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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 102ème jour de séance, 242ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 29 JUIN 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

FISCALITÉ LOCALE 2

MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES ÂGÉES 3

POUVOIR D'ACHAT 3

MOYENS ALLOUÉS À LA GENDARMERIE 4

AGENCE DE L'INNOVATION INDUSTRIELLE 4

TRANSPORT ROUTIER 5

TRANSPORTS PUBLICS EN ÎLE-DE-FRANCE 6

MÉDECIN TRAITANT 7

POLITIQUE CULTURELLE
EN LANGUEDOC-ROUSSILLON 7

POLITIQUE DE LA VILLE 8

CANDIDATURE DE PARIS AUX JEUX OLYMPIQUES 10

INSTITUT EUROPÉEN DE TECHNOLOGIE 10

CONSTITUTION D'UNE CMP 11

HABILITATION À PRENDRE PAR ORDONNANCE DES MESURES
D'URGENCE POUR L'EMPLOI (suite) 11

La séance est ouverte à quinze heures.

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de la chambre des députés du royaume hachémite de Jordanie, conduite par son président, M. Abdel Hadi Al-Majali (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

FISCALITÉ LOCALE

M. Augustin Bonrepaux - En tant que président de la commission d'enquête sur la fiscalité locale, j'avais souhaité attendre la fin des travaux pour m'exprimer. Or, le rapporteur général du budget s'est permis hier de faire des déclarations démagogiques. C'est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP) Au mépris de la réalité des chiffres, il a affirmé que les dépenses de communication, de réception et de représentation étaient responsables de la hausse des impôts. Oubliant toute décence, il a même assuré que ces dépenses étaient la cause de l'augmentation de la taxe professionnelle et des délocalisations ! Ces déclarations font honte à notre commission des finances ! (Mêmes mouvements)

Les travaux de la commission d'enquête ont montré, au contraire, que le désengagement de l'Etat est à l'origine de la hausse de la fiscalité locale. Ces résultats sont confirmés par le rapport de la Cour des comptes. Le transfert de compétences aux régions et aux départements sans compensation a entraîné un accroissement des charges que les collectivités ne peuvent financer que par une augmentation de la fiscalité locale. Par ailleurs, la gestion de certaines régions administrées par la droite en collaboration avec le Front national est mise en cause. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur le Premier ministre, la décentralisation voulue par votre prédécesseur est une équation dangereuse : un transfert de charges croissant accompagné de compensations insuffisantes et plafonnées. De plus, en interdisant aux collectivités de décider une hausse de la taxe professionnelle, vous nous obligez à augmenter le seul impôt des ménages. (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous en train de remettre en cause l'autonomie financière des collectivités locales ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - Monsieur Bonrepaux, vous ne nous décevrez jamais ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Les régions tenues par la gauche ont augmenté les impôts dans une proportion inégalée jusqu'à ce jour et vous annoncez aujourd'hui à la représentation nationale que vous allez poursuivre cette politique ! (Protestations sur bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) C'est celui qui vote l'impôt qui en responsable ! Depuis trois ans, notre majorité a démontré que les baisses d'impôts servent la croissance ! (Mêmes mouvements) Vous dénoncez les délocalisations mais vous voulez augmenter la taxe professionnelle. Or cet impôt touche les entreprises qui investissent et embauchent !

Je ne vous laisserai pas faire ce procès d'intention à la décentralisation. D'ailleurs, nous avons un juge de paix : la commission d'évaluation des charges. D'après ses travaux, le transfert des personnels TOS, des routes et du RMI aux collectivités n'a pas entraîné d'augmentation des charges. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) Nous travaillons dans un esprit de responsabilité, et non de polémique. Les électeurs sauront s'en souvenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES ÂGÉES

M. Olivier Jardé - Mon collègue Stéphane Demilly s'associe à cette question. Monsieur le ministre de la santé, votre politique de développement des services aux personnes âgées est une bonne chose, surtout en ces temps de canicule où les personnes âgées ont besoin d'une présence plus importante.

Pourtant, la caisse d'assurance vieillesse vient de décider de manière unilatérale de diminuer de 10% les heures d'aide au ménage des personnes âgées. Concrètement, cela signifie que les personnes âgées qui bénéficiaient de 10 heures de ménages n'en auront désormais plus que 9 et que les nouvelles demandes ne seront pas étudiées avant 2006.

Cette décision va à l'encontre de votre politique et de vos déclarations. Au nom du groupe UDF, je voudrais savoir si vous allez vous opposer à cette mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Lutter contre l'isolement des personnes âgées est une priorité de notre gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UDF), particulièrement en cette période de forte chaleur. Hier, de visite en Savoie, j'ai souligné la nécessité, pour les communes et les associations, de renforcer leur présence auprès des personnes âgées ; car elles sont plus vulnérables que nous. Elles ont besoin d'être aidées et soutenues, et il ne saurait y avoir de désengagement de l'assurance-vieillesse dans le domaine de l'aide-ménagère.

La nouvelle convention d'objectifs et de gestion de la CNAV préserve tous les moyens alloués à cette politique. Cela étant, c'est vrai qu'il existe des disparités entre les régions, mais elles seront corrigées. La CNAV va redéployer des crédits afin de créer des heures d'aide-ménagère supplémentaires.

Le Gouvernement a pour objectif de promouvoir une politique plus ambitieuse de prévention de la perte d'autonomie. Elle passe par de nouveaux types de services - aide au logement, prise en charge des petits travaux d'urgence, portage des repas, etc.

Vous pouvez compter sur ma détermination et sur celle du Gouvernement pour maintenir les moyens nécessaires à cette politique.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

POUVOIR D'ACHAT

M. Jean-Claude Sandrier - Monsieur le Premier ministre, une des revendications majeures des salariés, du public comme du privé, des retraités et des titulaires des minima sociaux, est la hausse du pouvoir d'achat. Il a baissé depuis 2003, et n'a pratiquement pas augmenté depuis. Un salarié qui gagnait 1 500 euros net en 2002, ne gagnait que trois centimes de plus fin 2004.

Et que dire de la hausse des prix qui ampute d'autant le pouvoir d'achat - pétrole, gaz, loyer, assurance-habitat, complémentaire santé, eau, timbres, ordures ménagères... Ce n'est pas l'augmentation de 5% pour la moitié des allocataires du SMIC qui répondra au problème.

La précarité gagne du terrain, le pouvoir d'achat est un élément clé de la croissance et de l'emploi, mais vous vous obstinez à utiliser vos vieilles recettes d'allégement des charges pour les entreprises, alors même que la Cour des comptes en a contesté l'intérêt.

Vous continuez à faire des cadeaux fiscaux - 20% des recettes de l'Etat - et vous venez nous parler de déficit.

Pendant ce temps, les grandes sociétés du CAC 40 ont vu, en un an, leur bénéfice net augmenter de 64%, alors qu'elles suppriment des emplois !

Vous voulez revaloriser le travail, mais en vingt ans, la part des salaires dans la richesse créée a baissé de 10% pendant que la part des profits capitalistes augmentait d'autant.

Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Le pouvoir d'achat est, avec la bataille pour l'emploi, au cœur des préoccupations du Gouvernement. C'est vrai que l'héritage est lourd : grâce aux 35 heures, vous avez voulu partager le travail et, partant, les salaires.

Le Gouvernement a dû réagir. Le pouvoir d'achat a augmenté de 1,7% en 2004, et nous attendons une hausse de plus de 2% cette année. Les prix ont baissé de 2% depuis l'été 2004, et le chariot type de 0,5% depuis février. Enfin, le pouvoir d'achat dépend aussi de la politique pour l'emploi, aussi le Gouvernement a-t-il décidé de débloquer 4,5 milliards d'euros pour 2006, d'augmenter le SMIC-horaire de 5,5% dès vendredi, de débloquer la participation cette année, et de mettre en œuvre un nouvel indice pour les loyers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

MOYENS ALLOUÉS À LA GENDARMERIE

M. Sébastien Huyghe - Madame la ministre de la défense, dans les prochaines semaines, le Gouvernement va achever la préparation du projet de loi de finances pour 2006. il sera marqué par la perspective de la mise en œuvre au 1er janvier prochain de la loi organique relative aux lois de finances. Un programme particulier sera consacré aux moyens de la gendarmerie, et s'inscrira dans une mission sécurité intérieure, commune au ministère de la défense et au ministère de l'intérieur. Cette présentation représente une avancée en termes de lisibilité de l'action de l'Etat, en permettant aux parlementaires de mieux identifier les moyens.

Quels moyens votre ministère entend-il consacrer à la mission sécurité intérieure en 2006 ? Les efforts entrepris depuis 2002 seront-ils poursuivis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - L'effort sans précédent accompli en faveur de la sécurité des Français par le Gouvernement depuis 2002 sera maintenu, voire amplifié, en 2006. La gendarmerie prend toute sa part dans l'amélioration de la sécurité des Français. Ses crédits sont inscrits dans deux lois de programmation, la loi de programmation militaire, et la LOPSI. Ils seront maintenus, car ces deux lois seront respectées.

En 2006, 2 000 emplois de gendarmes seront créés, ce qui portera à plus de 5 000 le nombre des créations depuis 2002. Ces 2 000 emplois de gendarmes s'ajoutent aux 1 200 emplois de policiers créés par le ministère de l'intérieur.

Par ailleurs, le plan d'adaptation des grades aux responsabilités sera poursuivi, et il permettra de renforcer l'encadrement de la gendarmerie, en liaison avec la réforme de l'accompagnement territorial.

S'agissant des équipements, en 2006, les crédits LOPSI s'élèveront à 200 millions d'euros. En tenant compte des ressources de la loi de programmation militaire, ces crédits d'équipements atteindront au total 550 millions d'euros, soit 20% de plus qu'en 2005. Ce budget permettra en particulier d'améliorer le logement des gendarmes, et de renforcer la modernisation des équipements.

Monsieur le député, vous pouvez être rassuré, quand je prends des engagements, je m'arrange pour les tenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

AGENCE DE L'INNOVATION INDUSTRIELLE

M. Philippe Auberger - Monsieur le ministre de l'économie, un rapport a été confié l'année dernière à M. Beffa, président de Saint-Gobain, sur les problèmes de compétitivité de l'industrie française. Ce rapport a conclu à la nécessité de développer l'innovation dans les entreprises industrielles, notamment à l'aide de fonds publics, le cas échéant, sous forme d'avances remboursables. Le Président de la République, dans son discours de vœux aux forces vives de la nation, a approuvé ces conclusions et demandé que l'Agence soit mise en place dès cette année. Nous en avons voté hier ici même la création en adoptant la loi relative à la modernisation de l'économie.

Quand l'Agence sera-t-elle opérationnelle et quand les premiers fonds seront-ils mis à sa disposition ? Quel est le montant de la dotation prévue pour 2005 ? Quelle part en sera réservée aux PME-PMI ? Enfin, des contacts ont-ils été pris au niveau européen pour élargir l'éventail des entreprises susceptibles de bénéficier de cet effort exceptionnel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie - L'innovation industrielle est en effet un puissant vecteur de développement de l'activité et de création d'emplois dans notre pays. Je ne prendrais que deux exemples. La mise au point d'un moteur informatique de recherches d'images offrirait de nombreuses possibilités, notamment à la muséographie. De même, celle d'une IRM encore plus performante renforcerait les moyens de diagnostic du secteur médical. De nombreux projets de ce type sont à l'étude, auxquels nous travaillons avec nos partenaires allemands et italiens.

La création de l'Agence de l'innovation industrielle a été votée à l'Assemblée hier, vous l'avez dit. Une fois le texte adopté au Sénat, restera à prendre les décrets d'application. Celui précisant la composition de l'Agence est d'ores et déjà prêt. Par ailleurs, comme l'a annoncé le Premier ministre, l'Agence disposera d'un milliard d'euros dès cette année. L'objectif est de réserver 25% de cette somme aux PME-PMI car l'innovation, et plus encore la création d'emplois, passent le plus souvent par elles. Au niveau européen enfin, nous avons des contacts réguliers et approfondis avec nos partenaires, allemands en particulier, ainsi bien sûr qu'avec les services de la Commission. Hier même, j'ai rencontré le commissaire à l'industrie, Günter Verheugen, afin de nous assurer que le dispositif envisagé est bien conforme à la réglemetnation communautaire. Vous le voyez, Monsieur le député, nous avons les moyens, la volonté et les projets. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

TRANSPORT ROUTIER

M. Christian Philip - Nos transporteurs routiers ont lancé un cri d'alarme sur la crise du pavillon français, laquelle tient d'abord aux coûts sociaux et fiscaux supérieurs à ceux des autres pays (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), à la hausse du prix du gazole ensuite.

