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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 14ème jour de séance, 32ème séance

1ère SÉANCE DU LUNDI 24 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Luc WARSMANN

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2006 (suite) 2

      ART. 50 (Prélèvement au titre du budget européen) 2

      APRÈS L'ART. 20 (amendements précédemment réservés) 25

      ART. 21 (précédemment réservé) 27

      ART. 22 (précédemment réservé) 33

      ART. 30 (précédemment réservé) 33

      ART. 31 (précédemment réservé) 33

La séance est ouverte à seize heures.

LOI DE FINANCES POUR 2006 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2006.

ART. 50 (Prélèvement au titre du budget européen)

M. le Président - Nous allons examiner dans les conditions arrêtées par la Conférence des présidents l'article 50 relatif à l'évaluation du prélèvement européen.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - A l'occasion du débat sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, je suis heureuse de vous présenter le projet de budget général des communautés européennes.

Le prélèvement dont nous débattons aujourd'hui correspond à la contribution de la France au budget communautaire.

Permettez-moi de saluer l'implication de chacun dans les dossiers européens, et tout particulièrement celle du rapporteur spécial de la commission des finances, M. Jean-Louis Dumont, et celle du rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, M. Roland Blum.

S'agissant tout d'abord de la contribution et des objectifs de la France, notre pays devrait demeurer, en 2006, le deuxième contributeur du budget communautaire, derrière l'Allemagne, avec un total de 18 milliards d'euros, soit 16,4 % des recettes apportées à la Communauté.

La France devrait également rester le deuxième bénéficiaire de ce budget, derrière l'Espagne, avec 12,9 milliards d'euros.

Nous devons ces résultats aux excellents retours de la politique agricole commune, puisqu'en 2004, la France a bénéficié de 21,6 % des dépenses agricoles communautaires et reçu 9,4 milliards au titre de la PAC de marché.

Si l'on raisonne en termes de solde net, c'est-à-dire en calculant la différence entre notre contribution brute et les dépenses réalisées sur notre territoire, la France est contributrice nette au budget communautaire, comme dix autres Etats Membres. Notre solde net s'est élevé, en 2004, à 2,9 milliards d'euros, soit environ 50 euros par habitant, ce qui est raisonnable compte tenu des bénéfices que nous tirons de la construction européenne, qu'il s'agisse des gains économiques du grand marché européen ou de la stabilité du continent.

Dans ces conditions, les ambitions de la France pour le budget communautaire sont de deux ordres.

Il s'agit en premier lieu de prévoir les moyens nécessaires pour réaliser les programmes en cours et tenir les engagements pris. Je pense notamment à la mise en œuvre des réformes de la politique agricole commune de 2002 et de 2003, au financement de l'Europe élargie ou à la montée en puissance des dépenses liées à la compétitivité.

Par ailleurs, le budget doit satisfaire aux exigences de bonne gestion de l'argent public, ce qui suppose de respecter les plafonds établis dans le cadre pluriannuel des perspectives financières pour les différentes rubriques budgétaires, et de réduire l'écart entre le montant des crédits d'engagement et celui des crédits de paiement. Sur ce point, de réels progrès ont été accomplis puisqu'en 2004 le taux d'exécution budgétaire a atteint son plus haut niveau depuis 1997 - 98,4 % -, principalement grâce à la forte exécution observée sur les fonds structurels.

S'agissant de notre pays, je salue la mobilisation des acteurs du partenariat régional, préfets et élus locaux, dans la gestion quotidienne des programmes communautaires, qui a permis d'accélérer la consommation des crédits : 1,3 milliards d'euros en 2002, 2 milliards en 2003 et 2,4 milliards en 2004.

Pour ce qui est du projet de budget communautaire pour 2006, après une proposition initiale de la Commission, il a été adopté par le Conseil des ministres de l'Union européenne le 15 juillet dernier et modifié par le Parlement européen en première lecture le 5 octobre. Il reste au Conseil à se prononcer le 24 novembre sur les modifications proposées par le Parlement début octobre, avant que, fin décembre, le Parlement ne finalise sa deuxième lecture. Cette procédure budgétaire en cours explique que des changements puissent intervenir entre le présent projet de budget et sa version finale.

A la suite de la réunion des ministres européens des finances du 15 juillet, ce projet de budget 2006 s'élève à 120,8 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit une hausse de 4,9 % par rapport à 2005, et à 111,4 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 3,7 %.

La part la plus importante du budget communautaire en 2006 sera consacrée, comme les années précédentes, à la politique agricole commune, qui garantit aux agriculteurs un niveau de vie équitable tout en préservant l'équilibre territorial et environnemental. La PAC permet également d'assurer l'autosuffisance alimentaire, d'ouvrir des perspectives d'avenir avec la recherche sur les biocarburants, tout en contribuant à la qualité de l'alimentation et à la santé publique.

C'est pourquoi la France défend le budget proposé contre ceux qui tenteraient de le réduire. Au total, 51,3 milliards sont consacrés à la PAC en crédits d'engagement dans le projet 2006 - plus 3,2 % par rapport à 2005 -, dont 43,5 milliards pour les dépenses de marché et 7,8 milliards pour le développement rural.

La PAC a montré sa capacité à s'adapter, comme en témoignent les dernières réformes de 2002 et 2003. Ces réformes sont souvent difficiles, mais l'Europe continuera à permettre aux agriculteurs français et européens d'exercer leurs activités face à des concurrents dont les coûts sont structurellement inférieurs aux nôtres. C'est pourquoi nous nous attacherons, avec l'appui de nombreux autres Etats membres, à défendre la préférence communautaire, notamment dans la difficile négociation en cours à l'OMC.

La politique régionale, deuxième poste de dépenses du budget communautaire, tend à renforcer la cohésion économique et sociale au sein de l'Union.

Cette rubrique sera dotée, en 2006, de 44,5 milliards d'euros de crédits d'engagement. Les principaux postes de dépense sont l'objectif 1, consacré aux régions en retard de développement - 28,5 milliards d'euros -, les objectifs 2 et 3, consacrés respectivement aux zones en difficulté structurelle et aux politiques d'éducation, de formation et d'emploi -7,4 milliards pris ensemble -, et le fonds de cohésion, bénéficiant aux pays dont le revenu brut par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire - 6 milliards d'euros.

Les crédits de paiement, s'élèvent à 35,5 milliards, soit une hausse de 5 % par rapport à 2005, et de 9,5 % par rapport à 2004, du fait de l'extension du bénéfice de la politique de cohésion aux dix nouveaux Etats membres. Cet effort est une nécessité politique mais aussi un impératif économique afin de poursuivre le processus de rattrapage économique de ces Etats.

Les politiques internes, objets de la rubrique 3, sont dotées de 9,2 milliards d'euros en crédits d'engagements - plus 1,4 % par rapport à 2005 - et de 8,3 milliards d'euros en crédits de paiements - plus 5 %.

Cette progression reflète la montée en puissance de certaines politiques communes qui répondent aux préoccupations concrètes de nos concitoyens, comme la sécurité, avec le renforcement du contrôle des frontières externes, la croissance et l'emploi, avec notamment les politiques de recherche-développement - 5,3 milliards au titre du programme-cadre pour la recherche-développement - ou l'énergie et les transports - 1,3 milliard.

Les rubriques 4 - actions extérieures - et 7 - pré-adhésion - concernent les relations de l'Union avec nos voisins et le monde.

En 2006, la rubrique 4, qui regroupe l'ensemble des actions en direction des pays tiers et la politique de sécurité commune, s'élèvera à 5,2 milliards, soit une quasi-stabilité. Toutefois, à l'intérieur de cette enveloppe, on constate une forte augmentation des aides accordées à l'Asie, suite au tsunami de décembre dernier et de l'aide aux pays méditerranéens et au Moyen-Orient.

La rubrique 7 est portée à 2,5 milliards en crédits d'engagement. Ces crédits bénéficieront aux Etats qui devraient adhérer à l'Union au 1er janvier 2007 si les conditions fixées dans les traités d'adhésion sont réunies - Roumanie, Bulgarie -, mais aussi aux deux Etats qui ont le statut de pays candidats - Turquie, Croatie.

Les dépenses administratives, en rubrique 5, s'établissent à 6,6 milliards en crédits d'engagement, soit une augmentation de 3,6 % par rapport au budget 2005.

Les recettes du budget communautaire, qui équilibrent l'ensemble de ces dépenses, devraient, en 2006, être composées à hauteur de 71,8 % par la ressource PNB, de 14,3 % par la ressource TVA, et de 11,6 % par les droits de douane, les autres ressources -prélèvements agricoles, recettes diverses, cotisations sur le sucre - représentant moins de 2,4 % .

Enfin, comme chaque année, la compensation accordée au Royaume-Uni depuis 1984 sera à la charge des autres Etats membres et devrait atteindre 5,6 milliards. Le montant de cette compensation continue donc d'augmenter puisqu'elle est passée de 1,5 milliard en 1995 à 3,5 milliards en moyenne entre 1995 et 2001. La France financera environ 27% de ce chèque, que plus rien ne justifie aujourd'hui.

M. Jacques Myard - C'est inadmissible !

Mme la Ministre déléguée - Après 2006, l'avenir du budget européen sera déterminé par la négociation sur les perspectives financières pour la période 2007-2013, sur lesquelles la présidence luxembourgeoise n'a pu trouver d'accord lors du Conseil européen de la mi-juin.

L'enjeu est le financement de l'Europe élargie. Chacun doit y prendre sa part de façon équitable, ce qui suppose notamment la réforme du rabais consenti à la Grande-Bretagne. La proposition de juin de la présidence luxembourgeoise permettait à la fois de consolider les politiques actuelles, de développer des politiques nouvelles, de financer l'Europe élargie et de préserver des crédits pour les régions des anciens Etats membres, en particulier françaises. Elle maintenait le niveau des aides directes de la PAC tout en permettant d'augmenter les dépenses d'avenir - de 33% pour la recherche et le développement par exemple. Elle se situait, financièrement, à la limite de l'acceptable, avec une augmentation de notre contribution brute de 11 milliards sur la période. Il revient maintenant à la présidence britannique de trouver un accord, avant la fin de l'année. Elle dit vouloir le faire. Elle a engagé des consultations avec chacun des Etats membres depuis le mois de juin et entend présenter ses propositions en novembre. Mais il faut aller vite : sans budget, l'Europe n'avancera pas. La France continuera à faire tous ses efforts pour aboutir à un accord rapide et conforme à son ambition pour l'Europe.

Le 29 mai, nos concitoyens ont exprimé des préoccupations, des inquiétudes et des attentes. Si nous voulons qu'ils adhèrent de nouveau au projet européen, il faut rendre l'Europe concrète, au moyen de politiques efficaces à la hauteur des défis d'aujourd'hui : accroître notre compétitivité tout en consolidant la justice sociale, développer les politiques en matière de recherche et de développement ou d'énergie, sans oublier les questions démographiques, affirmer la place de l'Europe dans le monde et apporter plus de sécurité aux peuples européens.

Les chefs d'Etat et de gouvernement débattront de tout cela lors du Conseil européen informel qui se tiendra jeudi prochain à Hampton Court. La France s'y rendra dans un esprit constructif, avec la volonté de soutenir la présidence pour en faire une réussite et pour défendre notre ambition d'une Europe politique, forte et solidaire. Le budget européen est l'illustration de cette ambition. C'est la raison pour laquelle je vous demande de voter l'évaluation du montant du prélèvement au profit de l'Union européenne pour 2006 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Après s'être stabilisé, depuis 2000, autour de 15 milliards par an, le prélèvement sur recettes au profit des communautés européennes reprend sa montée en puissance.

M. Jacques Myard - Et ce n'est pas fini !

M. le Rapporteur général - Il devrait atteindre 17,3 milliards en 2005 et 18 milliards en 2006, soit une progression de plus de 16 % par rapport à 2004 !

M. Jacques Myard - Rendez-nous notre argent !

M. le Rapporteur général - Ce ressaut s'explique évidemment par l'élargissement. Lors du sommet de Copenhague, fin 2002, les Etats membres ont fait le choix de la solidarité à l'égard des nouveaux adhérents, en les faisant bénéficier de l'ensemble des programmes et en leur consentant des facilités budgétaires supplémentaires liées à des actions spécifiques, dans les domaines de la sécurité nucléaire ou de la surveillance des frontières par exemple. Ainsi, une enveloppe de 45 milliards leur a été accordée pour les trois budgets 2004, 2005 et 2006, soit plus d'un tiers du budget européen d'avant l'élargissement.

Cet effort sans précédent dans la construction européenne pèse inéluctablement sur les Etats les plus riches, bien que son impact soit progressif. Il faut, en effet, rappeler que le budget européen est un budget d'intervention : les investissements programmés dans les nouveaux Etats membres, qui ont provoqué un accroissement des crédits d'engagement depuis 2004, ne sont que progressivement réalisés. Les paiements effectués par l'Union, qui déterminent le montant des contributions effectivement versées par les Etats, ne suivent ce mouvement qu'avec retard. Aussi, la croissance des crédits de paiement, qui était encore maîtrisée en 2004, dépasse désormais les 6 % par an, et le processus est loin d'être achevé ! Même dans l'hypothèse où, comme nous le souhaitons, le budget européen serait plafonné à 1 % du revenu communautaire entre 2007 et 2013, l'effort consenti par la France atteindra 19,5 milliards en 2007 et près de 20,5 en 2008...

M. Jacques Myard - C'est inadmissible !

M. le Rapporteur général - ...avant de se stabiliser à 19 milliards. Or, notre déficit croît de nouveau, après sa nette diminution de 2004. J'ajoute que les propositions de la Commission sur les perspectives pluriannuelles 2007-2013 porteraient la contribution française à 22,5 milliards dès 2008, ce qui est manifestement insupportable pour nos finances publiques, vu l'étroitesse des marges budgétaires que nous ont laissé 25 ans de déficits cumulés. Il convient d'en tenir pleinement compte dans les négociations, qui se prolongent, sur le cadre financier européen pour les sept prochaines années.

Toutefois, le financement de l'élargissement s'est accompagné d'une discipline budgétaire méritoire. Le problème récurrent de la sous-consommation des crédits, en particulier, est en bonne voie d'être résolu. Ainsi, le taux de consommation des fonds structurels dans les anciens Etats membres est passé de 66 % en 2002 à 88 % en 2004, la Commission tablant même sur un taux de 95 % en 2006. L'achèvement des programmes 2000-2006 y est pour beaucoup, mais aussi l'effort de rationalisation de la gestion des fonds tant au niveau communautaire, avec la règle du dégagement d'office des engagements dormants depuis plus de deux ans, qu'au niveau national, grâce aux excellentes circulaires de 2002. C'est malheureusement moins vrai pour les autres politiques : le taux de consommation des crédits destinés aux politiques internes, qui encourent la critique de saupoudrage, s'est dégradé depuis 2002, et même celui des crédits d'engagement. Ce qui n'est surtout pas acceptable, c'est que ces carences concernent au premier chef les programmes de recherche, priorité des priorités européennes : on approche du milliard d'euros inemployés pour une dotation annuelle de 5 milliards !

