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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 95ème jour de séance, 228ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 16 JUIN 2005

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

      DROIT DE PRÉEMPTION DES LOCATAIRES
      EN CAS DE VENTE D'UN IMMEUBLE (suite) 2

      ART. 2 2

      APRÈS L'ART. 2 5

      ART. 3 5

      APRÈS L'ART. 3 9

      EXPLICATIONS DE VOTE 10

      JOURNÉE NATIONALE DES FONDATIONS 11

La séance est ouverte à neuf heures trente.

DROIT DE PRÉEMPTION DES LOCATAIRES EN CAS DE VENTE D'UN IMMEUBLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative au droit de préemption des locataires en cas de vente d'un immeuble.

ART. 2

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Cet article a été introduit après la fin de la rédaction de la proposition de loi par Mme Aurillac et vise en quelque sorte à régler le différend qui oppose le ministère du logement aux associations représentatives des locataires et des propriétaires. La loi de 1975 a en effet prévu un dispositif permettant à celles-ci de parvenir à des accords au sein de la commission nationale de concertation, accords que la loi étendait par décret lorsqu'ils n'étaient pas contestés par la majorité des associations, comme ce fut par exemple le cas en 1998.

Lorsque nous avons commencé à évoquer les problèmes liés aux ventes à la découpe, M. le Secrétaire d'Etat au logement, qui était alors M. Daubresse, avait écarté toute solution législative en renvoyant à l'accord. Nous avions alors estimé qu'il était impossible qu'un accord collectif puisse instaurer des règles dont la portée est manifestement législative. Le ministre assura qu'une solution serait trouvée mais les organisations représentatives des locataires ont contesté le dispositif et l'accord n'a pu être étendu. Nous pensons donc que le ministère est fortement impliqué dans la rédaction de cet article 2 qui précise que lorsqu'un accord est intervenu, le ministre peut l'étendre après avis des organisations représentatives. Tout le monde comprendra que, le cas échéant, le ministère passera outre aux oppositions éventuellement formulées à l'occasion de la concertation et que dès lors, c'est l'idée même de concertation qui est abolie. Il s'agit-là d'un acte répressif à l'endroit des associations de locataires alors que les accords doivent être évidemment fondés sur leurs propositions.

Mme Annick Lepetit - En effet, cet article n'existait pas dans la rédaction initiale de la proposition de loi et a été adopté lors de la réunion de la commission des lois le 8 juin dernier. Il est doublement condamnable car il remet en cause les règles de la concertation sociale en rendant seulement consultatif l'avis des associations qui siègent à la commission nationale de concertation et il permet de faire passer en force un accord collectif minoritaire, dont celui du 16 mars 2005, jugé très insuffisant par la majorité des associations de locataires. C'est là une négation des associations, lesquelles ont d'ailleurs fait part hier de leur colère. Il y a quelques mois, M. Daubresse a renvoyé aux organisations de bailleurs et de locataires la responsabilité de trouver une solution aux ventes à la découpe et aujourd'hui, c'est un passage en force que nous n'admettons pas. Nous proposerons donc un amendement de suppression de cette disposition.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Nous avons eu l'occasion de dire mardi combien ce texte était équilibré puisqu'il vise à éviter les spéculations liées aux ventes à la découpe et à protéger les locataires tout en respectant le droit de propriété reconnu par la Constitution. Si vous estimez que l'accord du 16 mars est insuffisant, cela signifie donc qu'il apporte d'ores et déjà quelques réponses aux problèmes des locataires, je pense notamment à ceux qui ont plus de 70 ans ou à la prise en compte de l'ancienneté de l'occupation de l'appartement puisque le maintien dans les lieux peut aller jusqu'à trente mois. Or, depuis le 16 mars, la situation est bloquée puisque l'accord n'a pas été signé et que toute extension est donc impossible. L'article 2 prévoit certes la concertation, mais il prévoit également que le Gouvernement prendra ses responsabilités. Ce n'est pas un passage en force mais la manifestation de notre volonté d'aboutir, car c'est cela qu'attendent nos concitoyens.

Mme Martine Aurillac - Absolument.

M. Xavier de Roux - Tout à fait.

Mme la Présidente - Sur le vote de l'amendement 8 rectifié, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il est tout de même étrange de prétendre conforter l'accord intervenu en inscrivant dans la loi la possibilité de passer outre la volonté de ceux qui ont participé au débat ! Alors que le texte ne dit rien sur la protection des locataires, vous affirmez qu'il l'assurerait en vous permettant d'étendre un accord au contenu notoirement insuffisant !

Même la CLCV, organisation de locataires pourtant signataire de l'accord, a estimé publiquement que cette proposition de loi était inacceptable. Rappelons que trois autres organisations de locataires ont refusé de signer l'accord. Quatre associations sur cinq ont ainsi affiché leur opposition au dispositif, tout simplement parce que la proposition de loi, contrairement à celle que nous avions déposée et au mépris de toutes les discussions que nous avons pu avoir avec les organisations de locataires, ne comporte aucun dispositif de protection des locataires qui ne peuvent se porter acquéreurs. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 8 rectifié, de supprimer le deuxième alinéa (1°) de cet article, qui ne vise en fait qu'à « fusiller » la concertation.

M. Christian Decocq, rapporteur de la commission des lois - Si je comprends la logique de votre intervention, il me semble que la réponse est tout entière dans le contenu de l'accord. Le droit d'opposition est légitime ; il a d'ailleurs parfois été exercé par les bailleurs eux-mêmes. C'est l'intérêt des locataires qui doit prévaloir. Dès lors, il convient de s'attacher à l'essence plus qu'à l'existence. (Sourires) Or qu'apporte l'accord de 2005 ? Plus d'information, avec la communication du récapitulatif des travaux réalisés, une information sur la prise en charge par le bailleur des dépenses d'amélioration et des travaux, la prorogation du bail à raison d'un mois par année d'ancienneté, la transmission du droit de préemption au partenaire du Pacs ainsi qu'au conjoint, concubin ou partenaire du Pacs, aux descendants et ascendants, une sanction plus sévère de l'inexécution. Malgré cela subsiste une opposition minoritaire - permettez-moi de rappeler que dix parties, et non cinq, siégeaient au sein de la commission.

Ce que souhaite cette minorité, c'est l'interdiction du congé pour vente pour le deuxième secteur - autrement dit, une protection définitive pour les locataires qui ne peuvent pas acheter. Or cela pose un problème d'ordre économique, culturel et idéologique, puisque c'est le droit de propriété qui est visé. La commission est donc défavorable à cet amendement.

Mme la Ministre déléguée - Le texte, je l'ai déjà dit, recherche un équilibre entre le propriétaire, le locataire qui peut devenir propriétaire et celui qui ne le peut pas. Supprimer cet article, c'est supprimer toutes les dispositions qui répondent à l'attente des locataires. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Mme Martine Aurillac - Si je peux moi aussi comprendre le point de vue de M. Le Bouillonnec, je ne peux accepter qu'il réécrive l'histoire à sa manière. J'ai déposé cette proposition de loi en janvier - donc avant celle du groupe socialiste - pour bloquer un phénomène pervers, l'intervention d'une cascade d'intermédiaires dans les ventes. Je souhaitais protéger les locataires par un dispositif équilibré : M. Daubresse en a opportunément confié le soin à la négociation des partenaires. Grâce à ses bons offices, une convention comportant des dispositions protectrices très utiles a pu être élaborée.

Bref, il faudrait savoir ce que vous voulez. Vous voulez protéger les locataires ? Eh bien, cette convention pourra être étendue, et je proposerai dans un amendement ultérieur une mesure de protection supplémentaire pour les locataires.

Mme Annick Lepetit - M. le rapporteur ne cesse d'invoquer le contenu de l'accord. S'il était si bon que cela, je ne vois pas pourquoi la majorité des associations de locataires aurait voté contre ! Et puis, ne sommes-nous pas des législateurs ? Le texte aura donc des conséquences sur l'accord de mars, mais aussi sur tous les accord ultérieurs : dorénavant, on se dispensera de tenir compte de l'avis de la majorité des associations. C'est pour cela que je parle de passage en force.

Du reste, Madame Aurillac, le groupe UMP dispose de davantage de niches parlementaires que le groupe socialiste...

Mme la Ministre déléguée - C'est le phénomène majoritaire !

Mme Annick Lepetit - ...Si votre proposition de loi avait eu l'agrément de l'ensemble de vos collègues et de la commission des lois, elle aurait donc été examinée avant la nôtre, ce qui n'a pas été le cas !

A la majorité de 25 voix contre 4 sur 29 votants et 29 suffrages exprimés, l'amendement 8 rectifié n'est pas adopté.

Mme Martine Aurillac - L'amendement 25 est rédactionnel.

M. le Rapporteur - Favorable.

Mme la Ministre déléguée - Même avis.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Mardi, un amendement « rédactionnel » est venu modifier la conception de la vente en bloc, rendant ainsi possible le contournement du texte, puisqu'il suffira de scinder l'opération en deux pour que ni l'accord, ni la loi ne s'appliquent.