Le premier problème a des conséquences directes sur le cabotage puisque, vous le savez, un transporteur d'un autre pays de l'Union, à l'exclusion pendant cinq ans des entreprises de cinq des pays entrants, peut effectuer des transports intérieurs. Votre prédécesseur, Monsieur le ministre des transports, avait indiqué que, dans le respect du droit européen, des dispositions législatives pourraient être prises pour mettre fin à certaines pratiques abusives, concernant notamment la durée maximale de présence des véhicules sur notre territoire mais aussi le droit social applicable aux conducteurs.

Des mesures ont également été annoncées sur le second point, afin d'améliorer la transparence des contrats entre les transporteurs et leurs clients. Il faut notamment modifier la loi Galland de 1992 afin que les transporteurs puissent répercuter la hausse du gazole.

M. Jean-Paul Charié - Très bien !

M. Christian Philip - Le prix du carburant devrait figurer explicitement dans les contrats et sur les factures.

Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous confirmer que ces mesures, qui vont dans le bon sens, seront bien prises ? Si oui, selon quel calendrier ? Quand le projet de loi nécessaire nous sera-t-il présenté et quand ses dispositions entreront-elles en vigueur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - Bien que le tonnage de marchandises à transporter augmente d'année en année, le transport routier connaît actuellement de graves difficultés pour deux raisons essentielles, parfaitement identifiées, vous l'avez dit. D'une part, une concurrence déloyale ; d'autre part, la difficulté pour les transporteurs à répercuter l'ensemble de leurs coûts, en particulier celui du gazole.

S'agissant du premier problème, j'ai reçu l'ensemble des représentants de la profession avec lesquels nous avons convenu, dans le droit fil de ce qui avait été décidé avec Gilles de Robien, de légiférer en autorisant par exemple l'immobilisation des véhicules en cas de cabotage illégal. En accord avec mon collègue Renaud Dutreil, nous avons décidé qu'un amendement serait déposé en ce sens au projet de loi sur les petites et moyennes entreprises, dont votre commission des affaires économiques se saisit cet après-midi même.

En ce qui concerne la transparence des coûts, les discussions se poursuivent avec l'ensemble des professionnels. Le problème est de trouver un dispositif qui, pour être efficace dans les faits, puisse être réellement utilisé par les fournisseurs vis-à-vis de leurs clients. Nous y travaillons et avons bon espoir d'aboutir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

TRANSPORTS PUBLICS EN ÎLE-DE-FRANCE

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ma question s'adresse au Premier ministre. La réponse que vient de faire M. Copé à notre collègue Bonrepaux illustre de quelle honteuse façon vous dissimulez aux Français l'insuffisance des moyens transférés aux collectivités locales dans le cadre de la décentralisation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP), et ce en violation des obligations posées par la loi du 13 août 2004. Je vais le démontrer en prenant l'exemple des transports publics en Ile-de-France.

Hier matin, de nombreux élus franciliens ont manifesté leur refus des conditions imposées par votre gouvernement à l'occasion du transfert du Syndicat des transports Ile-de-France, le STIF. Elles sont en effet inacceptables. Vendredi prochain, les élus locaux sont censés prendre les rênes du STIF, mais ils ne savent toujours rien des modalités de ce transfert. Les compensations financières envisagées n'intègrent aucun moyen pour assumer le coût du demi-tarif attribué aux bénéficiaires de la CMU, aucun moyen pour la rénovation du matériel roulant de la SNCF, alors que les autres régions en bénéficient, aucun fonds de roulement. Ce qui est en cause ici, c'est la qualité, voire l'existence des transports publics en Ile-de-France, c'est la vie quotidienne de 12 millions d'usagers et de l'ensemble des salariés de la RATP, de la SNCF et des entreprises de transport. A trois jours de l'échéance, la crise est totale.

Monsieur le Premier ministre, le président de la région, Jean-Paul Huchon, vous a alerté personnellement. C'est à vous de vous emparer de ce dossier. Que comptez-vous faire dans les prochaines heures pour sortir de cette impasse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - Je suis un peu surpris de la teneur de votre question. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Le Parlement a voté une loi et vous êtes parlementaire. Je pense que le premier devoir de tout parlementaire est de considérer que les lois sont faites pour être appliquées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Depuis 1948, l'Etat, les collectivités territoriales et les sociétés de transport ont mis en place dans la région parisienne un système de transport exemplaire. D'ailleurs, le Comité international olympique a relevé parmi les éléments positifs de la candidature de Paris la qualité des transports en commun (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) de la région, qui vont désormais, en vertu de la loi de décentralisation, être placés sous la responsabilité du président de la région.

Tous les textes sont en place : la loi, applicable au 1er juillet, mais aussi l'ensemble des décrets d'application.

M. Julien Dray - Et l'argent ?

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - Parlons-en ! Il faut que les Français sachent que l'Etat contribue chaque année à hauteur de 900 millions d'euros aux transports de la région parisienne : 114 millions au titre des transports scolaires, 212 au titre des différentes collectivités, 203 versés spécifiquement à la région et 380 millions au titre des retraites de la RATP. La commission d'évaluation des charges a donné un avis tout à fait positif aux chiffrages qui lui ont été présentés (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et la région était présente à la réunion de cette commission.

Je reçois M. Huchon ce soir même. Nous en parlerons ensemble, mais je veux dire clairement qu'au 1er juillet, chacun devra assumer les responsabilités qui lui ont été confiées par la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

MÉDECIN TRAITANT

M. Christian Ménard - La loi du 13 août 2004, portant réforme de l'assurance maladie, a instauré le médecin traitant. Ce dispositif préserve la liberté du patient tout en freinant l'accès anarchique aux soins spécialisés de seconde intention, ce dont on peut se féliciter. Mais il est vécu par les jeunes médecins généralistes ainsi que par les étudiants en médecine comme une entrave possible à leur installation. Ils craignent en effet que les patients optent pour des médecins traitants déjà installés plutôt que pour des jeunes n'ayant pas eu le temps de faire leurs preuves. Comment éviter que ces jeunes praticiens soient l'objet d'une discrimination ? Et pouvez-vous nous dire où en est la réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Nous aurons atteint ce soir le cap des 20 millions de Français ayant déjà choisi leur médecin traitant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) C'est au-delà des objectifs que nous nous étions fixés ensemble et cela montre bien qu'aux yeux des Français, le médecin traitant relève de la même logique que le médecin de famille. Je les remercie de faire réussir un pan important de la réforme.

Je sais combien vous êtes attaché, Monsieur le député, à la question de la démographie médicale. Il n'est pas question que le nouveau dispositif entrave l'accès des jeunes médecins à l'exercice de la profession. Nous avons relevé le numerus clausus et nous voulons que les jeunes qui s'installent n'aient pas de mal à faire leurs preuves, comme vous disiez. C'est pourquoi nous allons proposer, dans le cadre d'un décret qui sera soumis à partir de demain à la concertation, un moratoire pour les jeunes médecins en ce qui concerne la majoration du ticket modérateur applicable aux assurés n'ayant pas fait leur choix. Cela signifie qu'un patient qui irait voir pour la première fois un jeune médecin venant de s'installer serait pris en charge exactement de la même façon. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) C'est une question de bon sens, car nous avons à la fois besoin d'encourager les vocations et d'assurer une présence médicale suffisante sur tout le territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

POLITIQUE CULTURELLE EN LANGUEDOC-ROUSSILLON

M. Paul-Henri Cugnenc - Ma question s'adresse au ministre de la culture et j'y associe M. Robert Lecou ainsi que l'ensemble de mes collègues du Languedoc-Roussillon.

A l'occasion de votre visite, samedi dernier, dans notre région, Monsieur le ministre, vous avez inauguré à Lodève une grande exposition et assisté au festival Montpellier Danse. Votre déplacement fut l'occasion de rappeler l'intérêt et la nécessité d'un large partenariat pour la mise en œuvre d'une politique culturelle ambitieuse.

Vos propos et vos actions intéressent au premier chef la représentation nationale car la culture est au cœur de la démocratie. Terre dynamique et ouverte, le Languedoc-Roussillon, en raison des décisions et des déclarations de son président Frêche (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) dérive peu à peu vers un règne de brutalité et de terreur. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Avec son sens inné de la concertation, le président de région a en effet décidé de mettre fin à l'accompagnement financier de manifestations culturelles dont la qualité est unanimement reconnue : festival de musique de Maguelonne, festa d'oc de Béziers, festival de Saint-Guilhem, festival de Lodève, festival Visa pour l'image de Perpignan, les exemples ne manquent pas. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Veuillez poser votre question.

M. Paul-Henri Cugnenc - L'opposition ne devrait pas rajouter du sectarisme à un dossier qui n'en contient que trop. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Quelle est votre question ?

M. Paul-Henri Cugnenc - Le président de région compromet l'avenir de ces manifestations et condamne tout partenariat constructif et vertueux entre les villes, la région et l'Etat.

M. le Président - Posez votre question !

M. Paul-Henri Cugnenc - La dérive extrémiste prenant le pas sur le pluralisme républicain, le président de région laisse entendre qu'il se vengera... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Merci, Monsieur Cugnenc.

M. Paul-Henri Cugnenc - ...sur les villes de droite. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Vous ne pouvez outrepasser le temps qui vous est imparti.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Les petites phrases assassines et les comportements sectaires ne m'impressionnent pas. C'est précisément pourquoi j'étais à Lodève et à Montpellier samedi dernier et que je serai à Perpignan et Béziers à la fin du mois d'août. Je dénonce comme vous, Monsieur le député, et j'espère comme vous tous, l'esprit partisan et sectaire mais également l'arbitraire qui règnent en maître aujourd'hui au conseil régional de Languedoc-Roussillon. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) L'attractivité culturelle et touristique, la défense de l'emploi, passent par la conjugaison des énergies. Je ne suis nulle part « Monsieur Désengagement de l'Etat » et je souhaite que chaque collectivité territoriale soit animée par un esprit de partenariat afin que toutes les manifestations culturelles et touristiques se déroulent dans de bonnes conditions. Nous devons tous nous réunir autour de l'indépendance et de la liberté de création dont l'Etat doit être le garant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Je le dis avant qu'il ne soit trop tard, car je ne voudrais pas que dans les semaines qui viennent, un certain nombre de grandes manifestations qui concourent au rayonnement international de la France soient supprimées, dont Visa pour l'image, à Perpignan. Alors que nous craignons les délocalisations, Barcelone n'attend qu'une chose : récupérer cette manifestation. (Huées sur les bancs du groupe UMP) Je souhaite que le président de la région Languedoc-Roussillon saisisse la main que je lui ai tendue. Que les artistes de cette région sachent en tout cas que l'Etat et la République sont à leur côté : je ne voudrais pas que les décisions prises en Languedoc-Roussillon ressemblent à celles du maire d'Orange. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations bancs du groupe socialiste)

POLITIQUE DE LA VILLE

M. Jean Glavany - Sans polémique aucune (Protestations sur les bancs du groupe UMP), permettez-moi de vous dire tout d'abord que la question et la réponse que nous venons d'entendre soulèvent une question de principe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Le maire de la principale ville de ma circonscription, Tarbes, n'est pas de mon bord politique : où irions-nous si je posais des questions à l'Assemblée nationale pour régler des comptes politiques locaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP) Les séances de question permettent d'interroger le Gouvernement et ne doivent pas être utilisées pour régler des comptes avec des élus qui ne sont pas là pour se défendre. (Applaudissements bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; huées sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Posez votre question !

M. Jean Glavany - Concernant la politique de la ville, le Gouvernement a pris des positions qui contredisent formellement son discours.

Premier exemple : le Gouvernement vient de supprimer les crédits d'investissement à la politique de la ville et les associations qui demandent des subventions pour renouveler leurs locaux ou leur parc automobile ne seront désormais plus aidées. L'Etat, par l'intermédiaire du préfet, nous demande de prendre le relais. Si nous le faisons, ce sera sur le dos du contribuable local et MM. Carrez et Copé continueront à faire leur numéro de mensonge éhonté. (Protestations bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Deuxième exemple : en trois ans, les subventions de fonctionnement de la politique de la ville ont baissé de 45%. Nous sommes ainsi contraints de revoir notre politique d'aide de soutien scolaire et l'Etat, une fois de plus, nous demande de prendre le relais. Même réflexion à l'endroit de MM. Carrez et Copé. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Troisième exemple : l'office HLM de Tarbes attend un retard de paiement de deux millions (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je ne comprends pas la réaction de nos collègues : c'est l'Etat qui est ici en cause, non une région ou un département. Nous sommes en l'occurrence obligés d'annuler des programmes de construction. Là encore on nous demande de prendre le relais.

M. le Président - Veuillez poser votre question !

M. Jean Glavany - Dernier exemple...

M. le Président - Vous avez trente secondes pour poser votre question. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany - Nous avons signé il y a un an une opération de renouvellement urbain. Nous avons cette année 4 millions de moins...

