforme aux objectifs de la déclaration de Lisbonne de « construire une Europe de l'éducation et de la formation », laquelle avait succédé à la table ronde des chefs d'entreprise organisée à Barcelone en 2000, où l'on a pu entendre qu'il fallait que l'école se mette en cohérence avec les besoins des entreprises, puisqu'à court terme, d'après les analyses de l'OCDE, « les métiers doivent être vus sous l'angle de niveaux de qualifications et de compétences. Il faut que la formation européenne s'adapte aux besoins des entreprises, à savoir entre 20 et 40 % de métiers non qualifiés et 30 à 50 % de métiers très qualifiés ». Une phrase du livre blanc de l'OCDE sur l'éducation et la formation devrait d'ailleurs nous inciter à la réflexion, puisqu'elle affirme que « cette main-d'œuvre est indispensable à l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable, accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale ». Autant dire qu'avec ce projet de loi, vous orientez l'avenir de l'école en la sommant de produire une main-d'œuvre flexible, mobile, acceptant des niveaux de rémunération et des conditions de travail compétitives au plan mondial.

C'est ainsi que vous êtes conduits à proposer une réduction de la mission du système éducatif à l'acquisition d'un savoir minimum dans des écoles différenciées et pensées, pour celles concernant les milieux populaires, comme des lieux de pacification pour des jeunes déjà fortement stigmatisés par leurs origines sociales. Je ne prétends pas que l'école, à elle seule, pourrait résorber les inégalités sociales ; mais je me refuse à affirmer - comme nombre de ceux qui trouvent ce projet très cohérent ! - que l'école ne peut rien faire. L'école doit garder son ambition transformatrice et émancipatrice, car c'est ainsi que l'on évitera que l'échec scolaire frappe essentiellement les enfants des milieux populaires. Dès lors la question essentielle reste : quel projet de formation pour quelle société ? L'avenir de l'école ne peut reposer sur la position que vous défendez, laquelle présente l'accès à la connaissance comme une charge financière insupportable pour l'Etat. A l'inverse, notre projet serait d'investir prioritairement sur le terrain de l'éducation. Notre pays a besoin d'une école qui scolarise tous les jeunes, qu'ils soient porteurs d'un handicap, issus de familles appartenant aux gens du voyages ou sans-papiers. S'agissant de ces derniers, nous refusons que l'on vienne les priver d'école pour les jeter dans les centres de rétention, au seul prétexte que leurs parents sont en situation irrégulière, comme cela vient encore de se faire récemment ! Est-ce là la société que nous voulons ?

L'école pour tous doit être dotée de missions obéissant aux principes de laïcité, de gratuité tout au long de la scolarité, d'obligation scolaire et d'égalité. Elle doit permettre la construction des savoirs, afin que chacun soit doté d'une culture lui permettant de faire preuve d'un esprit ouvert et critique. Elle doit développer les capacités des uns et des autres, afin qu'ils puissent entrer en relation avec le monde, le comprendre et - pourquoi pas - le transformer. L'école publique est seule à même de garantir des programmes et des enseignements d'égale qualité sur l'ensemble du territoire. Toute tentative de marchandisation des services qu'elle rend est contraire aux principes républicains.

Il est grand temps d'envisager un système éducatif national cohérent, donnant à tous les mêmes possibilités d'accès à la formation. De nouvelles cartes des formations - générales, techniques et professionnelles - devraient être élaborées démocratiquement par l'ensemble des partenaires du système éducatif et du monde du travail, en accordant la priorité aux régions sous-équipées. Il apparaît également indispensable de faire entrer les écoles et établissements scolaires de l'ensemble du territoire dans une démarche interculturelle, impliquant l'ouverture sur l'extérieur, sur tous les milieux des différents pays européens et en direction des pays du Sud.

Pour nous, l'école doit lutter contre toutes les formes de marginalisation, et cela nous conduit à proposer des dispositifs d'intégration scolaire qui doivent être mis en œuvre tout au long de la scolarité obligatoire. Les politiques d'intégration des élèves dans les cursus scolaires doivent être encouragées et accompagnées de moyens : par exemple, une formation adaptée et continue des enseignants, des conditions d'encadrement améliorées, du temps institutionnel prévu pour la concertation avec les familles et les équipes éducatives. Notre ambition d'une formation de haut niveau pour tous va radicalement à l'encontre de l'idéologie portée par votre projet politique et s'appuie sur le principe simple que tout le monde peut apprendre, quelle que soit son origine sociale, géographique ou son étiologie.

Nous pensons que l'investissement dans la formation n'est pas un coût mais le signe d'une société se projetant dans l'avenir. Pour cette raison, nous nous inscrivons dans une démarche de gratuité qui ne doit pas dépendre des enjeux politiques nationaux ou européens, et nous proposons de définir la base commune indispensable pour assurer un enseignement de qualité pour tous. Certes, cela suppose de dégager des ressources financières, ce qui pourrait se faire par un investissement sur cinq ans à hauteur de 7 % du PIB, et il est aussi indispensable de créer un fonds national d'action contre les inégalités à l'école. Nous avons formulé bien d'autres propositions, que mon collègue François Liberti a énoncées dans son intervention du 15 février.

Je terminerai, Monsieur le ministre, par ce constat terrible pour notre pays mais aussi pour l'Europe : vous avez choisi de servir les projets d'une Europe libérale au détriment d'une Europe sociale composée de citoyens responsables, puisqu'en affaiblissant le système éducatif et en renforçant sa capacité à organiser la sélection, vous refusez de reconnaître le droit de chacun à une éducation développant l'ensemble des compétences.

Non seulement ce texte bafoue le travail parlementaire et le dialogue social, mais il diminue le rôle de l'école, favorise la fuite vers le privé, crée les conditions d'une école à plusieurs vitesses en la livrant au commerce. Nous ne voulons pas sacrifier l'avenir de générations entières, et nous voterons conte ce projet.

M. Guy Geoffroy - Au terme de cette belle aventure qui va conduire le Parlement à fixer pour une quinzaine d'années, sur proposition du Gouvernement, l'avenir de l'école, l'avenir du pays, nous en avons la certitude : il fallait réformer l 'école. Il le fallait, car un pays moderne ne peut plus accepter que 150 000 de ses enfants quittent chaque année le système éducatif sans pouvoir commencer de façon correcte leur vie d'adulte, plus accepter qu'au moment de passer de ce qu'on appelait autrefois « la petite école » au collège, 80 000 d'entre eux ne maîtrisent pas ces apprentissages fondamentaux, lire, écrire, compter.

Il fallait réformer, mais comment ? Fallait-il se limiter, comme c'était possible, à prendre des dispositions réglementaires ? Sincèrement, je ne le pense pas. Je suis donc heureux que le Gouvernement, à la demande du Président de la République, ait saisi le Parlement d'un projet de loi d'orientation. Quand il s'agit de l'avenir de sa jeunesse, c'est à la nation, par ses représentants, de définir ces grandes orientations. Le groupe UMP est fier d'avoir, à vos côtés, Monsieur le ministre, étudié et enrichi ce très bon projet qui sera, j'en suis sûr, assorti de bonnes dispositions réglementaires.

Est-ce un projet modeste ? Certains ont semblé le penser. Mais est-il modeste d'inscrire dans une loi d'orientation l'obligation de faire que 100 % des enfants sortant du système éducatif maîtrisent les éléments fondamentaux qui leur permettront de s'insérer dans la vie active , de faire accéder 80 % d'entre eux au bac, à tous les bacs, et de revaloriser l'enseignement professionnel ?

M. Yves Durand - Sur les objectifs, tout le monde est d'accord ; la question, ce sont les moyens !

M. Guy Geoffroy - Je tiens à évoquer avant tout, parmi les pièces maîtresses du dispositif, le socle commun de connaissances et de compétences. On l'a caricaturé comme une régression. C'est au contraire un progrès que de proposer à tous les élèves de disposer des mêmes outils de base à chaque étape de la scolarité obligatoire. En réalité, c'est le socle de l'égalité des chances. Sa mise en place rend une ambition, une cohérence au système éducatif dès les premiers niveaux ; il permet de procéder à une évaluation étape par étape jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire, et de faire le point pour accéder dans des conditions mieux définies au second cycle de l'enseignement secondaire. Pour y parvenir, il faut très tôt tenir compte de la personnalité de l'élève, de ses qualités et de ses difficultés. C'est ce que permet le programme personnalisé de réussite scolaire, qui est complément naturel du socle de connaissances, et grâce auquel on pourra intervenir immédiatement quand une difficulté se déclare, non quand elle est installée. Sa mise en œuvre associant les parents et l'école, responsabilisera l'ensemble des acteurs qui concourent à la réussite de l'élève.

Parmi d'autres aspects du texte, je relève aussi que des dispositions sont prises pour améliorer l'apprentissage des langues, qui constitue un grave problème dans notre pays. Le Gouvernement s'est également préoccupé du recrutement, de la formation et de la carrière des enseignants. Le rattachement des IUFM aux Universités améliorera la qualité de l'enseignement et nous mettra à égalité avec nos voisins. D'autre part, il faudra remplacer la moitié du corps enseignant qui partira en retraite dans les cinq à dix ans, ce qui fait qu'un jeune sur quatre qui entre à l'Université sera destiné à l'enseignement. Pour relever ce défi, les dispositions prévues dans le texte sur le recrutement et les carrières, en même temps que l'affirmation de la liberté pédagogique, permettront aux enseignants, que je salue au nom de la représentation nationale, de mieux exercer à l'avenir.

On a dit aussi que les parents étaient les grands absents de ce texte.

M. Yves Durand - C'est eux qui le disent.

M. Guy Geoffroy - Ils ne le sont pas, et tous nos débats prouvent que sans les parents, il n'y a pas de réussite scolaire. S'il faut affirmer l'ambition de l'école, il faut aussi que les parents assument leurs responsabilités.

Le groupe UMP était convaincu dès le départ qu'il fallait réformer l'école ; il l'est devenu plus encore au fil des débats. Nous sommes heureux et fiers de vous avoir accompagné, dans l'élaboration de ce qui sera une grande loi fondatrice pour assurer la réussite de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre-André Périssol - Cette loi d'orientation est une étape dans la démarche voulue par le Président de la République. Il y a dix-huit mois, on a donné la parole aux Français et ils ont dit leurs attentes pour l'école. Pour y répondre, un ensemble de propositions a recueilli une approbation sans précédent des fédérations de parents d'élèves, des syndicats réformistes et d'une large majorité d'enseignants.