Mais venons-en à l'amendement de Mme Aurillac. Il ne s'agit pas tant de permettre à Mme la ministre de signer l'accord que de soumettre toutes les discussions futures de la Commission nationale à la menace d'une solution imposée par le Gouvernement. Le dispositif n'est donc pas acceptable. Vous videz de son contenu le principe posé par la loi de 1975, qui consistait à laisser les propriétaires et les locataires maîtres du processus de règlement conventionnel, en laissant au législateur le choix d'intervenir ou non dans le débat. On comprend que les organisations de locataires considèrent le texte comme un acte d'agression caractérisé.

M. le Rapporteur - Vous développez l'idée selon laquelle tout ce qui serait consultatif n'aurait pas d'influence. C'est ignorer le pouvoir d'influence très important qui s'exerce dans notre démocratie d'opinion. Vous l'avez d'ailleurs fort bien compris...

M. Xavier de Roux - Très bien !

Mme Martine Billard - Alors que dans le monde du travail, une loi tente d'introduire un droit d'opposition de la majorité des organisations syndicales, on préfère revenir en arrière dans le secteur du logement.

Je ne vois pas le progrès ! On nous parle d'amendement « rédactionnel » alors qu'en restreignant la consultation aux organisations représentatives des bailleurs « d'un secteur », on limite considérablement le champ de la concertation. En outre, le texte ne dit pas comment seront découpés les secteurs considérés.

M. le Rapporteur - C'est exactement l'inverse que nous proposons : je crois que vous nous faites un procès d'intention ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs)

L'amendement 25, mis aux voix, n'est pas adopté. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 5 tombe.

Mme la Présidente - Mes chers collègues, il faut exprimer clairement votre vote. Le résultat du scrutin sur cet amendement est incontestable. S'il le souhaite, le Gouvernement dispose de moyens pour y revenir ultérieurement.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois - Je regrette que mon vote n'ait pas été pris en compte... Quoi qu'il en soit, je souhaitais apporter une précision avant que n'intervienne le vote de cet article, car son deuxième alinéa dispose que le non-respect par un bailleur des dispositions obligatoires d'un accord est puni d'une « amende civile ». Obéissant à une définition juridique stricte, la notion d'amende civile semble ici inappropriée, sans que celle d'« amende » - entendez : amende pénale - soit envisageable. Je propose donc, au nom de l'orthodoxie juridique dont mes fonctions me rendent garant, que le temps de la navette soit mis à profit pour rechercher une meilleure rédaction. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

Mme la Présidente - La discussion des amendements 28, 2ème rectification, de Mme Aurillac et 27 rectifié de M. Decocq est réservée après l'amendement 1 de M. Bernard Debré.

Mme Martine Billard - Notre amendement 31 vise à interdire l'usage du congé pour vente dans les six ans consécutifs à l'achat en bloc ou à la mise en copropriété d'un immeuble d'au moins dix logements. Il s'agit de prévenir les ventes spéculatives en cascade qui laissent les locataires les plus fragiles exposés à la pression des vendeurs, lesquels ne reculent parfois devant aucune forme d'intimidation.

M. le Rapporteur - Vous reprenez à votre compte la demande numéro un de certaines associations de locataires : l'interdiction pure et simple du congé pour vente ! Nous avons choisi d'y répondre par le dispositif raisonnable et protecteur qu'institue l'article premier. Madame Billard, il faut être réaliste, on ne peut pas rester à la fenêtre et se regarder passer dans la rue ! S'agissant de la mise en copropriété, l'amendement 28, 2ème rectification, à venir, satisfait votre demande.

Mme la Ministre déléguée - Avis défavorable ; comme l'a excellemment dit votre rapporteur, l'amendement est satisfait par les garanties instituées à l'article premier.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il est inexact de dire que l'article premier protège l'ensemble des locataires, y compris ceux qui ne pourront pas exercer leur droit de préemption lorsque celui-ci trouvera à s'appliquer. Toutes les associations de locataires le disent et c'est pour cela que l'adoption de cet amendement est indispensable. Les locataires qui n'ont pas les moyens d'acheter leur appartement ne seront pas valablement protégés par votre texte.

M. Bernard Debré - Démagogie !

L'amendement 31, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 3

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Cet article dispose que le non-respect de l'une des dispositions obligatoires relatives au congé pour vente d'un accord rendu obligatoire par décret peut donner lieu à l'annulation de ce congé. Nous demandons que, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l'accord de 1998, le non-respect de n'importe quelle disposition du nouvel accord - lequel sera manifestement étendu par le Gouvernement - puisse entraîner la nullité des congés pour vente en découlant. Le non-respect par le vendeur des dispositions non obligatoires stricto sensu - telles que l'information du locataire occupant - doit aussi pouvoir entraîner la nullité du congé.

M. Bernard Debré - Mon amendement 1 supprime la possibilité pour un bailleur institutionnel de donner un congé pour vente uniquement dans un but spéculatif. L'objet même de ces institutionnels est de détenir des logements pour la location ; cette interdiction n'empêchera pas une rotation normale des locataires, et ne met pas en cause le droit de propriété. Elle ne vise que les institutionnels, dont certains en comprendront l'esprit. Mais on sait que d'autres ont la tentation de transformer les logements en bureaux, alors que les villes, et notamment Paris, doivent continuer à accueillir la population. Bien entendu, les locataires souhaitant acheter conserveraient leur droit de préemption.

Mme Martine Aurillac - A mes yeux, l'amendement de M. Debré encadre de façon trop brutale les ventes par les bailleurs institutionnels. Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls concernés par le problème qui nous occupe : il y a aussi des banques, des compagnies d'assurance, et même des mairies comme celle de Lyon. Mon amendement 28, 2ème rectification, complète la protection des locataires, déjà bien assurée par l'extension de la convention du 16 mars, en assurant une reconduction du bail avec maintien dans les lieux pendant au moins deux ans en cas de congé dans le cadre d'une vente par lots.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné ces amendements. A titre personnel, je ne suis pas favorable à celui de M. Debré. En revanche, celui de Mme Aurillac correspond bien à notre philosophie qui est la recherche d'un équilibre. J'y suis favorable.

Mon amendement 27 rectifié donne la possibilité de reconduire le bail pour une durée variable pour permettre d'ajuster son échéance en cohérence avec l'engagement de maintenir l'immeuble sous statut locatif pendant six ans prévue à l'article premier.

Mme la Ministre déléguée - Je comprends l'intention de M. Debré, mais son amendement est trop restrictif. La prorogation de deux ans proposée par Mme Aurillac est de nature à rassurer les locataires tout en maintenant l'équilibre, et celle du rapporteur va dans le même sens. Je suis donc favorable à leurs deux amendements.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je reconnais une certaine pertinence à l'amendement de Mme Aurillac, et j'avais d'ailleurs proposé que l'engagement de rester sous statut locatif soit porté à douze ans. Il garantit au moins l'achèvement du bail. Mais c'est insuffisant. Nous avons déposé un amendement disposant qu'il y a reconduction du bail en cas de vente par lots, ce qui offre une meilleure protection, quel que soit le moment où le congé est donné.

Quant à l'amendement de M. Decocq, il n'aurait d'effet protecteur que si l'on remplace « peuvent » par « doivent être expressément reconduits », ce qui lui donnerait une force contraignante.

Mme Martine Billard - En effet, ce changement est nécessaire, si l'on veut faire ne serait-ce que de petits pas.

Mme la Ministre déléguée - Qui permettent quand même d'avancer.

Mme Martine Billard - Si on dit qu'ils « peuvent » reconduire, la majorité des bailleurs décideront de ne pas le faire.

Quant à l'amendement de M. Debré, qui concerne aussi, me semble-t-il, les sociétés d'économie mixte, collectivités locales et compagnies d'assurance, il ouvre une piste intéressante et je regrette que la majorité ne le soutienne pas. S'en tenir à une prorogation de deux ans, c'est protéger un petit nombre de personnes, car sur le marché parisien, c'est un délai bien court pour trouver une solution. Je préfère donc l'amendement du groupe socialiste sur la reconduction du bail.

M. le Rapporteur - Si M. Le Bouillonnec veut sous-amender mon amendement pour remplacer « peuvent » par « doivent », je l'accepte.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Tout bien pesé, l'amendement de M. Decocq va permettre, par dérogation, de reconduire les baux pour une durée inférieure à celle prévue par l'article 10 de la loi de 1975. Cela ouvre la possibilité de renouvellements très courts, auquel cas les deux ans que propose Mme Aurillac sont plus protecteurs. Dans le doute sur les conséquences exactes de ces dispositions, notre groupe s'abstiendra sur les deux amendements.

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 28, 2ème rectification, et 27 rectifié, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je défends un série d'amendements qui portent sur la situation des marchands de biens. Quand ils interviennent, c'est en général pour spéculer.

La loi ne définit pas ce qu'est un marchand de biens ; actuellement, c'est tout intermédiaire situé entre celui qui vend et celui qui achète... Nous proposons d'établir des règles juridiques claires, y compris pour sanctionner les comportements déviants.

Notre amendement 14 vise à ce que le congé pour vente ne puisse pas être donné par un marchand de biens, sauf lorsqu'il est bailleur. Avec nos amendements 6 et 2, il s'agit de donner un statut aux marchands de biens.

