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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 3ème jour de séance, 6ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 6 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      MODIFICATION DES DISPOSITIONS DU RÈGLEMENT
      RELATIVES AUX LOIS DE FINANCES 2

      ARTICLE PREMIER À 6 8

      ART. 7 8

      ART. 8 10

      ART. 9 10

      ART. 10 10

      ART. 11 11

      TITRE 11

La séance est ouverte à neuf heures trente.

MODIFICATION DES DISPOSITIONS DU RÈGLEMENT
RELATIVES AUX LOIS DE FINANCES

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Jean-Louis Debré tendant à modifier les dispositions du Règlement de l'Assemblée nationale relatives à la discussion des lois de finances.

M. Philippe Houillon, Président et rapporteur de la commission des lois - Deux réformes substantielles ont modifié le cadre juridique qui gouverne nos finances publiques. Elles ont été introduites par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, et par la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, la LOLFSS.

L'adaptation de notre Règlement à ces deux lois est nécessaire. Les modifications qui s'imposent sont urgentes puisqu'elles doivent entrer en vigueur avant les examens successifs du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Cependant, elles n'ont pas pour but de bouleverser notre Règlement et demeurent de nature rédactionnelle et procédurale. Ainsi, la référence à l'ordonnance de 1959 est-elle remplacée par une référence à la LOLF. En effet, la plupart des dispositions des deux lois organiques sont d'application directe et ne nécessitent pas de mesures spécifiques pour entrer en vigueur.

La proposition de résolution de notre Président ayant été déposée avant l'adoption définitive de la LOLFSS, la commission des lois vous propose quelques modifications supplémentaires, mais j'insiste sur le fait que l'ensemble de ces modifications ne constituent pas une révolution : il ne s'agit pas d'une réforme a minima, limitée à l'indispensable. C'est pourquoi elles pourront recueillir un large consensus. Pour autant, leur caractère strictement nécessaire ne doit pas nous interdire d'opérer ultérieurement des modifications plus profondes de notre Règlement.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Rapporteur - Une seule novation mérite d'être soulignée. La LOLF facilite le dépôt d'amendements sur les crédits. Il sera désormais possible d'augmenter les crédits d'un programme au sein d'une même mission, à due concurrence de la diminution des crédits d'un autre programme. Mais, pour éviter d'aboutir à un programme « négatif » et pour effectuer l'examen de recevabilité dans de bonnes conditions, il convient de lui accorder plus de temps. C'est la raison pour laquelle le dépôt des amendements a été avancé à l'avant-veille du débat sur la mission. La Conférence des présidents pourra en tout état de cause déroger à cette règle, qui est de simple bon sens.

La plupart des modifications proposées par la commission des lois sont elles aussi de nature rédactionnelle. Trois articles permettent d'adapter notre Règlement aux dispositions de la LOLFSS. Dans un premier temps, j'avais proposé d'instituer une disposition similaire à celle que je viens d'évoquer pour le dépôt des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais un consensus s'étant dégagé en Conférence des présidents sur la nécessité de s'en tenir à un texte a minima, j'ai déposé un amendement de suppression de cette disposition, amendement que la commission a bien voulu accepter ce matin.

Sous cette réserve et au bénéfice d'un autre amendement de nature rédactionnelle, je vous demanderai d'adopter la proposition de résolution dans le texte adopté par la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Brard - Je n'évoquerai pas la présence de sherpas aujourd'hui !

M. Michel Bouvard - Ce n'est pas un terme injurieux !

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le ministre des relations avec le Parlement, je me réjouis de votre présence. Dans un cauchemar, que j'ai fait cette nuit, M. Breton siégeait à votre place et je craignais que la langue française fût à nouveau massacrée...

Cette modification du Règlement est une nouvelle étape dans la mise en œuvre de la LOLF, qui devrait conduire, selon les termes employés par M. Houillon dans son rapport, à « une plus grande maîtrise du Parlement sur la décision budgétaire et sur son exécution ». En effet, si l'on compare le budget à une voiture, nous ne le modifions jusqu'ici que pour l'équivalence du coût d'un enjoliveur, et encore d'un enjoliveur de mauvaise qualité !, ce qui est révélateur du peu de pouvoir détenu par le Parlement.