Une autre manifestation de la discipline budgétaire communautaire réside dans l'évolution des dépenses administratives, que le Conseil est parvenu à contenir en dessous des 6 % des dépenses totales en dépit des pressions induites par l'élargissement. Les recrutements, en particulier, ont été limités jusqu'ici à la moitié des besoins initialement évalués par la Commission. L'effort de productivité demandé aux institutions européennes est donc très important. Il faut s'en féliciter. La portée de cette démonstration dépasse le seul budget européen : la discipline budgétaire est non seulement possible, mais elle est indispensable ! Et l'adoption de plafonds de dépenses, même s'ils paraissent extrêmement rigoureux, est un puissant encouragement : si les institutions européennes sont parvenues à dégager de telles marges d'efficacité, c'est tout simplement parce que les Etats membres ne leur en ont pas laissé le choix !

La France s'astreint à un effort de maîtrise sans précédent de la dépense publique. L'état de ses finances la met dans l'incapacité de ne pas en exiger autant pour les dépenses européennes. Il faut donc regretter une nouvelle fois que la France consacre 1,5 milliard chaque année à une ristourne britannique que plus rien ne justifie et qui aboutit de fait à exonérer nos voisins et amis des deux tiers de l'effort que consentent les grands Etats membres à la solidarité envers les pays de l'élargissement. Sous le bénéfice de ces remarques, votre commission des finances a adopté l'article 50 et je vous demande de faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances - L'article 50 du projet de loi de finances pour 2006 a fixé le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne à 18 milliards. L'exercice 2005 pourrait se solder avec un prélèvement de 17,3 milliards, contre 16,6 milliards votés et 15,5 milliards exécutés en 2004. Cette augmentation est due principalement à une meilleure consommation des crédits communautaires, notamment des fonds structurels régionaux.

En 2004, la France aura reçu 12,9 milliards au titre des différentes politiques communautaires, dont 9,4 pour l'agriculture, 2,4 pour la politique régionale et 751 millions pour les politiques internes, essentiellement destinées à la recherche. En termes de solde net, la France est le deuxième contributeur mais si l'on pondère les soldes nets par le revenu national brut, elle passe au sixième rang. Il faut cependant rappeler les limites des calculs comptables en terme de retours financiers, qui ne correspondent pas à la dynamique de la construction européenne et qui sont contraires au principe de solidarité.

J'en profite pour dire à ceux qui s'y opposent qu'avec un budget européen alimenté par un véritable impôt, nous n'aurions plus aujourd'hui à calculer combien on donne et combien on reçoit, et où va l'argent qui ne revient pas ! Et cela permettrait également de régler le problème de la ristourne à la Grande-Bretagne. L'Europe ne se construira qu'autour de grandes ambitions, mais surtout avec des institutions solides !

La Commission a proposé en avril 2005 un avant-projet de budget qui s'établit à 121,3 milliards en crédits d'engagement et 112,6 milliards en crédits de paiement, ces derniers étant en hausse de 6 %.

Cette évolution s'explique par la hausse des paiements des fonds structurels, essentiellement liée à la montée en puissance des programmes dans les quinze anciens Etats membres, l'augmentation des dépenses affectées à la croissance, la hausse des paiements au titre des politiques internes et celle des dépenses au titre du premier pilier de la PAC. Lors de sa première lecture en juillet 2005, le Conseil, comme tous les ans, a réduit les prétentions de la Commission européenne en fixant les crédits d'engagement à 120,8 milliards et les crédits de paiement à 111,4 milliards. Représentant 1,089 % du RNB communautaire, ce projet de budget est encore loin du plafond de 1,24 % qui avait été fixé pour la période 2000-2006 ; et l'on doit déplorer tout particulièrement que les crédits consacrés à la recherche, si essentielle pour l'avenir, diminuent de 516 millions.

Les Français s'interrogent sur le sens de la construction européenne.

M. Jacques Myard - Il n'y en a plus !

M. le Rapporteur spécial - L'Europe a besoin de croissance et de solidarité, en son sein comme à l'extérieur de ses frontières. Elle a besoin de moyens budgétaires accrus, d'une stratégie industrielle, d'une politique de recherche, de grandes infrastructures. Les discussions du Conseil européen en juin dernier ont donné l'impression qu'elle manquait de souffle ; la crise institutionnelle du premier semestre montre que le politique aurait dû l'emporter sur les contraintes et pesanteurs administratives. Il faudrait définir un budget européen ambitieux, avec possibilité d'emprunt pour les dépenses d'investissement et création d'un impôt européen, le même pour tous, qui renforcerait le lien entre les citoyens et l'Europe.

M. Jacques Myard - Taxons, taxons, mes frères, cela crée de la solidarité !

M. le Rapporteur spécial - On peut très bien, simplement, remplacer l'ensemble des recettes actuelles par un impôt européen qui ne pèserait pas davantage sur chaque contribuable !

M. Jacques Myard - Comme cela, le Parlement français ne servira plus à rien !

M. le Rapporteur spécial - Les Français attendent beaucoup des perspectives financières 2007-2013, mais ils ont aussi des craintes concernant le montant des enveloppes financières, les zones éligibles et les critères de sélection. La Grande-Bretagne, suivie pour des raisons tactiques par quatre autres Etats membres, a rejeté les derniers compromis de la présidence luxembourgeoise. Elle fait maintenant traîner les discussions, et les perspectives financières ne figurent pas à l'ordre du jour du Conseil européen de Hampton Court du 27 octobre prochain ; la Grande-Bretagne - dont on connaît les positions sur l'agriculture et les fonds structurels - risque donc de présenter au dernier moment une proposition « à prendre ou à laisser ».

Plutôt que de tout remettre à plat, il serait bon de partir des propositions de la présidence luxembourgeoise, qui représentent 60 milliards de dépenses de plus que ce que permettrait la règle du 1 %. Il restera cependant à s'assurer des avancées du compromis final en termes de financement de la PAC, de maintien d'une part significative des fonds structurels pour les régions des quinze anciens Etats membres et d'accord sur la répartition des contributions au budget.

Alors que vont s'ouvrir dans quelques semaines les négociations de l'OMC et que les organisations professionnelles agricoles expriment des craintes et formulent des propositions, il faut rappeler que la PAC, qui s'est considérablement réformée au cours des dernières années, a permis d'organiser l'agriculture européenne et contribué à la prospérité. Mais elle n'est pas exempte de critiques : elle a bénéficié surtout aux grandes exploitations, s'est peu préoccupée d'aménagement du territoire, en multipliant les friches et en réduisant les populations agricoles, et a développé une bureaucratie excessive - à laquelle les organisations agricoles participent parfois.

Il est bien sûr hors de question de ne pas continuer à aider l'agriculture, mais on pourrait soutenir les productions de qualité, encourager les méthodes de production plus respectueuses de l'environnement, favoriser les agriculteurs petits et moyens en privilégiant l'aide aux personnes, lier davantage les subventions à l'aménagement du territoire.

Les fonds structurels ne doivent pas devenir la variable d'ajustement de la négociation en cours. Le ministère de l'économie a calculé que, sur la base du dernier compromis, ils s'élèveraient pour les quinze anciens Etats membres à 12,75 milliards sur la période 2007-2013, à comparer aux 15,7 milliards de la période 2000-2006.

Enfin, les crédits en faveur de la compétitivité, de la croissance et de l'emploi devraient constituer une priorité, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne rénovée. Cette rubrique couvre des domaines très importants, avec notamment la construction du réacteur Iter, le TGV-Est et la liaison Lyon - Turin. La commission des finances a demandé que le Parlement soit consulté sur le programme national de réforme que le Gouvernement français doit transmettre à la Commission européenne à l'automne, en application de la stratégie de Lisbonne révisée.

A l'occasion de la mission de contrôle que j'ai effectuée le 26 mai 2005 à Metz, j'ai pu mesurer combien les relations s'étaient détériorées depuis les élections régionales entre les exécutifs régionaux et les préfets.

M. le Président - Il faut conclure : vous avez déjà dépassé votre temps de parole de cinq minutes.

M. le Rapporteur spécial - Alors je m'en tiendrai là, en indiquant que la commission des finances a adopté l'article 50 et invite l'Assemblée à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères - La discussion de cet article relatif à la contribution française au budget de l'Union européenne nous permet de nous prononcer sur le budget communautaire qui, rappelons-le, n'a pas encore été définitivement adopté par le Parlement européen et le Conseil de l'Union.

Avec près de 121 millions de budget et une contribution française de 18 milliards, l'année 2006 marque une continuité en matière budgétaire. Les dépenses agricoles représenteront encore l'essentiel du budget, avec 51 milliards, aux côtés des dépenses structurelles - 44,5 milliards.

Les incertitudes portent d'abord sur les perspectives financières. Sur ce point, un satisfecit peut être décerné à notre Gouvernement qui a su préserver l'essentiel lors des négociations de juin dernier sans pour autant faire preuve d'une intransigeance aveugle. De ce point de vue, l'exemple donné par le Royaume-Uni est accablant. Que les nouveaux Etats membres se soient déclarés prêts à renoncer à une part des subsides européens qui leur étaient promis depuis longtemps, pour qu'un accord puisse se dégager en dit long sur l'état de l'Europe. Cependant, je crois que ce geste des nouveaux membres - et c'est plus rassurant - montre leur sens des responsabilités et de la solidarité européenne.

Rappelons quelques principes simples.

Tout d'abord le maintien des dépenses européennes à un niveau raisonnable ; les dépenses européennes doivent être utilisées efficacement et ciblées conformément au principe de subsidiarité. L'Europe n'est pas toujours l'échelon le plus pertinent pour intervenir. La France a appelé avec cinq de ses partenaires à un budget moyen annuel sur la période 2007-2013 de 1 % du Revenu national brut. C'est un objectif raisonnable dont les propositions luxembourgeoises se sont rapprochées en juin dernier. Il faut maintenir ce cap lors des prochaines négociations.

Deuxième principe qui doit guider dans ces négociations financières : le respect de la parole donnée en 2002 et 2003 pour la PAC qui s'est d'ailleurs profondément réformée depuis dix ans. Tous les Etats, y compris le Royaume-Uni, ont signé ces accords qui ont organisé la réforme de cette politique jusqu'en 2013. D'ailleurs, je trouve que l'on oublie un peu rapidement tous les avantages que l'on a tirés de ce qui fut la première des politiques communes, qui ne doit pas être remise en cause au détour des négociations de l'OMC.

N'est-ce pas grâce à la PAC que l'Europe est devenue une puissance agricole dont la qualité des produits est reconnue par tous ? La grippe aviaire, qui nous menace après la « vache folle » et la fièvre aphteuse, n'impose-t-elle pas que nous accordions à notre agriculture européenne une attention particulière, de sorte d'en maintenir la performance et la qualité ?

Troisième principe : il faut préserver une politique de cohésion qui soit l'expression même de la solidarité européenne. Si cette solidarité s'exerce en priorité au profit des nouveaux Etats membres, les régions les moins prospères des autres pays - celles qui relèvent de l'objectif 2 de la politique régionale - doivent continuer à bénéficier de la solidarité européenne.

Enfin, dernier principe directeur pour les négociations sur les perspectives financières : nous devons nous engager en faveur de politiques dynamiques, en particulier en matière de recherche et la formation, où l'échelon européen est le plus pertinent pour assumer des investissements lourds. Airbus, Ariane, Iter demain, montrent que nous avons raison d'investir dans ces secteurs et qu'il nous faut continuer sous peine de voir nos concurrents nous dominer.

M. Jacques Myard - Allons ! Nous n'avons pas besoin de l'Union pour tout cela !

M. le Rapporteur pour avis - Reste la question des ressources. Vous ne trouverez plus personne en Europe - hormis à Londres et ses environs ! - pour défendre le « rabais britannique ». Introduit il y a plus de vingt ans dans des conditions sur lesquelles je ne reviens pas, il fait figure d'anomalie majeure. En 2006, le Royaume-Uni obtiendra 5,7 milliards à ce titre, la France en versant près de 30 %, soit 1,6 milliard. Ce montant laisse songeur quand on le rapproche de celui que la France versera au profit des dix nouveaux Etats membres en 2006 : 1,3 milliard. Oui, chacun de nos compatriotes contribue plus au bien-être du Royaume-Uni qu'à celui de la Lituanie, de la Lettonie, de l'Estonie, de Malte, de Chypre, de la Hongrie, de la République tchèque, de la Slovénie, de la Slovaquie et de la Pologne réunies !

M. Jacques Myard - C'est tout de même fortiche !

M. le Rapporteur pour avis - Je sais la détermination de notre Gouvernement en ce domaine : Madame la ministre, soyez assurée de notre soutien constant ! Une mission récente en République tchèque m'a permis de constater que nous n'étions pas isolés dans ce débat. L'Europe est plus nuancée qu'on ne le pense parfois. L'opposition n'est pas entre une Europe politique à la française et une Union à l'anglo-saxonne, se réduisant à un pur marché et dont le projet rallierait les nouveaux membres. Les Tchèques sont ainsi très attachés à une Europe en marche, qui stabilise le continent et s'engage dans des projets ambitieux.

J'ai évoqué les incertitudes qui pèseront sur l'Union dans les mois à venir, au premier rang desquelles se pose la question de l'élargissement. Je ne reviens pas sur les négociations, désormais ouvertes, avec la Turquie et la Croatie, mais j'insiste sur le fait que les parlementaires doivent être associés au suivi de ces négociations et sur le fait que nous n'aurons pas à choisir entre l'adhésion ou l'exclusion de ces pays candidats. Il appartiendra par contre à l'Union de s'assurer à tout moment de la bonne foi et des progrès de ses partenaires, ainsi que de vérifier qu'elle est en mesure d'intégrer de tels pays. A ce stade de leur évolution, je dis clairement que je ne le pense pas.

II restera alors à établir un lien, le « plus fort possible », comme le stipule le cadre de négociation adopté le 3 octobre dernier. A ce sujet, je renvoie aux propositions du Président Balladur dans le rapport qu'il vient de publier sur l'Europe, son unité et sa diversité. Le partenariat privilégié semble la voie la plus raisonnable à terme.

L'heure n'est plus aux tergiversations. Après 2005, année de crise et d'incertitudes, 2006 sera une année charnière pour engager des politiques actives et organiser les institutions. L'Europe doit retrouver ses esprits et nous serons aux côtés du Gouvernement pour l'y aider.

Votre commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 50 du projet de loi de finances pour 2006, lequel autorise la France à prélever 18 milliards sur ses recettes au profit du budget de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères - Nous avons à nous prononcer sur la contribution de la France au budget européen. La Commission des affaires étrangères a émis un avis favorable et je vous invite à faire de même. Mais le débat d'aujourd'hui est aussi l'occasion de s'exprimer sur l'état de l'Union européenne. Quel constat ? L'Europe traverse une crise profonde, qui met en cause la signification même de l'Union et son avenir. Si nous n'y prenons garde, elle pourrait ébranler tout l'édifice européen construit depuis un demi-siècle.

M. Jacques Myard - C'est déjà fait !

M. le Président de la commission - Que ce soit le rejet du traité constitutionnel, les interrogations légitimes sur des élargissements futurs, les difficultés de négociation sur les perspectives financières 2007-2013, tout semble concourir à créer un sentiment de pessimisme. Il est temps d'innover, de sortir des formules toutes faites et des raisonnements simplistes comme ceux qui opposent intégration communautaire et relations intergouvernementales.

Dans ce contexte, je suis au regret de constater que notre réponse n'est pas à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés. La seule perspective qui semble aujourd'hui tracée est celle de l'élargissement massif de l'Union, poursuivi comme si rien ne s'était passé le 29 mai. Pour preuve, la seule décision prise depuis l'échec du traité constitutionnel a été l'ouverture des négociations d'adhésion avec deux pays candidats.

