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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 93ème jour de séance, 225ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 14 JUIN 2005

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

Sommaire

      DÉVELOPPEMENT DES SERVICES À LA PERSONNE
      ET COHÉSION SOCIALE (suite) 2

      QUESTION PRÉALABLE 2

      DISCUSSION GÉNÉRALE 14

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 15 JUIN 2005 27

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

DÉVELOPPEMENT DES SERVICES À LA PERSONNE
ET COHÉSION SOCIALE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au développement des services à la personne et à diverses mesure en faveur de la cohésion sociale.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Daniel Paul - Le 29 mai dernier, le peuple, dans sa majorité, a rejeté une politique dont les hommes et les femmes de notre pays ont pu faire l'expérience dans leur vie quotidienne. Ils ont dit non à une société de précarité, où les inégalités sociales ne cessent de se creuser entre une minorité qui profite largement du système et une majorité - celle du monde du travail -, qui le subit de plus en plus.

Ou aurait pu espérer que vous tiendriez compte de cette expression populaire, résultat d'une forte participation de nos concitoyens. Mais non, vous avez décidé de poursuivre, coûte que coûte, la politique que vous avez engagée en 2002, en faisant fi de la sanction populaire !

Certes, nous sommes réunis pour discuter d'un texte aux apparences plus consensuelles que ceux présentés ou soutenus habituellement par votre majorité. « Services à la personne », voilà qui sonne bien pour tenter de remonter la pente après le désaveu des urnes consécutif au bilan désastreux de l'action menée par les gouvernements précédents. Qu'on se rappelle les réformes des retraites, de l'assurance maladie ou du service public, autant de textes qui ont organisé le démantèlement des droits sociaux et la casse des services publics ! Les budgets insuffisants pour les hôpitaux, les baisses de postes dans l'Education nationale, la poursuite de l'ouverture à la concurrence dans les secteurs postal et énergétique ? Autant de coups que vous avez portés à notre société, sans écouter les partenaires sociaux et en dépit de la volonté populaire !

Le présent projet dérogerait-il à la règle ? C'est oublier que le vote du 29 mai a été l'expression d'une grande colère face à la précarisation généralisée de la société et de la grande inquiétude du monde du travail, des ouvriers et des employés qui refusent la fuite en avant libérale à laquelle aurait conduit l'adoption du texte référendaire. Cela ne vous empêche pas d'afficher une ligne plus sociale et un double objectif : développer les services à la personne et créer de nouveaux emplois.

En matière de service à la personne, les besoins sont réels, reconnaissons-le. Le vieillissement démographique et son corollaire, l'augmentation du nombre de personnes dépendantes, appellent des réponses appropriées, notamment le développement de l'aide à domicile qui permet aux personnes âgées de rester dans leur environnement familier tout en bénéficiant d'une aide indispensable. Projet ambitieux et louable, donc, que de développer un secteur dont la canicule avait mis en lumière le manque de personnel et la nécessité de remettre la dignité humaine au centre des préoccupations.

Une politique sociale volontariste est également nécessaire pour offrir aux personnes handicapées une assistance permanente indispensable pour les maintenir dans un environnement familier et leur permettre d'avoir une activité intellectuelle et sociale.

Autre mutation socioculturelle qui exige une augmentation des services à la personne : la forte progression des familles monoparentales, dont on évalue la hausse à 25 % pour la dernière décennie. De fait, ce sont 15 % des familles qui attendent des aides spécifiques, pour permettre aux femmes seules, notamment, d'accéder au marché du travail.

Plus généralement, le relatif dynamisme de la natalité mériterait d'être soutenu par le développement de l'aide aux parents durant les premiers mois de la vie de l'enfant. L'Etat doit accroître son effort financier en la matière, afin de réconcilier vies professionnelle et familiale. Rappelons au passage que 45 % des enfants âgés de moins de 3 ans sont gardés par leurs parents, preuve que les 342 000 professionnelles de ce secteur d'activité ont bien besoin de renfort...

D'autres exemples pourraient être évoqués, et je pense en particulier à la pratique de plus en plus courante de l'accompagnement à la sortie de l'hôpital pour les personnes seules, domaine lui aussi propice au développement des services à la personne.

Mais venons-en aux conclusions politiques à tirer de telles évolutions. Le modèle social français, qui repose sur l'aide que l'Etat apporte aux individus et aux familles, doit perdurer. S'il faut continuer à accroître les accueils en centres spécialisés, n'oublions pas que les personnes concernées aspirent majoritairement à rester dans leur cadre de vie. Comment dès lors ne pas soutenir le développement d'un secteur qui s'intéresse au bien-être de nos concitoyens et s'adapte aux mutations démographiques, sociales et culturelles de notre société ? Les députés communistes et républicains sont conscients qu'il convient de valoriser ce secteur d'emploi et soutient donc globalement l'esprit du projet.

Cela étant dit, les points qui fâchent sont nombreux. D'abord, l'élaboration de votre plan n'a pas été un modèle de concertation avec les partenaires sociaux, et l'on sait que les syndicats ou les associations ont été nombreux à manifester leur mécontentement, eux qui ont une connaissance intime du terrain et de nombreuses pistes de réflexion à proposer. Dans le secteur des services à la personne, ensuite, de nombreuses demandes sont à satisfaire, qui ont trait notamment aux conditions d'emploi et de travail des salariés de ce secteur. En clair, nous partageons globalement votre souci de répondre aux besoins sociaux, mais nous divergeons sur les moyens à mettre en œuvre, constatant que vous poursuivez la politique que vous menez depuis plusieurs années, celle de la précarisation et de la déréglementation du travail.

Si vous aviez construit ce plan en consultant les partenaires sociaux et les associations de terrain, nul doute que vos objectifs d'emplois auraient été très différents. Présenté dans la presse comme l'un des plus grands chantiers engagés par le Gouvernement pour combattre le chômage, votre initiative prévoit ainsi de créer 500 000 emplois au cours des trois années à venir. Une telle ambition mérite qu'on s'y arrête un instant !

Comment avez-vous élaboré de telles prévisions ? Le raisonnement arithmétique qui consiste à appliquer le taux d'emploi d'un secteur américain à son homologue en France ignore le nombre de variables et de facteurs déterminants pour le système d'emplois ! Du reste, vos prévisions sont contestées par de nombreux acteurs de terrain. Le PDG du groupe Chèque-déjeuner, lui, estimait le nombre de créations d'emplois à 300 000, tandis que les syndicats soulignent la nécessité de faire passer à temps plein des salariés trop souvent employés à temps partiel.

Si vous vous êtes appuyés sur l'état des lieux dressé aux Etats-Unis, à l'instar du rapport de Pierre Cahuc et de Michèle Debonneuil du Conseil d'analyse économique, on ne peut que douter de la pertinence de votre action, surtout lorsqu'on sait que ce rapport préconise la baisse du coût du travail non qualifié pour créer des emplois dans les services. Les gouvernements américains successifs ont certes appliqué cette recette depuis trente ans, en battant un record, celui du nombre de salariés pauvres dans les services dont vous nous proposez l'expansion prioritaire. Bref, combien d'emplois « équivalents temps pleins » escomptez-vous ? Certains spécialistes estiment ce nombre à 100 000. En outre, quelles garanties sociales proposez-vous d'inscrire dans la loi pour structurer l'emploi dans ce secteur ? Vous préférez vous cantonner à la dimension purement quantitative du problème, pour vous assurer de beaux effets d'annonce, négligeant ses aspects qualitatifs.

Les pouvoirs publics ont un véritable défi à relever en matière d'emploi dans le secteur des services à la personne.

Une étude de la DARES montrait ainsi, en 2003, que le salaire horaire brut moyen n'était que très légèrement supérieur au SMIC, alors que les activités exigeaient de réelles compétences. Pis, jusqu'à l'accord de branche de 2002, qui n'est encore que trop faiblement appliqué, les taux de rémunération horaire étaient sensiblement inférieurs au SMIC !

A cela s'ajoute l'ampleur prise par le travail à temps partiel dans ce secteur. Or, qui dit temps partiel dit aussi assurance chômage partielle, retraite partielle etc...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Tout à fait !

M. Daniel Paul - Environ un quart des salariées sont obligées de travailler moins de 200 heures par trimestre, ce qui les pénalise en matière de droits sociaux. Quelle assurance leur donne leur emploi ? Quelles sont leurs perspectives d'avenir ? Nous avons proposé, par un amendement, que les contrats de travail conclus dans les entreprises prestataires de service dépassent ce seuil, mais la majorité l'a refusé en commission !

Les salaires de ce secteur sont très faibles, à l'instar de celui des assistantes maternelles, dont le salaire moyen est de 540 euros.

Le tableau sombre n'est pas terminé. Les droits sociaux de la majorité des salariés du secteur sont inférieurs au droit commun, les cotisations étant généralement calculées sur la base du salaire minimum, même si la rémunération effective est supérieure au SMIC.

Les salaires horaires sont d'autant plus bas que les salariés effectuent souvent des journées de travail très longues, incluant des temps de transport non rémunérés qui peuvent doubler le temps de travail journalier.

Par ailleurs, 80 % des emplois familiaux entrent dans le cadre du « gré à gré » : les salariés sont alors peu protégés par les conventions collectives, leurs salaires sont plus faibles que ceux versés par les entreprises prestataires de services, et leurs temps de transport n'est pas rémunéré.

Et que dire du déficit de formation, initiale ou continue. Quant à la validation des acquis de l'expérience, elle n'en est qu'à ses balbutiements.

Votre plan de développement des services à la personne, annoncé le 16 février 2005, semblait avoir pris la mesure des enjeux, mais force est de constater aujourd'hui que vous ne vous attaquez pas au problème. Quid de la lutte contre l'emploi partiel ? Quid des obligations de formation initiale ou continue ? Tout juste prévoyez-vous, à l'article 6, la formation d'une certaine catégorie de personnel. Enfin, le recours au chèque-emploi-service-universel - CESU - favorise le développement du gré à gré, et la concurrence vers le bas pour les salaires.

Autre sujet que vous passez sous silence, l'insuffisance des moyens de l'inspection du travail, et le manque de respect à l'égard de ses membres, comme en témoignent des évènements récents. Cela étant, il ne faudra pas compter sur l'inspection du travail pour contrôler les emplois de gré à gré puisqu'elle n'a pas le droit de pénétrer au domicile des particuliers !

Et ce n'est pas fini. L'article 3 accorde un allègement supplémentaire de 15 points de cotisations sociales aux particuliers employeurs qui accepteront que leurs cotisations soient calculées sur la base des rémunérations réellement versées et non sur celle du SMIC, comme la loi le prévoit aujourd'hui. Pourquoi ne pas avoir annulé le régime actuel ?

J'en viens à me demander si vous souhaitez créer des emplois à même d'assurer une pleine citoyenneté sociale à nos concitoyens, ou si vous ne cherchez pas à faire baisser, coûte que coûte, les chiffres du chômage, pour pouvoir vous targuer d'efficacité au prochain rendez-vous électoral, quitte à taire l'accroissement des inégalités, ou le taux de pauvreté.

C'est vrai, le secteur des services à la personne est en pleine expansion, mais encore faudrait-il améliorer les conditions d'emploi.

Après le verdict du 29 mai, M. Chirac clamait sur toutes les ondes vouloir « créer des emplois à tout prix ». Faut-il alors sacrifier les conditions de travail de milliers de salariés sur l'autel des statistiques du chômage ?

Il est vrai que les objectifs de Lisbonne pour l'emploi, définis en mars 2000, étaient essentiellement quantitatifs, mais les résultats du référendum n'ont-ils pas justement sanctionné de telles orientations ?

Si vous persistez à négliger la question de l'emploi et de la formation dans ce secteur très féminisé, vous risquez d'aggraver les inégalités entre les hommes et les femmes sur le marché de l'emploi, et de précariser encore davantage une partie de la main-d'œuvre féminine. Faut-il vous rappeler que 80 % des emplois à temps partiels sont occupés par des femmes, généralement contre leur gré ? Que le manque de formation nuit à leur progression salariale et professionnelle ?

