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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 13ème jour de séance, 31ème séance

3ème SÉANCE DU VENDREDI 21 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2006 (suite) 2

      APRÈS L'ART. 17 (amendements précédemment réservés) (suite) 2

      ART. 18 (précedemment réservé) 19

      ART. 19 (précédemment réservé) 20

      APRÈS L'ART. 19 (précédemment réservé) 20

      ART. 20 (précédemment réservé) 21

      APRÈS L'ART. 20 (précédemment réservé) 22

      ORDRE DU JOUR DU LUNDI 24 OCTOBRE 2005 30

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2006 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2006.

APRÈS L'ART. 17 (amendements précédemment réservés) (suite)

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement. Je vous prie d'excuser mon absence en fin d'après-midi : j'ai été rappelé à Montreuil pour une affaire urgente, et j'y ai fait œuvre de pédagogie, en expliquant dans l'un des quartiers les plus pauvres ce que le Gouvernement proposait à notre assemblée. Grâce à vous, la prime pour l'emploi augmentera en moyenne de cinq euros par mois. Dans le même temps, 14 000 familles assujetties à l'ISF recevront un remboursement moyen de plus de 18 000 euros !

L'amendement dit « Méhaignerie » concerne-t-il les stock options ? Si c'est le cas, est-il vrai que M. Bernard, ancien directeur de Carrefour, bénéficiera d'une réduction d'impôt de 615 000 euros ?

M. Augustin Bonrepaux - Ni le ministre de l'économie et des finances, ni le président de la commission des finances, ni le rapporteur général n'ont su répondre à cette question cet après-midi ! Cet amendement permettra-t-il vraiment à certains contribuables de bénéficier d'un allégement d'impôt supérieur à 600 000 euros ? Même dans les rangs de votre majorité, on s'interroge : ne faudrait-il pas un amendement pour améliorer ce dispositif ?

Les stock options sont-elles concernées ? De combien de contribuables s'agit-il exactement ? Ne voyez-vous pas que les réductions et autres déductions profitent toujours aux mêmes, alors que les problèmes s'accumulent pour les classes les plus modestes ?

M. Didier Migaud - Une dépêche récente annonce un léger repli de la consommation des ménages français en septembre. Or, l'autre jour, M. Breton prétendait que cet indicateur passait au vert. Serait-il daltonien ?

M. le Président - Nous avons déjà eu un long débat sur l'amendement dit « Méhaignerie ». Je proposerai au Gouvernement et à la commission de vous répondre lorsque nous arriverons au vote de cet amendement.

M. Jean-Pierre Brard - Je comprends cette décision, Monsieur le président : il faut donner au Gouvernement le temps de la réflexion - peut-être même quelques suspensions de séance - afin qu'il trouve les mots justes !

L'amendement 218 propose que les biens professionnels soient intégrés dans l'assiette de l'ISF, et que leur taux d'intégration soit modulé en fonction des choix de l'entreprise en matière d'emploi et de salaires. Ainsi, l'ISF deviendrait un levier pour l'emploi et contre la précarité. C'est un amendement juste et efficace.

Il permet d'enrayer l'évasion fiscale - certains milliardaires échappent à la loi républicaine, que je vous rappelle : « chaque membre de la société doit contribuer dans la proportion de ses facultés et de ses biens ». On nous objecte que certains acquittent un impôt qui dépasse leur revenu. Peut-être une refonte de notre système fiscal devrait-elle empêcher une telle accumulation de biens...

Nous souhaitons que l'ISF s'applique aussi aux biens professionnels, notamment aux actifs financiers enfouis dans un patrimoine de plusieurs millions d'euros. L'ISF n'est pas un impôt confiscatoire ou punitif ! La fiscalité doit contribuer à la dynamique de l'emploi, à la cohésion et la réparation sociales.

Voilà pourquoi notre amendement ne vise pas à prélever une simple dîme sur les biens professionnels, mais à pénaliser ceux qui font une économie de rente en laissant dormir ces biens sans les faire contribuer à l'activité économique ou à l'emploi.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - La commission n'a pas examiné cet amendement, mais j'émets un avis défavorable. Sur ce sujet, je reconnais votre constance, Monsieur Brard ! Vous auriez pu ajouter les œuvres d'art aux biens professionnels !

M. Jean-Pierre Brard - J'y viens !

M. le Rapporteur général - Lorsque nous étions dans l'opposition, vous défendiez l'idée d'une assiette aussi large que possible - incluant les œuvres d'art - à un taux modéré. Cela nous avait valu une seconde délibération, puisqu'il était hors de question pour le gouvernement de l'époque de supprimer l'exonération des œuvres d'art !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - Avis défavorable car inclure dans l'assiette de l'ISF les biens professionnels actuellement exonérés serait économiquement contre-productif : nous veillons tous à préserver nos entreprises et à éviter les délocalisations.

Pour la première fois, je ne suis pas d'accord avec M. Carrez, et c'est quand il rend hommage à votre constance, Monsieur Brard. Vous n'avez en effet pas toujours été constant sur la question de l'ISF.

M. Jean-Pierre Brard - Cela m'étonnerait.

M. le Ministre délégué - Comme vous, j'aime l'Histoire de France...

M. Jean-Pierre Brard - J'y suis déjà ! (Rires)

M. le Ministre délégué - ...et lorsque je vous écoutais, je ne retrouvais pas mon Jean-Pierre Brard. Je sais pourquoi : vous lisiez votre papier, et quand vous lisez, c'est que vous n'êtes pas convaincu.

M. Jean-Pierre Brard - C'est la meilleure !

M. le Ministre délégué - Quand vous êtes convaincu, vous ne lisez pas. J'ai donc consulté mes archives, où j'ai trouvé un rapport parlementaire de 1998 dans lequel vous écriviez : « Pour les titulaires de patrimoines très élevés, de plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de millions de francs, le cumul IR et ISF peur s'avérer confiscatoire. Ce caractère confiscatoire est à l'origine de certains départs à l'étranger. » (« Ah » ! sur les bancs du groupe UMP) Monsieur Brard, me voilà « brardiste » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Plus jamais je ne dirai que vous êtes un idéologue...

M. Pierre Lellouche - Social-traître !

M. le Ministre délégué - ...plus jamais je ne dirai que vous ne changez pas d'avis car je mesure combien, au cours de nos débats, nous aurons à cœur vous et moi d'honorer votre signature (Sourires). Je suis en désaccord avec votre amendement, Monsieur Brard, et un je ne sais quoi me laisse penser que c'est aussi votre cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Il faut faire des citations complètes. Vous faites référence au rapport sur la fraude que j'ai présenté et c'est à ce titre que j'ai interrogé des banquiers qui font du private banking.

M. Richard Mallié - Parlez français !

M. Pierre Lellouche - Ou russe !

M. Jean-Pierre Brard - M. Méhaignerie, homme d'équilibre...

M. Jean-Louis Idiart - Qui bascule parfois !

M. Jean-Pierre Brard - ...connaissait d'ailleurs ma proposition qu'il jugeait équilibrée. J'ai toujours considéré, en effet, que l'assiette n'était pas assez large, qu'il fallait y inclure les biens professionnels et les œuvres d'art, vecteurs de fraudes particulièrement importants qui suscitent parfois des trafics maffieux, comme le savent d'ailleurs les services de l'Etat. J'avais néanmoins proposé des exonérations qui ne frappaient pas la création contemporaine ainsi qu'un abaissement des taux et une hausse du plancher afin que l'ISF soit plus progressif et fasse payer les riches que vous protégez, ceux qui comptent leur fortune non pas en millions mais en dizaines de millions d'euros. Et vous, vous prenez l'exemple fallacieux de l'Ile de Ré, alors que le maire UMP de La Flotte a dit hier ce qu'il fallait penser d'une présentation malhonnête de situations particulières ! Je n'ai donc pas varié, Monsieur Copé.

Vous connaissez également mon point de vue sur les idéologues : il y en a quelques-uns à droite, mais pas beaucoup car être idéologue suppose d'avoir des idées. MM. Copé et Dutreil, par exemple, comptent parmi les idéologues du régime. M. Mariton aussi d'ailleurs, qui plonge son nez dans L'Express parce qu'il fait partie du club (Sourires).

M. Richard Mallié - Vous, vous êtes un idéologue du XIXe siècle !

M. Jean-Pierre Brard - Vous savez que pour appliquer votre idéologie, il faut faire croire aux victimes qu'elles sont bénéficiaires et pour cela, maîtriser la sémantique. C'est pourquoi vous ne parlez jamais d'égalité mais d'équité, terme dont les connotations sont bien différentes dans notre histoire nationale. M. Myard, qui a quelques références historiques, m'écoute d'ailleurs attentivement (Sourires). Vous ne vous situez pas dans la droite ligne de notre devise républicaine, et vous la révisez. Je suis favorable à l'ISF, et puisque vous êtes d'accord avec moi, Monsieur le ministre, je suis certain que la cohérence des amendements que nous avons déposés vous convaincra, afin de faire participer les riches, à due proportion, à la solidarité nationale.

L'amendement 218, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Lellouche - Mon collègue M. Tian me l'ayant demandé, je défendrai donc l'amendement 127 rectifié. Des milliers de propriétaires fonciers aux revenus modestes sont maintenant assujettis à l'ISF.

M. Jean-Pierre Brard - C'est l'Ile de Ré !

M. Pierre Lellouche - Cette situation est due à l'augmentation exponentielle des prix du foncier dans de nombreux départements. Paradoxalement, ne pouvant acquitter cet impôt, ces propriétaires sont obligés de vendre leurs terres à vocation agricole appartenant souvent à la même famille depuis plusieurs générations pour s'en acquitter. Afin de remédier à cette situation préoccupante, cet amendement poursuit deux objectifs : d'une part, ne pas soumettre à l'impôt de solidarité sur la fortune les personnes physiques non imposables à l'impôt sur le revenu ; et d'autre part, modifier le régime d'abattement existant actuellement en faveur des immeubles occupés à titre de résidence principale, prévu à l'article 885 S du CGI, en l'étendant aux biens fonciers non bâtis dont le contribuable se réserve la jouissance exclusive et en instituant une progressivité de cet abattement en proportion de la durée de détention des biens.

Cet amendement, en effet, Monsieur Brard, se justifie par un certain nombre de situations inouïes que connaissent des gens qui sont tout sauf des milliardaires.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Didier Migaud - Nous aurons l'occasion de revenir sur un autre amendement électoraliste de M. Lellouche, mais je rappelle que bien des articles de presse ont déjà montré l'indécence et l'impudeur qu'il y a à se faire l'avocat de ce genre de situation. M. Lellouche s'en est d'ailleurs fait une spécialité.

M. Pierre Lellouche - Vous n'êtes pas obligé de multiplier les attaques personnelles.

M. Didier Migaud - Nous voterons contre cet amendement.

M. Jean-Pierre Brard - M. Lellouche et tous ceux qu'il représente, sont pris la main dans le sac.

M. Pierre Lellouche - Je ne suis pas assujetti à l'ISF et je n'ai pas de patrimoine dans l'Ile de Ré à la différence de certaines personnalités éminentes de gauche.

M. Jean-Pierre Brard - Moi non plus. Je suis tout à fait d'accord pour que les déclarations qui sont dans les coffres de l'Assemblée soient mises sur la place publique et je vous défie, Monsieur Lellouche : mettons tous les deux sur la table notre déclaration d'impôt sur le revenu. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) On jugera alors de votre sincérité.

Le Gouvernement se plaint qu'il n'y ait pas assez de foncier disponible pour le logement. La spéculation s'expliquant par cette rareté, inciter les propriétaires à vendre une partie de leur patrimoine pour acquitter un impôt juste, ce sera rendre service à la nation.

M. Pierre Lellouche - Ce régime est mort en URSS il y a quinze ans.

M. Jean-Pierre Brard - Vous avez toujours été soviétophile, mais vos excès ont toujours fait votre charme discret. Vous avez été si excessif qu'avant de trouver un terrain d'atterrissage, vous avez dû visiter plusieurs contrées de notre pays.

M. Pierre Lellouche - Parlez donc à M. Strauss-Kahn !

L'amendement 127 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Myard - Le Gouvernement n'a pas voulu me suivre sur la suppression radicale d'un impôt qui ne fait que compliquer la législation et qui joue contre les travailleurs, lesquels attendent des entreprises qui investissent. L'habitation principale doit être exclue de l'assiette de l'ISF, impôt rétrograde et archaïque. Tel est le sens de mon amendement 156. L'Ile de Ré n'est pas seule en cause : des personnes aux revenus modestes, mais qui ont hérité d'un maigre bien, sont aujourd'hui assujetties à l'ISF, ce qui est inadmissible.

L'amendement 156, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Masdeu-Arus - Mon amendement 23 a le même objectif que celui de M. Myard.