La LOLF, certes, ne corrige pas les caractéristiques politiques essentielles de la Ve République. Il s'agit d'un débat qui aura lieu inéluctablement, et qui prendra certainement appui sur l'exemple des prérogatives détenues par le Congrès américain dans la préparation du budget, mais ce n'est pas le débat d'aujourd'hui et, pour l'heure, je veux constater que la LOLF apporte tout de même des avancées appréciables. Il est important que la représentation nationale utilise les leviers qu'elle lui offre pour l'examen des lois de finances ainsi que des lois de règlement, qui vont gagner en importance.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Jean-Pierre Brard - Il ne serait guère productif de délaisser ce terrain pour des considérations idéologiques, que ce soit en affirmant que la finalité première de la LOLF doit être de réduire la dépense publique ou en la stigmatisant comme un cheval de Troie du libéralisme.

La LOLF est semblable au fil à plomb : elle permet de vérifier que le mur est droit mais elle ne renseigne pas sur la qualité des matériaux !

M. Michel Bouvard - Excellente image !

M. Jean-Pierre Brard - Je veux rendre hommage aux « Lolfeurs » pour la vigilance dont ils ont fait preuve à l'égard des ministres qui souhaitaient donner une interprétation politicienne de cette loi. Ainsi le président de la commission des finances, le rapporteur général du budget et M. Bouvard ont-ils rappelé à l'ordre l'ancien Premier ministre, afin de préserver un consensus sans lequel la LOLF serait mort-née.

La gestion publique est aujourd'hui confrontée à une évolution majeure, puisqu'elle doit passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. Cela ne signifie pas que les moyens doivent baisser ni qu'il faille se cantonner à une logique binaire coût/rendement, mais refuser absolument de mesurer l'efficacité de la dépense publique serait une attitude inconséquente.

S'agissant de la traduction de la LOLF dans le travail parlementaire, Didier Migaud et Alain Lambert ont formulé un certain nombre de préconisations auxquelles nous devons être attentifs : réserver une semaine à l'examen du projet de loi de règlement ; enchaîner cet examen avec le débat d'orientation budgétaire en mai-juin ; organiser des contacts réguliers entre la commission des finances et les responsables des programmes ; discuter les crédits par mission et non par ministère ; faciliter un exercice éclairé du droit d'amendement en nommant des rapporteurs spéciaux par mission ; clarifier les conditions de la discussion des emplois.

Ce dernier point mérite quelques commentaires car certains de nos collègues confondent rationalisation de la gestion publique et chasse aux emplois publics - encore que ceux pour qui la chasse est ouverte du 1er janvier au 31 décembre ne chassent jamais dans leur propre circonscription !

M. René Dosière - Vous voulez parler de Maxime Gremetz ?

M. Jean-Pierre Brard - Non, car M. Gremetz ne chasse pas de cette manière.

M. le Président - Pas d'attaque personnelle ! ( Sourires)

M. Jean-Pierre Brard - C'était juste une remarque affectueuse.

L'attitude dogmatique de certains parlementaires risque ainsi de susciter chez les agents de la fonction publique et leurs organisations syndicales un mouvement de rejet, alors que leur adhésion à la démarche est une condition de sa réussite. Il est dangereux que la LOLF soit présentée par d'aucuns comme une arme contre le statut des fonctionnaires et comme un instrument d'introduction de la flexibilité et de la précarité dans l'administration.

S'agissant du contenu de la résolution, il faut se réjouir que soit étendu quelque peu l'exercice du droit d'amendement. En effet, le couperet de l'article 40 de la Constitution reste un instrument majeur de l'abaissement du rôle du Parlement.

Si les nouvelles dispositions proposées pour le dépôt des amendements sont convenables, le dépôt tardif des amendements du Gouvernement reste un problème, en ce qu'il en empêche un examen approfondi. La précipitation dans laquelle ont été préparées nombre de dispositions du projet de loi de finances pour 2006 ne peut qu'aviver les inquiétudes.

Quant à la proposition de la commission d'étendre le champ de la deuxième délibération à chacune des parties du projet de loi de financement de la sécurité sociale, elle nous paraît inopportune, et nous nous prononcerons pour son retrait.