M. Jacques Myard - Eh oui ! On fonce tête baissée.

M. le Président de la commission - Est-il réaliste de prévoir une telle extension de l'Europe, alors que l'Union à 25 - et demain à 27 - n'a pas encore réussi à se mettre d'accord sur son budget ?

Mme Anne-Marie Comparini - Bien sûr que non !

M. le Président de la commission - Est-ce prudent alors que nos concitoyens s'interrogent sur le sens qu'aurait une Europe aussi vaste et que l'élargissement de 2004, bien que nécessaire, est loin d'avoir été totalement accepté ? Je suis pour ma part - on le sait peut-être - hostile à tout nouvel élargissement avant longtemps...

M. Charles de Courson - Très bien !

M. le Président de la commission - ...une fois que la Roumanie et la Bulgarie seront entrées dans l'Union. Il convient d'observer une longue pause, pour permettre à l'Union de se concentrer sur sa réforme, son projet, ses institutions et ses politiques. Ne pas laisser à l'Europe le temps de retrouver ses esprits, de s'organiser plus efficacement serait la vouer à un nouvel échec.

Mais entendons-nous bien. Cela ne signifie nullement que nous devons nous désintéresser de nos voisins, qu'ils se situent à l'Est ou au Sud. Des contrats de partenariat, bâtis autour d'un socle commun de valeurs et adaptés au cas par cas, doivent être conclus pour permettre à ces pays de se moderniser. Le moment venu, lorsque l'Europe aura clairement tracé sa voie, nous aviserons pour savoir qui peut et qui souhaite intégrer l'Union. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) Avant d'atteindre cet horizon lointain, l'Europe doit se renforcer.

Certes, aujourd'hui, en matière de politique étrangère, de défense, de fiscalité, d'agriculture, des divergences subsistent. Il ne faut pas s'en émouvoir ; c'est l'ordre normal des choses. Les nations demeurent, avec leurs intérêts, leur histoire, leur culture, et il faut tirer parti de cette diversité. J'ai plusieurs fois évoqué la notion de « coopérations spécialisées », qui permettraient d'organiser l'avenir de l'Union... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF)

M. Jacques Myard - Excellent.

M. le Président de la commission - L'idée n'est pas de créer un noyau dur, sorte de directoire d'élite qui dominerait les autres Etats. Il s'agit de donner la possibilité aux Etats membres qui le souhaitent d'avancer plus rapidement. Ces cercles de coopération spécialisée seraient ouverts à tous ceux qui le souhaitent. Ils accueilleraient aussi bien des pays fondateurs de l'Union que d'autres, mais, dans tous les cas, il serait souhaitable que la France et l'Allemagne y participent. J'entends que l'on s'émeut parfois de la promotion de telles initiatives, ayant vocation à se situer en dehors du cadre strictement communautaire à vingt-cinq ou à vingt-sept. Mais cela a toujours existé, qu'il s'agisse de défense, de monnaie, de circulation ou de sécurité comme à Schengen. Ce que je propose, c'est de multiplier ces initiatives dans tous les domaines possibles.

Mais tout cela ne peut pas réussir sans que les Français soient étroitement associés au mouvement en faveur de l'Europe.

Mme Anne-Marie Comparini - Tout à fait !

M. le Président de la commission - Le dire ne suffit pas. Depuis le 29 mai, le thème de l'association plus étroite des Français à la cause européenne est devenu une sorte d'incantation. Mais l'heure n'est plus aux voeux pieux et il est temps d'avancer des propositions concrètes. On nous rendra justice d'avoir formulé, dès la fin 2004, des propositions juridiques pour mettre le débat européen au cœur de la vie publique nationale. Avec MM. de Charette et Blum, nous avons déposé une proposition de loi constitutionnelle, puis un amendement à la Constitution. Il s'agissait de reconnaître aux parlementaires un droit d'initiative en matière européenne. Nous souhaitions que les présidents des assemblées, des commissions permanentes, soixante députés ou sénateurs, puissent se saisir de tout projet ou document européens, pour enclencher la procédure de l'article 88-4 de la Constitution et voter, le cas échéant, une résolution.

Lors du débat public cet amendement n'a pas été voté...

M. Charles de Courson - Hélas !

M. le Président de la commission - ...mais, conformément à l'intention du Premier ministre, la parution d'une circulaire a été promise. A ce sujet, nous avons reçu des assurances précises. Je les rappelle. Répondant à ma question : « La transmission sera-t-elle la règle et la non-transmission l'exception ? », le Garde des Sceaux a déclaré qu'« une circulaire précisera qu'à la demande des autorités compétentes, il y aura transmission au Parlement des documents et projets européens, et que cette transmission sera donc la règle ». Il est donc même allé un petit peu plus loin que la requête que j'avais formulée. Depuis, qu'est-il advenu ?

Mme Anne-Marie Comparini - Rien !

M. le Président de la commission - Le rejet du traité constitutionnel européen - ce qui n'est certes pas mince.... Quelles initiatives ont-elle été prises pour tirer les conclusions de ce vote ? Je dois dire - mais il est vrai que ne sont passés que quatre mois... - qu'elles n'ont pas été nombreuses. On a évoqué devant la commission des affaires étrangères l'ouverture d'un portail Internet, des rencontres avec les entreprises et les milieux socioprofessionnels... C'est certainement utile. Mais je crains que cela ne suffise pas pour donner aux Français le sentiment qu'ils sont étroitement associés aux questions européennes. J'ai la faiblesse de penser qu'en la matière, le rôle des députés et des sénateurs est essentiel, conformément au principe de la démocratie représentative auquel nous sommes tous attachés. Sur ces sujets précis, nous attendons que les intentions affichées se traduisent dans les faits.

Nous attendons, par exemple, la publication d'une nouvelle circulaire relative à l'application de l'article 88-4 de notre Constitution. Il a été indiqué à notre commission que ce texte, en cours de rédaction, prévoirait de soumettre au Parlement les projets d'actes européens relevant de la procédure de la codécision. Je suis au regret de dire que cela n'est pas le sens de l'engagement pris publiquement il y a quelques mois. En effet, celui-ci était bien de répondre dans tous les cas - sauf hypothèse exceptionnelle - aux sollicitations parlementaires. En tant qu'élus représentant les Français, nous voulons pouvoir nous saisir de questions européennes importantes et donner notre sentiment quand nous le jugeons nécessaire. Et je ne crois pas que l'on puisse limiter ce droit aux textes relevant de la procédure de la codécision. Sur l'élargissement par exemple, le Parlement européen se prononce régulièrement. Pourquoi le Parlement français devrait-il, lui, demeurer muet ?

M. Jacques Myard - Très bien.

M. le Président de la commission - Au reste, le travail des députés et des commissions permanentes peut être utile au Gouvernement. Je le note en passant ! L'exécutif n'a-t-il pas apprécié, il y a quelques mois, le vote d'une résolution par l'Assemblée nationale sur la directive dite Bolkestein? La commission des affaires étrangères ne vient-elle pas de voter une proposition de résolution - devenue définitive depuis vendredi dernier - appelant à ce que le droit européen soit codifié, et que le français - langue dans laquelle la Cour de justice délibère - soit reconnu, sinon comme la référence, au moins comme la langue relais, conformément à la pratique constante au sein des institutions ?

J'en profite pour demander au Gouvernement s'il soutiendra l'initiative qui a été prise en la matière par la commission des affaires étrangères, et qui, contrairement à ce qui nous a été affirmé, n'impose nullement la modification des traités existants.

Nous souhaitons aussi pouvoir suivre, chapitre par chapitre, les négociations engagées avec les deux pays candidats, la Turquie et la Croatie, afin de pouvoir les apprécier et en rendre compte régulièrement à nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour nous le permettre ?

Pour conclure, je suis convaincu que l'Europe concerne aussi la politique intérieure, qu'elle soit économique, budgétaire ou sociale, nos concitoyens mesurant chaque jour les effets des décisions européennes dans leur vie quotidienne.

M. Jacques Myard - Des effets néfastes !

M. le président de la commission - Le débat public et le fonctionnement de nos institutions doivent donc en tirer toutes les conséquences : l'Europe et son avenir sont un sujet de discussion qui doit être abordé sans dramatisation, mais dans son intégralité.

Nous avons devant nous plusieurs rendez-vous importants que nous ne pouvons nous permettre de manquer, sauf à courir le risque de voir les Français se détourner de l'idée européenne. Le Gouvernement a les moyens de conjurer ce danger. Je souhaite donc vivement qu'il les utilise en pleine association avec le Parlement (Applaudissements sur bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne - Le projet de budget communautaire pour 2006, tel qu'il a été adopté en première lecture par le Conseil européen le 15 juillet dernier, s'élève à 120,8 milliards en crédits d'engagement et à 111,4 milliards en crédits de paiement, soit une augmentation, respectivement, de 3,65 % et de 4,82 % par rapport à 2005.

Ce projet de budget applique l'impératif de discipline budgétaire à toutes les rubriques, dégage des marges suffisantes sous les plafonds en vue de faire face aux situations imprévues, maîtrise la croissance des crédits de paiement compte tenu du taux d'exécution des années précédentes, et respecte les engagements pris au sommet de Copenhague envers les dix nouveaux Etats membres.

Hormis le respect de ces quatre impératifs, le budget 2006 aurait dû présenter peu d'intérêt, puisqu'il a vocation à être un budget de « bouclage », dont le contenu est largement dicté par une logique d'achèvement de la programmation pluriannuelle 2000-2006. Son enjeu va toutefois bien au-delà : comme l'a souligné le Président de la commission des Budgets du Parlement européen, Monsieur Janusz Lewandowski, « il fait figure de passerelle vers les prochaines perspectives financières ». et pourrait donc se révéler lourd de conséquences au-delà de 2006.

Les 16 et 17 juin derniers, le Conseil européen n'est pas parvenu à un accord sur les perspectives financières de l'Union pour la période 2007-2013, ce qui atteste l'ampleur de la crise actuelle. L'échec était prévisible, malgré le travail remarquable de la présidence luxembourgeoise, et les efforts de la grande majorité des Etats membres. La logique contestable du « juste retour » a en effet empoisonné les débats, et il n'est pas certain qu'un accord puisse être trouvé d'ici à la fin de la présidence britannique, particulièrement peu active jusqu'à présent.

Celle-ci se sera en effet limitée à l'ouverture des négociations avec la Turquie et la Croatie et à une discussion tronquée qui sera organisée le 27 octobre sur le modèle social européen : comment régler la question en une journée ? Qu'apportera ce sommet informel par rapport aux conclusions du Conseil européen du 23 mars dernier sur la relance de la stratégie de Lisbonne ? Et surtout, quel contraste avec le discours inaugural de Tony Blair !

Les enjeux de la négociation sur les perspectives financières sont pourtant considérables. Elles engageront l'Union européenne pour sept ans vis-à-vis de ses régions, de ses entreprises, de ses citoyens, de ses partenaires dans le reste du monde, et détermineront ses moyens financiers pour atteindre ses objectifs politiques ambitieux et légitimes, à un moment où les attentes se font pressantes et où l'hétérogénéité de ses membres s'accroît.

L'omniprésence de la logique comptable au cours des négociations du printemps dernier illustre sans doute une certaine inadaptation du système actuel des ressources du budget communautaire, mais la faiblesse de la croissance économique et les difficultés budgétaires des Etats membres expliquent également que les égoïsmes nationaux aient trop largement prévalu. Le Royaume-Uni a ainsi subordonné toute remise en question de son « chèque » à une révision à la baisse de la politique agricole commune, ce qui est totalement inadmissible pour la France et les dix nouveaux pays. Le Royaume-Uni étant devenu l'un des pays les plus prospères de l'Union, la France et l'Allemagne ont fait valoir à juste titre que la « ristourne » dont bénéficie le Royaume-Uni est aujourd'hui inacceptable. Les nouveaux Etats membres sont très inquiets : l'engagement unanime des quinze « anciens » membres de faire fonctionner à leur bénéfice une solidarité réelle et durable sera-t-il tenu ?

Il faut donc impérativement sortir de cette impasse, en s'efforçant de faire prévaloir les quatre principes que la France défend avec fermeté et constance : le respect des engagements, notamment sur la PAC, le risque de pandémie de grippe aviaire démontrant combien la sécurité alimentaire qu'elle promeut est précieuse ; la solidarité avec les nouveaux Etats membres ; la discipline budgétaire ; et enfin la recherche d'une plus grande équité dans le mode de financement, grâce à la suppression progressive du chèque britannique.

La création d'un Fonds d'adaptation à la mondialisation, qui a été proposée par la Commission en réponse à l'affaire Hewlett Packard, et qui est destinée à financer la formation, le reclassement des travailleurs ou la réinsertion, mérite également d'être soutenue, pourvu que les instruments actuels des fonds structurels soient utilisés.

Il incombe donc au pays qui préside l'Union, le Royaume-Uni, d'élaborer des propositions sur la base de la position défendue par le Luxembourg, et non de bloquer les négociations.

Par ailleurs, tous les défis de la programmation pluriannuelle s'inscrivent en filigrane dans le budget communautaire pour 2006.

Le projet adopté par le Conseil ménage ainsi une place à tous les volets de la « stratégie de Lisbonne » relevant de la compétence de l'Union, avec notamment 5,28 milliards de crédits d'engagement pour la poursuite du sixième programme-cadre de Recherche.

Concernant la rubrique « Actions extérieures », qui chaque année met aux prises les deux branches de l'autorité budgétaire européenne, le Conseil a revu à la baisse les propositions de la Commission, qui avait cru pouvoir s'affranchir du respect du plafond fixé par les perspectives financières en vigueur. Les Etats membres sont pourtant parvenus à trouver un équilibre entre le financement des priorités externes traditionnelles et les nouvelles priorités, comme la reconstruction de l'Irak, équilibre auquel le Parlement européen est très attaché.

L'Europe concrète des projets, l'affirmation du rôle de l'Union européenne et de sa présence à l'extérieur de ses frontières, le progrès vers une Europe politique, tels pourraient être les piliers d'un projet européen renouvelé, propre à mobiliser tous les acteurs de la construction européenne et à recueillir l'adhésion des citoyens de l'Europe élargie.

Pour rebondir après l'impasse institutionnelle provoquée par les rejets français et néerlandais du traité constitutionnel, il revient aux dirigeants européens de proposer une méthode d'action et des objectifs mobilisateurs pour permettre à l'Europe d'agir et d'avancer.

Des coopérations renforcées existent déjà, en matière de défense et de recherche notamment, mais je propose d'aller plus loin en reprenant la méthode qui a conduit à l'adoption de l'euro par douze pays : les Etats de l'eurogroupe pourraient s'engager à mettre en œuvre un pacte de convergence élargi à l'ensemble des politiques de l'Union.

L'enceinte de l'eurogroupe a en effet le mérite d'exister, et elle a vocation à s'élargir progressivement à tous les Etats membres. Ses membres ont en outre décidé d'élire en leur sein un président stable pour une durée de deux ans, Jean-Claude Juncker, qui est un Européen convaincu.

Impulsé par l'eurogroupe et soumis à la Commission européenne, à laquelle il appartiendrait d'élaborer les instruments législatifs et réglementaires appropriés, ce pacte devrait être fondé sur les principes de mise en œuvre progressive et proposé à tous les Etats de l'Union. Des clauses d'« opting out » pourraient être ponctuellement accordées à un Etat membre qui en ferait la demande, mais la règle de l'abstention constructive devrait prévaloir sur l'exercice du droit de veto. Le pacte de convergence pourrait concerner la fiscalité, la politique sociale, la politique de la recherche, mais aussi la justice, la sécurité et la défense.

