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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 5ème jour de séance, 12ème séance

2ème SÉANCE DU LUNDI 10 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. René DOSIÈRE

vice-président

Sommaire

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite) 2

ART. 6 (précédemment réservé) 2

AVANT L'ART. 7 4

ART.7 4

APRÈS L'ART. 7 6

ART. 8 9

APRÈS L'ART. 8 10

ART. 9 11

APRÈS L'ART. 9 16

ART. 10 18

APRÈS L'ART. 10 19

AVANT L'ART. 11 21

ART. 11 22

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 11 OCTOBRE 2005 25

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, de la loi d'orientation agricole.

ART. 6 (PRÉCÉDEMMENT RÉSERVÉ)

M. André Chassaigne - J'ai déjà longuement défendu l'amendement 680, qui vise à supprimer cet article.

M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques - Avis défavorable.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche - Même avis.

L'amendement 680, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances - En permettant au cédant - et il y en a ! - de jouer le rôle de banquier pour aider un jeune à s'installer, cet article crée un excellent dispositif, que notre commission a souhaité étendre, par l'amendement 255 rectifié, aux candidats à l'installation non éligibles à la DJA. Répondons aux besoins spécifiques de ceux qu'il est convenu d'appeler les « non-aidés » - auxquels nos collègues de l'opposition semblent apporter un soutien bien inconstant... -, car ils représentent environ 20 % des jeunes agriculteurs. Notre projet doit être ouvert à toutes les composantes de l'agriculture française. Interrogé, le président du CNJA a confirmé son intérêt pour ces nouvelles mesures.

M. le Rapporteur - La commission ayant accepté cet amendement, je retire le 304 à son profit.

M. le Ministre - Avis très favorable. Je lève le gage.

M. André Chassaigne - Je voterai cet amendement, sans illusion toutefois sur le crédit transmission. Je précise que nous n'avons jamais dénoncé l'installation de certains jeunes hors DJA...

M. Jean Auclair - Allons donc ! Vous avez dit le contraire tout à l'heure !

M. André Chassaigne - Au reste, dans mon département, le conseil général accompagne les « non-aidés » et cette ouverture est d'autant plus justifiée que les critères d'attribution de la DJA demeurent trop réducteurs. La solution préconisée par M. Le Fur ne doit pas cependant masquer les vrais obstacles à l'installation que constituent les difficultés d'accès au foncier, aux financements et aux droits à produire. Je soutiens son amendement mais n'allons pas croire que les problèmes liés à l'installation hors DJA s'en trouveront réglés.

M. Jean Gaubert - Puissent nos collègues de la majorité méditer l'adage selon lequel il n'est pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Nous n'avons jamais prétendu interdire à certains jeunes de s'installer sans aides. (M. Auclair s'exclame) Si trop de jeunes ne sont pas accompagnés dans leur démarche d'installation, c'est parce qu'on leur oppose des critères de surface, d'apport de fonds - bien que l'excellent amendement de M. Simon tende à régler pour partie le problème, notamment dans les GAEC - et d'appréciation plus ou moins objective de la viabilité du projet, en particulier si le jeune n'a pas de références. Nous ne sommes pas opposés à l'extension du crédit transmission aux non-aidés mais il serait de mauvaise méthode de faire croire que l'on peut s'installer sans formation ni expérience.

Un mot pour commenter deux mesures annoncées par le Gouvernement : le versement de la DJA en une seule fois constitue à l'évidence un progrès salutaire ; mais pour ce qui concerne la baisse des taux bonifiés, encore heureux que le Gouvernement tienne compte de l'évolution des cours pratiqués, sinon les taux prétendument bonifiés auraient été bientôt les plus hauts du marché !

M. le Ministre - Vous reconnaissez donc que c'est aussi une bonne nouvelle!

M. le Président - Chers collègues, n'ayons pas peur de l'excès de vitesse : la semaine dernière, nous avons examiné 18 amendements à l'heure, cet après-midi 50, et je suis persuadé que nous pouvons faire encore mieux ! (Sourires)

M. François Guillaume - Prenons tout de même le temps d'approfondir les points qui méritent de l'être où l'on votera dans le brouillard : je rappelle que notre discussion a permis d'aborder des sujets auxquels personne n'avait pensé. Pour tout dire, je trouve qu'il est assez démagogique de proposer un amendement qui va permettre aux non-titulaires de la DJA - soit, pour parler clair, aux jeunes non formés - d'accéder à certains avantages. Je considère pour ma part qu'aucun agriculteur digne de ce nom ne peut accepter que son fils s'installe sans formation. Du reste, je rappelle que la DJA n'est pas réservée aux jeunes diplômés mais à tous ceux qui peuvent attester avoir suivi un parcours de formation en agriculture. Ce ne serait pas un bon service à rendre au monde agricole que de faire passer au second plan l'obligation de formation des jeunes. Je suis donc opposé à l'amendement de M. Le Fur.

M. François Sauvadet - Ce serait nous intenter un faux procès que de penser qu'au travers de cet amendement, nous souhaitons remettre en cause la formation, alors que nous sommes au contraire convaincus qu'aucun corps de métier ne saurait en faire l'économie.

Par ailleurs, la majorité des jeunes agriculteurs s'installent aujourd'hui sans recevoir aucune aide, du fait de la complexité du dispositif. L'amendement de M. Le Fur a le mérite de prendre en compte cette réalité, et je rends hommage au ministre de vouloir simplifier autant que possible les procédures.

Quant à M. Gaubert, comment peut-il souhaiter le développement de l'agriculture, et accepter que certaines personnes ne soient pas accompagnées ? Comment la formation ou l'éducation pourraient-elles ne pas être des critères d'installation ? Madame la rapporteure pour avis, comment pouviez-vous accepter, tout à l'heure, que des agriculteurs prennent le risque de s'installer sans formation ?

Enfin, M. Guillaume a raison d'attirer notre attention sur la validation des acquis de l'expérience, et nous devrons nous pencher sur ce sujet.

L'amendement 255 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis - L'amendement 256 tend à étendre à la cession des fonds agricoles le dispositif du crédit transmission.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Ministre - Je ne comprends pas l'utilité de cet amendement dans la mesure où, le fonds agricole faisant partie de l'actif, il est forcément visé par cet article.

L'amendement 256 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 305 est rédactionnel.

L'amendement 305, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. François Guillaume - L'amendement 102 rectifié vise à simplifier la rédaction du 3° de l'article 199 unvicies du code général des impôts, en remplaçant « les contribuables mariés ou les partenaires liés par un pacte civil de solidarité soumis à une imposition commune » par « les couples contribuables soumis à l'imposition commune».

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Dans la mesure où les couples pacsés ont le choix entre plusieurs rattachements fiscaux, la formule de l'article 6 est plus large que celle de votre amendement.

M. François Guillaume - Ma rédaction me semble au contraire plus large que la vôtre, puisque je ne dresse pas de catalogue, soit.

L'amendement 102 rectifié est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 306 est rédactionnel.

L'amendement 306, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ART. 7

M. le Rapporteur - En cohérence avec les amendements adoptés par la commission à la suite du rapport de M. Jacques Le Guen, l'amendement 308 tend à insérer la promotion de l'emploi dans l'intitulé du chapitre II.

L'amendement 308, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Gaubert - L'amendement 500 vise à inciter le Gouvernement à réfléchir aux conditions très difficiles dans lesquelles les inspecteurs du travail en agriculture exercent leur métier.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas retenu cet amendement, et je propose à M. Gaubert de le retirer au profit d'un amendement 1119, qui sera examiné après l'article 30.

M. le Ministre - Le Gouvernement est très sensible aux conditions de travail de ces inspecteurs, et je me suis d'ailleurs rendu avec M. Larcher en Dordogne, à l'occasion du premier anniversaire du décès de Sylvie Trémouille et Daniel Buffière. Nous avons donné à l'ensemble des services des moyens supplémentaires pour leur permettre de réagir à ce genre de situation, et surtout des instructions pour que la moindre des incivilités conduise à la saisine du Procureur de la République.

Je partage votre souci, Monsieur Gaubert, et je puis vous assurer que nous serons favorables à l'amendement de M. le rapporteur qui va dans le même sens que le vôtre.

M. Jean Gaubert - C'est par erreur que j'ai redéposé cet amendement après l'accord intervenu en commission.

L'amendement 500 est retiré.

ART.7

M. Michel Raison - Permettez-moi de revenir sur l'article 6 : l'aide publique est un levier, qui doit permettre d'aider les jeunes agriculteurs, mais aussi d'élever le niveau général de leur formation, et le groupe UMP ne remet pas en cause cette logique.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Michel Raison - En revanche, il est évident qu'on ne peut abandonner ceux qui n'ont pu accéder à cette formation. Quant à ce stage de six mois, il est heureux que dans de nombreux départements, les cas particuliers soient traités avec intelligence.

Concernant l'article 7, je me félicite des avancées sociales qu'il contient, notamment la révision du statut de l'aide familiale. Dans le même esprit, j'avais déposé un amendement, malheureusement jugé irrecevable, pour contraindre le conjoint du chef de l'entreprise agricole à choisir son statut. Trop souvent en effet, la dégradation de la situation de l'entreprise, ou du lien matrimonial, place le conjoint dans une situation difficile, faute qu'il ait choisi un statut, souvent par souci d'économie. Le Gouvernement devrait réfléchir à une formule plus contraignante.

M. André Chassaigne - Je salue le progrès social que représente cet article. Nous constatons avec plaisir la reconnaissance des personnes liées par un Pacs ainsi que des concubins. Je rappelle que j'avais déposé trois amendements en ce sens lors de la discussion de la loi sur le développement des territoires ruraux, que l'un d'entre eux avait été retenu en commission mais qu'il n'avait pas été finalement voté.

