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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Assemblée Nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 15ème jour de séance, 035ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 25 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD

vice-présidente

Sommaire

      PROJET DE LOI DE FINANCEMENT
      DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2006 (suite) 2

      QUESTION PRÉALABLE 2

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 26 OCTOBRE 2005 30

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2006 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

QUESTION PRÉALABLE

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Maxime Gremetz - Soixante ans ont passé depuis qu'Ambroise Croizat, ministre communiste, fit les ordonnances du 4 octobre 1945 créant la sécurité sociale, avec le concours de Pierre Laroque, directeur général des assurances sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Et sous l'autorité du Conseil national de la résistance présidé par le général de Gaulle !

M. Maxime Gremetz - Oui, tout le monde le sait, mais vous oubliez toujours Ambroise Croizat, et je suis pour le pluralisme !

Cette semaine, nous examinons le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale issu de la loi organique malheureusement votée cet été. A nouvelle lecture, nouvelles habitudes ; pour autant, votre projet ne surprend pas. L'enrobage change, mais le contenu reste fidèle à ce que vous faites depuis trois ans ! Vos gages de « sincérité, transparence et crédibilité » sont loin de nous rassurer.

Nous ne croyons plus guère à votre sincérité, après les fausses promesses de retour à l'équilibre annoncé lors de la réforme de l'assurance maladie en juin 2004 - à coup de grands moyens : franchise d'un euro, augmentation du forfait hospitalier, de la CSG, de la CRDS et du déremboursement. Le déficit reste pourtant préoccupant !

Quant à la transparence, elle est plutôt... opaque ! Nous avons dû attendre les travaux de la commission pour nous faire une idée - parcellaire - du montant de vos mesures.

Enfin, quel crédit donner en matière de protection sociale à un gouvernement qui ne fait que réduire comme peau de chagrin les droits des salariés et des retraités, et qui contribue à creuser le « trou » financier ? Le déficit a quadruplé depuis votre arrivée au pouvoir !

Ces quelques remarques suffisent à justifier le rejet du texte. Mais d'autres griefs s'y ajoutent.

Votre échec est total. La logique de votre construction budgétaire est déplorable. Aucune rupture n'est opérée en matière de financement. Vos seules mesures nouvelles consistent, encore et toujours, à diminuer la part de la prise en charge obligatoire de base - le fondement même de la sécurité sociale !

Les communistes ne sont pas seuls : les médecins, les pharmaciens, les organisations syndicales, la CNAM, la CNAV, l'ACCOSS, les mutuelles s'opposent aussi à votre budget. Vous avez tort de croire que vous avez raison, seuls contre tous ! Si tant de catégories aussi diverses manifestent le même désaccord, c'est qu'elles disent la vérité ! Vous devez les écouter plus.

Jamais depuis les ordonnances Juppé instaurant la maîtrise comptable des dépenses de santé notre système n'a-t-il autant été en péril. Je suis moi-même intervenu à cette tribune contre ces ordonnances : quel formidable spectacle alors, quand nous ne restions plus que quelques-uns, assis à gauche, face à l'enthousiasme de la foule, debout à droite !

Vous poursuivez tête baissée dans la même voie. Avec le plan Douste-Blazy de juin 2004, les prélèvements sur les salaires et les revenus de transfert des retraités et des chômeurs ont augmenté massivement, cependant que les prestations subissaient une réduction drastique. Vous en avez reporté le coût sur les ménages avec la CSG et la CRDS, afin de réduire les cotisations patronales - censées peser sur l'emploi, bien que la Cour des comptes ait démontré le contraire.

Les parlementaires communistes se sont toujours opposés à une telle fiscalisation. Ils rejettent sans réserve la CSG et la CRDS comme mode de financement de la sécurité sociale. Vous reportez le financement de la protection sociale sur les revenus du travail : c'est non seulement injuste, mais aussi contraire à l'esprit de 1945.

Vos mesures, pourtant si radicales, n'ont pas permis de réguler le système. Le rationnement aveugle que vous avez organisé réduit les dépenses à court terme prépare leur reprise à moyen terme.

En 2002, le régime général était déficitaire de 3,4 milliards d'euros, et la branche maladie de 6,1 milliards. Ces chiffres sont aujourd'hui respectivement de 14 et de 13,2 milliards! Vos plans de sauvetage successifs n'ont, comme prévu, produit aucun miracle. La politique de rationnement des soins, de déremboursement et d'augmentation des prélèvements sur les ménages ne peut pas endiguer le déficit, car vous n'abordez jamais la question fondamentale de la réforme du financement. Ce qui était vrai hier le demeure aujourd'hui ! Vous fondez votre réflexion sur de simples aspects comptables, au détriment d'une réelle politique de santé et de la rénovation de la démocratie sociale.

La réforme de l'été 2004 en est l'illustration parfaite ! M. Douste-Blazy avait annoncé le retour à l'équilibre vers 2005-2007. Encore une promesse non tenue ! 70% des médecins estiment que votre réforme est vouée à l'échec. Croyez-vous que ce sont tous des idiots ? Vous ne les entendez pas !

Vous persistez à vouloir démontrer que les dépenses de santé sont excessives et incontrôlables, et que les comportements des usagers et des professionnels sont irresponsables et abusifs - comme les chômeurs, que vous tenez pour responsables du chômage, prétendant qu'ils ne cherchent pas d'emploi ! D'où le renforcement de la panoplie de sanctions à l'égard des assurés sociaux prévue à l'article 57.

Tout le démontre, plutôt que de préserver notre système de santé solidaire, vous cherchez à le démanteler pour donner plus de place aux organismes complémentaires. J'en veux pour preuve - s'il était besoin -, l'article 36 qui tend à faciliter l'accès aux complémentaires mais ne se justifierait pas si la part des dépenses prises en charge par le régime obligatoire ne diminuait pas. C'est dans la même perspective de privatisation que prend sens le crédit d'impôt institué en faveur de la souscription d'une complémentaire, dispositif hautement critiquable. Tout d'abord, il est illusoire de faire croire que cette souscription permettrait d'échapper aux restrictions d'accès aux soins imposées par la réforme. Ensuite, comment un crédit d'impôt de 200 euros pour les 26-59 ans, soit le tiers ou le quart seulement du coût d'une complémentaire parmi les moins chères, suffirait-il à couvrir la part des dépenses non prises en charge par le régime obligatoire, en augmentation constante ? Enfin, ce dispositif porte atteinte au principe de solidarité qui fondait jusqu'à présent notre système de santé. Encore un financement public qui profitera au privé alors que les sommes qui y seront consacrées auraient pu servir à améliorer la couverture de base !

La Haute autorité de santé, comme nous le pressentions, a été chargée de définir le panier de soins remboursable. Elle a ainsi décidé de dérembourser plus de 150 médicaments, sans aucune transparence, ne disant mot ni de ses évaluations ni du cadre de concertation avec les partenaires sociaux et les associations de malades. Elle a prétendument évalué le service médical rendu - SMR - des spécialités et édicté des règles de bonnes pratiques et de bon usage des soins, ce qui l'autorise à fixer le montant « légitime » des dépenses remboursables par le régime de base pour une pathologie donnée sous la forme d'un tarif forfaitaire de responsabilité. En définitive, tout est fait pour que l'Etat, le directeur de l'UNCAM et les assureurs décident ensemble de ce qui sera remboursé et à quel taux.

Quand vous ne faites pas les choux gras des complémentaires, vous multipliez les sanctions à l'égard des assurés, habités que vous êtes par l'idéologie de la sanction. Vous pénalisez les patients reconnus en ALD, vous traquez les arrêts de travail prétendument injustifiés quand, d'après la CNAM elle-même, ceux-ci ne représentent que 4% à 6% du total des arrêts maladie. Le parcours de soins imposé avec le médecin traitant, d'ores et déjà rejeté par 80% de nos concitoyens, risque de l'être encore davantage lorsqu'ils se verront appliquer à compter du 1er janvier 2006 les dépassements autorisés d'honoraires s'ils ne le respectent pas. Si l'enregistrement auprès d'un médecin traitant n'est pas obligatoire en théorie, il l'est de fait pour espérer un remboursement normal. Une consultation chez un généraliste autre que le médecin traitant sera moins bien remboursée - sauf dans quelques cas exceptionnels. Le médecin traitant est désormais aussi le passage obligé pour consulter un spécialiste. Où est l'économie pour l'assurance maladie qui devra d'abord rembourser 20 euros puis la consultation chez le spécialiste ? Mais si le patient n'a pas préalablement consulté son médecin traitant, le spécialiste pourra lui demander jusqu'à 32 euros. On le voit, ces mesures, sans procurer d'économies, aboutiront à sélectionner les malades par l'argent. Les patients qui en ont les moyens continueront de consulter directement les spécialistes. Quant à ceux qui consulteront au préalable leur médecin traitant pour être adressés à un spécialiste qui leur appliquera le tarif forfaitaire de responsabilité, ils seront condamnés à attendre longtemps un rendez-vous, même en cas d'urgence. En fait, vous allez étendre à la médecine de ville le travers qui existe aujourd'hui à l'hôpital, où l'on est reçu beaucoup plus vite en consultation privée qu'en consultation publique.

En dépit de toutes ces mesures, le déficit est resté stable par rapport à l'an passé...