M. le Président - Posez votre question ! Si ce n'est pas le cas, je serai contraint de vous interrompre, comme je l'ai fait avec M. Cugnenc.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Vous venez, Monsieur Glavany, de nous expliquer que nous étions dans cet hémicycle pour parler de sujets d'intérêt national. Nous sommes ici également pour regarder les faits, et ne céder à aucune désinformation. S'il est un sujet sur lequel depuis trois ans notre majorité est particulièrement déterminée, c'est bien la politique de la ville (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Voyons les faits. Il y a deux ans, vous examiniez la création de l'Agence nationale de rénovation urbaine : 35 milliards d'euros tous partenaires confondus. Deux ans après ce sont cent vingt chantiers dans notre pays...

M. Julien Dray - Baratin ! Aucun chantier n'a commencé !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - ...des quartiers en pleine modification : les grues sont là, les choses évoluent. Chacun sait ici que parallèlement à la rénovation urbaine un accompagnement social est indispensable. Qui, sur ce plan, a enfin apporté une dotation pérenne à ces communes urbaines sensibles, avec 600 millions d'euros annuels ? C'est le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), avec la réforme de la dotation de solidarité urbaine. Vous en avez beaucoup parlé : nous l'avons fait ! Pour la première fois cette année les communes ont reçu une subvention en augmentation, et il s'agit par exemple d'un million d'euros pour Garges-les-Gonesse. Nos concitoyens compareront cette pérennité avec vos effets d'annonce.

Enfin, pour accompagner les tout petits, il y a les équipes de réussite éducative, avec 500 millions d'euros : trente-huit programmes vont commencer cette année. Voilà l'action déterminée du gouvernement de Dominique de Villepin pour la politique de la ville, instrument de cohésion sociale et d'égalité des chances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - J'indique à M. Glavany qu'il a mis 3 minutes 50 pour poser sa question, contre 3 minutes 45 pour M. Cugnenc - soit dit pour éviter tout procès d'intention. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)

CANDIDATURE DE PARIS AUX JEUX OLYMPIQUES

M. Denis Merville - Monsieur le ministre des sports, le 6 juillet le Comité international olympique choisira la ville retenue pour les Jeux de 2012. Dans son rapport, la commission d'évaluation du CIO a félicité Paris pour la qualité de son dossier et son travail d'équipe exceptionnel. Depuis des mois cette candidature est portée par les plus hautes autorités de l'Etat, et par un appui populaire croissant. Les opérations de soutien se sont multipliées dans tout le pays, et de nombreuses communes ont délibéré en ce sens. Ainsi cette candidature est celle de Paris, mais aussi celle de toute la France ! Ces jeux auront un impact sportif, économique, social, culturel sur chaque citoyen français. L'implantation, par exemple, du village olympique dans le quartier des Batignolles, au cœur du XVIIe arrondissement dont notre collègue Françoise de Panafieu est le député-maire, en sera une illustration. A quelques jours du vote, Monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point sur les chances françaises ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative - Vous avez raison : l'union a donné du souffle à la candidature parisienne. Le consensus politique s'est créé autour du président de la candidature, le maire de Paris, du président de la région, et du Gouvernement. Dominique de Villepin lui-même, en tant que ministre de l'intérieur, avait présenté les dispositifs de sécurité liés à l'organisation des jeux. Mais je tiens, Mesdames et Messieurs les députés, à vous remercier de votre engagement, de la mobilisation dans vos circonscriptions pour faire de la candidature parisienne celle de la France. Les Français se sont mobilisés derrière le projet parisien, et ont fait en sorte - comme le 5 juin sur les Champs-Élysées - de donner une belle image de notre pays. Et puis, comme un symbole, le Président de la République a décidé d'accompagner la candidature à Singapour : il portera cette détermination devant chaque membre du CIO.

Si nous l'emportons, il faudra ensuite nous mettre très vite au travail. Dès la rentrée je vous présenterai la loi olympique qui donnera un cadre général à l'organisation des Jeux. Ce sera l'occasion d'un grand débat sur le développement du sport dans notre pays, avec les moyens nécessaires que j'obtiendrai du Premier ministre. Cela vaut la peine d'être entrepris grâce aux Jeux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

INSTITUT EUROPÉEN DE TECHNOLOGIE

M. Claude Goasguen - Monsieur le ministre délégué à la recherche, ces derniers jours ont été fastes pour la recherche française. Après Cadarache, après l'effort budgétaire exceptionnel accordé pour les chercheurs, le Premier ministre a évoqué au Salon du Bourget la création en Ile-de-France d'un « Institut européen de technologie » : cet ensemble d'un type nouveau permettrait aux chercheurs, aux PME innovantes et aux universités de garder les plus brillants chercheurs français et d'attirer ceux de l'étranger. Je souhaite savoir si ce n'est qu'une annonce, ou si le Gouvernement s'attache réellement à cette réalisation très attendue non seulement des parlementaires, mais des chercheurs et des universitaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche - La France a la chance d'avoir des pôles d'excellence en matière d'enseignement supérieur comme de recherche, tant dans nos universités et nos grandes écoles que dans les grands organismes de recherche. Il est cependant admis que ces établissements sont trop dispersés, et aussi trop cloisonnés. De sorte que nous manquons de visibilité internationale, faute d'une taille suffisante ; et il y aurait avantage à ce que ces différents organismes travaillent plus en commun ; c'est d'ailleurs un des objectifs du futur projet de loi sur l'orientation et la programmation de la recherche et de l'innovation.

D'où l'idée de créer un ou plusieurs instituts européens de technologie, qui rassembleraient sur un territoire donné toutes ces forces d'enseignement supérieur et de recherche, pour atteindre la taille critique qui assure la reconnaissance internationale et rapproche les équipes de recherche, avec pour objectif de tourner notre enseignement et notre recherche vers l'économie et vers les entreprises. Il est en effet de plus en plus clair que la recherche et l'enseignement supérieur sont des facteurs essentiels de compétitivité. Avec cette grande idée d'institut européen de technologie, c'est l'outil d'enseignement supérieur et de recherche du XXIe siècle que nous sommes en train de définir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Ainsi s'achève la dernière séance de questions d'actualité de la session ordinaire. Les questions reprendront à la rentrée et, je l'espère, dans un bon climat.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Bur

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

CONSTITUTION D'UNE CMP

M. le Président - M. le Premier ministre m'a informé qu'il avait décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

HABILITATION À PRENDRE PAR ORDONNANCE
DES MESURES D'URGENCE POUR L'EMPLOI (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi.

M. le Président - Nous poursuivons la discussion générale.

M. Maxime Gremetz - Le 29 mai, le peuple a voté pour rompre avec les politiques de régression sociale mises en œuvre depuis des années au niveau national mais s'appuyant sur la transcription d'exigences antisociales dictées au niveau européen. Ce vote de classe exprimait un refus net du chômage, des délocalisations et de l'insécurité sociale...

Mais je constate que l'on ne m'écoute guère sur les bancs du Gouvernement et de la commission. Je peux vous laisser ensemble, Messieurs... (M. Gremetz quitte la tribune)

M. le Président - La parole est à M. Mariton, puisque M. Gremetz ne souhaite plus, semble-t-il, poursuivre son intervention. (M. Gremetz regagne la tribune)

M. Maxime Gremetz - Non, c'est moi qui ai la parole.

M. le Président - Je suspends la séance.

La séance, suspendue à 16 heures 25, est reprise à 16 heures 35.

M. le Président - Monsieur Gremetz, chacun d'entre nous est tenu de respecter le Règlement de cette Assemblée. Il revient au président de séance de donner la parole aux orateurs. Je vous invite donc à monter à la tribune et à éviter de reproduire ce genre de comportement.

M. Maxime Gremetz - Personne ne m'écoutait !

M. le Président - Je n'ai pas le pouvoir d'obliger les ministres à vous écouter !

M. Maxime Gremetz - Vous refusez, disais-je aux ministres, d'entendre le message que les Français vous ont adressé le 29 mai. A un vote profondément antilibéral, vous répondez avec dédain par une nouvelle potion amère combinant précarité, flexibilité et insécurité sociale.

Dédain également envers la représentation nationale à laquelle vous confisquez le droit de débattre. Gouverner par ordonnance, que ce soit le fait de la droite ou de la gauche, cela revient à nier les droits du Parlement. C'est un véritable déni de démocratie.

Quant aux partenaires sociaux, leur avis n'est plus qu'un gadget, puisque les textes des ordonnances sont déjà prêts dans les tiroirs des ministères. C'est une consultation de façade, pour ne pas dire une mascarade ! Le Medef est certes très satisfait de vos ordonnances. Mais chacun sait, au moins depuis le référendum sur la Constitution, que lorsque le Medef dit oui, les salariés ont tout intérêt à dire non !

De plus, vous présentez ce plan pour l'emploi à la veille des vacances d'été pour éviter la contestation. Vous aviez déjà utilisé cette technique pour la réforme des retraites et celle de la sécurité sociale.

Vous justifiez le recours aux ordonnances par l'urgence, mais vous êtes au Gouvernement depuis trois ans ! J'ai entendu parler de modernité, d'innovation et de créativité, alors que ce plan se situe dans la continuité parfaite de la politique que vous avez menée jusqu'à présent. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'imagination n'est pas au pouvoir ! Depuis votre arrivée, vous avez multiplié les contrats. Aujourd'hui, c'est le contrat « première embauche ».

M. Claude Gaillard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Non, c'est « nouvelle embauche » 

M. Maxime Gremetz - Il y en a déjà tellement que l'on s'y perd. Ce nouveau contrat est assorti d'une période d'essai de deux ans (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). C'est ainsi que le Premier ministre l'a présenté lors de son discours de politique générale. Cet ovni dans le code du travail permettra à un employeur de licencier un salarié, pendant deux ans, sans justifier sa décision. En contrepartie, vous avez promis quelques petits dédommagements, mais c'est bien peu au regard du fait que l'on ne pourra plus contester le bien-fondé du licenciement. Du jamais vu !

Laissez-moi vous lire quelques lignes : « le Premier ministre n'a pas cessé de varier sur la question du contrat de nouvelle embauche et celle de l'assouplissement des seuils pour les salariés. On est passé des micro-entreprises à dix, puis vingt salariés » - et je précise que 3,8 millions de salariés pourront ainsi être exploités sans merci. Quel progrès social ! Mais je poursuis ma citation : « c'est une remise en cause complète de la protection des salariés. Le gouvernement Villepin est en train de donner sur un plateau à la CGPME et au Medef ce qu'ils réclamaient depuis des années. Le salarié n'aura aucun recours pour se défendre, c'est la porte ouverte au délit de sale gueule et au patron de « droit divin », au licenciement abusif. Quand on sait ce qu'un licenciement représente en termes de souffrance humaine et sociale, je trouve cette réforme tout à fait inacceptable ». Or, qui dit cela ? Ce n'est pas Maxime Gremetz, ce n'est pas un communiste, ce n'est pas la CGT ! C'est M. Voisin, président de la CFTC ! Et il ajoute qu'il faut s'attendre à une rentrée sociale agitée si ce contrat était maintenu.

Quel cadeau formidable pour les patrons ! Aux millions de salariés précaires qui existent déjà, vous en ajoutez quatre millions qui ne pourront plus contracter de prêt ni accéder au logement. Comment sauraient-ils, dans ces conditions, imaginer leur avenir ? Quelle sera la société de demain ?

Vous proposez ensuite d'atténuer l'effet de seuil dans les TPE qui embauchent un dixième salarié, l'Etat prenant en charge les frais, soit 5 000 euros en moyenne par an. Et Bercy suggère que l'on pourrait même assumer ces surcoûts pour les entreprises comptant entre 10 et 19 salariés. Que reste-t-il alors de la responsabilité sociale de l'entreprise ? Le Medef réussit le tour de force de faire financer les créations d'emplois par les deniers publics, donc par les contribuables, donc par les salariés eux-mêmes.

Et que dire du fait que l'embauche des jeunes de moins de 25 ans pourrait ne plus être prise en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise ? C'est un véritable torpillage des structures représentatives du personnel dans l'entreprise et de certains droits sociaux qui ne s'appliquent qu'au-delà de 50 salariés, comme la mise en place d'un CHSCT, la participation aux résultats de l'entreprise, la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

Ces mesures remettent en cause le code du travail, voire les conventions collectives. Comme le fait observer le directeur adjoint de l'OFCE, il y aura les entreprises de moins de 10 salariés et les autres, les jeunes et les autres. Ne risque-t-on pas d'assister à une discrimination à l'embauche fondée sur l'âge, selon que l'on aura 24 ou 26 ans ?

En outre, il n'existe d'autre définition des TPE que fiscale. Et nombre de TPE sont en réalité des filiales de grands groupes qui externalisent. Votre dispositif va entraîner une multiplication de ces filiales destinée à contourner la loi.

Quant aux autres mesures, elles ne contiennent pas grand-chose de nouveau. Sous couvert de simplification administrative, le « chèque emploi » affaiblira les garanties offertes aux salariés. Ayant valeur de contrat de travail et de bulletin de salaire, il préfigure un retour au travail à la tâche ou journalier.