Il s'agit certes d'un progrès notable, mais un progrès en appelle un autre. Je tiens à ce propos à rappeler le grave problème des retraites agricoles. J'ai reçu un véritable appel au secours du président de l'Association nationale des retraités agricoles de France. Conscient de la nécessaire rigueur budgétaire, il est persuadé que des solutions doivent être recherchées dans un souci d'équité sociale. Il ajoute que c'est le monde agricole qui, depuis la dernière guerre, a réussi à placer notre pays au premier rang mondial des exportateurs de produits agricoles, permettant ainsi que la balance du commerce extérieur de la nation soit largement excédentaire. Il préconise que l'industrie agro-alimentaire, par un juste retournement des choses, participe au financement de ceux qui ont été les acteurs de cette réussite. Les conclusions du groupe de travail présidé par M. Garnier faisaient état d'avancées importantes, notamment en ce qui concerne l'abaissement des coefficients de minoration pour les polypensionnés. Ce groupe a fait valoir de nombreuses propositions avec des hypothèses et un échéancier. M. Garnier précisait que le projet dont nous discutons aujourd'hui devait comporter un volet social. Force est de constater qu'il est réduit à peu de chose et que vous avez oublié les agriculteurs retraités. Certes, ils sont de moins en moins nombreux puisque 50 000 décèdent chaque année, mais leur attente est inacceptable : notre assemblée se serait honorée en acceptant de revaloriser des retraites misérables.

M. Jean Gaubert - Je salue à mon tour les avancées de cet article car il est temps de mettre bon ordre au statut des aides familiaux, statut qui a trop servi à fournir de la main-d'œuvre gratuite à des exploitations en grande difficulté. Ces aides familiaux, en outre, ne recevaient pas la juste rémunération de leur travail lors de leur retraite et souvent, lors des successions, ne transmettaient que des dettes.

Des lois ont permis de prendre en compte la situation souvent dramatique des conjoints, mais ce statut n'est qu'optionnel. Nous savons qu'en cas de divorce ou de veuvage, certains conjoints ont été placés dans des situations inextricables. Dans une exploitation agricole, il convient d'obliger le conjoint à avoir un statut, comme ce fut le cas dans la loi Dutreil sur les PME, afin qu'il puisse bénéficier d'un certain nombre d'avantages sociaux. Que l'on n'oppose pas la question financière : le statut de co-exploitant permet par exemple de partager les sommes disponibles, si faibles soient-elles. Le salariat est également possible. Nous proposons d'ailleurs qu'à défaut du choix d'un autre statut, ce soit celui-ci qui s'applique.

M. Jean Auclair - J'ai cosigné avec plusieurs collègues un amendement dont j'ignore pourquoi il n'est pas en séance. Celui-ci concerne le statut des aides familiaux. Afin de mettre fin aux difficultés rencontrées par les aides familiaux lors de leur installation, il est proposé de supprimer le stage de six mois pour ceux qui le désirent et qui sont aides familiaux depuis trois ans. En effet, 50 % des installations se faisant hors DJA, les jeunes sont pénalisés pour entrer dans la vie active. L'absence d'un jeune pendant six mois met l'exploitation en péril si ses parents sont malades ou fatigués. Le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles a formulé des propositions qui devraient vous faire tous réfléchir : il suggère d'ouvrir sous condition aux agriculteurs n'ayant pas bénéficié de la DJA les droits aux prêts bonifiés et les droits à produire. Il s'agit d'aider, parmi ceux qui ne reçoivent aucune aide, ceux qui sont les plus dynamiques. Ils pourraient alors se voir attribuer une DJA spécifique et bénéficieraient du statut d'agriculteur aidé à condition de souscrire les mêmes engagements que les autres. Dans une telle loi, nous ne pouvons les ignorer.

M. François Guillaume - Il faut veiller à ce que le statut d'aide familial ne se pérennise pas pendant des décennies et il convient donc d'y mettre une limite. Néanmoins, par pragmatisme, je crois qu'il faut éviter de trop raccourcir cette éventuelle possibilité car avec l'allongement de la durée des cotisations, les exploitants cesseront leur activité plus tardivement, ce qui retardera d'autant le transfert de l'entreprise à la génération suivante. Il faut donc offrir à un aide familial envisageant la reprise de l'exploitation de ses parents, souvent en charge d'autres enfants à qui il faut assurer scolarisation et acquisition d'un métier, la possibilité de bénéficier de ce statut d'attente pendant huit ans. Dans le cas contraire, le jeune agriculteur risque de chercher du travail ailleurs, ce qui remettra à cause le transfert de l'exploitation dans un cadre familial. Tel est le sens de l'amendement 104.

L'amendement 104, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 309 rectifie une erreur matérielle.

L'amendement 309, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 310 apporte une précision.

L'amendement 310, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Simon - A la suite d'un divorce, il est fréquent de rencontrer des personnes qui ont à charge une caution d'emprunt ou des dettes contractées par le couple dans le cadre de leur précédente activité. La plupart du temps, ce sont les ex-épouses qui doivent, après la procédure de divorce, assumer le remboursement des prêts ou des dettes sans contrepartie de jouissance de leur ex-activité. Je propose donc avec la commission, par l'amendement 311, qu'en cas de divorce et après son prononcé, les dispositions de l'article 1387-1 du code civil soient applicables dans le domaine agricole comme la loi Dutreil en a disposé dans le cadre des PME. Je propose en outre, à travers un sous-amendement, de supprimer « aux conjoints collaborateurs », pour être pleinement conforme avec la loi sur les PME.

M. le Président - J'accepte ce dernier sous-amendement, Monsieur Simon, mais après l'expérience de cet après-midi, je n'accepterai plus de sous-amendement oral pendant cette séance, sauf s'il s'agit de simples rectifications orthographiques.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Ministre - Je comprends le souci de M. Simon mais cet amendement n'est pas nécessaire. Les dispositions de l'article 1387-1 du code civil n'opèrent pas de distinction sur la capacité de l'un ou de l'autre des époux à engager l'entreprise. Elles peuvent donc s'appliquer au conjoint collaborateur en tant qu'époux du chef d'exploitation agricole sans qu'il soit nécessaire d'en faire mention expresse à l'article du code rural que vous souhaitiez amender. Le code civil vous donnant satisfaction, je ne crois pas qu'un ajout au code rural soit nécessaire.

L'amendement 311 est retiré.

M. François Guillaume - Mon amendement 105 vise à supprimer les mots « ou d'entreprise », qui ne sont pas nécessaires dans cet alinéa où l'on parle « d'exploitation agricole », à moins de considérer qu'il y aurait une différence entre une exploitation agricole et une entreprise agricole...

J'observe d'autre part que cet alinéa se réfère au Pacs et au concubinage, alors que tout à l'heure, lorsque j'ai proposé un terme générique pour couvrir toutes ces formes d'alliances, le ministre a préféré en rester à une énumération d'où était d'ailleurs exclu le concubinage. Ce dernier cas est-il donc couvert par l'article 6 ?

M. le Rapporteur - La commission n'a pas retenu cet amendement.

M. le Ministre - Même avis. Je vérifierai ce que vous me demandez, Monsieur Guillaume.

L'amendement 105, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 7, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7

M. Jean Gaubert - La situation des aides familiaux n'est jamais très réjouissante et, avec l'article L. 321-13, qui interdit que la prise en compte de leurs périodes travaillées puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers, elle peut même se solder par le fait que ces personnes aient travaillé pour rien. Notre amendement 502 vise donc à supprimer cette disposition injuste, qui fait que celui qui est resté à l'exploitation, parfois pour aider ses frères et sœurs à poursuivre des études, se retrouve au bout du compte Gros-jean comme devant.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas retenu.

M. le Ministre - Le Gouvernement non plus.

M. Jean Gaubert - Je ne comprends pas que vous refusiez cette mesure de justice. Vous trouvez donc normal que l'on travaille pour rien ?

M. le Rapporteur - Le sujet sera plus utilement traité dans le projet portant réforme des successions que dans une loi d'orientation agricole.

M. André Chassaigne - Oui, mais un tiens vaut mieux que deux tu l'auras !

L'amendement 502, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Gaubert - Nous avions toute une série d'amendements sur le statut des aides familiaux, mais ils ont été écartés au titre de l'article 40, ce qui est surprenant dans la mesure où ces questions de droit privé n'ont par nature pas d'incidence sur les finances publiques.

Nos amendements 782, 781 et 784 traitent, eux, de l'intégration agricole. Vingt-cinq ans après les premiers textes sur le sujet, les choses ont beaucoup évolué et l'imagination des juristes a permis aux plus forts de contourner l'esprit de loi, de sorte que l'intégration d'aujourd'hui est devenue de type horizontal : c'est l'intégration d'agriculteurs en difficulté par d'autres agriculteurs, qui eux vont bien. Sous couvert de l'aider, on propose à celui qui est en difficulté de créer une société dans laquelle il détiendra seulement 5 ou 10 % des parts ! L'honneur sera sauf vis-à-vis des voisins, mais le détenteur de ces malheureux 10 % deviendra taillable et corvéable à merci, sans la protection du droit du travail, puisqu'il aura le statut d'associé, et sans salaire, puisqu'il sera rémunéré aux résultats. Nous voulons mettre fin à ce type de situation.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas retenu ces amendements, faute de mesurer les conséquences que pourraient avoir les modifications proposées. Mais c'est un vrai problème, et je comprends que M. Gaubert interpelle le Gouvernement à ce sujet.