Ils veulent, tout d'abord, un recentrage sur des fondamentaux, sur un socle commun, constitué par les grandes connaissances et compétences que tous doivent maîtriser à l'issue du collège.

Mais il n'est de socle commun que s'il est complété par d'autres enseignements : l'école doit permettre à chacun de trouver sa voie et de donner le meilleur de lui-même.

Enfin, la maîtrise du socle commun par tous les élèves passe par une personnalisation des rythmes et des modalités d'apprentissage, afin de tenir compte de la diversité des élèves.

Ces trois orientations constituent un ensemble indissociable, et nous nous réjouissons des dispositions qui figurent dans le projet. Il me paraissait utile d'apporter certaines précisions, parce qu'elles conditionnent la réussite scolaire et parce qu'elles recueillent l'adhésion des représentants des parents d'élèves et de la plupart des enseignants. Certains des amendements en ce sens n'ayant pas été retenus, il faudra après le vote de cette loi envoyer des signaux dans la même direction.

Il en va de même au sujet du rôle d'accompagnement des parents, accompagnement qui est une condition de la réussite scolaire des enfants : l'amendement proposé dans le corps du texte n'ayant pas été accepté et la portée de celui déposé sur le rapport annexé ayant été réduite, il faudra aussi adresser des signaux concrets aux parents.

La définition générale des connaissances et compétences qui constitueront le socle commun est renvoyée à une instance d'experts. Vous avez proposé, Monsieur le ministre, que le Parlement les conseille en leur transmettant ses réflexions ; en général, ce sont plutôt les experts qui conseillent les politiques, mais il est vrai que tous les ministres de l'Education nationale ont eu un jour ou l'autre du mal à faire confiance au Parlement. C'est dommage, car cela prive la nation d'une occasion de se mobiliser autour de son école.

La loi qui va être votée définit un cadre, et je m'en réjouis. Mais la réussite scolaire n'est pas seulement une affaire de loi et de décrets ; la détermination et la confiance faite aux acteurs conditionnent les résultats. Les connaissances et compétences qui seront demain reconnues comme constitutives du socle commun seront-elles en phase avec les grandes options retenues dans les pays qui obtiennent de meilleurs résultats que nous ? Concernant la personnalisation des temps d'apprentissage, interviendra-t-on dès l'amont pour prévenir l'échec, ou seulement pour tenter d'y remédier ?

L'avenir dira si nous savons concrétiser notre ambition de faire réussir tous les élèves, sans en laisser aucun sur le bord de la route. C'est l'enjeu du rendez-vous historique que nous avons avec l'école. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Cette loi, sur laquelle le débat aura été l'un des plus longs dans l'histoire des lois sur l'école, va changer profondément le visage de l'école de la République.

Elle permet, pour la première fois, de fixer à notre système éducatif des priorités. Je suis fier d'avoir su, avec la majorité, résister à tous ceux qui approuvaient la définition de priorités mais qui voulaient y inclure l'ensemble des disciplines.

Elle va permettre de mettre en place dès l'école primaire un dispositif de soutien comme jamais notre système éducatif n'en avait imaginé ; de rattraper le retard inacceptable de notre pays sur le plan de la maîtrise des langues étrangères, au moment où celle-ci devient une question stratégique tant sur le plan individuel que pour l'avenir collectif de notre nation ; de clarifier l'organisation de la filière professionnelle, si importante pour notre pays ; d'apporter une réponse efficace à la question du remplacement des enseignants absents pour des courtes durées.

Enfin, elle va profondément réformer la formation des maîtres, en confiant aux universités les instituts universitaires de formation des maîtres, sur lesquels on glosait depuis si longtemps sans jamais apporter de réponse opérationnelle.

Bref, elle introduit des changements plus profonds que celle de 1989, sur laquelle par ailleurs elle s'appuie.

Avait-on besoin d'une loi pour faire tout cela ? L'exemple donné par M. Dionis du Séjour m'en convainc : s'il est vrai que François Bayrou avait mis en place dans le contrat sur l'école un dispositif de détection précoce, il est vrai aussi que cela n'a pas suffi puisque nous sommes obligés d'imaginer des solutions nouvelles. Face à des difficultés aussi sérieuses que celles que rencontre notre système éducatif, point n'est besoin de se demander si le Parlement doit débattre : s'agissant du sujet le plus stratégique pour l'avenir de notre pays et du premier budget de la nation, la question ne se pose même pas.

D'ailleurs, le débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale comme au Sénat a été très riche et éclairant, notamment sur le point de savoir s'il y avait des alternatives.

Force est de constater que les autres solutions proposées sont assez peu nombreuses. J'en ai retenu trois.

D'abord, introduire la bivalence dans la formation des enseignants. C'est une idée qu'a défendue le Président Ayrault, et qui est intéressante, mais mon sens du dialogue social m'a conduit à ne pas la retenir dans l'immédiat.

Ensuite, aller plus loin dans la mise en œuvre des cycles et casser l'organisation des collèges et lycées autour des classes. C'est également une idée extrêmement séduisante, mais elle n'a jamais pu être réellement mise en application depuis 1989 ; nous allons la traduire dans les faits pour l'apprentissage des langues. Cette expérimentation à grande échelle pourra peut-être être étendue.

Enfin, réduire les effectifs des classes. A la télévision cette semaine, un responsable politique important a déclaré qu'une étude avait prouvé qu'en réduisant de cinq le nombre des élèves dans une classe, on réduisait de 40 % le nombre des redoublements. Certes cette étude existe, mais cinquante disent le contraire, et elle provient de l'équipe qui a imaginé les trente-cinq heures (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)...

J'ai été très attentif aux propositions de l'opposition, et plusieurs d'entre elles ont été retenues. Je pense en particulier à l'amendement de M. Brard sur l'enseignement du fait religieux et à plusieurs amendements socialistes, notamment celui de M. Mélenchon concernant le lycée des métiers.

Nous avons également été attentifs aux demandes de l'UDF, qui pour beaucoup d'entre elles trouvaient déjà leur réponse dans le projet. L'abstention du groupe UDF, après un vote positif sur la quasi-totalité des articles et après le vote positif du groupe UDF du Sénat vaut assez largement, me semble-t-il, approbation des objectifs de cette réforme.

Ce texte a été débattu dans un contexte de revendications, auxquelles le Gouvernement n'a pas cédé. Il n'a pas reculé devant la mobilisation car il n'a jamais considéré qu'elle était majoritaire, ni dans les lycées ni dans le pays. Elle reposait en effet sur une présentation mensongère de notre réforme : on a expliqué que nous voulions orienter précocement les élèves alors que nous supprimons précisément des filières d'orientation précoce, que nous voulions supprimer l'enseignement du sport, des matières artistiques, des sciences économiques, mais la grande majorité des Français a compris que ce n'était pas vrai.

Je n'en ai pas pour autant été insensible à l'appel de la jeunesse à plus d'égalité. Je suis profondément convaincu que ce projet, s'il ne fera pas disparaître toutes les inégalités - mais je suis prêt à discuter d'autres étapes, pas nécessairement législatives d'ailleurs, avec les organisations lycéennes et l'ensemble de la communauté éducative -, contribuera à réduire pour une bonne part ces maux dont souffre depuis trop longtemps notre système éducatif.

Je remercie la majorité de son soutien. Elle peut être fière d'avoir permis cette réforme importante. Pour ma part, je suis fier d'avoir porté, depuis maintenant plus de deux ans, plusieurs profondes réformes qui étaient indispensables. Je pense à celle des retraites, à celle du dialogue social, à celle de la formation professionnelle et aujourd'hui, celle de l'école.

Quel sera le devenir de cette réforme-ci ? Les socialistes nous annoncent déjà une alternance qui permettra de faire table rase du passé... S'agissant de l'alternance, je ne me prononcerai pas. Pour le reste, j'observe que, dans les premières esquisses de programme qu'ils ont présentées ces derniers jours, ils ne parlent nulle part de revenir sur ce que nous avons fait en matière de retraite. C'est la preuve qu'après avoir violemment combattu une réforme juste et nécessaire, ils se sont convertis à la sagesse et ont compris qu'ils n'auraient d'autre choix que de la soutenir. Pour ma part, je n'attends qu'un seul jugement, celui qui résultera de la diminution de l'échec scolaire et de l'exclusion. Le Président de la République m'avait confié cette mission. Je crois l'avoir accomplie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous allons maintenant nous pencher sur le texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l'article 113, alinéa 3, de notre Règlement, j'appelle l'Assemblée à se prononcer d'abord sur les amendements du Gouvernement.

M. le Ministre - Les amendements 1 à 13, tous de coordination, tirent les conséquences des conclusions de la CMP concernant les articles relatifs à l'application de la loi outre-mer. Ils résultent d'un travail minutieux mené avec les commissions des deux assemblées et leurs rapporteurs, que je remercie de leur disponibilité et de la qualité de leur contribution.

Les amendements 2 rectifié, 5 rectifié, 8 rectifié et 11 rectifié portent respectivement sur les articles 29, 37, 45 et 52 relatifs à l'application du texte à Wallis-et-Futuna, à Mayotte, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Ils y corrigent la place à laquelle s'insère la référence aux nouveaux articles L. 122-1-1 et L. 131-1-1, relatifs au socle commun de connaissances et de compétences.

Les amendements 3, 6, 9 et 13 résultent de la décision de la CMP de créer un nouvel article L. 912-1-3. Il est ainsi bien précisé que la formation continue des enseignants sera prise en compte dans la gestion de leur carrière également à Wallis-et-Futuna, à Mayotte, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Les amendements 1, 4, 7 et 10 tirent, pour leur part, les conséquences du rétablissement par la CMP de l'article 12 bis relatif à l'enseignement des langues régionales. En effet, celui-ci modifie l'article L. 312-10 du code de l'éducation, lequel n'est pas applicable dans les collectivités d'outre-mer. L'amendement 4 supprime de plus l'article 22 B de la liste des articles ne s'appliquant pas à Mayotte.

Enfin, les amendements 7 et 12 sont de coordination avec les modifications introduites par la CMP aux articles 47 et 51. Ils précisent que l'attribution des bourses au mérite doit tenir compte du partage des compétences entre l'Etat et les autorités locales en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

M. le Rapporteur de la CMP - La CMP accepte bien sûr l'ensemble de ces amendements.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 2 rectifié, 3, 4, 5 rectifié, 6, 7, 8 rectifié, 9, 10, 11 rectifié, 12 et 13.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, compte tenu du texte de la CMP ainsi amendé, est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 35, est reprise à 16 heures 50.