Telles sont les réflexions dont je voulais vous faire part à l'occasion de cette discussion budgétaire, avant d'émettre un avis favorable à l'article 50 du projet de loi de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Marc Laffineur - Le budget communautaire pour 2006 se situe à une période charnière, juste avant la délicate négociation des perspectives financières 2007-2013 et l'entrée imminente de la Bulgarie et de la Roumanie.

Malgré les efforts de la présidence luxembourgeoise au premier semestre, c'est à la présidence britannique que revient la lourde tâche de parvenir à un accord. Le budget pour 2006 revêt une importance toute particulière, car il aurait valeur de référence pour l'avenir en cas d'échec des négociations sur le prochain paquet budgétaire.

Il tient compte de l'élargissement à dix nouveaux Etats membres tout en faisant preuve d'une grande rigueur budgétaire, à l'instar de ce que nous entreprenons en France depuis 4 ans. Il s'établit à 120,8 milliards, soit une hausse de 3,7 % des crédits d'engagement et un total de 1,08 % du revenu national brut, et 111,4 milliards en crédits de paiement. De cette évolution résulte une hausse de 3,8 % du prélèvement au profit de l'Union européenne, qui atteint désormais 18 milliards, soit 7 % de nos recettes fiscales.

Ce budget est conforme aux orientations du conseil de Berlin de mars 1999 : les dépenses de cohésion progressent ainsi de 5 %, sans oublier la PAC dont la France est le premier bénéficiaire - 21 % des crédits - et qui repose sur le développement durable traduisant l'objectif de multifonctionnalité de l'agriculture.

Il réaffirme également la solidarité extérieure de l'Union et renforce nos engagements en faveur de la stratégie de Lisbonne - recherche, éducation supérieure, réseaux de transports européens, énergie, là où se trouvent les gisements de croissance et d'emploi de demain.

S'agissant des négociations sur les prochaines perspectives financières, tout accord devra prendre pour fondement la proposition luxembourgeoise : un budget plafonné à 1,06 % du revenu national brut en crédits d'engagement, soit environ 1 % en crédits de paiement ; mais il faudra également répondre à plusieurs impératifs : une véritable solidarité vis-à-vis des nouveaux Etats membres ; le respect des accords de Bruxelles sur la PAC d'octobre 2002 ; la ré-orientation d'une partie des politiques structurelles vers la stratégie de Lisbonne ; et enfin la révision, à défaut de suppression, de la ristourne britannique.

La philosophie de la construction européenne nous impose tout d'abord de prendre pleinement en compte l'arrivée de nouveaux pays : parce qu'il ont des revenus par habitant inférieurs à la moyenne, il est parfaitement normal de concentrer les aides sur eux - le développement économique de l'Espagne, du Portugal, de l'Irlande en témoigne.

Le second objectif, c'est la PAC. L'accord de Bruxelles d'octobre 2002, adopté à l'unanimité des Etats membres, doit être respecté, et tout cofinancement de la PAC doit être exclu, car il la tuerait.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. Marc Laffineur - Cet accord fixe le plafond des dépenses agricoles de marché et de paiements directs pour la période 2007-2013. La loi d'orientation agricole que nous venons de voter adaptera notre agriculture à cette réforme qui ne doit en aucun cas, Madame la ministre, servir de monnaie d'échange dans les négociations à l'OMC.

La France a fait d'importantes concessions ; la présidence britannique ne doit pas en profiter pour démanteler l'accord de Bruxelles.

Il doit être préservé, car il permet de modérer le poids budgétaire du premier pilier de la PAC - réduit de 0,61 % du PIB européen en 1993 à 0,34 % en 2013. Les bénéfices de la PAC sont si évidents qu'on les méconnaît parfois : autosuffisance alimentaire, sécurité sanitaire - particulièrement importante en cette période de propagation du virus de la grippe aviaire...

M. Jacques Myard - Tout à fait !

M. Marc Laffineur - ...aménagement du territoire et bientôt biocarburants.

Troisièmement, il faut accroître l'efficacité de la dépense européenne, dans l'esprit de la stratégie de Lisbonne. Priorité doit être donnée à la recherche, afin de développer une économie de la connaissance. Les crédits communautaires de recherche doivent être réalistes et affectés selon un critère d'excellence - par appel d'offres - plutôt que de rattrapage. Une partie des fonds structurels accordés aux Quinze doit être réorientée vers la recherche et les universités.

Enfin, il faut revoir les modalités de financement de l'UE.

La France était très attachée à la suppression du chèque britannique. M. Juncker a proposé de bloquer cette contribution à 5,5 milliards d'euros : c'est déjà un cadeau énorme, qu'il ne faut dépasser en aucun cas.

Mais l'UE doit aussi augmenter ses ressources propres. J'ai proposé une harmonisation des bases fiscales de l'impôt sur les sociétés en Europe, afin que les entreprises s'y retrouvent mieux et pour préparer l'affectation éventuelle d'une partie de cet impôt à l'Europe.

Avec le rejet du traité constitutionnel, les négociations sur les quatrièmes perspectives financières de l'UE deviennent le principal outil de définition de nouveaux projets. La France, avec d'autres, doit reprendre l'initiative. Je suis personnellement favorable à la constitution de noyaux durs dans le cadre de coopérations renforcées, comme elles existent déjà pour l'euro et Schengen, et qu'il faudrait étendre à la défense, à la politique étrangère ou à la recherche. Il est aussi essentiel d'élaborer une véritable politique industrielle européenne pour affronter la concurrence mondiale.

L'UMP votera l'article 50, Madame la ministre, tant nous souhaitons une politique européenne forte. Il en va de l'avenir de l'Europe, et de l'espoir de nombreux peuples (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Elisabeth Guigou - Le budget européen doit illustrer notre ambition européenne. Or, la tonalité du débat d'aujourd'hui est malheureusement révélatrice de la crise que traverse l'Union et du manque d'ambition de notre pays pour l'Europe.

Tout d'abord, à propos de la contribution française, j'ai beaucoup lu et entendu le chiffre du prélèvement sur recettes : presque 18 milliards d'euros. Mais je regrette d'avoir moins entendu rappeler ce que la France reçoit de l'Europe, au titre de la PAC - dont elle est la principale bénéficiaire - du Fonds structurel - qui concerne toutes nos régions - et du bénéfice global de notre appartenance à l'Union en termes d'influence mondiale.

Je n'ai pas non plus beaucoup entendu rappeler la relativité de notre contribution nette. La France serait le deuxième contributeur net à l'Union. Ayons l'honnêteté de rapporter cette contribution au revenu national brut : la France passe alors au septième rang, derrière les Pays-Bas, le Luxembourg, la Suède, l'Allemagne, l'Italie et la Belgique.

Répétons-le : la notion de juste retour n'a pas de sens ! L'ensemble de la construction européenne se fonde sur l'idée de solidarité. C'est grâce à elle que nous avons tant reçu de la PAC ! Bannissons de notre langage le terme de « retour » qu'employait Mme Thatcher.

M. Charles de Courson - Lady Thatcher !

Mme Elisabeth Guigou - A l'époque, elle n'était pas encore Lady...

Vous ramenez malheureusement la contribution européenne de la France à un simple coût, et non à une véritable ambition.

J'en viens au budget lui-même : 42,5 % pour la PAC, 4,3 % pour l'action extérieure, 7,6 % pour l'ensemble des autres politiques intérieures. La recherche et la technologie pèsent dix fois moins que l'agriculture, l'éducation et la formation cent fois moins ! Quant à l'énergie, alors que se profile une crise majeure, elle ne représente que 1% du budget !

Que comptez-vous faire, Madame la ministre, pour poursuivre la réforme de la PAC ? La PAC, naturellement, est nécessaire. Mais ne comporte-t-elle pas certains éléments contestables, comme le maintien des aides à l'exportation - dont on connaît les effets sur les pays pauvres - le soutien des prix - qui profite aux plus privilégiés, comme l'a rappelé M. Dumont - ou encore la faiblesse de ses effets sur l'aménagement du territoire et sur le développement rural ?

Quelles sont les intentions du Gouvernement quant au financement des infrastructures - y compris de communication - de l'Union, qui sont la condition d'un élargissement réussi ? Que ferez-vous pour aider la recherche ? Et pour aider les victimes de délocalisations - pour lesquelles la Commission a proposé la création d'un fonds de 7 milliards d'euros, que la France a refusé ?

En campant sur vos positions rigides à propos de la PAC, vous avez vitrifié la position de la France et sa capacité de négociation.

Messieurs Balladur, Lequiller et Dumont l'ont dit : nous devons retrouver une ambition européenne. L'Europe traverse une crise de sens, et pour la première fois, aucune initiative ne permet d'en sortir. Vous vous en remettez, Madame la ministre, à la présidence britannique - qui n'a abouti à rien d'autre que l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie. C'est justement ce qu'il ne faut pas faire ! Où est la France ? Quelles initiatives prend-elle ?

L'Union doit renouer avec le succès. Laissons provisoirement de côté les questions institutionnelles, et travaillons sur les projets, comme on l'a fait au milieu des années 1980 : il y a eu le programme Erasmus décidé au sommet de Fontainebleau en 1984, et avec quel succès ! Pourquoi ne pas s'en inspirer ? Pourquoi ne pas mettre en chantier la bibliothèque numérique européenne, si nécessaire à la préservation de la diversité culturelle ? Pourquoi ne pas lancer un grand programme sur les énergies renouvelables alors que nous savons qu'elles redeviendront compétitives avec la hausse du prix du pétrole ? Nous ne savons pas les stocker, certes, mais pourquoi l'Union européenne ne financerait-elle pas un grand projet de recherche à ce sujet, ainsi que sur le moteur à hydrogène ? Nous devons en outre créer un fonds social pour les victimes des délocalisations. Quant aux financements, pourquoi refuser encore à l'Union une capacité d'emprunt afin de financer de grands investissements ? Pourquoi ne pas envisager la création d'un impôt européen qui établirait un lien entre les citoyens ? Ceux-ci, en effet, sont prêts à accepter l'impôt dès lors qu'il finance des politiques utiles.

Nous sommes dans un période cruciale, Madame la ministre, et vous devez nous dire quelle est l'ambition française pour l'Europe. L'avenir de la France en dépend, et j'espère que vous saurez nous redonner espoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Anne-Marie Comparini - Le groupe UDF votera pour le prélèvement européen parce qu'il ne renonce pas à une Europe politique maître de son destin et parce que nous le devons aux nouveaux adhérents de 2004 : je m'empresse de le dire, de crainte que les observations qui suivront ne me conduisent à voter différemment. En effet, à la lecture du projet de budget européen pour 2006, les sujets de mécontentement ne manquent pas.

D'abord, la démocratie européenne ne fonctionne toujours pas. Quoi que dise le peuple, la machine européenne continue et l'opinion des citoyens n'est pas prise en compte. On le voit aujourd'hui avec un budget établi comme si l'Europe n'avait pas vécu une année marquée par de multiples échecs : les « non » français et néerlandais ou l'échec sur les perspectives financières 2007-2013. On le voit aussi avec les crédits de pré-adhésion de la Turquie qui ne cessent d'augmenter : 60 % de plus par rapport à 2005. C'est une véritable provocation, alors que les dirigeants européens avaient assuré après l'élargissement de 2004 qu'une pause était nécessaire pour laisser à l'Europe le temps de se construire à 25, puis à 27 ! Ils avaient également assuré, après les résultats du 29 mai, que l'aspiration des peuples à être davantage écoutés serait entendue.

Ensuite, le pilotage européen semble toujours échapper à ses dirigeants. Nous délibérons sans qu'aucun diagnostic complet des causes du mal européen n'ait été établi par les chefs d'Etat et de gouvernement : rien au Conseil européen de Luxembourg du mois de juin, et qui sait ce qu'il sortira du prochain ?

M. Jacques Myard - Rien !

Mme Anne-Marie Comparini - Ce n'est pas là une méthode de travail efficace alors que nous devons rompre avec le chômage, redonner la confiance aux populations et engager un vaste débat sur l'identité et l'avenir de la France et de l'Europe.

Enfin, la transparence est absente de cet exercice. Nous sommes à la veille d'une nouvelle phase d'engagement et l'Assemblée nationale ne connaît pas les objectifs d'action qui seront étudiés dans deux jours à Londres. Le silence s'est à nouveau abattu sur le fonctionnement européen, alors que le président de l'Assemblée nationale avait suggéré l'instauration, avant chaque Conseil européen, d'un débat parlementaire. Là encore rien ne change...

M. Jean-Louis Idiart - Eh oui !

Mme Anne-Marie Comparini - ...les questions européennes continuent de relever du seul chef de l'Etat. Le président Balladur a bien défini la mesure à prendre pour associer vraiment les Français au fonctionnement européen, et je m'y associe, comme mon groupe s'était associé à l'amendement qu'il avait déposé au début de l'année.

M. Charles de Courson - Tout à fait.

Mme Anne-Marie Comparini - Parce que cet exercice est hors sujet, je me concentrerai sur l'essentiel : nous avons besoin de plus d'Europe.

M. Jacques Myard - C'est vraiment du masochisme !

Mme Anne-Marie Comparini - Pas du tout.

Le confirment en effet les problèmes de sécurité, l'émergence de nouveaux pôles concurrentiels, la crise économique et le malaise social que nous connaissons.

Il est temps d'affirmer les raisons pour lesquelles les 25 vivent ensemble et d'adopter une ligne ferme sur les frontières européennes car une Europe sans limites ne ferait que colmater les brèches et renoncerait à ce travail d'approfondissement que tous attendent d'elle. L'élargissement de 2004 a un coût, ce dont témoigne la montée en puissance des dépenses en 2003 et 2004. Cela va d'ailleurs se poursuivre, puisque l'Europe avait pris l'engagement d'aider les nouveaux pays à rattraper leur retard structurel.

Il est temps d'affirmer les actions concrètes qui devront être menées pour la croissance et l'emploi, avec la coordination des politiques économiques nationales - avec ou sans traité, l'Eurogroupe peut constituer le pôle qui favorisera une telle coordination -, avec une stratégie ciblée de stimulation de la croissance par l'innovation. Les politiques de recherche et d'innovation ne pourraient-elles devenir communes ? Il est temps également de développer une politique industrielle visant à anticiper les changements structurels, je pense en particulier à une politique de grandes infrastructures. Il faut œuvrer au renforcement de l'espace européen de liberté, de sécurité et de justice, comme il faut accroître notre potentiel collectif de défense. La force européenne de réaction rapide et la force de gendarmerie ont besoin plus que jamais d'investir pour mener à bien des opérations militaires lointaines. Enfin, nous devons définir une nouvelle politique de développement des pays du Sud. Le drame de Ceuta et Melilla appelle une réponse urgente, humaine et réaliste, un plan Marshall qui ne peut être qu'européen afin de répondre à une poussée migratoire qui ne baissera pas.

Le moment est venu de trouver un compromis raisonnable sur le budget des années 2007-2013 - quelle que soit l'ampleur des divergences sur les accords de Bruxelles en matière agricole -, sur la baisse des crédits de cohésion pour les 15, sur le chèque britannique : il faut augmenter le budget, éliminer progressivement la ristourne britannique au profit d'un redéploiement des crédits de convergence et des politiques d'avenir. Il faudra enfin, une fois le processus constitutionnel et conduit à son terme, reprendre les discussions sur les institutions : tel est le préalable pour une Europe qui ne se résume pas à une zone de libre échange.