M. le Ministre - A ce stade du débat, je suis obligé d'émettre un avis défavorable, car nous n'avons pas suffisamment travaillé la question, mais je suis d'accord pour le faire avec vous, Monsieur Gaubert, et je souhaiterais donc que vous retiriez vos amendements.

M. Jean Gaubert - Si l'urgence n'avait pas été demandée sur ce projet, je l'aurais fait, car nous aurions pu y travailler d'ici la deuxième lecture, mais comme il n'y aura pas de deuxième lecture, je maintiens mes amendements.

L'amendement 782, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 781 et 784.

M. André Chassaigne - L'amendement 684 vise à supprimer le plafonnement de l'assiette des cotisations vieillesse. Il n'est pas normal que les agriculteurs les plus riches contribuent proportionnellement moins au régime de retraite que les agriculteurs dont le revenu n'est pas à la hauteur de ce plafond.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, car il y a un principe général de plafonnement des cotisations, les pensions étant elles-mêmes plafonnées.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 684, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis - Il ne faut pas nous interdire d'avancer sur le dossier des retraites. Nous l'avons fait dans la loi de modernisation agricole de 1994 et, plus tard, pour ce qui concerne la retraite complémentaire agricole. Il s'agit ici, par l'amendement 1093 rectifié, très travaillé par M. Garrigue, de traiter le cas des femmes qui relèvent du régime agricole mais qui, pendant la période où elles ont cessé leur activité agricole pour s'occuper de leurs enfants, ont relevé du régime général et ne réunissent donc pas les 32,5 années nécessaires pour bénéficier de la retraite agricole. Nous vous proposons de faire évoluer la situation de ces femmes, Monsieur le ministre, en adoptant cette réforme qui n'est pas la plus coûteuse, mais est pour le moins attendue.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. Cependant, si M. Le Fur me l'avait proposé, je me serais volontiers joint aux signataires.

M. le Ministre - Le Gouvernement est tout à fait prêt à faire mouvement sur les retraites agricoles. Un groupe de travail a été mis en place à l'initiative d'Hervé Gaymard et le président Méhaignerie m'a fait savoir qu'il souhaitait que deux députés de la commission des finances, MM. Garrigue et Censi, puissent analyser les mesures proposées : à cette fin, et pour qu'elles puissent s'inscrire dans un contexte plus cohérent, je vous demande de retirer cet amendement. D'ici la fin de l'année, ou au début de 2006, nous serons en mesure d'examiner les nouvelles dispositions.

M. André Chassaigne - Je m'associe à cet amendement dans la mesure où il abaisse les coefficients de minoration instaurés en 1997. Il s'agit d'une demande ancienne des agriculteurs retraités. S'agissant de la réponse de M. le ministre, je regrette que les hypothèses émises par le groupe de travail en 2004 et en 2005, et partant du 1er juillet 2005, n'aient toujours pas trouvé à se concrétiser. Par ailleurs, Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu sur le fond à mon intervention concernant le rapport Garnier : envisagez-vous une mise en œuvre des propositions qu'il contient ? L'attente est très forte chez les retraités.

M. Michel Raison - Au nom du groupe UMP et en tant que cosignataire de cet amendement, je serais très attentif à l'évolution du groupe de travail. Le dossier des retraites n'avance qu'à petits pas. Cet amendement laisse entrevoir l'un des nombreux dysfonctionnements qui touchent en grande partie les femmes d'agriculteurs. Nous sommes parfois appelés à trouver nous-mêmes des solutions provisoires aux problèmes rencontrés par les veuves pour leur pension de réversion. Il s'agit pourtant bien souvent de sommes dérisoires. Nous demeurerons très vigilants.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis - Je remercie Monsieur le ministre de ses propos et j'espère qu'il sera porteur de nos exigences dans les instances interministérielles. Serait-il concevable que cet amendement puisse être présenté au Sénat au mois de novembre ? Pour le moment, je le retire.

L'amendement 1093 rectifié est retiré.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - L'amendement 486, 4e rectification, concerne la participation, belle et moderne idée gaulliste. Le secteur agricole présente des spécificités quant aux formes sociétaires et à la taille des entreprises. Cette dernière ne permet pas souvent d'envisager un accord, la participation étant optionnelle pour les structures de moins de cinquante employés. Je propose donc d'organiser le recours à la participation par une convention ou un accord de branche étendu. Cela laisse aux partenaires sociaux la liberté de négocier le seuil d'effectif. Je propose également de permettre aux partenaires sociaux de déroger aux modalités de calcul de la participation, souvent trop complexes. Vous avez vous même, Monsieur le ministre, sollicité un tel amendement lors de votre audition devant notre commission.

M. le Rapporteur - Je me réjouis que M. Ollier ait fait sienne cette idée importante. Je ne puis imaginer qu'un texte aussi important, encadrant les vingt prochaines années, fasse l'impasse sur la situation des salariés.

M. le Ministre - J'ai en effet souhaité cet amendement et je remercie M. Ollier de l'avoir proposé. J'y suis très favorable et je lève le gage.

L'amendement 486, 4e rectification, ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Henri Nayrou - L'amendement 814 propose que le Gouvernement réunisse, dans un délai de 18 mois, les organisations professionnelles et syndicales représentatives en vue de lui proposer des modifications permettant de réduire la précarité et d'améliorer la santé au travail.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. le Ministre - Mon expérience parlementaire me laisse penser que cet amendement fait partie de ces mesures souvent adoptées, de nature réglementaire d'ailleurs, et qui encombrent un projet de loi : la loi d'orientation agricole sera plus forte sans. J'en comprends l'intérêt et je m'engage à provoquer cette réunion mais j'émets un avis plutôt défavorable.

L'amendement 814, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne - L'amendement 729 m'a été inspiré par l'association des accidentés de la vie. Il faut arriver à fusionner les 112 tableaux de maladie professionnelle du régime général et les 65 tableaux du régime agricole. Ce sujet a été abordé en 2001 au Sénat et ici même, mais la proposition est restée sans suite. Je rappelle par ailleurs qu'il convient de se mettre en cohérence avec le plan santé travail 2005-2009 qui propose la fusion du conseil supérieur de prévention des risques professionnels avec la commission nationale de sécurité au travail en agriculture.

M. le Président - L'amendement 729 a été déplacé à l'article 9. Nous nous souviendrons qu'il aura été défendu.

M. Henri Nayrou - L'amendement 783 propose que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 30 juin 2006, un rapport sur l'application des dispositions relatives à la représentation collective des agriculteurs intégrés par une même entreprise. Il y a d'une part les agriculteurs déjà intégrés mais il y a également ceux qui deviendront, par suite de la philosophie de ce texte que nous réprouvons, des employés des entreprises agricoles. Les syndicats agricoles souhaitent assurer cette représentation collective, à l'instar de ce qui se fait ailleurs ; la jurisprudence l'autorise, mais en pratique elle n'existe pas.

L'amendement 783, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 8

M. François Guillaume - S'agissant des ordonnances visées par cet article, je souhaiterais que le ministre nous fasse part de ses intentions, tant sur les modalités que sur le financement prévu pour améliorer la protection sociale des non-salariés agricoles.

J'aimerais aussi que le rapporteur veuille bien répondre à ma question sur la différence qu'il fait entre un chef d'exploitation agricole et un chef d'entreprise agricole.

M. Henri Nayrou - Comme M. Guillaume vient de le dire de manière élégante, il serait bon que le Gouvernement ne se passe pas du Parlement... C'est pourquoi nous avons déposé un amendement 511 de suppression de cet article.

M. François Sauvadet - Pour le principe, nous avons également déposé, comme sur chacun des articles habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances, un amendement de suppression, le 925. Nous souhaitons simplement que les mesures envisagées par le Gouvernement pour « améliorer la protection sociale des non-salariés agricoles exploitant des très petites surfaces » soient clairement présentées au Parlement, afin que celui-ci puisse en débattre. Nous aimerions également savoir comment l'on va alimenter le FIPSA car il y a 3,2 milliards à trouver.

M. le Rapporteur - Avis défavorable à ces amendements, que je vous propose de retirer au profit de mon amendement de précision.

M. le Ministre - Quelques réponses à vos interrogations. On dénombre 160 000 personnes exploitant une superficie comprise entre la moitié et un huitième de la surface minimale d'installation. 60 000 sont des retraités, 100 000 ne le sont pas. Notre but est de leur donner accès à l'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, dont elles ne disposent pas aujourd'hui, et ainsi de favoriser le développement de la pluriactivité. Je prends, comme sur l'article 3, l'engagement de vous communiquer avant le vote final le détail de l'ordonnance.

Concernant le FIPSA, je suis toujours en discussion avec mes collègues de l'économie et des finances et du budget dans le cadre de la préparation de la loi de finances ; d'ici au vote du PLFSS, je pense que nous aurons bien avancé dans notre travail.

M. André Chassaigne - Première question : quelle est la durée de l'habilitation demandée ? Nous ne le savons pas... Deuxième question qui demeure sans réponse : quels que soient les progrès envisagés en matière de protection sociale, êtes-vous prêt à faire accéder ceux qui exploitent moins de la moitié de la SMI au statut d'exploitant agricole - et aux droits qui y sont attachés ?

M. François Sauvadet - Monsieur le ministre, je prends acte de votre réponse. Depuis le début de ce débat, vous vous montrez très soucieux de nous éclairer, en particulier sur les ordonnances. Au bénéfice de cette transparence, le groupe UDF retire son amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 925 est retiré.

L'amendement 511, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Henri Nayrou - Les amendements 512 et 513 sont défendus.

Les amendements 512 et 513, repoussés par la commission et par le Gouvernement, et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 313 apporte une précision.