M. Jean-Pierre Brard - M. Masdeu-Arus préfère que l'on ne s'attarde pas trop sur son amendement. Si la parole est d'argent, le silence est d'or, et je comprends qu'il préfère en l'occurrence le silence à la parole.

En effet, ce que vous proposez, c'est un abattement qui privilégie les riches, tandis que par mon sous-amendement 452, j'établis une quotité déductible en valeur qui bénéficierait aux gens modestes. Je vois que M. Goasguen opine...

M. Claude Goasguen - Je vais le voter !

M. Jean-Pierre Brard - C'est que vraiment la raison progresse, même à l'ouest ! (Rires)

M. Claude Goasguen - Bientôt l'Est sera plus riche que l'Ouest !

M. Jean-Pierre Brard - Il faudrait de grosses canalisations pour rétablir l'équilibre entre les niveaux.

Mon sous-amendement, vous l'avez compris, a pour objet de changer complètement le sens de l'amendement.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Avis très défavorable. Avec le sourire, ce que propose M. Brard, c'est d'aggraver la situation en réduisant l'abattement.

M. Didier Migaud - Malgré l'approche des municipales et la multiplicité de candidatures qu'elles suscitent, nos collègues parisiens devraient relativiser leurs propos. En effet, quel est le poids réel de l'ISF pour « un salarié moyen » comme dit M. Breton, qui acquiert à Paris un appartement de 950 000 euros ?

M. Hervé Mariton - Encore ! Prenez d'autres exemples !

M. Didier Migaud - Il est intéressant, et je le reprends pour M. Lellouche qui ne l'a pas entendu.

Pour ce cinq pièces de 131 m² au Champ de Mars avec vue sur la tour Eiffel, le propriétaire bénéfice d'un abattement de 20% pour résidence principale - ce qui est bien plus que les 100 000 euros que propose M. Brard. Restent donc 760 000 euros ce qui, avec un seuil à 732 000 euros, donne une base taxable de 28 000 euros, donc au taux de 0,55% pour la première tranche, 154 euros d'ISF ! Cela devient l'impôt ordinaire dont parlait M. Mariton.

M. Jacques Myard - Mais il faut faire le calcul sur l'ensemble du patrimoine, voyons !

M. Didier Migaud - Le total de l'ISF et de la taxe sur le foncier bâti à Paris est bien inférieur aux impôts locaux que l'on paye dans beaucoup de communes. Il est donc franchement indécent de la part de certains élus parisiens de nous présenter comme insupportable le poids de l'ISF sur les quelques milliers de « pauvres gens » qui peuvent quand même trouver 950 000 euros pour acheter ce genre d'appartement !

M. Jacques Myard - Pour sortir par le haut, je propose comme solution de modifier le sous-amendement en écrivant « exonérée dans la limite de 20% sans être inférieure à 100 000 euros ».

M. Jean-Pierre Brard - Le ministre m'a parfaitement compris, car effectivement, les 100 000 euros que je propose sont bien inférieurs à l'abattement de 20%. M. Myard l'a compris aussi, et il comprendra que si j'acceptais une rectification, ce serait pour écrire « exonéré dans la limite d'un montant qui ne saurait excéder 100 000 euros ». Ces 100 000 euros représentent 20% d'un bien qui en vaut 500 000. Quels sont les gens qui ont gagné honnêtement leur vie et disposent de cette somme ?

M. Jacques Myard - Ils l'ont reçue en héritage.

M. Jean-Pierre Brard - Ces gens-là peuvent payer un impôt qui reste très modéré. A Neuilly, la taxe d'habitation et la taxe foncière d'un six pièces sont moins élevées que pour un deux ou trois pièces à Montreuil ou Aubervilliers.

M. Jacques Myard - Affameur du peuple !

M. Jean-Pierre Brard - Car nous devons réparer les dégâts de votre politique, tandis qu'à Neuilly ou Rueil, il y a bien peu de gens modestes. Quand j'étais à l'Ecole normale d'instituteurs d'Auteuil, dans la circonscription de M. Goasguen, j'enseignais à l'école d'application voisine : le seul enfant d'origine modeste était le fils d'un chauffeur de maître !

Le sous-amendement 452, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 23, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Lellouche - Mon amendement 80 vise à réparer l'injustice flagrante que Thierry Breton a dénoncée en disant qu'avec l'explosion du prix de l'immobilier, l'ISF n'est plus un impôt sur la fortune, mais un impôt de plus sur les économies et le logement de nos concitoyens qui sont loin d'être fortunés.

M. Jean-Pierre Brard - Nous n'avons pas la même idée de la fortune !

M. Pierre Lellouche - En effet, avec l'augmentation des prix de l'immobilier, à Paris et en région parisienne, mais aussi ailleurs, une famille de deux ou trois enfants qui veut acquérir un logement d'au moins trois pièces va se trouver assujettie à l'ISF. Or un Français sur deux à peine est propriétaire, contre 82% des Espagnols et 90% des Britanniques.

M. Jacques Myard - Eh oui !

M. Pierre Lellouche - C'est contraire à l'objectif du Gouvernement de favoriser l'accession à la propriété et les familles.

A Paris et en Ile-de-France, où résident la moitié des assujettis à l'ISF, les familles moyennes sont prises en étau, en raison du gel du foncier constructible - notamment sous l'effet de la loi SRU -, de la spéculation, car les prix parisiens restent intéressants au niveau mondial, et aussi de la politique de la Ville de Paris qui préempte les immeubles occupés pour les convertir en logements sociaux. Le résultat, c'est que ces familles doivent quitter Paris dès le deuxième enfant.

Cet impôt sur la fortune ne mérite donc plus son nom. Le nombre d'assujettis ne cesse d'augmenter dans les tranches les plus basses, parallèlement à la hausse des prix de l'immobilier. A Paris, ceux-ci ont augmenté de 50% depuis 5 ans, voire de 70% dans certains quartiers, et, en moyenne, de 90% depuis dix ans. Dans ces conditions, avec un trois pièces, on est assujetti à l'ISF ! J'ai ici des témoignages. 35 000 personnes ont écrit et une pétition circule sur le site internet « pétition-isf.org ». C'est le cas de ces petits retraités, lui cadre, elle infirmière libérale, qui ont travaillé dur pour acquérir un petit patrimoine et sont maintenant assujettis à l'ISF. Tel père de famille de six enfants, qui a acquis un appartement de 120 m² il y a 23 ans, se voit également assujetti.

MM. Jean-Pierre Brard et Didier Migaud - Mais combien paient-ils ?

M. Pierre Lellouche - Tel autre écrit que l'ISF, l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation représentent les deux tiers de son salaire net de 800 euros. Et je pourrais continuer.

M. le Président - Je vous prie de terminer.

M. Pierre Lellouche - Le sujet concerne un million de Français, dont beaucoup ne le savent pas encore. Cet impôt est inique. Les Français comprennent bien la différence entre un milliardaire et le propriétaire d'un trois ou quatre pièces. L'ISF actuel représente un impôt nouveau sur le logement. Le Gouvernement fait une erreur, car ceux qui sont touchés sont les classes moyennes. Il prend un risque si, après avoir fait voter une exonération de 75% peu compréhensible par les Français, il refuse cet amendement qu'ils comprennent parfaitement.

M. Pierre-Christophe Baguet - Monsieur Migaud, s'appuyer sur les petites annonces pour étayer votre argumentation est un peu court. En effet, ce n'est pas seulement la résidence principale mais l'ensemble des biens et des revenus qui entrent dans le calcul de l'ISF (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Tout à l'heure, j'ai voté à titre personnel l'amendement de M. Myard visant à supprimer complètement l'ISF...

M. Jacques Myard - C'était une excellente initiative !

M. Pierre-Christophe Baguet - ...et j'en suis fier. L'amendement de repli 150, identique à l'amendement 80, vise à ne plus tenir compte de la résidence principale dans le calcul de l'ISF et je vous proposerai bientôt de « familialiser » l'ISF.

M. Jean-Pierre Brard - Mme Boutin a sécrété des disciples !

M. Pierre-Christophe Baguet - Lors d'une réunion à l'Assemblée sur l'ISF, j'ai découvert, à mon grand étonnement, que le caractère confiscatoire de cet impôt, que M. Migaud refuse d'admettre, est reconnu notamment en Allemagne où la Cour suprême de Karlsruhe a exigé de l'Etat fédéral la suppression de cet impôt (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Si nous voulons défendre les familles et la politique du logement, il faut exonérer l'habitation principale de l'ISF.

M. Jean-Pierre Brard - A ce stade de la discussion, il n'est pas inutile de rappeler la genèse de l'impôt de solidarité sur la fortune. Le projet, déposé en 1914 par Joseph Caillaux, visait à instituer une taxe annuelle sur la fortune pour compléter les droits de succession rendus progressifs en 1901, et l'impôt général sur le revenu proposé en 1907 et adopté en 1914.

M. Richard Mallié - Vous avez un millénaire de retard !

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur Mallié, vous en êtes resté au XVIIIe siècle, et très exactement en 1788 ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Le calcul de l'impôt comportait un abattement à la base, des taux progressifs dont le plus élevé était de 0,25% et effectivement, Monsieur Baguet, prenait en compte la situation familiale du contribuable. Ce projet, qui avait reçu l'approbation de la commission de législation fiscale, n'a jamais été discuté en raison de l'assassinat de Gaston Calmette par l'épouse de M. Caillaux, lequel dut démissionner. Il fut repris intégralement par Vincent Auriol dans une proposition de loi le 12 mai 1920.

Plusieurs députés UMP - A quelle heure ?

M. Jean-Pierre Brard - Après la seconde guerre mondiale, des projets furent élaborés par la CGT et le syndicat national des cadres des contributions directes. Des députés RPR, à l'époque où le gaullisme était encore d'actualité...

Plusieurs députés UMP - C'est vrai que le communisme est beaucoup plus d'actualité !

M. Jean-Pierre Brard - ...prirent l'initiative de déposer un amendement en 1976 visant à instaurer cet impôt. Voyez combien vous trahissez l'héritage dont vous vous réclamez ! En 1975, des membres de l'UDF adoptèrent une motion recommandant une telle solution. L'élection de François Mitterrand en 1981 conduisit à la création de l'impôt sur les grandes fortunes. Par conséquent, au cours du XXe siècle, l'impôt sur la fortune s'est progressivement imposé avec une forte adhésion de l'opinion qui a jugé sévèrement sa suppression en 1986. Cessons donc de vider cet impôt de sa subsistance. Tel est le sens des amendements 222 et 221.

Monsieur Lellouche, vous ne pourrez nous convaincre en affirmant qu'un cadre de l'industrie reçoit 800 euros de salaire. A ce niveau de rémunération, l'on n'est même pas assujetti à l'impôt sur le revenu ! Vous affabulez !

M. Pierre Lellouche - C'est faux !

M. Jean-Pierre Brard - Ne trompez pas la représentation nationale pour arracher des décisions qui ne bénéficient qu'aux privilégiés dont vous êtes le porte-voix, voire le porte-hallebarde ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard - Il est nécessaire de traiter les contribuables français sur un pied d'égalité. En effet, nous risquons fort d'exonérer les actions de l'ISF sans en faire autant pour la résidence principale.

M. Pierre Lellouche - C'est une simple mesure de justice !

M. Jacques Myard - Autrement dit, nos concitoyens travaillent, payent des impôts sur le revenu. Ensuite, ils placent leur argent et payent des impôts sur leur épargne.

M. Jean-Pierre Brard - Oui, et alors ?

M. Jacques Myard - Ils achètent, ils payent la taxe foncière.

M. Jean-Pierre Brard - C'est normal !

M. Jacques Myard - Et on les matraque une nouvelle fois avec l'ISF.

Un député UMP - Trop d'impôt tue l'impôt !

M. Jacques Myard - Il est urgent d'exonérer, au moins partiellement, la résidence principale de l'ISF. C'est une question d'égalité et d'encouragement à l'accès à la propriété pour lequel la France accuse un retard certain par rapport aux autres pays européens. Je propose donc, par l'amendement 157, de porter de 20 à 50% l'exonération de la valeur de la résidence principale dans le calcul de l'ISF. Monsieur le ministre, ne vous mettez pas à dos les propriétaires français !

M. Pierre-Christophe Baguet - Savez-vous quel est le montant d'abattement fiscal par enfant au titre de l'ISF ?

M. Philippe Auberger - 150 euros !

M. Michel Bouvard - Pour les enfants mineurs seulement !

M. Pierre-Christophe Baguet - C'est exact. On considère qu'un enfant dans un appartement coûte 150 euros. Or, dans ma commune, une pièce supplémentaire de 9 mètres carrés représente environ 6% du seuil d'accès à l'ISF. Comment peut-on tolérer pareille situation ? On ne peut d'un côté mener une politique familiale ambitieuse avec la PAJE et de l'autre une politique fiscale qui pénalise les familles.