M. le Rapporteur - La stigmatisation des marchands de biens caractérise nombre de vos amendements. Je vous invite à aller au Musée d'Orsay voir une excellente exposition de Daumier, qui a certainement caricaturé la profession ! (Sourires) C'est néanmoins une profession utile, qui contribue à la rénovation et à l'entretien du parc immobilier. Que les risques pris par les marchands de biens soient rémunérés est normal, même si l'on peut discuter sur le montant. Un trop fort encadrement du métier aurait pour effet de faire disparaître la profession, mais elle réapparaîtrait sous forme d'intermédiaires commerciaux, et vous n'auriez rien gagné. Avis défavorable donc à cet amendement, comme aux amendements 6 et 2.

Mme la Ministre déléguée - Avis défavorable également. Une consultation de la profession est indispensable ; nous en tirerons les conclusions dans la loi « Habitat pour tous ».

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 14 dit simplement qu'un marchand de biens qui n'est pas bailleur depuis plus de six ans ne peut pas donner un congé pour vente ; l'amendement 6, que si un logement est vendu occupé, le nouveau bailleur ne peut invoquer à son profit le congé donné par le vendeur. Enfin, l'amendement 2 porte de deux à quatre mois le délai donné au locataire en cas de congé pour vente. Tout cela ne revient pas à supprimer la profession de marchands de biens, dont je souhaite simplement un encadrement par la loi. J'ai pris acte de l'accord de Mme la ministre pour ouvrir le débat.

Mme Martine Aurillac - On ne peut pas réglementer une profession à la va-vite, dans le cadre d'un projet qui, lui, relève de l'urgence. Comme l'a dit la ministre, la concertation est indispensable.

M. Jean Tiberi - Je ne voterai évidemment pas ces amendements, mais je reconnais qu'il y a un problème. Les marchands de biens sont dans leur immense majorité des gens de grande qualité, mais je partage l'avis que, dans l'intérêt même de la profession comme dans celui des locataires et des acquéreurs, il faut organiser cette concertation.

Mme Annick Lepetit - Je ne peux laisser dire que nous voudrions agir à la va-vite, alors que nous avions déjà déposé une proposition de loi sur le sujet - sans que ce soit, comme certains l'ont insinué, parce que certaines affaires faisaient les gros titres de la presse. Nous en avions déjà parlé l'année dernière, et nous en avons reparlé lors du débat sur la loi de cohésion sociale ; votre prédécesseur, Madame la ministre, nous avait déjà répondu qu'il fallait une concertation avec la profession : on aurait eu le temps de l'organiser... J'entends vos engagements, mais je prends date.

L'amendement 14, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 6 et 2.

Mme Martine Billard - Dans l'accord collectif de mars 2005, les cas de nullité des congés pour vente ont été strictement limités. Mon amendement 33 vise au contraire à rédiger le troisième alinéa de l'article d'une manière conforme à l'arrêt rendu le 5 mai 2004 par la Cour de cassation, qui avait jugé que la moindre irrégularité dans les opérations de vente à la découpe pouvait entraîner cette nullité.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, pour des raisons que j'expliciterai à propos de l'amendement 9.

L'amendement 33, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Notre amendement 9 vise à supprimer l'adjectif « obligatoires », concernant les dispositions relatives au congé pour vente dont le non-respect peut entraîner la nullité du congé ; faute de quoi les infractions du vendeur aux règles d'information du locataire ne pourraient être sanctionnées de nullité. Il faut que le non-respect de l'un quelconque des éléments de l'accord soit sanctionné.

M. le Rapporteur - Avis très défavorable. Nos objectifs sont les mêmes, et je vais essayer de vous en convaincre, en revenant sur votre interprétation de l'arrêt de la Cour de cassation, en date du 5 mai 2004, qui me paraît pour le moins douteuse. En l'espèce, la bailleresse avait été sanctionnée pour ne pas avoir respecté les dispositions obligatoires résultant de l'accord collectif du 9 juin 1998. Reste à déterminer ce qu'est une disposition obligatoire. Si vous reprenez le texte, vous verrez que toutes les dispositions assorties du verbe « devoir », ou écrites au présent de l'indicatif, sont contraignantes, au contraire de celles qui recourent au verbe « pouvoir ».

Je pense que nous sommes bien d'accord sur le fond, et que vous êtes de bonne foi, mais votre amendement va à l'encontre de vos intentions.

Mme la Ministre déléguée - Je partage totalement l'avis du rapporteur.

L'amendement 9, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - L'amendement 34 rectifié vise à inscrire dans la loi les dispositions protectrices de l'accord collectif, et à en étendre le bénéfice aux locataires âgés de plus de 65 ans.

C'est bien de protéger les personnes de plus de 70 ans, mais c'est à 65 ans que l'on arrive à la retraite, et lorsqu'on a été locataire de la Caisse des dépôts ou de la Banque de France, on n'a pas forcément épargné pour acheter un jour son appartement. Si un congé pour vente survient alors au moment de la retraite, pour peu que l'on soit de surcroît en mauvaise santé, il devient presque impossible d'obtenir un prêt ! Quant à se reloger ailleurs, les problèmes financiers sont les mêmes, les bailleurs exigeant en général une caution, et des revenus trois à quatre fois supérieurs au loyer.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Par l'amendement 3, nous souhaitons compléter la proposition de Mme Billard, en étendant le régime protecteur à toutes les personnes en situation de faiblesse ou de grave difficulté, l'accord collectif ne visant que les personnes souffrant d'une incapacité au moins égale à 80 %.

M. le Rapporteur - Madame Billard, s'agissant de l'âge, je ne me lancerai pas dans une appréciation de la santé des personnes de 65 ans - il me reste encore quatre ans - mais je vous rappelle que l'âge pris en compte est celui atteint par le locataire en fin de bail ! 70 moins cinq faisant 65, les locataires sont déjà protégés à 65 ans.

Quant à inscrire les dispositions protectrices de l'accord collectif dans la loi, cela ne ferait que compliquer toute éventuelle amélioration du texte, qu'il vaut mieux laisser à la négociation entre les parties prenantes.

Monsieur Le Bouillonnec, surprotéger les locataires risque de rendre le reste du marché locatif beaucoup plus tendu.

Avis défavorable à ces deux amendements.

Mme la Ministre déléguée - D'une part, l'accord doit être envisagé dans sa globalité, d'autre part nous venons d'adopter un amendement qui donne une protection supplémentaire de deux ans à l'ensemble du public. Avis défavorable à ces amendements.

Mme Martine Billard - Vous prétendez que l'inscription dans la loi de ces dispositions découragerait, du fait de la lourdeur des procédures, toute révision du texte en faveur des locataires, mais si on fixe le seuil à 65 ans, je ne pense pas qu'un accord proposerait 60 ans - la loi serait donc plus protectrice. Par ailleurs, il est bien du devoir du Parlement d'intervenir en cas de crise du logement, comme nos prédécesseurs l'ont fait en 1948.

Finalement, la seule avancée de cette discussion se résume à l'adoption de l'amendement de Mme Aurillac, qui ne suffira pas à nous convaincre de voter ce texte. Vous n'avez pas voulu prendre en compte la nécessité de maintenir un secteur locatif, et au nom des députés Verts, je ne voterai pas ce projet de loi.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C'est vrai, vous n'avez pas voulu protéger correctement les locataires. Imaginez une locataire, âgée, invalide à 70 %, qui conteste devant le tribunal le congé qui vient de lui être donné : on rejettera sa demande, parce qu'elle n'est pas invalide à 80 % ! Et je suis persuadé qu'aucun d'entre vous ne veut en arriver là !

Mme la Ministre déléguée - Madame Billard, l'espérance de vie est aujourd'hui de plus de 80 ans.

Pour ce qui est du handicap, il en sera tenu compte si le taux d'invalidité est au moins égal à 80 % et des dispositions ont encore été votées ce matin, qui vont au-delà de celles de l'accord collectif. Ne laissons donc pas accroire que demain de grands invalides ou de grands malades pourraient se retrouver à la rue, car ce n'est pas vrai. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Il y a deux stratégies : l'une qui consiste à dire que l'on ne va jamais assez loin et au final à ne rien faire, l'autre qui est d'avancer. C'est celle du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

L'amendement 34 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 3, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 3

Mme Annick Lepetit - L'amendement 11 tend à instaurer un moratoire sur les ventes à la découpe en portant à quatre mois le délai prévu à l'article L. 211-5 du code de l'urbanisme lorsque le bien vendu est un immeuble indivis ou lorsqu'il s'agit de la première vente consécutive à la mise en copropriété et en disposant qu'à titre transitoire, lorsqu'un l'un ou l'autre de ces types de biens est mis en vente, le locataire pourra, par simple demande formulée dans ce délai de quatre mois, prolonger son délai de préemption jusqu'au 1er janvier 2006. On ne peut en effet faire l'impasse sur les opérations en cours. Des mesures urgentes s'imposent.

L'amendement 11, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 15 prolonge celui adopté en loi de finances 2005, à notre initiative, ramenant à un an le délai d'exonération des droits de mutation bénéficiant aux personnes utilisant le régime fiscal des marchands de biens en cas de vente à la découpe. Le délai conditionnant l'exonération serait porté à quatre ans lorsqu'un engagement serait pris de ne pas utiliser le congé pour vente et à six ans pour les organismes sociaux s'occupant de redresser les copropriétés en difficulté.

M. le Rapporteur - Nous avons déjà longuement débattu de cette question. Avis défavorable.

Mme la Ministre déléguée - Avis défavorable.