L'amendement 313, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 8

M. Philippe Feneuil - Mon amendement 1068 vise à encourager fiscalement le renouvellement du parc de tracteurs, notamment pour les doter de systèmes anti-retournement. Ce serait bon pour la sécurité, bon pour l'emploi, et n'aurait qu'une incidence minime sur le budget de l'Etat du fait des rentrées de TVA qui en résulteraient.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais à titre personnel, je n'y suis pas favorable, d'abord parce que le Premier ministre a annoncé à Rennes un dispositif d'encouragement à l'investissement pour des matériels permettant de mieux protéger l'environnement, ensuite parce qu'il risquerait de faire les choux gras des producteurs de tracteurs étrangers !

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 1068, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe-Armand Martin - Mon amendement 435 vise à rétablir le plafonnement des cotisations maladie versées par les non-salariés agricoles, qui avait été supprimé par la loi de finances pour 2001.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. André Chassaigne - Heureusement !

M. Philippe Feneuil - Ce plafond existait en 2000, mais on l'a supprimé. Le Sénat avait remarqué qu'il était supérieur à celui d'autres professions. C'était l'occasion pour la représentation nationale de rétablir l'équité. Comment, Monsieur le ministre, rester fermé à un tel amendement ?

M. le Ministre - Le FIPSA connaît un déficit d'un milliard d'euros par an. Dans l'état actuel de nos finances publiques, nous ne pouvons pas l'aggraver.

M. Philippe Feneuil - Les agriculteurs vont donc le payer !

L'amendement 435, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 9

M. François Guillaume - L'intention de cet article est bonne : accorder plus de congés aux exploitants laitiers qui ne peuvent pas en prendre souvent. Cependant, la formulation n'est pas claire. Quels éleveurs vise-t-on précisément - les éleveurs laitiers, ceux de troupeaux allaitants ? D'autre part, il y a bien d'autres métiers agricoles qui requièrent une présence permanente et devraient, à ce titre, avoir droit au même crédit d'impôt : les maraîchers, par exemple. Enfin, il existe dans les départements des services de remplacement qui fonctionnent, reçoivent des aides des collectivités locales - ou s'autofinancent pour partie - et s'adressent surtout aux éleveurs. Dès lors, ne serait-il pas plus simple d'allouer une enveloppe supplémentaire à travers le fonds spécial qui gère les cotisations pour le développement ? L'Etat pourrait affecter cette somme aux départements en fonction du cheptel - notamment laitier.

M. Jacques Le Guen - Je profite de l'article 9 pour faire le point sur l'emploi saisonnier. Le Premier ministre m'a confié une mission pour établir le bilan des coûts sociaux de l'agriculture et leur retentissement sur l'emploi à l'échelle européenne. Certains Etats emploient des méthodes surprenantes pour diminuer les coûts sociaux : un accord entre l'Allemagne et la Pologne, antérieur à 1989 mais renouvelé en 1992, permet à 270 000 Polonais de travailler en Allemagne pour un coût horaire de 4,5 euros - soit la moitié du coût existant en France ! Résultat : en 1992, la France produisait 165 000 tonnes de fraises, l'Allemagne n'en produisait pas ; en 2005, l'Allemagne en produit 165 000 tonnes, nous en produisons moins de 85 000. Ceci nous a conduit à faire des propositions d'amendements franco-françaises pour faciliter le travail saisonnier : groupements d'employeurs, CDI intermittent, contrat-jeune. Au niveau européen, nous proposons la reprise de la directive 96-71 sur le détachement et l'application de la directive 83-2004 sur le paiement des charges sociales dans le pays d'origine.

Le travail illégal dans l'Union européenne est également un véritable souci : je m'étonne que certaines sociétés puissent venir travailler en France en appliquant le principe de la prestation - on voit dans le Sud des travailleurs colombiens ou équatoriens venus par l'Espagne. Nous proposerons aussi la création d'un observatoire des distorsions.

Le coût du travail est le problème principal, surtout dans le secteur des fruits et légumes. La cueillette des fruits rouges, par exemple, représente 70 % du prix de revient ! C'est sur le financement de la protection sociale - parlons de cotisations plutôt que de « charges » - que l'on doit s'interroger.

Enfin, les crédits de la PAC doivent être redistribués : actuellement, sur 9 milliards d'euros, 267,1 millions seulement sont affectés aux fruits et légumes - contre 5 milliards aux grandes cultures - alors que c'est le secteur où la main-d'œuvre est la plus importante et les coûts sont les plus lourds.

M. André Chassaigne - L'ancien maître d'école que je suis a d'abord eu tendance à distribuer de bons points à votre rapport, Monsieur Le Guen. Vous écrivez que l'impôt sur le revenu est structurellement plus faible en France qu'ailleurs, et ramenez le discours sur la non-compétitivité de notre système fiscal à ce qu'il est vraiment : un discours idéologique bâti pour la défense des plus riches. Félicitations ! En évoquant la faiblesse de l'impôt sur les sociétés, vous nous donnez raison : les profits sont sous-taxés. Merci ! Lorsque vous dénoncez les injustices de la PAC qui aide les grandes cultures et abandonne les maraîchers, je croirais entendre Mme Laguiller ! (Rires). Vous souhaitez développer les CDI intermittents avec congés de formation : j'applaudis, comme le feraient les intermittents du spectacle aux côtés desquels j'ai souvent lutté.

M. Jean Auclair - Vous êtes plutôt un permanent du spectacle !

M. André Chassaigne - Mais le soufflé finit toujours par retomber... et vous retombez dans les travers de l'idéologie dominante. Vous critiquez le niveau des cotisations sociales - que vous avez raison de préférer aux charges - et dîtes que leur allégement est coûteux, mais vous souhaitez les généraliser. Au fond, en proposant l'augmentation de la CSG, vous voulez fiscaliser la protection sociale - dans la ligne du plan Juppé de 1995. Cette fiscalisation se reporte sur les ménages. Les parlementaires communistes s'y sont toujours opposés : nous rejetons la CSG comme mode de financement de la sécurité sociale.

Mais ma principale critique portera sur l'emploi car nous refusons que l'on tende à faire du contrat saisonnier la norme du travail dans l'agriculture. Songez que certains salariés travaillent sous ce mode plus de huit mois pas ans ! Attaquer le CDI, c'est fragiliser l'ensemble du monde agricole, et nous ne pouvons que déplorer que rien de concret ne soit proposé en vue de favoriser le CDI intermittent...

M. Jacques Le Guen - Vous ne m'avez pas bien lu !

M. André Chassaigne - Au final, vos propositions restent très perfectibles.

M. Jean Gaubert - A entendre certaines de vos déclarations, Monsieur le ministre, l'amélioration du régime du remplacement allait créer de véritables congés payés pour les agriculteurs. Las, que de déceptions à l'arrivée ! Extrêmement restrictif, le dispositif exige que l'agriculteur apporte la preuve que sa présence dans l'exploitation est indispensable de manière continue et toute l'année, ce qui exclut de fait les professionnels travaillant sous le régime d'une société ou employant un salarié. Seul l'exploitant individuel est donc visé, à l'exception de tous les autres...

M. Le Fur, rapporteur pour avis - Pas du tout, puisque les droits sont proratisés !

M. Jean Gaubert - Le risque est grand de faire plus de mécontents que d'heureux et que l'image de la profession agricole ne s'en trouve encore altérée ...

M. le Ministre - « Ne rien faire parce qu'on ne peut pas tout faire », c'est la définition du conservatisme !

M. Jean Gaubert - Je ne prône pas l'immobilisme, mais je mets en garde contre les effets d'annonce. Au reste, le problème de fond tient aux revenus plutôt qu'aux absences pour congés. L'objectif doit être de permettre à nos agriculteurs de vivre de leur exploitation.

Le rapport de Jacques Le Guen a le mérite de rappeler certaines vérités. D'abord, le travail saisonnier existe. C'est un fait ; mais il est faux de dire qu'il n'existe aucune solution pour le limiter. Sous la législature précédente, nous avons autorisé - contre l'avis des communistes - l'annualisation du temps de travail, malheureusement peu utilisée alors qu'elle constitue un moyen efficace pour lutter contre les formes précaires d'emploi. Ensuite, notre agriculture s'affronte à un vrai problème de compétitivité...

M. Jacques Le Guen - Absolument !

M. Jean Gaubert - ...et les règles sociales demeurent insuffisamment harmonisées au sein de l'UE. Il est par exemple scandaleux que l'on laisse l'Espagne recourir massivement à une main-d'œuvre immigrée en provenance des pays du Sud dans des conditions sociales très en deçà de la norme européenne.

M. Jacques Le Guen - Tout à fait d'accord.

M. Jean Gaubert - Si certains problèmes semblent échapper à notre emprise, d'autres relèvent directement de notre responsabilité. Ainsi, il est déplorable que l'on ait choisi d'appliquer l'accord de Luxembourg selon la règle : « tu avais des aides, t'en auras encore ; tu n'en avais pas, tant pis pour toi ! » car cela revient à dire que, dans quelques années, l'on sera aidé pour produire du chou-fleur en Allemagne et pas en Bretagne ! C'est une réalité à laquelle il est conseillé de se préparer car elle va déséquilibrer le marché de manière spectaculaire. Je l'ai dit au début de la discussion de ce texte : appliquer Luxembourg selon ces principes équivaut à réinventer les montants compensatoires !