Le groupe UDF pense que le budget 2006 fait l'impasse sur les messages que les Français et les Européens nous ont adressés : ils veulent une Union plus démocratique, plus transparente, plus efficace. Nous espérons que le chef de l'Etat montrera qu'il a su les entendre lors du prochain Conseil européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Claude Lefort - Notre débat est, une fois de plus, irréaliste.

Nous sommes en effet convoqués pour entériner en l'état une décision prise par le Conseil des ministres des finances européens le 15 juillet dernier - une décision prise sans nous et loin de nous. La représentation nationale est ainsi privée de tout moyen de peser sur ce budget.

Nous en sommes à un tel point de désinvolture qu'en ce moment même, le Parlement européen discute de ce budget à partir de sommes qui ne sont pas encore votées ! Et si nous rejetions ce prélèvement, la France serait condamnée par la Cour de justice !

C'est donc bien un chèque en blanc qu'on nous demande de signer aujourd'hui. Nous refusons de souscrire à une telle conception de l'Europe, conception d'ailleurs rejetée par nos concitoyens en mai dernier.

Il est temps que les politiques reprennent la main, et le comportement du commissaire Mandelson ne peut que nous conforter dans notre position. Selon le Gouvernement, il outrepasserait son mandat de négociation au sein de l'OMC - mandat sur lequel nous ne nous sommes jamais expliqués, et que nous ne connaissons même pas - aussi est-il proposé de le placer sous le contrôle permanent d'un groupe d'experts. Eh bien, nous proposons quant à nous de mettre l'Europe et ses technocrates sous le contrôle des politiques !

Vous voulez une « Europe de la solidarité » mais comment prétendre combler les disparités entre 27 pays quand on gèle autour de 1 % du RNB la contribution des Etats membres, alors que l'« Agenda 2000 » prévoyait une contribution de 1,08 % ?

La situation est d'autant plus inquiétante que le blocage est sérieux sur la période 2007-2013, ce qui risque de faire du budget 2006 une référence, loin des 1,08 %, et encore plus loin des 1,24 % initialement prévus.

S'agissant du chèque britannique, il n'a plus de raison d'être, mais s'il est choquant que la France ait versé, en 2005, 1,5 milliard à ce titre, il est encore plus choquant qu'elle n'en ait versé, dans le même temps, que 1,3 pour les dix nouveaux entrants, lesquels représentent 20% de la population mais seulement 5% du RNB de l'Union européenne !

Cette conception qui consiste à verser proportionnellement moins au budget européen alors que l'Europe est plus nombreuse mais aussi plus inégalitaire, ne peut que provoquer de considérables dégâts sociaux et économiques.

La vision politique de l'Europe est rongée par le postulat selon lequel c'est le seul marché « libre et non faussé » qui doit régenter les relations entre les peuples européens. Comment ne pas rappeler ici notre opposition formelle à la directive Bolkestein ? Après s'être élevés contre elle à la veille du référendum, le Gouvernement et le président sont aujourd'hui silencieux alors que c'est son retrait pur et simple qu'il faut obtenir.

Et que dire des conditions dans lesquelles se sont ouvertes les négociations avec la Turquie ! Comment accepter que n'ait pas été remplie la condition préalable de la reconnaissance de Chypre par ce pays qui occupe depuis 1974 37 % de son territoire, donc un morceau de l'espace européen.

C'est une question de solidarité intra-européenne comme de respect du droit international que l'Union ne peut bafouer.

On a ouvert 35 chapitres de négociation avec vote à l'unanimité pour passer de l'un à l'autre, mais la question chypriote ne relève d'aucun chapitre, et ne peut faire l'objet d'aucun vote !

Et voilà que sans même fixer une date butoir impérative, les 25 discutent de l'adhésion de la Turquie.

Et voilà que dans le projet de budget, une somme est réservée à une entité dépourvue de toute légitimité internationale, la « République turque de Chypre Nord », colonisée de surcroît par des milliers de personnes venues d'Anatolie.

Inacceptable encore est le comportement du Gouvernement et des responsables de l'Union qui, malgré le rejet du projet de constitution, ne renoncent pas à nous le faire avaler par morceaux, alors qu'il est caduc !

Nous devons supprimer l'article 88-1 de notre Constitution qui dispose que la France « peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004 ».

M. Jacques Myard - Il a raison !

M. Jean-Claude Lefort - Dans un récent rapport, le président Balladur affirmait que « l'introduction dans ce projet de la troisième partie largement consacrée aux politiques européennes aura été une erreur », avant de proposer que l'Union, sans consultation parlementaire ou populaire, modifie des dispositions institutionnelles, sans toucher à ces politiques européennes.

Nous ne saurions souscrire à un tel détournement de la volonté populaire, alors même que ce sont ces politiques européennes qu'il faut revoir, comme en témoigne le vote des peuples français et hollandais. Un traité international qui n'a pas reçu l'accord de tous les pays contractants doit être rejeté.

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste et républicain votera contre ce prélèvement.

Mme la Ministre déléguée - MM. Carrez et Dumont, s'agissant de la recherche, c'est vrai que seuls 81 % des crédits de paiement ont été consommés, d'où une réduction des dépenses de recherche, car ce budget se veut sincère.

En matière de perspectives financières, l'enjeu est bien celui des négociations du septième PCRD, pour que l'augmentation des crédits serve la compétitivité de l'Union. Je rappelle que la présidence luxembourgeoise a proposé une augmentation des crédits de 33 %, soit 15 milliards supplémentaires.

Monsieur Laffineur, la France défendra une logique d'excellence pour que les fonds européens profitent aux meilleures équipes de chercheurs. il y aura ainsi un vrai effet de levier, avec toute une série de grands projets - Iter, les biotechnologies, etc...

Monsieur le rapporteur général, le coût de l'élargissement est évalué pour la France à 1,3 milliard par an, mais les exportations françaises devraient être multipliées par quatre en dix ans. L'excédent commercial de notre pays, imputable à l'élargissement, fut ainsi de 1,7 milliard en 2004.

Concernant la sous-consommation des crédits, de gros progrès ont été réalisés, puisque l'exécution est passée de 23,5 milliards à 34,2 milliards entre 2002 et 2004, notamment grâce à la règle du dégagement d'office.

Vous avez été nombreux à évoquer la question du chèque britannique, que rien ne justifie plus aujourd'hui, si tant est qu'il l'ait été en 1984. La situation a évolué, la part de la PAC dans le budget de l'Union étant passée de 71 % à 40 %, et étant appelée à diminuer encore.

Il y a donc un large consensus en Europe pour revoir le chèque britannique, d'autant plus que son maintien exonérerait la Grande-Bretagne de sa part dans le financement de l'Europe élargie. La France est, compte tenu des sommes en jeu, particulièrement sensible à cette question. Il convient que la Grande-Bretagne accepte les propositions du précédent président, Jean-Claude Juncker, qui permettraient à l'Union de disposer des marges de manœuvre nécessaires pour financer les politiques communes, développer des politiques nouvelles et financer l'élargissement. Cet effort ne peut plus être retardé.

M. Dumont a parlé du programme national de réforme, qui constitue une appropriation par chaque pays de la stratégie de Lisbonne. Le Conseil européen a demandé en mars à chacun des Etats membres de reprendre dans ses politiques les principaux éléments de cette stratégie et de remettre à la Commission un rapport sur ce sujet. Seuls certains l'avaient fait à la date prévue, le 15 octobre. Nous sommes en train d'achever la préparation de notre programme national, qui décrit les grandes réformes structurelles nécessaires et qui veille à conserver l'équilibre défini à Lisbonne entre économique, social et environnemental. Le projet de PNR a été validé au comité interministériel du 11 octobre et a été soumis au comité de dialogue social le 21. Le Conseil économique et social en débattra cette semaine et le Parlement sera consulté, selon des modalités qui n'ont pas encore été définies.

Le rapporteur spécial, comme d'autres, a évoqué les négociations à l'OMC relatives à la politique agricole commune. La PAC a été réformée profondément en 1992, 1999 et 2003. Le Conseil a, à l'unanimité, indiqué en 2003 que cette dernière réforme constituait la contribution de l'Union aux négociations commerciales de l'Agenda de Doha. Le Conseil affaires générales du 18 octobre a rappelé ce principe et l'a même inscrit dans un texte. Il a précisé que cela constituait la limite du mandat de négociation de la Commission. Toute offre qui entraînerait de nouvelles concessions serait donc clairement hors mandat : c'est en effet la Commission qui négocie à l'OMC, mais pour le compte des Etats membres et dans le cadre du mandat qui lui est confié. Il doit donc exister une relation de confiance entre eux, qui sera d'autant plus grande que la transparence est réelle. Aussi le Conseil affaires générales a-t-il insisté sur la nécessité, après les épisodes récents mais, espérons-le, révolus, de renforcer l'information du Conseil.

La PAC, Madame la ministre, a donc connu une réforme en 2003 : attendez la fin de sa mise en œuvre, en 2008, avant d'en demander une autre ! D'autant que le découplage des aides, comme l'augmentation des dépenses de développement rural, vont déjà dans le sens de vos préoccupations. Quoi qu'il en soit, il n'est pas question de fragiliser nos positions à l'OMC : la PAC réformée en 2003 constitue la limite de la négociation. Vous avez aussi, Madame, parlé de la « vitrification » de la négociation sur les perspectives financières, en raison des décisions de l'Union européenne sur la PAC. Outre que ce vocabulaire semble dater de la guerre froide, cet argument a été, trop longtemps, employé par certains de nos partenaires pour masquer la profondeur des efforts consentis sur la PAC et l'attachement que lui portent de nombreux pays autres que la France. Ainsi, nous avons été treize à rappeler au commissaire certains principes de la négociation pour le volet agricole et quatorze à considérer que les précisions données par la Commission sur le respect de son mandat n'étaient pas pleinement satisfaisantes. La question-clé des perspectives financières n'a rien à voir avec la PAC : c'est la participation de tous, de façon équitable, au financement de l'Union élargie et il est crucial de ne pas nous prêter aux artifices qui visent à cacher ce véritable enjeu.

M. Blum a évoqué l'avenir des fonds structurels en France. Le Gouvernement suit cette question avec la plus grande attention. Le principal enjeu pour la politique de cohésion, après 2006, sera de réduire les écarts de développement des nouveaux Etats membres tout en continuant à contribuer au développement de l'ensemble du territoire de l'Union. Le soutien aux nouveaux Etats membres est le principal enjeu : c'est un impératif politique et une nécessité économique. C'est le seul moyen pour que ces pays puissent réussir le rattrapage économique, social et environnemental auquel ils aspirent et qui est indispensable pour limiter le risque d'un dumping fiscal et social inacceptable. Mais la politique de cohésion doit aussi continuer à s'appliquer dans l'ensemble de l'Union. La dernière proposition de budget de la présidence luxembourgeoise, en juin, était acceptable : elle permettait de maintenir des retours significatifs pour nos régions. Il n'est pas possible, faute de perspectives financières agréées, d'en dire davantage aujourd'hui, mais nous resterons très vigilants dans ce domaine.

Monsieur le président Balladur, vous vous êtes interrogé sur les raisons de la poursuite de la politique d'élargissement. La principale est que l'Union, composée de démocraties, fonctionne de manière démocratique et que lorsqu'elle a pris des engagements, elle doit les respecter. Elle l'avait fait pour la Turquie et la Croatie : fallait-il se renier alors que les conditions qu'elle avait posées avaient été remplies ? Un rapport de Mme del Ponte a montré que la coopération de la Croatie avec le Tribunal pénal international s'était récemment améliorée et était devenue pleine et entière. Les Vingt-Cinq ont donc considéré que l'Union devait tenir ses engagements. Par ailleurs, la perspective de l'élargissement contribue grandement à la stabilisation des Balkans, dont nous voyons déjà les résultats. C'est le principal levier dont nous disposons pour faire évoluer ces pays. De la même façon, une Turquie démocratique et moderne ayant rejoint les valeurs de l'Union est dans notre intérêt. Cela étant dit, le Gouvernement restera vigilant tout au long des négociations, qui se dérouleront dans un cadre précis : chaque chapitre sera ouvert et fermé à l'unanimité. Par ailleurs, pour rassurer M. Lefort, la question chypriote reste à régler, sous l'égide des Nations unies. L'Union a rappelé le 21 septembre, à l'unanimité, que la reconnaissance de Chypre par la Turquie est un préalable à son éventuelle adhésion et que cette question s'apprécierait tout au long du processus des négociations.

Sur l'avenir des coopérations renforcées, Monsieur le président, vos réflexions rejoignent celles du Président de la République. La priorité de la France est de faire fonctionner l'Union d'aujourd'hui, c'est-à-dire à 25. Pour cela, l'Union doit disposer rapidement d'un budget. Elle doit également engager la convergence économique et sociale entre les anciens et les nouveaux Etats membres et mettre en œuvre des projets pour la croissance, l'emploi, l'environnement et la lutte contre l'immigration clandestine. Faire fonctionner l'Europe, c'est aussi renforcer son influence dans le monde, pour la paix et pour le développement. Cela ne doit pas empêcher ceux qui le veulent d'aller de l'avant.

M. Jacques Myard - Dans le mur !

Mme la Ministre déléguée - Le moment venu, ils doivent pouvoir s'engager dans des coopérations renforcées ou envisager de faire davantage que d'autres en matière de recherche, d'énergie, de sécurité ou de défense par exemple. Cela s'est en effet souvent fait de cette manière. Il est important de souligner que ces démarches concernent tous les Etats : nous ne voulons pas d'une Europe à deux vitesses, ni d'un directoire en Europe. Les coopérations renforcées sont par définition ouvertes à tous les Etats désireux et capables de les rejoindre. Il s'agit bien de consolider l'Union à 25 et de la faire progresser vers son objectif d'intégration.

Quant à la proposition de faire du français la langue de référence, elle soulève des difficultés juridiques : il existe en droit communautaire - pas dans les traités, mais dans un règlement - un principe d'égalité des langues que l'Union n'accepterait pas de remettre en cause. La Cour de justice de Luxembourg est très vigilante à ce sujet : elle a déjà dit qu'il était possible d'accepter un traitement différencié dans certaines conditions, s'il était justifié et proportionné au but recherché. Je ne sais pas si la Cour considérerait que la proportionnalité est respectée dans la proposition de la commission. Par ailleurs, quand la Cour interprète le droit, elle se réfère à l'ensemble des versions linguistiques, sans privilégier aucune langue ; le français est la langue de ses délibérés, mais il ne s'agit que d'un usage, qui ne change rien au principe de l'égalité des langues.

En ce qui concerne l'association du Parlement, que le Gouvernement juge comme vous essentielle, le Premier ministre avait indiqué le 15 juin à cette tribune que des dispositions seraient prises très rapidement. L'article 88-4 de la Constitution fait déjà obligation au Gouvernement de transmettre au Parlement toute proposition d'acte qui relèverait de la loi au sens national, et le traité constitutionnel soumis à l'approbation des Français avait prévu l'élargissement de ce dispositif à toute proposition d'acte relevant du domaine de la loi au sens européen ; le critère qui va être retenu est celui de la codécision : prochainement, seront obligatoirement transmis au Parlement tous les textes qui doivent être adoptés selon cette procédure. Une circulaire est sur le point d'être finalisée à ce sujet.