L'amendement 15, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Annick Lepetit - L'urgence commande que les nouvelles protections prévues par ce texte, enrichies de nos amendements, s'appliquent le plus tôt possible au plus grand nombre possible de victimes de ventes à la découpe. Doivent donc être concernées aussi les opérations en cours, définies comme celles relatives à un immeuble dans lequel au moins un lot n'a pas fait l'objet d'une vente. Alors que le Gouvernement et sa majorité se disent préoccupés des ventes à la découpe, il serait pour le moins contradictoire de légiférer aujourd'hui sans tenir compte de la situation de milliers de locataires, pas seulement parisiens, extrêmement inquiets pour leur avenir.

M. le Rapporteur - La notion d'opérations en cours est parfaitement définie par la jurisprudence. Cet amendement n'apporterait rien de plus.

Mme la Ministre déléguée - Avis défavorable également.

L'amendement 10, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Annick Lepetit - Les amendements 12, 13 et 16 sont défendus.

L'amendement 12, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 13 et 16.

EXPLICATIONS DE VOTE

Mme Martine Aurillac - Cette proposition de loi avait pour objet essentiel de porter un coup d'arrêt à la spéculation abusive à laquelle se livrent des intermédiaires en cascade lors de certaines ventes par lots, annoncées le plus souvent sans ménagement aux locataires qui se trouvent dès lors en position d'extrême faiblesse. Il était difficile de parvenir à un équilibre. Tout en conservant au marché immobilier sa fluidité, ce qui est indispensable, et dans le respect des principes constitutionnels, il convenait de trouver des solutions équitables. Les locataires qui peuvent acheter le feront désormais de manière beaucoup plus encadrée et plus transparente, avec un délai de six ans en cas de vente en bloc et droit de préemption en cas de vente par lots. Ceux qui ne peuvent pas acheter, et qui sont, il est vrai, la majorité, bénéficieront de protections accrues et d'un délai de deux ans, que j'a proposé par voie d'amendement et que l'Assemblée a bien voulu accepter.

Nous sommes parfaitement conscients que ce texte ne résoudra pas à lui seul la crise du logement, qui tient à bien d'autres facteurs. Certains trouveront qu'il va trop loin, d'autres pas assez. Quoi qu'il en soit, je dis amicalement à mes collègues socialistes et verts qu'il ne mérite pas tant d'indignité. En effet, le phénomène des ventes à la découpe n'est pas nouveau. Or, rien n'avait été fait jusqu'à présent. Et si nous ne faisions rien aujourd'hui, la situation des locataires, qu'ils puissent ou non acheter, serait pire.

Nous reste maintenant à espérer, Madame la ministre, que ce texte soit très prochainement inscrit à l'ordre du jour du Sénat afin d'être adopté rapidement. Nous comptons sur votre diligence. Nous espérons également examiner très bientôt la future loi « Habitat pour tous ». Le groupe UMP votera bien entendu cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Face à un grave problème, on propose un grand dispositif législatif. Si l'on se contente d'un petit texte, c'est que l'on refuse de régler le problème. Nous nous doutions bien que vous n'aviez pas envie de le régler quand le ministre déclarait, ici et à l'extérieur, que c'était à l'accord collectif de s'appliquer. Nous avions bien compris que vous cherchiez surtout à ne pas déplaire à telle ou telle catégorie de personnes influentes. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP)

Ce petit texte, et disant cela, je ne vous injurie pas, Madame Aurillac, car je reconnais que le texte qui va être aujourd'hui voté n'est plus exactement le vôtre - c'est le rapporteur qui en porte la responsabilité -, ce petit texte, disais-je, n'améliore que très partiellement la situation des locataires qui peuvent acheter, sans leur apporter toutes les garanties nécessaires, et ne règle rien du tout pour la majorité de ceux qui ne peuvent pas acheter. Le délai de deux ans que vous avez fait adopter par voie d'amendement, Madame Aurillac, et qui ne s'appliquera d'ailleurs que dans des conditions très restrictives, ne constitue pas une protection.

On nous renvoie à la navette parlementaire, à l'accord collectif, à la future loi « Habitat pour tous »... Mais pendant ce temps, les congés pour vente pleuvent, et pas seulement dans les beaux quartiers parisiens, je le constate chaque jour moi-même dans ma commune. L'accord collectif de 1998, étendu par M. Besson en 1999, avait vraiment fait diminuer le nombre des ventes à la découpe. Puis le phénomène a repris car ne se livrent plus maintenant à cette pratique les institutionnels, mais des spéculateurs auxquels l'accord ne s'applique pas. Nous nous trouvons dans une situation abracadabrantesque, pour reprendre une expression chère au Président de la République, puisque vous ne disposez plus des instruments nécessaires pour régler le problème et que vous écartez ceux que nous vous proposons.

Entre les spéculateurs et les locataires qui ne peuvent acheter leur appartement, vous avez choisi ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Voilà ce à quoi nous venons d'assister...

M. Jean-Marc Roubaud - C'est faux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - ...comme ce fut également le cas lorsque, il y a un mois, vous avez refusé d'examiner les articles de notre proposition de loi.

M. Jean-Marc Roubaud - Démago !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Parler pendant des mois de concertation sociale pour terminer par un amendement qui annule l'idée même d'accord puisque le ministre, in fine, tranchera...

Mme la Ministre déléguée - C'est son travail !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - ...ce n'est pas faire grand cas des associations de locataires. Nous n'avons décidément pas la même conception du dialogue social et nous voterons bien entendu contre cette proposition.

Mme la Présidente - Conformément aux conclusions de la commission, le titre de ce texte est ainsi rédigé : « proposition de loi relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble. »

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre déléguée - Je remercie Mmes et MM. les députés pour la longue et fructueuse discussion que nous avons eue. Monsieur Le Bouillonnec, la situation n'est pas nouvelle : l'accord de 1998 vous paraissait suffisant mais les faits ont montré qu'il n'en était rien. Dès lors, nous avons pris nos responsabilités afin d'éviter la spéculation et de travailler à un équilibre entre les intérêts des investisseurs et ceux des locataires. La proposition comporte notamment des avancées pour les locataires qui souhaitent acquérir leur appartement ou y rester, grâce en particulier à l'amendement 28, 2e rectification, de Mme Aurillac accepté par le Gouvernement. Vous, vous n'avez rien fait. Voulez-vous que je vous rappelle les chiffres concernant le logement social...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Les vrais !

Mme la Ministre déléguée - ...et le record historique des années 2000 ? Nous sommes passés de 38 000 à 74 000 logements entre 2000 et 2004.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ce sont des agréments, sans financement aucun !

Mme la Ministre déléguée - Nous, nous menons une politique volontariste, comme en témoigne également notre plan de cohésion sociale. Je comprends que vous soyez gêné. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 11 heures 20, est reprise à 11 heures 40.

JOURNÉE NATIONALE DES FONDATIONS

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Olivier Dassault et plusieurs de ses collègues tendant à instaurer une journée nationale des fondations.

M. Olivier Dassault, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - «Je ne possède que ce que je donne», disait Gabriel d'Annunzio. Cette générosité pure, c'est celle qui fonde toute grande œuvre, celle des parents vis-à-vis de leurs enfants, celle de l'artiste vis-à-vis du monde qui l'entoure. Mais c'est aussi l'élan d'altruisme qui anime ceux qui décident d'affecter irrévocablement un patrimoine à une cause d'intérêt général. Telle est la définition d'une fondation.

La promotion des fondations n'est pas un sujet anodin, au moment où nous devons offrir à notre modèle social et culturel un renouveau capable de propulser la France dans le siècle qui s'ouvre et de lui assurer le rayonnement qu'elle mérite. C'est en effet à travers elles que le lien entre action publique et initiative privée se ressource et que l'énergie mise au service des autres se démultiplie.

Dès lors, le rôle du Parlement n'est-il pas de permettre la rencontre de l'altruisme et de la générosité, de garantir la liberté, qui ne s'épanouit que dans la confiance ? Si la création d'une fondation relève de la volonté et de l'engagement de son fondateur, il appartient en effet au législateur d'offrir un contexte favorable à cet élan.

Nous connaissons tous les étapes importantes de l'essor des fondations en France : l'impulsion donnée par André Malraux, avec la création de la Fondation de France, en 1967, par Michel Pomey, le lancement des fondations d'entreprise par François Léotard en 1989, leur encadrement par la loi de 1990, et enfin la loi Aillagon du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Loin d'effleurer une page vierge, nous nous inscrivons donc dans une continuité.

Nombre des mesures d'incitation prévues par la loi Aillagon ont déjà été mises en œuvre, et les améliorations du régime fiscal du mécénat introduites dans la loi de finances pour 2005 grâce à votre détermination, Monsieur le ministre de la Culture, sont venues renforcer un outil à l'efficacité avérée.

Le constat alarmant que je dressais à cette même tribune en 2003 n'est plus de mise. La France compte désormais près de 2 000 fondations. Pour la seule année 2004, on enregistre 11 nouvelles fondations reconnues d'utilité publique, 18 créations de fondations d'entreprise, et, pour la seule Fondation de France, 18 nouvelles fondations abritées, pour 8 clôturées.

La révolution des mentalités qui s'est engagée doit nous permettre d'insuffler une véritable culture des fondations en France. Pourtant, nous avons encore à déplorer la méconnaissance de l'opinion et la réticence des pouvoirs publics à l'endroit d'organismes créés pour démultiplier des forces, agir dans des secteurs novateurs, accompagner la recherche ou soutenir l'imagination, voire l'impertinence.