M. le Rapporteur - L'amendement 315 est de coordination.

M. le Ministre - Favorable.

M. Jacques Le Guen - Un mot pour répondre à MM. Chassaigne et Gaubert, d'autant que nous pouvons tomber d'accord sur plusieurs points. Ainsi, je n'ai pas peur de dire que l'imposition des sociétés est relativement plus faible chez nous qu'ailleurs : 2,4 points de PIB contre 3,5 en moyenne européenne et jusqu'à 8,5 % dans certains Etats membres. Dès lors, ce sont surtout nos impôts indirects qui découragent l'emploi en atteignant des niveaux prohibitifs - et inégalés.... On ne donnera un regain de compétitivité à nos entreprises qu'en libérant le coût du travail.

M. François Sauvadet - Excellent !

M. Jacques Le Guen - Quant aux abattements sur les bas salaires, il est désormais bien établi qu'ils tendent à la longue à creuser une trappe à pauvreté...

M. François Sauvadet - Il faut compter avec les effets de seuil !

M. Jacques Le Guen - Il faut se poser la question de l'efficacité des 22 milliards d'abattement de charges consentis aux entreprises.

S'agissant de la CSG, M. Chassaigne sait aussi bien que quiconque que la clé de son utilité sociale est dans sa progressivité, aujourd'hui insuffisante. En tout état de cause, aucune piste n'est à écarter pour trouver les voies du financement de la protection sociale à moyen terme et l'idée d'une TVA sociale - à laquelle je ne crois guère personnellement - mérite certainement d'être approfondie.

Vous avez aussi regretté que la formule du CDI intermittent ne soit pas creusée : c'est négliger que je préconise dans mon rapport une évolution de l'emploi à temps incomplet vers un CDI, en incluant des périodes de formation entre les différentes périodes d'activité saisonnière. Quant au problème du sous-emploi en général, je reste convaincu qu'on ne le règlera qu'en explorant toutes les voies pour alléger le coût du travail. Et il serait à cet égard indispensable que les mêmes règles s'appliquent partout au sein de l'UE, dont les frontières doivent être stabilisées..

M. François Sauvadet - Absolument ! Vous êtes prêt, cher collègue, à intégrer l'UDF ! (Sourires)

M. Jacques Le Guen - Cela peut conduire à dénoncer certains accords entre Etats membres et pays tiers. Songez que depuis son adhésion à l'Union, la Pologne a vu ses prix agricoles augmenter de 35 % et ses cotisations sociales de 48 %. C'est donc bien qu'il se passe quelque chose ! Et l'Allemagne ne manquera pas d'être pénalisée par cette mise à niveau sociale de la main-d'œuvre polonaise. Veillons par conséquent à éviter l'effet domino que créerait l'autorisation de recourir à des travailleurs biélorusses ou ouzbeks ! Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour défendre une position ferme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

L'amendement 315, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 316 rectifié est de précision.

M. le Ministre - Favorable.

M. Le Fur, rapporteur pour avis - L'amendement 263 est analogue, et je profite d'avoir la parole pour défendre le dispositif de remplacement créé par l'article 9. Très attendue par le monde agricole, la mesure prend la forme d'un crédit d'impôt - et non d'une déduction fiscale -, les ménages non imposables touchant un chèque de montant correspondant. En pratique, cela permettra aux exploitants de profiter de quelques jours de liberté alors que certains n'ont pas pu quitter leur terre depuis des années. Alors, ne venez pas dire, cher collègue Gaubert que c'est de la démagogie ! Quant aux sociétés, elles sont visées au deuxième alinéa. Je puis vous dire que le service de remplacement des Côtes-d'Armor est extrêmement intéressé par la mesure et se demande déjà comment il va faire face à l'afflux de demandes, en particulier dans la période qui suit les moissons.

M. le Ministre - Favorable à l'amendement et je lève le gage.

M. le Président - Le gage étant levé, les amendements 316 rectifié et 263 deviennent identiques.

M. Jean Gaubert - Je n'ai pas dit que cette disposition était inutile, mais qu'elle n'allait concerner que peu de monde.

M. le Ministre - 70 000, ce n'est pas rien !

M. Jean Gaubert - Certes, mais les contrôleurs fiscaux ne manqueront pas de s'appuyer sur la condition que l'activité agricole requiert « leur présence sur l'exploitation chaque jour de l'année » pour retirer aux associés qui ne travaillent qu'un jour sur deux le bénéfice du crédit d'impôt.

M. le Ministre - Il y aura une instruction fiscale.

M. Jean Gaubert - J'espère qu'elle sera appliquée !

Par ailleurs, Monsieur le ministre, après nous avoir affirmé que vous fixiez des orientations pour les vingt prochaines années, voilà que vous prenez des mesures pour trois ans !

M. le Ministre - C'est une règle habituelle pour les mesures fiscales. Je m'en suis déjà expliqué. C'est une marque de respect pour le Parlement.

Par ailleurs, n'oubliez pas que cette mesure, qui concerne près de 70 000 exploitants, est très attendue par la profession, comme j'ai pu le constater au sommet de l'élevage de Clermont-Ferrand où je me suis rendu la semaine dernière avec MM. Giscard d'Estaing et Simon. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les amendements 316 rectifié et 263, mis aux voix, sont adoptés.

M. François Guillaume - La rédaction proposée de cet article est d'une telle imprécision - l'on s'interroge ainsi sur le sort réservé aux GAEC - que mon amendement 106 rectifié vise à retenir une rédaction plus simple, quitte à ce que le ministre précise ensuite le texte par décret.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement qui va au-delà de l'esprit du projet, aussi y suis-je défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 106 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Viollet - L'amendement 982 tend à subordonner l'obtention du crédit d'impôt au fait que le remplacement soit assuré par un service de remplacement ayant passé convention avec la caisse de mutualité sociale agricole.

Il s'agit tout d'abord, dans un souci de cohérence, de s'aligner sur le régime de remplacement des agricultrices en congé maternité.

Par ailleurs, ce dispositif protège l'exploitant, dans la mesure où le service de remplacement se charge de gérer les éventuels contentieux administratifs, garantit la qualité du service, assure le suivi de l'agent remplaçant et le lien avec l'exploitant.

Enfin, le remplaçant est sécurisé dans son contrat, garanti dans ses droits économiques et sociaux. Des perspectives de qualification lui sont ouvertes, et un véritable parcours professionnel peut être envisagé. A cet égard, des modules de formation sont créés en Poitou-Charentes, en lien avec les CFA des lycées professionnels agricoles pour les agents de remplacement.

Cette formule permet aussi de pérenniser l'emploi : 100 000 heures servies pour 800 adhérents en Poitou-Charentes ; 300 adhérents, 29 000 heures de remplacement, 18 emplois à équivalent temps plein, 11 CDI en remplacement dans mon département de la Charente ! Au niveau national, ce sont 28 000 personnes qui ont été remplacées par 2 400 salariés équivalent temps plein, et le rapporteur lui-même évoque la perspective de 16 000 nouveaux salariés, soit 3 900 emplois à équivalent temps plein.

Enfin, M. Guillaume l'a dit, les conseils généraux et les conseils régionaux n'ont de cesse d'encourager ces services à structurer leur action et à assurer la formation des futurs agents de remplacement.

Pour toutes ces raisons, je ne comprends pas que les services de remplacement ne soient pas au cœur du nouveau dispositif.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement, mais à titre personnel je ne peux approuver un amendement qui donne lieu à une présentation de plus de sept minutes alors que son exposé sommaire n'excède pas cinq lignes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - Même si je suis persuadé, Monsieur Viollet, que les services de remplacement sont ceux qui assureront le plus de remplacements, il convient, dans le cadre d'une politique de retour à l'emploi dynamique, de permettre à l'exploitant de choisir son remplaçant.

M. le Président - Pour information, l'explication de M. Viollet n'a duré que 4 minutes et 50 secondes, dans le strict respect du Règlement.

M. le Rapporteur - Cela m'a paru si long !

M. Michel Raison - J'ai beau adhérer à ce plaidoyer en faveur des services de remplacement, l'on ne peut obliger l'agriculteur qui veut simplement prendre ses quinze jours de vacances, à adhérer à l'ensemble des prestations offertes par le service de remplacement.

L'amendement 982, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 317 est de précision.

L'amendement 317, accepté par le Gouvernement , mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Claude Viollet - Je pensais, bien que n'étant pas agriculteur moi-même, que l'on pouvait parler de choses sérieuses, Monsieur le rapporteur, à partir de la connaissance du terrain que j'ai acquise avec les agriculteurs. J'espère en tout cas que votre réponse à cet amendement sera plus longue.

Dans mon département, 54% des agriculteurs au bénéfice réel auraient, selon la MSA, un revenu net inférieur au SMIC. Qu'ils bénéficient d'un crédit d'impôt de 50 % pour profiter du dispositif de prise de congés semble insuffisant. La fédération nationale des services de remplacement pensait que, sans modifier le plafond, il serait possible d'augmenter le pourcentage pour permettre aux agriculteurs les plus démunis de profiter des congés. L'amendement 788 propose d'accorder le crédit d'impôt sous conditions de ressources afin que soient avantagés ceux dont la situation est la plus difficile. Il s'agit de faire en sorte que cette mesure bénéficie à ceux qui en ont vraiment besoin. J'espère que je n'ai pas été trop long, Monsieur le Président.

M. le Président - Si tel avait été le cas, je vous aurais rappelé à l'ordre (Sourires) !

M. le Rapporteur - Je remercie M. Viollet pour sa contribution car nous avons besoin d'entendre toutes les propositions, d'où qu'elles viennent. Néanmoins, avis défavorable sur cet amendement.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean Gaubert - Si M. Viollet n'a pas excédé son temps de parole, je comprends qu'il ait excédé M. le rapporteur. Je souhaiterais que celui-ci expose les raisons de son refus.