Dans quelques jours vont commencer les travaux pratiques pour la LOLF : il importe que les parlementaires, comme les ministres, se gardent de toute instrumentalisation politicienne. La LOLF sera ce que nous en ferons et, si d'aventure nous manquions de vigilance ou étions trop peu exigeants, nous ne pourrions nous en prendre qu'à nous !

M. Michel Bouvard - Ce projet de résolution est la dernière étape législative de la mise en œuvre de la loi organique après cinq ans d'un travail entrepris à l'initiative du Parlement. Je rends hommage au Gouvernement qui a respecté le calendrier, mais aussi l'esprit de ces travaux, puisque le Parlement, et notamment la commission des finances de l'Assemblée, a été associé à chacune des grandes étapes de cette réforme, fruit d'un consensus que nous saurons, je l'espère, conserver.

Permettez-moi également de remercier les administrateurs de l'Assemblée, en particulier ceux de la commission des finances, et l'ensemble de mes collègues qui ont travaillé sur ce dossier complexe.

La modification de notre Règlement concerne essentiellement la discussion de la deuxième partie de la loi de finances, et spécialement l'ouverture d'un droit d'amendement sur la totalité du budget, ce qui permettra de redéployer des crédits au sein d'une même mission, de modifier, supprimer ou créer des programmes, de réduire la dépense. La complexité des logiques d'autorisations de programme, de crédits de paiement, de plafonds d'autorisations d'emploi, nécessite en effet de pouvoir disposer d'un délai supplémentaire pour le dépôt des amendements, aussi ne puis-je que souscrire à la disposition qui va dans ce sens.

Au-delà, l'esprit de la loi organique suppose de modifier l'organisation même du débat, ce qui relève de la Conférence des présidents plus que d'une révision de notre Règlement. Il sera nécessaire, s'agissant du débat de deuxième partie, de sortir de l'académisme derrière lequel s'abritent trop souvent les ministres pour ne pas répondre aux questions des parlementaires.

Il faudra par ailleurs travailler plus souvent en commission élargie - cette année, sept budgets seront discutés de cette manière pour la deuxième partie. Cette procédure plus souple permet un débat d'une vivacité que nous ne connaissons plus en séance publique : il faut bien reconnaître que la deuxième partie du débat budgétaire est principalement aujourd'hui l'occasion pour les députés d'évoquer les problèmes de leur circonscription - hôpital, scanner, mise à deux fois deux voies, -, lesquels ne permettent pas un travail approfondi sur l'efficacité de la dépense publique. Tous les Gouvernements y ont trouvé un certain confort.

Concernant la loi de règlement, MM. Migaud et Lambert ont souhaité à juste titre, à la suite de la mission qui leur a été confiée, qu'elle devienne un moment important du débat budgétaire. C'est en effet l'instant où l'on peut vérifier que les objectifs ont été atteints, où les ministres et les responsables de programme devront s'expliquer. Or, jusqu'ici et cette année encore, cet examen s'est limité à un simple constat du volume des dépenses. Si nous n'aurons sans doute pas le temps de discuter à l'avenir de toutes les missions, au moins devrons-nous nous pencher sur les principales, celles sur lesquelles l'écart est le plus important entre les objectifs affichés et ceux obtenus en clôture d'exercice. Pour cette raison Didier Migaud et moi-même avons déposé un amendement afin d'inclure la loi de règlement dans le champ des dispositions pour lesquelles la Conférence des présidents pourrait accorder un temps supplémentaire.

Quant à la loi organique, il importe de favoriser la culture du contrôle. Tâche majeure de tous les grands parlements démocratiques, le contrôle reste peu développé en France. Depuis de nombreuses années, nous avons constitué, d'abord à l'initiative de Philippe Séguin, la mission d'évaluation des politiques publiques, puis la mission d'évaluation et de contrôle de la dépense publique, qui a succédé à l'office d'évaluation. Tout ce travail a abouti à la loi organique qui donne des outils nouveaux aux rapporteurs spéciaux, et permet une collaboration renforcée entre la commission des finances et chacune des cinq autres commissions, en associant davantage les rapporteurs pour avis.