Dans ma circonscription, 4 000 foyers sont assujettis à l'ISF, dont des veufs, des retraités ou des familles nombreuses pénalisés simplement parce qu'ils ont hérité de leurs parents.

Du reste, il est surprenant que l'ISF, hormis cette aumône de 150 euros, ne soit pas « familialisé » puisque tous les impôts locaux le sont.

M. Jacques Myard - Par exemple, la taxe d'habitation !

M. Pierre-Christophe Baguet - Par l'amendement 148, je propose donc que l'on majore le taux mentionné au deuxième alinéa de l'article 885 S du code général des impôts de 5% par personne à charge, c'est-à-dire par enfant fiscalement rattaché à la famille. Monsieur Migaud, ce n'est pas en pénalisant ceux qui peuvent élever leurs enfants correctement que l'on offrira de l'espace supplémentaire à tous ceux qui en ont besoin !

M. Claude Goasguen - Par l'amendement 63, je propose l'exonération totale de la résidence principale de l'assiette de l'ISF. En effet, l'ISF est désormais un impôt discriminant. Il y aurait d'un côté les abominables hommes de droite qui accumulent le capital, et d'autre part ceux qui ne payent pas l'ISF dont il faudrait s'occuper en priorité. Or cet argument ne tient pas ! Selon M. Brard, nous ferions un cadeau léonin aux privilégiés. Mais il est vraisemblable que mon amendement concerne les propriétaires d'habitations à Montreuil plutôt que ceux de ma circonscription. En effet, ceux qui payent un ISF à très fort taux, accumulent, outre la résidence principale, deux sortes de capitaux : les capitaux mobiliers et immobiliers. Dans les deux cas de figure, le problème de la résidence principale est tout à fait mineur car celui qui accumule des capitaux immobiliers ne sera pas touché par le fait que sa résidence principale ne soit plus prise en compte dans le calcul de l'ISF. Concernant le capital mobilier, celui-là est davantage intéressé par l'amendement de M. Méhaignerie car il pourra échapper à l'ISF. En réalité, qui reste assujetti à l'ISF ? Ce sont les propriétaires d'habitations à Montreuil, dans le Xe et le XIe arrondissements de Paris qui seront concernés et je conçois fort bien, Monsieur Brard, que la question vous passionne.

En réalité, vous vous trompez de cible. En repoussant cet amendement, vous pénalisez les propriétaires qui ont acquis un appartement dont le prix depuis vingt ans s'est envolé - et à cet égard, les prix ont augmenté davantage ces dernières années en Seine-Saint-Denis ou dans le Val-de-Marne que dans le 16e arrondissement de Paris -, et se trouvent de ce seul fait soudainement assujettis à l'ISF. Vous pensez que les amendements tendant à exonérer d'ISF la résidence principale visent le grand capital. Vous avez tort. Ils s'adressent essentiellement aux classes moyennes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Ce serait une erreur, je le dis au Gouvernement et au président de la commission, que de réformer l'ISF uniquement pour les valeurs mobilières car dans l'état actuel des choses, cet impôt est devenu injuste et absurde.

Chers collègues de gauche, vous vous plaisez aujourd'hui à caricaturer. Vous y serez moins enclins demain quand, le foncier ayant continué d'augmenter, de plus en plus de contribuables de vos circonscriptions, Monsieur Dreyfus, Monsieur Brard, plus que de la mienne ou de celle de M. Lellouche, se trouveront assujettis à l'ISF pour leur résidence principale. Vous porterez la responsabilité politique d'avoir repoussé l'amendement que nous proposons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 149 porte le montant minimal de l'abattement de 20% accordé sur la valeur vénale de la résidence principale à 360 000 euros.

M. le Président - Je suis saisi de deux demandes de scrutins publics, par le groupe UDF sur l'amendement 148 et par le groupe socialiste sur l'amendement 150.

M. le Rapporteur général - La commission a repoussé l'ensemble de ces amendements.

M. Jacques Myard - Scandaleux !

M. le Rapporteur général - Les arguments que les uns et les autres viennent d'exposer sont parfaitement exacts. Le nombre de contribuables assujettis à l'ISF a doublé entre 1997 et 2005 et les recettes s'accroissent, essentiellement à cause de la hausse de l'immobilier et surtout de la valeur des résidences principales. Cet impôt présente tous les inconvénients. Il ne tient notamment pas compte de la situation familiale : or, la surface d'une résidence principale est directement fonction du nombre de personnes vivant au foyer. Bref, chacun en convient, cet impôt doit être réformé de fond en comble. Mais la commission des finances a une feuille de route qui lui a fait donner la priorité au maintien des emplois et des activités sur notre territoire...

M. Pierre Lellouche - Vous aurez du mal à l'expliquer aux Français.

M. le Rapporteur général - Nous avons fait le choix, courageux, d'engager une réforme de l'ISF tout entière tournée vers la préservation de l'emploi. C'était indispensable sur le plan économique.

M. Pierre Lellouche - C'est une erreur politique.

M. le Rapporteur général - Je reçois comme vous de plus en plus de courriers agressifs de contribuables sincèrement étonnés d'être redevables de l'ISF. Je comprends leur colère et leur impatience. Mais avant de trouver, légitimement, une solution à leur cas, notre priorité a été de stopper l'hémorragie dramatique d'emplois et d'activités qui n'a que trop longtemps duré dans notre pays. La commission a dû faire des choix. Elle ne s'est pas dérobée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Pierre Lellouche - Elle aurait pu se battre !

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement est lui aussi défavorable à ces amendements. Nous connaissons tous les inconvénients de l'ISF mais pour juger d'une politique fiscale, il faut la considérer dans sa globalité. Souvenez-vous de tout ce que nous avons fait depuis 2002. Nous avons substantiellement abaissé l'impôt sur le revenu, réforme qui a profité à tous les ménages imposables.

Toute réforme fiscale doit répondre à deux exigences : être juste et garantir une meilleure compétitivité. En matière de justice, notre programme est très ambitieux.

M. Jean-Pierre Brard - Il y a de la marge !

M. le Ministre délégué - Nous avons revalorisé de façon considérable la prime pour l'emploi...

M. Augustin Bonrepaux - Considérable, tu parles !

M. Jean-Pierre Brard - De 5 euros par mois !

M. le Ministre délégué - ...et réduit l'impôt sur le revenu. 75% de l'effort financier que représente cette réforme bénéficieront aux classes moyennes et modestes.

M. Augustin Bonrepaux - C'est faux.

M. le Ministre délégué - Pour la première fois, nous avons plafonné l'ensemble des impôts dont un contribuable peut être redevable. Notre pays se situera désormais dans la moyenne européenne de ce point de vue, au niveau de l'Espagne, du Danemark, de la Suède et de l'Allemagne. Dans ce pays, le plafonnement est à 50% des revenus, mais les impôts locaux sont exclus du calcul, tandis que nous, nous en tiendrons compte.

S'agissant de l'ISF acquitté au titre de la seule résidence principale, il faudrait aussi regarder les chiffres de près. Les montants de l'impôt dû sont beaucoup plus faibles que ce que l'on croit... (« Mais bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste) Nous aurons une réflexion globale sur l'ISF, mais la priorité aujourd'hui était de tout faire pour conserver nos emplois et renforcer l'attractivité de notre territoire. De ce point de vue, l'amendement défendu par Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez exonérant d'ISF, sous certaines conditions, les actions détenues dans un certain cadre durant six ans au moins, contribuera directement, lui, à conserver nos entreprises et nos emplois dans notre pays.

Pour ce qui est du régime des stock-options, les choses doivent être claires...

M. Jean-Pierre Brard - Transparentes, ce serait encore mieux !

M. le Ministre délégué - Soit l'option n'est pas levée et le problème ne se pose pas, puisque les actions n'ont pas été achetées. Soit elle est levée et l'actionnaire, si la levée a eu lieu plus de trois ans avant le départ en retraite, est soumis au régime de droit commun. Si tel n'est pas le cas, il est redevable de l'ISF.

M. Jean-Pierre Brard - Qu'en sera-t-il pour M. Arnault ?

M. le Ministre délégué - Jamais je ne traiterai ici de cas personnels. Votre manière de balancer ainsi à tort et à travers des noms de personnes qui ont par ailleurs excellemment servi leur entreprise et leur pays, m'a toujours beaucoup choqué.

M. Jean-Pierre Brard - Que faisait Mme Bettencourt pendant la guerre ?

M. Marc Laffineur - Et M. Marchais ?

M. le Ministre délégué - Voilà à quoi vous vous exposez, M. Laffineur vient de vous en donner la preuve.

Trêve d'attaques personnelles ! Tous nos efforts, je l'ai dit, sont tournés vers l'emploi et le maintien de l'activité. Lorsque M. Migaud a tout à l'heure pointé vers moi un doigt rageur - ce qui d'ailleurs ne lui ressemble pas, lui qui est si aimable en-dehors de l'hémicycle - pour annoncer que la consommation avait reculé en septembre, je me suis demandé un instant si ce n'était pas pour lui une bonne nouvelle. Eh bien, sachez que ce n'est pas notre façon de voir. Et je suis heureux de pouvoir vous donner de bonnes nouvelles : si la consommation a certes reculé de 0,6% en septembre, elle avait augmenté de 1,4% en juin, 1,2% en juillet et 1,5% en août, ce qui, à soi seul, peut expliquer le ralentissement ensuite constaté, la consommation restant positive. Autre élément encourageant, nous avons ici un tableau qui montre qu'en rythme de glissement annuel, nous pouvons tabler sur un chiffre de 4,2% sur l'année. Croyez-moi, Monsieur Migaud, si cela se confirme, on pourra vraiment considérer que les indicateurs sont passés au vert et que nos objectifs de croissance seront tenus. Je ne sais si cette évolution favorable est tout entière liée à notre politique ; mais je suis sûr que si les indicateurs étaient mauvais, vous n'auriez pas été les derniers à nous le reprocher ! Considérez au moins que c'est une heureuse coïncidence, et encouragez-nous à ne pas changer de braquet ! Toutes nos propositions fiscales présentent la même vertu : elles rendent du pouvoir d'achat aux Français - en particulier aux plus modestes - et stimulent la consommation comme l'emploi. Nous atteindrons nos objectifs de croissance et de stabilisation des déficits et, en 2007, vous verrez que les Français seront enthousiastes et en redemanderont. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud - C'est Jean-François Coué !

J'ai écouté avec beaucoup d'attention les exemples donnés par MM. Lellouche et Goasguen : ils ont pris soin d'évoquer des ménages qui n'ont pas d'autre revenu ou patrimoine que leur résidence principale. Mais alors, cela veut dire que les situations retracées dans l'exposé des motifs de l'amendement de Pierre Lellouche ne sont pas bons. S'ils sont dans les conditions que je viens de rappeler, les propriétaires d'un appartement de 144 mètres carrés estimé à 795 000 euros ne sont pas assujettis à l'ISF...

M. Jean-Pierre Brard - Et c'est bien dommage !

M. Didier Migaud - Avec pour seul patrimoine un appartement valorisé à 890 000 euros, elles ne seraient pas davantage dans le champ de l'impôt. Au reste, je sais gré au ministre d'avoir eu l'honnêteté de reconnaître que dans ce type de situations - soit un patrimoine constitué pour l'essentiel d'une résidence principale ayant pris de la valeur au fil du temps - la contribution due au titre de l'ISF était beaucoup plus modeste que les chiffres annoncés par nos collègues parisiens.

La longueur de nos débats pour des enjeux aussi minces - 150 à 200 euros de cotisation annuelle - démontre s'il en était besoin que vous avez fait une fixation sur cet impôt. Croyez-vous vraiment que vous êtes fondés à parler d'imposition confiscatoire ? MM. Goasguen et Myard invoquaient l'égalité des citoyens : en tant qu'élu de province, je peux vous dire que la TFB, dans la quasi-totalité des communes de province, est très supérieure à celle de Paris. Lorsqu'on additionne la TFB parisienne et l'ISF dû au titre de biens immobiliers valorisés à hauteur d'un million, on obtient un montant sensiblement inférieur à bien des impôts locaux de nos villes de province...

M. Michel Bouvard - C'est exact.

M. Didier Migaud - Il faut relativiser. Votre insistance doit choquer bon nombre de contribuables de province ! Et je considère que beaucoup de Parisiens peuvent accepter d'acquitter une telle contribution. Enfin, Monsieur le ministre, laissez-moi vous dire que lorsque tombent de bons chiffres pour notre pays, nous nous en réjouissons toujours...

M. le Ministre délégué - A la bonne heure !

M. Didier Migaud - Cela étant, nous n'avons pas toujours la même interprétation des indicateurs disponibles. Si la tendance de plus de 4,25% qui a été évoquée se confirmait, nous en serions les premiers ravis, mais je doute que l'on puisse l'espérer.