ORIENTATION SUR L'ÉNERGIE -deuxième lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Philippe Tourtelier - Nous arrivons aujourd'hui au terme d'un processus lancé il y a trois ans par le Gouvernement, et qui semblait très prometteur, tant sur la méthode - une large concertation - que sur l'objectif - une grande loi d'orientation sur l'énergie pour les trente prochaines années.

Malheureusement, vous n'avez pas été capables, avec ce texte, de donner à notre pays le souffle mobilisateur indispensable pour ce XXIe siècle.

Nous ne pouvons plus ignorer les menaces qui pèsent sur l'environnement, et il est de notre responsabilité de pays riche de diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre. A nous d'inventer un nouveau mode de développement en entraînant à notre suite, si possible, d'autres pays.

Plutôt que de faire prendre conscience à nos concitoyens de la nécessité d'une mobilisation collective, vous vous êtes contentés de fixer quelques objectifs assez vagues et de confirmer des engagements écrits que nous avions, dans l'ensemble, déjà pris.

Votre projet ne suffira même pas pour remplir nos obligations envers l'Europe. Votre approche trop nationale vous conduit à vous centrer sur l'électricité, au lieu de traiter l'énergie en général, et vous prenez pour postulat de départ que le nucléaire serait la réponse à tout. Vous n'avez pas su provoquer un vrai débat dans notre pays. Pis, par un faux débat, vous avez dévalorisé la démocratie participative. Rappelons en effet la genèse de cette loi.

Inspiré par le Président de la République, Jean-Pierre Raffarin annonçait dans sa déclaration de politique générale du 3 juillet 2002, un grand débat public sur l'énergie, suivi d'un projet de loi d'orientation qui devait consacrer le développement des énergies renouvelables et la place de l'énergie nucléaire. Un citoyen raisonnable ne pouvait que se réjouir de ces déclarations, et penser que le Gouvernement allait investir autant dans les énergies renouvelables qu'il l'avait fait pour le nucléaire. Après avoir dépensé 445 millions d'euros par an entre 1992 et 2001 pour la recherche et le développement dans les technologies de la fission nucléaire, alliez-vous faire moins pour elles ?

Cette question aurait dû recevoir sa réponse lors des nombreuses réunions publiques organisées par Nicole Fontaine, chargée d'organiser ce grand débat national en 2003, mais on sait ce qu'il est advenu de ce faux exercice de démocratie participative. Les journées de Rennes des lundi 5 et mardi 6 mai en témoignent : le lundi, on nous a démontré que les énergies renouvelables auraient du mal à produire en 2010 21 % de l'électricité, comme le prescrit la directive européenne. C'est vrai, mais on en a profité le lendemain, pour en conclure que le nucléaire, énergie propre de surcroît, était incontournable. Non contents d'avoir réduit le débat à l'électricité, qui ne représente pourtant que 40 % de notre consommation d'énergie, vous considérez l'insuffisance actuelle des énergies renouvelables comme une fatalité. Du coup, le nucléaire, effectivement indispensable aujourd'hui, le serait aussi jusqu'en 2050 !

En vérité, ce que vous présentiez comme une grande première n'était qu'une machination destinée à préparer les Français à la relance du programme nucléaire.

Et que dire des tergiversations ministérielles de 2004 ! La loi s'est fait attendre, comme si le Gouvernement hésitait à affronter l'opinion publique, puis les élections régionales sont venues bouleverser la donne politique et les ministres qui avaient conduit le débat public ont été évincés du nouveau gouvernement. Voici alors M. Sarkozy à la manœuvre, et tout s'accélère. Dès avril, il confirme le nouveau programme nucléaire, avec le lancement du réacteur troisième génération EPR, et la modification du statut d'EDF et de GDF. Il veut tout régler au pas de charge, avant l'été. Les propositions de Nicole Fontaine sont oubliées, la loi d'orientation sur l'énergie est présentée en mai. Réduite à la portion congrue, elle devait être discutée en urgence déclarée, précédant de quelques semaines le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, lui aussi en urgence déclarée, pour que la loi puisse être promulguée en août.

En fait, la discussion de cette loi d'orientation, organisée dans la précipitation, avec un texte initial constitué pour moitié d'une annexe sans valeur juridique que le rapporteur a dû récrire en hâte, n'a pas permis à notre commission de débattre au fond des questions importantes. D'où un texte où, contrairement aux déclarations du Premier ministre, les énergies renouvelables restent marginalisées, quand leur développement n'est pas entravé. Cette loi n'a servi qu'à atteindre les objectifs déjà évoqués : la construction de l'EPR et l'ouverture du capital d'EDF et de GDF. D'ailleurs, après la première lecture, il n'y avait plus d'urgence : neuf mois se sont écoulés avant la deuxième. Cette première lecture n'a pas permis d'avoir les débats qu'attendaient nos concitoyens ; aussi notre commission doit-elle faire maintenant le travail de fond.

Vous organisez votre loi autour de quatre objectifs et de quatre axes de travail, auxquels nous pourrions globalement souscrire si votre pratique depuis deux ans ne nous rendait dubitatifs sur votre conviction réelle. Considérons d'abord les objectifs. Le souci d'indépendance énergétique nationale maximale reste nécessaire du point de vue de la production, mais il doit se décliner dans un souci d'indépendance maximale de chaque région. Il faut en outre le resituer dans le contexte d'un marché européen intégré où les frontières auront de moins en moins de sens.

Le deuxième objectif, préserver l'environnement et, notamment combattre l'effet de serre, est essentiel. C'est pourquoi il serait indispensable que le ministre de l'écologie participe au débat sur l'énergie. Un refus nous ferait douter de votre volonté politique sur ce sujet.

Le troisième objectif est celui d'un prix compétitif pour nos entreprises et nos concitoyens. Objectif louable, à condition qu'il y ait transparence sur les prix réels, c'est-à-dire qu'on intègre les externalités, comme l'a souhaité le ministre de l'écologie. Dans le domaine de l'électricité, votre proposition de certificats vous oblige à calculer enfin un coût comparé des kilowatts-heure en fonction de leur origine, incluant les externalités, sinon votre marché ne sera pas crédible. Avec un prix du baril durablement fixé à 50 dollars, bien des énergies renouvelables redeviennent compétitives.

Quant au quatrième objectif, celui de la cohésion sociale et territoriale, il est pour nous essentiel. Il est cohérent avec votre affirmation de la nécessité d'un service public. Mais rien dans vos actions passées, en particulier dans la loi sur les responsabilités locales ou la loi EDF, ni dans vos actions présentes, par exemple votre refus de prendre en compte le « droit à l'énergie pour tous », ne nous permet de croire à la sincérité de vos affirmations. Cet objectif fondamental est probablement celui dont vous resterez le plus éloignés, compte tenu des quatre axes que vous proposez.

Examinons ces derniers, que vous avez énumérés probablement par ordre d'importance : la maîtrise de la demande énergétique, la diversification des sources, la recherche, et enfin le transport et stockage. Nous pouvons être d'accord sur cet ordre, même si beaucoup d'actions sont complémentaires : ainsi la question du stockage de l'énergie est liée à celle de la recherche, en particulier dans le domaine de l'électricité. Mais, à propos d'une loi qui nous oblige à nous projeter dans trente ans, il est paradoxal d'entendre encore argumenter contre les énergies renouvelables sur le fondement de leur intermittence, qu'on suppose durable, alors qu'on croit par ailleurs aux recherches sur les nouvelles formes de stockage de l'électricité quand on se projette à trente ans. Il ne faut pas rester prisonnier des débats d'aujourd'hui ou de nos habitudes culturelles ! Nous avons déjà du mal à ne pas réduire le débat sur l'énergie à un débat sur l'électricité.

Mais même dans ce débat sur l'électricité, nous restons prisonniers de notre histoire politique et institutionnelle très centralisée, y compris en termes de production : nous ne parlons que de « centrales », qu'elles soient nucléaires ou thermiques, avec ce que cela implique en termes de distribution et de perte d'électricité sur les réseaux. Votre projet ne tire pas les conséquences du mouvement profond de décentralisation que nous constatons au niveau politique, mais aussi dans des domaines techniques. L'analogie avec l'informatique est parlante : il y a trente ans, quand nous avons développé nos centrales électriques, l'informatique était elle aussi « distribuée » à partir de grosses unités vers des terminaux. Avec l'apparition de la micro-informatique, l'informatique n'a plus été distribuée, mais « répartie » : chacun est autonome, mais peut se connecter à un réseau. Cette évolution culturelle, également observée dans les médias, est aussi à l'œuvre en politique avec l'émergence d'un citoyen plus autonome et plus responsable. Elle n'est pas prise en compte dans votre projet qui en reste à la conception traditionnelle d'une énergie centralisée, distribuée à des consommateurs, alors qu'il faudrait accompagner ce mouvement de fond de la société vers l'éco-citoyenneté et vers la décentralisation, dans le domaine de l'énergie comme ailleurs.

J'ai évoqué à propos du stockage l'importance de la recherche. C'est votre deuxième axe. Là encore, on voit combien vous peinez à prendre de la distance avec nos pratiques nationales du XXe siècle : chez nous, la réponse au choc pétrolier ayant été le développement du nucléaire, le débat sur l'énergie s'est réduit à un débat sur l'électricité et nous avons affecté la quasi-totalité de nos moyens de recherche au nucléaire. Votre loi d'orientation se devait de réagir. Il n'en est rien. On le voit à la façon dont vous soutenez le programme ITER, « à condition que ce programme ne déséquilibre pas les financements de la recherche dans son ensemble, et sur l'énergie en particulier ». Faute avouée, dit-on, est à moitié pardonnée, mais quel aveu ! Si vous n'aviez pas sinistré le secteur de la recherche dans vos budgets de 2003 et 2004, vous seriez plus confiants. Mais vous préférez réduire l'impôt sur le revenu et sacrifier l'avenir, y compris énergétique. C'est donc logiquement que vous craignez qu'ITER se fasse au détriment, non seulement de la recherche sur l'énergie, mais de la recherche dans son ensemble. D'où la prudence de vos propositions. Vous écrivez que « l'effort de recherche global portant sur le développement des énergies renouvelables et la maîtrise de l'énergie sera fortement accru sur les trois ans qui suivront la promulgation de la loi », mais vous ne fixez aucun objectif chiffré, pas même en pourcentage. Quand on voit d'où nous partons, il ne sera pas difficile d'accroître fortement l'effort. Comme disait Raymond Devos, « rien, c'est rien, mais trois fois rien, c'est déjà quelque chose ! ». Nous sommes malheureusement dans cette logique. C'est pourquoi il nous paraît indispensable de dresser un état des lieux de la recherche publique et privée dans le domaine de l'énergie, puis de fixer des objectifs chiffrés, au moins en pourcentage, comme ce projet le fait dans quelques domaines : objectifs de répartition et d'évolution des crédits de recherche entre les diverses sources d'énergie ou techniques de maîtrise de l'énergie. Bref, pour rendre crédible votre souci de développer la recherche, il faut d'abord jouer la transparence, puis affirmer une volonté politique appuyée sur des objectifs chiffrés.