Et nous venons à peine de voter la loi sur l'égalité salariale de Mme Ameline ! Où sont passés les « engagements personnels » de M. Chirac en faveur de l'égalité professionnelle, proclamés en février dernier ?

Du reste, lors des débats parlementaires sur le projet de loi relatif aux assistantes maternelles, le texte du précédent gouvernement n'avait pas répondu à des questions aussi essentielles que la disparité des rémunérations entre les territoires, les droits à la retraite, ou la formation.

En outre, avec ce texte, vous ouvrez encore davantage la porte à la déréglementation du travail, en dépit des protestations des syndicats. Votre article 2 prévoit ainsi de modifier les délais de prévenance alors que les syndicats et les associations affirment unanimement que les structures s'organisent elles-mêmes pour faire face aux imprévus. Etait-il vraiment nécessaire de toucher au code du travail ? Alors que votre majorité ne cesse de vanter les mérites des négociations de terrain contre la loi quand les droits des salariés sont en jeu, elle prêche le contraire quand il s'agit de revenir sur leurs acquis !

Voilà bien une preuve supplémentaire de votre entêtement à régler les problèmes de société de manière très libérale, au mépris des inégalités sociales qui existent dans notre pays.

Venons-en aux moyens que vous mettez en œuvre pour développer le recours à ces services.

Le développement du CESU est source d'inquiétudes. La fiche de paie va ainsi disparaître, alors qu'elle comportait des éléments essentiels, comme la rémunération horaire, ou celle des heures supplémentaires. Des dérives sont à craindre !

L'on peut aussi craindre que le CESU s'étende progressivement au-delà du secteur des services à la personne et que la période d'essai de deux ans gagne rapidement les entreprises de plus de dix salariés... Le ministre sourit, mais il ne proteste pas ! (Sourires). Les exemples abondent de ces avancées censées simplifier, et qui sont étendues à des terrains très différents de ceux prévus au départ : il n'est que de penser à l'intérim, qui devait à l'origine rester très limité... Notons d'ailleurs que la loi n'a jamais fixé les périodes d'essai, qui relèvent des conventions collectives. Les ordonnances vont-elles comporter une clause rendant les conventions collectives caduques sur ce point ? Ainsi, en procédant par ordonnances, vous contournez non seulement un Parlement dont la majorité vous est pourtant dévouée, mais aussi les partenaires sociaux, dans un domaine qui relevait de leurs prérogatives. Bonjour le dialogue social !

Autre réserve : alors que le titre emploi service ne pouvait être utilisé qu'auprès des entreprises prestataires, le CESU favorisera le recours au gré à gré, dont on sait qu'il n'est guère profitable aux droits des salariés. Autant de signes de précarisation du secteur des services à domicile. Le secteur tertiaire est pourtant le reflet des choix d'une société et des valeurs qu'elle promeut. Aujourd'hui, ce qui menace ses salariés, ce sont des emplois peu qualifiés, faiblement rémunérés et manquant de reconnaissance, c'est-à-dire l'enlisement dans le sous-emploi. Or, l'emploi est le pilier de la citoyenneté sociale. Ce que vous nous proposez, avec ce projet de loi, ce sont donc des emplois pour citoyens de seconde zone !

Nous défendons au contraire une intervention forte des pouvoirs publics, pour encadrer les créations d'emplois. Cela suppose une professionnalisation des emplois, grâce à la reconnaissance des qualifications et à la revalorisation des rémunérations, et l'amélioration des conditions de travail, à travers la prise en compte des temps de transport, des temps de réunion et des temps d'évaluation par exemple.

M. Roland Chassain - Et des temps de grève ?

M. Daniel Paul - Notons au passage que la lutte contre le temps partiel, par l'encouragement, tant des structures prestataires que des salariés, à avoir recours à la polyvalence, est particulièrement pertinente pour des travaux parfois très durs. Elle se pratique d'ailleurs déjà largement dans le secteur, et est unanimement soutenue par les associations et les organisations syndicales. Les recommandations à ce propos du plan de février restent malheureusement insuffisantes. Des objectifs ambitieux pourraient être portés par l'Agence que vous créez : les missions que vous lui assignez restent bien floues, mais la discussion permettra sans doute d'avancer. Mais, là encore, votre projet ne propose qu'une version édulcorée du plan de février. Nous pensons que les enjeux et les modalités de cette professionnalisation devraient être discutés et définis au sein d'une agence regroupant représentants des employeurs, organisations syndicales et associations d'usagers.

J'en viens au deuxième pilier du texte : la nature et la qualité des services que vous souhaitez développer. L'objectif de contribuer au mieux-être de nos concitoyens est certes louable, mais une large part des activités concernées doivent aller bien au-delà ! L'aide aux personnes âgées ou handicapées et les activités liées à la petite enfance sont des services essentiels, qui nécessitent de réelles compétences, un vrai savoir-faire et une grande disponibilité. Tout l'enjeu de la formation dans ce secteur est donc d'améliorer la qualité des services rendus. A avoir l'œil rivé sur l'horizon de la création d'emplois, vous risquez de négliger cette dimension qualitative.

Les récentes discussions relatives à la qualification des assistants maternels agréés ont montré les lacunes à combler. Les associations ne disposent souvent pas des moyens de contrôler l'accès à cette profession, ni son exercice. Dans les communes qui n'ont pas développé d'accueil collectif, la tentation est grande de demander aux services de la protection maternelle et infantile d'accorder facilement leur agrément à des femmes qui n'ont pas d'autre perspective d'emploi... Les services de la PMI ne supervisent pas la qualité de services comme dans les crèches, et force est de constater que les employées, la plupart sans qualification, font souvent office de « femmes à tout faire »... Le problème est similaire en ce qui concerne les personnes handicapées, et certaines associations placent la qualification au cœur de leurs exigences. Elles estiment nécessaire de prévoir explicitement dans le projet une obligation de formation continue - et pas seulement initiale - pour que les salariés soient informés des évolutions des connaissances thérapeutiques, technologiques et sociales sur les handicaps. Nous défendons la mise en place de formations obligatoires, rétribuées et sanctionnées par des diplômes, qui donnent des perspectives aux salariés. Car ces métiers ne sont pas de « petits boulots » ! Donner un ancrage juridique à la formation permettrait de sortir de cette idée de « job » peu exigeant et de développer des services de qualité au bénéfice des personnes fragiles. La question de la qualité des services mérite vraiment d'être prise au sérieux mais votre texte, en l'état actuel, ne donne malheureusement aucun nouvel élan à la formation.

Ce n'est d'ailleurs pas le seul problème qu'il pose en matière de qualité des services. En encourageant le recours au gré à gré, vous allez au devant de problèmes considérables : comment imaginer que les personnes âgées, dont certaines souffrent de déficiences mémorielles lourdes, seront aptes à gérer une aide à domicile sans le secours d'entreprises prestataires ? Ne devriez-vous pas imposer le recours à une telle entreprise pour les personnes dépendantes ? Enfin, l'intervention croissante des entreprises à but lucratif dans le domaine des emplois familiaux, déjà promue par les pouvoirs public en 1996, favorisera une régulation marchande et concurrentielle du secteur qui laisse en théorie le choix aux familles, mais qui revient le plus souvent à privilégier la solution la moins coûteuse, au détriment de la qualification du personnel... La concurrence aura un impact direct sur la qualité du service rendu, et votre proposition de créer de grandes enseignes nationales pour structurer l'offre ne provoquera aucune amélioration concrète si elles ne s'accompagne pas d'une plus grande sévérité des normes posées par l'administration et d'une sortie de la régulation concurrentielle qui prévaut aujourd'hui.

Autre interrogation : l'égalité d'accès à ces services. Le moyen auquel vous avez recours pour solvabiliser le secteur bénéficiera principalement aux catégories les plus aisées de la population. L'accès aux services à domicile est aujourd'hui déjà très inégalitaire : une femme cadre sur trois dispose d'une aide ménagère, alors que les employées n'y ont presque jamais recours ; parmi les 4 % de ménages dont les revenus sont supérieurs à 60 000 euros annuels, 40 % ont une femme de ménage, alors que les couples qui gagnent moins de 17 000 euros n'en ont presque jamais. Votre principale mesure, qui n'est pas très révolutionnaire, consiste en un allégement de 15 points des cotisations payées par les particuliers employeurs, pour ceux qui accepteront qu'elles soient calculées sur la base des rémunérations réellement versées et non sur celle du SMIC. Elle viendra s'ajouter à la réduction d'impôt déjà existante, qui représente actuellement la moitié des dépenses totales. Inciter à déclarer les salariés sur la base de leur rémunération réelle va dans le bon sens, mais, outre que le maintien du régime de cotisation forfaitaire risque d'amoindrir l'efficacité de la mesure, cette exonération supplémentaire ne profitera qu'aux employeurs déjà solvables, c'est-à-dire à une minorité. Actuellement, pas plus de deux millions de familles ont recours à ce type de service : quelle solution proposez-vous pour les 32 autres millions de foyers fiscaux français ?

Pour les entreprises prestataires, vous envisagez un cadeau fiscal important : une exonération totale des cotisations patronales - sécurité sociale, accidents du travail et allocations familiales - sur les salaires versés aux employés d'associations ou d'entreprises agréées. Cela ne manquera pas d'attirer de nouveaux acteurs sur le marché, mais que penser du fait que l'objectif principal de ces entreprises sera financier ? Comment concilieront-elles un niveau de salaire à la hauteur des compétences des salariés et des tarifs accessibles à tous ? Nous pensons que le développement d'une filière d'activité contribuant au bien-être social de nos concitoyens passe avant tout par le soutien public aux structures publiques et associatives non lucratives qui sont déjà présentes et très actives dans le secteur.

Deuxième dispositif censé dynamiser le secteur : le recours aux déductions fiscales. Mais, sans crédit d'impôt, elles ne seront avantageuses pour les personnes qui paient un impôt sur le revenu, soit environ la moitié des foyers fiscaux français ! De telles niches fiscales profitent en effet surtout aux 10 % des ménages les plus riches. La formule n'est donc pas adaptée au public visé si la volonté du Gouvernement est bien d'aider le secteur des services à la personne à grandir en faisant en sorte que tous les citoyens puissent y recourir !

Autre initiative à votre actif : l'entière déductibilité d'impôts pour les entreprises qui abonderont le CESU. S'il peut être intéressant d'inciter de petites entreprises à proposer des CESU à leurs salariés, comment défendre un nouveau cadeau fiscal pour les entreprises réalisant des profits ? Et l'on sait qu'il en est de superbes, aujourd'hui ! Nous proposerons donc par amendement de moduler l'incitation fiscale en fonction des résultats financiers des entreprises. Quant à la baisse du coût des prestations que vous envisagez pour solvabiliser le secteur, elle se traduirait par un allégement des cotisations sociales des particuliers employeurs d'environ 270 millions d'euros, et par un allégement des cotisations patronales des prestataires, l'exonération totale, réservée jusqu'alors aux prestataires agréés fournissant une aide au domicile d'une personne âgée de plus de 70 ans ou en situation de handicap, étant étendue à toutes autres activités de service à domicile.

Mais à qui profiteront-elles ? Le crédit d'impôt aurait été une voie à suivre. Mais surtout une réelle extension des services à la personne supposerait une revalorisation des prestations sociales : l'APA, les aides destinées aux personnes handicapées devraient être placées au cœur de votre action pour développer les services à la personne.