M. le Président - Il serait temps de conclure.

M. Maxime Gremetz - Je termine.

On nous propose encore de renforcer le contrôle des chômeurs. Quant aux seniors, vous prétendez favoriser leur embauche à grand renfort d'exonérations de cotisations patronales, au mépris du rapport de la Cour des comptes qui montre que cette politique n'a jamais conduit à la création d'un seul emploi. En revanche, on ne compte plus les effets d'aubaine !

Le Gouvernement se moque du monde, et il en subira les conséquences à la rentrée !

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le projet de loi.

M. le Président - Je salue le conseil municipal des enfants de la ville de Colmar, présent dans les tribunes. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Mariton - La question du chômage est ancienne : pour élevé qu'il soit, son taux actuel l'est moins qu'il a pu l'être dans le passé, notamment lorsque la gauche était aux affaires. Le chômage de masse s'est installé, mais il ne faut pas s'y résigner. S'il y a urgence, c'est aussi que, comme l'ont montré plusieurs scrutins, la gravité du chômage, au-delà de ses conséquences économiques, conduit aujourd'hui notre société à se déliter.

Urgence, intelligence et pertinence, voilà ce qui caractérise ces ordonnances. La situation économique, sociale et politique appelle des réponses urgentes. C'est avant la rentrée qu'il faut avoir pris les décisions nécessaires. Et lorsqu'on se souvient des propos de l'opposition qui jugeait scandaleux, l'an dernier, que le Parlement débatte durant l'été de la réforme de l'assurance maladie, on se dit que les mêmes critiques n'auraient pas manqué de se faire jour si le Gouvernement avait emprunté la voie législative. Celle-ci aurait peut-être pu l'être, mais, outre que le calendrier eût été très resserré, cela n'aurait pas épargné les critiques, de la part de l'opposition comme de nos concitoyens, tant il est comme établi que le Parlement ne peut débattre tout l'été de certains sujets... Les ordonnances sont donc bien la meilleure voie.

Outre qu'elles répondent à l'urgence de la situation, leur logique même est largement comprise. Par les salariés tout d'abord, qui sont conscients qu'il faut essayer de résoudre les difficultés de recrutement liées à l'âge et apporter des réponses mieux adaptées aux jeunes les plus en difficulté, et qui comprennent que les règles ne soient pas les mêmes pour les grandes et les très petites entreprises.

Comprises, les ordonnances le sont également des entreprises qui, souhaitant recruter, apprécient d'y être encouragées par la logique de consolidation du contrat nouvelle embauche, notamment les plus petites d'entre elles. Et il faut se féliciter que ce nouveau contrat soit ouvert à toutes les entreprises jusqu'à vingt salariés, car il n'y aurait aucune raison de le restreindre davantage. Les entreprises apprécient aussi le lissage des effets de seuil et la simplification apportée par le chèque emploi universel.

Comprises, les ordonnances le sont enfin, je pense, de nous-mêmes, parlementaires. Il est bon qu'un large débat puisse avoir lieu à l'occasion de l'examen de ce projet d'habilitation, et le Premier ministre a d'ores et déjà apporté d'utiles précisions. Il sera souhaitable, une fois l'habilitation donnée, que la concertation se poursuive. Tel sera bien le cas, puisqu'il est prévu que les présidents de commission soient consultés, ce qui est bien la moindre des choses. Viendra ensuite le temps de la ratification, très important lui aussi. Dans l'intervalle, toute concertation sera bien sûr bienvenue.

L'accord politique autour de ces ordonnances peut donc être large. Il aurait dû l'être plus encore. Au cours d'un échange public que j'ai eu il y a quelques semaines avec un responsable politique, par ailleurs inspecteur du travail, M. Gérard Filoche, celui-ci, plutôt classé à la gauche du parti socialiste, défendait l'idée d'une adaptation des procédures d'embauche dans le cas des très petites entreprises.

M. Maxime Gremetz - Telle que vous la proposez ? Ne racontez pas d'histoires !

M. Hervé Mariton - Quel dommage qu'il ne soit pas entendu de ses amis politiques !

Ces ordonnances sont également marquées du sceau du pragmatisme, et c'est ce qui leur donne toute leur pertinence. Adaptation des procédures à la taille des entreprises, c'est le bon sens même, je n'y reviens pas. Mais aussi, action simultanée sur l'offre et la demande de travail. Nos politiques de l'emploi ont trop souvent, dans le passé, pâti d'une vision unilatérale, mettant l'accent tantôt sur l'offre, tantôt sur la demande, et agissant souvent à contretemps. L'écueil est cette fois évité puisque les entreprises seront incitées à embaucher et les chômeurs à reprendre un emploi - une prime de mille euros n'est pas négligeable à cet effet.

Oui, je le crois profondément, ces ordonnances sont de nature à rétablir la confiance. Fruit d'une démarche claire, elles s'inscrivent dans la continuité du plan de cohésion sociale et font suite au diagnostic que le ministre de l'économie s'attache à faire partager avec pédagogie et lucidité. Elles prennent également place aux côtés des mesures décidées en matière d'innovation industrielle et d'infrastructures, pour garantir l'avenir. Prises isolément, elles ne suffiraient pas.

Restera à aller encore plus loin, poursuivre et approfondir la démarche, faire montre d'une ambition encore plus grande dans les années à venir. Nous ne pouvons pas nous résigner collectivement à l'existence d'un chômage de masse dans notre pays et abandonner l'objectif du plein emploi. Nul ne nous le pardonnerait.

Dans le monde globalisé et ouvert qui est désormais le nôtre, les défis sont multiples. Permettez-moi de citer ici deux aphorismes du chancelier de l'Echiquier, M. Brown : « Il ne saurait y avoir de changement sans sécurité, ni de sécurité sans changement » (M. Gremetz s'exclame), et « Il y a moins que le Gouvernement puisse faire pour empêcher les personnes de perdre leur emploi, il y a plus qu'il devrait faire pour les aider à en trouver un ». Je retrouve dans cette dernière formule toute la modestie et toute l'ambition qui doivent caractériser notre action. Pour apporter plus de sécurité à nos concitoyens, oui, il faut accepter de changer vraiment les politiques qui, depuis tant d'années, ont échoué à résoudre le problème du chômage. Il faut en finir avec la résignation et retrouver confiance et volonté. Oui, il faut avoir le courage d'innover, aux antipodes de ce que nous propose l'opposition. M  Strauss-Kahn suggérait il y a quelques mois de lancer un Grenelle des salaires pour rétablir la confiance dans le pays ! Voilà sans doute une idée neuve !

Le Gouvernement aura eu le courage d'ouvrir un chemin sur lequel il nous faudra poursuivre. Ces ordonnances constituent le premier chapitre de l'ouvrage. Dès la rentrée, il faudra écrire le second, plus ambitieux encore, qui comporte un véritable projet en faveur du plein emploi. Cela suppose de continuer d'agir à la fois sur l'offre et la demande de travail, de mettre l'accent sur l'adaptation de la formation, d'inciter les conseils généraux à faire en sorte que le nombre de érémistes diminue plutôt que de revendiquer toujours plus de la part de l'Etat pour les rémunérer, mettre en place un service de l'emploi plus efficace, dont les résultats seraient évalués et dont la rémunération serait fonction de son efficacité.

Les ordonnances marquent un temps de mobilisation et de décision. Le groupe UMP y est favorable, mais il invite en même temps le Gouvernement à préparer un chapitre 2, qui prolonge ce que nous engageons aujourd'hui et qui soit marqué par une ambition toute simple, celle du plein emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Le Garrec - J'ai relu attentivement le discours du Premier ministre et j'y ai relevé cette phrase, qui m'a étonné, au sens fort du terme : « Nous avons entre nos mains une des dernières chances de sauver le modèle social français ». Rien que cela ! C'est peut-être accorder au présent texte des vertus qu'il n'a pas, car enfin le modèle social français est le produit d'une longue histoire, faite de nombreux combats. J'ajoute que lorsque l'on veut créer la confiance, ce genre de déclaration n'est peut-être pas ce qu'il y a de plus approprié.

En revanche, je suis d'accord pour considérer qu'il y a urgence. Pas à légiférer par ordonnance, assurément, mais urgence à entendre le message des Français. Celui qu'ils ont émis lors de la dernière élection présidentielle, où l'un des deux candidats républicains a été éliminé du second tour, tandis que l'autre réalisait le plus faible score jamais enregistré depuis l'instauration de l'élection du président de la République au suffrage universel...

M. François Bayrou - Il y avait d'autres candidats républicains.

M. Jean Le Garrec - Bien sûr, je parlais des deux candidats républicains arrivés en tête ! L'autre message fut celui des régionales et des cantonales. Et le troisième fut celui du referendum. Oui, il y avait urgence à comprendre l'angoisse, la désespérance, la peur de l'avenir d'un grand nombre de Français : 230 000 chômeurs en plus depuis trois ans, vous ne pouvez pas faire, Monsieur le ministre, comme s'il n'y avait pas eu, avant ce gouvernement, trois ans d'un autre auquel vous apparteniez ou que vous souteniez ! Sur quatre nouveaux actifs, l'un est chômeur, le second est précaire, deux seulement occupent encore des emplois relativement stables. Vous vous rendez compte de ce que cela signifie ? Nous assistons à un délitement social sans précédent.

Il y avait une autre urgence : dresser le bilan de votre action, voir ce qui avait marché ou pas marché. Il aurait ainsi fallu parler de vos valses hésitations concernant les emplois aidés, de l'augmentation permanente des heures supplémentaires, sans compter les sept heures de travail gratuit de la journée de solidarité... Il aurait aussi fallu voir ce qu'a donné, en termes d'emploi, le milliard et demi d'euros consenti au secteur de la restauration : celui-ci avait promis en contrepartie de créer 30 000 emplois, puis 20 000, mais il n'est plus question de rien.

Une autre urgence aurait été de stabiliser les règles, car la confiance passe par là. Or, je défie quiconque de s'y retrouver dans les modifications opérées depuis trois ans. Et je ne pense pas que les récentes déclarations du ministre de l'économie sur la France qui ne travaille pas assez et qui vit au-dessus de ses moyens soient de nature à restaurer la confiance, en particulier dans les régions victimes de la désindustrialisation.

Il y aurait également urgence à mobiliser les partenaires sociaux, car rien ne peut se faire sans eux. Mais ils sont aujourd'hui désemparés. Et ils attendent une réponse politique. C'est pourquoi je pense qu'il faudrait une Conférence nationale sur l'emploi et les salaires. Si vraiment le modèle social français est aussi menacé que le dit le Premier ministre, cela mérite une telle initiative, que diable ! Et je peux vous assurer, Monsieur le ministre, que les parlementaires seraient prêts à y consacrer le temps qu'il faudrait.

En vérité, ce gouvernement a confondu urgence et précipitation. Aucune étude d'impact n'a été réalisée, aucune approche quantifiée. Nous avons de plus assisté à maintes hésitations, voire à des contradictions entre les ministres, au point que l'on pouvait se demander s'il y avait un pilote dans l'avion. J'ai beaucoup de respect pour les deux ministres assis en face de moi, mais je me demande si les choses ne se sont pas décidées ailleurs, M. Breton ayant sans doute lu à toute vitesse - c'est un homme très pressé - le rapport Camdessus et l'ayant passé à Matignon, qui l'a à peine analysé ! Ces hésitations sur le CNE ou sur les seuils sociaux ont créé une confusion terrible et les organisations syndicales ne savent plus où elles en sont.

Le recours aux ordonnances est une procédure détestable et dangereuse, qui contredit l'engagement du Président de la République sur la négociation comme préalable à l'intervention de la loi, ainsi que l'engagement solennel de M. Fillon de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail. Il est vrai que M. Fillon n'est plus au gouvernement, peut-être précisément à cause de cet engagement, mais le Président de la République, lui, est toujours là ! Or, il n'y a pas eu de négociation, mais tout au plus des échanges bilatéraux. Dont vous cassez d'ailleurs les premiers résultats, puisque les négociations timidement engagées sur les salariés âgés sont interrompues ! Bref, la démocratie sociale est en panne.

Et ne faites pas référence, je vous en prie, à d'autres utilisations de la procédure des ordonnances ! Le Premier ministre a évoqué celles que nous avons prises en 1982. En effet, nous avons procédé ainsi pour les 39 heures, la cinquième semaine de congés payés et la retraite à 60 ans. Mais nous avons légiféré alors dans la foulée des élections, sur un programme qui venait d'être approuvé par les Français. C'était clair et net, alors que nul d'entre vous, aujourd'hui, ne peut décrire précisément le projet du Gouvernement. La moindre des choses était donc de passer devant le Parlement.

Concernant le CNE, le Premier ministre, dont nous connaissons le talent littéraire, a usé d'une litote en ne parlant plus de « période d'essai », car il s'est rendu compte qu'il était en contradiction avec les nombreux accords de branche qui la définissent. Il a donc parlé d'un « temps de consolidation de l'emploi ». Quelle merveille ! Si vous dites cela à un chef d'entreprise, pardonnez-moi l'expression, il va se foutre de votre gueule. Quand un chef d'entreprise embauche, il sait pourquoi.