M. Jean-Pierre Brard - M. Lellouche a dit beaucoup de choses inexactes. Par contre, M. Copé tire les leçons de l'histoire et n'a pas oublié 1986 : supprimer l'ISF, pourquoi pas ? Mais, cette fois-ci, autant le faire sans que cela se voie ! Dès lors, mieux vaut barrer la route à des extrémistes du calibre de Pierre Lellouche...

M. Pierre Lellouche - Réaliste, pas extrémiste !

M. Jean-Pierre Brard - Et puis, M. Copé n'aime pas que je cite de noms, moins par souci de discrétion sans doute que par goût de la dissimulation. On connaît la règle des beaux quartiers : pour vivre heureux, vivons cachés... Au reste, les contribuables que prétendent défendre MM. Lellouche et Goasguen sont en réalité très heureux de ne devoir verser que des contributions aussi faibles ! Ils ne manifestent pas dans les belles avenues du seizième arrondissement ! La philosophie de M. Lellouche n'est pas d'inspiration économique ou « entrepreneuriale » : elle est anti-fiscale et évoque plus 1934 que le vingt-et-unième siècle...

M. Pierre Lellouche - Vous, vous êtes resté bloqué en 1917 !

M. Jean-Pierre Brard - Votre argumentation est digne des « contribuables associés » et relève plus du CNI, ce petit pot coincé entre la droite parlementaire et le FN, que de l'esprit républicain. Vous vous acoquinez avec des groupes qui n'ont rien de républicain ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Mariton s'est, quant à lui, ému du sort des contribuables qui, outre une résidence principale de grande valeur, possèdent une autre résidence : où est le problème ? Ils n'ont qu'à payer l'impôt ! Fils de la Révolution française, je considère que mes compatriotes doivent être fiers de payer l'impôt, pourvu que la contribution demandée soit juste et progressive.

M. Lellouche - mais il est vrai qu'il a la circonstance atténuante de ne pas venir souvent travailler avec nous ! - a proféré des contrevérités assez stupéfiantes. Regardons la réalité des chiffres : pour acheter une résidence principale à 1,2 million d'euros en partant de rien, il faudrait emprunter 5 000 euros par mois pendant vingt-cinq ans ; notre système bancaire étant ce qu'il est, pour obtenir un prêt mensuel de ce montant, il faut gagner au minimum 15 000 euros nets d'impôts par mois, soit 200 000 euros par an. Qui croyez-vous pouvoir convaincre qu'il est insupportable de payer 200 euros d'ISF lorsqu'on gagne 200 000 euros par an ?

M. Pierre-Christophe Baguet - A entendre M. Brard, l'on s'attendrait presque à ce qu'il dépose un amendement tendant à inscrire dans la loi que « la propriété, c'est le vol » ! Notre rapporteur général a, par contre, fait preuve de beaucoup de réalisme et nous soutiendrons la réforme adaptée de l'ISF qui est proposée. Pour notre part, nous ne voulons pas exonérer les plus riches mais défendre les classes moyennes, en ne leur faisant pas supporter des charges excessives au titre de leur résidence principale et en « familialisant » l'ISF. Cela participe d'une approche équilibrée qui doit permettre de confirmer les bons indicateurs retracés dans les études économiques les plus récentes.

M. Augustin Bonrepaux - Ce débat confirme, s'il en était encore besoin, que la priorité de la majorité, dans le domaine fiscal comme dans tous les autres, est bien de servir les intérêts des classes les plus favorisées. Depuis 17 heures, on cherche à nous attendrir sur le sort des 350 000 malheureux contribuables de l'ISF. Il faut, toutes affaires cessantes, trouver une solution adaptée et nos collègues de la majorité sont venus en masse voler à leur secours ! Hier, lorsqu'a été votée la suppression de la PPE pour quelque 400 000 personnes, la plupart de ceux qui s'émeuvent ce soir étaient restés chez eux. Et vous êtes décidemment insatiables : réforme de l'IR, des donations, des droits de succession, bouclier fiscal, avantages dédiés aux bénéficiaires de stock-options... il ne manquait que l'ISF à votre tableau de chasse et l'on ne pourra pas vous reprocher de manquer de cohérence ! Le ministre et la commission se sont engagés très loin et les ultras de la lutte anti-ISF ont, ce soir, pratiquement obtenu satisfaction. Et vous avez le front de nous expliquer que cela s'adresse en priorité aux classes moyennes, brutalement réduites, dans notre pays, à 350 000 foyers... Au final, il ne reste pas beaucoup pour tous les autres...

M. Lucien Degauchy - Débranchez-le !

M. Augustin Bonrepaux - Soyez beaux joueurs : vous avez eu satisfaction, alors souffrez que l'opposition s'exprime.

Vous pleurez sur des miséreux, qui, comme ceux de l'Ile de Ré, ont des patrimoines de deux millions d'euros, représentant seize fois celui d'un agriculteur. Ils peuvent bien donner quelques centaines d'euros !

Pour terminer, je reprendrai les propos du maire de La Flotte, qui sont dignes d'un sketch de Fernand Raynaud : certains propriétaire ont bâti des fortunes scandaleuses, mais continuent à se promener dans un bleu de travail rapiécé malgré leurs millions. L'ISF est payé par les chanceux de l'île qui préfèrent louer leurs maisons aux touristes plutôt qu'aux jeunes érémistes ou smicards, qui vivent dans des conditions épouvantables.

Voilà les gens sur lesquels vous voudriez nous faire pleurer !

M. Jean-Christophe Lagarde - Que la politique est détestable quand elle verse dans la caricature ! Chacun appréciera les leçons d'histoire de M. Brard, qui nous parle de la position de l'UDF en 1975... alors qu'elle n'a été créée qu'en 1978 (Rires). Cela ne vous gêne visiblement pas.

Je suis favorable à ce que les plus riches paient cet impôt, et qu'il soit proportionné à leur fortune. Je suis également d'accord quand M. Migaud déclare que ceux qui se sont théoriquement enrichis grâce à la hausse des prix de l'immobilier ne paient pas de grosses sommes. Pour autant, ces contribuables n'ont rien gagné tant qu'ils ne vendent pas, et les cours de l'immobilier peuvent très bien chuter dans quelques années. Sans compter qu'ils seront taxés lorsqu'ils vendront. C'est le principe même d'une telle imposition qui me choque.

En effet, il n'est pas juste que soit catalogué comme riche quelqu'un qui habite dans un lieu où les prix flambent, alors qu'il n'y peut mais, et qu'il ne gagne que 1 500 ou 3 000 euros par mois.

Je regrette que, par trouille des réactions caricaturales et du signal envoyé, le Gouvernement refuse de rendre l'ISF plus juste et plus équilibré. Monsieur le rapporteur affirmait tout à l'heure que la réforme fiscale était juste, mais ce n'est pas l'avis de l'OFCE, qu'on ne peut soupçonner de parti pris.

M. le Ministre délégué - Oh ! Si.

M. Jean-Christophe Lagarde - En revanche, si l'on acceptait d'exonérer la résidence principale, sous réserve d'un plafond, le château de Mme Bettencourt resterait taxé, contrairement au domicile principal de contribuables bien plus modestes. En écoutant la voix de la raison, et en évitant les caricatures, il serait donc possible faire payer les véritables riches, et non ceux qui ne se sont enrichis que de façon virtuelle.

J'espère que le Sénat sera plus sage que notre assemblée. (Applaudissements sur certains bancs de l'UMP)

M. Hervé Mariton - A condition de prendre un peu de recul, apparaissent très clairement le chemin qui a déjà été parcouru, le choix fait cette année par l'amendement de M. Méhaignerie en matière d'emploi, mais aussi les corrections supplémentaires qu'il serait juste d'apporter afin que l'ISF devienne cet impôt ordinaire que j'appelais tout à l'heure de mes vœux.

Je voudrais mettre l'accent sur l'amendement de M. Baguet, car il est inadmissible que l'ISF demeure aussi mal « familialisé » qu'aujourd'hui - 150 euros, pensez donc ! Un impôt qui s'applique aux personnes doit prendre en compte la situation familiale du contribuable, c'est un principe essentiel de notre système fiscal.

M. Pierre Lellouche - M. Bonrepaux nous a confié qu'il avait envie de pleurer en nous écoutant ; pour ma part, les propos particulièrement archaïques et démagogiques de certains orateurs de gauche me sapent le moral. Nous parlons de justice et d'équité !

Je regrette d'autre part que le ministre ne soit pas parvenu à me convaincre malgré tout son brio. Le système que nous allons hélas maintenir est antifamilial et anti-nataliste. Vous ne pourrez pas convaincre les milliers de personnes qui signent actuellement nos pétitions qu'il n'est pas injuste et immoral. Il est injuste parce qu'ils touche beaucoup de gens modestes, beaucoup de chômeurs et de retraités aux revenus modestes...

M. Jean-Pierre Brard - C'est faux !

M. Pierre Lellouche - Vous choisissez ce que vous voulez voir !

M. Jean-Pierre Brard - Quel culot !

M. Pierre Lellouche - ...et immoral car il y va du droit au logement : ceux dont le logement s'est trouvé brusquement valorisé par la hausse des cours de l'immobilier n'ont rien gagné, et ils ne peuvent rien faire de leur résidence principale, sinon l'habiter. M. Migaud nous dit qu'ils ne paient pas beaucoup d'impôt. C'est exact, mais cet argument ne porte pas : les classes moyennes commencent à gronder.

En suivant le Gouvernement, vous faites donc une erreur politique. Ceux que vous pénalisez au premier chef, ce sont les classes moyennes qui paient de tous côtés sans bénéficier d'aucune aide.

S'agissant du bouclier fiscal, j'avoue ne pas comprendre comment le Gouvernement peut s'engager à limiter la taxation à 60% alors qu'il n'a aucun contrôle sur la fiscalité locale. Nous ne pouvons nous engager sur les impôts que décident les collectivités locales et qui ne cessent d'augmenter. Le ministre garantit quelque chose qu'il ne peut ni assurer ni rembourser. Il est vrai que c'est un autre débat.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Pour répondre à M. Bonrepaux qui nous accuse depuis quatre ans de grignoter peu à peu l'ISF, je rappellerai qu'il rapportait 2,3 milliards d'euros il y a trois ans, contre 3,3 milliards aujourd'hui. Au-delà des slogans, reconnaissons qu'il rapporte de plus en plus, en faisant certains dégâts d'ailleurs.

M. le Ministre délégué - Sans tout reprendre, je répondrai aux doutes de M. Lellouche : ne sous-estimez pas notre inventivité. En bon juriste, vous savez que l'Etat a la compétence de sa compétence. Le dispositif prévu veille au remboursement du contribuable imposé au-delà de 60% au prorata de la part de l'Etat et des collectivités.

M. Pierre Lellouche - L'Etat n'en a pas la capacité juridique !

M. le Ministre délégué - Mais si ! Et nous en ferons la démonstration lors du débat sur la deuxième partie.

A la majorité de 43 voix contre 8, sur 51 votants et 51 suffrages exprimés, les amendements 80 et 150, identiques, ne sont pas adoptés.

L'amendement 222, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 221.

L'amendement 157, mis aux voix, n'est pas adopté.

A la majorité de 39 voix contre 11, sur 51 votants et 50 suffrages exprimés, l'amendement 148 n'est pas adopté.

L'amendement 63, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 149.

M. Jean-Pierre Brard - Le président de la commission des finances est un homme d'équité et de sincérité. J'offre à sa réflexion l'opinion que livrait aujourd'hui dans Les Echos Denis Payre, entrepreneur prétendument français installé en Belgique : votre amendement ne le fera pas revenir ; il ne concerne certes pas beaucoup de gens, mais ce sont des gens importants. Voilà comment les privilégiés parlent d'eux-mêmes !

J'en viens à l'amendement 153, et je regrette que M. Lellouche ne soit plus là pour en débattre. Le guide de l'immobilier et de la défiscalisation, accessible en ligne, explique que l'acquisition d'une œuvre d'art permet de conjuguer le rêve, le plaisir et la diversification patrimoniale : outre la satisfaction esthétique, l'œuvre d'art est exonérée d'impôt sur la fortune et aisément transmissible. Notre amendement vise à mettre fin à cette arrogance des lobbyistes du marché de l'art qui vont, dans le même guide, jusqu'à ramener l'acquisition d'une œuvre d'art à un outil idéal de déplafonnement de l'ISF ! Il faut faire cesser cette pratique largement encouragée par les marchands de tableaux, et qui sert parfois à blanchir l'argent du crime..

L'amendement 153 ne s'appliquerait pas aux œuvres dont les auteurs sont vivants, afin d'encourager la création. Pour les autres, je propose encore des exonérations, afin de mettre à l'abri les honnêtes gens qui les conservent bénévolement et les présenteraient - une fois l'an par exemple - qui un Pissarro, qui un Modigliani, qui un Picasso.