Plus généralement, le développement de ces services exige une amélioration des salaires et des pensions, seul moyen de rendre réaliste et pérenne votre objectif affiché : permettre à tous les foyers, selon les termes du rapporteur, le recours hebdomadaire à une ou deux heures de services à domicile en tous genres. Et pourtant, la tendance n'est pas à la hausse, notamment pour les salariés les plus faiblement rémunérés. Ici encore vous ignorez les revendications syndicales et populaires, pourtant exprimées dans la rue le 5 février dernier, au cours d'une manifestation intersyndicale particulièrement réussie, mais aussi dans les urnes, puisque la protestation contre l'insuffisance du pouvoir d'achat est, selon diverses études, l'une des motivations qui a poussé bon nombre de Français à voter non au référenduM. 

Pour ce qui est de l'accès aux services à la personne, le simple recours aux exonérations de charges et aux déductions fiscales s'avère donc très insuffisant. La création de l'APA avait pourtant montré que la question principale était celle de la solvabilité des personnes ! Près de 850 000 personnes en bénéficiaient au 30 septembre dernier, et ce chiffre est en augmentation.

Notons au passage les inégalités supplémentaires résultant de votre réforme des retraites : elle imposera à un nombre croissant de retraités des réductions de leurs pensions, ce qui ne sera pas sans conséquences sur le recours aux services à domicile. Quant aux personnes handicapées, ce problème de solvabilité est au cœur de leur quotidien. Ainsi, certaines personnes à mobilité fortement réduite en arrivent à rationner leurs appels aux personnes chargées de les aider, faute de moyens financiers suffisants. De quelle façon comptez-vous solvabiliser ces personnes pour soulager leur quotidien ?

Votre projet de services à la personne se heurte bien à un problème de moyens pour les bénéficiaires potentiels, sauf à ne viser qu'un public disposant déjà de moyens suffisants mais qu'il conviendrait d'encourager à avoir recours à votre dispositif. Car, parallèlement à ces exonérations de cotisations et déductions fiscales, vous diminuez les moyens accordés aux Caisses régionales d'assurance maladie, qui pourtant contribuent à la vitalité de ce secteur, en finançant notamment les aides ménagères aux personnes âgées dépendantes. Malgré la canicule de 2003, le budget de plusieurs CRAM avait déjà été amputé en 2004, et la diminution s'est poursuivie cette année.

Ainsi, dans la ville dont je suis l'élu, des bénéficiaires de ce dispositif ont reçu de leur prestataire l'information suivante: « L'obligation qui nous est faite de respecter strictement une enveloppe d'heures d'aide ménagère attribuées par la CRAM pour l'année 2005 - nos besoins pour l'année en cours : 150 000 heures, les heures allouées par la CRAM : 110 000 heures - nous contraint à prendre plusieurs mesures, à savoir : pas de remplacement, sauf cas exceptionnel, si l'aide à domicile est absente, y compris pour les journées d'été ; réduction pouvant atteindre 50 % du nombre d'heures par dossier et attribution restreinte - GIR 6 : 2 heures ; GIR 5 : 3 heures maximum - sauf cas exceptionnel. » Et la responsable de cette association d'ajouter : « Nous nous rendons compte que, dans un contexte où l'on nous demande de mettre en place le Plan Borloo, nos décisions, dictées par la nécessité, vont à l'encontre du discours que vous pouvez entendre dans les médias »... Voilà ce qui est tombé fin avril, au Havre, chez quelques centaines de personnes âgées.

J'ai eu confirmation de la réduction des moyens allouées par la CNAM aux CRAM, y compris celle de Haute Normandie où pourtant le nombre d'ayants droit est en augmentation ; on m'a même indiqué qu'en 2004, l'année qui avait suivi la canicule de 2003 avec ses 15 000 victimes, une même réduction avait été décidée...

Que penser aussi du fait que les CAF, qui participent aussi au dispositif d'aide aux personnes, soient pénalisées par le retard dans la signature de la convention entre le Gouvernement et la CNAF ? La dernière convention est arrivée à expiration le 31 décembre 2004 et la discussion n'a toujours pas abouti ; elle achoppe sur la progression de la dotation, ce qui interdit aux CAF toute initiative nouvelle au moment où tout confirme la détérioration de la situation sociale : l'explosion du nombre des érémistes, des foyers surendettés, etc.

La contradiction entre vos intentions affichées et vos actes est flagrante : d'un côté, vous dites vouloir développer un secteur en solvabilisant une petite partie de la demande, mais de l'autre, vous coupez les moyens accordés à plusieurs structures publiques qui offrent ces mêmes services ou contribuent à la solvabilité des familles... Nombreuses sont les CRAM qui doivent réduire les heures de service proposées à cause de la baisse de leurs budgets. De plus, ces organismes souffrent souvent d'un manque de personnel en période de congé, faute de moyens suffisants de remplacement.

Bref, le développement des services que vous proposez ignore la question de la démocratisation de l'accès à ces services. Pourtant l'enjeu est de taille : selon M. le ministre, un peu plus de deux millions de ménages font aujourd'hui appel aux services à domicile. Mais, par votre politique de désengagement de l'Etat, vous renforcez les inégalités dans ces secteurs. En effet votre gouvernement engage des sommes considérables, mais pour solvabiliser la demande de quelques particuliers employeurs dont on ne peut dire qu'ils figurent parmi les personnes les plus modestes, alors même que l'Etat se désengage du secteur public dans la plupart de ces secteurs.

Est-il juste, par exemple, de concentrer des moyens sur quelques familles pour des cours particuliers, alors que les suppressions d'emplois sont à l'ordre du jour dans l'éducation nationale et que les départs en retraire ne seront pas intégralement compensés? Ainsi, pour la rentrée 2005, on envisage un déficit de recrutements estimé à environ 5 800 postes par rapport aux départs à la retraite. Ne pourrait-on plutôt, avec des moyens supplémentaires accordés à l'éducation nationale, concentrer des moyens publics sur les élèves en difficulté scolaire ?

Même logique, hélas, dans le secteur de la petite enfance, où le manque de structures d'accueil est criant. Le dernier rapport du Conseil économique et social d'Ile-de-France pointe « une offre de services totalement insuffisante » et « un manque flagrant de personnel ». Seulement 18 % des enfants franciliens de moins de 3 ans ont la chance d'y être accueillis, contre près de 30 % en mode de garde individuel. Plus grave, à peine un petit francilien sur deux bénéficie d'un mode d'accueil... La petite enfance est pourtant un moment déterminant pour la structuration des individus ! Certes, tous les parents ne souhaitent pas envoyer leurs enfants dans des structures collectives, et il convient de diversifier les modes de garde ; mais beaucoup aimeraient bénéficier de telles structures, en raison de leur coût modéré comme des vertus éducatives qu'ils leur reconnaissent.

Revaloriser les budgets des organismes qui participent à ces financements, augmenter le budget de l'éducation nationale, revoir à la hausse les moyens des structures en charge des personnes handicapées seraient autant de mesures fortes qui permettraient une réelle politique sociale dans ces domaines socio-éducatifs.

A l'heure de la construction européenne, sachons regarder chez nos voisins ! Pourquoi le rapport du Conseil d'analyse économique, qui a inspiré votre projet, n'a-t-il tourné son regard que vers l'autre rivage de l'Atlantique ? Votre majorité ne disait-elle pas, il y a quelques semaines, vouloir promouvoir le modèle social européen ? Le modèle nordique est riche d'enseignements dans le domaine des services à la personne. En effet, si ces pays ont la même proportion d'emplois dans les services que les Etats-Unis, c'est surtout dans le secteur des services sociaux : l'éducation, la santé, l'action sociale, etc. Sans vouloir copier un modèle, l'exemple des pays nordiques, où les structures publiques sont beaucoup plus valorisées qu'en France, devrait nous faire réfléchir à une trajectoire que nous pourrions suivre.

Or vous nous proposez avec ce projet la trajectoire opposée : vous facilitez le recours aux services pour les plus aisés, sans résoudre par ailleurs les carences en matière sociale et éducative. Vous palliez le manque de structures publiques, sans résoudre en rien le problème pour les populations défavorisées. Une fois de plus, sous couvert de faire du social, vous aboutissez à une solution très inégalitaire. Comment ne pas penser, dès lors, que votre texte s'apparente surtout à une vitrine sociale ? On ne résoudra pas les questions de la réussite des élèves, de la garde des enfants, de l'aide aux personnes handicapées en se contentant d'inciter financièrement les plus aisés à recourir à des aides à domicile. Ces questions appellent un engagement fort de l'Etat dans un service public associant des structures collectives sur l'ensemble du territoire et un secteur d'aide à domicile fort, accessible à tous et à toutes, et de qualité.

Dans beaucoup de domaines en effet, cette approche à domicile a une vraie pertinence. Ce qui m'amène à un autre aspect fort critiquable du texte : son aspect « fourre-tout ». Sous le vocable très général de services à la personne, vous regroupez des prestations de soins indispensables avec des prestations de confort. Ainsi les aides financières que vous accordez servent à financer des activités qui répondent à des besoins fort divers ! Peut-on traiter et financer de façon similaire un foyer qui désire se décharger d'une partie du travail ménager, et une personne âgée qui ne peut le réaliser ? Peut-on soutenir avec les mêmes fonds publics les parents qui veulent apporter un soutien scolaire à leur enfant et ceux qui ont besoin d'une aide à domicile pour leur enfant handicapé ? Il ne faudrait pas tout mélanger ! Votre texte modifie subrepticement la notion d'aide à domicile : il mélange l'aide sociale aux personnes qui ne peuvent pas réaliser les services elles-mêmes et l'aide destinée à celles qui ne veulent pas les réaliser.

Quant au problème que pose la persistance de fortes inégalités entre les sexes dans la répartition du travail domestique, faut-il le traiter par la marchandisation de ces activités, occupées par des femmes sous-payées ? De fait, une des raisons du développement des services à la personne est l'arrivée massive des femmes sur le marché du travail depuis quarante ans, qui ne s'est pas accompagnée d'un rééquilibrage du travail domestique. On peut certes comprendre que des familles souhaitent avoir recours à une aide ménagère, mais faut-il pour autant solvabiliser par des fonds publics des familles relativement aisées, alors que pour d'autres l'aide est indispensable ?

Votre texte gagnerait à distinguer les publics à cibler, afin de ne pas soutenir par les mêmes financements des services qui relèvent de l'assistance médico-sociale indispensable et d'autres qui viennent améliorer le confort de vie de certains.

La priorité, ce sont les politiques sociales ! Mais votre course à la création d'emplois vous conduit à subventionner à l'aveuglette une palette d'activités. Viser une forte baisse du chômage grâce à la création d'emplois dans les services, ce n'est pourtant pas nécessairement ce qui peut arriver de mieux au modèle social français et à nos concitoyens. Il existe en effet aujourd'hui une forte corrélation statistique, dans les pays occidentaux, entre le niveau des inégalités et le nombre d'emplois dans les services à domicile : plus les premières sont fortes, plus les seconds sont nombreux.

Ce qui me conduit à adresser une autre critique à votre texte : vous nous proposez, en vue de faire baisser les chiffres du chômage, un développement « anarchique » des services à la personne. Vous mettez dans le même panier les soins médico-sociaux et la livraison de courses à domicile pour les personnes qui n'ont pas envie d'aller au supermarché. Vous déléguez ainsi au secteur marchand tout un pan des activités domestiques, en arguant des nécessités nouvelles de prise en charge du travail domestique qui s'imposent aux couples actifs.

Il est vrai que la déréglementation qui sévit depuis une dizaine d'années complique la vie de nombre de nos concitoyens, ce qui a des conséquences directes sur les plans social et familial : comment ne pas avoir recours à une aide ménagère quand les horaires de certains cadres dépassent les 45 heures hebdomadaires ? Comment ne pas organiser un soutien scolaire pour ses enfants lorsque l'on travaille jusqu'à huit heures du soir ? Combien d'heures faut-il donc faire pour gagner le SMIC lorsque le temps de transport n'est pas pris en compte ? Telle n'est pas la société que nous voulons. Au lieu de mieux partager le travail rémunéré, vous livrez au secteur marchand une partie des activités domestiques dont ne profiteront d'ailleurs que les ménages les plus aisés. Nous plaidons quant à nous pour une réduction du temps de travail qui laisse plus de temps à chacun afin de mieux concilier vie professionnelle et vie privée.