De quelles garanties bénéficieront ces salariés ? Dites plutôt que vous proposez des emplois jetables. Mais prenez garde, car les PME ou les TPE pourraient également être « jetées » et ne plus trouver de candidats à l'embauche. L'UPA a d'ailleurs fait part de ses inquiétudes.

De même, vous voulez faire sauter les seuils de participation des entreprises à la formation permanente, qui sont de 0,15% ou de 0,25%. Mais qui compensera ? Quid, également, du 1% logement ? Vous jouez au bonneteau !

Depuis vingt ans, nous avons tout vu : la suppression de l'autorisation administrative de licenciement qui devait créer des milliers d'emplois et n'a eu aucun effet ; les emplois à contraintes allégées de M. Gattaz ; les simplifications administratives. Vous tenez toujours le même discours en considérant que le salarié est une charge alors qu'il est une richesse : il n'y aura pas de réflexion sur le développement économique sans réflexion sur l'organisation du temps de travail.

Mon constat est sévère : depuis trois ans, vous regardez en arrière et vous escamotez les problèmes au lieu de les poser dans toute leur complexité. Vous me faites penser à Claude Piéplu qui, dans Les Shadoks, disait de sa voix inimitable : « Quand on ne sait pas où on va, l'important est d'y aller le plus vite possible ». C'est précisément ce que vous faites. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Albertini - La France est inquiète, n'a plus confiance dans son avenir et s'enfonce dans le doute. « Le sursaut » : tel est le titre significatif du rapport remis en 2004 par un groupe de travail présidé par Michel Camdessus, ancien gouverneur de la Banque de France. Il n'est plus temps de tergiverser, il faut agir. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre en a appelé au « soutien de l'ensemble de la nation, de l'Etat, des collectivités locales, des syndicats, des entreprises et des associations » pour gagner le combat contre le chômage.

Aujourd'hui, vous présentez un projet autorisant le Gouvernement à prendre, par ordonnances, des mesures en faveur de l'emploi. L'exposé des motifs insiste sur la nécessité de « lever les freins à l'embauche des nouveaux salariés » et de « faciliter l'insertion professionnelle des jeunes ». Qui ne souscrirait à de tels objectifs ? Sur l'ensemble de ces bancs - dont je note d'ailleurs qu'ils sont hélas un peu vides aujourd'hui, ce qui montre combien le Parlement est dessaisi de ses prérogatives -, qui donc pourrait spéculer sur l'échec de votre action sans condamner la France à connaître de plus graves difficultés ?

En tant que représentants du peuple, nous devons juger le contenu des mesures envisagées et la pertinence de la méthode utilisée. C'est au nom de la liberté que tout élu possède et doit jalousement conserver que j'apporte ici l'appréciation critique du groupe UDF.

Nous faisons largement le même constat quant à la situation économique et sociale de notre pays : la France dispose d'un niveau de protection sociale élevé, d'une forte productivité par heure travaillée, mais souffre, depuis vingt ans, d'un chômage structurel qui évolue entre 8% et 10% de la population active. Non seulement son taux d'activité est trop faible mais elle cumule deux handicaps inquiétants : la jeunesse est la première victime du chômage...

M. Hervé Novelli - C'est vrai.

M. Pierre Albertini - ...et les seniors sont également exclus du travail. Le taux d'emploi des jeunes de 16 à 25 ans est ainsi de 24% contre une moyenne de 44% pour l'OCDE, celui des 55 à 64 ans de 34% contre près de 50%.

Ce double échec n'est pas acceptable. Il traduit un net décrochage dans la création d'emplois depuis quelques années. Ainsi, de septembre 1997 à septembre 2000, plus de 1 100 000 emplois salariés avaient vu le jour. En 2004, malgré une croissance supérieure à 2%, seuls 17 000 postes salariés ont été créés. Plus grave, pour le premier trimestre 2005 le solde net serait négatif - moins 6 000 ! Tous les indicateurs sont au rouge : creusement des déficits, envolée de la dette, balance négative des transactions courantes, c'est toute la compétitivité de notre pays qui se dégrade. Comme vient de le reconnaître, assez lucidement, le ministre des finances, nous vivons « au dessus de nos moyens ».

Pourtant, ainsi que le montre le rapport de la DARES publié en 2003, nous avons depuis trente ans accumulé des dispositifs, dont aucun n'a pu résorber le chômage. Mesures catégorielles en faveur des jeunes, des plus âgés, des chômeurs de longue durée ; aides au bénéfice du secteur marchand ou du secteur non marchand ; allégement du coût du travail, développement des stages, réduction incitative ou - pire - obligatoire de la durée du travail... Rien n'y a fait. Les dépenses pour l'emploi ont considérablement augmenté, non leur efficacité.

La conséquence en est une multiplicité de statuts et un foisonnement d'allocations, qui conduisent à une société fragmentée. L'effort demandé, au lieu d'être massif et équitablement réparti, s'est perdu en mille mesures ponctuelles, destinées à apaiser successivement les agriculteurs, les médecins, les transporteurs, les restaurateurs, les fonctionnaires, les marins pêcheurs, les pompiers, etc., sans véritable contrepartie de ces professions. Cette énumération à la Prévert caractérise une politique qui a toujours hésité sur ses priorités. On ne compte plus les plans d'action, chacun donné pour plus pertinent que le précédent.

Comment s'étonner, dès lors, qu'en refusant de choisir vraiment on ait peu à peu développé chez nos concitoyens des réactions de scepticisme, de précaution, voire de repliement sur leur sphère privée ? Le taux d'épargne des Français est d'ailleurs parmi les plus élevés du monde, à plus de 15%.

Depuis quelques années, les rapports se sont multipliés : Camdessus, de Virville, Cahuc-Kramarz, Hirsch, Marimbert, et j'en passe.

M. Jean Le Garrec - C'est vrai.

M. Pierre Albertini - Chacun a proposé des pistes intéressantes pour répondre à cette question : comment conserver un haut niveau de protection sociale sans fournir, en même temps, une quantité de travail supérieure ? La quasi-totalité de ces propositions est restée lettre morte. L'heure de choix cohérents et durables est maintenant venue.

L'anecdote prétend que, sur le bureau de chaque Premier ministre, est affiché le précepte suivant, à l'usage des visiteurs : « Je sais ce que j'ai à faire, dites-moi plutôt comment le faire ». Est-ce si simple ? Nous ne le croyons absolument pas.

M. François Bayrou - Très bien.

M. Pierre Albertini - Au point où nous en sommes de dépression collective et de creusement des inégalités, nous avons besoin d'un débat de fond préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste) pour arbitrer en faveur du travail et non du capital, de la protection des personnes et non des avantages acquis. Pour remettre en marche l'ascenseur social au lieu de laisser se développer la pauvreté et la précarité. Pour redonner confiance et faire de chaque Français un acteur de son destin.

En précipitant le mouvement en faveur des ordonnances, ce n'est pas la voie que vous avez choisie. Nous le regrettons profondément. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste) D'une part, vous dessaisissez le Parlement quand nous aurions besoin du plus large consensus possible. Un gain de temps de quelques semaines ne résistera pas à l'inconvénient d'une absence de vraie confrontation des points de vue. Certes l'opposition, celle d'aujourd'hui comme celle d'hier, a la fâcheuse habitude de s'opposer, et de juger une idée en fonction non de sa pertinence, mais de son origine politique, et parfois de pratiquer l'obstruction parlementaire. Mais ce n'est pas une raison pour priver les assemblées de leur rôle législatif. Nous assistons à un véritable dévoiement de l'esprit des institutions. Reportez-vous aux travaux préparatoires de la Constitution de 1958 : à l'origine, on n'avait prévu le recours aux ordonnances que pour des réformes d'une certaine ampleur ou d'une grande technicité, et ce fut le cas de la sécurité sociale dans les années soixante. Ce n'est pas le cas aujourd'hui : depuis des années on abuse des ordonnances pour des sujets secondaires.

En outre l'expérience montre qu'à légiférer trop vite on légifère souvent mal. Ce risque est aggravé par le fait que les ordonnances ne donnent plus lieu à une éventuelle correction parlementaire, en l'absence désormais récurrente de ratification explicite. Toute erreur ainsi commise - il y en a eu, il y en aura - ne pourra donc être corrigée avant de longs mois. L'étroitesse des moyens budgétaires dont vous disposez aurait dû vous conduire, Monsieur le ministre, à poser clairement, devant l'opinion, la question des priorités, afin d'obtenir l'adhésion des Français à ces priorités.

D'autre part, et surtout, le contenu des futures ordonnances n'est pas à la hauteur des enjeux. Certes, plusieurs mesures sont positives dans leur principe : la simplification de l'embauche et des déclarations, l'utilisation du chèque emploi par les petites entreprises et l'effacement de certains effets de seuils, trop nombreux dans notre code du travail. Au-delà même de ce projet, l'annonce d'une éventuelle suppression de la contribution Delalande reçoit notre soutien.

En revanche, la création d'un nouveau type de contrat de travail, le contrat « nouvelle embauche », nous paraît inutile, voire dangereuse. Comment sera garanti l'équilibre entre droits et devoirs des salariés ? L'existence d'une période d'essai - même si certains préfèrent la désigner autrement - beaucoup trop longue, offrira à l'employeur des motifs de rupture facilitée. Et cette rupture du contrat de travail sera-t-elle accompagnée du versement d'une indemnité? Comment celle-ci sera-t-elle calculée ? Mystère... On a toutes les raisons de craindre un nouveau report de la charge sur la collectivité, à qui les mesures de licenciement coûtent très cher depuis vingt ans. Le code du travail, comme vous le savez, ignore largement la notion de période d'essai : celle-ci relève des conventions collectives et accords de branche qui s'appliquent à l'immense majorité des salariés. Or, la plupart de ces accords retiennent une durée de trois mois. En la portant à deux ans, vous ignorez des accords conclus de longue date par les partenaires sociaux. Il est pourtant bien des domaines dans lesquels le contrat vaut mieux que la loi - ou que l'ordonnance en l'espèce.

Quant aux mesures en faveur des jeunes de moins de 26 ans, dont nous savons peu de chose, elles risquent de compléter la panoplie des accessoires louables mais inopérants. Sauf à être sensiblement complété, ce qui n'est guère probable au vu de la tournure de cette discussion, l'ensemble n'est pas de nature à créer le choc et le sursaut escomptés.

A nos yeux, une politique de l'emploi n'a pas de sens si elle est considérée isolément ; elle doit s'inscrire dans une vision plus large, qui inclue la formation et la recherche, la fiscalité et la politique des revenus, la démographie et la famille. Elle ne peut être qu'un élément d'un tout, c'est-à-dire d'un véritable contrat avec le peuple. Est-il besoin de souligner que les conditions n'en sont pas réunies en 2005, quelle que soit votre bonne volonté personnelle et celle du Premier ministre, qui ne sont pas en cause ?

Dans l'attente d'un tel pacte, indispensable pour redresser la France, les propositions de l'UDF comportent quatre volets complémentaires. Elles sont inspirées par la nécessité de concilier efficacité économique et équité sociale.

Tout d'abord, l'assiette des charges sociales pénalise trop le travail, valeur essentielle de notre société. Le dispositif des cotisations patronales et salariales a été établi lorsque nous connaissions une situation de plein emploi : je rappelle qu'avant le premier choc pétrolier de 1973-1975, le taux de chômage était de 3%. Ce dispositif ne convient plus quand il y a quatre millions de chômeurs, puisqu'aux inscrits à l'ANPE, il faut ajouter plus d'un million de érémistes et les bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité.

M. François Rochebloine - Vous parlez vrai.

M. Pierre Albertini - Pour éviter que les charges continuent d'assécher le marché du travail, nous proposons un transfert important vers la CSG, dont l'assiette couvre 97% des revenus. D'autres ont proposé une TVA sociale. Quoi qu'il en soit, il faut en finir avec ce système injuste pour le travail, d'autant que la réforme inachevée des retraites obligera à d'autres choix douloureux.

Ensuite, il faut augmenter la quantité de travail fourni, et tout au long de la vie, car là est notre différence majeure avec les pays voisins.

M. Jean-Jacques Descamps - Des pays libéraux.

M. Pierre Albertini - Certes, il faut encore assouplir la durée hebdomadaire du travail, mais surtout, améliorer le taux d'activité des jeunes et des plus de 50 ans et moduler le temps de travail selon la pénibilité, les risques, les souhaits, les périodes de la vie. Qu'un jeune de 20 ans et un homme de 60 ans travaillent le même temps est absurde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

L'obstacle principal pour les jeunes étant le manque d'expérience professionnelle, nous vous proposons d'expérimenter les emplois francs imaginés par François Bayrou : les petites entreprises pourraient employer un jeune, les plus grandes deux jeunes avec des cotisations sociales limitées à 10% pendant cinq ans. Pour les plus âgés, il faut supprimer les restrictions auxquelles aboutissent les préretraites et la contribution Delalande et permettre un cumul plus large entre emploi et retraite, avec des limitations.