M. Claude Goasguen - Il y en a beaucoup chez M. Fabius !

L'amendement 153, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - L'amendement 219 relève du même esprit.

M. Jean-Pierre Brard - L'esprit, dans une œuvre d'art, est toujours difficile à cerner ! Une Madone du Titien peut même le faire sortir du cadre laïque ! Permettez-moi une nouvelle citation.

M. le Président - Est-ce vraiment nécessaire ?

M. Jean-Pierre Brard - Absolument, car la manière dont vous venez d'expédier le vote de l'amendement précédent ne permet guère d'éclairer l'Assemblée.

M. le Président - Vous préjugez mal de sa faculté de compréhension !

M. Jean-Pierre Brard - « La Révolution est née d'une révolte contre l'injustice fiscale »...

M. Philippe Auberger - Et de la ruine de l'Etat !

M. Jean-Pierre Brard - « Inscrit dans la Constitution, le principe d'égalité devant l'impôt est, depuis deux siècles, le droit de l'homme le plus maltraité ». Le journaliste Christian de Brie, qui tenait ces propos en 1995, montre que ce principe n'a guère inspiré les politiques des classes dirigeantes, toujours promptes à se décharger sur d'autres de la charge fiscale. En dix ans, rien n'a changé !

Dans un souci de justice et de transparence, l'amendement 219 vise à intégrer à l'assiette de l'ISF les œuvres d'art et les objets antiques de collection, et à ne maintenir l'exonération que pour les biens meubles qui constituent le complément artistique des immeubles classés ou qui sont inscrits à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques, pour les œuvres présentées au public et pour celles dont les auteurs sont vivants. M. de Brie estime que l'on devrait relever le prélèvement global d'au moins 0,25% pour garantir le financement du RMI auquel il est affecté, ce que permettrait la réintégration dans les bases d'imposition des actifs professionnels et des œuvres d'art exonérées.

Monsieur le ministre, vous êtes un homme de culture, et les œuvres d'art ne vous laissent pas indifférent : avec mon amendement, vous en verrez plus, puisque ceux qui les présentent seront exonérés !

M. Jean-Christophe Lagarde - Pour une fois, je partage en grande partie l'avis de M. Brard. L'exonération des œuvres d'art est un héritage de Laurent Fabius ! Avec le rejet de cet amendement, il vaudra mieux, en France, posséder un Renoir ou un Rembrandt qu'habiter son appartement qui a pris de la valeur sans qu'on se soit enrichi. Quelle tristesse pour notre fiscalité !

M. Philippe Auberger - L'amendement étant plus éloigné du texte actuel que le précédent, déjà repoussé, il n'y a pas lieu de voter !

M. Jean-Pierre Brard - Si j'ai fait erreur tout à l'heure sur la date de naissance de l'UDF, je vous prie de m'excuser. Mais je n'avais fait que citer le Jurisclasseur.

Revenons-en à l'amendement : la gauche de l'hémicycle - à ce titre, M. Migaud m'a toujours soutenu - l'a voté au cours de trois lois de finances successives. S'il y a eu ensuite une deuxième délibération, c'est à cause d'un lobby, animé entre autres par Mme Cachin et quelques piliers de cocktail qui dissertent de l'avenir de la France un verre de champagne à la main et un canapé de caviar dans la bouche. Naturellement, M. Lellouche s'opposait lui aussi à cet amendement.

L'amendement 219, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Pouvons-nous considérer que l'amendement 220 est défendu ?

M. Jean-Pierre Brard - Les plus modestes méritent qu'on leur consacre du temps ! Il faut prendre l'argent là où il est - chez les privilégiés - même si cela choque vos oreilles délicates !

L'amendement 220 est inspiré d'une proposition faite par le groupe de l'Union centriste au Sénat. Adopté en première lecture du projet de loi relatif à l'initiative économique, l'article 888-1 bis du code général des impôts, que nous vous proposons de supprimer, ne permet pas du tout de dynamiser l'activité économique du pays, notamment celle des PME. Son seul et unique objectif est d'accorder une exonération de 50% au titre de l'ISF pour les actionnaires signataires d'un engagement collectif de conservation.

Vous n'avez pas, lors de la discussion, réussi à nous démontrer que l'ISF aurait des effets pervers sur l'initiative économique. Nous pensons que les biens professionnels ne devraient pas être exonérés, et que l'assiette devrait être élargie à tous les actifs financiers. Comme l'explique l'économiste Thomas Piketty, il n'est même plus nécessaire de travailler dans une entreprise pour être exonéré : il suffit de signer un pacte avec un groupe quelconque d'actionnaires dont au moins un y travaille, et cette pratique risque de s'étendre. Là encore, la logique du court terme et de l'avantage fiscal immédiat prime sur la stratégie à moyen ou long terme. Etant donné la multiplication actuelle des plans sociaux, la suppression de cet article est une question d'éthique.

Vous connaissez la tradition du capitalisme français, Monsieur le ministre, par opposition au capitalisme rhénan : c'est un capitalisme de rentiers. Tel était déjà le cas sous Guizot et sous Napoléon III, et vous continuez d'encourager cette tradition qui ne favorise pas l'investissement et qui nuit donc à l'emploi.

M. le Président - Sur le vote des amendements identiques 220 et 252, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Jean-Louis Idiart - L'amendement 252 propose également l'abrogation de l'article 885 I bis du CGI. Il s'agit de remettre en cause les cadeaux fiscaux accordés en matière d'ISF par la majorité et le Gouvernement notamment à l'occasion du vote de la loi sur l'initiative économique et du PLF 2005. Cet amendement vise plus précisément la possibilité d'échapper à l'ISF dans le cadre d'un « pacte d'actionnaires » représentant 20% seulement des droits d'une société, dont est membre une personne exerçant dans la société sa fonction principale. Appuyé sur un discours visant à « exonérer l'outil de travail », alors que tel a toujours été le cas, ce dispositif permettrait en fait d'échapper à l'ISF dans des conditions particulièrement souples.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

A la majorité de 33 voix contre 13, sur 46 votants et 46 suffrages exprimés, les amendements 220 et 252 ne sont pas adoptés.

M. Augustin Bonrepaux - L'amendement 253 vise à abroger l'article 885 I ter du CGI et donc à remettre en cause un cadeau fiscal accordé par la majorité. La baisse de l'ISF, nous dit-on, est censée lutter contre les délocalisations alors que la disposition visée exonère d'ISF les placements en capital au sein de PME, qu'elles soient installées en France ou dans l'Union européenne. Le rapporteur général du Sénat a de plus observé que l'on ne pouvait apprécier l'efficacité de cet allègement. Nous mesurons mieux ainsi le décalage entre le discours de la majorité et la réalité.

M. le Président - Sur le vote de l'amendement 253 et de l'amendement 246 examiné précédemment, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable sur l'amendement 253.

M. le Ministre délégué - Même avis.

A la majorité de 36 voix contre 12, sur 48 votants et 48 suffrages exprimés, l'amendement 253 n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - Je rappelle simplement que la commission des finances a adopté l'amendement 246.

M. le Ministre délégué - Et je lève le gage.

M. Augustin Bonrepaux - Le Gouvernement multiplie les mesures en faveur des classes les plus favorisées. La majorité trouvant que le premier bouclier fiscal est insuffisant, elle en conçoit un second, sans doute pour les heureux bénéficiaires des stock-options, mais à coup sûr pour « ceux du CAC 40 ».

M. Philippe Auberger - Mais non, il n'a rien compris.

M. Augustin Bonrepaux - Nous pensons qu'il convient de s'occuper prioritairement de l'emploi et des personnes en difficulté que vous, vous oubliez. Nous voterons donc contre cet amendement.

M. Jean-Pierre Brard - M. Méhaignerie a tout à l'heure été distrait par M. le ministre et n'a pas entendu ce que j'ai dit. J'ai évoqué un entretien paru dans Les Echos les 21 et 22 octobre. M. Denis Payre, administrateur délégué de Kiala, fondateur de Croissance Plus, montre qu'il y a une constante chez les « Coblençards », que l'on retrouvera d'ailleurs chez les pétainistes. Question des Echos : « L'amendement exonérant 75% des actions nominatives détenues par les salariés ou les personnes engagées dans un pacte d'actionnaires sous réserve de les conserver six ans aurait-il modifié votre décision de quitter la France ? » Réponse : « Cet amendement est clairement un pas en avant. Il résout une part de la question de la taxation de l'outil de travail et aurait amélioré ma situation. Mais il comporte tout de même une forte contrainte : l'obligation de ne pas céder ses titres pendant six ans. Cela peut induire des comportements qui ne sont pas nécessairement dans l'intérêt de l'entreprise, notamment pour les entreprises cotées. »

Autre question : « La réforme de l'ISF, qui va coûter plusieurs centaines de millions d'euros, repose davantage sur l'observation de cas particuliers que sur des évaluations précises et concordantes. N'estimez-vous pas qu'elle est inéquitable du point de vue de la justice fiscale ? » Réponse : « C'est vrai que la réforme ne concerne pas beaucoup de gens, mais ce sont des gens très importants ».

Fait-on la loi pour des gens que n'anime aucun sentiment national et qui, dans la tradition de Coblence et de Pétain, sont prêts à piétiner le pays qui les a formés?

A la majorité de 33 voix contre 13, sur 47 votants et 46 suffrages exprimés, l'amendement 246 est adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Sous couvert d'une mesure d'indexation, le Gouvernement et la majorité ont introduit une mesure politique forte destinée aux contribuables les plus aisés. Il s'agit d'actualiser automatiquement le barème de l'ISF en fonction de l'évolution de la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Nous pensons que le choix d'indexer ou non l'évolution du barème de l'ISF doit pouvoir être revu chaque année. C'est ce à quoi tend l'amendement 254. Nous voulons rétablir un peu de justice et trouver des moyens pour les catégories de la population les plus défavorisées : améliorer par exemple la PPE en demandant un effort qui n'est pas exagéré à ceux qui ont la chance d'avoir un patrimoine.

L'amendement 254, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier - L'impôt n'est pas diabolique mais tout à fait légitime comme en étaient conscients les rédacteurs de la Déclaration des droits de l'homme. Pour être accepté et efficace, il doit être juste et tenir compte des situations spécifiques pour les différentes catégories d'imposition. L'ISF doit également être examiné selon ce principe. D'une manière générale, il conviendrait d'en élargir l'assiette, ce qui permettrait de revoir les taux. L'amendement 243 vise à traiter quelques cas, peu nombreux mais montés en épingle l'été dernier. Dans le souci de mettre fin à quelques situations injustes, nous proposons, par l'amendement 243, que tout contribuable non assujetti à l'impôt sur le revenu, et qui le devient à l'ISF au titre d'une résidence principale transmise par héritage, puisse opter pour le paiement de cet impôt sur sa propre succession. Les finances publiques ne pourraient y perdre, car le bien serait gagé, et le contribuable pourrait demeurer dans sa résidence jusqu'à la fin de ses jours.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Défavorable.

M. Jean-Christophe Lagarde - Je souligne la contradiction entre les propos de M. Brard et cet amendement qui reconnaît que les gens devenus plus riches en héritant de leur résidence principale ne peuvent pas forcément payer l'ISF.

L'amendement 243, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Myard - Le ministre a approuvé l'amendement de M. Méhaignerie par souci de l'emploi. Dans le même esprit, je propose par l`amendement 158 que les assujettis à l'ISF puissent acquitter leur impôt en investissant dans les PME.

M. le Rapporteur - Défavorable. Actuellement, l'investissement en numéraire dans une PME est exclu de l'assiette imposable à l'ISF.

M. le Ministre délégué - Défavorable.

L'amendement 158, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Bouvard - Mon amendement 46 relève du même esprit que l'amendement que défendra M. Goasguen.

M. Hervé Mariton - Mon amendement 443 également. Pour que l'ISF devienne un impôt ordinaire, il faut lui appliquer les conditions ordinaires de prescription. Les conditions extraordinaires qu'on applique aujourd'hui créent une instabilité juridique et des difficultés lors d'une transmission par vente ou héritage. Il serait raisonnable de se rapprocher du droit commun - je propose 6 ans, d'autres 3 ans - en tout cas pas 10 ans. Je comprends que cet amendement n'est peut-être pas acceptable en l'état, mais je souhaite savoir ce que le Gouvernement compte faire dans ce sens.