L'Etat doit intervenir, et tout d'abord en faveur des personnes dépendantes car la question se pose différemment en matière de services domestiques : libre à certains de s'en délester, mais ne convient-il pas d'abord d'encourager les entreprises à économiser la ressource « temps » ? Au-delà de ce texte, nous devons avoir un débat de fond sur la place à accorder aux activités citoyennes par rapport aux activités de production : les débats de la campagne référendaire ont en effet montré qu'une majorité de Français s'intéresse à la chose publique et souhaiterait disposer de temps pour s'y investir.

Je reviens sur deux mesures que vous vous apprêtez à faire adopter en profitant de ce texte, et tout d'abord sur le RMA. Si la révision du dispositif RMI-RMA est nécessaire, la réforme que vous proposez n'est en rien appropriée. La création du RMA ne répond pas, en effet, aux problèmes d'exclusion : comment prétendre réussir avec un contrat de travail précaire et sous-payé, dépourvu des droits sociaux les plus légitimes ?

Je pense également à l'autorisation de louer des chambres de bonne de huit mètres carré : vous inventez ainsi une mesure d'exception en légitimant les marchands de sommeil qui loueront à prix fort des réduits invivables, ce qui ne manque pas de satisfaire les propriétaires. Est-ce ainsi que l'on répondra aux besoins en logement ?

M. Maxime Gremetz - C'est en effet indigne !

M. Daniel Paul - Aux régressions que vous préconisez nous opposons une vraie politique sociale. Votre « deuxième grand chantier » est loin d'être satisfaisant car vous annoncez un chiffre incertain de créations d'emplois qui ne seront d'ailleurs pas consolidés. Or, c'est grâce à une politique interventionniste de l'Etat que la citoyenneté sociale s'est développée. Les outils financiers et fiscaux que vous voulez mettre en place serviront les foyers les plus aisés alors que vous ne faites rien pour favoriser le déroulement et le développement des carrières grâce à la formation et à la qualification des salariés, conditions pourtant nécessaires pour que certains se dirigent vers les services à la personne. Nous voyons fort bien comment votre politique peut aboutir à la remise en cause des droits du travail, à la mise en concurrence avec les artisans ou les TPE. Nous refusons une société à deux vitesses qui ne fera qu'accroître les divisions entre les classes et les sexes.

Mme Martine Lignières-Cassou - Très bien !

M. Daniel Paul - En dépit des résultats du référendum du 29 mai, vous poursuivez une entreprise de casse des conditions de travail que masquent mal vos prétendues préoccupations sociales. Doit-on débattre en ignorant la volonté populaire ? Non.

Si des gisements d'emplois existent en effet dans le secteur diversifié des services à la personne, votre manière de procéder est dangereuse pour les salariés : nous ne pouvons évidemment soutenir votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Martine Lignières-Cassou - Très bien !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Nous partageons le constat d'une évolution des besoins dans le domaine des services à la personne. Nos concitoyens attendent en effet des réponses claires qui n'ont rien à voir avec ce que vous avez appelé des « petits boulots ». En aucun cas ce texte ne tend à revenir sur la loi de janvier 2002 : nos concitoyens, en particulier les personnes dépendantes ou âgées, ont besoin d'une approche médico-sociale certes mais également de facilités pour pouvoir par exemple demeurer dans leur domicile, ce qui sera désormais possible. Mieux : certains qui jusqu'ici n'avaient jamais imaginé utiliser les services à domicile pourront désormais le faire grâce au chèque emploi-service-universel afin de bénéficier de quelques heures de garde d'enfants ou de ménage.

Vous nous avez beaucoup parlé de l'accompagnement des plus fragiles de nos concitoyens, mais tant pour les personnes âgées que pour les personnes handicapées, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a réalisé de grandes avancées, avec la mise en place de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et avec le texte défendu par Marie-Anne Montchamp.

Quant aux conventions d'objectifs et de gestion de la CNAV et de la CNAF sur lesquelles les négociations sont actuellement menées par Xavier Bertrand, elles sont indispensables notamment pour maintenir les services à domicile en GIR 5 et 6. S'agissant de la concertation avec les partenaires sociaux, il ne vous a sans doute pas échappé que ce texte inscrit dans la loi des dispositions qui avaient fait l'objet d'accords...

En ce qui concerne les créations d'emplois attendues, nous n'allons pas nous livrer à une bataille de chiffres.

M. Daniel Paul - C'est vous qui nous parlez depuis des semaines de 500 000 emplois !

Mme la Ministre déléguée - L'important, c'est, comme le disait le Premier ministre ici-même la semaine dernière, d'explorer toutes les pistes pour créer des emplois. Mais sachant que dans ce secteur, il y avait déjà chaque année plus de 70 000 équivalents temps plein supplémentaires, les mesures d'encouragement que nous proposons devraient en effet pouvoir aboutir à ce résultat. Il s'agira bien de vrais emplois à temps plein, le passage par des associations prestataires permettant aux salariés de cumuler des activités au service de différentes personnes.

Quant à la rémunération des assistantes maternelles, le projet de loi qui va revenir devant vous cette semaine après son examen en CMP l'améliore très significativement.

S'agissant de la validation des acquis de l'expérience, le Gouvernement a prévu dans le plan de cohésion sociale que toutes les formations sociales seraient concernées avant la fin de l'année.

Vous avez aussi évoqué le temps partiel contraint, sur lequel je partage votre préoccupation. On sait bien que les « familles monoparentales » sont en quasi-totalité des femmes seules avec des enfants, pour lesquelles il faut trouver des solutions. La solvabilisation permise par ce texte offrira de véritables équivalents temps plein.

M. Daniel Paul - Vous rêvez !

Mme la Ministre déléguée - Par ailleurs, je vous confirme que le chèque emploi-service-universel aura valeur de bulletin de paie, avec les droits y afférant.

M. Maxime Gremetz - Vous n'avez pas écouté les organisations syndicales !

Mme la Ministre déléguée - Vous avez également fait des commentaires sur les annonces très importantes faites la semaine dernière par le Premier ministre, concernant notamment le « contrat nouvelle embauche », réservé aux petites entreprises.

M. Maxime Gremetz - Les salariés jetables !

Mme la Ministre déléguée - Il permettra de créer de nombreux emplois, tout en respectant bien sûr les prescriptions du code du travail et en accordant toutes les garanties nécessaires aux salariés. Des négociations sur ce sujet, vous le savez bien, sont actuellement en cours avec les partenaires sociaux.

C'est toujours facile de dire qu'on ne fait pas assez, mais vaudrait-il mieux ne rien faire ? La volonté de ce gouvernement est d'avancer sur le chemin de la cohésion sociale, de l'égalité des chances et de l'emploi pour chacun, et c'est pourquoi, après le plan de cohésion sociale, il vous propose ce nouveau texte.

En ce qui concerne les rémunérations, le SMIC va être revalorisé au 1er juillet prochain, pour la troisième année consécutive, de 5 %.

S'agissant enfin du logement, les Français se souviennent de vos promesses... Alors de grâce, pas de leçons. Pour notre part, nous avons mis en place le nouveau prêt à taux zéro, et nous relançons le logement intermédiaire.

Ce texte est une nouvelle avancée. Il permettra à la fois de faciliter l'accès à l'emploi de nombre de nos concitoyens et de faciliter l'accès à de nouveaux services. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Simon - Le groupe UMP ne votera pas cette motion de procédure, Monsieur Paul, votre intervention ayant montré que la situation actuelle n'était pas satisfaisante et qu'il y avait urgence à agir.

Urgence à agir, parce que trop de personnes ne peuvent accéder à certains services pour des raisons de complexité et de coût. Le projet apporte les simplifications et les aides nécessaires.

Urgence à agir, parce que ce secteur souffre d'un manque de reconnaissance, parce que les conditions d'exercice de ces métiers sont insuffisamment attrayantes. Le projet apporte de sérieuses améliorations. Il ne vise pas à développer les « petits boulots », mais à professionnaliser le secteur, tout en luttant contre le travail au noir.

Urgence à agir, parce que dans la bataille pour l'emploi, le secteur des services à la personne constitue un réel gisement, notre pays accusant un retard certain dans ce domaine.

Parce que ce projet vise à faciliter la tâche des employeurs comme des demandeurs d'emploi dans le secteur des services à la personne, le groupe UMP votera contre cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Pour notre part, nous la voterons...

M. Paul a bien montré tout l'enjeu de ce texte : la précarisation des femmes qui travaillent dans ce secteur. La CGC vient de dénoncer clairement ce texte en condamnant « l'art de détricoter le code du travail au nom de la cohésion sociale ». La confédération proteste notamment contre les atteintes portées à la réglementation du temps partiel par la suppression de la répartition des horaires dans le contrat de travail et la réduction du délai de prévenance, par voie d'accord collectif, en cas d'urgence.

Or, nous savons que ces emplois sont occupés par des femmes souvent seules, en charge d'enfants, qui ne se sentent pas reconnues. Il ne s'agit donc pas d'une question idéologique mais d'un enjeu de cohésion nationale. Si nous n'améliorons pas les conditions de travail de l'aide à domicile, l'ensemble des emplois de service à la personne sera déprécié et nous participerons à une entreprise de destruction de l'idée même du travail.

Pour ces raisons, nous voterons la question préalable de M. Bocquet. En refusant de réviser le principe de la réduction fiscale, vous allez à l'encontre de la structuration de l'offre et de la solvabilisation de la demande, pourtant nécessaires.

M. Maxime Gremetz - Nous sommes tous d'accord : il existe des besoins humains urgents en matière de service à la personne. Ces besoins ne pourront être satisfaits qu'en respectant les êtres humains, les femmes notamment, qui travaillent dans ce secteur. A l'heure actuelle, leur journée de travail se compose d'une heure le matin, de deux heures l'après-midi puis le soir. Le 29 mai, les Français ont dit : « ça suffit ! ».

M. Roland Chassain - Vous voulez dire Le Pen ?

M. Maxime Gremetz - Que votre esprit est d'un étage bas ! Allez vous couchez !

Vous vous êtes contentés d'affirmer que vous aviez entendu le message des Français mais vous avez poursuivi votre politique, repris la même équipe et aggravé la situation ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Laissez les gens bêtes qui ont voté non s'exprimer ! Vous avez été désavoués dans vos circonscriptions ! Vous n'avez plus de légitimité !

M. Jean-Louis Léonard - Vous non plus ! Vous ne devriez plus être député depuis longtemps !

M. Maxime Gremetz - Ces femmes ont besoin d'un statut.

Trois raisons au résultat du 29 mai : l'emploi, la construction de l'Europe ultralibérale et surtout la précarité. Pourquoi les jeunes ont-ils rejeté ce traité constitutionnel ? Parce qu'ils ne peuvent pas contracter d'emprunt et louer un logement en raison de la précarité de leur situation professionnelle.

Ce projet de loi part de bonnes intentions mais comporte de mauvaises propositions. Votre chèque service, c'est le retour du marché aux esclaves ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Paul - C'est la place de Grève d'autrefois !

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Maxime Gremetz - Deux semaines ont passé depuis la victoire historique du non. Les électeurs ont appelé à la construction d'une autre Europe et rejeté le Gouvernement et ses politiques libérales.

Ce vibrant appel au changement n'a pas été entendu : le nouveau Gouvernement comporte des figures connues - de Villepin, Sarkozy - et il nous présente un projet de loi prévu à notre ordre du jour depuis le 10 mai, sans en avoir modifié une ligne, comme si la vie s'était arrêtée pendant un mois ! Vous oubliez que votre majorité a été sévèrement sanctionnée et qu'il faut tenir un nouveau cap. Ce texte apporte des réponses incomplètes, dangereuses ou alignées sur le moins-disant social, à des questions pourtant importantes.