L'amendement 788, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 9 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 9

M. Michel Raison - Les cotisations sociales des non salariés agricoles dues au titre d'une année sont assises sur la moyenne des revenus professionnels des trois années précédentes ou sur la base des revenus de l'année précédente. Le fait générateur étant constitué par l'activité de l'entreprise au 1er janvier, un exploitant qui a eu de bons résultats les années précédentes pourra payer une cotisation élevée sur un exercice dont le résultat est faible. L'amendement 858 a pour but de permettre aux exploitants qui sont en mesure d'évaluer avec suffisamment de précision les cotisations dues au titre de l'année suivante de provisionner sur celles-ci, notamment les années où ils réalisent un bon résultat, et sont ainsi mieux à même de supporter la future charge. Par nature, cette provision sera systématiquement reportée l'année suivante.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean Dionis du Séjour - Je soutiens ce très bon amendement. Nous connaissons bien cette situation : en cas d'aléas climatiques par exemple, les agriculteurs doivent payer les cotisations sociales de l'année N - 1 alors même qu'ils n'ont pas de récolte.

M. Philippe Feneuil - Le Gouvernement avait demandé jadis que tous les agriculteurs soient assujettis au titre de l'année N et c'est la MSA qui, sous prétexte de simplifications administratives, a demandé le passage à N-1.

M. Jean Dionis du Séjour - Exactement.

L'amendement 858, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - L'amendement 394 vise à accorder une exonération de cotisations patronales en cas de transformation d'un CDD en CDI afin de pérenniser l'emploi.

M. Jacques Le Guen - Les groupements d'employeurs sont un outil important pour favoriser l'emploi permanent en agriculture en permettant d'avoir un employeur unique pour un salarié travaillant pour plusieurs exploitants. Le recrutement en CDD est favorisé par une bonification de l'allégement de charges. Toutefois, cette bonification ne s'applique pas en polyculture élevage et maintient des taux d'allègement différenciés avec la viticulture et les autres cultures spécialisées. Pour favoriser le développement de l'emploi permanent, l'amendement 319 rectifié propose de porter à 100 % la réduction de taux pour tous les secteurs, pendant une durée de 119 jours, qui sera fixée par décret et pendant deux ans à compter de l'embauche. A l'issue de la période de 119 jours, la réduction générale de cotisations sera désormais appliquée. Cette mesure est ouverte pour une période de trois ans à compter du 1er janvier 2006. Elle reprend une des propositions du rapport de M. Yves Trede en faveur des éleveurs laitiers.

M. Philippe Rouault - Excellente proposition.

M. le Rapporteur - Avis favorable à l'amendement 319 rectifié. L'amendement 394 n'a pas été examiné mais j'émets à titre personnel un avis favorable.

M. le Ministre - Je me rallie à l'amendement 319 rectifié dont je lève le gage et je retire l'amendement 394 puisqu'il semble que les deux soient incompatibles.

L'amendement 319 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis - Les entreprises de travaux agricoles, forestiers et ruraux salarient entre 40 000 et 50 000 personnes. Nous avons pris d'excellentes dispositions pour le travail occasionnel en agriculture, mais ces entreprises ne bénéficient pas des mêmes déductions de charge en la matière. L'amendement 264 propose de mettre fin à cette injustice et à cette incohérence.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Ministre - Il s'agit d'une mesure très coûteuse. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Michel Raison - Je soutiens cet amendement car les ETARF connaissent des difficultés. Il s'agit-là d'une mesure coûteuse certes, mais juste.

M. le Ministre - J'informe l'Assemblée que comme il s'agit d'entreprises, nous risquons de ne pas respecter les normes européennes de concurrence. Au cas où cet amendement serait adopté, je ne lèverais pas le gage.

L'amendement 264, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Le Guen - L'amendement 320 vise à développer les groupements d'employeurs en autorisant leur diversification. L'application des taux réduits pour l'emploi de travailleurs occasionnels, précédemment réservée aux seuls groupements d'employeurs agricoles, sera désormais accessible aux chefs d'exploitations agricoles membres d'un groupement d'employeurs multisectoriel. Cette mesure tend à favoriser l'emploi dans l'agriculture. Il s'agit de permettre aux groupements d'employeurs éligibles aux taux réduits de cotisations de compter parmi leurs adhérents des personnes autres que des chefs d'exploitations ou d'entreprises agricoles, tout en réservant le bénéfice des taux réduits aux seuls adhérents qui y ont droit à titre individuel, c'est-à-dire les chefs d'exploitation ou d'entreprises agricoles. Cette mesure est cohérente avec celle figurant à l'article 55 de la loi sur le développement des territoires ruraux. C'est une mesure de transparence et de simplification au niveau des groupements d'employeurs par rapport aux différents régimes sociaux des membres du groupement.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. le Ministre - Favorable et je lève le gage.

L'amendement 320 ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Le Guen - L'emploi occasionnel constitue un enjeu majeur pour les exploitations agricoles, notamment dans le secteur des fruits et légumes ; il favorise l'insertion professionnelle et peut même déboucher sur un emploi permanent, et ce d'autant plus que le salarié aura été employé longtemps. C'est pourquoi il convient de ne plus limiter dans le temps la durée d'emploi et que seule la durée d'application des allègements de charges sociales soit fixée dans le décret. Tel est le sens de l'amendement 321.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. le Ministre - Favorable et je lève le gage.

L'amendement 321 ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Le Guen - Face aux difficultés de recrutement dans les activités saisonnières, je pense en particulier à la récolte des fruits et légumes, et pour faire découvrir aux jeunes urbains les métiers de l'agriculture, nous proposons, dans l'amendement 322 rectifié, de créer à l'intention des jeunes de moins de 26 ans un contrat de travail occasionnel ne donnant pas lieu au versement de cotisations sociales. Dans bien des cas, ces jeunes bénéficient en effet déjà d'une couverture sociale, en tant qu'étudiants notamment. Pour éviter tout effet d'aubaine, ce contrat serait limité à trente jours, une fois par an.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. le Ministre - Il s'agit là d'une des mesures importantes du rapport Le Guen. Elle est bonne pour les jeunes. Avis favorable et je lève le gage.

M. Jean Dionis du Séjour - Autant nous sommes favorables aux mesures proposées par M. Le Guen concernant les groupements d'employeurs, autant nous sommes plus réservés sur ce contrat entre jeunes urbains et agriculteurs, car la productivité n'est pas forcément au rendez-vous. En tout état de cause, compte tenu de l'ampleur de la crise que connaît le secteur des fruits et légumes, il faudra des mesures plus structurelles que celle-ci pour sortir des difficultés et le débat sur les allègements de charges ne fait que s'ouvrir.

M. André Chassaigne - Tous ces amendements reposent sur une seule formule : l'exonération de charges sociales, c'est-à-dire un avantage accordé à l'employeur. On ne traite pas de l'attractivité de ces emplois, alors qu'il s'agit du problème de fond..

M. Jean Gaubert - Je ne suis pas sûr, moi non plus, que ces dispositions règlent le problème du travail saisonnier et je préfère celles qui touchent aux groupements d'employeurs, car elles donnent plus de sécurité aux salariés. Mais nous jugerons.

Une question sur le dernier amendement : l'exonération d'un mois s'entend-elle par salarié ou par patron ? Que se passera-t-il pour un jeune qui aura passé un mois à cueillir le piment d'Espelette, un autre à récolter le melon de Cavaillon, un autre à récolter les carottes du pays nantais, un autre enfin à faire les vendanges en Alsace ? Il aura eu quatre patrons. A une époque où il devient difficile d'avoir le nombre requis de trimestres pour la retraite, je pense à tous ces jeunes qui vont perdre des droits à la retraite.

L'amendement 322 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Gaubert - Rappel au Règlement. Le Gouvernement semble perdre l'habitude de nous répondre, sans doute parce que nous ne lui posons pas assez de questions !

M. le Président - Le Gouvernement est libre de répondre ou non.

M. Jean Gaubert - Peut-être a-t-il besoin de temps pour mettre à jour ses argumentaires. Je peux demander une suspension de séance...

M. le Président - Défendez donc votre amendement 786.

M. Jean Gaubert - Il vise à ce que les tableaux de maladies professionnelles du régime général et ceux du régime agricole soient fondus.

M. le Président - M. Chassaigne avait déjà défendu son amendement 729 rectifié, identique.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas retenu ces amendements.

Pour répondre à la question précédente de M. Gaubert, je précise que la mesure contenue dans l'amendement 322 s'applique dans la limite d'un mois par an et par salarié. C'est précisé dans le texte.

M. le Ministre - C'est ce que je m'apprêtais à répondre à M. Gaubert.

Les amendements 729 rectifié et 786, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 10

M. Jean Gaubert - Cet article vise, nous dit-on, à faire entrer le salarié agricole dans le droit commun. Mais quel droit, en l'occurrence ! Celui de faire des heures supplémentaires au-delà du contingent si un accord d'entreprise ou de branche le prévoit. C'est d'autant plus gênant et dangereux que lesdits accords sont très déséquilibrés, car il n'y a souvent que peu de salariés dans ces entreprises. Nous considérons qu'il y a d'autres réponses possibles aux fluctuations d'activité dans l'agriculture, l'annualisation du temps de travail en particulier.

Je pense que l'article 10, que notre amendement 514 tend à supprimer, ne se justifie pas. Il existe d'autres façons de régler le problème de la fluctuation du temps de travail.