La loi organique, c'est vrai, est un outil, et à l'instar de M. Brard, je reconnais que tout dépend maintenant de nous. Il faudra être responsable dans la rédaction et le dépôt des amendements de deuxième partie afin de ne pas en dénaturer l'usage, et de ne pas les transformer en outils d'obstruction. Mais la loi organique, rendue nécessaire par le principe du contrôle de la dépense publique, inscrit dans la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, ne vivra que si le Gouvernement accepte le débat parlementaire et s'il recourt de façon maîtrisée aux deuxièmes délibérations , qui ne doivent pas servir à revenir sur les points où il y a eu accord entre les ministres compétents et la représentation nationale.

Je remercie tous ceux qui ont contribué à ce travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. René Dosière - On ne dira jamais assez l'intérêt de cette nouvelle constitution financière, la LOLF. Cette loi est fondamentale car les parlementaires et les citoyens pourront enfin y voir clair : le budget de l'Etat sera désormais présenté par objectifs et par moyens, c'est-à-dire par missions et par programmes. Certes, des difficultés se présenteront lors du vote des programmes, car nous savons que les administrations qui les appliqueront pourront faire jouer la « fongibilité asymétrique » en ne dépensant pas la totalité des crédits de personnel qui leur seront affectés et en en transférant une partie à des dépenses de fonctionnement, d'investissement ou d'intervention. La tentation sera donc ouverte de faire des économies en diminuant fortement les crédits de personnel et en ne compensant pas tous les départs à la retraite. Nous comprenons d'ailleurs pourquoi le Gouvernement s'est bien gardé d'afficher dans le budget la diminution du nombre de fonctionnaires : l'application de la LOLF lui permet d'arriver au même résultat plus discrètement et plus efficacement.

La discussion de la loi de règlement sera donc d'une certaine façon aussi fondamentale que le vote du budget.

M. Michel Bouvard - Ce sera le moment de vérité, le résultat des courses.

M. René Dosière - C'est en effet à ce moment-là que l'on vérifiera la réalité des faits. Il importe par conséquent de donner au débat sur la loi de règlement l'ampleur qu'elle mérite. Ce n'est pas en une heure et demie de discussion, comme ce fut le cas hier, que l'on pourra accomplir ce travail.

M. Michel Bouvard - Certainement pas.

M. René Dosière - Des rapports devront être rédigés sur la manière dont les sommes ont été dépensées. De ce point de vue, nous ne pouvons que soutenir l'amendement de notre collègue Michel Bouvard, cosigné d'ailleurs par Didier Migaud. Je ne peux à ce propos que rendre hommage à ce dernier car c'est à son initiative de rapporteur général du budget que nous devons la loi organique. Cette initiative a d'ailleurs été soutenue par les présidents de l'Assemblée nationale Laurent Fabius et Raymond Forni, mais également par Alain Lambert, alors rapporteur général du budget au Sénat. Je ne peux que me réjouir de ce consensus et je souhaite qu'il se maintiendra à tous les stades de la modification de la loi organique et de notre Règlement.

D'un point de vue pratique, il conviendrait que les rapports parlementaires concernant les missions soient déposés en même temps que les amendements de manière à faciliter notre travail.

M. François Sauvadet - De même en ce qui concerne les amendements gouvernementaux.

M. René Dosière - La loi organique doit aussi permettre de moderniser la fonction publique et, en particulier, les structures gouvernementales. Je souhaite évoquer à ce propos le budget de la Présidence de la République...

M. Michel Bouvard - Nous y voilà ! (Sourires)

M. René Dosière - Je respecte l'autonomie financière de celle-ci, mais est-il pour autant cohérent qu'un tiers de ce budget relève du budget « pouvoirs publics » et deux tiers de onze ou douze ministères ? Est-il logique que les neuf dixièmes du personnel de la Présidence de la République soient budgétairement affectés à une dizaine de ministères ? Est-il normal que le ministère de l'outre-mer verse en début d'année 530 000 euros à la Présidence ? Il est temps de mettre fin à ces pratiques archaïques !

J'ajoute que le Gouvernement doit tenir compte de la volonté d'information des parlementaires. Dans le cadre de l'article 115 de la loi de finances pour 2002, toujours applicable, le « jaune » budgétaire doit ainsi fournir au Parlement des informations substantielles. Or, il est particulièrement succinct. S'agissant par exemple du Conseil constitutionnel, le rapport fait seulement état d'une augmentation du volume des rémunérations de ses membres en raison de la présence d'un nouveau membre rémunéré à temps plein.