Songez qu'au Royaume-Uni, les actes de philanthropie s'opèrent majoritairement par le biais des 3 000 charity trusts, et qu'il existe 8 800 fondations. En Allemagne, on en dénombre près de 10 000. Au regard du nombre total, la France ne se situe qu'à la huitième place en Europe. Elle ne compte que 3,5 fondations pour 100 000 habitants, contre 15 en Allemagne, 130 en Suède et 250 au Danemark. Toutefois, le montant des dépenses engagées par nos fondations - plus de 3 milliards d'euros - les situe au quatrième rang européen, loin derrière l'Allemagne - 35 milliards - mais à peu près au même niveau que le Royaume-Uni.

Le contexte est évidemment différent aux Etats-Unis, mais 100 000 fondations y sont répertoriées et le mécénat et la philanthropie représentent 2,1 % de la richesse nationale.

Pour retrouver notre optimisme et témoigner du renouveau des fondations, je souhaite insister sur les deux catégories d'entre elles qui connaissent la plus grande expansion : la fondation d'entreprise et la fondation de recherche.

En lui offrant la possibilité d'associer son nom à un outil prestigieux, la fondation permet à l'entreprise d'inscrire sa politique de mécénat dans le long terme et de faire la preuve de son engagement social. Une vingtaine de fondations d'entreprises ont été créées depuis un an - notre pays en compte désormais 156 -, nombre d'entre elles étant l'œuvre de PME réparties sur tout le territoire. La fondation garantit la pérennité de l'action et permet de prendre une certaine distance par rapport aux activités courantes. Les collaborateurs de l'entreprise sont directement associés à son action et en choisissent parfois l'objet. Enfin, elle affranchit le mécénat - dont elle représente la forme la plus aboutie - des caprices de la conjoncture économique, des changements d'équipes dirigeantes et de la pression des actionnaires. Comme vous le voyez, il s'agit une nouvelle fois de liberté et de confiance.

Les fondations de recherche financent des programmes prioritaires ou atypiques, conduits par des laboratoires publics ou en partenariat avec des entreprises, après appels d'offres. Grâce à la nouvelle impulsion donnée par le ministre délégué à la recherche, leur développement a été relancé cette année. Ainsi, plus de dix nouvelles entités ont été créées au cours des derniers mois, grâce notamment au « fonds des priorités de recherche », doté de 150 millions dès la loi de finances pour 2004. En complément de l'action publique, elles permettent de mutualiser des programmes de recherche et développement - domaine plus que jamais stratégique - et de démultiplier les initiatives en matière de santé, de prévention des risques ou de préservation de l'environnement. Elles offrent un remarquable exemple du renouveau du lien entre l'action souveraine et l'initiative privée. Il convient par conséquent de les encourager, en incitant les entreprises ou les particuliers à financer les centres de recherche universitaires, à l'exemple de ce que fait déjà le groupe Siemens. De telles méthodes permettent d'irriguer en profondeur et par capillarité le terreau sur lequel s'épanouissent nos chercheurs, aux avant-postes du combat pour renforcer la force d'attraction de notre territoire.

Perçues trop souvent comme des oeuvres de charité ou comme des organismes à vocation strictement culturelle, les fondations ne sont pas suffisamment envisagées comme des leviers économiques. Leur système, leur mode de création et leur statut restent trop compliqués. Résultat, les Français les connaissent mal et les confondent avec les associations. La journée nationale des fondations permettra de combattre ces idées reçues, et j'insiste sur le fait que cette initiative n'entraînera aucune dépense publique supplémentaire. Au reste, il n'aurait pas été très responsable de commencer par alourdir les charges publiques en prétendant encourager l'initiative privée, alors même que les fondations ont vocation à démultiplier l'action de l'Etat, voire à l'alléger.

En donnant à cette journée nationale un caractère législatif, nous faisons le choix de la pérennité, nous renforçons la confiance des donateurs et nous manifestons notre volonté de donner aux fondations toute la place qu'elles méritent, sans tendre pour autant à ce qu'elles se substituent à l'Etat. Une telle manifestation aura des vertus pédagogiques et son succès ne fait aucun doute : les Français sont généreux, mais ils ne donnent leur argent qu'aux oeuvres qu'ils connaissent. C'est ainsi que grâce à une bonne couverture médiatique, les associations récoltent près de la moitié de leurs ressources lorsqu'un jour leur est consacré. Chacun connaît l'impact de la journée pour la recherche sur le cancer, du Téléthon ou de l'opération « pièces jaunes » de la Fondation des hôpitaux de Paris. A terme, il est envisageable que notre initiative fasse école chez nos voisins et qu'elle suscite une journée européenne des fondations.

Naturellement, la journée des fondations doit être dédiée à leur service exclusif. Il leur appartiendra de se l'approprier, en imaginant des opérations de communication efficaces, visant notamment à mettre en évidence le rôle structurant qu'elles ont vocation à jouer dans une société en constante évolution. Au-delà, nous devons dissiper les incompréhensions qui peuvent subsister, même dans un monde désormais libéré des pesanteurs idéologiques, entre les agents de la puissance publique et tous ceux qui souhaitent agir, innover, imaginer, aller plus loin, aller plus haut... Alors que les feux des médias, relayés par le talent et la liberté des journalistes, mettront au grand jour le nuancier de la palette dont les fondations disposent, nous fondons l'espoir que cette journée éclairera les esprits.

Vous m'accorderez, mes chers collègues, que la générosité, l'altruisme et l'initiative individuelle mis au service d'actions d'intérêt général ne sont pas toujours au cœur de nos débats ! Dès lors, qu'il me soit permis de remercier chaleureusement celles et ceux qui ont permis à cette initiative d'être débattue, et notamment mes collègues députés - ils sont près de deux cents - qui m'ont témoigné leur confiance en s'associant à ma proposition de loi. Je remercie aussi vivement le président de notre commission des affaires culturelles, le Premier ministre, les membres de gouvernement actuel et certains de leurs prédécesseurs, en particulier M. d'Aubert et Mme Haigneré. M. Goulard, dont je salue la présence, poursuit l'action engagée avec la même détermination. Enfin, j'exprime ma reconnaissance au président du groupe de l'UMP, pour son inlassable plaidoyer en faveur de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour.

Paul Eluard a dit : « Il n'y a pas d'enthousiasme sans sagesse, ni de sagesse sans générosité ». C'est donc avec enthousiasme que je vous demande d'instaurer une journée nationale des fondations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je salue la constance du ministre de la culture et la présence à ses côtés du ministre délégué à la recherche, lui aussi très concerné par cette journée nationale des fondations. L'initiative d'Olivier Dassault mérite d'être saluée. Mieux informer sur le rôle des fondations et valoriser leurs actions, c'est à l'évidence susciter de nouvelles vocations.

Qu'il s'agisse des fondations reconnues d'utilité publique faisant appel à la générosité publique, des fondations d'entreprise ne pouvant recevoir d'autres dons que ceux des entreprises qui les créent ou de leurs salariés ou des fondations abritées, toutes agissent dans l'intérêt général, plus particulièrement dans les domaines de la culture, de la recherche ou de l'action sociale.

Las, notre République, en dépit des belles déclarations officielles, donne parfois l'impression d'avoir peur des initiatives citoyennes, des initiatives « privées ». Cela tient pour partie à la vieille méfiance des pouvoirs publics à l'endroit des corps intermédiaires. L'une des manifestations de cette réticence est la préférence pour le mécénat d'Etat, au détriment du mécénat populaire. Dès lors, l'on ne s'étonnera pas que notre pays ne compte que 2 000 associations reconnues d'utilité publique et 800 fondations - essentiellement parisiennes - placées sous le contrôle du ministère de l'intérieur. Le retard français s'apprécie naturellement par comparaison avec les Etats-Unis mais aussi, avec le Royaume Uni, pays d'élection d'une générosité publique protégée par un système de contrôle public éprouvé, démocratique et doté de moyens considérables.

La loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations a représenté une petite révolution pour notre pays. Curieusement, elle est passée quelque peu inaperçue. Mais je suis convaincu que l'on n'en a pas encore pris toute la mesure. Elle témoigne en effet d'une volonté inédite des pouvoirs publics d'encourager les actions d'intérêt général émanant de la société civile.

Tocqueville a écrit qu'un peuple chez lequel les particuliers perdraient le pouvoir de faire isolément de grandes choses sans acquérir la faculté de les produire en commun retournerait bientôt vers la barbarie. A l'heure où tous les observateurs de la société française parlent du « malaise démocratique », la prise en compte des attentes de nos concitoyens nous commande de créer de nouveaux modes de dialogue et d'action.

Nous devons permettre à chacun d'apporter sa contribution, selon son civisme et ses moyens. Pour amorcer la restauration du politique, il faut favoriser la participation des citoyens à l'intérêt général. Cette « laïcisation » du politique comme de la société civile est la grande affaire du moment. C'est pourquoi j'invite notre assemblée à adopter cette proposition de loi sans aucune réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Je remercie à mon tour mon collègue François Goulard d'être présent ce matin. La mise en valeur des fondations - notamment de recherche - justifie une forte mobilisation de l'ensemble du Gouvernement, et que nul ne vienne à s'imaginer que nous plaidons, ce faisant, pour un quelconque désengagement de l'Etat. Les pouvoirs publics n'entendent nullement se défausser de leurs obligations. L'ambition qui nous réunit aujourd'hui, c'est de fédérer les énergies en valorisant de nouvelles formes d'intervention.