Monsieur le président Lequiller, le sommet de Hampton Court sera l'occasion pour les chefs d'Etat et de Gouvernement de débattre, plus que du modèle social européen, des moyens de relancer le projet européen, en répondant aux préoccupations concrètes des citoyens sur l'Europe dans la mondialisation : telle est la proposition que vient de faire le Premier ministre britannique dans sa lettre d'invitation. Les thèmes du développement économique, de la recherche et de l'innovation, de l'énergie, de la démographie seront donc abordés. La France souhaite que ce Conseil informel, qui ne donnera pas lieu à des décisions, permette de dégager des orientations, qu'il conviendra ensuite de conforter - de même que la gouvernance économique, en priorité dans le cadre de l'eurogroupe : je vous rejoins sur ce point comme sur beaucoup d'autres.

Nous sommes également prêts à discuter, dans le principe, du « fonds antichoc » - qui n'est que la nouvelle version de propositions faites dans les années quatre-vingt-dix -, destiné à faire face aux restructurations industrielles à l'échelle européenne et sur lequel la Commission européenne vient de fournir quelques précisions. Ce pourrait être une réponse européenne à la principale préoccupation de nos concitoyens, mais il faudra examiner aussi les modalités de fonctionnement, les critères retenus et le financement ; le document de la Commission ne donne pas encore de réponse sur ce point, qu'il faudra analyser dans le cadre du paquet Juncker.

Monsieur Laffineur, vous avez rédigé avec le sénateur Vincent un excellent rapport sur les perspectives financières. Les principes qui nous guident sont les suivants. Premièrement, un accord rapide est souhaitable, pour que l'Europe marche et que nous ayons la visibilité requise. Deuxièmement, un accord rapide n'est possible que sur la base du projet de paquet Junker de la mi-juin 2005 : c'est ce dont la plupart des partenaires s'emploient à convaincre la présidence britannique. Troisièmement, nous souhaitons la stabilité pour les politiques communes, s'agissant non seulement de la PAC mais aussi des fonds de cohésion, et nous ne voulons pas d'une réforme budgétaire permanente ; aux environs de 2010, nous pourrons engager pour réformer de manière plus fondamentale tant la structure des recettes que celle des dépenses, des réflexions qui ne devraient pas s'achever avant 2013, pour une prise d'effet en 2014. La clé de la réussite est que tout le monde prenne sa juste part du financement de l'Europe élargie ; il revient à la présidence britannique de créer les conditions de la confiance entre les Etats membres.

Sur l'harmonisation fiscale, sujet important pour assurer la compétitivité de nos entreprises et pour lutter contre les délocalisations, les Européens ont déjà progressé. La Commission européenne a fait une proposition, et nous privilégions comme elle un accord à vingt-cinq ; à défaut, il faudrait envisager une coopération renforcée.

Madame la ministre, le projet européen de la France est celui d'une Europe unie, qui continue de progresser vers l'intégration et solidaire, c'est-à-dire une Europe politique et forte. La meilleure réponse aux difficultés actuelles est l'action : il faut développer des politiques concrètes, développer l'Europe des projets - recherche et innovation, utilisation des facilités offertes par la BEI, énergie, sécurité, lutte contre l'immigration clandestine et co-développement.

Les préoccupations que vous avez exprimées, Madame la ministre, rejoignent celles du Gouvernement. Oui, la BEI doit être utilisée davantage, notre pays le proposera. Oui, Erasmus est un succès, et par ailleurs le Premier ministre souhaite développer le service civil européen ; je souhaiterais qu'à travers les différentes formules existantes, nous puissions permettre à chaque jeune Français qui le souhaite de passer six mois ou un an dans un autre Etat membre. Oui, le projet de bibliothèque numérique, proposé par la France, est en marche.

Si nous faisons tout cela, nous pouvons espérer que nos concitoyens adhèreront davantage au projet européen. Ne posons pas la question institutionnelle avant de l'avoir fait. Le Conseil de Hampton Court doit être une première étape de la relance européenne ; mais soyez sans inquiétude, vous y entendrez la voix de la France.

Madame Comparini, les terribles événements que vous avez évoqués nous rappellent que des hommes et des femmes sont prêts à risquer la mort pour tenter de trouver un avenir meilleur en Europe. Notre réponse relève à la fois du devoir d'humanité et de notre intérêt bien compris.

En matière de co-développement, l'Union européenne fait déjà plus que quiconque, en versant 62 % du montant total des aides à l'Afrique, en présentant le marché le plus ouvert et en constituant le débouché naturel de trois-quarts des produits agricoles des pays les plus pauvres. Je rappelle aussi l'initiative européenne « Tout sauf des armes », lancée en 2001 pour concourir à la maîtrise des conflits dans les territoires en retard de développement. Bien entendu, il faut faire plus encore, en prenant une initiative globale de co-développement concerté, tendant notamment, au-delà de ses effets bénéfiques dans les pays concernés, à tarir les sources de l'immigration clandestine. En partenariat avec l'Espagne et le Maroc - l'Italie s'étant déclarée intéressée à nous rejoindre, ce dont je me réjouis -, nous nous attachons à élaborer les principes directeurs de cette initiative globale. Le Président de la République et M. Zapatero doivent présenter conjointement des initiatives concrètes à ce sujet au sommet d'Hampton Court. Parallèlement, nous allons célébrer le dixième anniversaire du processus de Barcelone et la question du co-développement sera mise à l'ordre du jour de tous les prochains sommets européens.

S'agissant, Monsieur Lefort, de la directive sur les services, je rappelle que la remise à plat du premier projet a été décidée à l'unanimité du Conseil européen du 23 mars dernier et que le Parlement européen poursuit son travail en commissions en vue d'élaborer un nouveau texte. Je vous confirme aussi que nous avons pu vérifier en de multiples occasions que les préoccupations françaises étaient largement partagées. Sur ce sujet, le Parlement européen se prononcera par un vote en janvier 2006. Après seulement, la Commission européenne rédigera une nouvelle proposition de directive, dont nous souhaitons qu'elle ressemble assez peu à la première mouture, bien que nous soyons éminemment attachés à la réalisation du marché intérieur des services, capital pour notre économie. Les intérêts bien compris de la France commandent que nous avancions rapidement en ce sens, en veillant toutefois à exclure les domaines les plus sensibles et à proscrire toute forme de moins-disant social, le principe du pays d'origine n'ayant pas vocation à se généraliser.

M. le Président - Au titre des orateurs inscrits sur l'article, la parole est à M. Myard.

M. Jacques Myard - Permettez-moi de relever d'emblée qu'en dehors des intervenants « institutionnels » - présidents et rapporteurs des différentes commissions et délégations -, je suis le seul député à avoir souhaité intervenir sur cet article ! Sans doute suis-je le dernier - avec les Français qui l'ont manifesté de manière éclatante le 29 mai ! - à ne pas me résigner à ce que, sur les décisions ayant trait à l'Europe, le Parlement français se transforme en théâtre d'ombres et en donneur d'avis sans suites...

Le présent projet de prélèvement appelle un constat et une question : le constat, c'est qu'il est constant ; la question : l'intégration à vingt-sept a-t-elle encore un sens dans un monde globalisé ?

Atteignant 18 milliards d'euros - soit 700 millions de plus que l'année dernière et 6,8 % de nos recettes fiscales - le prélèvement au titre du budget européen est lourd pour les Français. Au reste, il a doublé depuis 1980 et, n'en déplaise au Gouvernement, je maintiens que le solde débiteur pour la France s'élève à 2,3 milliards. Et la progression continuera puisque, selon le Plan, la contribution représente 0,48 % du revenu disponible des Français.

Constante, la politique budgétaire européenne est aussi brouillonne, touche-à-tout et parfois contraire à nos intérêts. D'accord, Madame la ministre, pour défendre à vos côtés la PAC, laquelle nous assure la sécurité alimentaire et la diffusion de la qualité. Mais le Gouvernement est-il prêt à utiliser son droit de veto pour sauvegarder l'arrangement de Luxembourg et contrer ce qui se trame actuellement ? Si l'arrangement de Luxembourg est caduc, nous serons battus à plate couture car la position française est minoritaire sur l'essentiel des sujets majeurs. Je rappelle à notre assemblée que l'accord de 2002 a été conclu sans préjudice des perspectives financières. Fins négociateurs, nos amis britanniques sauront en jouer et profiter du fait que le gouvernement français s'est mis lui-même dans une position minoritaire.

Quid des 44,5 milliards de fonds structurels ? Tout à fait d'accord pour aider les entrants : je ne reviens pas là-dessus. Mais est-il bien normal que les impôts de nos concitoyens servent à financer l'achat de rames japonaises pour le métro de Dublin ou le système d'audio-guidage de l'abbaye de Hautecombe ?

M. Jean-Louis Idiart - Et pourquoi pas ?

M. Jacques Myard - C'est en effet capital pour l'avenir du continent tout entier ! On marche sur la tête !

S'agissant de la politique interne, les quelque quarante actions menées ne témoignent pas d'un grand souci de cohérence ou d'efficacité, le domaine de la culture étant emblématique de l'empilement anarchique des compétences, dans une logique de fuite en avant et de dispersion des moyens à tous égards préoccupante. De mon point de vue, rien ne s'oppose à ce que l'Europe fixe de grandes orientations, et dise par exemple que les Etats doivent consacrer une part notable de leur budget à l'effort de recherche-développement. Mais il faut ensuite laisser les Etats membres financer leur politique à partir de leur budget national ! La logique actuelle, constante depuis des décennies, consiste à lever toujours davantage d'impôts sans que l'efficacité de l'action menée s'en trouve améliorée. Va-t-on persister dans cette voie ?

En matière de politique externe, le saupoudrage est également de mise et cela peut entraîner des effets contraires à nos intérêts. Le président Balladur a raison de lutter pour la survie du français ! Il faut savoir en effet que la Commission européenne s'obstine à passer tous les appels d'offres en anglais et à privilégier systématiquement les cabinets anglo-saxons. Nous contribuons - et à quelle hauteur ! - à financer des modes de fonctionnement qui sapent notre influence en Europe et dans le reste du monde !

Madame la ministre, dans la configuration actuelle de l'Union, l'intégration telle que vous la prônez a-t-elle encore un sens ? A la suite de bien d'autres, l'affaire Mandelson a démontré que le système ancien avait vécu et qu'avec le passage systématique à la règle de la majorité qualifiée, la France serait pratiquement minoritaire sur tous les sujets. N'est-ce pas le refus de ce renoncement qu'ont aussi exprimé les Français par leur vote du 29 mai ?

Lorsque vous nous parlez d'Europe politique, je crois entendre une langue morte. Du fait des élargissements successifs, il serait raisonnable de s'en tenir à l'essentiel et de faire jouer à plein le principe de subsidiarité. La souplesse et le pragmatisme commandent de ne plus empiler les structures dans des montages aléatoires, dont la seule caractéristique constante est de nous être défavorables ! Dites à M. Barroso que nous n'avons pas besoin de lui pour mener à bien des projets ambitieux : a-t-on oublié que nous n'avons pas eu besoin d'accord international pour faire Airbus ? Mais la formule qui prévaut, c'est : pourquoi faire simple lorsqu'on peut faire compliqué ?

Madame la ministre, mes chers collègues, je n'approuve pas ce prélèvement. Plutôt que de le valider sans vous poser de questions, essayez, chacun à votre place, de réfléchir à ce qui s'est passé le 29 mai dernier !

L'article 50, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 18 heures 45, est reprise à 18 heures 50.

APRÈS L'ART. 20 (amendements précédemment réservés)

M. le Rapporteur général - L'amendement 11 est défendu.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - Je demande le retrait, et à défaut, le rejet de cet amendement. Si j'y suis favorable sur le fond, car il s'agit d'une simplification favorable aux petits contribuables parmi lesquels figurent les associations de moins de dix salariés, le seuil de la franchise doit être fixé par le droit communautaire. Les négociations sur le sujet venant de s'engager et la Commission ayant proposé un seuil de 100 000 euros auquel le Gouvernement est favorable, cet amendement risque de ralentir les travaux ou d'empêcher une conclusion positive. Mon avis est donc défavorable pour des raisons de forme.

L'amendement 11 est retiré.

M. le Rapporteur général - L'amendement 455 de M. Martin-Lalande est défendu.

M. le Ministre délégué - Avis favorable, et le gage est levé.

L'amendement 445, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Louis Idiart - L'amendement 260 vise à dispenser du paiement de la redevance audiovisuelle les étudiants aux revenus modestes. Chacun connaît en effet leurs difficultés financières.

M. le Rapporteur général - La réforme de la redevance audiovisuelle a pour effet qu'elle est désormais collectée en même temps que la taxe d'habitation. Il faut dès lors faire coïncider les dégrèvements consentis au titre de ces deux prélèvements. Or, il n'existe pas pour la taxe d'habitation de dégrèvement correspondant à celui qui est proposé par cet amendement.

Avis défavorable donc.

M. le Ministre délégué - Même avis

L'amendement 260, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Idiart - L'amendement 261 vise à faire bénéficier d'un dégrèvement de redevance audiovisuelle les titulaires de l'allocation spécifique de solidarité.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable pour les mêmes raisons que sur l'amendement précédent.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 261 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Dumont - L'amendement 320 vise à supprimer une confusion délibérément entretenue par le Gouvernement : la redevance audiovisuelle figure sur le même avis d'imposition que la taxe d'habitation, qui est votée par les élus municipaux, si bien que les contribuables penseront que cette dernière augmente. Il s'agit là d'une manœuvre politicienne qui dénature le travail des élus.

Je plaide donc pour un rattachement de cette redevance à l'impôt sur le revenu, puisque tous deux sont votés par notre assemblée. M. Martin-Lalande a accompli un excellent travail, mais l'adossement réalisé ne nous convient pas.

M. le Rapporteur général - Le seul impôt sur lequel la logique nous commandait d'adosser la redevance audiovisuelle, c'est la taxe d'habitation, car elle repose sur le foyer au sens de l'habitation. Parmi les éléments mobiliers figure la télévision, dont la détention entraîne imposition. L'adossement sur la taxe d'habitation permet de faire coïncider les dégrèvements, alors que le choix de l'impôt sur le revenu n'aurait pas permis la même cohérence.

Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Je voudrais vous dire, avec tout le respect que je vous dois, Monsieur Dumont, que votre approche de la réforme de la redevance audiovisuelle me semble très « petits bras », alors que cette réforme dépasse largement le clivage traditionnel entre la gauche et la droite. Depuis quinze ans, chacun s'accorde en effet à dire que l'adossement de la redevance audiovisuelle à la taxe d'habitation est nécessaire à la modernisation de l'Etat, puisqu'elle permet d'adresser un seul formulaire au contribuable et de réaliser des gains de productivité pour l'administration, sans qu'il en résulte aucune confusion dans l'esprit du redevable.

J'en profite pour souligner que les exonérations de redevance consenties en 2004 seront reconduites cette année à titre transitoire, de même qu'en 2006-2007 pourvu que le contribuable soit exonéré d'impôt sur le revenu. Je voudrais également rappeler que cette simplification est un véritable succès dès cette année, malgré certaines difficultés ou incompréhensions.

La fermeture du service de la redevance a en effet été réalisée en octobre, sans tensions sociales. Le coût de la collecte va ainsi passer de 73 millions d'euros en 2004 à 65 millions cette année, et 24 millions en 2006. Il s'agit d'une véritable réforme de l'Etat, qui n'est ni de gauche ni de droite, mais qui est efficace.