M. Claude Goasguen - Pour que l'ISF soit un impôt ordinaire, il faut lui appliquer le droit commun pour la prescription, c'est-à-dire trois ans et non dix ans. C'est l'objet de mon amendement 62. C'est important lorsque, par exemple, un bien ne se vend pas au prix estimé par les Domaines mais que, ceux-ci ne voulant pas céder sur leur évaluation de la succession, l'héritier est taxé à l'ISF. Au terme de ce long débat un peu décevant pour nous, je voudrais qu'au moins en ce qui concerne la prescription - même si ce n'est pas aujourd'hui - le Gouvernement ramène un peu de justice. Rappelons qu'en dix ans le prix du foncier a presque doublé dans les grandes villes.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - La question est intéressante, mais je ne suis pas en état de répondre aujourd'hui, ne l'ayant pas étudiée. Il me faut un peu de temps. Si vous voulez bien retirer ces amendements, nous pourrons y travailler.

M. Hervé Mariton - Les navettes laissent le temps au Gouvernement d'examiner cette question, importante sans être très complexe.

M. Claude Goasguen - Je compte bien que cette disposition sera étudiée par référence au délai de droit commun, qui est de trois ans.

Les amendements 46, 443 et 62 sont retirés.

ART. 18 (précedemment réservé)

M. le Rapporteur général - La commission a adopté un amendement 10 de suppression. La loi de finances pour 2005 avait institué une contribution au développement de l'apprentissage dont le taux, fixé à 0,06% en 2005, passerait à 0,12% en 2006 et 0,18% en 2007. L'article 18 accélérait le processus en portant le taux à 0,18% dès 2006.

M. le Ministre délégué - Je regrette d'avoir présenté cette disposition, et la commission m'a remis dans le droit chemin. L'idée d'accélérer le processus n'était pas bonne, car les entreprises pouvaient y voir une remise en cause de la parole donnée. Tout en remerciant la commission des finances, je souligne que l'acceptation de cet amendement représente une perte de 200 millions. La commission a indiqué vouloir contribuer à la recherche d'économies sur les dépenses. Je serai très intéressé par cette contribution, sachant qu'on ne peut pas faire n'importe quoi, bloquer le fonctionnement d'un ministère par exemple, mais que les économies doivent être réalistes et consensuelles. C'est dans cette perspective que je peux m'exprimer de la sorte sur la suppression de 200 millions.

M. Augustin Bonrepaux - N'oublions pas qu'en instituant cette nouvelle taxe, le Gouvernement a, parallèlement, supprimé 396 millions de dotation d'apprentissage aux régions. Si l'on supprime maintenant 200 millions de produit, il faut les trouver autrement !

M. le Ministre délégué - C'est ce que je viens de dire.

M. Augustin Bonrepaux - Comme la majorité veut encore vous inciter à faire 500 millions d'économies, cela fait 700 millions à trouver. Alors, de grâce, ne mettez pas en cause une fois de plus les collectivités territoriales. Je comprends tout à fait que vous n'aimiez pas les régions, que vous vouliez vous venger. Mais n'oubliez pas qu'il s'agit ici de l'apprentissage. Votre ressentiment ne doit pas vous conduire à oublier votre discours sur l'emploi.

M. Philippe Auberger - Nous n'avons pas à gager cette suppression. Nous avons étudié certaines économies possibles, et notamment sur des dépenses illégales.

M. le Rapporteur général - Monsieur Bonrepaux, la commission, après examen de la mission travail et emploi avant-hier, a décidé de doter le programme n°3 de 200 millions, nécessaires aux régions.

L'amendement 10, mis aux voix, est adopté, et l'article 18 est supprimé.

ART. 19 (précédemment réservé)

M. Michel Bouvard - L'amendement 391 rectifié est défendu.

M. le Rapporteur général - Avis favorable.

M. le Ministre délégué - Même avis. Je lève le gage.

L'amendement 391 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Bouvard - L'amendement 423 est défendu.

M. le Rapporteur général - Avis favorable.

M. le Ministre délégué - Avis également favorable à cette proposition qui tire les conséquences de la baisse du taux d'intérêt de retard. Le différentiel entre les taux d'intérêt créditeur et débiteur nous a longtemps occupés et nous sommes enfin parvenus à fixer un taux moyen. Je saisis cette occasion pour signaler à la représentation nationale que la Charte du contribuable vient d'être publiée.

M. le Rapporteur général - Quelle bonne nouvelle !

M. le Ministre délégué - En gravant les droits et devoirs du contribuable dans le marbre, elle contribuera à améliorer les relations entre le contribuable et l'administration fiscale en les fondant clairement sur la simplicité, le respect et l'équité.

M. Jean-Pierre Brard - C'est l'égalité qu'il faut défendre !

L'amendement 423, mis aux voix, est adopté.

L'article 19 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 19 (précédemment réservé)

M. Didier Migaud - La réforme de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales, effectuée dans le cadre du collectif pour 2004, a permis à l'ensemble des entreprises de bénéficier de la procédure de régularisation pendant un contrôle fiscal sur place sans attendre la proposition de rectification qui clôture les opérations. Dans ce cas, les rappels régularisés sont assortis d'un intérêt de retard réduit de 50%, ce qui est acceptable lorsque le taux d'intérêt de retard est fixé à un niveau particulièrement haut.

Or, le présent projet de loi prévoit d'abaisser ce taux d'intérêt à 4,80% pour 2006. Compte tenu des rémunérations offertes par les établissements de crédits sur des placements de trésorerie, les retards de paiements des impositions ne seront plus sanctionnés. L'amendement 179 vise donc à inciter au respect de la loi en portant le taux d'intérêt applicable aux rectifications en cours de vérification à 80% du taux d'intérêt légal.

M. le Rapporteur général - C'est un vrai problème, mais votre amendement est à peu près satisfait par l'adoption du 423 de M. Cousin, plus modéré que le vôtre.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 179 est retiré.

ART. 20 (précédemment réservé)

M. Jean-Louis Dumont - Dans une interview fort intéressante, M. Copé, qui n'avait pas voulu répondre à mes questions sur les buralistes lors de l'examen de la loi de finances pour 2005, a souligné l'intérêt de l'indemnité de fin d'activité pour les frontaliers. Or cette indemnité a des effets pervers, nous en avons déjà fait l'expérience concernant les pompistes. Dans les quelques dizaines de kilomètres qui précèdent la frontière, l'on ne trouve plus de buralistes. Cela est fort regrettable car cette situation engendre un petit trafic de tabac. L'un de mes collègues de la majorité a d'ailleurs suggéré de limiter le nombre de cigarettes à 200 dans les véhicules privés.

Par ailleurs, on trouve chez les buralistes une affichette indiquant l'interdiction de vente de tabac, y compris papier et filtres, aux mineurs de moins de 16 ans. Or, il suffit aux jeunes de parcourir quelques kilomètres pour se procurer ces matériels annexes - qui ne servent pas qu'à fumer du tabac -, dans une épicerie par exemple. Si ces produits sont réellement dangereux, il faut interdire leur vente dans tous les commerces. Ce point irrite bien des buralistes.

M. Pierre-Christophe Baguet - Des amendements visant à modifier le taux de TVA ont été déposés après cet article 20 qui concerne le tabac. Parmi eux, l'amendement 26 de M. Mariani tend à réduire le taux de TVA applicable à la restauration à 5,5%. Mes collègues socialistes se souviendront certainement que M. Fabius, lorsqu'il était président de l'Assemblée,...

M. Jean-Louis Dumont - Ce fut un admirable président !

M. Pierre-Christophe Baguet - ...s'était engagé auprès de l'Union des métiers de l'industrie de l'hôtellerie à soutenir la cause d'une TVA réduite. Quant à la majorité, elle a en mémoire les nombreuses déclarations de M. Chirac en faveur de la TVA à taux réduit pour ce secteur. La position du groupe UDF n'a jamais varié, et j'avais même déposé une proposition de loi qui a recueilli 140 signatures.

Certes, Monsieur le ministre, vous allez faire valoir le coût de cette mesure, 3 milliards d'euros. Mais ce montant doit être relativisé : la baisse de TVA permettra aux entreprises du secteur de gonfler leur chiffre d'affaires, et l'Etat en récupérera une partie par l'intermédiaire de l'impôt sur les sociétés. D'autre part, cette mesure permettra de créer des emplois et, partant, d'abonder les cotisations sociales et d'éviter de payer les indemnités de chômage. Enfin, comme les professionnels s'y sont engagés, ils se lanceraient dans de nouveaux investissements. Rappelons que cette mesure ne concerne pas les alcools consommés sur place. Le coût réel ne devrait donc guère dépasser le milliard d'euros.

Certes, le Gouvernement a procédé à des allègements de charges - 900 millions d'euros en 2004, 550 millions en 2005 et 500 millions en 2006 - mais cela n'équivaut qu'à un sixième de la réduction du taux de TVA à 5,5%. Notons que, grâce à ces allègements, les professionnels ont augmenté le SMIC de 11% et accordé de nombreux avantages à leurs salariés - la prévoyance, cinq jours de congés payés supplémentaires. L'UMIH est prête à inciter les professionnels à poursuivre ces efforts. Beaucoup d'arguments donc plaident pour l'adoption de cet amendement 26.

L'amendement 390 de M. Hillmeyer mérite aussi un examen attentif. Il tend à mensualiser le remboursement du crédit de TVA pour les entrepreneurs. Les travaux d'amélioration, de transformation et d'aménagement des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans sont taxés à 5,5%. Le montant de TVA déductible est plus important que la TVA récoltée. Par conséquent, ce crédit de TVA représente une somme importante. Or, son remboursement est trimestriel pour les entreprises soumises au régime normal d'imposition, et annuel lorsqu'elles sont soumises au régime simplifié Cette disposition permettrait de renflouer la trésorerie de ces entreprises, trop souvent asséchée.

L'article 20, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 20 (précédemment réservé)

M. Didier Migaud - Dans le cadre de la loi de finances pour 2002, a été mise en place une taxe sur les transactions financières, de type taxe Tobin, dont le taux devait être décidé en référence à une décision du Conseil européen. Depuis, le Président de la République a multiplié les déclarations favorables à ce projet, notamment au sommet de Johannesburg. Pour ne pas rester des vœux pieux, de telles déclarations doivent être suivies rapidement d'effets. On ne peut se contenter de mettre en place une énième commission d'experts. Proposant par notre amendement de fixer le taux de la taxe à 0,05% à compter du 1er janvier 2006, nous espérons aider le Président de la République mais aussi la majorité, qui ne pourrait décemment revenir devant ses électeurs sans qu'un engagement d'une telle importance ait été tenu.

M. le Rapporteur général - La commission a repoussé cet amendement. Je me souviens encore de vos contorsions, Monsieur Migaud, lorsque vous étiez rapporteur général, pour refuser le même type d'amendement alors défendu par Julien Dray et quelques-uns de ses collègues, jusqu'au jour où vous avez été contraint de l'accepter et où vous l'avez sous-amendé de façon à ramener le taux de la taxe à zéro ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP)

Depuis lors, le Président de la République est intervenu et a proposé une taxe sur les billets d'avions.

M. le Ministre délégué - Je suis ravi de voir M. Migaud s'orienter avec tant d'allégresse vers le chiraquisme ! (M. Migaud se récrie) Je l'invite à retirer son amendement et à soutenir psychologiquement l'action du Président de la République, qui a saisi une excellente opportunité en proposant de taxer les billets d'avion.

M. Didier Migaud - « Allégresse », le terme est un peu fort ! Je suis simplement sensible au fait que les hommes politiques respectent leurs engagements. Pour l'instant, rien de concret n'a été fait. Cet amendement en donnait l'occasion. Monsieur le ministre, lorsqu'une idée est bonne, nous la défendons, quel que soit le lieu.

M. Jean-Pierre Brard - Puisque l'on parle de taxe, M. Copé pourrait-il nous dire ce qu'il en est exactement du taux réduit de TVA pour les travaux dans le bâtiment ? En effet, il vient de démentir dans Le Monde les propos de M. Breton qui avait assuré dans Le Parisien que la mesure serait reconduite.

M. le Ministre délégué - Il est trop facile de chercher, pour la énième fois, à nous opposer, Thierry Breton et moi. J'ai redit après lui que, lors du prochain conseil Ecofin, mi-novembre, le Gouvernement ferait tout pour convaincre nos partenaires de l'Union de la nécessité de reconduire un dispositif qui a fait la preuve de son efficacité, et que nous avons bon espoir d'avoir gain de cause, car cette mesure est indispensable.

M. Didier Migaud - Elle a été imaginée sous la législature précédente !

M. le Ministre délégué - Ce qui ne me gêne en rien.

L'amendement 177, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre délégué - L'amendement 416 relève à 62 500 euros le plafond de ressources ouvrant droit au prêt à taux zéro.

M. le Rapporteur général - Avis favorable.

L'amendement 416, mis aux voix, est adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Nous avons voté contre. Comment la mesure sera-t-elle financée ? Le doublement de ce plafond ne se fera-t-il pas au détriment d'autres catégories ?

M. le Ministre délégué - Cette mesure ne peut léser personne. Il était important de relever ce plafond de ressources, notamment dans les grandes villes. C'est encore une mesure qui profitera aux classes moyennes.