La cohésion sociale et l'identité culturelle sont sans doute les enjeux politiques majeurs de notre temps. Elles sont d'ailleurs liées, comme l'a montré le premier débat consacré dans cet hémicycle au spectacle vivant, le 9 décembre dernier. Nos concitoyens se trouvent confrontés à une situation paradoxale. Fiers de leurs racines, de leur territoire, de leur espace de vie proche ou lointain, partageant des valeurs communes et une même communauté de destin, ils se sentent pourtant moins intimement liés que leurs aînés aux grandes institutions ou aux relations interpersonnelles de proximité qui marquaient la vie quotidienne d'antan. Si le lien social a faibli, je refuse la fatalité d'un prétendu déclin, dont les apologues n'entretiennent qu'une vision très partielle de nos sociétés.

L'équilibre social repose sur la vitalité du pacte qui unit les citoyens entre eux. Et il faut bien admettre que dans toutes les sociétés modernes, l'égoïsme, la solitude, le repli sur soi et les violences de toute nature tendent à faire progresser la peur et le sentiment d'injustice. Selon la belle expression du sociologue François de Singly, nos concitoyens aspirent désormais à être « libres ensemble ». De plus en plus, le processus historique d'individualisation résulte d'un choix personnel, tendant à permettre aux individus de définir eux-mêmes le type de rapports qu'ils veulent entretenir avec les autres, ainsi que les objets de leur fidélité, de leur générosité et de leur engagement. Vivre ensemble dans une société d'individus libres et responsables, c'est aussi voir se déployer sous nos yeux l'esprit civique, l'esprit de la démocratie et l'essor de la société civile, chers à Tocqueville.

S'engager pour des causes d'intérêt général est une aspiration profonde chez beaucoup. Le mouvement associatif fédère les initiatives, favorise les mobilisations. Il faut l'encourager.

C'est ce que fait la majorité depuis trois ans. La loi sur le mécénat a permis de passer d'une culture de réticence, voire de soupçon, à une culture de confiance et de reconnaissance. Les règles applicables aux fondations ont été simplifiées et des réductions d'impôt sur les dons de 66 % pour les particuliers et 60 % pour les entreprises ont encouragé le mécénat sous toutes ses formes, qu'il s'agisse de culture, de recherche, de santé ou de toute cause philanthropique.

Selon l'enquête dont fait état l'excellent rapport de M. Dassault, depuis la promulgation de la loi du 1er août 2003, les sommes collectées ont augmenté de 20 % et les dons des entreprises pour l'acquisition de trésors nationaux ont été multipliés par trois et demi. Auparavant, on créait 5 ou 6 fondations d'entreprise par an, en 2004 on en a créé 20. Pour les fondations reconnues d'utilité publique, ce nombre était de 5 par an environ entre 1998 et 2002, il est passé à 11 en 2004 et celui des projets a quadruplé.

Malgré des exemples prestigieux comme l'institut Pasteur et le rayonnement de la Fondation de France, la fondation restait mal connue. Le changement est en cours, et sera encore favorisé par la suppression complète de l'impôt sur les sociétés pour les fondations reconnues d'utilité publique dans la loi de finances pour 2005.

Pour le nombre total de fondations, la France est dans la moyenne européenne. Elle ne compte cependant que 3,5 fondations pour 100 000 habitants contre 250 au Danemark, 130 en Suède, 15 en Allemagne et les 3 milliards qu'elles engagent nous mettent au même niveau que le Royaume-uni, mais loin derrière l'Allemagne avec 35 milliards.

Nous ne pouvons que saluer la variété de leurs actions, l'indépendance des fondations reconnues d'utilité publique, leur modestie car jamais elles ne prétendent au monopole de l'intérêt général. Instaurer une journée des fondations constituera une reconnaissance solennelle. Mais ce n'est en rien un appel supplémentaire à la générosité publique : il s'agira de mieux faire connaître les fondations et de mutualiser les bonnes pratiques, et cette opération de communication annuelle donnera, je l'espère, un nouvel élan au mécénat.

Selon Portalis, « la loi permet ou elle défend, elle ordonne, elle établit, elle corrige, elle punit ou elle récompense ». Permettez-moi d'ajouter qu'elle incite et mobilise. Votre proposition y concourt et le Gouvernement y donne donc un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jacques Brunhes - Nous voici avec un nouveau Portalis...

M. le Ministre - Le patrimoine a besoin de création permanente.

Mme Muriel Marland-Militello - Cette proposition prolonge l'action entreprise par le Gouvernement pour promouvoir le mécénat et impliquer les citoyens dans des actions d'intérêt général en organisant les synergies. La loi du 1er août 2003 y encourage par des incitations fiscales et le ministre a également eu le souci de simplifier des procédures jusque là trop restrictives.

Pour valoriser ces nouvelles mesures, il les a, en 2004, présentées aux particuliers et aux entreprises dans deux livrets, et a constitué un réseau de 108 « correspondants mécénat » dans les institutions culturelles publiques, doublé par un réseau similaire dans les chambres de commerce.

Les grandes entreprises y ont été sensibles, et le montant net de leurs dons s'est accru. Reste à convaincre les PME. Pour cela, il faut mieux faire connaître sur le terrain les mesures législatives et les expériences réussies. C'est l'objectif de cette proposition, qui vise aussi à expliquer les spécificités des fondations et leurs différences avec les associations.

Pour dissiper les craintes de certaines associations, je voudrais insister sur l'aide que leur apportent des fondations, notamment d'entreprise. Ainsi, la fondation EDF soutient du 17 au 25 juin la première édition de l'opération « Monuments pour tous en Ile-de-France », qui a permis des visites adaptées, tactiles ou en langue des signes - la Marseillaise a été interprétée en langue des signes pendant que l'on ravivait la flamme du soldat inconnu. Le 6 mai 2006, en partenariat avec l'UNAPEI, l'ADEP et Handicap international, la Fondation de la deuxième chance organisera au palais des congrès de Paris un concert donné par un orchestre de 340 interprètes amateurs et choristes, tous handicapés. De même, la Fondation Schneider Electric a mobilisé ses salariés dans le monde entier du 30 mai au 5 juin dernier pour aider des associations de jeunes en difficulté à mener des actions de formation.

Dans le domaine culturel, Total a financé la restauration de la galerie d'Apollon au Louvre et le groupe Vinci une grande partie de celle de la galerie des Glaces à Versailles. Outre le patrimoine, les fondations aident la création. Total soutient, avec BNP Paribas, l'exposition « Sous le soleil exactement » qui a lieu à Marseille du 20 mai au 21 août prochain et permet à une soixantaine de jeunes artistes de montrer combien la Provence a inspiré la peinture de paysage.

Soutien à la créativité littéraire de la jeunesse, aussi : la fondation BNP-Paribas, partenaire du prix du jeune écrivain, récompense chaque année une douzaine de jeunes auteurs français et francophones et leur donne l'occasion de voir leur nouvelle publiée aux éditions Mercure de France.

L'année 2004 a battu les records avec 18 fondations d'entreprise créées - contre 4 en 2003 -, 11 nouvelles fondations reconnues d'utilité publique et 18 nouvelles fondations abritées. Mais la France reste en retard : la philanthropie représente 2,1 % du PIB aux Etats-Unis, contre 0,2 % en France.

Ce texte offrira une occasion de porter à la connaissance de tous la qualité des actions menées, afin non seulement de susciter de nouvelles générosités, mais aussi d'inciter des personnes physiques ou des entreprises à créer leur propre fondation. La journée d'information permettra également de mieux faire connaître les différences, et la complémentarité, entre les fondations d'entreprise et les autres, ainsi qu'entre les fondations et les associations. Une bonne couverture médiatique - comme pour l'opération « pièces jaunes », sans aucune dépense publique supplémentaire, est évidemment efficace pour que les Français expriment leur générosité.

L'instauration d'une journée des fondations est aussi un moyen pour la représentation nationale d'exprimer sa reconnaissance envers tous ceux qui s'engagent généreusement pour promouvoir nos valeurs humanistes et culturelles et pour renforcer les liens entre les différentes catégories professionnelles et sociales. Permettez-moi, Monsieur le ministre, de formuler un souhait : dans le cadre des mesures fiscales, serait-il possible d'accorder des avantages supplémentaires aux fondations et aux mécènes qui prennent le risque de soutenir les artistes vivants et la création contemporaine ?

Après la journée des droits des enfants et la journée à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites, il était bon d'instaurer une journée en faveur de la générosité et de la créativité. Le groupe UMP soutient donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre-Christophe Baguet - Diderot demandait que chacun participe selon ses moyens à la lumière de son siècle.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - ...et que tous soient éclairés.

M. Pierre-Christophe Baguet - A notre époque, les fondations sont un moyen dynamique de participer à notre société, que l'on soit à l'origine de leur création ou acteur de leur développement.

Créer une fondation n'est pas un acte anodin : c'est décider de « l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d'une oeuvre d'intérêt général et à but non lucratif », qu'il s'agisse de fondations d'entreprise, de fondations reconnues d'utilité publique ou de fondations abritées. Les dépenses engagées par les fondations s'élevaient en 2001 à plus de 3 milliards, et le montant total de leurs actifs à plus de 8 milliards.