Votre troisième axe consiste à « diversifier le bouquet énergétique » Là encore on ne peut qu'être d'accord. Mais la déclinaison que vous faites de ce principe nous inquiète. L'ordre de présentation n'est pas neutre, et une fois de plus vous commencez par traiter de l'électricité. Si encore c'était pour affirmer que ce souci de diversification va s'appliquer à l'électricité, où près de 80 % de notre production vient du nucléaire, nous applaudirions. Mais paradoxalement, vous commencez par conforter cette monoproduction, en affirmant la nécessité de construire dès maintenant l'EPR. Nous ne croyons pas à l'urgence de cette décision. J'ai lu le rapport de nos collègues Bataille et Birraux sur la durée de vie des centrales, en trois chapitres. Après avoir lu les deux premiers sur la situation actuelle, les remplacements de pièces essentielles déjà effectués dans les centrales, la sécurité, je ne souscris pas aux conclusions du troisième sur l'urgence de construire l'EPR. En effet, ou bien nos centrales sont sûres, comme le démontrent les deux premiers chapitres, et nous avons du temps devant nous ; ou elles ne le sont pas, et il faut les arrêter tout de suite ! Aux Etats-Unis on évoque une durée de vie de soixante ans. Nous avons au moins vingt ans devant nous pour développer les solutions alternatives, en posant enfin la question de l'énergie sans la réduire à celle de l'électricité.

Ainsi, au lieu de commencer par cette affirmation paradoxale selon laquelle le développement du nucléaire en France renforce la diversification énergétique, votre projet aurait été mieux inspiré de commencer par les énergies renouvelables.

A cet égard, vous réaffirmez l'objectif de 21 % de production d'électricité à partir d'énergies renouvelables en 2010. Il faudrait pour cela « faire feu de tout bois ». Or vous vous privez des ressources du solaire et de l'éolien. Vous écrivez qu'il faut « faire le bilan de ce qui se passe à l'étranger ». Outre que cette formule n'est guère adéquate quand il s'agit de l'Europe, il est aisé de voir que les Pays-Bas, le Danemark, l'Allemagne ou l'Espagne ont su développer ces filières d'énergies renouvelables, en leur assurant dans le temps un prix d'achat correct permettant la fameuse « courbe d'apprentissage » de ces nouvelles techniques. Si cela a marché ailleurs, cela peut marcher en France : encore faut-il le vouloir.

Ces filières peuvent créer en France 75 000 emplois d'ici à 2010 et beaucoup de ces emplois ne sont pas délocalisables, car liés à la maintenance. Un certain nombre seront dans les zones rurales défavorisées : le développement des énergies renouvelables est aussi un outil d'aménagement du territoire. On pouvait donc attendre que vous les souteniez résolument. C'est tout le contraire : rien sur le tarif d'achat de l'électricité photovoltaïque, qui restera donc marginale alors que la demande des PVD sera très importante dans les trente ans qui viennent. Il suffit pourtant d'un simple arrêté pour augmenter ce tarif afin de donner sa chance à la filière. D'ici 2020, elle aura généré plus de deux millions d'emplois dans le monde mais... la France sera absente de ce marché !

Quant à l'éolien, qui commençait à émerger grâce aux tarifs d'achat, vos deux amendements le tuent, alors que la France est le deuxième pays pour la ressource et que les techniques, qui ne cessent de s'améliorer, peuvent contribuer de plus en plus efficacement dans les années qui viennent à la production décentralisée dont je parlais.

Vos deux amendements sur les éoliennes, s'ils étaient adoptés, priveraient de leurs ressources potentielles de taxe professionnelle beaucoup de communes rurales qui n'ont aucune chance de voir s'installer des industries. Surtout, ils feraient disparaître immédiatement 200 petites entreprises représentant 2 000 emplois. A l'échéance de 2010, c'est un potentiel de 22 000 emplois dans l'éolien en France dont vous vous privez, alors que vos résultats globaux en termes d'emploi ne sont pas brillants... Alors, Monsieur le président de la commission, pourquoi cet acharnement contre les éoliennes ? Quant à vous, Monsieur le rapporteur, est-ce votre façon d'appliquer les recommandations de votre rapport sur le développement des énergies renouvelables ? Vous êtes comme moi député de l'Ouest, et vous connaissez la Bretagne, qui bénéficie du deuxième potentiel éolien en France. Le conseil régional de Bretagne mène une politique volontariste en matière d'énergies alternatives et a fixé un objectif d'installation d'éoliennes de 1000 mégawatts d'ici 2010. Cent soixante-trois projets sont recensés à ce jour, pour une puissance installée potentielle de 930 mégawatts. Ces parcs éoliens moyens auraient des puissances individuelles projetées inférieures à 12 mégawatts, conformément à la loi jusqu'alors en vigueur qui fixait ce plafond pour bénéficier du tarif réglementaire de rachat. Or les amendements incriminés disposent que l'obligation d'achat de l'énergie produite serait réservée aux parcs de plus de 20 mégawatts dans des zones de développement de l'éolien. Il n'existe à ce jour aucun parc de cette taille en Bretagne, ni sans doute ailleurs !

L'habitat diffus interdit l'implantation de projets éoliens de très grande puissance dans notre région. Si ces amendements étaient votés, ils remettraient en cause le développement de la filière éolienne. Le Gouvernement doit donc les retirer, d'autant qu'ils vont à l'encontre de tout principe de développement durable. M. le rapporteur a fait une partie du chemin en admettant que le principe que l'obligation d'achat peut s'appliquer au-dessus de 12 mégawatts. Allez au bout de votre logique : conservez la situation actuelle et portez le plafond de 12 à 50 mégawatts, l'implantation de ces nouvelles fermes étant mieux encadrée.

Quant à vous, Monsieur le Président de la commission, votre seul argument contre les éoliennes est la défense du paysage. A ce compte-là, vous auriez été contre les moulins à vent au Moyen-Age ! Vous voulez « éviter la pollution des paysages ». Mais cette supposée pollution est facilement réversible. On aimerait, Monsieur le « nucléocrate assumé », que vous ayez la même sensibilité à la pollution par les déchets radioactifs qui, elle, est irréversible.

M. Yves Cochet - Excellent !

M. Philippe Tourtelier - Comment limiterez-vous les dégâts paysagers des nombreux très grands pylônes qui seront installés pour distribuer l'électricité de l'EPR de Flamanville? Vous êtes en pleine contradiction ! Je n'ose imaginer que le lobby nucléaire ait peur des quelques milliers de mégawatts produits par les éoliennes. A moins que ces éoliennes ne soient pour vous le symbole, comme l'ensemble des énergies renouvelables, d'une autre conception de notre organisation politique, économique et sociale.

Vous ne pouvez maintenir ces amendements qui vont détruire des emplois et désespérer vos amis politiques qui parient sur votre ouverture d'esprit sur les questions énergétiques. Vous écrivez que l'objectif de 2020 pour la production d'électricité à partir des énergies renouvelables sera fixé en 2010. Je crains que vous ne soyez plus là pour le faire : nos concitoyens ne vous pardonneront pas d'avoir ignoré qu'ils sont plus de 80% à être favorables à cette forme de production d'électricité. Il vous est encore possible de ne pas perdre un temps précieux pour tous !

Les chiffres que vous avez cités ce matin, Monsieur le ministre, sont éloquents : la contestation de permis n'est pas propre aux éoliennes, et si des permis ont été refusés, c'est qu'on peut faire confiance aux autorités locales. Le nombre de permis délivrés est significatif. Pourquoi se priver d'un tel apport ? Le système fonctionne sans risque pour nos paysages. Puisqu'il n'est pas suffisant pour atteindre nos objectifs, amendez-le en étendant le bénéfice de l'obligation d'achat aux installations supérieures à 12 mégawatts, et en incitant à installer des fermes éoliennes de plus de 20 mégawatts. Voilà une proposition de synthèse et, si vous l'approuviez, vous montreriez votre volonté de développer l'éolien en France, évitant ainsi le procès d'une « vraie fausse diversification énergétique ».

Vous abordez ensuite la production de chaleur dans le bâtiment, avec pour objectif d'augmenter de 50 % la production d'origine renouvelable, grâce à des mesures fiscales et à un plan pluriannuel d'investissement chaleur. Tout ceci va dans le bon sens, mais nous partons de si loin que cet objectif reste bien modeste. La fiscalisation de l'aide va dans le sens de la simplification et de la pérennité... sauf qu'il aurait fallu maintenir les moyens de l'ADEME pour qu'elle puisse investir sur d'autres champs concernant l'énergie. Mais il faut bien baisser l'impôt sur le revenu !

Quant aux transports, avec les biocarburants, nous remplissons seulement nos engagements européens. Ce n'est qu'une petite partie de la solution compte tenu de la surface cultivable nécessaire pour la substitution au pétrole. Il faut donc utiliser tous les leviers. Le Sénat a failli supprimer la mention de la nécessité de réorienter le trafic fret et passagers de la route vers le rail. Vous avez rétabli cet objectif, Monsieur le rapporteur. Mais où sont les moyens quand vous supprimez les subventions aux études de plan de déplacement urbain, et diminuez les subventions aux transports en commun ?

Nous arrivons maintenant à votre quatrième axe, le plus important : maîtriser la demande énergétique. Vous semblez hésiter : vous affirmez un objectif de 2 % de baisse de l'intensité énergétique finale dès 2015. Pourquoi refuser d'afficher des objectifs intermédiaires? Croyez-vous vraiment à l'efficacité de la fiscalité, de la réglementation et de la sensibilisation ? Je comprends votre prudence : si vous avez un début de réponse sur une fiscalité incitative, vous vous refusez à passer à une véritable réglementation. Nous l'avons vu dans votre recul sur le bonus-malus des 4 X 4 et dans votre refus d'intervenir efficacement sur le parc ancien de logements. Le bâtiment représente 46 % de notre consommation d'énergie. Après les transports, il est le deuxième responsable des rejets de gaz à effet de serre. Pour les diviser par quatre en 2050, il faut faire des économies d'énergie importantes dans le parc ancien de logements.