Il existe incontestablement un gisement d'emplois dans les services. Encore faut-il que les personnes travaillant dans ce secteur aient un véritable statut ! Par ailleurs, sur quels éléments vous fondez-vous pour avancer le nombre de 500 000 créations d'emplois en trois ans ?

La demande en matière de développement de service aux particuliers est importante. D'abord, en raison du vieillissement de la population, de la dépendance des personnes âgées et de la volonté de maintien à domicile : on estime qu'1,6 million de particuliers ont employé un salarié à leur domicile. Ensuite, à cause de l'intensification du travail, de la flexibilité et des rythmes de production. Enfin, en raison du désengagement financier des pouvoirs publics dans des secteurs essentiels de la vie comme la garde des jeunes enfants, le soutien scolaire ou l'aide à domicile.

Malheureusement, votre projet mélange les genres et englobe dans un même ensemble tous les services aux particuliers, de l'auxiliaire de vie au « promène toutou », comme si tous les services, même ceux relevant du confort privé, relevaient de l'intérêt collectif.

Nous, nous pensons que l'intérêt collectif doit être financé par la solidarité nationale. Une telle exigence suppose de dégager les moyens humains et financiers suffisants pour les structures sanitaires et sociales en direction des personnes âgées, handicapées ou dépendantes mais plus généralement aussi, de la garde des jeunes enfants, de l'Education nationale et de l'aide au quotidien pour tous ceux qui ne sont plus en mesure d'effectuer certaines tâches.

Quant à l'offre marchande, chacun peut y recourir selon ses besoins et son goût du confort. Libre à celui qui n'a pas envie de tondre sa pelouse de recourir à un jardinier, à un autre de faire appel à une aide ménagère. Mais, on ne saurait tout renvoyer au secteur marchand, et une marchandisation des services financée par les deniers publics serait encore plus inacceptable.

Bref, notre analyse est en profond décalage avec votre projet qui n'aborde que la question du volume d'emplois à créer et renvoie celle de la qualité de l'emploi à de futures négociations. Tout milite pourtant pour une professionnalisation et un haut niveau de formation, accompagné par des rémunérations fortement revalorisées. Le développement du gré à gré, lui, multiple les temps partiels subis et la précarité, et constitue une attaque en règle contre le contrat de travail. Vous parlez de dialogue social avec les associations. Vous oubliez de rappeler que tous les syndicats assimilent votre chèque-service à un retour à l'esclavage.

Mme la ministre déléguée - Amalgame !

M. Maxime Gremetz - Vous autorisez les dérogations aux conventions collectives existantes et aux délais de prévenance du temps de travail !

Ces futurs emplois seront-ils des petits boulots ? Votre projet reste muet sur ce point. Nous déposerons donc plusieurs amendements visant à lutter contre la précarité et pour revitaliser ce secteur.

J'en viens au financement. Votre recul sur la non-compensation des exonérations de cotisations sociales, motivé par la fronde justifiée des organisations syndicales, vous a obligée à réintroduire une compensation. Au bout du compte, cependant, c'est le contribuable qui paye !

Nous proposerons des solutions alternatives pour soutenir la création d'emploi et cesser de poursuivre une politique d'allégement de cotisations qui n'a jamais fonctionné. Certains le reconnaissent dans votre propre camp, mais aussi la Cour des comptes, dans son dernier rapport. Quant aux déductions fiscales en tout genre accordées aux entreprises, elles ne sont pas acceptables ! Si le développement des services à la personne est un véritable défi pour notre société, les entreprises doivent contribuer à l'effort national et au développement des services à la personne. Faut-il rappeler les bénéfices enregistrés en 2004 par les grands groupes ? 9 milliards d'euros pour Total, 3,6 milliards d'euros pour L'Oréal, 4,67 milliards pour BNP PARIBAS, 3,13 milliards pour Axa, 3,6 milliards pour Renault, et 2,7 milliards pour Arcelor !

M. Hervé Novelli - Très bien !

M. Maxime Gremetz - D'après les Echos, les 12 plus grandes sociétés françaises cotées au CAC 40 ont annoncé 32 milliards d'euros de bénéfices nets !

M. le Président - Veuillez conclure !

M. Maxime Gremetz - Enfin, il est scandaleux de noyer le débat sur le développement des services par une série de mesures qui n'ont rien à voir avec le sujet mais qui ont toutes la régression pour dénominateur commun, qu'il s'agisse de la réforme du RMA ou de l'ouverture à la location des logements de moins de 9 m2.

M. le Président - Respectez le règlement, Monsieur Gremetz ! Veuillez conclure !

M. Maxime Gremetz - Bref, si vous êtes attentifs aux besoins des salariés, vous aurez à cœur de voter de nombreux amendements du groupe communiste et républicain.

M. Daniel Paul - Très bien !

M. Bernard Perrut - Nous sommes au cœur d'un grand projet de société, et M. Borloo a eu raison de parler de révolution des services pour présenter son projet.

Il s'agit là d'un nouveau volet du plan de cohésion sociale, qui constitue un rendez-vous majeur de notre vie politique. C'est en effet la première fois, depuis trente ans, qu'un Gouvernement prend à bras le corps le problème récurrent de l'emploi. Les services à la personne nous concernent tous, et à chaque période de nos vies. C'est donc bien un sujet qui doit être appréhendé par la société française dans son ensemble, tant les activités sont diversifiées, allant des services aux familles, aux personnes handicapées, aux ménages et aux consommateurs. Ce projet est donc une réponse concrète aux attentes des Français.

Tous les pays développés sont confrontés aux mêmes évolutions sociologiques, liées à la révolution de la longévité à laquelle vous êtes particulièrement attentive, Madame la ministre. Le développement des services à la personne est donc indispensable, tant nos concitoyens, jeunes ou moins jeunes, ont besoin de ces prestations pour améliorer leur vie quotidienne.

Un rapport du Conseil économique et social, publié en 2004 sur le sujet, a souligné les besoins urgents d'infirmières, d'aides-soignantes ou d'aides à domicile. Il insiste aussi sur les formations indispensables et préconise une campagne de valorisation de ces métiers. L'éclatement des familles exige de relancer les relations humaines et peut trouver une réponse dans les services de proximité. Leur utilité est indéniable, surtout lorsqu'on sait qu'un enfant sur cinq vit dans une famille monoparentale, et que le taux d'activité des femmes a connu une progression de 23 % au cours des trente dernières années - sans parler des besoins en matière de soutien scolaire ou de garde à domicile. Il est donc urgent d'agir pour concilier, voire réconcilier vies professionnelle et familiale.

Comme vient de le rappeler le Premier ministre devant nous, il nous faut construire une économie moderne et humaine, reposant sur nos concitoyens mobilisés autour de la solidarité et des grandes valeurs de notre pays. A leurs attentes, en constante expansion, doit répondre une offre professionnelle forte.

On compte 6 000 associations et 500 entreprises privées impliquées dans ce secteur dynamique, étant entendu que c'est la satisfaction des bénéficiaires qui doit l'emporter. Du reste, le projet a bien été accueilli par les professionnels qui ont bien compris l'opportunité qu'il y avait à saisir, et l'on sait que la conférence nationale pour le développement des services à la personne a débouché le 22 novembre 2004 sur la signature d'une convention qui distingue cinq grandes catégories de services et trace les principaux axes à suivre pour accompagner leur développement.

Cela dit, je souhaite saluer les valeurs mises en avant par le projet : citoyenneté, accessibilité à tous, développement du territoire et simplification des conditions de vie, notamment. On ne peut que se féliciter qu'il permette à des personnes âgées de rester chez elles sans être obligées d'aller dans un établissement anonyme. Voilà pourquoi je veux rendre hommage à toutes ces associations et services d'aide à domicile de nos villes et de nos villages, celles qui sont reliées à l'ADMR, à l'UNASSAD ou qui dépendent de nos centres d'actions communales et sociales. Devant vous, Madame la ministre, je me fais le porte-parole de leurs inquiétudes face à la réduction décidée par les CRAM de l'aide ménagère à domicile. Nous comptons sur vous pour les répercuter auprès du ministre de la santé.

Mme la ministre déléguée - Vous pouvez compter sur moi !

M. Bernard Perrut - N'oublions pas le rôle préventif joué par ces structures auprès des personnes âgées.

La mobilisation pour l'emploi décrétée par le Premier ministre est notre priorité. Ce projet y répond, car ces nouveaux emplois - 500 000 sur trois ans - ne pourront pas être délocalisés. Leur pérennité et leur universalité ne donnera pas lieu à des discriminations. Devant notre commission, la semaine dernière, j'osais rêver : si chaque foyer français recourait aux services d'une aide ménagère deux heures par semaine, un million de postes seraient créés.

Les services à la personne doivent être réinventés à la lumière des exemples étrangers. 70 000 emplois de service sont créés chaque année, et ce texte a le mérite de les valoriser, d'améliorer les conditions de rémunération, d'ouvrir la couverture sociale à plus de 400 000 salariés, de développer la formation. En trois ans, 75 000 salariés ou bénévoles auront acquis une qualification reconnue. Tout est fait pour rapprocher ces métiers du droit commun et les rendre attractifs.

La simplification et le financement sont aussi au cœur de ce projet. Les procédures d'embauche doivent être simplifiées et les employeurs mieux accompagnés, grâce à un système d'aides publiques et d'exonérations, sans pour autant porter atteinte à la concurrence.

La création d'une Agence nationale des services à la personne va dans le bon sens. Celle-ci devra travailler à lever un certain nombre de freins, tout en organisant les diverses initiatives des opérateurs publics et privés qui financent déjà nombre d'opérations dans ce secteur. Je rappelle à cet égard l'important effort de l'Etat qui débloque 1,4 milliard d'euros sur trois ans.

Quant au délai de l'agrément dans le secteur médico-social, il a pu être jugé trop long, mais une simplification excessive des procédures porterait préjudice au monde associatif, particulièrement exigeant en la matière.

Ce projet n'a pas été fait contre les acteurs privés, et plutôt que se lamenter en parlant de concurrence, voyons là une saine émulation. Il est vrai cependant qu'il faut écarter tout risque de concurrence déloyale entre de grandes entreprises et de petits artisans, que nous devons aider. Une liste d'activités sera d'ailleurs définie par décret, et notre commission a déposé un amendement pour plafonner en volume et en temps les services à domicile.

Mais surtout, il faut combattre le travail au noir. Pour rapprocher l'offre de la demande, un chèque emploi-service-universel a été créé. La question du coût est prise en compte, et des avantages significatifs sont accordés aux utilisateurs. Ce chèque doit devenir un véritable moyen de paiement, tout en revêtant une dimension sociale.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Mais c'est exactement ce que j'ai dit.

M. Bernard Perrut - Ce projet de loi réaliste était nécessaire, tant notre pays accusait de retard en la matière.

Même si nous nous interrogeons encore sur certains points, même si des interrogations demeurent, l'ensemble du groupe UMP apporte son soutien à ce texte car, comme l'écrivait Lamennais, « le pire de tous les états de l'âme est l'indifférence ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Votre projet de loi annonce un but qu'aucun d'entre nous ne pourrait contester : l'emploi. Trois ans après l'élection de votre majorité, il était temps ! Malheureusement, nous sommes habitués, depuis 2002, aux vaines promesses.

Si tout n'est pas négatif dans votre texte, vous ne créerez pas pour autant 500 000 véritables emplois. Quant à la procédure d'urgence que vous avez décrétée, elle nous conduit à un examen bâclé, quelques jours seulement après l'adoption de votre projet en conseil des ministres. Le travail d'amendement, le dialogue avec l'ensemble des acteurs ont été réduits à un point inacceptable.

Permettez-moi de concentrer mon propos sur le secteur médico-social, gravement mis en danger. Vous confondez en effet tous les métiers, alors que le soutien à domicile des personnes fragiles doit occuper une place à part et ne saurait être confondu avec d'autres tâches comme le jardinage ou le ménage.