Créer une fondation, c'est servir un objectif d'intérêt général, qu'il soit culturel, scientifique, social, éducatif, environnemental ou humanitaire. Nous connaissons tous des exemples de fondations forts utiles à notre société ; je citerai la Fondation pour l'enfance, ATD-Quart-Monde, les fondations mises en place par des banques ou des compagnies d'assurances pour soutenir l'art. C'est ainsi que, grâce au mécénat d'un assureur français bien connu, le Musée du Louvre a pu récemment acquérir la Vestale du sculpteur français Houdon, qui avait quitté la France en 1901. Dans un autre domaine, Reuters France vient de signer un partenariat avec la Fondation HEC pour offrir à l' école un service d'information et d'analyse en temps réel couvrant l'ensemble des marchés financiers mondiaux.

Cependant la France ne compte que 3,5 fondations pour 100 000 habitants, contre 250 au Danemark ou 130 en Suède. Plusieurs lois ont renforcé l'incitation fiscale au mécénat, pour les entreprises comme pour les particuliers, et notamment la loi du 1er août 2003. Désormais, les dépenses de mécénat ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 60 % de leur montant. De plus, l'examen des demandes de reconnaissance d'utilité publique et les statuts-types des fondations reconnues d'utilité publique ont été assouplis. Par ailleurs, une promotion des fondations et leurs activités est assurée par le Centre français des fondations ainsi que, sur internet, par le portail des fondations et du mécénat ; elle contribue à mieux faire connaître les fondations, mais cela ne suffit pas.

Les Français sont généreux, ils l'ont encore démontré lors du tsunami, mais la solidarité dont ils ont témoigné à cette occasion a été d'autant plus importante que la catastrophe a été largement médiatisée. La médiatisation est désormais essentielle à la réussite d'une initiative ; la Nuit des musées annoncée à l'avance dans les journaux, a ainsi suscité un réel engouement, notamment chez les jeunes ; de même, je ne doute pas que la Fête de la musique sera cette année encore l'occasion pour beaucoup de découvrir de nouveaux talents. Les Restos du cœur, le Téléthon, le Sidaction sont désormais inscrits dans notre calendrier.

La journée des fondations aura en particulier un intérêt pédagogique, en permettant de sensibiliser les enfants, qui ont déjà montré leur engouement pour l'opération « pièces jaunes ». Il est plus que souhaitable qu'elle soit relayée dans les médias, afin de fournir aux Français des informations précises. Elle sera aussi le moyen de témoigner à tous ceux qui donnent de leur temps que nous reconnaissons leur dévouement.

L'UDF, favorable à toute initiative permettant d'améliorer le sort des plus défavorisés, veut soutenir ceux qui agissent pour les autres et démultiplier le travail formidable qu'ils accomplissent dans l'ombre. A titre personnel, comme député de Boulogne-Billancourt, je ne peux m'empêcher d'exprimer le regret de ne pouvoir accueillir sur les terrains Renault de ma commune la fondation et le musée de M. François Pinault. Il reste que je soutiens naturellement avec mon groupe cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Brunhes - Ce texte nous est présenté comme faisant suite à la loi du 1er août 2003, mais je voudrais faire deux remarques préalables.

Tout d'abord, afficher comme une priorité du Gouvernement le développement du mécénat relève d'une certaine conception des rôles respectifs de l'action publique et de l'initiative privée. Pour notre part, nous sommes soucieux du maintien du service public pour garantir un égal accès à la santé, assurer le développement de la recherche et préserver l'indépendance de la culture.

Ensuite, nous savons que le mécénat aura toujours un double visage : celui, positif, d'un moyen d'accès à de nouvelles technologies ou à des moyens financiers plus substantiels, mais aussi celui, plus pernicieux, de la récupération, de la censure (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), ou de l'association automatique d'une enseigne ou d'un nom et d'une cause.

Cela étant, une journée nationale permet d'exprimer une reconnaissance officielle et nous invitera à respecter notre devoir de mémoire. Le Parlement n'a voté que deux lois de ce type, l'une en faveur des droits des enfants, à l'initiative des députés communistes, l'autre contre les crimes racistes et antisémites.

Vous nous proposez de consacrer cette nouvelle journée à la promotion d'un seul des moyens - car il en existe bien d'autres - par lesquels s'expriment la générosité populaire et l'engagement citoyen : les fondations. Vous prenez ainsi pour modèles les pays anglo-saxons, notamment les Etats-Unis, où les fondations jouent un rôle essentiel, et où la journée nationale de la philanthropie est devenue une institution.

Les associations, beaucoup plus nombreuses et populaires, sont malheureusement les grandes exclues de cette journée !

Si les deux dispositifs se complètent, chacun a sa propre organisation, et poursuit un objectif précis. Tandis que l'association est l'outil qui permet de regrouper des personnes autour d'un projet commun, la fondation recueille et gère des biens consacrés au développement d'actions d'intérêt général.

S'il n'est pas question de contester leur importance, il faut rappeler que seules 109 fondations ont vu le jour en France au fil du temps, alors qu'une centaine d'années a suffi pour créer quelques 880 000 associations. Trois explications peuvent être avancées. Tout d'abord, l'Etat a pu exercer une très forte emprise dans ce domaine par crainte de voir se développer une concurrence privée. Par ailleurs, le contrat d'association a connu un véritable succès, et enfin, l'association n'a besoin, contrairement à la fondation, ni de moyens financiers, ni d'autorisation pour naître.

Les associations représentent aujourd'hui 10 à 12 millions de bénévoles, 1,6 million de salariés, et un budget d'environ 47 milliards d'euros. Les dons des particuliers bénéficient à environ 20 % des associations, mais représentent moins de 1,5 % des budgets associatifs. Quant au mécénat des entreprises, il s'adresse essentiellement aux grandes structures, en particulier dans le secteur humanitaire. On peut enfin relever l'engagement croissant des collectivités publiques dans le financement des associations.

Les fondations ne rassemblent que 47 000 salariés, et 28 000 bénévoles. La plupart des fondations ont été créées par un fondateur unique, dont 70 % sont des personnes physiques, majoritairement des hommes cadres supérieurs, ou exerçant une profession libérale. Au moment de la création de la fondation, 76 % d'entre eux avaient amassé une fortune personnelle. Un attachement fort pour un projet particulier constitue en général la motivation principale des fondateurs - les convictions religieuses occupant une place essentielle.

Les associations sont devenues l'un des principaux supports de l'initiative citoyenne, et elles souhaitent plus que jamais que leurs spécificités soient reconnues. Si nous ne pouvons qu'encourager le développement des fondations, il nous paraît difficile de ne pas rendre hommage aux associations. M. le ministre et Mme Marland-Militello les ont d'ailleurs associées dans leur discours, et la loi du 1er août 2003 est bien relative au mécénat, aux associations et aux fondations.

Les unes et les autres auraient mérité une journée nationale commune de reconnaissance officielle, d'hommage et de promotion. Parce que ce texte ne prend en compte qu'un volet de la réalité, nous nous abstiendrons.

Plusieurs députés UMP - Quel dommage !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Les deux dispositifs de l'association et de la fondation, encadrés par la loi du 1er juillet 1901 et celle du 23 juillet 1987, se complètent dans le champ d'intervention à but non lucratif.

Destinées à recueillir des dons ou des legs et à gérer des biens immobiliers ou financiers, les fondations doivent mobiliser du capital pour se créer, et sont soumises à une procédure d'agrément très lourde, ce qui peut expliquer leur faible nombre en France - environ 2 100 - soit vingt fois moins que dans les pays scandinaves.

En France, la structure des ressources est très différente selon le type de fondation. Les fondations « opérationnelles » - hôpitaux, maisons de retraite... - tirent l'essentiel de leurs revenus des recettes de leurs activités, tandis que les fondations de redistribution, largement financées par les donateurs privés ou par leur fondateur, ont besoin de publicité pour augmenter leur audience et maintenir leur activité.

Comment, dans ces conditions, ne pas effectivement souhaiter promouvoir l'action des fondations auprès du grand public ? Pour autant, sachant que le Parlement n'a consacré de loi qu'à deux journées nationales, une telle loi ne s'imposait pas.

On ne peut par ailleurs que s'étonner de l'absence, dans cette loi, des associations qui oeuvrent tout autant !

Les Français sont généreux, les chiffres le prouvent. Près de 1,1 milliard d'euros de dons sont aujourd'hui déclarés. Une étude récente de l'Observatoire de la générosité et du mécénat de la Fondation de France nous apprend qu'un foyer imposable sur cinq seulement déclare un don. Il y a donc une forte marge de manœuvre en la matière, d'autant plus que les plus généreux sont toujours les plus modestes.

Le renforcement de la cohésion sociale et de la solidarité nécessite l'implication de tous les citoyens. Si l'engagement ne se réduit pas à la générosité financière, l'Etat a le devoir de favoriser les dons comme de soutenir le monde associatif.

Catalogue de mesures fiscales en direction des entreprises, la loi du 1er août 2003 n'a pas créé la confiance à l'égard des particuliers, et n'a pas davantage mis en place de mesures en faveur d'un contrôle plus étroit.