Enfin, qu'il soit clair qu'aucun contribuable ne subira de double imposition au titre de la redevance. Aucun avis d'imposition n'a été émis après le 31 décembre 2004 et la redevance qui sera payée cette année en même temps que la taxe d'habitation portera sur 2005.

J'ai d'ailleurs demandé à nos services d'informer avec la plus grande vigilance les contribuables. Cette réforme, qui a nécessité une formation et provoqué un surcroît temporaire de travail, est menée avec beaucoup de compétence par toutes les équipes concernées, et je veux les en remercier. Notez par ailleurs que les journées « portes ouvertes » de la direction générale des impôts ont connu un grand succès.

M. Jean-Louis Idiart - Vous dites qu'il s'agit d'un très grand succès, Monsieur le ministre, mais je n'ai pas eu l'impression que les foules se soient réjouies de la mise en place de ce nouveau dispositif !

M. le Ministre délégué - Vous êtes mauvais joueur !

M. Jean-Louis Idiart - La confusion est la plus totale pour ceux qui ont opté pour la mensualisation de la taxe d'habitation. Si la situation reste compréhensible cette année, vu que les contribuables reçoivent une régularisation de redevance qui porte sur les derniers mois, il n'en va pas de même pour la suite. Pourquoi ne pas avoir conjugué un prélèvement mensualisé de la taxe d'habitation avec un paiement de la redevance concentré sur le dernier ou l'avant-dernier mois, selon le choix du contribuable ? La différence entre les deux taxes aurait alors été beaucoup plus claire.

En outre, si l'on exonère les propriétaires au titre de leur résidence secondaire...

M. Michel Bouvard - Quel grand progrès !

M. Jean-Louis Idiart - ...les contribuables qui étaient exonérés de redevance mais sont redevables de la taxe d'habitation devront, en 2007, payer la redevance !

M. Michel Bouvard - Nos collègues socialistes s'égarent !

M. Jean-Louis Idiart - Pas du tout !

M. Michel Bouvard - Voici une bonne réforme, qui réduit les effectifs de l'Etat sans altérer la qualité du service public, qui évite une augmentation de la redevance - depuis quand n'avait-elle plus diminué ? - qui clarifie les choses et empêche la fraude. Et, vous voulez modifier ce système - c'est-à-dire dépenser de l'argent - un an à peine après sa mise en place ! Personne, dans ma circonscription, n'est pourtant venu se plaindre, pas même un maire socialiste !

M. Jean-Louis Dumont - Ah, la montagne !

M. Michel Bouvard - Vous vous égarez donc, peut-être par souci de perfectionnisme. Il est trop tard pour proposer une telle mesure !

M. Patrice Martin-Lalande - Cette mesure, exemplaire en matière de réforme de l'Etat, permet une économie de gestion considérable : mille emplois publics seront libérés pour d'autres tâches et l'on évitera autant de nouvelles embauches.

Son objectif principal est de garantir à l'audiovisuel public une ressource propre, évolutive et adaptée.

M. Jean-Louis Dumont - C'est le point de vue parisien ! (Rires sur divers bancs)

M. Patrice Martin-Lalande - Et en effet, les rentrées seront vraisemblablement meilleures que prévu. Le service public de l'audiovisuel est en concurrence avec un grand nombre de chaînes privées, parfois plusieurs centaines. La redevance réformée lui donne les moyens d'y faire face.

M. le Ministre délégué - Permettez-moi de rajouter que cette réforme nécessaire était attendue sur tous les bancs de cette assemblée et de tordre le cou aux contrevérités que j'ai entendues.

Les 900 000 foyers gagnants sont surtout des personnes de plus de 60 ans aux revenus modestes, puisque nous avons aligné le champ des exonérations de la redevance sur celui de la taxe d'habitation.

D'autre part, le législateur a souhaité maintenir l'exonération en 2005 pour les contribuables exonérés en 2004, quelle que soit l'évolution de leurs revenus, et la maintiendra en 2006 et 2007 si ces personnes restent non redevables de l'impôt sur le revenu.

Vous pouvez une nouvelle fois constater qu'il fait bon vivre en France !

M. Jean-Louis Dumont - J'ai rendu hommage à notre collègue.

M. Patrice Martin-Lalande - C'était un travail collectif !

M. Jean-Louis Dumont - Je sais comment, sous la majorité précédente, nous avons raté l'opération de suppression de la redevance. Je ne rappellerai pas comment, sous M. Elkabbach, l'argent public était distribué. Même s'il fallait plus de fermeté dans cette réforme, l'opposition d'aujourd'hui - la majorité d'hier - a beaucoup contribué à sa réussite !

L'amendement 320, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 68, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Didier Migaud - L'amendement 178 est défendu.

L'amendement 178, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 21 (précédemment réservé)

M. Michel Pajon - Nous proposons de supprimer l'article 21, qui autorise l'Etat à encaisser les disponibilités du fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété qui offre une garantie pour l'obtention par les ménages modestes destinés à l'acquisition d'un logement.

Cette mesure est dangereuse, car aucune assurance sur l'avenir de ce fonds n'est donnée par l'Etat. Réintégré au budget, il perdrait toute visibilité. Le peu de publicité qu'on lui a accordé explique déjà le faible nombre de souscripteurs, et la mesure proposée n'arrangera rien. Le FGAS est chroniquement excédentaire : en le reversant au budget, le Gouvernement le jette aux oubliettes, alors qu'il faudrait le faire fonctionner.

En 2001, on avait élargi les conditions applicables au prêt d'accession à la propriété. En 2002, le nombre de prêts avait augmenté de 22 % : preuve que la demande existe, et que le souhait d'être propriétaire est largement partagé.

En freinant l'accès à la propriété, cette mesure affectera aussi la construction de logements neufs et l'habitat social.

Même excédentaire, le FGAS n'a pas une assise financière excessive : avec une trésorerie de 1,7 milliard d'euros, il pourrait assumer jusqu'à 10 % de taux de sinistralité - c'est bien plus qu'aujourd'hui, mais ce n'est pas irréaliste.

Au fond, la vision du Gouvernement est à court terme. En 2001, un parlementaire de l'actuelle majorité critiquait le Gouvernement qui voulait diminuer les crédits du FGAS pour financer l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat et dénonçait la fâcheuse habitude de Bercy de convoiter tous les fonds en attente d'utilisation. Aujourd'hui, c'est bien pire ! Il ne s'agit même plus d'utiliser les excédents pour une politique du logement, et l'on escamote tout débat sur l'accession des plus modestes à la propriété.

M. Marc Laffineur - On n'a jamais autant construit de logements sociaux !

M. Michel Pajon - Ce n'est pas tout à fait vrai !

M. Jean-Louis Dumont - C'était, sous une autre majorité, par une nuit noire et sans lune que l'on créa le FGAS. A l'époque, la caisse de garantie du logement social était déjà exclusivement cantonnée au bénéfice des organismes HLM. Avant le FGAS, on avait déjà prélevé dans cette caisse et trois ministres avaient fait des courriers pour préciser les conditions dans lesquelles l'Etat ferait face à ses responsabilités.

Les majorités changent, mais les méthodes de financement de l'Etat, elles, restent : on prélève. Non seulement, Monsieur le ministre, vous reprenez ce que l'Etat a apporté, mais vous prenez aussi ce qu'ont apporté les banques - mutuelles et coopératives notamment.

M. Michel Bouvard - Le Parti socialiste défend les banques, maintenant !

M. Jean-Louis Dumont - Dans le même temps, on met en cause la délégation interministérielle à l'innovation sociale, un an après que M. Lamour a gravement mis en cause l'économie sociale !

Rapporteur du budget et du logement, j'avais souligné combien l'on pouvait diminuer la contribution des banques et de l'Etat - ce qui fut fait - et comment cet argent pouvait être utilisé au bénéfice de l'accession au logement. Vous avez là, Monsieur le ministre, un puissant levier pour conforter la politique d'accession à la propriété. Pourtant, vous avez choisi de siphonner ces fonds. Comment pouvez-vous défendre un tel article ?

M. Charles de Courson - L'UDF s'oppose à cette mesure pour quatre raisons.

Tout d'abord, si nous la votons, l'Etat montrera une nouvelle fois qu'il n'est pas un partenaire fiable dans la durée. Que le Gouvernement veuille continuer à diminuer les cotisations, voire à les supprimer, c'est logiquement défendable. Mais récupérer la totalité des fonds du FGAS, c'est illustrer ce qu'est l'Etat gangster !

Deuxième raison : cet article est-il constitutionnel ? Le FGAS a été alimenté par des dotations de l'Etat et par des cotisations des organismes prêteurs. Or, de quel droit peut-on exproprier sans indemnisation les cotisations versées par les banques ?

Troisième raison : c'est une mauvaise politique budgétaire car cette somme de 1,4 milliard fait partie des recettes non fiscales non reconductibles. L'Etat gangster devra donc faire des « casses » encore plus importants pour boucler le budget 2007.

Quatrième raison : a-t-on mesuré les conséquences d'un tel article sur le comportement des banques ? La Fédération française des banques nous l'a fait savoir : « Si l'Etat prélève la totalité du FGAS, nous cesserons la distribution des PAS et des PTZ. » La commission s'est émue et a adopté une position sage à laquelle le groupe UDF s'est rallié. Elle consiste à prélever un peu moins d'un milliard et à laisser 400 millions dans le FGAS. En incluant les 200 millions de plus-values, ce sont 600 millions qui, au total, resteraient ainsi au sein du fonds.

M. le Président - Nous considèrerons que les amendements de suppression 31, 106 et 180 ont été présentés.

M. le Rapporteur général - Cet article a fait l'objet d'une discussion approfondie en commission des finances. Nous avons tout d'abord rejeté plusieurs amendements de suppression présentés par MM. de Courson et Auberger, puis nous nous sommes ralliés à un amendement de M. Auberger limitant le prélèvement à 975 millions. Cet amendement soulève un problème juridique important. La convention qui a créé le FGAS en 1993 prévoit explicitement que les disponibilités du fonds peuvent être versées à l'Etat à deux conditions : que le fonds soit dissous et que la garantie soit reprise par l'Etat. La convention ne prévoit pas le cas d'un prélèvement unilatéral et sans contrepartie de l'Etat. Il n'y a en l'occurrence aucun risque d'inconstitutionnalité, Monsieur de Courson, puisque le dispositif choisi est strictement conforme à ladite convention : si la garantie est assurée, le fonds peut être supprimé et ses disponibilités reversées dans le budget de l'Etat.

Il est cependant nécessaire de dissiper un certain nombre de malentendus car la discussion avec les banques et l'ensemble des intervenants dans le domaine de l'accession sociale à la propriété n'a pas été suffisante. Que tous ceux qui tiennent à l'accession sociale à la propriété se rassurent : nous y sommes très attachés et cet article ne la remet nullement en cause puisque la garantie sera directement prise en charge par l'Etat. J'ajoute, Monsieur Dumont, que le budget de l'accession sociale à la propriété augmente cette année de 500 millions. Il est vrai que l'état de nos finances est tel que nous avons besoin de ce montant de 1,4 milliard, mais cette somme est une trésorerie dormante. Le montant des sinistres pris en charge par le FGAS depuis 1993 se chiffre à huit millions. La somme de 1,4 milliard résulte des cotisations versées à parité entre l'Etat et les banques.

M. Jean-Louis Dumont - Ce qui montre que la prévention a fonctionné.

M. le Rapporteur général - Il est souhaitable, Monsieur le ministre, de dire clairement que le FGAS est supprimé, que l'Etat reprend la garantie, et il convient de mettre en place un mécanisme de gestion privé qui permettra aux banques de gérer cette garantie, étant entendu que l'Etat assurera sa garantie directement, ce qui impliquera également la création d'une société de gestion.

M. le Ministre délégué - Je n'ai pas du tout apprécié votre expression d'« Etat gangster », Monsieur de Courson.

M. Charles de Courson - J'irai plus loin tout à l'heure, et cela ne m'impressionne pas du tout.

M. le Ministre délégué - Je regrette ce genre de formule particulièrement inappropriée au regard de notre travail.

Le FGAS gérant des deniers publics qui constituent une trésorerie dormante, il est normal que le gestionnaire public fasse un état des lieux. Le prélèvement, conformément à la convention signée avec les banques, est la contrepartie du transfert vers l'Etat du risque financier sur le stock des prêts arrêtés au 31 décembre 2005. Il est donc strictement conforme à la convention, selon laquelle le versement de l'intégralité des sommes du fonds à l'Etat est permis à condition que ce dernier assume la gestion de la garantie, ce qui est le cas. Enfin, nous rendrons les sommes qui ont vocation à être remboursées, c'est-à-dire les cotisations périodiques, qui se chiffrent à 200 millions. Les banques, évidemment, n'ont aucune raison d'arrêter la distribution des prêts à l'accession sociale ou les prêts à taux zéro...

M. Charles de Courson - C'est pourtant ce qu'elles annoncent.

M. le Ministre délégué - ...car, je le répète, les prêts continueront à être garantis. La loi prévoit qu'un nouveau dispositif de garantie sera mis en place en concertation avec les banques. Je propose que la garantie reste cofinancée par les établissements de crédit mais dans un cadre différent. Le dispositif futur pourrait relever du champ conventionnel. Les établissements verseraient des cotisations à un fonds de nature privé, Monsieur le rapporteur général. L'Etat, quant à lui, ne cotiserait pas au fonds mais s'engagerait à verser des indemnités aux banques en fonction des sinistres constatés, qu'il prendrait en charge jusqu'à un certain taux. Le principe d'une garantie de l'Etat en dernier ressort serait maintenu à partir d'un certain taux de sinistralité comme dans le système actuel. Ce dispositif présente plusieurs avantages : il évite l'accumulation inutile de liquidités, il est plus sécurisant pour les banques puisque leurs cotisations sont isolées dans un fonds qui leur appartient, et il maintient le principe d'un cofinancement de la garantie par les banques. J'ai l'intention d'engager très rapidement des discussions avec les établissements de crédit sur ce point.

Ce dispositif est pleinement conforme à la Constitution puisque les disponibilités du fonds ont le caractère de deniers publics. Subsidiairement, la loi ne fait que confirmer l'application de la convention et il n'y a donc pas d'expropriation. Enfin, l'Etat reprend à sa charge tous les sinistres à venir liés au stock de prêts. La signature de l'Etat est pleinement honorée.

Afin de rassurer la représentation nationale, le monde bancaire...

M. Jean-Louis Dumont - Et les organismes HLM.

M. le Ministre délégué - ...en effet, et tous ceux qui souhaitent accéder à la propriété, je soutiendrai un amendement visant à préciser les conditions dans lesquelles la garantie de l'Etat sera apportée à l'avenir sur les prêts à l'accession sociale à la propriété et sur certains prêts à taux zéro. En premier lieu, je veux que l'on réaffirme le principe d'un cofinancement de la garantie de l'Etat par les banques, sachant que l'Etat reste le garant en dernier ressort des prêts octroyés aux ménages modestes. A partir d'un taux de sinistralité très élevé, il prendra à sa charge le coût qui en résulte pour les banques. De plus, il sera précisé qu'un fonds spécifique sera constitué et alimenté par les cotisations des banques pour permettre ce cofinancement. Le maintien d'un fonds permet notamment aux établissements de crédit de bénéficier d'une pondération favorable des prêts garantis. Par ailleurs, la nature privée de ce fonds offre aux établissements de crédit des garanties supplémentaires et leur assure un droit de propriété réelle sur les sommes qu'ils verseront. L'Etat s'engagera à prendre en charge une partie des sinistres supportés par les banques. Il n'est pas nécessaire qu'il cotise à un fonds au risque d'accumuler inutilement de l'argent public. Cette architecture permet de maintenir le principe d'un cofinancement, mais dans un cadre beaucoup plus transparent, plus souple et plus lisible.