M. Richard Mallié - Au moins, il n'augmente plus !

M. Maxime Gremetz - ...et il n'est prévu de le ramener qu'à dix milliards d'euros en 2006. Rien n'y fait, ni les avertissements des partenaires sociaux et de l'opposition, ni la réalité des chiffres, vous vous refusez à la lucidité. La situation actuelle est pourtant des plus préoccupantes. Tout d'abord, pour ce qui est du financement de la sécurité sociale. La Cour des comptes reconnaît elle-même dans son dernier rapport que celle-ci n'est plus financée. Ayant qualifié le déficit de l'an passé d'« historique », qu'allez-vous dire cette année où, pour la première fois, toutes les branches sont déficitaires : 9,4 milliards d'euros pour l'assurance maladie, 0,4 milliard pour la branche accidents du travail-maladies professionnelles, 2,1 milliards pour la branche vieillesse, un milliard pour la branche famille, sans parler du déficit du FSV et FFIPSA ? Triste record, pour un Gouvernement si courageux dans les réformes !

Pour l'assurance maladie, nous sommes loin du retour à l'équilibre annoncé à l'horizon 2005-2007 et les perspectives demeurent sombres. Bien que vous vous refusiez à l'entendre, c'est bel et bien la crise économique qui a entraîné celle du financement de la sécurité sociale tout entière, notamment de sa branche maladie. La montée du chômage, la pression sur les salaires et les exonérations de charges patronales ont en effet largement amputé ses recettes. A l'origine ciblées sur les très bas salaires, mais s'appliquant désormais jusqu'à 1,7 SMIC, les exonérations, censées constituer un remède au chômage, si elles n'ont globalement pas créé d'emplois, ont tiré les salaires vers le bas. Cent mille chômeurs supplémentaires, ce sont cinq cents millions d'euros de recettes en moins pour l'assurance maladie, tandis qu'un point de masse salariale en plus représente environ un milliard d'euros de recettes supplémentaire ! Or, dans le projet de loi de finances pour 2006, vous allez encore plus loin en matière, pour reprendre l'expression libérale, « d'allégements de charges », ceux-ci étant totalement déconnectés de la politique de l'emploi. En effet, le taux de cotisation serait dorénavant fixé selon un barème ne tenant aucun compte des efforts de l'entreprise pour créer des emplois, ce qui est proprement scandaleux. Avec de telles dispositions, autant dire que régnera demain la plus totale opacité sur l'utilisation de ces vingt milliards d'euros d'exonérations, qui représentent tout de même presque l'équivalent du budget de la recherche et de l'enseignement supérieur. Plus aucun contrôle ne sera possible puisque l'on ne saura même plus quel aurait dû être le taux de cotisation avant allégement.

D'instrument potentiel d'une politique de l'emploi, ces exonérations sont devenues un simple outil destiné à abaisser le coût du travail ! S'ensuit inévitablement une fiscalisation croissante des recettes de la sécurité sociale. Moins de prélèvements sur les valeurs capital et travail, plus de prélèvements par le biais de l'impôt, avec au passage un cadeau supplémentaire pour toute les entreprises, sans distinction aucune ! A cela s'ajoute que si les taxes comme celles sur le tabac, les alcools ou bien encore les assurances automobiles, spécifiquement instituées pour financer l'assurance maladie, notamment les actions de prévention, lui étaient intégralement affectées, elle verrait ses recettes augmenter de six milliards d'euros par an. Aussi me dis-je qu'il y a quelque incohérence chez notre collègue Bur à proposer d'interdire totalement de fumer dans les lieux publics, ce qui réduirait inévitablement le produit de la taxe sur les tabacs, pourtant affecté comme une recette pérenne à l'assurance maladie !

M. le Président de la commission - Seul le souci de la santé publique et de l'intérêt général anime M. Bur.

M. Maxime Gremetz - Les solutions existent pour résorber le « trou » de la sécurité sociale sans amputer les droits des assurés sociaux, sans culpabiliser les professionnels de santé et sans détourner le sens des cotisations sociales patronales. Mais plutôt que de vous atteler à une réforme en profondeur du financement, vous multipliez les petites recettes. Ainsi, nous nous retrouvons avec un prélèvement sur les PEL, qui touche d'abord l'épargne populaire, ou avec un élargissement de la C3S aux entreprises publiques.

L'avenir de la sécurité sociale passe par une démarche plus cohérente consistant d'abord à examiner, déterminer, hiérarchiser les dépenses et les besoins, ensuite à trouver les financements permettant de les satisfaire. Vous connaissez notre position s'agissant des ressources de la protection sociale. La réforme du financement de la sécurité sociale devrait s'écarter des politiques de fiscalisation des ressources, aujourd'hui largement développées et dont le pendant est l'abaissement des garanties collectives. Il est grand temps de penser à moduler les cotisations perçues à partir de l'entreprise, en favorisant la création d'emplois et de richesses et en pénalisant les stratégies fondées sur la recherche de la rentabilité financière à court terme, lesquelles provoquent des dégâts sociaux qui sont à l'origine d'une bonne part de l'insuffisance des ressources de notre protection sociale.

Cette réforme des cotisations pourrait être associée à une mise à contribution des revenus financiers des grandes entreprises. Rappelons qu'après avoir empoché près de 60 milliards en 2004, celles du CAC 40 enregistrent cette année des gains estimés à plus de 75 milliards ! Un simple prélèvement de 1% au profit de l'assurance maladie aurait permis de récupérer, pour les deux dernières années, 13,5 milliards d'euros, de quoi bien combler le déficit !

Faute d'avoir le courage de prendre à bras-le-corps les difficultés de la sécurité sociale, vous faites supporter la charge du déficit au seul porte-monnaie des ménages. C'est ainsi que vous continuez de faire des économies sur les remboursements de médicaments et qu'en conséquence la prise en charge de base diminue. Selon les mutuelles, le ticket modérateur, c'est-à-dire la part restant à la charge des assurés sociaux, a augmenté de 3,1% en 2005 et augmentera encore de 4,5% en 2006 ! Au début des années 80, nous étions encore à plus de 80% de prise en charge par la couverture de base, nous sommes passés à 76,1% en 1990 et à 75,8% en 2003.

C'est en contradiction avec ce que déclarait M. Bertrand le 29 juin 2004, au moment de la réforme de l'assurance maladie : « Baisser le taux de remboursement est un non sens tant cela s'apparente à un simple transfert entre gestionnaires, un transfert de l'assurance maladie de base vers les organismes complémentaires, l'assuré étant prié de payer des cotisations toujours plus élevées ». Mais vous ne faites rien d'autre que cela avec la franchise de 18 euros ou le nouveau taux de remboursement à 15% que les mutuelles refusent d'assumer !

Cette franchise de 18 euros constitue une rupture du pacte social selon lequel les soins lourds et coûteux sont pris en charge à 100%. Ce sujet mériterait bien un débat à la télévision. Pour ma part, j'y suis prêt ! Le Gouvernement nous dit que ce sera une opération blanche pour les assurés sociaux, car les complémentaires la prendront en charge. Mais il est évident qu'elles en répercuteront le coût sur les cotisations d'adhésion.

Il faut faire des choix, c'est vrai, mais on ne peut pas dire que vous fassiez les plus justes ! D'un côté, vous faites aux ménages assujettis à l'ISF un cadeau de 250 millions d'euros, avec l'instauration d'un plafonnement à 60% ; de l'autre, vous prélevez, avec cette franchise de 18 euros, quelque 150 millions d'euros sur les assurés sociaux. C'est un choix de classe !

La politique du médicament est quant à elle pleine d'incohérence. D'abord on dérembourse certains médicaments, alors qu'ils continuent d'être prescrits ! Ensuite, on s'aperçoit que ces médicaments ont quand même un effet thérapeutique. Voyez par exemple les veinotoniques : une étude montre qu'en Italie, là ou ils ont été déremboursés, une augmentation des hospitalisations pour phlébite a été constatée. Il faut être logique : soit les médicaments sont efficaces et alors, ils sont remboursés, soit ils ne le sont pas et alors il ne faut plus les prescrire.

Autre problème : la recherche. Comment accepter que sur les 400 à 500 nouveaux médicaments introduits chaque année sur le marché français, moins de 5% correspondent à de réelles innovations ?

De ce point de vue là, le développement générique est une fausse bonne idée. Ce principe vise à faire tomber plus vite le médicament dans le domaine public pour le produire et le vendre à moindre coût - 20 à 30% de moins que le prix de la molécule princeps. Désormais, les laboratoires ne font donc que modifier à la marge cette molécule princeps pour faire durer leur brevet et leur rentabilité. C'est ce qu'ils font par exemple avec les médicaments contre l'hypertension artérielle, marché très porteur.

Or dans le même temps, certaines maladies attendent, comme les maladies neurologiques dégénératives, qui souffrent d'un manque de moyens criant.

« Les médicaments sont pour les gens, pas pour les profits », déclarait pourtant le fondateur de Merck, à la une du célèbre hebdomadaire Time en 1952. Parce que nous n'avons su garder en mémoire ce principe essentiel, il est urgent de modifier la législation relative aux médicaments, et de lancer une politique publique contractuelle avec les laboratoires. L'amendement que nous avons déposé vise ainsi à renforcer les moyens disponibles.

Je voudrais également vous conseiller la lecture des ouvrages de M. Philippe Pignarre, selon lequel l'industrie pharmaceutique a réussi une performance inégalée : celle de faire empocher à ses actionnaires les bénéfices de ses réussites, sans qu'ils paient pour ses échecs. Grâce aux assurances maladies, elle est en effet parvenue à transformer ses clients en garantie ultime de ses profits et de son avenir, quel que soit son niveau d'innovation.