Or, avec un taux de renouvellement de 1 % par an, celui-ci représentera encore les deux tiers du parc total en 2050. La mise aux normes techniques de 400 000 logements par an étant indispensable, il convient de la rendre obligatoire à l'occasion des reventes.

Ne pas prendre ces mesures, c'est renoncer à atteindre deux de vos quatre objectifs : le respect de l'environnement et la maîtrise de l'énergie.

Vous misez sur l'information et la sensibilisation de nos concitoyens, mais refusez de vous appuyer sur les collectivités territoriales, interfaces privilégiées pour cette mobilisation citoyenne. Nous avons proposé un ensemble cohérent permettant d'afficher au niveau national et régional des objectifs clairs par un réseau d'observatoires. Pour la mise en œuvre, nous vous avons proposé que les intercommunalités, responsables de l'élaboration des politiques de transport et d'habitat, puissent se doter de compétences dans le domaine de l'énergie. Non seulement vous avez refusé d'inscrire ces propositions dans la loi sur les responsabilités locales, mais vous refusez encore de les prendre en considération. Vous mésestimez la capacité d'exemplarité et d'entraînement des collectivités territoriales : placez donc les intercommunalités devant leurs responsabilités en leur demandant d'enrichir leurs PDU et leurs PLH d'une annexe énergétique, et de faire un rapport annuel sur l'énergie, comme elles le font pour l'eau. Elles sont prêtes à se mobiliser.

Vous nous proposez un texte qui n'est pas à la hauteur des enjeux du développement durable. Nous sommes d'accord avec vous, la maison brûle. Mais vous vous contentez d'inciter les gens à aller chercher de l'eau avec un gobelet ! Prenons nos responsabilités. La déclaration d'urgence n'a pas permis à notre commission de replacer cette question de l'énergie dans son contexte mondial et européen, d'approfondir les propositions issues du débat public, d'auditionner les trois sages, M. Besson et M. le ministre de l'écologie, ce qui aurait permis d'éviter ces amendements de dernière minute qui vont à l'encontre des objectifs affirmés.

Il est donc essentiel que nous approfondissions notre travail pour arriver à une véritable loi d'orientation, efficace et mobilisatrice. C'est pourquoi je vous propose le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Serge Poignant, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - A l'exception de sa conclusion, je n'ai vu dans votre motion de renvoi en commission qu'une déclaration générale, substantiellement différente, d'ailleurs, de celles de vos collègues. M. Dosé a justement reconnu le mérite du projet de loi, que nous avons enrichi en première lecture en reprenant dans le corps même du texte des objectifs qui figuraient à l'origine en annexe.

Vous prenez aussi quelque distance avec M. Bataille, qui estime qu'il faut afficher les objectifs nucléaires.

Vous avez parlé des objectifs : ils seront repris au fur et à mesure de la discussion des articles.

Vous dites que nous avons limité notre approche à l'électricité. C'est faux : nous avons traité de l'ensemble des énergies renouvelables - hydraulique, thermique, solaire photovoltaïque. S'agissant des transports, nous avons réaffirmé l'objectif de 5,75 % de biocarburants en 2015.

Contrairement à ce que vous avancez, j'ai toujours dit qu'il faudrait aller vers l'objectif de 21 % de production d'énergie d'origine renouvelable dans notre consommation, mais aussi de 10 % d'énergie primaire. L'énergie thermique est en effet essentielle, et un certain nombre d'amendements ont été déposés à ce sujet.

M. Philippe Tourtelier - Ce sont des alibis !

M. le Rapporteur - Vous dites que le ministre de l'écologie devrait être là : mais il ne peut être partout ! Quant à l'énergie solaire et aux éoliennes, vous citez des pays - le Danemark, l'Allemagne, la Suède - dont les spécificités sont très différentes des nôtres.

Ne nous jetons pas d'anathèmes au visage. Gardons une vision équilibrée des choses. Le Gouvernement a eu le mérite de présenter ce projet de loi. Que n'a-t-on profité de la présence d'un ministre vert au Gouvernement pour faire mieux ?

Bien entendu, j'invite notre assemblée à repousser la motion de renvoi en commission.

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

M. Claude Gatignol - L'intervention de notre collègue Tourtelier m'a semblé inutilement polémique, surtout dans le cadre d'une deuxième lecture, après qu'un travail de fond a été accompli ici-même et au Sénat. S'agissant par exemple des transports, il faut raisonner de manière plus globale, et convenir que les performances de notre parc automobile - dont le taux de diésélisation atteint 70 % - en matière de maîtrise des émissions polluantes sont particulièrement remarquables. Du reste, n'est-ce pas à l'initiative de la France que le filtre à particules va être généralisé au sein de l'UE ? L'orateur du groupe socialiste a diabolisé le nucléaire...

M. Philippe Tourtelier - Pas du tout !

M. Claude Gatignol - ...et prétendu que nous avions marginalisé les énergies renouvelables. Tel n'est évidemment pas le cas, puisque nous tendons au contraire à développer le potentiel de l'hydraulique, à tripler la production de biocarburants et à soutenir la recherche, l'Agence nationale de la recherche ayant lancé un programme complet de recherche sur l'énergie.

Le texte qui nous est soumis est consistant. Il fixe des objectifs précis et des moyens réalistes. Notre commission a accompli un travail considérable et recherché le consensus en toute occasion. Nombre d'amendements de l'opposition ont été acceptés et il n'est plus temps de débattre hors de la séance publique. Le groupe UMP votera contre le renvoi du texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement ne sont pas parvenues à un texte identique.

AVANT L'ARTICLE PREMIER A

M. François Dosé - Je défendrai ensemble nos amendements 247, 290 et 291, qui visent à rappeler l'incidence environnementale et sociale de la politique énergétique, au-delà de ses enjeux strictement économiques. Il nous paraît essentiel que le développement solidaire et la cohésion territoriale figurent en bonne place dans les objectifs de cette politique.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Nos collègues sont pleinement dans leur droit en déposant de tels amendements, mais ceux-ci ne figurent pas à la bonne place dans le texte et il abordent plusieurs sujets dont nous traiterons ultérieurement.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Même avis, d'autant que ces amendements font doublon avec l'amendement 80 de la commission, bien connu de M. Dosé puisqu'il l'a par trois fois sous-amendé !

Les amendements 247, 290 et 291, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Cochet - Permettez-moi tout d'abord de déplorer qu'ait été distribuée en début d'après-midi une « feuille jaune » de séance où ne figuraient pas tous nos amendements tendant à proposer une politique énergétique alternative. Il est bon pour la démocratie et pour le droit d'amendement des parlementaires que cette regrettable erreur ait été corrigée.

Notre pays a besoin d'une tout autre politique énergétique car celle-ci est indigente et aveugle. Notre société est confrontée à trois risques principaux : la pollution atmosphérique et l'effet de serre - dont on commence à mesurer l'ampleur, alors que nous étions moqués lorsque nous en parlions avec René Dumont en 1974 - , le nucléaire - dont le développement ne constitue en rien la solution miracle à l'effet de serre mais bien plutôt un véritable appel à la prolifération, y compris militaire, et à la dissémination des matières fissiles - et le déclin des hydrocarbures - le fameux peak oil, qui n'a rien à voir avec un simple épuisement des réserves. Soyons conscients du fait que lorsque le baril sera à 100 ou 150 dollars, nous entrerons dans un nouveau monde ! Je tiens à votre disposition le schéma de l'université d'Uppsala sur le célèbre « pic de Hubbert » : le déclin de la production mondiale d'hydrocarbures sera effectif avant 2010. Nous ne sommes plus dans un contexte de guerre des prix, mais dans une perspective de déclin intrinsèque de la production mondiale d'hydrocarbures liquides, cependant que la demande mondiale ne cesse de croître. L'enjeu est donc géopolitique autant qu'écologique. Il faut changer de logiciel neuronal, réaliser que nous ne sommes plus dans le même cas de figure qu'en 1974 ou 1979 et mesurer toute la singularité de la séquence historique actuelle. La déplétion est à nos portes et le texte qui nous est soumis n'en tient aucun compte. Sait-on que l'Indonésie, naguère à la tête de l'OPEP, figure aujourd'hui parmi les nations importatrices et que les Etats-Unis, jadis présentés comme les rois du pétrole, importent 55 % de leur consommation ? La situation des pays du Moyen-Orient est plus incertaine, mais selon certaines études géologiques, le déclin intrinsèque de la production d'hydrocarbures liquides y interviendra avant 2010. Notre amendement 153 vise à attester que le législateur a pris conscience de ces enjeux et à affirmer que la politique énergétique de la France doit tendre à réduire ces contraintes en donnant la priorité à la sobriété et à l'efficacité énergétiques.

M. le Rapporteur - M. Cochet développe une politique alternative. Il était aux responsabilités en 2001 et avait l'occasion d'agir. S'il découvre maintenant le choc énergétique, c'est ennuyeux. Avis défavorable à l'amendement 153 ainsi qu'aux suivants, puisqu'ils s'inscrivent dans le cadre de la même politique alternative.

M. le Ministre délégué - M. Cochet vient de nous expliquer avec éloquence que le risque majeur était dû au pétrole, et dans son amendement, il écrit qu'il est dû au nucléaire... Devant cette contradiction, je ne peux qu'être défavorable.

L'amendement 153, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Peut-être pouvez-vous présenter ensemble les amendements 155 à 150 qui portent sur les sources d'énergie ?

M. Yves Cochet - Je ne cherche pas à faire de l'obstruction, et sur la quarantaine d'amendements que j'ai déposés, je ne défendrai que les plus significatifs pour ma politique énergétique.

L'amendement 155 donne une définition - européenne - de ce que sont les énergies renouvelables. Je précise que, contrairement à ce qu'affirme M. Gatignol, les pompes à chaleur n'entrent pas dans cette catégorie.

Surtout, si un mot doit résumer ma politique, c'est sobriété. Songeons à ce qui se produira lorsque le peak oil fera sentir ses effets dévastateurs sur l'économie, la société, les transports. L'an dernier, la hausse du prix du pétrole a d'autant plus durement touché les agriculteurs et les transporteurs routiers qu'ils l'achètent détaxé. Pour les autres, M. Sarkozy a parlé de baisse des taxes, mais qu'en sera-t-il ? Selon moi, face à ce peak oil, la meilleure stratégie, avec le développement des énergies renouvelables, c'est la sobriété. Elle incite à créer des PME, donc des emplois locaux, renforce l'indépendance énergétique et allège la facture pour la France comme pour les ménages, consolide l'aménagement du territoire, et permet de respecter nos engagements internationaux pour lutter contre le changement climatique.