Enfin, je rappelle les efforts des gouvernements qui se sont succédé depuis trois ans en matière de politique du logement : instauration d'un plan de relance de la construction sociale avec l'objectif de construire 500 000 logements nouveaux en cinq ans, mise en place d'un plan de rénovation urbain disposant de moyens considérables pour réaménager les quartiers prioritaires, multiplication par 2,5 du nombre de bénéficiaires du prêt à taux zéro.

Nous avons beaucoup travaillé sur cette question, et je regrette cette polémique car toutes les garanties susceptibles de rassurer les banquiers et les organismes HLM ont été apportées dans la plus grande transparence.

C'est une décision de saine gestion que d'éviter que des fonds publics ne dorment.

M. Charles de Courson - Tout d'abord, Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous prétendez, ces fonds, constitués à partir de cotisations de l'Etat, mais aussi de cotisations des banques, ne sont pas des fonds publics ! Votre thèse ne tiendra pas devant le Conseil constitutionnel. Si l'on peut comprendre qu'à la rigueur, vous repreniez la partie versée par l'Etat, il n'en va pas de même s'agissant de la cotisation des banques.

Par ailleurs, la fédération française des banques a été très claire dans son communiqué : si vous persistez dans cette voie, les banques n'accorderont plus de PTZ ni de PAS.

Enfin, pourquoi légiférer, alors qu'il y a, comme le rapporteur l'a dit, une convention ? Pourquoi ne pas avoir négocié avec les banques ?

Votre mesure est improvisée, à un point tel que le rapporteur lui-même regrette, dans son rapport, que les dépenses liées à la mise en jeu éventuelle de cette garantie n'aient pas été évaluées au sein des crédits de l'action « Soutien au domaine social, logement, santé » du programme « Appels en garantie de l'Etat » de la mission « Engagements financiers de l'Etat ».

En vérité, faute de savoir limiter la hausse des dépenses, vous faites un casse sur le FGAS.

Heureusement, la commission des finances a su répondre avec sagesse.

M. Jean-Louis Dumont - Tout d'abord, il me semble que nous avons débudgétisé le PTZ l'an dernier, ce qui a quelque peu changé sa nature.

Par ailleurs, s'agissant de la sinistralité, de gros efforts ont été accomplis pour encadrer le montage de dossiers d'accession à la propriété, tant en matière de conseils que de garanties. Si vous n'êtes pas le premier gouvernement à chercher de l'argent, il n'est pas normal que vous preniez tout, et je pense que les sénateurs seront attentifs à cette question.

Hier la CGLS, aujourd'hui le FGAS : je ne peux que m'interroger, à l'heure où l'on parle d'un adossement « public-privé » des crédits immobiliers, car je suis certain que le 1,4 milliard d'aujourd'hui ne représentera plus rien demain en comparaison de ce que vous voudrez prendre au Crédit immobilier.

Si vous devez prendre de l'argent, affectez-le au moins à une véritable politique du logement et de l'accession à la propriété !

Les amendements 31, 106 et 180, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 453 du Gouvernement, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 12 a été présenté par le rapporteur général.

M. le Rapporteur général - Monsieur de Courson, vous ne pouvez parler de « casse » car, depuis 1993, la convention, en toute transparence, prévoit que le FGAS est alimenté à égalité par l'Etat et les banques, pour une garantie assurée par l'Etat seul. Ces cotisations s'étant révélées excessives au regard du taux de sinistralité - et il faut s'en réjouir -, le montant des cotisations a été réduit, et le surplus, d'une centaine de millions d'euros, reversé aux banques.

Ce taux de sinistralité étant toujours faible aujourd'hui, le cumul des cotisations a atteint 1,4 milliard, et il me semble normal que ce soit l'Etat qui en profite, puisque c'est lui qui a rendu le service de la garantie. Il n'est pas là pour absorber toutes les pertes de la terre et laisser les bénéfices au secteur privé.

M. le Ministre délégué - Je vis très mal cette accusation, Monsieur de Courson. Sachez que la loi est nécessaire pour que l'Etat s'engage à reprendre la garantie. Vous auriez pu parler de hold-up si l'Etat avait pris l'argent sans continuer à garantir. Or, ce n'est pas le cas, et la garantie est inscrite dans la LOLF.

M. Charles de Courson - Ce n'est pas prévu dans la LOLF !

M. le Ministre délégué - Par ailleurs, il s'agit bel et bien de fonds publics, comme nous l'ont confirmé les juristes que nous avons consultés.

M. Carrez a raison, il est normal que l'Etat qui a pris le risque de garantir, puisse profiter de l'intégralité des bénéfices, et ce procès d'intention est malvenu.

M. Charles de Courson - Plutôt que d'agir avec autorité, que n'avez-vous renégocié la convention ?

Du reste, le fait que vous ayez déposé l'amendement 453 prouve que l'article 21 ne tenait pas : vous avez éprouvé le besoin de le réécrire en partie : « L'octroi de la garantie de l'Etat est subordonné à une participation financière des établissements de crédit, qui cotisent à un fonds de garantie de nature privée dont ils assurent la gestion ».

M. le Ministre délégué - J'ai déjà répondu !

M. Charles de Courson - Par ailleurs, c'est dommage que M. Auberger ne soit pas là, car son amendement a été voté avec une écrasante majorité en commission des finances. Mais c'est toujours la même chose, l'Etat n'a de cesse de prélever sur des fonds dont vous n'arriverez pas à me persuader qu'ils ont un caractère public !

M. Marc Laffineur - Je ne me sens pas le porte-parole des banques : je me contente de m'occuper de l'aide sociale et du logement pour les plus démunis. Je me félicite de la politique qui est menée en la matière depuis trois ans : jamais nous n'avons construit autant de logements sociaux !

M. Jean-Louis Dumont - Dans ma circonscription, la direction départementale bloque les autorisations de construire !

M. Marc Laffineur - Si des fonds ne sont pas utilisés, il semble de bonne gestion de les intégrer à d'autres actions : cela permet d'utiliser au mieux le budget. Sachant que le Gouvernement, en outre, étend le prêt à taux zéro, il me semble que l'ensemble est cohérent. Philippe Auberger n'avait sans doute pas toutes les données...

M. Charles de Courson - Mais si !

M. Marc Laffineur - ...et le groupe UMP ne votera pas cet amendement.

M. Jean-Louis Dumont - Il est clair que la politique du logement va insidieusement vers une privatisation des fonds. Venant de votre majorité, cela se comprend parfaitement, mais mieux vaudrait le dire ! On voit bien par exemple que le 1 % logement est utilisé dans une seule direction ! Mais je vois M. Auberger qui arrive : il va pouvoir défendre son excellent amendement !

M. le Président - Certainement pas. L'amendement a été défendu.

M. Jean-Louis Dumont - En matière d'accession sociale à la propriété, les organismes HLM, et en particulier les coopératives, avaient trouvé des dispositions garantissant le respect de l'individu et permettant aux locataires de rester dans leur logement. Il aurait été beaucoup plus simple d'accepter que ces fonds viennent épauler cette politique.

Enfin, quant au nombre de logements construits, je ne suis pas sûr que les dossiers déposés par les organismes de logement...

M. le Président - Vous l'avez déjà expliqué la semaine dernière !

M. Jean-Louis Dumont - Mais je n'ai pas eu de réponse ! Ces dossiers ne sont pas traités bien rapidement : dans certains départements, aucune autorisation de construire n'a encore été délivrée ! Nous sommes en la matière dans un régime administré, comme au temps de la pénurie de logement !

M. le Rapporteur général - Je rappelle que cet amendement a reçu un avis défavorable compte tenu de l'adoption de l'amendement 453 du Gouvernement.

L'amendement 12, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - Mon amendement 317 est rédactionnel.

L'amendement 317, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 21, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 22 (précédemment réservé)

M. Michel Pajon - Le transfert aux départements des charges liées au RMI et au RMA est compensé par le transfert d'une partie de la TIPP. L'Etat s'était engagé à compenser ce transfert de compétences à l'euro près, mais les départements connaissent bien les pratiques du Gouvernement pour échapper à ses responsabilités : il choisit une année de référence, 2003 en l'occurrence, comme base de calcul et n'en change jamais alors même que les dépenses des collectivités augmentent ! Or, alors que le coût du RMI explose en même temps que le nombre de ses allocataires, qui a augmenté de 120 000 entre juin 2004 et juin 2005 - ce différentiel est particulièrement fort en Seine-Saint-Denis - les recettes de la TIPP sont attendues en baisse. Le choix de l'une en contrepartie de l'autre est donc inadapté. Pourtant, le Gouvernement se refuse à donner une réponse définitive. En 2004, il a accordé une rallonge exceptionnelle de 450 millions, mais il faut en finir avec les solutions au coup par coup ! La loi de finances doit accorder une garantie explicite aux départements.

L'article 22, mis aux voix, est adopté.

ART. 30 (précédemment réservé)

L'article 30, mis aux voix, est adopté.

ART. 31 (précédemment réservé)

M. le Rapporteur général - Les amendement 348 et 349 rectifié sont rédactionnels.

M. le Ministre délégué - Avis favorable.

Les amendements 348 et 349 rectifié, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur général - L'amendement 350 est un amendement de précision.

L'amendement 350, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - L'une des heureuses conséquences de la réforme de la redevance est une extension des exonérations pour motifs sociaux, extension parfaitement légitime puisqu'elle concerne, entre autres, des bénéficiaires du RMI ou de l'allocation adulte handicapé. Cette extension était également indispensable pour des raisons pratiques, puisque la collecte conjointe de la taxe d'habitation et de la redevance suppose une harmonisation des exonérations. Pour autant, ces exonérations n'ont pas vocation à être financées par le budget de l'audiovisuel public. La loi de 2000 relative à l'audiovisuel précise d'ailleurs que les exonérations de redevance pour motifs sociaux donnent lieu à remboursement intégral du budget général de l'Etat. L'Assemblée a d'ailleurs voté cette disposition pour garantir des ressources à l'audiovisuel public, auquel elle venait de retirer quatre minutes de publicité par heure, pour le plus grand bonheur des chaînes privées.

L'article 31 prévoit un plafond des remboursements de dégrèvements de redevance qui déroge manifestement à ce principe de la compensation intégrale. Ce qui était acceptable l'an dernier, alors que l'importante réforme de la collecte s'engageait, ne l'est plus pour 2006. Cet article risque de créer un dangereux précédent qui permettrait de financer des politiques sociales à partir du budget de l'audiovisuel public. Il est donc indispensable de supprimer ce plafond, qui n'est conforme ni à la loi régissant l'audiovisuel public, ni à l'esprit de la LOLF. C'est l'objet de l'amendement 151.

La suppression de ce plafond permettrait en outre de financer un projet fondamental : la couverture de 100 % de la population par la télévision numérique terrestre ou son équivalent. Le Gouvernement s'est engagé à ce que les 85 % de la population qui peuvent bénéficier de la TNT soient couverts d'ici le printemps 2007, soit six mois plus tôt que le calendrier initial. C'est un effort significatif, qui suppose d'ailleurs une augmentation des moyens du CSA, mais encore insuffisant : 15 % de Français resteront privés de couverture ! Il faudra un effort particulier pour ne pas faire attendre ces 9 millions de téléspectateurs. Je propose donc que la compensation intégrale des exonérations serve à la couverture de ces 15 % de la population par une technologie équivalente à la TNT.

Les ressources dégagées par le déplafonnement doivent permettre, par exemple dans les zones frontalières, de bénéficier rapidement de la TNT en aidant les téléspectateurs à s'équiper d'un adaptateur. Nous avons tous intérêt à ce que ce problème soit réglé rapidement dans ces zones. Elles doivent également permettre aux parties du territoire privées de TNT de recevoir un bouquet des chaînes TNT par satellite ou par l'ADSL.

M. le Président - Avant de poursuivre, je voudrais savoir si l'Assemblée s'accorde pour finir la discussion par une séance prolongée.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je suis d'accord, à condition que chacun de nos collègues fasse un effort de concision.

M. le Ministre délégué - Je suis d'accord.

M. Charles de Courson - Nous avions prévu une interruption entre 20 heures et 21 30 ! Je représente le groupe UDF et je ne suis pas d'accord.

M. Didier Migaud - Il était en effet prévu de reprendre ce soir. C'est ce qui explique que certains de mes collègues ne soient pas là, et il me semble qu'il en est de même pour d'autres groupes. Nous n'avons jamais retardé le débat, mais je crains qu'une séance prolongée n'ait pour effet de bâcler la discussion.

M. le Président de la commission - Je suis au service de mes collègues !

M. Debré remplace M. Warsmann au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

M. le Président - Dans ce cas, nous allons faire une prolongée.

M. le Rapporteur général - Cet amendement ne peut pas être accepté parce qu'il déplafonne le montant du remboursement dans tous les cas de figure. M. Martin-Lalande aura satisfaction très vite, puisque la commission a accepté un amendement qui le déplafonne dès lors que le montant des recettes attendues de la redevance n'est pas atteint.

M. le Ministre délégué - Même avis, et je suggère à M. Martin-Lalande de retirer son amendement au profit de l'amendement 15 de la commission, qui repose sur l'idée de garantie de ressource. Je souligne que pour les organismes audiovisuels, la progression attendue de la ressource publique par rapport à la loi de finances 2005 est de 2, 98 %, soit 78 millions.

M. Didier Migaud - Monsieur le Président, avant de défendre notre amendement 193, je tiens à élever un vive protestation contre la décision de prolonger la séance, contrairement à ce qui était prévu. Cette façon de procéder, qui n'est pas dans vos habitudes, est une rupture dans la tradition de nos débats budgétaires. Il reste encore quelques sujets importants sur lesquels nous souhaitions nous exprimer, et je crois savoir que le groupe UDF est lui aussi très insatisfait. Je demande au nom de mon groupe une suspension de séance après le vote sur ces deux amendements.

Notre amendement 193 tend à déplafonner la prise en charge par l'Etat des dégrèvements de redevance audiovisuelle qu'il décide, afin de garantir un financement correct du service public audiovisuel. J'en profite pour redire que l'adossement de la redevance audiovisuelle à la taxe d'habitation, qui va conduire certaines personnes à perdre le bénéfice d'une exonération - comme par hasard juste après les élections présidentielle et législatives de 2007 -, est une mauvaise chose. Nous aurions préféré qu'on institue un lien avec l'impôt sur le revenu.

M. le Rapporteur général - Nous n'allons pas recommencer le débat sur la réforme de la redevance, sur laquelle M. Migaud avait lui-même fait un rapport très intéressant il y a quelques années. Avis défavorable à cet amendement, pour les raisons évoquées à l'instant.

M. le Ministre délégué - Monsieur Migaud, sans revenir sur ce que nous avons dit tout à l'heure, j'insiste sur le fait qu'il n'y a pas de double imposition. C'est une très bonne réforme, qui n'est ni de gauche ni de droite, et j'aurais apprécié que chacun le reconnaisse. Avis défavorable à l'amendement.

L'amendement 151 est retiré.

L'amendement 193, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Je fais droit à la demande de suspension de séance de M. Migaud.

La séance, suspendue à 20 heures 5, est reprise à 20 heures 10.

M. le Président - Nous reprendrons à 21 heures 15.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 20 heures 10.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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