Il faut donc remédier à l'inertie de la politique du médicament : les industriels n'ont par exemple rien à proposer de nouveau pour les graves pathologies du vieillissement que sont la démence, l'arthrite, l'ostéoporose et les cancers. Nous devons nous demander de quelle stratégie de recherche, de quels médicaments, de quelles priorités nous avons besoin, au moment où les biologistes craignent le retour de maladies infectieuses contre lesquelles nous ne sommes pas certains de pouvoir de lutter, et au moment où les problèmes de santé prennent une dimension mondiale. Pouvons-nous vraiment placer notre avenir entre les mains des seuls industriels ?

Telles sont les questions auxquelles nos amendements sur les médicaments tendent à répondre.

Pour aborder le douloureux problème de l'hôpital, force est de constater que tous les établissements sont aujourd'hui dans le rouge. Deux chiffres suffisent en effet à illustrer leur très mauvaise santé: en déficit global d'un milliard d'euros, 75% d'entre eux sont endettés et recourent à l'emprunt pour faire financer leurs dépenses de service public.

Il en résulte des situations extrêmes : la tendance à la sous-traitance se renforce, de même que la cabale contre les acquis sociaux des salariés ; d'autre part, l'hôpital ne parvient plus à faire face à ses missions, comme le précise une étude de la CNAM rendue publique ce mois-ci : depuis dix ans, les capacités d'accueil se sont partout réduites au profit de l'hospitalisation à temps partiel, faute de place, de moyens et de personnel.

78 000 lits d'hospitalisation complète ont ainsi été fermés ou reconvertis, tous secteurs et disciplines confondus, mais tout particulièrement en psychiatrie et médecine, chirurgie, obstétrique - MCO. Reconnaissez donc l'échec de la T2A, qui a accéléré cette faillite de l'hôpital, et suspendez-la ! Il y va de l'avenir de l'hôpital public !

On ne saurait en effet accepter que celui-ci soit sacrifié sur l'autel de la rentabilité, et que sa mission essentielle soit niée : je vous rappelle qu'à la différence des cliniques privées, l'hôpital ne sélectionne pas ses malades.

Cette même étude de la CNAM démontre en effet que les séjours lourds, et partant les cas les plus graves, représentent une part plus importante de l'activité des établissements hospitaliers que des cliniques, quelle que soit la discipline MCO considérée.

La campagne actuellement menée avec votre complicité me semble donc parfaitement scandaleuse : il paraîtrait que les établissements commerciaux sont traités en parents pauvres de notre système de santé, défavorisés par rapport à cet ogre irresponsable que serait l'hôpital public.

Tel est bien l'esprit qui imprègne l'article 30 de votre projet de loi : au nom de la convergence, vous entreprenez d'accélérer un rapprochement entre le public et le privé auquel nous sommes farouchement opposés. Oui à la complémentarité, mais non à la fusion !

J'ajouterai que les parts de marché du public diffèrent de celles du privé : si le public réalise plus de 80% de la médecine, la chirurgie est en majorité prise en charge par le secteur privé lucratif, à l'exception de la chirurgie lourde où le secteur public est majoritaire, de même que l'essentiel de l'obstétrique, et en particulier de l'obstétrique d'urgence.

Les établissements privés commerciaux traitent en outre très différemment les risques en choisissant de réaliser beaucoup plus de chirurgie « banale», même si une intervention n'est jamais facile.

Enfin, il ne faut pas ignorer le service public hospitalier, qui fait partie intégrante de l'identité même de l'hôpital public. Parler de « surcoûts » pour qualifier ces charges particulières est donc un véritable contresens : il s'agit de dépenses spécifiques liées à des missions que le secteur privé ne remplit pas.

Pensez par exemple à la continuité de l'activité : l'activité non programmée, c'est-à-dire l'accueil permanent de tous les usagers 24h sur 24h, a pour conséquence des dépenses qu'ignore le privé. L'activité de garde sur place, propre à l'hôpital public, peut ainsi représenter une charge substantielle. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

N'oublions pas non plus l'égalité d'accès, car l'hôpital a l'obligation d'accueillir et de prendre en charge tous les usagers, quelle que soit leur situation sociale, ce qui n'est pas sans incidence sur les budgets, la durée des séjours, le nombre de poly-pathologie, et les créances irrécouvrables. La FHF indique par exemple que cela représente près de 60 millions d'euros en Ile-de-France !

Par ailleurs, l'hôpital public a pour spécificité de financer sur son budget les services sociaux et les programmes d'action pour les plus démunis, de même que les pathologies psychiatriques aiguës.

S'agissant de l'enseignement et de l'innovation, même si les CHU participent à cette mission, l'enseignement destiné aux personnels paramédicaux est assuré dans de nombreux centres hospitaliers, et les écoles paramédicales restent la quasi exclusivité des hôpitaux et des établissements participant au service public hospitalier.

En matière d'innovation, certains financement ont été prévus, mais ils ne couvrent pas les différentes facettes du processus de l'innovation.

Il convient par conséquent de reconnaître la différence entre le service public hospitalier et les établissements de santé commerciaux, et de dégager des moyens budgétaires permettant aux hôpitaux d'assurer leurs missions.

Or, comme l'an passé, et malgré toutes nos alertes, vos prévisions sont insuffisantes, alors que l'urgence de la situation appelle pourtant des mesures immédiates et faciles à appliquer. Il s'agit en effet, pour l'essentiel, d'un problème de moyens budgétaires, aggravé par la mise en place de la T2A.

Je vous demande donc solennellement, Monsieur le ministre, de reconsidérer l'évolution de l'ONDAM hospitalier, que vous avez programmé à 3,44%. La FHF demande en effet, au minimum, 4,3% pour tenter de faire face à la situation explosive. Il vous incombe d'écouter ces demandes et de faire un geste. Nous vous y inviterons tout au long des débats.

Nous proposons également de supprimer la taxe sur les salaires versés par les hôpitaux ainsi que de baisser la TVA sur les travaux de restauration et d'entretien. Pareilles mesures pourraient ainsi donner une bouffée d'oxygène immédiate à nos hôpitaux, aujourd'hui étranglés par des budgets étriqués.

Je tiens enfin à évoquer les maladies professionnelles, car s'il est un élément qui justifie le rejet de votre texte, c'est bien l'indigence de vos mesures relatives à la branche accidents du travail-maladies professionnelles.

Tous les rapports et toutes les analyses confirment en effet que nous prenons un retard considérable dans la reconnaissance des maladies professionnelles, comme les troubles musculo-squelettiques, la dégradation de la santé mentale, ou encore les maladies aujourd'hui liées à l'amiante et demain aux esters de glycol.

Vous ne pourrez, Monsieur le ministre, vous soustraire à un principe fondamental : la maîtrise de la dépense publique ne doit pas être obtenue au profit d'une indemnisation médiocre des victimes.

Je voudrais ainsi réaffirmer avec force le droit à réparation des victimes de l'amiante, mais également dénoncer le développement criminel de la sous-déclaration des maladies professionnelles qui interdit toute politique volontaire et efficace de prévention des risques professionnels.

Il est inadmissible que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale laisse filer volontairement le déficit de la branche accidents du travail et maladies professionnelles sans prévoir aucune amélioration du traitement de la santé au travail. Il est d'ailleurs inconstitutionnel que cette branche soit déficitaire, la cotisation patronale devant être relevée automatiquement pour assurer l'équilibre !

Les premières auditions de notre mission d'information sont d'ailleurs très éclairantes et doivent vous inviter à réagir dès maintenant.

Les cancers liés à l'amiante pourraient ainsi causer de 50 000 à 100 000 victimes en France d'ici à 2030. Selon Marcel Goldberg de l'INSERM et de l'INVS, le nombre de cas nouveaux de mésothéliome, ou cancer de la plèvre, ne cesse d'augmenter chaque année en France, où l'on peut attendre de 30 000 à 40 000 mésothéliomes d'ici à 2030. Et 50 000 à 100 000 personnes pourraient être atteintes d'un cancer du poumon dû à l'amiante.

Il n'est que temps d'agir, et nous avons des propositions à vous faire.

Il faudrait améliorer le fonctionnement du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, afin que tous les salariés exposés puissent en bénéficier - secteurs public et privé, sous-traitance, intérim...-, recenser tous les sites industriels, bâtiments administratifs ou autres lieux professionnels où les salariés ont été en contact avec de l'amiante, et les classer en zone amiantée. Il faudrait encore donner aux magistrats concernés les moyens de rendre leurs décisions dans la transparence et dans des délais raisonnables.

Il conviendrait par ailleurs de réviser la loi Fauchon afin que les responsabilités soient clairement reconnues dans cette catastrophe humaine, et inscrire la santé au travail dans le champ de la santé publique, d'autant qu'une multitude de produits dangereux et toxiques sont manipulés sans précaution dans les entreprises.

Ces propositions répondent aux préoccupations des associations de victimes, qui ont encore massivement manifesté le 15 octobre dernier.

Quant aux maladies professionnelles et à la prévention des risques, on aurait aimé accorder du crédit au plan présenté par le Gouvernement pour 2005-2009, mais il a bien fallu le mettre en parallèle avec votre décret ramenant de 73 à 10 postes le nombre d'internes en dernière année d'internat en médecine du travail.

Vous auriez dû prendre au sérieux le rapport de M. Diricq qui évalue entre 355 et 750 millions le montant à verser par la branche ATMP à l'assurance maladie au titre des sous-déclarations sur le premier semestre 2005, alors que vous ne prévoyez que 330 millions. Voilà que vous faites maintenant des économies sur l'amiante !