Enfin, comme nous sommes dans le cadre d'une initiative parlementaire, je suis surpris d'avoir reçu ce matin une lettre du ministère du budget m'invitant à des réunions de formation sur la LOLF. Je ne pense pas qu'il s'agisse de nous expliquer son contenu et ses modifications car cela relève des prérogatives de notre assemblée.

Le groupe socialiste votera avec plaisir cette modification du Règlement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Sauvadet - Comme tous les groupes, l'UDF a participé activement à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Celle-ci va contribuer à améliorer la transparence et surtout la sincérité des comptes de l'Etat, et donc la crédibilité tant de l'action publique que du Parlement. Nous devrons passer d'une culture de l'affichage à une culture de l'objectif, et nous prendrons toute notre part dans ce travail.

Les modifications relatives aux amendements visent à donner plus de souplesse au Parlement, dans un cadre toutefois contraint : ces dispositions ne doivent pas devenir facteur d'accélération de la dépense publique, d'autant que c'est avant tout l'efficacité de cette dernière que nous recherchons. Il est donc parfaitement légitime de nous appeler à la responsabilité dans l'usage de ce pouvoir d'amendement, mais cela vaut aussi pour le Gouvernement ! Les amendements gouvernementaux sont trop souvent présentés au dernier moment, trop tard pour être examinés en commission ou même par les parlementaires eux-mêmes. La veille du début de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, nous n'avions toujours pas connaissance des nombreux amendements par lesquels le Gouvernement réintégrait dans le texte les dispositions qu'il avait projeté de prendre par ordonnance ! Cela ne contribue certes pas au bon fonctionnement de l'Assemblée et la démarche de responsabilité doit donc être partagée entre les parlementaires et le Gouvernement.

La loi de règlement, celle qui s'assure de la bonne exécution d'une loi de finances, sera également un temps fort de la mission de contrôle du Parlement. La LOLF vise à établir un équilibre entre un Gouvernement qui gouverne et un Parlement qui contrôle. Le souci de vérité qui doit s'imposer dans les finances publiques suppose que nous puissions exercer cette mission pleinement.

Je salue les efforts de tous ceux qui ont contribué à la mise en œuvre de la LOLF, dont nous espérons qu'elle produira tous ses effets en termes de bon fonctionnement du Parlement et de contrôle de l'exécution budgétaire.

M. Gilles Carrez - La LOLF introduit des changements fondamentaux dans la discussion budgétaire. Parmi les plus importants, le droit d'amender pour redéployer des crédits entre les programmes au sein d'une même mission marque une réelle rupture dans l'application de l'article 40 de la Constitution, qui nous interdisait d'avoir une véritable discussion sur le sujet dans la discussion de la seconde partie des lois de finances. Par ailleurs, et je sais que le président Debré y est très attaché, nous allons considérablement renforcer le pouvoir de contrôle de notre assemblée, pouvoir qui s'exercera toute l'année et trouvera son apogée lors du vote de la loi de règlement - dont l'examen devra donc être considérablement approfondi.

Ce nouveau pouvoir de redéploiement qui nous est dévolu devra être utilisé à bon escient. Rien ne serait pire qu'il serve à nourrir l'obstruction. Il faudra ainsi expliquer pourquoi les crédits d'un programme peuvent être diminués - soit que les objectifs puissent être remplis avec moins de moyens, soit qu'il faille les changer - et justifier de même l'augmentation d'un autre programme, le tout en se fondant sur les indicateurs définis.

J'appelle votre attention sur le fait qu'il sera également possible de créer des programmes.

M. Michel Bouvard - Eh oui !

M. Gilles Carrez - Le découpage actuel des programmes n'est pas sans nous inspirer quelques regrets, en effet, et je mentionnerai par exemple des deux programmes gigantesques qui ont été institués dans le domaine de la défense. Nous pourrons essayer d'obtenir plus de « visibilité » en créant de nouveaux programmes. Pour exercer ce pouvoir, il faudra avoir identifié l'action à mener et avoir défini des objectifs, des indicateurs et les résultats à atteindre. Ce droit d'amendement ne va donc pas sans un important travail de réflexion et de maturation, et sera extrêmement exigeant. En matière de recettes, nous proposons souvent des diminutions d'impôt ou des dépenses fiscales, mais nous les justifions rarement avec suffisamment de précision. Il faudra définir des objectifs, des moyens d'évaluation et s'interroger sur les effets pervers éventuels de la mesure proposée. Il faudra donc être beaucoup plus rigoureux.