M. André Chassaigne - Cette remise en cause des 35 heures est le pendant de la proposition de loi de MM. Ollier et Novelli. Avec l'article 10, il s'agit de poursuivre la pression sur les salaires et le coût du travail. Les accords découlant de la loi de 2000 ont entraîné une baisse des salaires et même l'existence d'une trappe à bas salaire en raison des exonérations de cotisations sociales. Plutôt que d'inciter à la reprise de la négociation annuelle, vous poursuivez dans la voie des allègements et vous invitez à travailler davantage pour rattraper la baisse du pouvoir d'achat.

Par ailleurs, cette disposition dynamite les limites de la durée maximale de travail grâce à la notion de temps choisi, analogue à l'opting out, autorisé par la directive européenne de 1993 sur le temps de travail, qui permet à un employeur de décider, de concert avec un salarié, et ceci au détriment des accords collectifs, que celui-ci pourra dépasser la durée maximale de 48 heures hebdomadaires.

Vos mesures sont d'autant plus scandaleuses que les salariés agricoles n'ont pas eu le bénéfice des 35 heures, leur mise en œuvre ayant été très progressive ; le passage effectif pour les entreprises de moins de deux salariés ne date que de janvier 2005.

Les amendements 514 et 689, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 10 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 10

M. le Président - L'amendement 1129 rectifié du Gouvernement reprend son amendement 394 sous une forme qui le rend compatible avec le 319 rectifié.

L'amendement 1129 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Gaubert - Nous avons essayé de résoudre le problème de l'emploi pour les employeurs, mais nous ne nous sommes pas beaucoup préoccupés du sort des salariés. Les salariés agricoles ne bénéficient pas de hauts salaires et, à défaut de moyens, ils ne manquent pas de courage : ils construisent ainsi souvent leur propre habitation. L'amendement 815 prend en compte la question du logement, en étendant le 1 % logement au secteur agricole. Il s'agit, certes, de charges supplémentaires, mais il ne faut pas prendre les salariés pour des idiots : ils choisissent leur secteur en fonction des avantages qu'il offre et j'en ai vu quitter l'agriculture pour ces raisons.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas retenu cet amendement, qui constituerait une charge supplémentaire pour les entreprises.

M. le Ministre - Même avis.

L' amendement 815, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Censi - L'amendement 443 concerne les personnels enseignants et de documentation mentionnés aux articles L. 914-1 du code de l'éducation et L. 813-8 du code rural qui ont bénéficié d'un régime de prévoyance complémentaire, financé par les cotisations versées par les établissement d'enseignement privés et auquel la loi du 5 janvier 2005 a mis fin. Un accord a été conclu le 26 septembre dernier, qui met en place un nouveau régime de prévoyance entièrement financé par une cotisation des établissements d'enseignement et une cotisation des enseignants et des documentalistes.

M. le Ministre - Je comprends la démarche de M. Censi et j'y ai même souscrit un temps. Néanmoins, le ministère de la Santé a recommandé de se référer au droit commun du code de la sécurité sociale. C'est l'objet du sous-amendement 1127, sans l'adoption duquel je me verrais dans l'obligation d'émettre un avis défavorable à l'amendement. En revanche, si le sous-amendement est adopté, je lève le gage sur l'amendement..

M. le Rapporteur - La commission n'a examiné ni l'amendement, ni le sous-amendement. A titre personnel, je souhaiterais voir M. le ministre et M. Censi s'accorder sur ce point.

M. Yves Censi - Le ministre de la Santé a évoqué l'obligation d'assurer la cohérence générale de la doctrine des pouvoirs publics en matière de prévoyance et de santé. Mais cela s'avère quelque peu contradictoire avec l'impossibilité de faire obstacle à la liberté des parties. Je ne voudrais pas que ce sous-amendement cause une surprise, excessive aux partenaires sociaux par rapport à l'accord qu'ils ont conclu.

Le sous-amendement 1127, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 443, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Charles Taugourdeau - L'amendement 73 rectifié vise à supprimer la contribution « versement transport » dont s'acquittent les employeurs agricoles, leurs salariés n'ayant que rarement accès aux transports collectifs.

M. Jean-Pierre Decool - L'amendement 953, identique au précédent, tend à supprimer le distinguo entre l'Ile-de-France et le reste du territoire.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas retenu ces amendements.

M. le Ministre - Avis défavorable. Une telle disposition entraînerait une baisse des financements des collectivités territoriales et une obligation pour l'Etat de la compenser. En outre, elle irait contre la volonté des collectivités qui préfèrent conserver leurs ressources propres.

M. Jean Gaubert - J'ajouterai un argument : il faut penser aussi aux grosses coopératives agricoles, qui sont souvent installées dans des agglomérations et pour lesquelles il faut éviter une distorsion de concurrence avec les entreprises industrielles.

M. Jacques Le Guen - Le transport est un véritable problème, notamment pour les emplois saisonniers. Il faudrait engager une réflexion approfondie sur le sujet. Certains départements ont pris des initiatives intéressantes - covoiturage, autobus...- mais je pourrais également en citer un où la facture de transport pour cinq semaines de travail saisonnier était de 700 euros par salarié...

M. Michel Raison - Il y a aussi des entreprises rurales dont les salariés n'utilisent pas les transports collectifs... Il ne faudrait pas, sur ce sujet qui concerne aussi d'autres secteurs, isoler l'agriculture.

Les amendements 73 rectifié et 953, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Ministre - L'amendement 422 institue un congé de formation pour faciliter la reconversion professionnelle des agriculteurs dont l'exploitation est en difficulté.

L'amendement 422, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Le Guen - Mon amendement 318, adopté par la commission, vise à instituer un contrat emploi-formation agricole comportant une alternance de périodes de travail et de périodes de formation, et permettant aux intéressés d'évoluer vers un CDI. Ce contrat pourrait également être utilisé dans le cadre d'un dispositif d'insertion. Il faudrait réfléchir aussi à la possibilité de proposer aux seniors des emplois de tuteurs.

M. le Rapporteur - Je suis toujours d'accord avec M. Le Guen !

M. le Ministre - Avis favorable.

M. André Chassaigne - Cet amendement n'a rien de très révolutionnaire car le code du travail contient déjà des dispositions destinées à donner à tous les travailleurs saisonniers un droit à la formation. Vous ne faites que les transposer dans le code rural.

De plus, vous renvoyez les modalités de la formation à un accord entre les partenaires sociaux ; l'on peut craindre, étant donné le rapport de forces, que la négociation ne soit pas très favorable aux salariés.

M. Jacques Le Guen - Je ne partage pas ce sentiment.

M. André Chassaigne - Enfin, là encore, vous offrez aux employeurs des exonérations de charges sociales...

M. Jean Gaubert - Il ne se sera finalement pas passé grand-chose ce soir pour les salariés agricoles... Beaucoup de propositions ont été repoussées. Le Gouvernement ne m'a pas répondu sur le 1 % logement, alors que c'est un vrai problème. Quant au dispositif proposé, reste à savoir si son financement sera assuré puisqu'on n'abonde pas les crédits des organismes de formation.

M. Jacques Le Guen - Ils ne sont pas consommés !

M. Jean Gaubert - Quand on s'adresse à ces organismes, ils répondent souvent qu'ils n'ont plus d'argent...

Autre problème : l'articulation entre les périodes de travail et les périodes de formation. Je doute que les choses se passent comme vous l'écrivez, Monsieur Le Guen, car il risque d'être difficile de convaincre les organismes de n'organiser des formations que lorsque les salariés sont libres...

M. le Ministre - Je lève le gage.

M. le Président - C'est un très bonne nouvelle : nous échappons encore un fois, comme sur les autres amendements de M. Le Guen, à la création d'une taxe additionnelle à la taxe sur les conventions d'assurances... Quand celle-ci sera transférée aux départements, Monsieur Le Guen, il faudra trouver un autre gage !

M. Jacques Le Guen - On prendra le tabac !

L'amendement 318 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - M. Censi a déposé un amendement 642 pour débrouiller un problème très complexe, vieux de près de vingt ans, concernant l'affiliation de certains salariés. Je lui propose de se rallier à l'amendement 1128 du Gouvernement, qui lui donne satisfaction.

M. Yves Censi - Mon amendement visait à affilier au régime agricole les salariés de filiales ou de sous-filiales créées et contrôlées par des coopératives, des organismes ou des groupements professionnels agricoles. J'accepte de me rallier à celui du Gouvernement.

L'amendement 642 rectifié est retiré.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement de M. Censi, qu'il retire au profit de l'amendement du gouvernement. Avis favorable.

L'amendement 1128, mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ART. 11

M. le Rapporteur - L'amendement 323 est rédactionnel.

L'amendement 323, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Gaubert - L'amendement 515 soulève le problème de la collecte de lait dans les écarts. Dans notre société de compétition, chaque industriel fait son rapport qualité-prix avec l'ensemble des producteurs auxquels il est associé. Les syndicats ont heureusement obtenu que le prix du lait soit à peu près égal pour tous ; en tenant compte de la qualité du lait, les industriels et les coopératives ne peuvent pas jouer sur ce prix pour discuter avec les acteurs les plus éloignés des circuits rentables. Cette situation n'a pas lieu qu'en montagne : en Normandie, des producteurs sont abandonnés par les industriels pour la collecte de lait.

Certains de ces producteurs se sont organisés en GIE : ils n'ont d'autre solution que de faire des appels d'offre, et la grande distribution a bien compris le bénéfice qu'elle pouvait en retirer pour déséquilibrer la filière. Elle leur propose des prix plus bas que ceux des industriels, que les producteurs sont obligés d'accepter.

Si nous n'apportons pas de solution à ce problème, des secteurs entiers seront abandonnés, en montagne - surtout là où l'on ne dispose pas d'atelier de transformation à proximité - comme dans les zones intermédiaires et dans les grandes zones de culture.