Ce rapport vous renseignerait sur le coût réel pour la branche maladie de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Comment pourrait-il en être autrement quand on sait que le travail en France engendre de plus en plus de souffrances, comme en témoignent les chiffres de la sécurité sociale ? Sans parler des maladies professionnelles qui ne sont pas reconnues, et partant, pas prises en charge par la branche de la sécurité sociale spécialement créée à cet effet.

Mme la Présidente - Veuillez conclure.

M. Maxime Gremetz - Cette différence ne relève pas du détail car, contrairement à l'assurance maladie, financée par tout le monde, la commission ATMP est alimentée par les seules cotisations des employeurs ! Chaque cas de maladie d'origine professionnelle non déclaré représente ainsi une économie pour les employeurs, mais une charge indue pour la sécurité sociale.

Mme la Présidente - Votre temps de parole est dépassé.

M. Maxime Gremetz - C'est pourquoi chaque année, depuis 1996, le Parlement impose à la branche ATMP un reversement à la branche maladie au titre des maladies et accidents non déclarés. Or, vous êtes loin du compte.

Le rapport Diricq a cerné les principales raisons du phénomène de sous-déclaration. Le processus de déclaration relève en effet du « parcours du combattant » pour les salariés concernés, et la réglementation n'est pas adaptée à l'évolution des connaissances médicales.

Mme la Présidente - Monsieur Gremetz, il est vraiment temps de conclure.

Plusieurs députés UMP - En effet !

M. Maxime Gremetz - Comme vous ne parlez jamais de l'amiante, je suis bien obligé de m'attarder sur le sujet !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances - Vous devriez être plus respectueux du Règlement.

Mme la Présidente - Je vous ai déjà laissé dix minutes supplémentaires, veuillez à présent conclure, sinon je coupe le micro.

M. Maxime Gremetz - C'est vous qui avez présidé chaque fois que j'ai défendu une motion de procédure, et systématiquement vous m'avez interrompu !

Pour conclure, ce projet ne répond en rien aux préoccupations du moment. Vous poursuivez l'étatisation de la sécurité sociale dans la maîtrise du financement, et franchissez une étape supplémentaire dans la privatisation de l'assurance maladie, en ne cessant de réduire le périmètre de prise en charge par le régime obligatoire au profit du privé.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d'adopter cette question préalable, car il n'y a vraiment pas lieu de débattre de ce très mauvais texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président de la commission - Je salue le début de votre intervention, Monsieur Gremetz, et votre bref rappel historique - 1945, le Conseil national de la résistance, Ambroise Croizat, Pierre Laroque et le général de Gaulle.

En revanche, malgré les leçons de Mme Fraysse, vous ne vous êtes guère amélioré sur les questions médicales, comme en témoigne votre critique de la Haute autorité de santé dont l'efficacité n'est plus à démontrer. Elle représente une chance unique de définir de manière purement scientifique ce qui est ou non utile.

Ce PLFSS s'inscrit dans la logique de la loi portant réforme de l'assurance maladie de l'an dernier, qui était véritablement la loi de la dernière chance, ainsi que le montrent vos interventions. Nous sommes sur une ligne de crête étroite, avec d'un côté le précipice de la privatisation, et de l'autre le marais de l'étatisation.

Mme Jacqueline Fraysse - Il avoue !

M. le Président de la commission - Cela étant, la privatisation ne présente pas que des inconvénients, et le modèle américain n'est pas aussi mauvais qu'on le proclame, notamment sur le plan de la gestion. Toutefois, les patients ne sont pas aussi bien soignés qu'on le dit, il n'y a pas vraiment d'égalité d'accès aux soins et le nombre des exclus est élevé. En tout cas, les assurances et les mutuelles sont prêtes, et leur gestion ne sera peut-être pas aussi mauvaise que cela, mais les patients paieront plus, ce qui n'est pas à négliger. Les hôpitaux privés se développeront, c'est vrai, et les hôpitaux publics en seront sans doute réduits à jouer le rôle d'hospices, après 40 ans de bons et magnifiques services.

Et de l'autre côté, nous avons l'étatisation, avec la qualité de gestion de l'administration française et sa capacité bien connue à s'autoréformer. (Sourires) Nous verrons les conséquences pour la médecine et pour les patients. S'agissant de la médecine de ville, le modèle britannique n'est peut-être pas si mauvais mais il en va tout autrement de l'hôpital.

Finalement, nous avons beaucoup de chances d'avoir un modèle tel que le nôtre, et nous devons tout faire pour que cette réforme de la dernière chance aboutisse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Si les déficits avaient augmenté avant la réforme de 2004, c'est qu'on avait laissé croître les dépenses d'assurance maladie de 5 à 7% par an, sans vérifier que chaque euro dépensé était réellement utile à la santé. Il a fallu corriger la situation avec la loi du 13 août 2004, que nous continuons à appliquer dans le cadre de ce PLFSS.

Je ne peux pas, Monsieur Gremetz, vous laisser parler de démantèlement de notre assurance maladie alors que depuis plus de dix ans, la part de l'assurance maladie dans la prise en charge des dépenses de soins ne cesse d'augmenter, du fait du vieillissement de la population, qui entraîne une augmentation du nombre de personnes atteintes d'une affection de longue durée prise en charge à 100%. Cette part atteint aujourd'hui 76,7%, et nous voulons que l'assurance maladie continue à jouer pleinement son rôle pour assurer l'égal accès aux soins.

S'agissant du financement de la sécurité sociale, vous proposez toujours le même type de solution, consistant à aggraver les prélèvements obligatoires et de ce fait à pénaliser la croissance et l'emploi, qui permettent pourtant d'augmenter les rentrées de cotisations... Pour notre part, nous préférons à l'augmentation des prélèvements une maîtrise médicalisée des dépenses de santé et une lutte contre les gaspillages, les abus et les fraudes. Les dépenses d'assurance maladie n'ont augmenté que de 2,2% cette année. Nous cherchons à faire évoluer les comportements et à responsabiliser tant les assurés - 32 millions d'entre eux ont déjà choisi leur médecin traitant - que les prescripteurs.

Enfin, j'ai été surpris que vous contestiez même les mesures facilitant l'acquisition d'une mutuelle par les personnes au revenu modeste qui ne bénéficient pas de la CMU, alors qu'elles sont attendues par des centaines de milliers de Français.

Mme Jacqueline Fraysse - C'est la prise en charge par le régime obligatoire de base qu'il faut améliorer !

M. le ministre délégué - Ne pas adopter ce texte, ce serait aussi se priver d'une augmentation de 14% des ressources affectées aux établissements médicosociaux pour personnes âgées, d'une augmentation 6,16% de celles qui sont affectées aux établissements pour personnes handicapées ; ce serait refuser de mettre en œuvre le plan de création de places de crèche. Pour l'ensemble de ces raisons, je recommande à l'Assemblée de repousser cette question préalable.

M. Philippe Vitel - Monsieur Gremetz, c'est toujours un grand plaisir pour nous de vous écouter... Ce soir encore, nous avons eu tout loisir de constater que vous maniez toujours avec beaucoup de talent la caricature et les contrevérités. Ce qui vous embête beaucoup, c'est que nous obtenions des résultats conformes à nos prévisions, et surtout que nous ayons l'adhésion des Français (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) pour une réforme qui était ô combien nécessaire mais que vous n'avez pas eu le courage de réaliser avec vos ex-amis de feu la gauche plurielle, dans un contexte qui était pourtant beaucoup plus favorable que celui que nous avons connu depuis 2002.

N'ayant comme d'habitude aucune proposition à faire, vous plongez avec délectation dans une dialectique caricaturale qui peut vous rendre bien sympathique, mais qui n'améliore ni votre crédibilité, ni l'image du politique auprès de nos concitoyens. Ceux-ci attendent de leurs élus un propos beaucoup moins fantaisiste. A cet égard, le parallèle que vous venez de faire entre hospitalisations publique et privée est symbolique de vos mystifications.

J'ai donc le regret de vous dire que vous ne nous avez pas convaincus et que nous ne voterons pas cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - On peut trouver des raisons de voter cette question préalable non seulement dans tout ce qu'a dit M. Gremetz, mais aussi dans les propos du ministre... Faire l'apologie de la sécurité sociale à propos d'un texte qui, les 18 euros mis à part, est vide de toute mesure, et tout en nous expliquant que l'assurance maladie obligatoire doit être doublée d'une assurance privée, il faut oser ! Faire la leçon sur l'augmentation des prélèvements quand on appartient à un gouvernement qui vient de transférer 60 milliards de dettes sur les générations à venir, il faut oser ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) Que ne faites-vous des prélèvements plutôt que de transférer les dettes ? Vous avez trouvé au débotté 2 milliards à prélever sur l'industrie du médicament : pourquoi avoir attendu quatre ans ?

De nombreuses voix UMP - Et vous ?

M. Jean-Marie Le Guen - Nous l'avions fait, et vous l'avez défait ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Vraiment, nous ne pouvons que voter cette question préalable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel - Maxime Gremetz vient de défendre longuement une question préalable à laquelle il ne croit sans doute pas lui-même puisqu'il nous a expliqué tout au long de son intervention qu'il fallait modifier ce projet - ce qui suppose d'en débattre.

Souvenons-nous : avant 1995, le Parlement ne pouvait pas se prononcer sur les dépenses sociales du pays. Depuis 1995, il le fait, certes dans des conditions très insatisfaisantes, notamment du fait de l'autocastration des parlementaires. La loi organique est théoriquement un progrès, mais elle reste insatisfaisante ; les prévisions de recettes sont très optimistes et personne ne croit à la possibilité d'un équilibre ; les dépenses sont également sous-estimées.