M. René Dosière - C'était un aveu !

M. Jean-Pierre Brard - Un traité d'éthique !

M. Gilles Carrez - Que l'on soit dans la majorité ou dans l'opposition, nous avons tous le souci d'améliorer l'efficacité de notre assemblée s'agissant du contrôle de l'utilisation de l'argent public (MM. François Sauvadet Michel Bouvard applaudissent). A ce propos, le délai de 48 heures prévu pour le dépôt des amendements permettra d'examiner ceux-ci sérieusement.

Avant-hier, j'ai fait une proposition qui a semblé convenir à M. Copé et je profite de la présidence de Jean-Louis Debré pour la réitérer : pourrions-nous examiner la loi de règlement 2005 selon la procédure prévue par la LOLF ? C'est possible, car le budget 2005 a été préparé sur la base de pré-avant-projets de performance, avec des indicateurs pour chacun des programmes. Si nous l'examinions à la fin du printemps, nous pourrions enchaîner avec le débat d'orientation budgétaire pour 2007. La discussion budgétaire en serait grandement améliorée.

M. Jean-Pierre Brard - Excellent !

M. Gilles Carrez - J'en viens aux méthodes de travail. Nous ne pourrons être efficaces que s'il y a un travail d'équipe entre les rapporteurs spéciaux de la commission des finances et les rapporteurs pour avis des autres commissions. Le rapporteur pour avis est le plus qualifié pour définir les objectifs d'une action publique, son opportunité et la façon de la conduire. Le rapporteur spécial, lui, donne un avis sur le rapport coût-efficacité. Ils ne peuvent faire l'économie d'une étroite collaboration. Par ailleurs, il faut nous rendre compte que nous ne nous approprierons la loi organique que progressivement. Il faudra faire d'énormes efforts, mais qui valent la peine ! Ce qu'ont fait, cette année, les missions d'évaluation et de contrôle sur l'immobilier de l'Etat et sur le droit d'asile montrent combien le Gouvernement et l'Assemblée ont intérêt à disposer de travaux de qualité.

Dans le déroulement de la discussion, il faudra que les ministres acceptent de sortir d'un débat formel, avec des discours généraux, pour prendre part à des séances de questions-réponses.

M. Jean-Pierre Brard - Et en français !

M. Gilles Carrez - Nous devrons également avoir plus de contacts avec l'administration, notamment avec les responsables de programmes, sans que les cabinets ministériels fassent écran. Enfin, les corps d'inspection de l'Etat pourraient peut-être être mis à notre disposition pour mener à bien certains travaux. Quoi qu'il en soit, cette loi organique renforcera considérablement notre capacité d'évaluation et de contrôle, ce qui fera de nous un Parlement moderne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle maintenant les articles de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

ARTICLE PREMIER À 6

L'article premier, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 2 à 6.

ART. 7

M. le Président - Quelle que soit la décision de l'Assemblée sur l'amendement qui va être présenté, et afin d'éviter toute fausse interprétation, notamment lors d'un examen de constitutionnalité, j'aimerais, Monsieur Bouvard, que vous précisiez que les dispositions que vous avez envisagées avec M. Migaud s'entendent sous réserve des prérogatives constitutionnelles du Gouvernement en matière d'ordre du jour prioritaire et sous réserve des pouvoirs de la Conférence des présidents. Pour que l'Assemblée nationale vote en connaissance de cause, je vous demande de préciser vos intentions... et vos arrière-pensées.

M. Michel Bouvard - Je n'ai pas d'arrière-pensées, même si je fais partie de ceux qui pensent qu'une évolution constitutionnelle sera nécessaire. Reste que tel n'est pas l'objet du présent débat. L'amendement 4 rectifié, que je présente avec M. Migaud et qui aurait pu aussi être cosigné par MM. Brard et de Courson, vise simplement à ce que la place de la loi de règlement soit renforcée, étant entendu qu'elle constitue le pendant de la discussion de la deuxième partie de la loi de finances. Je précise bien volontiers que ce renforcement que nous souhaitons tous, qu'il s'agisse d'allonger le temps du débat comme de pouvoir avoir une discussion par mission, s'inscrit dans le respect de l'article 48 de la Constitution.