L'amendement 156 est défendu. Il prône les énergies renouvelables, face au risque d'épuisement des ressources au milieu du siècle et, auparavant, à l'explosion des prix. Les énergies fossiles représentent 80 % de la consommation mondiale. Sur les 20 % qui restent, la biomasse grâce au bois et l'hydroélectricité représente 12 %, le nucléaire 7 % et les nouvelles énergies renouvelables, celles que nous voulons promouvoir, l'éolien, le solaire thermique, la cogénération, le biogaz, moins de 1 % ! Ce sont des centaines de milliards qu'il faudra investir avant de modifier ces proportions. De plus, le pétrole fournit une énergie intense sous un faible volume - et ne sert pas qu'aux transports : regardez autour de vous, sur vous ! - puisqu'un baril de pétrole représente au moins 10 000 heures de travail. Pourra-t-on lui trouver un substitut dans les transports, qui fonctionnent pour 95 % au pétrole ? On se le demande. Les biocarburants ne suffiront pas.

M. le Rapporteur - Défavorable sur ces deux amendements.

M. le Ministre délégué - Même avis. Ils sont satisfaits plus loin dans le texte, par exemple à l'article 8.

Les amendements 155 et 156, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Cochet - L'amendement 176 est défendu. L'amendement 177 s'oppose à cette aberration que constitue la relance du programme électronucléaire, et à la construction de l'EPR en particulier. M. Messmer avait lancé le programme en 1974 dans des conditions bien peu démocratiques, comme le raconte un ancien président d'EDF dans son livre Haute tension, parce que le lobby nucléaire avait sur le convaincre en quelques jours, sous le coup du premier choc pétrolier - comme si le nucléaire pouvait remplacer le pétrole ! Cette génération de centrales entrera en fin de vie à partir de 2017. Comme notre production est un peu excédentaire, il n'est pas besoin de se presser. Construire l'EPR donnera du travail à Framatome et Areva, mais ne répondra pas aux vrais besoins. Et qu'on ne dise pas de contre-vérités économiques. Quand on avance un prix du kwh d'origine nucléaire, il n'inclut pas le coût du démantèlement. On avait bien prévu de réserver des crédits pour cela, mais ils ont servi à des opérations, d'ailleurs peu réussies, en Amérique du sud. C'est le monopoly à l'extérieur et le monopole à l'intérieur !

M. le Ministre délégué - Vous êtes pour la privatisation ?

M. Yves Cochet - Non, comme Monsieur Paul, je suis pour un grand service public de l'énergie et de l'électricité, mais je suis contre le nucléaire.

Quant au coût des déchets, il est très difficile à évaluer. Aucun économiste sérieux ne peut mesurer le coût actualisé de la gestion des déchets dans deux ou dans cinq siècles... Enfin, il y a le coût des assurances, l'électronucléaire bénéficiant d'un régime de garantie contre les accidents tout à fait exorbitant du droit commun : contrairement à ce qui se passe dans les autres secteurs, par exemple l'industrie chimique, où la responsabilité civile s'exerce pleinement, en cas d'accident nucléaire ce sont les victimes, qui sont aussi les contribuables, qui contribueront à l'assurance du pollueur EDF... Le prix du kWh est donc bien inférieur à son coût.

Enfin, le projet d'EPR va renforcer l'usage du combustible MOX issu du retraitement et accroître les risques liés au transport de plutonium, comme l'a démontré Greenpeace il y a deux ans, en arrêtant en Bourgogne un camion d'AREVA qui en transportait... Sans parler de la récupération du MOX irradié, qu'il faudra entreposer en surface pendant 150 ans ! Je vous laisse imaginer les conséquences en termes de surveillance policière...

L'EPR est dangereux et inutile ; il ne faut donc pas le construire.

M. le Rapporteur - Avis défavorable à ces deux amendements, qui vont à l'encontre du choix du nucléaire affirmé dans ce texte et partagé sur un certain nombre de ces bancs, y compris dans l'ancienne majorité plurielle.

M. le Ministre délégué - Avis également défavorable aux deux. Le choix du nucléaire en 1974 a permis non seulement de faire passer notre taux d'indépendance énergétique de 26 à 50 %, mais en outre d'économiser du pétrole : l'électricité d'origine nucléaire représente 400 MWh par an, soit 40 millions de tonnes d'équivalent pétrole.

M. Daniel Paul - Je voterai l'amendement 176, qui devrait ne poser aucun problème sur l'ensemble de ces bancs.

En revanche, ma divergence avec M. Cochet sur l'électronucléaire n'est un secret pour personne, et je ne voterai pas l'amendement 177. En effet, compte tenu du rôle de l'énergie dans notre société, nous faisons une priorité de l'indépendance énergétique de notre pays. Par ailleurs, nous considérons que l'électronucléaire est l'un des moyens de progresser dans la lutte contre les pollutions et l'effet de serre.

Mais pour nous comme pour nos concitoyens, deux conditions doivent être remplies : d'une part, il faut une maîtrise publique de l'outil de production ; d'autre part, son entretien et sa sûreté doivent être parfaitement assurés. Or, l'évolution d'EDF et le recours depuis quelques années aux « nomades du nucléaire » sont pour nous la source d'inquiétudes partagées par l'ensemble des organisations syndicales d'EDF.

Il reste qu'en raison des besoins en énergie, nous sommes pour le lancement de l'EPR, et nous ne souhaitons pas, compte tenu des délais, qu'on en reste à un exemplaire unique - l'EPR lancé aujourd'hui ne permettra de produire de l'électricité qu'à partir de 2012. Quel est le Gouvernement qui prendrait la responsabilité de risquer une pénurie d'énergie à échéance de quinze ou vingt ans ?

M. le Ministre délégué - Celui qui a arrêté Superphénix !

M. François Dosé - Nous voterons l'amendement 176.

Concernant l'amendement 177, il faut distinguer deux points : la sortie du nucléaire, nous n'y croyons pas à moyen terme ; nous pensons en revanche qu'il faut se garder du tout-nucléaire et redéfinir un périmètre. D'où notre position sur la deuxième phrase de l'amendement : il aurait fallu fixer un objectif, par exemple deux tiers - un tiers, avant de se déterminer sur les outils. Nous nous abstiendrons donc sur ce deuxième amendement.

M. Claude Gatignol - Je ne conteste pas l'analyse faite par M. Cochet du paysage énergétique mondial, mais je ne peux le laisser dire que nous devons sortir du nucléaire et qu'aucune construction de nouveau réacteur ne doit être entreprise car ce serait nier la réalité. Je rappelle que la consommation a atteint 86 024 mégawatts le lundi 21 février vers 19 heures 15, que la consommation d'électricité a augmenté de 3,9 % en 2003 et de 2,2 % en 2004.

L'électricité sert vraiment dans tous les domaines. Comment pourrions-nous faire face à la demande sans nos 58 réacteurs nucléaires ? Dois-je vous rappeler, Monsieur Cochet, qu'à Flamanville, le réacteur I a fonctionné 360 jours en 2004 et que, malgré l'arrêt temporaire du réacteur II pour maintenance, la centrale a produit l'an passé 18 milliards de kilowatts/heure ? Qualifier comme vous l'avez fait tout à l'heure le nucléaire « d'impasse » et « d'aberration », c'est faire injure à nos collègues membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques, dont l'indépendance d'esprit et le sens critique garantissent l'objectivité de leurs rapports. La récente conférence sur l'énergie organisée à Bercy par l'AIEA a du reste montré que la technologie nucléaire française, tant en matière de conception que de fonctionnement, était la meilleure au monde. Ne vous en déplaise, le nucléaire est assurément le moyen le plus sûr et le plus compétitif de produire de l'électricité.

M. Jean Dionis du Séjour - Nous partageons le diagnostic qu'ont posé les premiers les écologistes sur la situation énergétique mondiale. Pour autant, nous ne saurions les suivre quand ils préconisent d'abandonner totalement le nucléaire. La méfiance à l'égard de cette technologie a reculé, sur ces bancs comme dans l'opinion publique, parce que sa sécurité, il faut le reconnaître, est satisfaisante dans notre pays, mais aussi parce qu'est apparu le problème du réchauffement climatique. Et sur ce dernier point, les solutions proposées par les écologistes sont un peu courtes. 78 % de notre électricité sont aujourd'hui d'origine nucléaire : il est donc impossible de sortir du jour au lendemain du nucléaire. Une analyse précise de nos besoins comme de nos ressources en base, en semi-base et en pointe s'impose. Une fois cette analyse faite - en tenant compte des efforts d'économies d'énergie -, il faudra recentrer le nucléaire là où il est imbattable, à savoir pour l'approvisionnement de base. En revanche, pour ce qui est des besoins de semi-base et de pointe, les centrales hydroélectriques et au gaz conservent toute leur compétitivité. A cet égard, nos collègues fervents défenseurs du nucléaire ne devraient pas attiser les peurs. Il est possible, et cela va être fait, de rallonger la durée de vie des centrales. L'opinion des techniciens français diverge sur ce point de celle de leurs homologues américains. Bref, en matière de nucléaire, dans un sens comme dans l'autre, aucun terrorisme intellectuel n'est de mise.

L'amendement 176, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 177, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - L'amendement 179 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 179, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - L'amendement 159 est défendu.

L'amendement 179, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - L'amendement 150 est défendu.

L'amendement 150, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Alors que l'amendement 159 fixait l'objectif de réduire de 3 % par an la consommation de combustibles fossiles, l'amendement 158 vise, lui, à réduire de 2 % par an la consommation d'énergie finale, ce qui correspond à une diminution de 60 % de notre consommation totale à l'horizon 2050. Si nous voulons avoir divisé par quatre nos rejets de gaz à effet de serre à l'horizon 2050, comme nous y a invités le Premier ministre, c'est dès maintenant qu'il faut commencer à faire preuve de sobriété énergétique, en pensant à nos enfants et à nos petits-enfants et pas seulement aux « générations futures », comme on le dit de façon beaucoup trop abstraite.