Quant à la dimension pluriannuelle, les économistes eux-mêmes ont du mal à prévoir pour l'année en cours : je suis prêt à parier que des prévisions de recettes et de dépenses sur quatre ans ne seront pas tenues. Nous avons déposé des amendements pour améliorer ce texte ; M. le ministre s'est dit à l'écoute du Parlement. Nous verrons si nos propositions sont prises en considération.

Vous avez dit, Monsieur le président Dubernard, qu'il fallait rester sur la ligne de crête et ne pas tomber du côté de l'étatisation. Mais la réforme de l'année dernière a réalisé une étatisation quasi complète du système de santé ! Il n'y a plus aujourd'hui aucun contrôle démocratique sur la CNAM, et cela nous inquiète. Vous avez dit que cette réforme était « la der des ders » : je n'en crois rien. Le système est évolutif, et nous devrons à nouveau le réformer.

Mme Muguette Jacquaint - Vous avez dit, Monsieur le ministre, que le Gouvernement pariait sur la croissance et l'emploi. Et un collègue de la majorité s'est targué de parler le langage de la vérité. De ce point de vue, pourtant, qui peut prétendre aujourd'hui qu'en France la croissance et l'emploi sont au rendez-vous ? Cela se saurait ! Vous vous êtes également dit hostile aux prélèvements obligatoires. S'il s'agit des cotisations, peut-être ; mais comment appelez-vous tout ce que les familles vont devoir sortir de leur poche, qu'il s'agisse des 18 euros sur les soins lourds, des déremboursements, de la hausse du forfait hospitalier, ou de l'euro pris sur chaque feuille de maladie ? Appelez-les comme vous voulez : pour moi ce sont des prélèvements.

Vous annoncez que les dix-huit euros seront pris en charge par les mutuelles. Mais celles-ci n'ont pas caché que le coût en sera répercuté sur les assurés. Vous voulez un langage de vérité, mais pas cette vérité-là ; et quand d'autres la disent pour vous, cela vous gêne... Pour toutes ces raisons nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Alain Claeys - La sécurité sociale est à un tournant. Jamais ses finances n'ont été si dégradées, au point de mettre en cause la pérennité même de notre protection sociale. Les Français demandent légitimement à bénéficier de soins de qualité sur tout le territoire. L'égal accès aux soins est un droit, le fondement essentiel de notre pacte social. Notre société doit relever le défi. Ce qui pose la question du niveau de dépense qu'elle entend consacrer à la santé de chacun.

Dans le respect des principes de 1945, nous devons poursuivre trois objectifs : l'accès pour chacun à des soins de qualité, un haut niveau de prise en charge des dépenses de santé, un financement pérenne et solidaire. Depuis soixante ans l'assurance maladie a beaucoup contribué au développement de l'accès aux soins. L'état de santé des Français s'est globalement amélioré. Les progrès spectaculaires de la médecine n'auraient pas eu cet effet si l'amélioration de l'offre ne s'était pas adossée à un haut niveau de remboursement par la collectivité. Ces trois objectifs sont donc indissociables.

La loi sur l'assurance maladie leur a tourné le dos ! Les inégalités dans l'accès aux soins n'ont jamais été si grandes. La participation financière demandée à chacun va croissant. Des zones entières de notre territoire sont des déserts médicaux. Les tensions entre l'hôpital public et la médecine de ville sont source de désordre. Les professionnels de santé se sentent souvent seuls face à des difficultés non seulement sanitaires, mais aussi sociales. Notre système de santé est en crise.

Vous avez qualifié la loi sur l'assurance maladie de « loi de la dernière chance », Monsieur le ministre. En réalité elle ne fait que concrétiser la politique de fuite en avant menée depuis juin 2002. Le dispositif du médecin traitant et du parcours de soins était une bonne idée : vous l'avez dévoyée, en faisant une source de complexité et d'incompréhension pour les assurés, et une occasion de dépassement d'honoraires pour quelques-uns. Les inégalités dans l'accès aux soins, qui ont déjà atteint un niveau sans précédent, seront encore aggravées par ce PLFSS pour 2006. Il nous conduit, d'un système où chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins, vers un autre où quelques-uns auront un plein accès aux soins, cependant que la grande majorité ne jouira que d'une protection minimale.

La participation de 18 euros demandée sur les actes médicaux dépassant 91 euros en est le triste symbole. Vous n'avez pas osé présenter cette mesure en septembre à la Commission des comptes de la sécurité sociale... Un malade, Monsieur le ministre, ne choisit pas de l'être et n'est pas responsable de son traitement. Pourquoi le pénaliser, comme si un acte médical lourd relevait de la médecine de confort ? C'est que la logique infernale de la privatisation est en marche. L'effort demandé à chacun s'accroît dans une mesure sans précédent. S'agit-il avec cette mesure de combler le déficit ? Allons donc : vous n'en attendez que 100 millions d'euros...

II s'agit de tout autre chose. Comment imaginer que cette participation sera prise en charge par les mutuelles sans que les assurés sociaux en fassent les frais ? Comment croire que les mutuelles pourront toujours faire face aux déremboursements du régime général ? Que se passera-t-il pour les Français qui n'ont pas de mutuelle ? En fait, vous voulez rendre irréversible le passage d'un système de protection sociale à un système d'assurance individuelle. Vous ne tenez pas compte des aspirations des Français. Pire : au vu de la situation financière catastrophique de la sécurité sociale, je conclus que votre seul objectif est bien la privatisation du système.

Vous avez également renoncé à donner à l'hôpital, en particulier public, la place qu'il mérite dans notre système. Il était déjà le grand absent de la réforme de l'assurance maladie. Et aucune réforme n'en est proposée dans ce projet de loi de financement, alors que l'hôpital devrait être le premier acteur d'une politique de solidarité. La convergence entre public et privé ne résoudra pas les problèmes de l'hôpital public. La communauté hospitalière publique est résolue à poursuivre l'amélioration de la gestion et les réformes structurelles : encore faut-il que les pouvoirs publics cessent d'aggraver ses difficultés ! La tarification à l'activité est encore une bonne idée que vous avez dévoyée. Ses modalités d'application doivent être rediscutées. Elle ne doit pas conduire à l'unification des tarifs entre public et privé : leur convergence est irréaliste, et même dangereuse, compte tenu des missions de service public de l'hôpital, que doit financer une enveloppe spécifique. Ainsi pourrons-nous tenir compte à la fois des contraintes techniques et des aspirations de nos concitoyens.

Le développement des missions de service public et l'exigence de proximité doivent guider toute action concernant l'hôpital. La communauté hospitalière y est prête, et s'engage résolument dans cette voie. Il est regrettable - pour ne pas dire plus - que ses efforts soient anéantis par une situation financière intenable à court terme, qui entraîne des reports de charges d'un montant sans précédent. Les dotations ne permettent même pas de maintenir le même niveau d'activité d'un an sur l'autre...

Mais la crise de l'hôpital n'est que le reflet de celle de la société. En matière de santé, il apparaît comme le dernier recours vers lequel se tournent les Français. Prenez garde de ne pas casser cet outil indispensable de cohésion sociale, et de ne pas décourager la communauté hospitalière qui œuvre chaque jour au service de tous !

Tous ces renoncements, en matière d'accès aux soins comme sur l'hôpital, ne sont pas le fruit du hasard. Ils interviennent sur fond de crise financière sans précédent de notre protection sociale. Tous régimes confondus, vos déficits cumulés dépassent 40 milliards en quatre ans ! Triste record. Depuis juin 2002 vous menez notre système vers une impasse : recul de l'accès aux soins, politique conventionnelle, clientéliste, mécontentement des professionnels de santé - hormis les spécialistes -, abandon de l'aide aux personnes âgées, politique économique qui tarit les recettes, déficits abyssaux...

La politique des gouvernements qui se sont succédé depuis juin 2002 est responsable de cette situation. Vous avez choisi de mettre en faillite notre système de protection sociale, pour mieux le démanteler. Vous transférez le poids des dépenses publiques de santé vers des financements individuels. Mais vous n'assumez pas cette logique, et préférez dire que sans cette réforme, ce serait encore pire !

Ce ne sont pas les déficits qui baissent, Monsieur le ministre, mais les prélèvements et les déremboursements qui augmentent. Les Français, qui en font les frais, le savent et ils craignent que ce mouvement vers un système à deux vitesses ne soit irréversible. Comme eux, je redoute la spirale infernale du déficit, qui accroît toujours plus les inégalités d'accès aux soins, et qui conduira à la mort de la sécurité sociale et des principes de solidarité.

La réforme de 2004 est un échec : le déficit perdure, l'accès aux soins devient plus difficile. A vos yeux, elle est certainement une réussite, puisqu'elle précipite la fin du système : c'est une raison suffisante de voter contre votre projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel - Nous sommes appelés à nous prononcer sur la somme considérable de 373,7 milliards d'euros. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est très attendu car il définit la politique sociale du Gouvernement - en matière de santé, de retraites et de politique familiale - et fixe les moyens de son financement. Cependant, cette discussion, venant après la réforme des retraites de 2003, après celle de l'assurance maladie en 2004 et après la loi organique de juillet 2005, nous oblige à nous interroger : aujourd'hui, notre protection sociale est-elle sauvée ? Allons-nous vers l'équilibre financier promis ?

Le déficit de 2004 était historique : 11,9 milliards d'euros. Mais le déficit prévisionnel pour 2005 est identique : l'histoire se répète ! PiS encore : les quatre branches sont déficitaires. S'y ajoutent les deux milliards de déficit du FSV, et le 1,7 milliard de déficit du FFIPSA : cela fait 15,6 milliards.