M. Augustin Bonrepaux - Monsieur le ministre,...

M. le Président - L'amendement a été voté. Le débat est clos.

M. Augustin Bonrepaux - ...vous mettez dans les classes moyennes ce qui vous arrange, selon le moment. Hier, vous considériez qu'en faisaient partie les personnes gagnant jusqu'à 3 500 euros. Aujourd'hui, vous allez jusqu'à 5 000 euros !

M. Didier Migaud - Un tiens valant mieux que deux tu l'auras, nous proposons par l'amendement 187 d'inscrire dans la loi que le taux réduit de TVA doit être maintenu pour les services d'aide à la personne, pour les travaux d'entretien dans les logements achevés depuis plus de deux ans ou dans les logements locatifs sociaux. Cette mesure, prise sous la précédente législature, a permis de lutter contre le travail au noir, de stimuler l'activité dans le bâtiment et d'aider les particuliers à réaliser les travaux nécessaires dans leur logement. Compte tenu du caractère aléatoire des engagements du Gouvernement en matière de négociation européenne sur le sujet, parfaitement illustré par sa démagogie - ou son impuissance - en matière de TVA réduite sur la restauration, qu'il avait promis de mettre en œuvre dès son arrivée au pouvoir, ce qu'il n'a toujours pas fait, nous jugeons plus prudent de voter ici cette disposition.

M. le Rapporteur général - La commission a repoussé cet amendement. Nous sommes tous attachés au maintien du taux réduit de TVA dans les secteurs du bâtiment et des services à la personne. C'est d'ailleurs l'hypothèse qui a été retenue pour établir les prévisions de recettes de TVA. Adopter ce soir un tel amendement risquerait toutefois de compromettre l'issue de la négociation à venir.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Marc Laffineur - Voter cet amendement serait le meilleur moyen de ne pas obtenir satisfaction à Bruxelles. C'est d'ailleurs ce que vous nous disiez s'agissant de la TVA sur la restauration lorsque vous étiez dans la majorité !

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le président, vous ne m'avez pas redonné la parole tout à l'heure après que M. Copé m'a répondu s'agissant de ses propos et de ceux de M. Breton dans la presse. Je ne puis imaginer que les deux quotidiens n'aient pas rapporté exactement les propos tenus par chacun d'eux. M. Breton a dit dans Le Parisien que tout était réglé concernant le maintien de la TVA à taux réduit dans le bâtiment, alors que M. Copé avait déclaré dans Le Monde, comme il nous l'a confirmé ici, que la France plaiderait en ce sens à Bruxelles, mais qu'il fallait l'accord unanime des autres pays membres - puisque la France n'a jamais réussi à obtenir du Royaume-Uni et du Luxembourg notamment, que l'unanimité ne soit plus exigée sur les questions fiscales. Vous avez dit la vérité, mais pas M. Breton. Il risque d'induire en erreur certains lecteurs du Parisien qui engageront des travaux en tablant sur une TVA à 5,5%, alors qu'ils devront peut-être payer 19,6%.

L'amendement 187, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - La part des impôts directs dans les recettes de l'Etat est beaucoup plus faible en France que dans les autres pays européens, en Allemagne notamment. Assurant 46,7% des recettes fiscales nettes, la TVA constitue la première des ressources. Elle a rapporté 156 milliards d'euros en 2004, contre seulement 53,4 milliards pour l'impôt sur le revenu et 44,8 milliards pour l'impôt sur les sociétés. C'est pourtant un impôt dégressif particulièrement injuste, qui pèse davantage sur les ménages modestes que sur les ménages aisés.

Plus le revenu augmente, plus la part consacrée à la consommation diminue, cependant que croît la propension à investir et à épargner. Depuis le début de la hausse vertigineuse du prix des carburants, nous n'avons eu de cesse d'alerter le Gouvernement sur la nécessité de maîtriser la fiscalité pétrolière, en contenant la progression de la TIPP, laquelle a rapporté 20,3 milliards l'année dernière.

Le présent amendement est de portée plus modeste puisqu'il tend à rétablir le taux normal de TVA tel qu'il existait avant son augmentation par le gouvernement Juppé en 1995, en le ramenant par conséquent à 18,6%.

M. le Rapporteur général - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Hervé Mariton - L'examen de cet amendement donne l'occasion d'indiquer que la fixation du taux de TVA optimal fait l'objet au parti socialiste de discussions nourries : M. Strauss-Kahn se déclare ainsi en faveur de son augmentation, nous gratifiant au passage de l'une de ces propositions d'aggravation de la pression fiscale dont les socialistes ont le secret...

M. Jean-Louis Idiart - En matière de TVA, vous nous avez bien servis avec Juppé !

M. Hervé Mariton - En réalité, la TVA n'est pas aussi dégressive ni inégalitaire que certains le prétendent, et si on la pondère, elle exerce au final une pression plus proche de 12% que du taux nominal. La charge de M. Brard contre la TVA n'est donc pas plus justifiée que ses autres attaques...

M. Didier Migaud - A ce compte là, pourquoi ne pas l'augmenter ?

M. Hervé Mariton - Et, au final, tout cela n'est pas de nature à lever nos inquiétudes sur la stratégie fiscale de la gauche.

M. Jean-Louis Idiart - Heureusement que nous avons M. Mariton !

M. Didier Migaud - Il doit faire un complexe puisqu'il parle plus volontiers des propositions fiscales présentées dans les différentes motions du parti socialiste que de celles de son propre camp !

M. Jean-Pierre Brard - C'est un agent infiltré !

M. Didier Migaud - Pour ma part, je ne suis pas de ceux qui soutiennent les propositions de M. Strauss-Kahn en matière de TVA et je porte au débat que la motion dont il est signataire n'en parle pas... (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Il est un peu tard pour engager un débat sur la TVA !

M. Didier Migaud - Permettez ! Le porte-parole de l'UMP a lancé un débat de fond sur la TVA. Si vous trouvez que le porte parole de votre groupe lance de faux débats, changez le !

M. le Président - Il aurait pu nous épargner cela ! (Rires)

M. Didier Migaud - Le point à ne pas perdre de vue, c'est qu'hier comme aujourd'hui, en France comme ailleurs en Europe - je pense notamment à l'Allemagne de Mme Merkel -, c'est toujours la droite qui a augmenté la TVA. La proposition de TVA dite « sociale » de M. Arthuis - laquelle tend in fine à transférer la fiscalité des entreprises vers les ménages - n'en témoigne-t-elle pas ? Il s'agit d'une proposition foncièrement injuste qui n'a pas sa place dans notre fiscalité. Enfin, je prie M. Mariton de ne plus s'exprimer au nom du parti socialiste. Il a déjà fort à faire pour défendre les positions de son groupe ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Bien sûr que si, Monsieur Mariton ! La TVA est injuste, pas même proportionnelle et moins encore progressive ! Pour que Mme Bettencourt paie proportionnellement autant de TVA qu'un ménage modeste, il faudrait qu'elle ingurgite plusieurs kilos de pommes de terre par jour ! (Sourires)

L'amendement 229, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Bouvard - Notre collègue Louis Giscard d'Estaing, retenu ce soir dans sa circonscription, m'a demandé de défendre son amendement 28. Il porte sur un sujet ayant donné lieu à de très longs débats sous la législature antérieure puisqu'il traite de la TVA sur le chocolat. Dans l'état actuel de la législation, tous les produits alimentaires sont soumis au taux réduit de TVA. Par exception à ce principe général, le taux normal de 19,6% s'applique au chocolat en tout ou partie et à la confiserie ; par exception à l'exception, le « chocolat », le « chocolat de ménage » et le « chocolat de ménage au lait » bénéficient expressément du taux réduit, ces catégories relevant des définitions données par le décret de transposition de la directive de 1973 sur le cacao. Transposée par le décret qualité du 29 juillet 2003, une nouvelle directive de juin 2000 a ramené de 28 à 10 le nombre de catégories de chocolat, celle du « chocolat de ménage » ayant disparu. Il y a donc lieu d'actualiser l'article 278 bis du CGI en remplaçant la catégorie du « chocolat de ménage » par celle des « bonbons au chocolat », laquelle recouvre des produits intéressant particulièrement nos artisans chocolatiers qui promeuvent partout dans le monde l'excellence de la gastronomie française. Outre son intérêt évident, cet amendement permettrait d'accomplir un petit pas dans le sens très attendu de l'application du taux réduit à tous les produits alimentaires.

M. le Rapporteur général - Nous croyions que le débat avait atteint son paroxysme avec l'amendement Méhaignerie : il n'en est rien ! C'est l'amendement Giscard d'Estaing qui aura la vedette puisque la commission des finances va donner ce soir un avis favorable... (Sourires et applaudissements sur divers bancs) Et je me dois de donner la définition du « bonbon au chocolat » : il s'agit d'un bonbon fourré au chocolat de la taille de la bouche, la proportion de chocolat dans le poids total ne devant pas être inférieure à 25%...

M. Jean-Pierre Brard - Heureusement, Mme Parisot a une plus petite bouche que le baron Seillière !

M. le Ministre délégué - Le moment est à la fois historique et savoureux puisque le Gouvernement donne un avis favorable à l'amendement et lève le gage. Toute ce qui concourt à simplifier nos règles fiscales est bon pour le pays.

M. Didier Migaud - Je me réjouis de cette avancée mais il convient d'en mesurer toute la portée. Le ministre peut-il préciser le contenu de la mesure qu'il a validée et son coût ? Le sujet est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît et les enjeux économiques non négligeables. Nous devons toujours voter en pleine connaissance de cause.

M. le Ministre délégué - Le coût de la mesure est estimé à 50 millions... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Didier Migaud - Tout de même !

M. Jean-Pierre Brard - Il faut aimer le chocolat !

M. le Ministre délégué - Il s'agit d'un encouragement très fort dans un domaine où la France incarne l'excellence mondiale. Le principal bénéficiaire en sera le chocolat noir...

M. Didier Migaud - Enveloppé ou pas ?

M. le Ministre délégué - ...puis viennent le chocolat au lait, le chocolat blanc, le chocolat fourré et le « chocolate a la tazza ». (Exclamations sur divers bancs)

M. Jean-Pierre Brard - Qu'est-ce à dire ?

M. le Ministre délégué - J'avoue que j n'en sais rien.

L'amendement 28, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité.

M. Jean-Claude Sandrier - Par souci de bon sens et de cohérence politique, l'amendement 227 vise à faire bénéficier les établissements publics de santé et l'ensemble des établissements chargés de l'accueil des personnes handicapées de la baisse de TVA portant sur les travaux d'amélioration, de transformation et d'entretien.

L'intérêt de cette mesure est évident pour les hôpitaux, dont le déficit dépasse un milliard d'euros, mais aussi pour les établissements en charge de l'accueil des personnes handicapées et dépendantes.

Cette mesure s'inscrit donc dans la continuité des mesures prises par le Gouvernement, telles que le plan « vieillissement » mis en place après la canicule de 2003 et la loi handicap de février dernier.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pu que rejeter l'amendement, la directive européenne réservant la réduction de taux aux travaux effectués dans les logements privés.

L'amendement 227, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Bouvard - On va certainement m'opposer que l'amendement 45 n'est pas euro-compatible, puisqu'il vise à étendre le taux de TVA réduit aux installations nécessaires à l'accueil des personnes handicapées. Il me semble néanmoins que cette question pourrait être soulevée à Bruxelles dans le cadre de la négociation sur la prolongation du taux de TVA réduit pour le bâtiment.

M. le Rapporteur général - La question a déjà été évoquée hier à l'occasion d'un amendement de M. Baudouin : cet amendement n'est pas compatible avec les textes européens, mais la question pourrait effectivement être abordée au cours des négociations.

L'amendement 45 est retiré.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe UDF d'une demande de scrutin public sur l'amendement 26.

M. Thierry Mariani - En tant que président du groupe d'études sur les métiers de l'hôtellerie, je souhaiterais une fois encore souligner la nécessité de baisser la TVA sur la restauration traditionnelle d'ici le 1er janvier 2006.

Ce dossier est un véritable serpent de mer, qui avance, recule puis replonge dans les méandres européens, et dont les hôteliers, les cafetiers et les restaurateurs attendent l'aboutissement depuis des années.

Je ne vous infligerai pas la lecture des promesses faites depuis 2002 par MM. Raffarin, Bertrand, Dutreil et d'autres ministres, ni celles de nos collègues parlementaires, mais rappelons que chaque député UMP a également souscrit pareils engagements lors de son élection il y a quatre ans. Ce n'est donc plus une obligation d'action que nous avons aujourd'hui sur ce dossier, mais une obligation de résultat.