M. François Bayrou - Très bien !

M. Pierre Albertini - Dans le même temps, il faut adapter le code du travail.

M. Jean-Michel Fourgous - Il est intouchable !

M. Pierre Albertini - Son intérêt est de fournir un cadre à l'activité des entreprises et de protéger les droits des salariés de façon équilibrée. Mais il est devenu un code de procédures plus que de principes.

M. François Bayrou - Très bien !

M. Pierre Albertini - De ce fait les contentieux se multiplient, le juge interprète sans cesse et cette insécurité juridique est préjudiciable à tous. Il faut refondre le code du travail pour le rendre plus clair.

Dans cette perspective, il faut étudier rapidement la proposition avancée dans plusieurs rapports, comme le rapport Camdessus, d'un contrat de travail unique. Pour nous, ce serait un contrat à durée indéterminée avec renforcement progressif du mécanisme d'indemnisation et de protection du salarié. Or si l'on vous suit, nous aurons demain trois contrats, le CDD, le CDI et le contrat de nouvelle embauche.

M. François Bayrou - Un contrat de plus !

M. Pierre Albertini - Si aujourd'hui un employeur n'embauche pas, ce n'est pas parce que le cadre juridique est inadapté, c'est qu'il craint l'avenir et la lourdeur des charges. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean Le Garrec - Evidemment !

M. Pierre Albertini - Enfin, il faut rendre plus efficace le service public de l'emploi. Selon le rapport Marimbert, nous consacrons 50 milliards à intervenir sur le marché du travail, et les résultats sont décevants. Il est inutile de créer de nouvelles structures ; en revanche, il faut rapprocher les principaux partenaires pour mieux coordonner leur action au service d'un projet de développement local. Telle est la grande leçon des expériences étrangères réussies : le temps du cloisonnement est révolu. Il faut aussi assurer un accompagnement individualisé dès les premières semaines de chômage, avant le glissement dans l'inactivité ou un confort illusoire. Nous espérons disposer rapidement des conclusions des expériences en cours à Rouen et à Lille. Tout ce qui concourt à une recherche active d'emploi doit être encouragé et il faut réhabiliter et récompenser le travail.

La situation est trop grave pour faire l'économie d'un débat de fond sur les propositions que je viens de présenter afin de concourir à renouveler notre modèle social et à le rendre protecteur, dynamique et solidaire.

Vous avez choisi une autre voie, celle des ordonnances qui contournent la représentation nationale au moment où les Français devraient se rassembler. Nous ne pouvons l'approuver. Vous revendiquez d'être jugé sur les résultats. Sans faire de procès d'intention, nous craignons qu'ils ne soient pas à la hauteur du mal profond que nous ressentons tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Germinal Peiro - En 1995, Jacques Chirac promettait de lutter contre la fracture sociale. Dix ans plus tard, malgré la reprise de l'emploi quand la gauche était au pouvoir, les inégalités entre riches et pauvres sont plus prononcées que jamais. Surtout, la politique n'a jamais été aussi peu crédible : malgré les annonces, vous faites le contraire de ce qu'il faudrait faire, et pis encore, vous menez une entreprise de restauration monarchique.

Le 29 mai a révélé la crise de confiance dans la démocratie ; vous n'en tenez pas compte. Dans ce vote, vous voyez une volonté des Français de combiner leur modèle social et le projet européen. Mais vous cassez le code du travail, la démocratie sociale dans l'entreprise, tous les mécanismes de protection. Ainsi, vous annoncez un nouveau contrat précaire avec deux ans d'essai, vous étendez l'apprentissage sous-payé au détriment de l'enseignement professionnel, alors même que 40% des apprentis rompent leur contrat avant la fin de la formation à cause des mauvaises conditions de travail et d'une rémunération qui varie de 25% à 78% du SMIC, sans charges patronales. La majorité a même rétabli la possibilité du travail de nuit pour les moins de 18 ans, interdit par l'OIT. Est-ce là votre vision du modèle social français ?

Vous dites aussi que les Français veulent un équilibre entre solidarité et liberté, qu'ils attendent que nous affirmions les valeurs héritées de 1789. Dans le même temps, vous restaurez les privilèges des mieux lotis, vous brisez le pacte républicain, vous rendez l'emploi plus flexible et accordez de nouvelles exonérations de cotisations sociales sans contrepartie. Pourtant, les 18 milliards prévus à ce titre dans le budget 2005 n'ont eu aucune efficacité.

Vous dites vouloir lutter contre les discriminations au travail. Mais vous encouragez l'élitisme et une société de la méritocratie quand les fondements mêmes de l'égalité ne sont plus garantis. Qui est le plus méritant ? L'élève de grande école qui finit à la direction de l'entreprise paternelle, ou ces nouveaux immigrés, que pourtant vous allez livrer au Medef par votre politique de quotas ?

Allez-vous favoriser l'insertion de quelques-uns ou rechercher l'intégration de tous en élaborant une véritable politique de mixité sociale sur l'ensemble du territoire, y compris à Neuilly-sur-Seine ?

Autre décalage entre votre politique et vos discours : vous invoquez le génie français fait de solidarité, d'initiative, de protection et d'audace et vous créez le chèque emploi qui tient lieu à la fois de salaire et de contrat de travail. Pour protéger les salariés, on a vu mieux ! On ne vous accorde pas plus de crédit qu'à M. Chirac lorsqu'il prétend lutter contre la pauvreté dans le monde. Votre politique conduira au divorce des élus et des citoyens. Au lieu de chercher à tirer toute la population vers le haut, vous capitulez devant une poignée de financiers. La marchandisation des hommes est-elle l'ultime étape du libéralisme ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Enfin, vous proclamez la « démocratie moderne » et vous recourez aux ordonnances pour contourner le débat parlementaire. Cette méthode n'avait pas porté chance à M. Juppé.

On vous tient pour un bel esprit mais, selon d'Alembert, « le faux bel esprit tient de plus près qu'on ne le croit à la barbarie ». Lorsque, par ordonnance datée du 25 juillet 1830, Charles X suspend la liberté de la presse, il prépare son départ. Peu avant lui, Napoléon n'avait pas tenu plus de cent jours. C'est le sort que le peuple de France réserve à ceux qui veulent le mettre en esclavage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Michel Fourgous - Dans notre pays, on vante un modèle social exceptionnel. Mais peut-on encore le vendre aux chômeurs et aux jeunes qui ne trouvent pas d'emploi ? Dans les salons parisiens ou dans un cours de l'ENA peut-être, mais dans mes permanences à Trappes, à Bois d'Arcy ou à Elancourt, je n'y parviens pas !

En vérité, notre modèle est le reflet de notre décadence depuis vingt-cinq ans. La culture de nos dirigeants, issue d'une certaine école de fonctionnaires, entretient la défiance envers les entreprises et une idéologie contre le travail. Les 35 heures ont coûté entre 12 et 17 milliards d'euros alors qu'un milliard d'euros suffit à créer 30 000 emplois durables ! Notre politique fiscale est construite contre le capital. Pour preuve, un impôt sur la fortune dont l'assiette est la plus large au monde et le taux le plus élevé.

M. François Rochebloine - S'il suffisait de réformer l'ISF, on le saurait !

M. Jean-Michel Fourgous - Enfin, notre système éducatif apprend à nos enfants que c'est l'Etat qui créé la richesse, et non les entreprises.

La théorie divise, seule la pratique réconcilie.

M. Jean Le Garrec - Oh la la !

M. Jean-Michel Fourgous - Je suis un ancien chef d'entreprise.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Vous n'êtes pas le seul ici !

M. Jean-Michel Fourgous - Les résultats des dernières élections en Europe ont montré que le pragmatisme l'emporte sur les idéologies. Aucun pays n'a suivi notre modèle.

M. Jean-Jacques Descamps - C'est vrai !

M. Jean-Michel Fourgous - Le partage du travail a montré ses limites.

M. François Rochebloine - Pourquoi avez-vous attendu pour remettre en cause les 35 heures ?

M. Jean-Michel Fourgous - Les cinq pays de l'OCDE qui travaillent le moins ont en moyenne un taux de chômage de 9% tandis que les cinq qui travaillent le plus ont un taux d'environ 5%.

Embaucher un fonctionnaire ne fait en rien reculer le chômage : nous cumulons le record du nombre de fonctionnaires - 50% de plus que la moyenne européenne - et un taux de chômage élevé. En réalité, lorsqu'on crée un emploi public, on en détruit deux dans le privé. Nous sommes d'ailleurs le seul pays au monde où l'on enseigne, de l'école à l'ENA, que le système public est plus moral que le privé !

Chez nous, il est impossible de trouver 15 000 euros pour sauver une entreprise et ses salariés, mais on n'hésite pas à en dépenser 75 000 pour un seul emploi jeune dans l'administration ! Dans le même esprit, la BDPME a un budget de 120 millions d'euros pour 2 milliards d'entreprises tandis que la seule SNCF reçoit de l'Etat 12 milliards. Avec cet intégrisme public, on est en train de piller le système !

La protection de l'emploi est un mythe. Selon une étude, les pays les plus protecteurs ont un taux de chômage 60% supérieur à celui des autres. Il faut trois à six mois pour retrouver un emploi en Grande-Bretagne ou au Danemark, un an en France. Est-ce cela la justice sociale ?

Depuis 1981, on oppose modèle social et modèle économique. Contrairement à nous, le Danemark a su assouplir le code du travail tout en conservant son modèle social avec succès : le chômage est passé de 12% à 5% de 1993 à 2004. En France, nous continuons à organiser des colloques « pour ou contre la mondialisation ? » alors qu'à l'étranger, on débat pour savoir comment en profiter. « Modèle social, politique sociale, traitement social » : que de belles formules ! Mais la réalité ?

Pour moi une véritable politique sociale consiste à encourager la croissance et l'emploi, donc à faire confiance aux entrepreneurs. La télévision multiplie les reportages sur les plans sociaux et les chefs d'entreprises impliqués dans des scandales financiers. Dans cette Assemblée, j'ai entendu un député de gauche dire qu'il fallait « faire rendre gorge aux chefs d'entreprise » et un autre vient de parler à l'instant de « marchandisation des hommes ». Les mesures fiscales en faveur des entreprises seraient des « cadeaux » aux entrepreneurs, alors qu'en réalité, 80% du chiffre d'affaires d'une entreprise servent à la solidarité. Un ministre a même osé parler de « patrons voyous ».

M. François Rochebloine - Des voyous, il y en a partout !

M. Jean-Michel Fourgous - Pour avoir dirigé une entreprise, je sais que le licenciement est un véritable déchirement, et ne peux admettre qu'on présente un chef d'entreprise comme fier de licencier, ainsi qu'on le fait à gauche.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - C'est faux !

M. Jean-Michel Fourgous - Il n'y aura pas de croissance sans que l'on restaure la confiance dans les entrepreneurs. Avec le groupe « Génération entreprise », nous avons réussi à faire adopter un amendement qui orientera l'épargne vers les PME et les encouragera à créer des emplois.

Quant à notre code du travail, il comptait 1 600 pages en 1994, 2 000 en 1994 et 2 300 en 2004 ! Quand fera-t-on cesser cette inflation qui rend très compliqué pour un employeur d'embaucher sans l'aide d'un DRH ou d'un directeur juridique ?

Enfin, n'oublions pas qu'il n'y a pas de modèle social sans modèle économique, et que nous ne pourrons nous dispenser d'une grande explication sur l'économie de marché et la culture d'entreprise en France.

En attendant, j'adhère évidemment à ce projet de loi, que je voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Légiférer par ordonnances est contestable. Bien sûr, elles sont prévues par la Constitution, mais comment pouvez-vous invoquer l'urgence pour y recourir alors que vous êtes aux affaires depuis trois ans ? Il vous aura donc fallu le choc du 29 mai pour enfin prendre conscience de la situation ?

M. Fourgous a critiqué longuement l'action de la précédente majorité, alors que les emplois jeunes ont permis d'embaucher 350 000 jeunes.

M. Jean-Michel Fourgous - Comment sont-ils payés ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal - 2 millions d'emplois ont été créés ainsi, j'attends que vous en fassiez autant !

M. Jean-Michel Fourgous - Mais vous en avez détruit deux fois plus !

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Et que dire de votre mépris pour les fonctionnaires ! Je vous rappelle à ce propos que les députés de gauche ne viennent pas tous de la fonction publique, nombre d'entre eux ont été salariés...

M. Jean-Michel Fourgous - Je suis un ancien fonctionnaire.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - ...comme je l'ai été moi-même, avant d'être chef d'entreprise.

M. Jean-Michel Fourgous - Et vous avez voté les 35 heures ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Je l'aurais fait avec plaisir si j'avais été député.