Déficit considérable ! Et c'est sans compter celui de l'UNEDIC, qui porte le total à 19 milliards d'euros !

Philippe Seguin a raison d'être triste : la protection sociale n'est plus financée.

Au lieu, Monsieur le ministre, de vous étendre sur ces chiffres globaux, vous vous repliez prudemment sur ceux de l'assurance maladie, dont vous avez réduit le déficit de trois milliards - soit 9,4 milliards pour les branches des régimes obligatoires de base.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l'équilibre général - C'est vrai !

M. Jean-Luc Préel - Comment y êtes-vous parvenu ? Grâce à des recettes nouvelles...

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Et tendancielles !

M. Jean-Luc Préel - ...de 4,6 milliards. Réduire dans ces conditions le déficit de 3 milliards, l'exploit n'est pas considérable ! Et si, en commission, vous avez contesté ces chiffres que la presse n'a d'ailleurs pas repris, la commission des comptes de la sécurité sociale les a confirmés..

Comment comptez-vous, Monsieur le ministre, financer ce déficit supplémentaire ? Dans la perspective - qui s'éloigne - de l'équilibre pour 2007, vous avez transféré à la CADES le déficit cumulé des années 2002-2004 et le déficit prévisionnel de 2005-2006. Le report sur les générations futures est moralement inacceptable pour tous. Qu'envisagez-vous ?

Cette loi de financement nous paraît peu réaliste et même insincère. Les recettes sont surestimées, car vous prévoyez une croissance en augmentation de 2,25%, alors que tous les experts...

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Les experts de l'UDF ?

M. Jean-Luc Préel - ...prévoient 1,5%. L'heure du bilan sera cruelle !

D'autre part, vous basculez dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 19 milliards d'exonérations de cotisations sociales, financées par des taxes variées. On se croirait revenu au FOREC !

Le financement sera-t-il pérenne ? Pourquoi certaines exonérations - notamment celles qui concernent les contrats d'avenir - ne sont-elles pas financées cette année ? J'espère qu'elles le seront à l'avenir.

Les dépenses, elles, sont sous-estimées. L'ONDAM, qui n'est hélas pas encore médicalisé, est fixé au pifomètre par Bercy et n'est pas crédible.

Vous compromettez l'exercice des missions assignées à l'assurance maladie - solidarité nationale et égalité d'accès à des soins de qualité - en ne cessant de faire bouger les curseurs, en particulier en ajoutant à ces missions les missions régaliennes de l'Etat en matière de santé publique : lutte contre la grippe aviaire, Biotox, prévention de la toxicomanie.

Le secteur hospitalier traverse une triple crise : morale, organisationnelle et financière. Les trois quarts des établissements sont en déficit et recourent aux reports de charges, pour 400 millions d'euros en 2004, pour 700 en 2005.

M. le Ministre - C'est faux !

M. Jean-Luc Préel - La T2A, très attendue, devait rompre avec le budget global. Mais jamais les budgets n'ont été aussi complexes, technocratiques et tardifs qu'en 2005. Le système s'apparente aux lettres clés flottantes : quand l'activité augmente, le taux diminue. La belle affaire ! Le taux de T2A sera-t-il maintenu à 25% en 2006, ou ira-t-il au-delà ? Vous proposez une augmentation de 3,43% bien éloignée des 4,4% que recommande la Fédération hospitalière... Mais vous demandez une économie sur les achats de 400 millions. Je connais un ARH qui, pour la garantir, la déduit de la dotation globale !

Le conseil d'administration n'a presque plus de pouvoir, et son président n'est même plus mentionné dans le décret sur les conférences sanitaires.

L'UDF plaide pour une véritable autonomie des établissements et de leurs conseils, seule manière de les responsabiliser et de les aider à s'adapter aux besoins.

L'importance croissante de l'hospitalisation privée, où la T2A s'applique à 100%, justifierait le maintien de la convergence - honoraires des professionnels et MIGAC compris - à 50% en 2008 pour permettre une harmonisation vers le haut et une meilleure rémunération des personnels.

L'augmentation de 0,9% que vous proposez pour l'ambulatoire est-elle tenable ? L'inflexion constatée en 2005 durera-t-elle ? Certes, des gains sont encore possibles, mais encore faudrait-il que chacun soit associé aux décisions.

L'UDF a critiqué la réforme de l'assurance maladie, qu'on a présentée comme la « der des ders », ainsi que la convention de février 2005 qui n'associait pas les autres professions de santé, ni les assurances complémentaires, car elle conduisait à un système à deux vitesses : d'un côté, ceux qui pouvaient s'offrir un accès direct au spécialiste et payer une cotisation plus élevée à une complémentaire ; de l'autre, ceux qui ne le pouvaient pas.

Nous avons donc adressé un questionnaire aux médecins et reçu 14 000 réponses, souvent assorties de commentaires très instructifs : 57% d'entre eux pensent que le parcours de soin guidé par le médecin traitant ne sera pas applicable, 65% qu'il ne permettra pas de maîtriser les dépenses de santé, 64% que la coordination ville-hôpital est insuffisante, 58% que la réforme conduit à une médecine à deux vitesses, 14% seulement qu'il s'agit d'une bonne réforme contre 28% qui la considèrent comme mauvaise et 51% qui n'y voient qu'un plan de plus.

M. le Ministre - Des critères précis...

M. Jean-Luc Préel - Je reste dubitatif quand vous décrivez cette réforme comme un succès sous prétexte que 32 millions de Français ont renvoyé leur questionnaire ! Les professionnels de santé engagés dans la convention attendent une augmentation d'honoraires, même si 600 seulement des 998 millions d'économies ont été réalisés. Les infirmières et kinésithérapeutes également attendent une revalorisation de leurs actes et des indemnités de déplacement, qu'il faut par ailleurs harmoniser vers le haut, car les indemnités sont différentes selon les professions.

J'ai fait adopter en commission un amendement en ce sens, car la demande est d'autant plus urgente que les prix du carburant augmentent.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Ah, voilà !

M. Jean-Luc Préel - Si l'augmentation de 3,2% prévue pour l'ONDAM des honoraires peut autoriser quelques améliorations, comment croire que les prescriptions diminueront de 3,3% ? Il est vrai que vous demandez de gros efforts à l'industrie pharmaceutique. Alors que vous vous étiez engagé dans une politique contractuelle assortie de prévisions pluriannuelles, vous la taxez brutalement de 2 milliards supplémentaires par le biais de dispositions non négociées - concernant le TFR, le générique, les prix, les déremboursements, les taxes... Est-ce ainsi que vous comptez maintenir des relations de confiance ?

Cerise sur le gâteau, les pharmaciens d'officine menacent !

Après l'euro prélevé à chaque consultation et le relèvement d'un euro du forfait hospitalier, vous nous proposez une franchise de 18 euros pour tous les actes en ville et à l'hôpital dépassant 91 euros - l'ancien K50, qui était jusqu'ici pris en charge à 100%. Il s'agit d'une mesure purement comptable qui ne tient aucun compte des impératifs de santé publique. Pourquoi le patient qui doit effectuer périodiquement une coloscopie de dépistage du cancer du côlon, notamment dans le cas de polypose familiale, examen aujourd'hui pris en charge à 100%, devrait-il demain s'acquitter de 18 euros ? Tout simplement, pour permettre au bout du compte à l'assurance maladie d'économiser 100 millions, la charge étant reportée sur les assurés ou sur les complémentaires. L'UDF est hostile à cette mesure qui s'ajoute aux déremboursements de médicaments, à l'autorisation d'un dépassement d'honoraires de sept euros pour les spécialistes du secteur 1, aux moindres remboursements des consultations et autres problèmes, bien connus, du secteur 2.

Bien d'autres points mériteraient d'être ici évoqués, comme l'absence d'un sous-objectif en matière de prévention et d'éducation à la santé, comme la séparation, pourtant si décriée, entre la médecine de ville et l'hôpital ou bien encore entre les secteurs sanitaire et médico-social, sans parler des contrats dits responsables, de la mise en place du dossier médical personnel, des ARS expérimentales, de la permanence des soins, de la démographie médicale...

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Quel catalogue !

M. Jean-Luc Préel - Mais, cher collègue, la santé, c'est tout cela aussi. Or, vous n'en parlez pas.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Si.

M. Jean-Luc Préel - S'agissant de la branche famille, nous nous félicitons bien sûr de l'institution de l'allocation de libre choix tout en regrettant que le dispositif ne soit entré en vigueur qu'en juillet, et nous dénonçons, de nouveau, le hold-up réalisé sur cette banche au profit de la branche vieillesse pour financer 60% de la majoration de pension pour enfants. Notre collègue Pierre-Christophe Baguet aura l'occasion de revenir sur ces sujets.

Ce texte comporte en revanche fort peu de dispositions en matière de retraites. Les pensions seront revalorisés de 1,8% en 2006, avez-vous annoncé, Monsieur le ministre. Or, l'inflation devrait atteindre 2,2% sur douze mois. Que comptez-vous donc faire ? Pour le reste, on continue d'adosser les régimes spéciaux au régime général par le biais de soultes. Après EDF l'an passé, c'est le tour cette année de La Poste, de la RATP et de la Banque de France. A quand celui de la SNCF ? Cette façon de procéder permet à l'Etat de réduire sa dette, en faisant supporter au contribuable ou à l'usager le coût des avantages de ces régimes. Dans un souci d'équité, l'UDF avait demandé leur extinction progressive et le passage à une retraite par points permettant de choisir librement le moment de son départ en retraite.