Notre amendement encourage le Gouvernement à réfléchir à l'évolution du Plan de développement rural national et à obtenir de la Commission européenne que la France puisse soutenir la collecte de lait, car les industriels ne règleront pas le problème par eux-mêmes.

La question avait déjà été posée à votre prédécesseur, Monsieur le ministre, lors de la loi sur les territoires ruraux. On nous avait alors renvoyé à la loi d'orientation agricole : l'a-t-on oublié ? On risque pourtant aujourd'hui la mort des producteurs les plus fragiles et les plus isolés, ceux qui participent largement à l'aménagement du territoire.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Avis défavorable, même si je suis favorable à l'esprit de l'amendement - je l'ai déjà dit. Le Gouvernement y travaille - c'est l'un des objets de nos discussions avec la Commission européenne - et je comprends l'appel politique que vous lancez.

M. Jean Gaubert - La question ayant déjà été posée, nous ne pouvons plus nous satisfaire du fait que le Gouvernement travaille - ce dont je ne doute pas. Quelles réponses apporterez-vous à ce problème, et dans quels délais ?

M. le Ministre - J'attends la réponse de l'Europe.

M. Jean Gaubert - Le vote de cet amendement renforcerait certainement votre position dans ces discussions. Je reste convaincu que le vote d'un Parlement peut encore peser sur les décisions de la Commission européenne.

L'amendement 515, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 11

M. François Guillaume - L'amendement que vous déposez sur l'article 11, Monsieur le ministre, limite les ordonnances prévues et précise vos intentions sur l'utilisation du bois dans l'équilibre entre absorption et émissions de gaz carbonique. Vous souhaitez développer l'utilisation de cette filière dans le domaine de la construction - très bénéfique à cet équilibre, puisqu'il ne produit pas d'émissions - et celui du chauffage - à ce titre bien différent. Comment les propriétaires et les utilisateurs des forêts, de taille trop modeste, pourront-ils participer au marché de la revente des droits à polluer - tel que l'a établi le protocole de Kyoto ?

M. Jean-Yves Le Déaut - Les articles 11 à 13 sont importants, mais leur rédaction manque d'ambition - et ce dès le titre. Le texte est insuffisant au regard des problèmes à résoudre - dérapage climatique, réduction des gaz à effet de serre, amélioration de la situation énergétique. Il devrait commencer par mentionner les carburants d'origine agricole : huile, alcool et bois. Aujourd'hui, nous ne progressons pas assez rapidement. La France est le pays de la géologie politique : on accumule des strates de loi, chaque strate faisant oublier la précédente. L'article 13 de la loi d'orientation sur l'énergie, dont je suis l'auteur avec M. Birraux, prévoyait déjà la promotion des biocarburants dans les transports. Vous vous félicitez d'aller plus vite que l'Europe, mais vous allez moins loin qu'une loi déjà votée ! On utilise aujourd'hui cent millions de tonnes de pétrole par an, dont 50 millions dans les transports. Il faut accélérer la promotion des carburants d'origine agricole afin d'aider les agriculteurs et de réduire l'effet de serre.

Sachant que la dépense énergétique agricole représente 4 millions de tonnes équivalent pétrole, il est urgent de faire fonctionner tous les tracteurs en biocarburants, de manière définitive et non expérimentale comme le prévoit l'article 12. Bien des filières restent encore à explorer, des sources d'économies non négligeables restant mobilisables. Face à l'ampleur de ces défis, l'effort de recherche demeure scandaleusement insuffisant. Songez que le Brésil produit cent fois plus que nous de biocarburants et prend de fait une avance dans l'organisation de ses modes de production que nous aurons du mal à rattraper. Las, la loi de finances pour 2006 vient contredire les objectifs affichés dans la loi d'orientation pour l'énergie et dans le présent texte, en réduisant sensiblement le montant de la taxe intérieure sur la consommation affectée au développement des biocarburants. On ne peut pas dire tout et son contraire, se fixer des objectifs ambitieux et réduire les moyens disponibles pour les atteindre. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Dionis du Séjour - En septembre dernier, à Rennes, Dominique de Villepin a fait naître un formidable espoir en assignant à la filière des biocarburants des objectifs très ambitieux et en prenant des engagements concrets pour les atteindre : outre des objectifs quantitatifs à dix ans repris dans le présent texte, il est prévu de sécuriser la filière en confortant son avantage fiscal, de manière à ouvrir à des terres aujourd'hui en friche de formidables perspectives. Alors, Monsieur le ministre, où en sommes-nous ? Le discours fut bon, mais il faut à présent le passer au révélateur. L'appel d'offres à hauteur de 1,8 million de tonnes a-t-il été lancé ? L'avantage fiscal tendant à garantir la compétitivité de la filière sera-t-il maintenu ? Les investissements dans les biocarburants vont-ils bénéficier des exonérations fiscales annoncées ? L'utilisation des friches agricoles au profit de la production de carburants va-t-elle être encouragée ? Compte tenu des enjeux écologiques, économiques et politiques - pour ne rien dire de la dimension symbolique de ce dossier -, nous attendons des réponses précises. Je vous ai apporté un exemplaire de La Dépêche de la semaine dernière : consacrée à la LOA, la une ne traite ni du bail cessible ni du fonds agricole. En phase avec les préoccupations de nos concitoyens, elle est barrée d'une formule en forme de slogan : « du tournesol à la pompe ». Dans le contexte actuel, la filière des biocarburants suscite d'énormes espoirs. Nous serons aussi jugés sur notre capacité à ne pas les décevoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. François Sauvadet - Jusqu'à présent, nous avons débattu de mesures relevant plus d'un texte portant DDOA que d'une loi d'orientation...

M. le Ministre - Allons, vous ne pouvez pas dire cela !

M. François Sauvadet - Mais avec les biocarburants, nous touchons un domaine qui engage vraiment l'avenir et qui passionne tous les Français. Nous entrons en effet dans une période de renchérissement durable des cours du pétrole qui commande de trouver d'urgence des solutions alternatives, et je me réjouis pour ma part que nos lois successives - loi d'orientation énergétique et LOA - fixent des objectifs précis au développement des biocarburants. Cependant, pour atteindre la proportion de biocarburants dans la consommation finale de carburant prévue dans dix ans, il nous faudra multiplier par six nos capacités de production. Nous ne pourrons y parvenir qu'en poursuivant la procédure d'agrément et en procédant à de très lourds investissements. Dès lors, comment concevoir que la loi de finances pour 2006 tende à réduire la part des ressources affectées à la filière et à revenir sur tous les dispositifs d'accompagnement fiscal ?

M. Jean-Yves Le Déaut - Le Gouvernement tient un double langage !

M. François Sauvadet - Il faut également progresser dans la promotion de l'huile végétale, car son utilisation constitue à l'évidence une source d'économies considérable.

Monsieur le ministre, vos réponses sur les biocarburants contribueront à la détermination de notre vote sur ce texte. Nous connaissons vos objectifs et nous les partageons largement. Nous attendons désormais des éclaircissements sur les moyens que vous allez mobiliser pour les atteindre. Le volet fiscal sera-t-il maintenu ? Les mécanismes d'incitation aux pratiques vertueuses par la taxation des activités polluantes sont-ils toujours d'actualité ? Un mot enfin sur la filière forêt, pour regretter que la promotion des sous-produits du bois - lesquels constituent une ressource disponible aisément mobilisable - ne soit pas plus ambitieuse.

M. Michel Roumegoux - Je partage ce qui vient d'être dit par nos collègues et je souhaite insister sur l'importance qui s'attache au fait que l'ensemble de la filière agricole puisse utiliser les biocarburants - notamment l'huile végétale -, y compris dans les exploitations qui n'en produisent pas directement.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis - C'est en effet très important !

M. Michel Roumegoux - Si nous voulons que les agriculteurs puissent vivre de leur exploitation, nous devons encourager toutes les pratiques permettant de maîtriser les charges. A cet effet, tous doivent être incités à utiliser des biocarburants, qu'ils produisent ou non des huiles végétales. Pourquoi ne pas offrir aussi cette possibilité à certaines collectivités territoriales ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - S'agissant des biocarburants, je ne répondrai pas à vos questions sur la fiscalité, qui seront abordées dans le cadre de la loi de finances - je me rappelle d'ailleurs avoir accepté l'année dernière avec M. Sarkozy, alors que j'étais secrétaire d'Etat au budget, deux amendements dont l'un du groupe UDF sur les biocarburants, au moment de la discussion de la loi de finances.

Concernant l'appel d'offre, il sera publié le 20 octobre, les réponses seront demandées pour le 24 novembre, et les agréments seront délivrés fin décembre.

Quant aux problèmes de jachère, nous aurons besoin de 2 millions d'hectares, et nous devrons procéder à des transferts de cultures pour parvenir à ce résultat. Nous exporterons alors moins de céréales, mais nous importerons aussi moins de pétrole. Il faudra d'ailleurs que de véritables contrats soient signés entre les exploitants et les entreprises, afin que les exploitants agricoles ne soient pas perdants.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Prochaine séance ce matin, mardi 11 octobre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 15.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 11 OCTOBRE 2005

NEUF HEURES TRENTE : 1ERE SÉANCE PUBLIQUE

Débat sur la politique de développement des infrastructures de transport et les conditions d'exploitation des autoroutes.

QUINZE HEURES : 2EME SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 2341) d'orientation agricole.

Rapport (n° 2547) de M. Antoine HERTH, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Avis (n° 2544) de Mme Brigitte BARÈGES, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Avis (n° 2548) de M. Marc LE FUR, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3EME SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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