Afin de répondre aux inquiétudes des parlementaires de tous les bancs, je vous proposerai donc de modifier profondément les dispositions relatives au champ médico-social, régi par la loi du 2 janvier 2002. Vous remettez en effet en cause les critères de professionnalisme garantis par cette loi, en attribuant un même agrément pour tous les services à la personne. Si vous favorisez l'emploi, c'est au détriment de la qualité des interventions à domicile.

Pourquoi ne pas avoir mieux utilisé le fonds de modernisation de l'aide à domicile créé par Paulette Guinchard-Kunstler, plutôt que d'en détourner les crédits à d'autres fins ? Madame Vautrin, vous qui étiez encore en charge des personnes âgées il y a quinze jours, comment pouvez-vous soutenir la mise en place d'un agrément unique, pour les associations comme pour les entreprises, pour des travaux de jardinage, comme de soutien à des personnes fragiles ?

Mme la Ministre déléguée - Pas en matière médico-sociale !

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Ce n'est pas clair dans votre texte.

En permettant à des entreprises d'investir le secteur du soutien à domicile des personnes en perte d'autonomie, vous prenez le risque de déstabiliser tout un secteur d'activité, d'autant plus que les conditions ne seront pas les mêmes pour tous les acteurs - les entreprises peuvent récupérer la TVA, pas les associations, et celles-ci versent une taxe sur les salaires qui ne touche pas les entreprises. Vous instaurez là une concurrence faussée.

Les coûts ne seront pas les mêmes, les garanties de qualité et de professionnalisme non plus. La convention collective du 29 mars 2002, initiée par Mme Guinchard-Kunstler, s'applique aux salariés des associations - et le fait que certaines atteignent 105 % du SMIC montre un beau progrès dans le domaine du soutien à domicile ! - mais elle ne concerne pas les entreprises ! Le combat sera complètement inégal et les conséquences pourraient en être dramatiques pour ces associations qui ont montré qu'elles étaient à même de répondre aux besoins de notre société.

Mon expérience d'élue de la Ville de Paris chargée des personnes âgées m'est précieuse dans ce débat. Or, il est clair que ce projet de loi ne prend pas en compte ce que les conseils généraux ont à dire. Il contredit même la loi de décentralisation d'août dernier ! Aujourd'hui, le département joue un rôle central dans l'organisation de l'aide aux personnes âgées et en situation de handicap. Il définit le schéma gérontologique départemental et exerce une fonction de coordination et de contrôle reconnue. Or, dans votre texte, le conseil général n'est plus le pilote mais le tiroir caisse.... Le décret d'octobre 2003 oblige le département à tarifer le coût horaire du service prestataire en fonction du coût de revient réel. Le financement des GIR 5 et 6 par les caisses d'assurance vieillesse ayant baissé, le département doit même prendre en charge le déficit induit, mais au moins donne-t-il son agrément à l'association prestataire ! Et l'ordonnance en préparation sur les procédures d'admission à l'aide sociale semble encore plus inquiétante, puisque les départements risquent de perdre leur droit de regard sur l'instruction des dossiers en CROSSM.

L'agrément national, lui-même inadapté, ne s'accompagnera plus automatiquement d'une autorisation du conseil général, qu'aucun élu ne souhaitait pourtant remettre en cause. Le travail accompli au niveau local permet d'assurer à la fois qualité et proximité. C'est le formidable progrès qu'avait permis la mise en place de l'APA et c'est dans cette voie qu'il faudrait poursuivre. Or, depuis trois ans, vous la remettez en cause. Il y a sans doute bien d'autres moyens que la CNSA pour résoudre le problème financier posé par l'APA. En en baissant le montant pour les plus modestes, c'est le nombre d'heures réalisées à domicile, et donc d'emplois, que vous avez réduit ! Aujourd'hui, quelqu'un qui gagne 623 euros et reçoit 1 000 euros d'aide, dispose de deux à trois heures par jour. Les personnes fragiles ont besoin de bien plus ! Il faut solvabiliser la demande ! Le chèque emploi-service-universel peut certes aider les salariés à prendre une femme de ménage, mais en quoi bénéficie-t-il aux personnes âgées ou en situation de handicap ? Elles n'auront pas plus d'heures ! Vous continuez pourtant à concentrer 70 % de vos aides fiscales sur les 10 % de contribuables les plus aisés...

Pour finir, si nous nous accordons tous à vouloir concilier vie familiale et vie professionnelle, que devient cet objectif lorsque le délai de prévenance peut être réduit à trois jours en cas d'urgence ? Et comment le cas d'urgence est-il défini ? La notion peut vite devenir extensive ! Il vaudrait mieux parler de cas de force majeure, notion qui existe en droit du travail et qui pourrait s'appliquer à une éventuelle canicule, par exemple. Ensuite, si M. Borloo avait l'air très sincère en parlant du temps partiel subi, qui est une des causes du phénomène des « travailleurs pauvres » et constitue une discrimination importante envers les femmes, il ne faut pas oublier que tous les textes votés ces derniers mois, qu'ils concernent le temps de travail, l'égalité salariale ou comme ici les services à la personne, font l'impasse sur cet enjeu essentiel. Ils ne contiennent aucune mesure concrète pour affronter le problème. Tous ces discours contredisent à chaque fois votre prétention pourtant louable à revaloriser le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Francis Vercamer - C'est avec un intérêt et une satisfaction réels que le groupe UDF accueille ce débat, d'abord parce qu'un consensus se dégage pour reconnaître les besoins qui existent dans le domaine des services à la personne et qu'il est donc temps de nous saisir du sujet, ensuite parce que cette activité est un gisement considérable d'emplois, et enfin parce que ce texte, qui fait partie du plan pour l'emploi du Premier ministre, est le seul qui, à ce titre, sera soumis à l'examen du Parlement. En effet, alors que l'emploi est au premier rang des inquiétudes de nos concitoyens, les députés seront privés, certes selon les possibilités ouvertes par la Constitution, de leur droit essentiel à débattre ; une perspective que le groupe UDF déplore et qui ne peut qu'inciter les parlementaires à redoubler d'efforts pour améliorer un texte qui en a besoin.

L'objectif de constituer un pôle d'excellence nationale dans le secteur des services à la personne est ambitieux. Exposé dans le plan du 16 février 2005, il recouvre aussi bien les domaines de l'attractivité du secteur que de la solvabilisation ou des conditions d'accès et d'exercice des métiers concernés. Cet objectif vise à la création de 500 000 emplois en trois ans, et nous le partageons. Le projet de loi que vous nous soumettez aujourd'hui en constitue la partie proprement législative. L'on y relève plusieurs manques et l'on peut se dire, en examinant la mise en œuvre des dispositifs prévus, que, parfois, le diable peut se cacher dans les détails...

L'un des enjeux liés aux services à la personne est celui de la solvabilité, c'est-à-dire de la possibilité pour le particulier employeur, qu'il passe ou non par une structure intermédiaire, de rémunérer à sa juste valeur le travail effectué. De ce point de vue, le CESU n'innove pas, puisqu'il prend le relais de dispositifs existants, mais franchit une étape supplémentaire dans le bon sens. Un autre enjeu est celui de l'attractivité de ces métiers qui, presque culturellement dans notre pays, sont dévalorisés. Ils doivent être constitués en véritables filières assurant une progression personnelle et professionnelle. Cela passe par une juste rémunération, mais aussi par des conditions d'exercice convenables et des possibilités de formation continue et d'évolution de carrières. Or, sur ce point, le projet de loi reste silencieux, même si l'article 3 s'emploie à revaloriser les droits sociaux des salariés. Le Gouvernement indique avoir recours à la négociation collective - car il est évident qu'en ce domaine, la contribution des partenaires sociaux est primordiale. En effet, si l'emploi est une priorité nationale, il convient de définir dans les meilleurs délais, avec eux, les mesures qui vont rendre les métiers de services à la personne réellement attractifs. La convention collective doit donc prendre le relais de ce projet de loi et le compléter. C'est d'autant plus nécessaire que le multisalariat qu'encourage ce type d'activité peut donner lieu à un chevauchement des conventions collectives applicables, par une même entreprise de services, à ses différents salariés en fonction de leurs métiers. L'UDF attend sur ce point du Gouvernement un calendrier précis.

Les métiers de service requièrent une compétence et un professionnalisme réels. Même s'il n'exigent pas forcément de lourds diplômes, ils reposent sur un savoir faire, mais aussi sur un savoir être de grande qualité. Il faut donc prendre garde à ne pas les concevoir comme autant de sas à insertion, mais comme des activités à part entière qui doivent être valorisées et développées. Ils sont une voie d'insertion, comme tous les autres métiers, mais ils ne sont pas la seule.

Enfin, le problème de la compensation par l'Etat à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales a déjà donné lieu à des échanges difficiles lors de la présentation de ce texte : le projet a suscité des réactions défavorables des syndicats, mais également de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et de la CNAM. L'exposé des motifs prévoit bien aujourd'hui une compensation, mais les partenaires sociaux demandent unanimement des assurances sur les conditions de sa mise en œuvre. L'UDF souhaite que les débats soient l'occasion de lever toute ambiguïté.

Le détail des dispositifs prévus appelle des éclaircissements, tout d'abord quant à la diversité des métiers visés. La convention nationale pour le développement des services à la personne a élargi le champ des métiers relevant de ce secteur. Or, certains d'entre eux relèvent directement du secteur artisanal et marchand, tels que les services associés au logement ou à la qualité de vie à domicile. Accorder aux associations et entreprises de services à la personne des mesures fiscales dont ne bénéficieraient pas les artisans ayant pourtant la même activité, ce serait instaurer une concurrence déloyale, et donc prendre le risque de limiter les créations d'emplois. Le service à la personne est au cœur de certaines activités artisanales : pour assurer l'accès de tous à l'emploi, ne créons pas une telle inégalité !

Que le métier soit exercé dans le cadre d'une entreprise artisanale ou des organismes visés par le présent projet de loi, ses conditions d'exercice et de formation doivent demeurer similaires. Là encore, la négociation collective sera nécessaire pour déterminer les modalités d'évaluation de la qualité de la prestation, notamment au regard des exigences de sécurité. C'est primordial pour l'intérêt et du salarié et de l'employeur.

Le projet de loi tend à encourager les particuliers à recourir aux structures intermédiaires prestataires de services à la personne. C'est une bonne chose, mais chacun sait que la relation de confiance entre le particulier et la personne employée est une question centrale. Cette confiance s'établit par un contact direct, par la possibilité pour le particulier de choisir directement la personne qu'il emploie. Nous souhaitons donc que le chèque emploi service universel ne soit pas un frein à l'embauche directe de gré à gré.

Enfin, en ce qui concerne l'abondement du chèque emploi-service-universel par les entreprises, en tant que titre de paiement, j'attire votre attention sur le fait que la mise en œuvre de dispositifs similaires tels que le chèque déjeuner a été particulièrement ardue dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - C'est vrai !

M. Francis Vercamer - Les modalités de l'abondement relevant de la négociation collective, le CESU risque donc de ne s'appliquer que dans les grandes entreprises.

Chacun de nous a pu découvrir avec étonnement, à la suite des articles consacrés au développement des services à la personne, dix articles - sur un total de dix-huit - portant diverses mesures d'ordre social. Je regrette que ce tour de passe-passe, qui consiste à ajouter un texte à un autre sans lien avec lui, devienne habituel. J'entends bien que certains ajustements pouvaient être nécessaires pour tenir compte des résultats de la négociation collective ou corriger des omissions. Convenons toutefois que, si le Parlement travaillait dans des conditions satisfaisantes, il y en aurait moins. J'ai en tout cas compris qu'il ne nous serait pas donné d'en commettre, dans les prochaines semaines, en ce qui concerne l'emploi, comte tenu des ordonnances... (Sourires )

Un mot cependant sur les modifications de durée que vous introduisez pour les contrats d'avenir : nous restons attachés à ce que leur durée totale, compte tenu des renouvellements, puisse atteindre trente-six mois. Nous déposerons un amendement en ce sens.