Faisant cela, nous participerons d'ailleurs aussi de la recherche de la paix dans le monde. En effet, la crise énergétique actuelle est à la fois géologique, économique et géopolitique. Les ressources naturelles s'épuisent, la demande est supérieure à l'offre, ce qui fait s'envoler les prix, et on fera la guerre pour le pétrole. On l'a d'ailleurs déjà faite à ce motif en Irak en 1991 et plus encore en 2003. On a essayé de nous faire croire qu'il fallait débarrasser l'Irak du dictateur Saddam Hussein mais, allons, combien y a-t-il de dictatures de par le monde ? Y a-t-on pour autant porté la guerre ? On nous a dit qu'il fallait combattre l'Irak parce qu'il possédait des armes de destruction massive. Mais qui l'a cru ? Pas moi en tout cas. La commission spéciale de l'ONU n'en avait trouvé aucune, et chacun a bien compris que Bush et ses amis sont allés en Irak parce que s'y trouvent des réserves considérables de pétrole. Un pétrole de surcroît de grande qualité, car il est des milliers de sortes d'hydrocarbures au monde comme il est des milliers de sortes de vins dont la qualité tient aux cépages, aux terroirs...

M. le Ministre délégué - Vous êtes un poète du pétrole ! (Sourires)

M. Yves Cochet - Le pétrole irakien, outre qu'il est très abondant, présente l'avantage de pouvoir être extrait à très bas coût, environ un dollar le baril au pied du puits contre 15 à 18 dollars en Alaska, et jusqu'à 23 dollars dans certains gisements off-shore profonds.

C'est donc aussi pour garantir la paix que notre pays doit être moins dépendant du pétrole.

M. le Ministre délégué - Nous nous en donnons les moyens.

M. Xavier de Roux - C'est le nucléaire qui nous sauve !

M. Yves Cochet - La mainmise des Etats-Unis et de l'Occident en général sur le pétrole a été parfaitement décrite dans un rapport de 2001 du vice-président Dick Cheney. On pouvait y lire que les Américains n'avaient pas à modifier leur mode de vie ni leurs comportements, et que pour garantir l'approvisionnement de leur pays en pétrole, satisfaire son addiction à cette énergie, dirai-je, pour ma part, il faudrait aller faire la guerre en Irak un jour prochain.

Chers collègues qui partagez notre idéal de paix, votez donc mon amendement.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé, non qu'elle en conteste l'objectif, mais parce que la question de la maîtrise de la consommation énergétique est traitée à l'article premier bis, où nous proposerons d'ailleurs un amendement en ce sens.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 158, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Dosé - Par les amendements 246, 295, 296, 297 rectifié, et 298, je souhaite appeler votre attention sur le fait que les industriels ne sont pas les seuls pollueurs - ils ont même fait beaucoup d'efforts - et qu'il faudrait travailler davantage à l'économie d'énergie dans les domaines des transports et des lieux résidentiels.

M. le Rapporteur - Cette préoccupation est déjà satisfaite par le texte. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Je partage les intentions de M. Dosé, mais le texte y répond déjà. Avis défavorable.

M. Yves Cochet - Je soutiendrai ces amendements, et permettez-moi d'en profiter pour vous citer une étude réalisée en janvier 2005 par une université californienne sur l'énergie nette d'une filière. Elle montre que la production d'éthanol consomme plus d'énergie qu'elle n'en fournit !

M. Jean Dionis du Séjour - Ce n'est pas le sujet !

Les amendements 246, 295, 296, 297 rectifié et 298, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Cochet - Je voudrais appeler votre attention sur la publicité qui, dans les journaux, à la télévision ou à la radio, vante les mérites des grosses voitures, toutes marques confondues, dans un délire prométhéen - « Tu seras un homme, mon fils, quand tu auras une grosse voiture qui fait vroum vroum ! ». (Sourires)

M. Jean Dionis du Séjour - Mais comment faire ?

M. Yves Cochet - Eh bien, mon amendement 152 tend à instaurer une charte pour encadrer la publicité et la promotion commerciale.

Et que dire de la publicité pour l'électricité et le gaz ! Grâce au marketing, ou plutôt au martèlement d'EDF depuis trente ans, notre consommation d'électricité a été multipliée par quatre ! On nous a imposé le chauffage électrique ! Essayez, si vous êtes lotisseurs, d'y échapper, alors que c'est une aberration thermodynamique ! Vous dégradez l'électricité, et c'est scandaleux !

M. le Ministre délégué - J'ai honte....

M. Yves Cochet - C'est cela votre défense ?

M. le Rapporteur - Au-delà de l'humour de M. Cochet, je crains que son amendement ne soit pas très normatif. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - La charte relève du domaine contractuel. Avis défavorable.

M. Yves Cochet - On peut la souhaiter....

L'amendement 152, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - J'en viens à l'amendement 154. Certains de nos concitoyens pensent que le processus électrique s'arrête à la prise ou à l'interrupteur. Non, il y a quelque chose en amont ! D'ailleurs la normalisation AFNOR et les normes ISO ont mis au point des certifications, incluant l'analyse du cycle de vie d'un processus, d'un matériau, d'une énergie ; ce qu'on appelle aussi écobilan. Il faut voir, en amont d'un produit ou d'un service, quelle est sa charge énergétique, « l'énergie embarquée » dans ce produit, et notamment la quantité d'hydrocarbures incorporée non seulement dans la substance même du produit, mais dans sa production. Prenons quelques exemples. Le rouge à lèvre, c'est 100 % de pétrole, et il en est de même de son emballage plastique.

M. Claude Gatignol - Sus aux pétroleuses !

M. Yves Cochet - Je n'ai rien contre le rouge à lèvres, mais le fait est qu'il y a beaucoup de pétrole dans nos objets usuels.

Autres exemples : la consommation annuelle de chaussures - essentiellement synthétiques aujourd'hui - représente environ 243 millions de paires en France. Leur fabrication requiert 13 000 tonnes de pétrole, soit 90 000 barils ou 15 millions de litres. En 2002, l'Union européenne a consommé 5,5 millions de tonnes de pétrole sous forme de textiles, largement fabriqués à l'aide de fibres issues de la pétrochimie. Or, le prix moyen de ces fibres représente en moyenne dix fois le prix du baril... Avec un baril à 50 dollars comme aujourd'hui, cela fait 500 dollars ; avec un baril à 100 dollars comme ce sera le cas dans quelque temps, ce sera mille... Les fibres dont nous sommes habillés, et dont sont faites ces moquettes, vont donc devenir très chères.

De même, il faut 6 kilos de pétroler pour fabriquer un pneumatique de 11 kilogrammes ; et 30 grammes pour une bouteille d'eau en plastique ; sans compter les 100 grammes que coûte son transport jusqu'à l'utilisateur. Buvons plutôt l'eau du robinet !

M. Jean Dionis du Séjour - Et marchons en sabots !

M. le Rapporteur - Peut-être le réchauffement climatique nous permettra-t-il de nous passer de chaussures... La commission est défavorable à l'amendement 154.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 154, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - L'amendement 157 présente une autre déclinaison de la politique de sobriété et d'efficacité énergétiques que je défends, concernant la réorganisation des transports. Comment alléger notre facture ? Nul n'échappe à l'indice marché, Monsieur le ministre, et ce n'est pas moi qui fixe les cours à Londres ou à New York. Mais de fait, le prix augmente, depuis 2003 surtout. Entre 1859 et 2004, calculé en dollars actuels, le prix médian du baril a été de 15 dollars ! C'était le temps de l'énergie abondante et bon marché. En 1999 le prix était encore de 15 dollars ; depuis il augmente. Il y a certes des effets de yoyo, des fluctuations dues aux aventures de Ioukos, à une grève au Nigeria, à un cyclone tropical, à la spéculation... Mais la tendance générale est à la hausse, et cela ne s'arrêtera plus. La fête est finie ! Nous allons passer dans un autre monde, et il faut commencer à nous sevrer du pétrole. Tel est le but de l'amendement 157.

L'amendement 157, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Avec l'amendement 160 je persévère dans ma proposition. J'aperçois notre excellent collègue Gonnot, qui depuis quelques années a la bonne idée d'organiser, vers décembre, un colloque sur l'énergie et les prix de l'énergie, réunissant des industriels, des parlementaires, des responsables d'administrations ou d'établissements publics. Comme il a la gentillesse de m'y inviter, j'essaie depuis deux ans d'appeler l'attention sur la tendance à la hausse. J'ai d'abord fait sourire ; mais moins cette année... Si nous devons nous rendre plus indépendants à cet égard, il faut que l'Etat, mais aussi toutes les collectivités publiques, donnent l'exemple, en développant la simplification des procédures administratives : guichet unique, principe de subsidiarité, délais impératifs. Surtout il faut mettre en œuvre la grande loi de Mme Voynet, la loi d'aménagement et de développement durable du territoire du 25 juin 1999. Elle prévoyait notamment la mise en œuvre d'un schéma de services collectifs de l'énergie, pour définir les objectifs d'exploitation des ressources locales en fait d'énergies renouvelables et d'utilisation rationnelle de l'énergie, dans la perspective de l'indépendance nationale, de la sécurité des approvisionnements et de la lutte contre l'effet de serre.

L'amendement 160, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - L'amendement 161 est défendu. Il faudrait que les ministères et les assemblées parlementaires donnent l'exemple en matière de sobriété et d'efficacité énergétiques et d'installation d'énergies renouvelables, ce qui n'est pas encore le cas - notamment pour le ministère de l'industrie...

L'amendement 161, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Avec l'amendement 162 nous passons au domaine de l'habitat existant. Les normes, notamment thermiques, ayant évolué, on doit aujourd'hui considérer une bonne part des bâtiments existants comme de véritables passoires. Il y a là un gisement de sobriété énergétique immédiatement disponible, avec la perspective de dizaines de milliers d'emplois sur tout le territoire. Je propose donc un programme national, une véritable mobilisation. D'après le scénario du commissariat général au plan, plus de 50 % de la consommation d'énergie dans le résidentiel sont le fait de la mauvaise isolation des logements anciens... J'évalue les économies possibles à 8 à 10 millions de TEP. Je propose donc trois mesures : une extension de la loi Besson aux investissements d'économies d'énergie dans le logement locatif ; et deux mesures concernant l'habitat précaire, à savoir la création dans les CAF d'un centre d'information sur les économies d'énergie, et celle d'une allocation minimum de réhabilitation pour le logement précaire.

M. le Rapporteur - Défavorable. Nous reparlerons des bâtiments et des économies d'énergie possibles à l'article qui en traite.