L'article 99 du projet de loi de finances pour 2004 indiquait que le taux de TVA serait baissé dans les quatre mois suivant l'accord de l'Union européenne ; puis en juin 2004, M. Sarkozy et le président de l'UMIH ont signé un accord « gagnant-gagnant » prévoyant des baisses de charges dans la restauration en échange d'une amélioration des conditions de travail, à commencer par une hausse du SMIC hôtelier. Or, à chaque fois, nous avons promis que les négociations européennes seraient achevées d'ici le 1er janvier 2006.

Même si nous avons confiance dans l'action du Gouvernement, force est de constater, à quelques semaines de cette échéance, que nous ne sommes nullement assurés qu'elles aboutissent. Certes, les hôteliers continueront à bénéficier des allègements de charges décidées en 2004, mais ce n'est pas l'aumône qu'ils demandent. Ils souhaitent simplement le respect des engagements pris.

Je souhaiterais également rappeler que de la baisse de la TVA dépendent des avantages sociaux notables aux termes de l'accord de 2004 : 5 jours de congés supplémentaires.

C'est pour toutes ces raisons que nous vous demandons d'adopter cet amendement. Le Gouvernement disposera alors de 81 jours pour faire réussir la négociation. Certains ayant fait le tour du monde en moins de temps que cela, pourquoi ne pourrions-nous pas tenir notre engagement d'aider ce secteur porteur d'emplois et de richesse dans ce délai ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Augustin Bonrepaux - Notre amendement 188 a le même objet. On fait beaucoup de promesses dans la majorité. On nous a par exemple expliqué que le Président de la République allait mettre en place une taxe sur les billets d'avion. Hélas, promettre est une chose, honorer ses engagements en est une autre.

M. Mariani a bien rappelé le chemin de croix de la baisse de la TVA, mais il aurait pu ajouter que, contrairement à vous, nous avions indiqué que nous baisserions cette taxe à condition que l'Union européenne nous en donne l'autorisation. Vous n'avez pas pris cette précaution, et vous faites désormais face à des promesses excessives et irresponsables.

Constatons seulement qu'il vous est aisé de faire tenir des engagements par l'intermédiaire des collectivités locales, qu'il s'agisse du foncier non bâti ou de la taxe professionnelle, mais que la question est plus délicate pour la baisse de la TVA !

Monsieur le ministre, si les députés sont fidèles à leurs engagements, ils voteront cet amendement et vous serez mis en minorité.

M. le Rapporteur général - La commission a rejeté cet amendement, car il faut être cohérent : s'il est adopté, la position de la France dans les négociations sera affaiblie. La loi de finances de 2004 est par ailleurs très claire : dès que le conseil aura accepté le taux réduit sur la restauration à l'unanimité, il sera intégré dans notre système fiscal sous quatre mois. C'est une bonne position, adoptée après de longs débats, sur laquelle il n'y a donc pas lieu de revenir.

M. le Ministre délégué - J'invite solennellement l'Assemblée à rejeter l'amendement de M. Mariani, s'il n'est pas retiré.

Je comprends qu'on vienne ici défendre une cause pour rentrer ensuite dans sa circonscription et dire à ses électeurs qu'on s'est bien battu, mais qu'on n'a pu obtenir satisfaction. Mais, si cet amendement était adopté, notre position serait affaiblie dans la négociation. Vous auriez une satisfaction à court terme, mais cela ne servirait pas nos intérêts en Europe, ni les intérêts de ceux que vous entendez défendre. D'ailleurs, ceux-ci bénéficient d'ores et déjà d'allègements de charges sociales.

Je vous demande donc de réfléchir en conscience et de retirer l'amendement.

M. Jean-Pierre Brard - Voilà donc notre collègue Mariani vertement tancé, même si je trouve la sévérité du ministre quelque peu excessive, car c'est le précédent premier ministre qui a fait de cette question une cause nationale.

Comme le ministre l'a rappelé, une mesure portant sur les charges sociales devait permettre de faire patienter les restaurateurs. Mais où sont les 40 000 emplois promis et les hausses de salaires ? Quel attrape-nigaud !

M. Marc Laffineur - Et les 35 heures ?

M. Jean-Pierre Brard - Tiens, il se réveille ! On dirait un vieux disque rayé...

Cette mesure fut une véritable arnaque financée par les finances publiques ! Baisser la TVA ne bénéficierait pas davantage aux salariés.

Je vous ferai remarquer par ailleurs qu'il faut être cohérent : on nous a dit qu'il ne fallait pas gêner le Gouvernement au sujet de la TVA sur les travaux. Je ne vois pas pourquoi ce qui serait vrai dans un domaine ne le serait pas dans l'autre.

Vous ne tenez pas un langage de vérité, Monsieur le ministre. C'est vous qui avez encouragé M. Mariani, avant de le tancer maintenant.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 188.

M. Michel Bouvard - La baisse de la TVA sur la restauration est souhaitable pour harmoniser les régimes fiscaux en vigueur. Nous avions, dans le projet de loi de finances pour 2005, prévu une disposition spécifique afin de prolonger d'un an la TVA à taux réduit pour le bâtiment. Nous ne l'avons pas prolongée cette année, afin de ne pas gêner la négociation en cours à Bruxelles.

Nos collègues de l'opposition devraient être aussi constants ! J'ai souvenir d'un vieux débat au cours duquel nous avons tout entendu sur l'inutilité de modifier la TVA - y compris l'argument selon lequel les riches mangent plus que les pauvres ! Et malgré vos engagements, vous n'avez pas soutenu la position du Portugal qui réclamait, au conseil Ecofin, la baisse de la TVA sur la restauration. Or, élargir la liste d'items à taux réduit à trois par pays aurait réglé le problème ! C'est donc avec étonnement que je vois aujourd'hui le parti socialiste déposer un amendement visant à baisser la TVA sur la restauration !

Je reste très favorable à cette disposition, utile à l'harmonisation des taux et juste pour la concurrence. Ne gênons pas la négociation en cours : ce serait, de la part de la France à qui l'on reproche souvent son arrogance, du plus mauvais effet.

M. Jacques Myard - A quoi sert donc le Parlement ? Le système mis en place par les directives est absurde, et M. Mer l'avait d'ailleurs lui-même reconnu. Cadenasser tous les taux de TVA est une ineptie économique et fiscale : voyez l'exemple des Etats-Unis, ou les taux peuvent varier de plus de dix points d'un Etat à l'autre !

Je vous répondrai comme vous l'avez fait, Monsieur le ministre, avec solennité : le vote du Parlement aide le Gouvernement, et non l'inverse ! Au Danemark ou en Angleterre, les parlements prennent leurs responsabilités et le font savoir ! Notre vote est un soutien, et non un handicap !

M. le Ministre délégué - Je ne peux pas laisser dire cela ! Le vote du Parlement, en l'espèce, conduirait la France à prendre une décision illégale ! Une autre formule existe, M. Bouvard l'évoquait : la résolution. Mais ne votez pas une disposition illégale au regard du droit européen, et qui mettrait la France en difficulté dans ses négociations !

M. Jacques Myard - Il faut parfois oser prendre des mesures illégales pour rétablir la légitimité du Parlement !

M. Jean-Christophe Lagarde - On entend souvent dire que les Français ne croient plus à la politique. MM. Fabius et Strauss-Kahn refusaient hier ce que M. Migaud défend aujourd'hui - avec brio, d'ailleurs. Comme dans une partie de tennis, on se renvoie la balle, mais les Français considèrent ce match comme nul, dans tous les sens du terme. Montrons-leur que nous respectons nos engagements !

L'an dernier, nous avons attendu l'autorisation de l'Europe pour décider cette mesure. Il a suffi que l'Allemagne s'y oppose pour que l'Assemblée nationale se retrouve ligotée, sur une mesure pourtant juste et efficace pour l'emploi.

Refuser de voter aujourd'hui pour aboutir à une situation identique l'an prochain, c'est montrer à nos concitoyens l'impuissance des 577 députés.

Monsieur le ministre, malgré tout le respect que je vous porte, je ne partage pas votre analyse du vote d'un parlement national. Vous avalisez l'idée que le Parlement ne représente rien, et que seul le Gouvernement parle au nom de la France. Après trois ans de négociations, où est le rayonnement de la France dont parle tant le Premier ministre ? Quel est le poids du Président de la République dans ces négociations, alors que nous n'avons pas même obtenu cet accord, qui ne coûte pourtant rien à nos partenaires et ne nuit pas à la concurrence, puisque cette mesure n'est pas délocalisable ? Nous, députés, représentants de la nation, sommes prisonniers d'un marchandage où la France est faible.

L'Assemblée nationale souhaite l'adoption de cette mesure de bon sens. Le Gouvernement peut y revenir dans les jours prochains ou au cours de lectures ultérieures.

Nous allons tous dans des bars et des restaurants : les restaurateurs aimeraient pouvoir recruter, et cette mesure les aiderait. Enfin, songez à l'absurdité de la situation dans les TGV, où la taxe est différente selon que vous mangez à la buvette ou à votre place !

M. Michel Bouvard - Pour le consommateur, c'est pareil.

M. Pierre Lequiller - Contrairement à ce qui a été dit, le Danemark ne décide pas avant l'Europe ! Le gouvernement danois est lié par le mandat de sa délégation européenne, c'est autre chose. Rien à voir avec le cas présent : la disposition proposée est illégale, et son inscription est hypocrite, Monsieur Lagarde, puisque l'on sait pertinemment que l'accord de l'Europe est nécessaire.

M. Augustin Bonrepaux - Vous ne l'avez pas promis comme ça !

M. Jean-Pierre Brard - Vous proposez la soumission !

M. Pierre Lequiller - C'est être bien léger que de prendre une décision avant même que le Conseil européen ne se soit prononcé. L'Assemblée doit montrer sa détermination à vous soutenir, Monsieur le ministre, sans prendre une mesure anticipée et illégale.

M. Thierry Mariani - Vous avez, Monsieur le ministre, tenu des propos méprisants à mon égard. Si je suis venu de loin pour soutenir cet amendement, ce n'est pas pour quelques avantages électoraux, mais parce que je veux tenir mes engagements.

M. le Ministre délégué - Contrairement à moi, peut-être ?

M. Thierry Mariani - Si l'on ne veut plus tenir des engagements pris il y a quatre ans, il ne fallait pas les prendre !

Comment un vote du Parlement peut-il desservir le Gouvernement, à moins qu'il ne soit inutile et que les oracles ne viennent d'ailleurs ?

Si vous obtenez cette TVA à taux réduit au 1er janvier 2006, alors notre vote aura été inutile. Dans le cas contraire, nous aurons au moins montré que le Parlement français honore ses promesses.

Je présente cet amendement, comme M. Bouvard il y a deux ans, parce qu'il comporte de vrais avantages pour une profession qui le mérite. Loin de desservir la position gouvernementale, nous l'appuyons ! Petit député de province, j'ai encore la naïveté de croire que c'est utile.

M. le Ministre délégué - Il n'y a aucun mépris dans mes propos...

M. Thierry Mariani - Ce n'est pas évident !

M. le Ministre délégué - C'est bien peu de chose à côté de ce que vous m'avez servi plus tôt ! Je ne crois pas qu'il y ait des députés qui, loin de Paris, connaissent le terrain, et d'autres qui ne le connaîtraient pas.

En tout état de cause, ce n'est pas le sujet. Nous sommes dans la même barque et nous avons tous vocation à mettre en œuvre nos engagements. Depuis le début du débat budgétaire, nous avons démontré que nous tenions des engagements majeurs en matière fiscale. En ce qui concerne la TVA sur la restauration, la solennité de ma position n'est motivée que par le souci de l'efficacité. J'en ai donné les tenants et les aboutissants, que chacun vote donc de manière responsable. Il n'y a pas d'un côté ceux qui se battent pour tenir des engagements et ceux qui louvoient. Nous faisons ce que nous pouvons dans le contexte difficile des négociations européennes.

M. Thierry Mariani - Je n'ai pas opposé le Gouvernement et les députés : j'ai dit que nous étions dans la même galère. Nous avons pris les mêmes engagements et c'est dans le souci d'aider le Gouvernement que je propose cet amendement.

A la majorité de 23 voix contre 19, sur 42 votants et 42 suffrages exprimés, l'amendement 26 n'est pas adopté.

A la majorité de 28 voix contre 15, sur 43 votants et 43 suffrages exprimés, l'amendement 188 n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu lundi 24 octobre, à 16 heures.

La séance est levée, le samedi 22 octobre, à 1 heure 20.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR
DU LUNDI 24 OCTOBRE 2005

SEIZE HEURES : 1re SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) :

- Discussion de l'article 50 (évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes).

Rapport spécial (n° 2568 annexe 3) de M. Jean-Louis DUMONT, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Avis (n° 2571 tome 3) de M. Roland BLUM au nom de la commission des affaires étrangères.

- Suite de la discussion des articles de la première partie.

Rapport (n° 2568) de M. Gilles CARREZ, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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