Enfin, nous ne voterons pas l'article 17, qui instaure une exception à la règle de surface minimum de 9 mètres carrés pour la mise en location d'un logement décent. Insuffisamment expliquée, prise isolément, en dehors de toute remise en perspective globale des enjeux du logement dans notre pays et de l'effort à produire en ce domaine, cette mesure donne le sentiment d'organiser une précarité que notre ambition partagée, Madame la ministre, est de faire reculer.

Nos réserves sur le second titre de la loi ne remettent pas en cause l'intérêt de la partie consacrée au développement des services à la personne. De la suite donnée à notre réflexion, notamment sur la nécessité d'une convention collective, et du sort réservé à nos amendements, dépendra donc notre vote final.

M. Georges Colombier - Ce texte revêt une importance particulière à deux titres. D'une part, l'activité de service fait aujourd'hui travailler en France 1,3 million de personnes. La progression de ce secteur, ces quinze dernières années, a été de 5,5 % par an, soit 80 000 emplois. D'autre part la France reste en retard sur les autres pays développés quant à l'offre de services à la personne. Il y a là un fort gisement d'emplois dont le développement mérite notre mobilisation. Un million d'emplois directs pourraient être créés si chaque ménage français utilisait deux heures de services par semaine !

Les raisons pour lesquelles ce secteur est un tel gisement d'emploi sont multiples. J'en soulignerai deux. Tout d'abord l'emploi féminin se développe. Aujourd'hui 81 % des femmes travaillent. Elles aspirent à un meilleur équilibre entre vie familiale et vie professionnelle, et sont donc en attente de services permettant d'améliorer leur qualité de vie. D'autre part notre population vieillit. Avec l'allongement de la durée de la vie, des personnes de plus en plus nombreuses vivent en dehors des structures classiques d'hébergement de personnes âgées. Leur maintien à domicile requiert donc des services adaptés à leur degré de dépendance : soins à domicile, portage des repas, tâches ménagères, coiffure, petites réparations...

Le secteur des services à la personne répond à une demande croissante de nos concitoyens et peut générer beaucoup d'emplois dans des métiers peu explorés jusqu'à présent. Pour réaliser cet objectif, il faut lever certains obstacles : le coût, jugé encore trop élevé ; la complexité des démarches ; le manque d'attractivité, de reconnaissance et de professionnalisme des emplois offerts dans ce secteur. Je me réjouis que le présent projet réponde à ces attentes et lève ces obstacles.

Afin de parfaire ce dispositif, je souhaite appeler votre attention sur certains points. Tout d'abord, l'article 4 du projet prévoit que « l'APA peut, après accord du bénéficiaire, être versée directement aux services d'aide à domicile » et que « le bénéficiaire de cette allocation peut modifier à tout moment les conditions dans lesquelles il est procédé à ce versement direct ». Or cette disposition risque de modifier les conditions de versement de l'APA à domicile. La loi du 31 mars 2003 a donné la possibilité aux départements, sur simple délibération, de la verser directement aux services prestataires. Environ 90 % des départements ont opté pour ce dispositif, qui permet une optimisation des dépenses, les heures réalisées étant seules prises en charge par le Conseil général. Il permet d'améliorer la gestion comptable des services prestataires en évitant les problèmes d'impayés de factures. Il simplifie les contraintes administratives pour les bénéficiaires de l'APA, qui ne reçoivent plus de facture du service prestataire. Il conduit enfin à une amélioration du suivi médico-social des bénéficiaires de l'APA, car la connaissance des écarts entre le plan accordé et les heures réalisées permet de mieux ajuster les plans d'aide aux besoins. Afin d'éviter que ce dispositif, dont tout le monde reconnaît les avantages, puisse être remis en cause par l'article 4, je souhaiterais que les conseils généraux ne soient pas mis en difficulté dans l'organisation et la gestion de l'APA. (Approbation sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

En second lieu, j'appelle votre attention sur les problèmes de financement de certains services à la personne, et notamment des centres locaux d'information et de coordination gérontologique. Ces centres jouent un rôle essentiel dans l'organisation des services offerts aux personnes âgées dépendantes et à leur famille, et participent ainsi à la cohésion de notre société. La loi du 13 août 2004 sur les libertés locales a donné compétence aux conseils généraux pour impulser la politique gérontologique. Mais certains conseils généraux redoutent que l'Etat n'accompagne pas le financement des structures existantes. Pouvez-vous apporter à la représentation nationale des éclaircissements à ce sujet ?

Enfin je souhaite insister sur les centres communaux d'action sociale. Le présent projet ne concerne que les associations et les entreprises, excluant de ce fait les CCAS. Ceux-ci sont pourtant fortement investis, depuis de nombreuses années, dans le champ des services aux personnes, qu'il s'agisse de la gestion d'activités de maintien à domicile - services d'aide ménagère, soins infirmiers à domicile, portage de repas - où du développement de services aux personnes dans des domaines très variés : portage de médicaments, portage de livres, garde d'enfants... Les CCAS représentent dans ce cadre un réel potentiel de création d'emplois et doivent donc être introduits à côté des associations et des entreprises.

Je ne doute pas, Madame la ministre, qu'au regard de l'importance de ce texte et des nombreuses attentes qu'il a suscitées, chez les bénéficiaires comme chez les professionnels, vous saurez procéder à un examen attentif de ces quelques remarques. Je vous en remercie vivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Très bien.

Mme Martine Lignières-Cassou - Ce texte prétend répondre à un double objectif. D'abord, lutter contre le chômage, en misant sur la création de 500 000 nouveaux emplois dans les trois ans. Ensuite, répondre à un besoin social : celui de l'accompagnement des personnes à tous les âges de la vie. Certes le développement des services à la personne est un enjeu social majeur. Mais ce projet n'est pas à la hauteur et passe à côté des deux objectifs qu'il s'est fixés. Prétendant contribuer à résorber le chômage, il débouchera en fait sur le développement de l'emploi précaire et du temps partiel dans le domaine des services. La nature des emplois créés pose problème et constitue en particulier un obstacle à l'insertion professionnelle des femmes, qui sont les premières touchées par la précarité et le temps partiel subi.

Une des grandes carences de ce projet de loi, c'est l'absence d'outil capable de stabiliser et de conforter les parcours professionnels des salariés. La revalorisation des conditions d'exercice de ces métiers est renvoyée à la négociation entre partenaires sociaux : cela méritait mieux. Et il aurait fallu permettre aux associations employeuses de jouer le rôle de groupement d'employeurs et de bénéficier à ce titre des moyens financiers correspondants. Des aides à des groupements locaux d'employeurs auraient permis de concilier la réponse aux besoins sociaux et l'octroi de garanties suffisantes aux salariés par la définition d'un véritable itinéraire professionnel.

Ce texte n'offre pas non plus de réponse satisfaisante au besoin social que constitue l'accompagnement des personnes. Il n'apporte qu'une réponse individuelle à un problème sociétal. Chaque famille sera chargée de construire sa propre solution. C'est pourtant d'une véritable organisation sociale et territoriale que nous avons besoin. Nous pouvons légitimement craindre que ce texte ait pour conséquence une minoration des financements alloués aux structures collectives d'accueil pour le quatrième âge ou pour la petite enfance. Les caisses d'allocations familiales nous ont d'ailleurs alertés sur le financement de ces dernières.

Avec les dispositifs proposés, la satisfaction des besoins ne sera possible que pour ceux qui en ont les moyens. La logique de la réduction d'impôt ne favorise que les foyers les plus aisés. Le choix de la défiscalisation n'est pas neutre politiquement, il n'assure pas un égal accès pour tous. Une démarche de crédit d'impôt aurait été plus propre à assurer la solvabilisation de la demande pour les familles plus modestes. En réalité le projet risque de fragmenter encore davantage le tissu social ; en prévoyant pour les familles aisées une réponse marchande, il conforte la marchandisation du soutien scolaire, et risque de renvoyer les plus démunis vers une simple réponse caritative. Et le recours au service à la personne pour les tâches domestiques ne contribuera pas à remettre en cause les fonctions et les tâches dans le couple. Nous sommes loin du modèle des pays scandinaves, pourtant en vogue ces jours-ci... Plus grave, enfin : au détriment de la qualité des services, vous préférez ouvrir au secteur marchand un domaine où jusqu'à présent le non-lucratif prévalait, avec la place centrale occupée par les collectivités locales et les associations.

Le secteur des services à la personne peut être un formidable levier de cohésion sociale et de développement local, à condition de privilégier une organisation territoriale ; Vous n'avez pas fait ce choix, préférant favoriser la constitution d'enseignes nationales. Nous le regrettons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Christine Boutin - La France connaît une crise majeure du lien social. Devant la réalité des souffrances de notre pays, il faut soutenir toute politique qui œuvre pour ranimer le lien entre les personnes. Le présent projet a pour objectif de développer l'emploi « relationnel », et veut donc répondre aux besoins d'aujourd'hui. Je m'inscris complètement dans cette ligne, car nous avons besoin de valoriser les échanges entre les personnes. Je voterai donc ce texte.

Toutefois, le peu de temps accordé m'oblige à souligner des questions de fond. Le modèle social français, qui repose sur le système de plein-emploi d'après 1945, se délite. Il est construit à partir du prélèvement sur les revenus, d'une part, et de la redistribution des salaires vers les personnes exclues d'autre part. Or, nous ne sommes plus en situation de plein emploi. Les emplois prévus par ce projet de loi n'ont pas la capacité de redistribution espérée. On limite l'ampleur des moyens permettant de sortir les personnes de l'exclusion.

Il est donc à craindre que ce texte ne renforce la dualité entre les inclus et les exclus. Le chèque emploi-service universel sera utilisé par ceux qui en ont les moyens, qui sont inclus ; or leur nombre ne cesse de diminuer... Nous bâtissons sur une citadelle dont les murs se rapetissent, tandis qu'à l'extérieur le nombre des exclus s'agrandit. Comment dès lors reconstruire le tissu social ? Bien sûr, il faut se fonder sur l'économie relationnelle. Mais les moyens proposés sont fondés sur des réalités d'hier ou d'avant-hier. Le service à la personne, par nature, ne peut être constant, sinon, il devient un emploi domestique. Seule la stimulation du pouvoir d'achat des Français stimulera la croissance.

Afin de développer cette économie relationnelle, je propose une nouvelle fois l'instauration du dividende universel. Egalement appelé revenu d'existence, de citoyenneté, de base, ou encore allocation universelle, il s'agit d'un revenu mensuel assuré à toute personne, de la naissance à la mort. Les revenus d'activité perçus aujourd'hui par ceux qui travaillent résultent également de l'accumulation de connaissances et de moyens matériels légués par les générations précédentes. Le DU est un capital hérité, mais il implique aussi un devoir : sa transmission aux générations futures et sa nécessaire fructification. Son montant est calculé sur la base du PIB et sera fonction de son évolution. D'ores et déjà mis en place au Brésil, à l'étude en Belgique, en Afrique du Sud, en Irlande, en Catalogne et en Espagne, il est estimé en France à 330 euros mensuels.

Il est urgent d'agir, et c'est pourquoi j'ai déposé un amendement permettant de mettre en place ce dispositif, dont je précise que le financement n'ampute pas le budget de la nation. Le DU est projet de société à la mesure des besoins de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Beaudouin - L'emploi est aujourd'hui la préoccupation majeure de nos concitoyens. Or, comme l'a justement souligné le Premier ministre dans son discours de politique générale, le développement des emplois dans les services correspond à « l'évolution naturelle d'une économie moderne et humaine. »

Modernité : le secteur des services à la personne doit faire face à une demande sans cesse croissante. Chaque année, plus de 70 000 emplois sont créés dans ce secteur. A un tel développement doit correspondre une exigence de modernisation, comme c'est le cas avec ce projet.