M. le Rapporteur - Je me dois d'avertir l'Assemblée des risques que fait courir cet amendement. Nous sommes tous d'accord avec l'objectif poursuivi, et d'ailleurs, lors de la discussion de la loi de règlement pour 2004, le ministre du budget a marqué sa volonté d'aller dans le sens souhaité par M. Bouvard. Mais cet amendement pose un problème de forme et de fond. D'abord, s'agissant d'une proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l'Assemblée, il est préférable d'agir dans le consensus, comme nous l'avons fait en donnant satisfaction aux demandes du président Ayrault. Or, cet amendement 4 rectifié est arrivé hier soir, ce qui fait que nous n'avons pas eu assez de temps pour en discuter.

Ensuite, l'article 49 du Règlement nous permet déjà de régler le problème puisqu'il dit que l'organisation de la discussion générale des textes soumis à l'Assemblée peut être décidée par la Conférence des présidents. Mais l'amendement de M. Bouvard se rapporte, lui, à l'article 120 du Règlement, qui précise, à titre dérogatoire, comment la Conférence des Présidents organise la discussion de la deuxième partie de la loi de finances. Mais si ce texte dérogatoire de l'article 120 existe, c'est parce que la loi organique le prévoit, alors qu'elle ne prévoit pas de système dérogatoire pour la loi de règlement. L'ajout proposé par M. Bouvard peut donc poser un problème de constitutionnalité.

Enfin, il y a l'article 48 de la Constitution qui dit que le Gouvernement est maître de l'ordre du jour, ce qui pose un autre problème de constitutionnalité. MM. Bouvard et Migaud pourraient certes nous proposer de ne pas saisir le Conseil constitutionnel, mais ce serait sans effet, puisque, comme vous le savez, les modifications du Règlement de l'Assemblée lui sont automatiquement transmises.

Pour toutes ces raisons, il me semble qu'il serait sage de réexaminer la question plus tard, à tête reposée, sachant que nous aurons d'autres occasions de modifier notre Règlement et qu'un consensus pourra être trouvé. Telle est en tout cas l'attitude juridiquement sage que vous recommande la commission.

M. le Président - La sagesse consisterait donc à retirer l'amendement ?

M. le Rapporteur - Je vous laisse le soin de traduire, Monsieur le Président.

M. René Dosière - Nous sommes tous d'accord pour étoffer la discussion de la loi de règlement. Actuellement, tout est organisé autour de la loi de finances initiale, mais la LOLF va forcément nous amener à mettre beaucoup plus l'accent sur cette loi de règlement, ce qui entraînera d'ailleurs des transformations beaucoup plus importantes que celles demandées dans cet amendement. Dès lors que nous sommes tous d'accord sur cet objectif, je pense que nous pouvons, comme nous y invite le président de la commission des lois, nous donner le temps d'y travailler, ce qui ne nous empêche d'ailleurs pas de suivre les suggestions de MM. Carrez et Bouvard concernant la méthode dès la loi de règlement pour 2005.

Sachant qu'un consensus pourra être trouvé - je note à ce propos que les demandes de M. Ayrault ont été entendues - et que nous reviendrons sur le sujet, il me semble que la sagesse commande de suivre l'avis de la commission.

M. Jean-Pierre Brard - Nous n'avons pas nécessairement la même vision de la sagesse. Celle de M. Houillon et de M. Dosière est toute empreinte de conciliation conciliaire... Mais il ne faut pas confondre sagesse et frilosité. Je crains pour ma part que les modifications promises ne soient remises à la Saint-Glinglin. Il serait plus pertinent de régler le problème maintenant, ce qui paraît d'autant plus facile que M. Bouvard a apporté les précisions demandées par M. Le Président.

Le fait que l'amendement soit cosigné par MM. Bouvard et Migaud est à l'image du consensus qui a présidé à l'élaboration de la LOLF.

Quant à sa constitutionnalité, je fais confiance à Pierre Mazeaud - gardien vigilant de la Constitution en même temps qu'homme soucieux de voir le Parlement jouer pleinement son rôle - et aux autres « Sages » pour en décider. Laissons-les dire ce qu'il en est.