En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale innove incontestablement avec, pour la première fois, les quatre banches en déficit. Les conseils d'administration de toutes les caisses y ont donné un avis défavorable.

M. Gérard Bapt - Eh oui !

M. Jean-Luc Préel - Ce projet est insincère, les recettes étant volontairement surestimées et les dépenses sous-estimées. Il entérine la séparation, particulièrement regrettable, entre la médecine de ville et l'hôpital, ou bien encore entre les secteurs sanitaire et médicosocial. Il comporte de nouveaux déremboursements et instaure une franchise de 18 euros qui contrevient au principe fondamental de solidarité et conduira à une médecine à deux vitesses, que l'UDF ne souhaite pas cautionner !

Mme Jacqueline Fraysse - « Le déficit courant atteint en 2004 est le plus élevé jamais constaté dans l'histoire de la sécurité sociale : 13,2 milliards d'euros de déficit global, dont 12,3 pour la branche maladie... Pour la première fois, depuis longtemps, toutes les branches du régime général sont déficitaires, y compris la branche famille et la branche retraite, encore excédentaires en 2003. » Tels sont les propos extrêmement sévères tenus par Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, lors de son audition par la commission le 14 septembre dernier. Un an et demi après la réforme de l'assurance maladie, force est de constater que l'objectif d'un retour à l'équilibre en 2007, fixé par le Président Chirac et repris par M. Douste-Blazy ici en juin 2004, peut rejoindre le lot des promesses non tenues.

C'est à coups de déremboursements et de franchises laissées à la charge des malades - que vous n'hésitez ni à culpabiliser ni à pénaliser, non plus d'ailleurs que les praticiens -, que vous prétendez ramener le déficit - excusez du peu ! - à 8,3 milliards d'euros en 2005, tandis que le déficit des autres branches explose - il se creuse de 414% pour la branche famille, de 500% pour la branche accidents du travail-maladies professionnelles, de 950% pour la branche vieillesse -, confirmant ce que nous ne cessons de répéter depuis des années : les comptes de la sécurité sociale ne sauraient s'améliorer tant que l'on se cantonne à une maîtrise comptable des dépenses et que l'on se refuse à dégager de nouveaux financements, dynamiques et pérennes. Bien que nous ne soyons pas les seuls à le réclamer, tant s'en faut, vous continuez de repousser aux calendes grecques le débat, indispensable, sur l'élargissement de l'assiette de financement de la protection sociale, négligeant le fait que le vieillissement de notre population comme la persistance d'inégalités intolérables en matière de santé exigent que nous y consacrions toujours davantage. Et, refusant ce débat, vous en êtes réduits à user et abuser de vieilles recettes, de plus en plus contestées, y compris sur vos bancs.

Vous envisagez tout d'abord deux milliards d'euros supplémentaires d'exonérations de cotisations patronales. Nombre de députés de la majorité s'interrogent pourtant sur l'efficacité de ce remède prétendument miraculeux contre le chômage, prescrit dès 1971 et à plus grande échelle, avec constance, depuis 1993. Grâce aux allégements dits Fillon, le taux des cotisations patronales de sécurité sociale, normalement de 30% au niveau du SMIC, tombe à 4%. Pierre Méhaignerie, non sans une certaine gravité teintée d'ironie, faisait observer en commission le 12 octobre dernier qu'il n'était toutefois pas certain que les employeurs s'en soient rendu compte. Le Gouvernement est décidément de plus en plus seul à louer les bienfaits de ces exonérations...

Au prétexte de responsabiliser davantage les acteurs, vous réduisez encore le périmètre des dépenses remboursables par le régime obligatoire. S'abritant derrière les décisions de la Haute autorité de santé, laquelle ne représente qu'elle-même, le Gouvernement annonce qu'au 1er mars prochain, 156 médicaments ne seront plus du tout remboursés et 62 veinotoniques ne le seront plus qu'à 15%, et encore jusqu'en 2008.

Bien qu'en parfaite continuité avec vos orientations antérieures, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 marque une rupture fondamentale. Depuis la création de la Sécurité sociale, au-delà d'un certain montant, les actes étaient pris en charge à 100% par le régime obligatoire. Ce ne sera plus le cas puisque une franchise de 18 euros est désormais prévue au-delà de 91 euros. Se trouve ainsi entériné le principe d'une co-intervention des régimes obligatoire et complémentaire, indépendamment de la nature du risque. Curieuse façon décidément de célébrer le soixantième anniversaire de la Sécurité sociale ! Sachant que l'économie attendue est dérisoire, - 100 millions -, cette mesure est essentiellement destinée à ouvrir une brèche, dans le double processus d'étatisation-privatisation actuellement à l'œuvre. Prise dans le secret des cabinets ministériels, sans aucune concertation, elle ne pouvait mieux disqualifier la nouvelle gouvernance que le Gouvernement appelait pourtant de ses vœux ni accélérer davantage la marche vers la privatisation. Tout comme le montant du forfait hospitalier a quintuplé en vingt ans, nul doute que cette franchise sera régulièrement augmentée - un décret y suffira d'ailleurs.

Beaucoup voient dans toutes ces décisions la preuve de l'échec du plan Douste-Blazy. Pour notre part, convaincus que le parcours de soin coordonné, le tarification à l'activité, les déremboursements pour SMR insuffisant..., loin de faire diminuer les dépenses, risquent au contraire d'avoir un effet inflationniste, nous affirmons que votre objectif n'a jamais été de maîtriser la dépense totale, mais seulement de réduire la part prise en charge par le régime de base, dont le financement repose sur la solidarité. L'aide à la souscription d'une complémentaire prend d'ailleurs tout son sens dans cette perspective. Vous institutionnalisez une aide publique aux acteurs privés alors que, si vous souhaitiez démocratiser l'accès aux soins et défendre une assurance maladie solidaire comme vous prétendez sans vergogne le faire, vous relèveriez le niveau de remboursement du régime de base, aujourd'hui l'un des plus bas d'Europe.

La couverture des aléas de la vie ne saurait être fonction des ressources de chacun. Contrairement à Margaret Thatcher qui déclarait en septembre 1987 : « Il n'y a pas de société ; il n'y a que des individus et leurs familles. », nous restons convaincus de la validité du principe fondateur de notre sécurité sociale, « De chacun selon ses facultés, à chacun selon ses besoins », et considérons qu'il n'y a pas d'épanouissement individuel possible sans solidarité sociale. Voilà sans doute ce qui nous sépare.

Quelles sont donc, une nouvelle fois, nos propositions pour préserver et développer notre sécurité sociale ? Il faudrait, d'une part, en démocratiser la gestion en rétablissant l'élection de représentants des salariés aux conseils d'administration des caisses et en ouvrant ceux-ci aux associations de malades ; d'autre part, lui trouver de nouvelles recettes en élargissant l'assiette des cotisations et en réformant leur mode de calcul pour en finir avec les cadeaux dispendieux faits aux entreprises sans aucune contrepartie en matière ni d'emplois, ni de salaires ni de formation.

Vous l'aurez compris, les députés communistes et républicains n'attendent pas grand-chose de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, tout au plus l'ouverture d'un débat sur ces propositions. En l'état actuel des choses, ils voteront bien sûr contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Philippe Vitel - Nous pouvons et nous devons nous féliciter de la nette diminution du déficit de l'assurance maladie, diminution où nous voyons les premiers effets de la réforme du 13 août 2004, d'autant qu'elle est acquise à un moment où la croissance n'est pas au niveau escompté. Dans ce contexte difficile, le passage d'un déficit de 11,6 milliards d'euros en 2004 à un déficit de 8,3 milliards en 2005 est un très bon résultat, qui permet d'envisager un niveau de 6,1 milliards pour 2006. Sans cette réforme, le déficit pour 2005 aurait pu atteindre 16, 5 milliards.

Ces résultats ont été obtenus en dépit du ralentissement de la croissance de la masse salariale en 2005. Ils marquent donc bel et bien une rupture avec la tendance au creusement du déficit qui affectait la branche maladie jusqu'en 2004.

L'exercice 2005 se caractérise par un net infléchissement de l'évolution des dépenses de ville. Pour la première fois, l'objectif de dépenses est respecté et le résultat dépasse même les prévisions les plus optimistes. Alors que les dépenses de soins de ville progressaient jusqu'en 2003 sur un rythme de 6 à 7%, leur croissance n'est que de 1,9% pour les huit premiers mois de l'année 2005 par rapport à la même période de 2004.

Et cette tendance favorable devrait se poursuivre grâce à la déclinaison prochaine de plusieurs mesures de la réforme de l'assurance maladie. Il y aura ainsi une forte incitation au respect du parcours de soins avec la mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2006, des contrats responsables entre organismes complémentaires et patients et la majoration de participation pour les patients ne passant pas par le médecin traitant. D'autres économies notables sont à attendre de l'introduction d'un meilleur contrôle des remboursements des nouveaux patients atteints d'une affection de longue durée. A partir de novembre 2005, ces patients devront établir avec leur médecin traitant un nouveau formulaire de prise en charge, qui précisera les soins et prestations nécessaires au traitement de la maladie. Cette mesure devrait dégager 455 millions d'euros d'économies dès 2005.

L'ONDAM 2006 est tout à la fois rigoureux et réaliste, puisqu'il progresse à périmètre constant - compte tenu de la réduction du déficit prévue en 2006 - de 2,7%. Il serait bon qu'il prenne en compte les écarts de rémunération entre personnels du secteur hospitalier public et du secteur hospitalier privé. L'augmentation des recettes et la poursuite des réformes structurelles permettront, j'en suis sûr, d'aboutir à ce résultat.