L'Etat ne doit pas se contenter d'accorder une réduction d'impôt aux ménages qui y sont assujettis, donc les plus favorisés, il doit instaurer aussi un crédit d'impôt pour ceux qui n'y sont pas soumis. Si ce dispositif est complexe, il a le mérite d'être plus juste.

La situation est aujourd'hui déséquilibrée en faveur des structures qui disposent du label d'utilité publique, et qui, à ce titre, reçoivent plus de dons - les grandes fondations et les associations nationales.

Le don est par ailleurs fragile, en ce qu'il dépend de la conjoncture économique, du nombre de sollicitations - inondations, marées noires, guerres etc... Une urgence chasse l'autre. Des secteurs entiers ne bénéficient pas de cette générosité. Ainsi les associations s'occupant de détenus à leur sortie de prison ou de délinquants reçoivent peu. De même, certains régions, l'Est par exemple, sont plus généreuses que d'autres. Pour toutes ces raisons, la générosité privée ne saurait se substituer aux politiques publiques : elle ne peut que leur être complémentaire. L'Etat doit aussi veiller à ce que les disparités entre associations ne s'aggravent pas.

Il convient d'encourager le mécénat de proximité pour éviter la fracture entre grandes et petites associations, et de permettre à de petites entreprises de développer un mécénat de compétences.

Sans doute est-ce là ce qui nous sépare, nous considérons que le mécénat doit compléter l'action publique, et non s'y substituer. En effet, le propre d'une politique publique culturelle, sociale ou sportive est de fixer des objectifs, de mobiliser des moyens et des acteurs dans un souci de cohérence et d'égalité, ce que ne saurait faire le mécénat, d'autant que vous ne l'encouragez que par le biais d'incitations fiscales.

S'inspirant du modèle anglo-saxon où des fondations assument des missions qui traditionnellement incombent en France à l'Etat, la droite a créé la Fondation du patrimoine sous le gouvernement Juppé, puis sous le gouvernement Raffarin, la Fondation du sport, si chère au Président de la République, qui remplira les missions que l'Etat n'a plus les moyens financiers d'assumer.

Il est d'ailleurs significatif que ce texte nous soit soumis au moment même où le Gouvernement a décider de geler entre dix et quinze millions d'euros de crédits destinés aux associations. Les subventions pourraient diminuer de 30 à 50 %.

Mme Claude Greff - C'est faux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ces choix sont particulièrement déloyaux pour le monde associatif, ainsi privé de crédits qui lui permettent pourtant d'accompagner l'action publique à court mais aussi à plus long terme. Ces baisses de crédits lui créeront de graves difficultés de fonctionnement auxquelles le mécénat, à l'évidence, ne pourra pas remédier.

Cette proposition de loi, qui part d'une bonne intention, ne débouche pourtant pas sur une politique dynamique mettant en synergie intérêts publics et privés au bénéfice de l'intérêt général. Elle intervient de surcroît dans un contexte de désengagement de l'Etat des domaines culturel, humanitaire, social, sportif... qui laisse craindre d'inquiétants transferts au privé des missions de l'Etat. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Devant un tel constat, le groupe socialiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Claude Greff - Comme d'habitude !

M. Jacques Remiller - L'heureuse proposition de loi de notre collègue Olivier Dassault, dont je suis cosignataire, m'a permis de prendre pleinement conscience du rôle essentiel que les fondations doivent pouvoir jouer dans le grand pays moderne qu'est la France.

Toutes les fondations n'ont pas la chance de la très récente Fondation Ela, destinée à financier la recherche sur les leucodystrophies et les maladies orphelines. En effet, sa création a été annoncée lors d'une émission diffusée le dimanche 22 mai à 20 heures 55 sur France 2, et à laquelle participaient Zinedine Zidane, Florent Pagny, Pascal Obispo, Nagui, François Berléand... et pas moins de deux ministres en la personne de Philippe Douste-Blazy et François d'Aubert. Cette émission a permis de sensibiliser les Français à ces maladies rares et de collecter des dons. Le ministre chargé de la recherche a par ailleurs abondé le capital de cette fondation de dix millions d'euros, si bien qu'elle est, à ce jour, la plus dotée par les pouvoirs publics. C'est d'ailleurs la preuve que l'augmentation du nombre des fondations n'est pas un signe du désengagement de l'Etat, notamment en matière de recherche.

L'élan de générosité constaté lors de cette soirée télévisée m'a convaincu de l'urgence de mieux faire connaître aux Français ces structures essentielles. L'institution de cette journée nationale des fondations ne détournera pas nos concitoyens des associations auxquelles ils sont habitués à faire des dons. C'est parce que nous les connaissons mal que nous ne pensons pas spontanément à donner aux fondations. Nous pensons trop souvent qu'elles ont beaucoup d'argent contrairement aux associations, et nous ne faisons pas toujours le lien entre certaines opérations médiatiques et les fondations qui les organisent. Ainsi chacun connaît l'opération « pièces jaunes » et sa célèbre marraine, sans nécessairement savoir que les fonds collectés vont à la Fondation des hôpitaux de Paris. De même, nos concitoyens donnent beaucoup d'argent lors de la quête organisée en faveur des lépreux le dernier week-end de janvier, tout en ignorant qu'il sert à financer les actions de la Fondation Raoul Follereau. Le travail des fondations est complémentaire de celui des associations et si l'action de l'Etat demeure fondamentale dans les domaines de la recherche, de l'humanitaire ou de la culture, le pragmatisme doit être de rigueur. Il faut mobiliser les fonds là où ils se trouvent, d'autant que les fondations ne reçoivent que 3 % de subventions publiques, contre 53 % pour les associations.

Les associations loi de 1901 sont très médiatisées - je pense à la dernière campagne de la Croix-Rouge soutenue par Adriana Karembeu -, globalement bien connues des Français et soutenues par un ministère de la vie associative. Les fondations, quant à elles, sont beaucoup moins connues, alors qu'elles jouent un rôle majeur dans de nombreux domaines et ne coûtent presque rien à l'Etat.

Certains craignent que cette journée nationale des fondations ne soit un prétexte pour envoyer les enfants quêter sur la voie publique. Elle devrait au contraire être l'occasion d'emmener les élèves visiter une fondation et ainsi les sensibiliser à leur travail en toutes sortes de domaines.

Voilà les raisons qui m'ont poussé à cosigner cette proposition de loi et qui font que je la voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Mme Marland-Militello, M. Baguet et M. Remiller ont eu raison de mettre en exergue diverses initiatives concrètes dans les domaine de la santé, de la recherche et de la culture conduites tant par des fondations que par des associations d'intérêt général reconnues d'utilité publique. Cela ne peut que renforcer ces actions et en inspirer d'autres.

Beaucoup d'entre vous ont cité le domaine de l'art contemporain, exprimant des souhaits ou des inquiétudes. Le Gouvernement est très mobilisé sur le sujet, et des mesures nouvelles sont en cours d'examen pour développer encore le mécénat. Nous pouvons d'ailleurs être fiers de ce qui se fait déjà en ce domaine, fiers que la France ait remporté, avec Annette Messager, le prix de la création contemporaine internationale à la Biennale de Venise, qu'une exposition d'art contemporain, fruit de la collaboration entre un très grand collectionneur européen et des designers français de réputation mondiale, ouvre ses portes le 23 juin au Palais de Tokyo, fiers aussi que l'Etat permette, à compter du premier semestre 2006, au plus grand nombre de jeunes créateurs français d'exposer leurs œuvres au Palais de Tokyo.

Comme beaucoup d'entre vous y ont, à juste titre, insisté, la création de cette journée des fondations ne marque pas un désengagement subreptice de l'Etat. Elle vise seulement à fédérer les talents et les énergies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Je tiens à rassurer M. Brunhes : l'Etat ne se désengagera pas en matière de santé, de recherche et de culture. Il ne s'agit pas non plus de susciter des antagonismes, je ne sais quelle lutte des classes, entre structures philanthropiques, mais seulement de créer des synergies entre fondations et associations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur Le Bouillonnec, les dispositions législatives votées à diverses reprises concernant le mécénat, techniques, financières ou juridiques, ne constituent qu'un cadre qu'il nous appartient ensuite de remplir et de faire vivre. Voilà d'ailleurs pourquoi il nous faut nous mobiliser pour mieux les faire connaître, étant entendu qu'elles ne sont pas réservées aux grandes fortunes ou aux grandes entreprises. Dans la France d'aujourd'hui, le mécénat doit être un mécénat de proximité. Des initiatives remarquables voient partout le jour. Permettez-moi de citer en exemple ma ville de Tours où de petites entreprises mènent des actions très intéressantes dans des domaines aussi variés que l'art contemporain ou l'accompagnement des familles de malades hospitalisés.

Cette journée nationale de mobilisation autour des fondations permettra une meilleure prise de conscience de leur rôle, notamment par les plus jeunes de nos concitoyens. Il ne s'agit pas, Monsieur Le Bouillonnec, de fiscalité, mais de la promotion de valeurs auxquelles nous sommes attachés. Je veux d'ailleurs voir dans l'abstention de votre groupe la marque qu'il approuve ce texte, mais qu'étant dans l'opposition, il ne peut le voter. Mais voyez-vous, dans la France d'aujourd'hui, il est souvent nécessaire de voter oui... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Claude Greff - Voter oui, c'est prendre ses responsabilités !

L'article unique de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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