M. le Président - Est-ce à dire que nous ne serions pas sages, ici ?

M. Jean-Pierre Brard - A sage, sage et demi ! Je vous vois d'ailleurs bien, Monsieur le Président, être le premier des Sages dans une future vie !

M. le Président - Le Parlement légifère en son âme et conscience et ne s'en remet pas par avance aux décisions du Conseil constitutionnel, quelles que soient l'importance de cette instance et la qualité de son président comme de ses membres.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement - S'agissant d'une proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l'Assemblée, le Gouvernement n'est présent aux bancs que pour marquer sa considération envers vos travaux. Je vous remercie donc, Monsieur le Président, de me donner la parole.

Je veux simplement dire que je suis sensible aux arguments de la commission des lois, en particulier en ce qui concerne le respect de l'article 48 de la Constitution. Il y a eu sur cette proposition de résolution, comme sur la LOLF, un long travail de concertation, que le Gouvernement est tout à fait disposé à poursuivre, de même qu'il est tout à fait disposé à présenter la loi de règlement selon des modalités nouvelles. Mais je crois que nous aurons plusieurs possibilités d'en reparler.

M. Michel Bouvard - J'entends bien qu'il est important que les choses se fassent de façon consensuelle, mais j'insiste sur le fond, à savoir sur le fait qu'il n'est plus possible de continuer à examiner la loi de règlement en deux heures, alors que nous consacrons plusieurs semaines à la deuxième partie de la loi de finances ! L'application de la LOLF va nous amener à examiner pendant quatre semaines des projets annuels de performance et nous n'aurions ensuite que deux heures pour examiner les rapports annuels de performance qui en sont le pendant !

La première loi de règlement totalement en format LOLF ne devant être que celle du budget 2006, j'accepte de retirer mon amendement sous réserve que la Présidence et le Gouvernement prennent conjointement l'engagement qu'un groupe de travail sera constitué, associant la commission des finances et la commission des lois et comprenant les représentants des groupes au sein de la mission sur la LOLF, pour faire des propositions sur l'organisation du débat sur la loi de règlement du budget 2005, qui aura lieu en juin prochain et constituera une transition, et pour fixer les règles des débats ultérieurs. Il ne faudrait pas en effet donner le sentiment qu'on renvoie tout cela sine die, faute de quoi on risquerait d'aboutir à ce qu'évoquait Jean-Pierre Brard.

M. Gilles Carrez - Très bien.

M. le Président - Vous savez que j'ai l'intention de proposer d'autres modifications de notre Règlement. Je suis d'ailleurs preneur de toute proposition en la matière pour améliorer le fonctionnement de notre assemblée. Si la commission des finances me fait ainsi des propositions précises, je chercherai à obtenir un consensus de l'ensemble des groupes - comme il est normal en une telle matière - afin de les intégrer dans les modifications que je veux proposer au printemps prochain.

M. Jean-Pierre Brard - C'est un bon compromis.

L'amendement 4 rectifié est retiré.

L'article 7, mis aux voix, est adopté.

ART. 8

L'article 8, mis aux voix, est adopté.

ART. 9

M. le Président - Les amendements 1 du Président Houillon et 3 de M. Migaud et des membres du groupe socialiste sont identiques.

M. le Rapporteur - Nous en avons déjà parlé, il s'agit de revenir sur ce que j'appellerai « l'amendement Dubernard » relatif à la loi de financement de la sécurité sociale, ce conformément au souhait du Président Ayrault et avec l'accord de la commission des lois.

M. le Président - Il y a eu un consensus sur ce point en Conférence des présidents.

Les amendements 1 et 3 sont adoptés, et l'article 9 est ainsi rédigé.

ART. 10

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

ART. 11

M. le Rapporteur - J'imagine que tout le monde sera d'accord pour adopter l'amendement 2 du Président Houillon, qui supprime une disposition inutile...

M. le Rapporteur - C'est un toilettage.

L'amendement 2 est adopté.

L'article 11 ainsi modifié est adopté.

TITRE

M. le Président - Conformément aux conclusions de la commission, le titre est ainsi rédigé : « Proposition de résolution tendant à modifier les dispositions du Règlement de l'Assemblée nationale relatives à la discussion des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ».

L'ensemble de la proposition de résolution, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 10 heures 50.

              La Directrice du service
              du compte rendu analytique,

              Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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