Par ailleurs, qu'est devenue la promesse du Président de la République de faire du dialogue social un préalable à toute évolution du droit du travail ? Tous vos textes législatifs ont été adoptés sans concertation avec les partenaires sociaux et le paritarisme a été gravement remis en cause, notamment par la création de la CNSA. Vous comptez apparemment recourir à cette méthode pour faire passer, sans débat et pendant les vacances des Français, de nouvelles mesures de régression sociale. Le texte de votre projet de loi est en effet suffisamment vague pour permettre toutes les dérives.

S'agissant de votre nouveau contrat de travail, vous ne leurrez personne en lui prêtant à la fois les avantages du CDD et du CDI. Il est plus probable en effet qu'il en cumule tous les inconvénients pour le salarié. Pendant deux ans, celui-ci pourra être licencié à tout moment sans justification, avec un préavis très court, et une indemnité dérisoire.

Quant à la prétendue alliance de la flexibilité pour l'entreprise et de la sécurité pour le salarié, elle n'est pas crédible.

Vous prétendez vouloir agir contre les effets pervers des seuils inscrits dans notre droit social, mais en retenant le seuil de 20 salariés, vous élargissez le champ de votre nouveau contrat de travail à toutes les petites entreprises, qui emploient plus de 4 millions de salariés. Nous l'avions déjà dit il y a quelques mois, lors du débat sur le temps de travail - à l'occasion d'une proposition de loi, ce qui permettait d'éviter le passage devant le Conseil d'Etat.

M. Jean-Michel Fourgous - Dans quelles conditions la loi Aubry a-t-elle été votée ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Ce n'est pas en procédant ainsi que vous allez inciter les jeunes à travailler au sein des très petites entreprises. Votre politique est source d'inégalités, et ne créera pas d'emplois pour autant.

Le chômage n'est pas à imputer à un droit du travail trop rigide, mais à la faiblesse de notre économie, à l'insuffisance du pouvoir d'achat, au sacrifice des instruments de la politique de l'emploi. M. Breton déclarait lui-même, dimanche, qu'il ne croyait pas à la relance de la croissance. Cela résonne comme un aveu d'impuissance, qui révolte nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hervé Novelli - Seule une raison impérieuse pouvait me convaincre d'approuver un projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre certaines mesures législatives par ordonnances, d'autant que je suis de ceux qui estiment que le Parlement n'a pas aujourd'hui la place qui lui revient.

M. Eric Besson - Vous avez changé de discours !

M. Hervé Novelli - Pas du tout. Mais les circonstances imposent le recours aux ordonnances. Personne ne peut nier, en effet, qu'il y a urgence à lutter contre le chômage. Une discussion parlementaire aurait retardé la publication des décrets d'application. Avec les ordonnances, le Gouvernement entend mettre en place son plan pour le 1er septembre.

Parce que l'emploi est une priorité, nous ne pouvons qu'approuver le volontarisme du Gouvernement.

Encore faut-il que le projet de loi contienne des mesures susceptibles d'être efficaces à court terme, ouvre une voie nouvelle et ne s'en tienne pas aux sempiternelles mesures que nous nous épuisons à prendre dans ce pays - je pense à la redistribution sociale et à l'allègement inefficace des charges sociales sur les bas salaires.

Vous avez le mérite de reconnaître que les très petites, petites et moyennes entreprises sont sources d'emplois. Encore faut-il qu'elles soient incitées à en créer.

Si le taux de chômage est de 10%, et qu'il n'a jamais été inférieur à 8% ces vingt dernières années, c'est que notre moteur économique est asphyxié, c'est que les TPE et les PME ne peuvent pas se développer.

Il n'y a pas de Microsoft à la française, car notre réglementation et notre fiscalité sont fossoyeuses d'énergie. Nous nous débattons depuis des années dans le cycle infernal des dépenses publiques trop élevées, liées notamment à un système de redistribution qui atteint ses limites, à une fiscalité trop lourde, aux déficits et à l'endettement.

Le système français ne marche pas : chômage élevé, stagnation de l'investissement, et, fait nouveau, recul de la France dans le commerce mondial avec à la clé un déficit commercial, preuve du recul de notre compétitivité. M. Breton l'a dit, la France vit au-dessus de ses moyens !

Face à cette situation, il est de bon ton d'opposer deux modèles, le modèle danois, avec une forte protection des demandeurs d'emplois et un niveau élevé de prélèvements, et le modèle anglo-saxon, qui repose sur une protection allégée et un strict contrôle des chômeurs.

Ces deux modèles donnent de bons résultats : le taux de chômage est largement inférieur au nôtre, et surtout, la durée moyenne du chômage est de quelques mois, contre plus d'un an chez nous.

S'ils diffèrent, ces deux modèles ont d'ailleurs un point commun : la flexibilité !

M. Alain Néri - Et la précarité !

M. Hervé Novelli - Flexibilité n'est pas synonyme de jungle. C'est seulement la possibilité de créer des emplois et d'y mettre fin facilement, à moindre coût.

Au Danemark ou dans les pays anglo-saxons, l'objectif est de réduire le plus possible le temps passé au chômage. En France, le code du travail, en multipliant les dispositifs pour tenter de limiter les licenciements, a sclérosé l'ensemble du marché du travail : malheur à celui de nos concitoyens qui perd son emploi car il lui sera très difficile d'en retrouver un ! En fait, au nom de la protection sociale, a été instituée dans notre pays une redoutable machine à exclure. Longtemps, les titulaires d'un emploi stable se sont accommodés de la situation. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. La stagnation du pouvoir d'achat, le creusement des déficits, la persistance d'un chômage structurel sont l'amère traduction de la rigidité de notre droit du travail. A trop vouloir corseter l'emploi, on l'a fait se tarir, notamment dans les PME, premiers gisements naturels, mais très vulnérables face à l'hyper réglementation. A vouloir trop se protéger contre le chômage, on a favorisé la précarité. A refuser la flexibilité, on a multiplié stages et CDD...

J'approuve donc le contrat nouvelle embauche qui permettra aux PME d'embaucher sans avoir à supporter toutes les contraintes liées à un éventuel licenciement. Contrairement à ce que certains laissent accroire, ce contrat n'accroît pas la précarité. Il fait simplement le pari de la simplicité au service de l'emploi. Cela est nouveau et n'a jamais été tenté. De même, le lissage des seuils sociaux apportera une bouffée d'air à de nombreuses PME. Le coup de massue subi aujourd'hui par la PME qui embauche un dixième salarié est un frein puissant au développement de l'emploi. Au nom de quoi une entreprise de dix salariés devrait-elle payer plus de charges et être soumise à plus de réglementation qu'une entreprise de neuf ? Il est temps, à l'instar de ce qui a été fait dans de nombreux pays, d'établir un code du travail spécifique pour les PME. Faciliter à celles-ci l'accès aux marchés publics, trop souvent chasse gardée des grandes entreprises, est également une bonne mesure.

La reconnaissance de la spécificité des PME doit aller de pair avec la rénovation de notre contrat social. Il faut accroître la responsabilité des partenaires sociaux : ceux-ci devraient notamment s'approprier des champs de compétences juridiquement protégés. Il n'appartient pas à l'exécutif ni au législatif de modifier en permanence la réglementation sociale. Le travail et l'emploi ne peuvent prospérer que dans un cadre établi et garanti par les parties prenantes. Les partenaires sociaux doivent donc s'atteler à l'indispensable réforme du code du travail.

M. Jean-Jacques Descamps - Très bien !

M. Hervé Novelli - Ce projet de loi d'habilitation est aussi l'occasion de réfléchir à la politique massive d'exonérations de charges sociales menée depuis longtemps dans notre pays. La question de son efficacité mérite d'être posée quand les allègements de charges n'ont jamais autant pesé sur les finances publiques - 18 milliards d'euros - et que le chômage n'a jamais été aussi important - 10% de la population active. La France est d'ailleurs le seul pays à avoir choisi cette voie. Cette politique pouvait se comprendre en 1993 car à l'époque, les délocalisations pour raisons salariales étaient beaucoup moins naturelles qu'aujourd'hui. Et il est vrai qu'entre 1993 et 1996, elle a permis d'enrichir la croissance en emplois. Mais dans l'économie mondialisée d'aujourd'hui, soit le coût du travail est déterminant dans l'activité d'une entreprise et la délocalisation va de soi pour elle, soit il ne l'est pas, et les allègements de charges ne lui servent à rien. Dans le monde actuel, le facteur primordial est l'offre, car la demande existe. C'est pourquoi il faut favoriser les nouveaux produits et procédés. Et lorsqu'il s'agit, comme il le faudrait, de soutenir l'innovation, les 18 milliards d'euros d'exonérations de charges, soit plus d'un point du déficit de notre pays, pèsent lourd ! Je demande donc au Gouvernement d'évaluer les marges de manœuvre que nous retrouverions en réduisant ces allégements - dont la moitié, soit dit au passage, est imputable aux 35 heures - et en les remplaçant par des incitations fiscales à l'innovation et des allègements de la fiscalité pesant sur les entreprises. Autant de pistes suivies avec succès dans d'autres pays.

Ce projet de loi permettra d'accroître la flexibilité du marché du travail et favorisera l'embauche dans les PME. Il marque la volonté du Gouvernement de refuser la fatalité en matière de lutte contre le chômage. Tout n'a pas été tenté, loin de là, et il n'y aurait pas de pire service à rendre à notre pays que de le faire croire. Une voie reste à tracer, celle de la flexibilité et de la liberté. J'espère ardemment que c'est celle que le Gouvernement va emprunter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Eric Besson - Comme tous les députés de gauche et beaucoup de députés de l'UMP qui ne manqueraient pas de le dire s'ils pouvaient s'exprimer librement (Protestations sur les bancs du groupe UMP), je suis choqué que le Gouvernement ait recours aux ordonnances pour modifier notre droit du travail. Quelle réponse au 29 mai que de court-circuiter ainsi le Parlement ! Nous avions déjà un Président de la République politiquement irresponsable, dans la mesure où il ne rend jamais compte de son mandat et reste hermétique au message des urnes, comme il l'a montré depuis le 5 mai 2002 ; voici le Parlement, aux pouvoirs très limités, bâillonné ! Il est d'autant plus curieux de recourir aux ordonnances que vous disposez d'une majorité absolue, pléthorique même, dans cet hémicycle. Vous rendez d'ailleurs de ce fait un bel hommage à Lionel Jospin qui, en dépit de la cohabitation contraignante qu'il eut à connaître, en dépit d'une majorité diverse, plurielle disait-on alors, turbulente, malgré un Sénat qui pratiquait l'obstruction systématique et ralentissait nos travaux, n'eut, lui, jamais recours aux ordonnances. Je n'insiste pas non plus sur le dialogue social. Après avoir reçu de vous tant de leçons sur le sujet, nous attendions mieux en ce domaine de votre part...

Vous justifiez le choix des ordonnances par l'urgence et la gravité de la situation. Oui, la situation est grave, le Premier ministre l'a dit lui-même, et cet aveu sonne comme la reconnaissance de votre échec. Cet échec n'est pas nécessairement le vôtre, Monsieur le ministre, puisqu'on vous a appelé au Gouvernement comme un pompier alors que le mal était déjà profond.

M. Jean-Jacques Descamps - Le mal est fait depuis 1981 !

M. Eric Besson - Votre majorité prétendait lors de la campagne de 2002 réhabiliter le travail et libérer les énergies. Au pouvoir, elle n'a fait qu'ouvrir les vannes du chômage. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) 230 000 chômeurs de plus en trois ans, ce n'est pas rien !

M. Jean-Jacques Descamps - C'est faux. Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Eric Besson - Au bout de trois ans, le gouvernement de Lionel Jospin avait réussi à faire diminuer le nombre de chômeurs de 700 000, quand les gouvernements Raffarin l'ont laissé filer de 230 000.

M. Richard Cazenave - Mauvaise foi !

M. Eric Besson - Tous les clignotants sont au rouge. Ce serait, dites-vous, de la faute de la croissance. Celle-ci aurait été forte de 1997 à 2002 et serait devenue faible depuis. Or, cela est totalement faux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) La croissance mondiale est même exceptionnellement forte depuis 2002. Elle n'est faible que dans la zone euro, en particulier en France. Pour la première fois depuis 1997, nous faisons moins bien que nos partenaires européens.

M. Richard Cazenave - Ce n'est pas vrai.

M. Eric Besson - Contestez-vous les statistiques officielles du ministère des finances ? Notre pays souffre, à l'évidence, d'un mauvais pilotage macro-économique depuis 2002. Et ce parce que vous avez donné la priorité à la baisse des impôts, enfin de certains d'entre eux - impôt sur le revenu et impôt de solidarité sur la fortune -, car dans le même temps, ceux que paient la majorité de nos concitoyens ont continué d'augmenter. Vous vous êtes ainsi privés de moyens budgétaires au plus mauvais moment, dans le temps même où vous détruisiez les outils d'une véritable politique de l'emploi. D'où votre échec, patent. D'ailleurs, à entendre le tableau apocalyptique qu'ont fait de la situation M. Fourgous ou M. Novelli, on se demande s'ils font partie de la majorité depuis trois ans !