M. le Ministre délégué - Défavorable. Je pense que M. Cochet trouvera satisfaction à l'article 6.

M. François Dosé - Nous ne pouvons rester insensibles à ce défi. On ne peut pas faire des lois, et ne pas donner un certain nombre de signes. Une loi d'orientation a certes un horizon temporel très vaste, mais il faut bien commencer ! On pourrait peut-être partir du quotidien, du plus proche. Ce problème touche des millions d'appartements en France, en particulier dans le parc social. Il nous faut répondre dès maintenant à ce défi, même si la mise en œuvre des mesures proposées incombe au ministre du logement et non à celui de l'industrie.

M. Xavier de Roux - C'est déjà dans le texte !

M. François Dosé - Il s'agit de combiner efficacité énergétique et justice sociale. Combien de locataires ne peuvent plus assumer non leur loyer, mais les charges locatives? Au Danemark, certains logements sociaux sont désormais loués équipés de mobilier électro-ménager économe en énergie. Je demande donc à l'ensemble de mes collègues de voter cet amendement pour donner la preuve que nous nous soucions du quotidien.

M. Jean Dionis du Séjour - Pour le groupe UDF, l'enjeu de la réhabilitation et de l'isolation des bâtiments existants est important. L'industrie a beaucoup fait pour réduire sa facture énergétique. Dans le secteur des transports, c'est plus délicat. Mais pour les logements, les solutions existent. Certes, on a fait beaucoup pour le logement neuf, mais il ne représente qu'1 % du parc. Mettons donc le paquet sur les logements existants !

L'UDF proposera un amendement fixant un objectif chiffré à terme. Dans un souci de cohérence, je voterai en tout cas l'amendement de M. Cochet.

M. Yves Cochet - Très bien.

M. Daniel Paul - Cet amendement va en effet dans le bon sens. De nombreux logements sociaux sont réhabilités dans ma circonscription. Mais les crédits disponibles pour la protection thermique et l'isolation phonique sont dramatiquement insuffisants. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai qualifié ce matin ce texte de « petit bras ». On affirme de grandes ambitions, mais lorsqu'il s'agit d'agir concrètement, on reste en rade. Je voterai donc cet amendement.

L'amendement 162, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Avec l'amendement 163, nous en venons à la sobriété énergétique dans les entreprises. Elle doit être encouragée dans les consommations et dans les déplacements professionnels et domicile-travail, mais aussi dans l'activité de l'entreprise elle-même, notamment dans les processus industriels.

Il est vrai que, depuis 1973, l'énergie est devenue un coût de production que les industriels tentent de maîtriser. Mais nous pouvons encore faire des efforts : selon l'ADEME, le potentiel d'économies d'énergie serait de 8 millions de TEP, soit 15 % de la consommation d'énergie du secteur industriel. Des économies peuvent encore être réalisées au niveau des échanges thermiques ou de la recompression mécanique de vapeur. Dans la sidérurgie, les torches à plasma offrent des possibilités intéressantes. Des marges de progrès existent dans la papeterie et le textile, ainsi que dans les métaux et le ciment, où l'on peut faire un usage plus sobre de l'électricité.

L'amendement 163, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - L'habitat s'insère toujours dans une structure urbaine, périurbaine ou rurale. Tout choix d'urbanisme est aussi un choix énergétique, qu'il s'agisse des déplacements ou de l'habitat lui-même. L'amendement 164 traite donc d'aménagement du territoire. Les plans locaux d'urbanisme doivent prendre en compte les contraintes climatiques et énergétiques.

J'entendais ce matin sur France Culture l'architecte urbaniste David Mangin s'interroger sur l'évolution de nos paysages urbains depuis une trentaine d'années. Les choix d'urbanisme peuvent être très dispendieux en matière d'énergie. A notre sens, ils devraient tenir compte de la contrainte énergétique. Le modèle promu jusqu'à présent est celui de la banlieue. Le mythe du petit pavillon avec 800 mètres carrés de pelouse fait peut-être rêver nos concitoyens...

M. le Ministre délégué - Laissez-les donc vivre comme ils l'entendent !

M. Yves Cochet - ...mais il est destructeur en matière énergétique. Vous qui êtes en Ile-de-France, Monsieur le ministre, vous ne pouvez ignorer la thrombose qui affecte les autoroutes et les transports en commun...

M. le Ministre délégué - A cause de la politique de la Ville de Paris ! Les banlieusards sont interdits de Paris !

M. Yves Cochet - Pas du tout : la Ville de Paris a une excellente politique énergétique, et j'approuve l'action de M. Delanoë et de M. Beaupin.

L'urbanisme pavillonnaire est un modèle insoutenable. Voyez cette courbe qui rapporte la densité urbaine à la consommation d'énergie par habitant et par an. Trois types d'urbanisme peuvent être distingués : le modèle asiatique, où l'habitat est assez resserré - 10 000 habitants au kilomètre carré - mais où la consommation d'énergie par habitant est faible, de l'ordre de 200 litres par an ; le modèle américain, qui n'est pas celui de New York, mais celui d'une faible densité, avec une consommation d'énergie qui atteint 2 500 litres par habitant et par an ; et le modèle européen, qui est le modèle intermédiaire. Il faut néanmoins faire un effort , et c'est pourquoi je propose cet amendement.

M. le Rapporteur - Malgré cet exposé intéressant, avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Après l'appréciation que vous avez portée sur la banlieue et la vie en pavillon, je comprends que vous ayez été contraint de quitter le Val-d'Oise pour une ville de privilégiés comme Paris ! (M. Cochet proteste) Avis défavorable.

L'amendement 164, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - L'amendement 165 est défendu. Le logement social locatif et en accession à la propriété doit être notre priorité. C'est là qu'il faut encourager le développement durable, qui fait la synthèse entre le souci écologique et le souci social. Je vous incite à aller voir le beau film documentaire de Bertrand Tavernier Au-delà du périph : vous verrez que des charges trop lourdes sont souvent à l'origine du surendettement. Il ne faut pas installer de chauffage électrique dans les logements sociaux !

M. le Ministre délégué - Il n'y en a pas à Paris ?

M. Jean-Pierre Kucheida - Il y en a partout en France !

M. le Rapporteur - Défavorable. Le sujet est intéressant, mais nous aurons l'occasion d'en débattre ultérieurement, à l'occasion notamment de l'examen des amendements de M. Scellier.

L'amendement 165, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Les amendements 167, 151, 181 et 182 sont défendus.

Les amendements 167, 151, 181 et 182, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Cochet - Compte tenu de la transition énergétique majeure qui se profile à très court terme, notre amendement 183 tend à ce qu'un programme national de recherche sur l'énergie soit élaboré d'ici à un an pour la période 2006-2010. La répartition des moyens y serait proportionnée en fonction des choix inscrits dans le présent texte, sur la base d'une équipartition entre la sobriété énergétique, l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables, le nucléaire - qui mobilise aujourd'hui 85% des crédits de recherche alors que c'est une énergie du siècle passé qui consiste à faire bouillir de l'eau ! -, les combustibles fossiles et les sciences humaines.

M. le Rapporteur - Défavorable, car l'article premier septies G introduit par le Sénat vous donne pleinement satisfaction.

L'amendement 183, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - L'amendement 178 est défendu.

L'amendement 178, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Dosé - Nos amendements 248, 292, 293 et 294 tendent à définir les missions d'intérêt général visées par la politique énergétique nationale dans le corps du texte plutôt que dans une annexe.

M. le Rapporteur - Défavorable. Vous avez satisfaction, puisque les objectifs généraux sont désormais repris dans le corps même du texte de loi.

Les amendements 248, 292, 293 et 294, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Cochet - Les amendements 149 et 180 sont défendus.

Les amendements 149 et 180, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Cochet - De manière stupéfiante et paradoxale, cette pseudo-loi d'orientation ne traite pas des transports, alors qu'ils sont les principaux responsables de notre dépendance énergétique. La demande continue de croître et les émissions polluantes atteignent des niveaux records, de l'aéronef au deux-roues motorisé. Au final, les transports représentent plus de la moitié de la consommation mondiale de pétrole : sur les quelque 80 millions de barils vendus chaque jour, 40 millions vont aux moyens de transport. Le ministre aime dire que la France a réduit sa dépendance pétrolière depuis 1974 : dans les transports, elle a augmenté ! Et chacun mesure que, lorsque les transports souffrent - du fait notamment de la flambée des cours -, c'est l'ensemble de l'économie qui est à la peine. La maîtrise du développement des transports, c'est le problème number one des politiques publiques européennes dans les années qui viennent !

Las, votre aveuglement est total... Je rappelle pour mémoire que le secteur routier absorbe 80 % du total consommé par les transports, contre 15 % à l'aérien et 5 % au rail et à la voie d'eau. Et sur la consommation routière, 65 % vont à l'automobile, 25 % aux poids lourds, 5 % aux camionnettes, 4 % aux autobus et 1 % aux deux- roues motorisés. Interrogeons nous collectivement sur le fait que nous vivons dans un monde peuplé de plus de 700 millions de véhicules à moteur thermique, au moins 30 millions de barils étant consommés chaque jour pour transporter des personnes seules dans des voitures de plus de deux tonnes ! On se prépare, pour demain matin, un monde invivable !

M. le Rapporteur - M. Cochet semble avoir oublié que la commission a adopté, dans le corps du texte, l'un de ses amendements identique à celui-ci.

M. Yves Cochet - Dans ces conditions, je le retire... mais pas mes propos !

L'amendement 168 est retiré.

M. Yves Cochet - Notre amendement 169 fait le pari des circulations douces. Il propose de donner la priorité aux piétons et aux vélos en réservant des surfaces minimales de voirie et en modifiant le code de la route. A Paris, MM. Delanoë et Baupin donnent l'exemple à la France entière : depuis 2001, la nouvelle politique de transport a permis de contenir les cas de bronchiolite et d'asthme précoce. M. Dionis du Séjour a eu raison d'introduire la préoccupation de santé publique dans la problématique énergétique. C'est aussi comme cela que l'on évitera à M. Douste-Blazy un nouveau trou de la Sécu...

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre délégué - Avis d'autant plus défavorable qu'il n'y a jamais eu autant d'embouteillages à Paris - et donc de pollution et de gaspillage - que depuis le lancement de cette politique ! (M. Yves Cochet s'exclame)

M. Jean Dionis du Séjour - Je voterai cet amendement car il faut savoir modifier ses comportements, prendre l'escalier plutôt que l'ascenseur et préférer le vélo à la voiture.

L'amendement 169, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 30.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE


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