Humanité : ce texte établit des garanties de qualité et de sécurité pour ces métiers en renforçant les droits sociaux des salariés, en solvabilisant la demande des particuliers employeurs et en mettant en place des procédures d'agrément susceptibles d'établir une relation de confiance primordiale, seule capable de personnaliser le service rendu. Les personnes susceptibles de solliciter ces services sont souvent fragiles ou ont besoin d'être rassurées face à quelqu'un qui ne fait pas partie du cercle de leurs proches. Dans ma circonscription, une jeune femme vient d'être traduite en justice par des parents effrayés parce qu'elle donnait du sirop pour dormir aux bébés qui lui étaient confiés. Dans ce secteur professionnel, le besoin de formation est particulièrement intense. Plusieurs mesures doivent donc être mises en œuvre par voie réglementaire, ou à travers la négociation collective. Autre exemple : 21 communes de l'Est parisien se sont réunies dans l'Association des Collectivités Territoriales de l'Est Parisien dont je suis le président. L'un des premiers projets retenus a été la création d'une école d'auxiliaires de vie mais les blocages en matière de formation sont nombreux. Il faut ainsi répondre au manque d'offre de formation locale : manque de CAP petite enfance et de BEP sanitaire et social, coût élevé des formations privées ou publiques, numerus clausus trop bas, manque d'attrait voire de reconnaissance de ces métiers... Il est donc nécessaire d'ouvrir un très grand nombre de places en formation initiale, en veillant à leur juste répartition territoriale.

Des contraintes pèsent également sur la création d'établissements dispensant les formations sanitaires et sociales. L'agrément pour ces écoles est dispensé par deux organismes différents : le diplôme d'auxiliaire de vie dépend du ministère du travail tandis que celui d'auxiliaire de vie sociale dépend du ministère des affaires sociales. Il est donc difficile, pour un même établissement, d'enseigner tous les métiers de la filière « services à la personne ». Cinq ans ont été nécessaires à l'INFA de Nogent-sur-Marne pour mettre en place sa formation d'auxiliaires de vie, dont deux ans pour obtenir l'agrément. A Suresnes, l'agrément a été obtenu en trois mois. Pourquoi cette différence ?

Les contraintes pouvant être également financières, il importe d'encourager une diversification des financements et une clarification des interlocuteurs ministériels en termes d'agrément de formation. Une harmonisation et une labellisation rigoureuses des formations de service à la personne doivent être mises en place afin de clarifier le maquis des filières, lesquelles doivent être rationalisées par l'établissement d'un tronc commun auquel pourront s'ajouter ensuite des spécialisations.

L'ensemble de ces problèmes mérite une réponse forte. Il faut que l'Agence nationale des services à la personne puisse être un véritable aiguillon territorial de la formation. Ce rôle de relais pourrait même être assumé par les maisons de l'emploi dont la mission comprend l'anticipation des besoins en main-d'œuvre, l'accueil et l'accompagnement individualisé des demandeurs d'emploi et des salariés. Soyez vigilante, Madame la ministre, sur cette question de la formation, afin de valoriser les hommes et les femmes qui choisiront ces emplois : cela facilitera également la tâche des intermédiaires - associations, collectivités territoriales ou entreprises - et répondra au besoin de confiance et d'exigence des usagers. Les services à la personne sont au cœur de l'économie de demain, c'est pourquoi je soutiens le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Génisson - Ce projet s'inscrit dans le plan quinquennal de cohésion sociale, et il est censé répondre à l'annonce faite en février dernier de créer 500 000 emplois de services à la personne en trois ans - mais il est vrai que Mme la ministre semble déjà douter de ces chiffres.

L'examen de ce texte a lieu dans un contexte économique et social particulièrement grave alors que notre pays compte plus de 10 % de chômeurs. Il a lieu dans un contexte de colère et d'inquiétude quand le Premier ministre annonce la mise en place par voie d'ordonnance du contrat « nouvelle embauche ». En outre, ce texte ne définit pas de façon suffisamment claire la qualité des emplois et leur durée horaire. Or, ces emplois seront majoritairement féminins, et à temps partiel subi. Le dispositif proposé vise à l'externalisation des tâches domestiques par les familles, mais comme les salariés seront presque toujours des femmes, celles-ci en seront les premières victimes et l'inégalité professionnelle entre les femmes elles-mêmes en sera aggravée.

Vous présentez le CESU comme un instrument novateur alors que le nombre d'emplois susceptibles d'être créé est très difficile à quantifier. Une étude de la DARES d'octobre 2002 sur les emplois familiaux confirme malheureusement mes propos : les emplois familiaux sont principalement à temps partiel puisque le nombre moyen d'heures travaillées par semaine pour un employé bénéficiant du chèque emploi service est de 8,9 heures, payées en moyenne 7,32 euros, à peine plus que le SMIC. Le CESU illustre la philosophie générale de votre politique de l'emploi : proposer des emplois partiels, ponctuels, à la tâche. L'article premier de votre projet est particulièrement éclairant puisqu'il dispense de l'obligation d'un contrat de travail écrit les emplois à temps partiels ou à durée déterminée, dispense qui peut aboutir, en raison de la possible accumulation de ces contrats par une même personne, à l'existence d'un temps plein cumulé, hors contrat de travail écrit. Cette mesure fragilisera considérablement les femmes. Globalement, 16,6% des emplois sont aujourd'hui à temps partiel contre 9% en 1982 ; 30% des emplois féminins sont concernés contre 5,5 % des emplois masculins. Lors du récent débat sur le projet d'égalité salariale entre hommes et femmes, nous avons eu l'occasion de dénoncer l'absence de toute mesure permettant de traiter des effets délétères du temps partiel subi. Le Gouvernement avait refusé toutes nos propositions à ce sujet. Les Premiers ministres changent, les ministres changent de postes, mais la politique gouvernementale ne change pas... Au nom de la cohésion sociale, vous continuez à détricoter le code du travail avec constance. Ce texte étend aux entreprises d'aide à domicile la dérogation à l'obligation de mentionner dans les contrats de travail à temps partiel la répartition de la durée du travail, et permet de déroger en cas d'urgence aux délais de prévenance. C'est très grave car cela concerne le plus souvent des femmes élevant seules des enfants.

Avec ce texte, vous mettez à mal le secteur médico-social, vous tournez le dos à l'organisation d'une mission de service public, vous entretenez la précarité, l'insécurité professionnelle et l'insécurité sociale de celles et ceux qui occuperont ces emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Marc Bernier - Attendu tant par le monde associatif que par les particuliers, ce projet vise à la fois à simplifier la vie de dizaines de milliers de personnes et à créer plus de 500 000 emplois en trois ans, en levant un certain nombre d'obstacles au développement des services à la personne. Je partage évidemment cette ambition, dès lors que ces emplois seront exercés par des professionnels bénéficiant de formations adaptées, permettant de construire un plan d'emploi dans la durée.

L'article premier clarifie la définition des activités de service à la personne, tout en simplifiant les procédures d'agrément. Une agence des services à la personne, établissement public administratif placé sous l'autorité du ministre chargé de l'emploi, aura vocation à promouvoir le développement de ces activités ; j'ai déposé un amendement tendant à préciser ses domaines d'activité et sa composition.

L'accès à ces services étant trop coûteux pour beaucoup de nos concitoyens, l'article 3 allège de quinze points les cotisations patronales, ce qui représente pour les particuliers une diminution de charges de 50 %.

Le « chèque emploi-service universel » simplifiera les démarches des particuliers employeurs. Je me réjouis qu'il puisse être utilisé comme moyen de versement de l'APA, dans le cas où l'intervenant sera employé directement par la personne bénéficiaire de celle-ci.

En ce qui concerne les contrats aidés, l'article 8 assouplit les contrats d'avenir, en permettant que leur durée soit comprise entre six et vingt-quatre mois, en fonction du profil du poste et du projet professionnel du bénéficiaire. Je regrette cependant que l'extension du dispositif aux personnes handicapées ne soit pas prévue, contrairement aux vœux formulés par le Président de la République le 8 février dernier ; j'ai déposé un amendement en ce sens.

Visant à la fois à exploiter le gisement d'emploi que représente ce secteur des services et à apporter une aide précieuse aux personnes qui en ont le plus besoin, ce projet mérite que chacun de nous s'investisse pour sa réussite, indépendamment des clivages politiques. Je le soutiendrai, et je suis sûr que le débat parlementaire permettra de l'améliorer encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Comment ne pas accueillir favorablement un texte dont l'ambition est de créer 500 000 emplois d'ici 2008, en « cherchant les emplois là où ils se trouvent », comme l'a souhaité le Premier ministre ?

Le secteur des services à la personne, qui fait déjà travailler 1,3 million de nos concitoyens, offre de nombreuses perspectives dans des métiers encore peu explorés, accessibles à tous, non qualifiés ou diplômés, du jardinage au soutien scolaire en passant par les soins à domicile, la garde d'enfants, le portage des repas, ou le conseil juridique ponctuel et l'assistance informatique. Il s'agit d'améliorer le quotidien de chacun, à domicile, sur son lieu de travail ou dans ses loisirs, à travers un texte qui répond à la demande de nos concitoyens, tant du côté de la demande que du côté de l'offre.

L'un des principaux freins au recours des particuliers aux services à domicile est leur coût, jugé prohibitif, qui encourage également le travail au noir. Les mesures incitatives prévues - réduction de 50 % des cotisations patronales pour le particulier employeur, exonération totale pour les prestataires agréés par l'Etat - viennent s'ajouter à celles déjà prises. En outre, le chèque emploi-service universel simplifiera les démarches administratives.

Ce texte répond aussi à un besoin de proximité : les services à la personne génèrent du lien social entre les générations, dans une société de plus en plus marquée par l'individualisme. Dans un département comme la Lozère, où l'habitat est très morcelé, le développement de l'aide à domicile peut servir à la fois à combattre l'isolement de certaines personnes et à repeupler nos campagnes.

Il est toujours difficile pour nos aînés de quitter leur maison pour entrer en maison de retraite, et les enfants sont souvent bien loin ou trop occupés pour les prendre en charge ; je note avec satisfaction que l'article 4 maintient la possibilité d'un versement direct de l'APA sous forme de chèque emploi-service universel. Cet article affirme par ailleurs la liberté du bénéficiaire de changer de prestataire. Le CESU, faisant office de contrat de travail simplifié et de bulletin de paie, pourra aussi être utilisé comme un moyen de paiement direct dans les relations de gré à gré.

Enfin, ce texte répond à un souhait de qualité. Parce qu'il est toujours difficile de faire entrer un inconnu dans sa maison, il faut en effet apporter les garanties nécessaires à l'établissement de relations de confiance. Je ne peux donc qu'approuver les dispositions visant à préciser la procédure d'agrément et à l'étendre à de nouveaux métiers ; la professionnalisation est le meilleur gage de qualité. Je souhaite que les dispositions réglementaires relatives aux grilles de salaires et aux conditions d'exercice des métiers aillent dans le même sens.

Certains, dans l'opposition, voient ce texte comme une porte ouverte à la flexibilité de l'emploi. Mais celle-ci ne vaut-elle pas mieux que le chômage à durée indéterminée ? Ce projet promeut la solidarité et l'initiative, et il faudra être attentif à sa mise en œuvre au niveau local ; j'espère que les services préfectoraux veilleront à accompagner l'effort national. Ce dispositif mettra sans nul doute beaucoup de nos concitoyens sur chemin de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu aujourd'hui, mercredi 15 juin, à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 15 JUIN 2005

QUINZE HEURES : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

1. Déclaration du Gouvernement sur le Conseil européen et débat sur cette déclaration.

Seize heures quinze :

2. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 2348) relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Rapport (n° 2357) de M. Maurice GIRO, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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