Après avoir beaucoup glosé sur le modèle danois qui allie sécurité et flexibilité, vous avez, hélas, opté pour davantage de précarité alors même que nos concitoyens, les jeunes en particulier, ne la supportent plus - c'est, entre autres choses, ce qu'ils ont dit le 29 mai. Faut-il deux ans pour juger si un salarié est apte à occuper un poste ? Quelques semaines, au plus quelques mois, ne suffisent-ils pas ? Ignorez-vous que sans CDI, il est impossible aujourd'hui dans notre pays d'obtenir un logement ou un prêt ?

Les titulaires d'un contrat nouvelle embauche ne seront pas non plus pris en compte dans les effectifs de l'entreprise pour le déclenchement des seuils sociaux. Précaires, les voilà de surcroît transparents. Nous étions nombreux à penser qu'une très petite entreprise comptait jusqu'à cinq salariés. Voici le seuil porté à vingt. Pourquoi pas davantage ? Cinquante, cent, cinq cents... : où s'arrêtera-t-on ?

Ni sur le fond, ni sur la forme, vos mesures ne sont acceptables. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous les combattons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Richard Mallié - Le recours aux ordonnances n'est jamais une procédure anodine pour un gouvernement. L'empiètement sur le domaine de compétence des élus de la nation n'est jamais bien accueilli par eux. Cet outil juridique, s'il est particulièrement adapté lorsque les circonstances imposent une action rapide, n'est pas, contrairement à ce que vous avez dit, Monsieur le ministre, une procédure « normale ». Permettez-moi donc de vous mettre en garde et de vous rappeler que cette procédure, si elle est nécessaire, n'en reste pas moins exceptionnelle. Il ne pourra en effet jamais être considéré comme « normal » que les parlementaires acceptent d'être dépossédés, même ponctuellement et pour des raisons circonstanciées, du cœur même de leur mission. Et ce plus encore lorsque le sujet est aussi sensible pour nos concitoyens.

Le recours à cette procédure n'en était pas moins nécessaire. D'abord parce qu'avec trois millions de chômeurs, il y a urgence. Nous nous devions de donner un signe fort à ces hommes et ces femmes qui perdent espoir et qui attendent des pouvoirs publics une pleine mobilisation en faveur de l'emploi. Sachant que quatre à six mois sont nécessaires pour qu'un projet de loi voie le jour, nous ne pouvions pas emprunter les voies traditionnelles pour mener la bataille de l'emploi.

La seconde raison qui me conforte dans l'idée que le recours aux ordonnances était nécessaire tient au caractère improductif et puéril dont font parfois preuve certains de mes collègues, je veux parler des élus de l'opposition. Oui, c'est à cause de vous, Mesdames et Messieurs les députés de gauche, que le Gouvernement a dû faire ce choix ! Nous savons tous ici combien vous aimez l'obstruction et de quelle imagination vous êtes alors capables ! Nous l'avons vu, en particulier, lors de la réforme des retraites et de celle de l'assurance maladie. Je me suis personnellement beaucoup impliqué dans cette dernière. Et les heures passées sur ces bancs m'ont amené à la conclusion que si une palme devait être un jour décernée au parlementaire roi de l'obstruction et de l'inaction, vos rangs regorgeraient de prétendants !

Pour toutes ces raisons, et parce que le plan que vous nous proposez, Monsieur le ministre, me semble particulièrement juste et opportun, je vous soutiendrai dans votre démarche. J'aimerais notamment saluer le dispositif d'insertion professionnelle inspiré du service militaire adapté, dispositif qui a montré toute son efficacité outremer, comme j'ai pu le vérifier à la Réunion et à Mayotte. Les entreprises se montrent en effet particulièrement friandes de ce type de formation.

Si la prime à la reprise d'activité est une mesure que nous pouvons saluer, il sera à mon sens nécessaire de parer à d'éventuelles dérives du dispositif en instaurant un certain contrôle quant à la pérennité de l'emploi proposé au chômeur. On risque en effet de retrouver une fois de plus un « système D à la française », par lequel les entreprises accepteraient d'embaucher un inactif - qui bénéficierait alors de ces 1 000 euros de prime - pour le débaucher quelques mois plus tard. Cette somme représente un mois de salaire pour un smicard.

Je serai vigilant sur le droit de regard et de modification qui doit rester le nôtre, mais je n'en demeure pas moins convaincu que vous avez fait le bon choix, Monsieur le ministre. Vous ne pourrez toutefois m'empêcher de continuer à déplorer que ce soit la mauvaise foi de certains occupants de cet hémicycle qui nous oblige à bafouer la démocratie pour que les droits de chacun soient préservés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Néri - Ainsi donc, le Gouvernement nous présente un énième plan pour l'emploi et nous annonce qu'au nom de l'urgence, il procèdera par ordonnances. Le Premier ministre semble tout vouloir faire dans l'urgence. Cela se comprend, car le temps lui est compté par le mécontentement populaire. Lui-même a d'ailleurs inscrit son action dans un délai très court : cent jours ! Mais attention, les cent jours se sont terminés par Waterloo !

Le Premier ministre réussit le tour de force d'esquiver deux fois le débat devant la représentation nationale, et ce sur le sujet qui préoccupe le plus les Français, à savoir l'emploi : la première en déclarant l'urgence sur le présent projet, la deuxième en ayant recours aux ordonnances, soit deux procédures d'exception. C'est d'autant plus incompréhensible que ce Gouvernement dispose d'une majorité pléthorique qui ne laissait guère de doute sur l'issue du débat - à moins que l'on redoute des grincements de dents jusque dans les bancs de droite ?

Certes, la situation catastrophique de l'emploi fait qu'il y a urgence. Mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Or, à l'évidence, ce projet trahit l'improvisation. Il n'est porteur d'aucun espoir et s'inscrit dans la continuité de la politique pratiquée depuis trois ans par le gouvernement Raffarin - auquel vous apparteniez, Monsieur le ministre. Une politique qui a mené notre pays à la déprime économique et sociale actuelle. La croissance est cassée et sera en 2005 plus proche de 1,5% que des 2% annoncés. Nous avons assisté à une hausse vertigineuse du chômage - 230 000 chômeurs de plus en trois ans - et à l'explosion des inégalités et de la précarité. La France compte ainsi 1,2 million d'allocataires du RMI. J'ajoute à ce propos que vous laissez la note aux conseils généraux, qui attendent toujours le règlement de celle de 2004 et qui n'ont pas vocation à être les banquiers de l'Etat.

Le plan que nous présente le Gouvernement ne comporte aucune mesure capable de restaurer la confiance. Il risque plutôt d'accroître le désarroi et la colère des Français, coupables à vos yeux de ne pas travailler assez !

Il poursuit la politique de régression sociale menée depuis trois ans, qu'il s'agisse de la suppression des cotisations patronales prévue pour 2007 - disposition qui n'aura d'autre effet que de bloquer les bas salaires - ou du développement des services à la personne, qui, après avoir été assortis d'avantages fiscaux importants pour les plus aisés, vont maintenant devoir être financés par les collectivités locales, en particulier par les conseils généraux. D'une façon générale, vous vous en remettez beaucoup aux conseils généraux. Le Puy-de-Dôme vient par exemple de signer un projet de 650 contrats d'avenir, ce qui représente une charge supplémentaire de 2 millions d'euros pour les six mois restant à courir. Et comme votre participation va être dégressive, Monsieur le ministre, nous allons voir la notre croître et embellir chaque année. Merci pour le cadeau !

Le plan pour l'emploi rassemble une collection de dispositions simplistes et dangereuses pour les salariés. Il traduit l'ambition d'imposer une société de précarité généralisée.

Prenons l'exemple du CNE. Les petites entreprises - on ne sait pas exactement ce qu'il faut entendre par là : dix, vingt ou cinquante salariés ? - pourront recourir à ce contrat d'un nouveau type : un contrat avec une période d'essai de deux ans ! Au nom de la souplesse d'embauche, le Gouvernement invente le contrat d'extrême précarité. Les petites entreprises pourront multiplier les embauches pour une durée de quelques jours ou de quelques mois sans apporter aux salariés concernés les protections liées habituellement aux CDD en termes de primes de précarité, d'indemnités de licenciement, voire de protection prud'homale. La période d'essai pourra être rompue à tout moment par l'employeur sans motif, et sans recours possible pour le salarié. Il y a là de plus, pour les entreprises, une incitation à ignorer les seuils sociaux.

La politique du Gouvernement se caractérise par une baisse constante du pouvoir d'achat des plus modestes. Tout espoir de relance par la consommation est donc banni. Et même la baisse de la population active, conséquence mécanique du papy boom, n'enraye pas la montée du chômage. Depuis trois ans, vous faites peu pour les investissements, peu pour les salaires, mais beaucoup pour les actionnaires. Les prélèvement obligatoires ont baissé de 6,1 milliards d'euros pour les entreprises tandis qu'ils augmentaient d'un milliard et demi pour les ménages.

Votre politique n'est faite que d'esbroufe et de bluff ! Vous ressemblez à celui que l'on montre du doigt dans nos villages et nos quartiers parce qu'il va au café avec les copains, commande la tournée et part sans payer.

M. François Rochebloine - Ne soyez pas excessif !

M. Alain Néri - Vous, vous laissez l'addition aux collectivités locales et vous justifiez le sigle de votre mouvement : Union pour un Maximum de Précarité, Union pour le Malheur des Pauvres ou Union pour une Minorité de Privilégiés. (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Nous pourrions nous livrer au même petit jeu avec le sigle PS, et ce serait pire !

M. Alain Néri - Les Français en ont assez et ils vous l'ont dit trois fois en 2004, comme ils vous l'ont répété le 29 mai dernier en disant non à un traité qui aurait encore aggravé la dérive ultra-libérale du Gouvernement. De promesses non tenues en mesures non appliquées, les Français ne vous croient plus.

M. Pierre Hellier - Ce serait sans doute mieux avec vous ! (Sourires)

M. Alain Néri - Ils ne vous écoutent même plus, mais il est vrai que vous le leur rendez bien puisque vous êtes sourds au désespoir des plus modestes qui veulent une politique plus sociale, plus solidaire, plus juste. Et voilà que vous refusez maintenant de débattre avec les élus de la nation ! Oui, la France est en crise, la France est malade de votre politique et ce ne sont pas les ordonnances du Dr Villepin qui la guériront.

M. Pierre Hellier - Celles du Dr Fabius, peut-être ?

M. Alain Néri - Les Français refusent votre potion amère. Le divorce entre l'opinion et votre gouvernement est tel que vous ne mesurez même pas la gravité de la crise sociale. Sous prétexte d'aller vite, vous voulez surtout avoir les mains libres pour décider seuls et remettre en cause le droit du travail. En fait, vous avez peur du suffrage universel et vous craignez le Parlement. Ce n'est pas ainsi que l'on défend la démocratie et la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Bloche - Alors que M. le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a souhaité mettre en place, dans l'urgence, des mesures pour l'emploi, je suis frappé que nous n'ayons pas encore abordé le secteur important qu'est la culture puisqu'il représente près de 500 000 emplois.

M. Pierre Albertini - 400 000.

M. Patrick Bloche - Nous savons en effet que les estimations peuvent varier.

Ce secteur crée de la croissance et donc des richesses mais connaît, depuis deux ans, une crise grave : c'est en effet le 26 juin 2003 qu'a été signé un mauvais accord visant à modifier les annexes 8 et 10 du règlement de l'assurance chômage dont bénéficient les artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel. Il s'agissait alors de réduire un déficit qui en fait n'a pas cessé de croître. Cet accord a même eu des effets si pervers que ceux qui devraient être les plus aidés ont été exclus de l'assurance chômage alors que la situation des plus favorisés n'en a été que meilleure. Depuis deux ans, un comité de suivi, à l'Assemblée nationale, essaie de répondre à ce problème. Depuis deux ans, nombre de propositions ont été formulées, et tout d'abord dans l'excellent rapport de M. Guillot, mais aussi au sein de la mission d'information parlementaire Paillé-Kert: développement des emplois permanents, accroissement de la durée moyenne de travail annuel rémunéré, activation de tous les dispositifs de contrôle et d'emploi, prise en compte, dans le cadre d'une nouvelle convention collective, des temps de répétition et de préparation.

Il est donc temps d'agir, et tout d'abord en résolvant le problème des annexes 8 et 10. La convention UNEDIC doit certes être renégociée à la fin de l'année, mais puisque le dialogue a été renoué avec les partenaires sociaux et qu'une réunion aura lieu à la mi-septembre, il faut, dès l'automne, parvenir à trouver une solution en faveur de l'emploi dans le secteur culturel. Une proposition de loi existe, signée par 307 députés, qui doit être inscrite rapidement à l'ordre du jour de nos travaux.

N'oublions pas les travailleurs de la culture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 25.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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