S'agissant de l'ONDAM médico-social, le PLFSS s'adapte aux mutations démographiques en cours. Il est ainsi proposé d'augmenter de 13,4% les dépenses au bénéfice des personnes âgées dépendantes. Le rythme de création de places en institutions est doublé par rapport à ce qui était prévu dans le plan « vieillissement et solidarité » lancé en 2003. En deux ans, 20 000 places auront été ouvertes dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, ainsi que 17 000 places dans les services de soins infirmiers à domicile.

Les dépenses en faveur des personnes handicapées augmentent de 5% si on considère la partie du PLFSS qui traite du handicap et d'un peu plus de 6% si l'on tient compte de la participation de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Cela permettra de créer des places en établissements médicosociaux et de financer le doublement des sommes servies par les départements au titre de l'allocation compensatrice pour tierce personne.

D'autres mesures importantes viennent compléter ce plan courageux visant à revenir à l'équilibre tout en préservant le système de solidarité, de responsabilité et de liberté auquel nous sommes tous si attachés et dont nous venons de fêter le soixantième anniversaire. Parmi elles, le plan médicament, qui sera amplifié, étant donné que les Français consomment en moyenne une boîte de médicaments par personne et par semaine, soit une fois et demie de plus que les Allemands et les Espagnols.

Ce plan repose en premier lieu sur les génériques. La mise en cohérence des prix des médicaments génériques avec les prix européens a permis une baisse de 13% du prix du répertoire du générique au 1er janvier 2006. Et les génériques représentent maintenant six boîtes sur dix !

Le plan repose en second lieu sur l'adaptation de la prise en charge des médicaments à service médical rendu insuffisant. Comme l'a dit M. Bertrand, l'assurance maladie ne peut plus tout rembourser en matière de médicaments. Il faut savoir qu'elle dépense chaque année près d'un milliard de plus pour le remboursement de nouveaux médicaments, notamment pour des traitements très onéreux permettant d'améliorer l'espérance et la qualité de vie de patients atteints par exemple du cancer. C'est ainsi que 196 nouveaux médicaments ont été admis, début 2005, au remboursement. Cela a malheureusement suscité moins d'écho que le déremboursement de 156 produits de confort à partir du 1er mars 2006. En ce qui concerne les veinotoniques, le ministre a indiqué qu'une baisse de 20% de leur prix accompagnerait la réduction à 15% de leur prise en charge.

Dans une optique de maîtrise médicalisée des dépenses, l'article 27 prévoit des actions spécifiques portant sur les actes de biologie et les transports sanitaires.

Des mesures visant à assurer une meilleure répartition des professions de santé viennent compléter celles de la loi relative au développement des territoires ruraux et de la loi relative à l'assurance maladie. Les aides conventionnelles à l'installation seront élargies aux remplaçants. Par ailleurs, les patients qui consulteront un médecin récemment installé qui n'est pas leur médecin traitant ne se verront pas appliquer la majoration de ticket modérateur. Les jeunes médecins pourront ainsi plus facilement se constituer une clientèle.

Les moyens du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville sont renforcés, et sa pérennité assurée, afin d'affirmer sa vocation à financer des projets facilitant la permanence des soins ou la bonne répartition des professionnels sur le territoire.

Alors que le monde hospitalier est engagé dans une réforme de grande ampleur, le Gouvernement souhaite accompagner les établissements dans leurs efforts d'adaptation. A cette fin, les moyens consacrés à l'hospitalisation progressent de 3,44%. Ils sont destinés à faire face à l'accroissement de la masse salariale et à la hausse du coût de la vie. Ils financeront également la relance de l'investissement prévue dans le plan hôpital 2007 et les plans de santé publique.

En définissant de nouvelles modalités de financement pour les établissements de santé avec la T2A, le Gouvernement a souhaité que les règles de tarification soient plus équitables et mieux harmonisées entre le secteur public et le secteur privé, dans la limite des écarts justifiés par les différences dans la nature des charges. Il vient de confier à l'IGAS une mission sur les conditions de cette convergence des tarifs. Dans l'attente des conclusions de cette mission, nous sommes nombreux à souhaiter que soit maintenu l'objectif intermédiaire de 50% en 2008 que nous avons voté l'an dernier.

Le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés est doté, via l'article 40, de 327 millions pour soutenir l'investissement des établissements et leur modernisation sociale.

Le Gouvernement a annoncé que les efforts d'amélioration de la gestion hospitalière seraient poursuivis, à travers la politique des achats et la gestion interne des établissements. Les économies attendues pour l'assurance maladie sont évaluées à 400 millions.

Le fonds de concours dit « Biotox », destiné à préparer les plans d'action contre les menaces sanitaires graves, telle une éventuelle pandémie de grippe aviaire, se voit attribuer une dotation de 176 millions au titre de 2005 et de 175 millions au titre de 2006. Lors de son audition du 12 octobre dernier par les commissions des affaires sociales et des finances, le ministre a indiqué qu'il proposerait que cette dotation soit portée à 200 millions.

Ce PLFSS pour 2006 est en totale cohérence avec la courageuse réforme de l'assurance maladie que nous avons votée en 2004. Ceux qui ont cru en cette réforme seront toujours à vos côtés, Messieurs les Ministres, pour la conduire au succès. Nos compatriotes comprennent l'effort demandé et y participent. La preuve en est qu'ils sont déjà 32 millions à avoir choisi leur médecin traitant. L'amélioration du dispositif d'aide à l'acquisition d'une assurance complémentaire témoigne du souci permanent de justice qui anime votre action.

Le groupe UMP est fier du travail accompli à vos côtés pour réformer en profondeur notre sexagénaire régime d'assurance maladie. Les chiffres montrent que nous allons dans la bonne voie. Rien n'est définitivement gagné, bien sûr, et il faut se garder de tout triomphalisme, mais l'on voit que ceux qui jugeaient l'an dernier nos prévisions irréalistes et insincères se sont une fois de plus trompés. Restons modestes, attentifs et déterminés et continuons ensemble à regarder avec confiance l'avenir, en œuvrant sans relâche pour le bien de la France, des Françaises et des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Génisson - Les dispositions prévues pour 2006 poursuivent la fuite en avant commencée avec la réforme de l'assurance maladie du 13 août 2004, dont on ne peut pas dire que son auteur revendique la paternité ! Dans une pure logique de court terme, vous ne lancez aucune réforme structurelle, aucune réorganisation de l'offre de soins, alors même que la dégradation des comptes atteint des niveaux sans précédent.

Votre PLFSS entreprend en revanche de transformer, de façon insidieuse mais constante, notre système de solidarité, dans lequel chacun paie selon ses moyens et reçoit selon ses besoins, en un système individualisé, où seuls ceux qui en ont les moyens peuvent accéder aux soins. La mesure prévue par l'article 37 instaure ainsi un forfait de 38 euros sur les actes dépassant 91 euros, qui relèvent tous du K50 et correspondent à des actes importants dont on ne choisit pas de bénéficier mais dont la prescription est obligatoire, comme les appendicectomies ou les coloscopies. S'il s'agit en apparence de réaliser un gain de 100 millions d'euros, cette mesure est surtout de nature idéologique, véritable marchepied vers la privatisation de notre système de soins.

Mais je m'interroge également sur la pertinence d'autres mesures. Alors que vous faites avec raison du médecin traitant un pilier de votre loi, l'article 27 pose que les médecins exerçant au sein d'un cabinet médical situé dans les mêmes locaux qu'un centre de santé mentionné à l'article L. 6323-1 du code de santé publique peuvent être conjointement désignés comme médecins traitants, ce qui est un recul par rapport à la notion même de médecin traitant entretenant des relations privilégiées avec ses patients.

L'article 29 organise une nouvelle exception au même principe, au bénéfice des praticiens nouvellement installés, ainsi que de ceux qui s'installent dans les zones de soins déficitaires, définies par les missions régionales de santé. Si une telle mesure peut s'expliquer par des raisons de démographie médicale, elles n'en demeurent pas moins totalement anti-pédagogiques et contraires à l'objectif de responsabilisation de nos concitoyens. Quand cesserez-vous donc d'envoyer des messages aussi confus, Monsieur le ministre ?

Si la question de la démographie médicale constitue effectivement une urgence, vos mesures relatives aux cotisations des médecins conventionnés seront lourdes de conséquences. Vous restez en outre bien discret sur le sujet du dossier médical personnalisé, autre pilier de la réforme de l'assurance maladie, pourtant relégué au rang de simple expérimentation.

Alors que les deux tiers des établissements publics connaissent d'importants déficits, vous fixez par ailleurs l'ONDAM à 3,44%. Rappelons que la Fédération hospitalière réclamait un minimum de 4,32% pour la simple reconduite des activités, sans même prendre en compte les reports de charges, dont la valeur est estimée à 1,2 milliards d'euros. Et si l'ONDAM devait être décliné en sous-objectifs, vous ne faites nullement la différence entre les hôpitaux publics et privés. Il faut à l'inverse instaurer une véritable individualisation de l'analyse, s'agissant du coût et du fonctionnement de l'hôpital public, dont la place au sein de l'offre de soins doit être en outre redéfinie.

Concernant la T2A, nous prenons acte, Monsieur le ministre, de votre décision de surseoir à la convergence entre le public et le privé, et nous souhaiterions vous voir l'abandonner purement et simplement en raison des différences structurelles entre les deux secteurs : contrairement à ceux des cliniques, les coûts de l'hôpital public correspondent en effet à des tarifs tout compris, incluant les salaires des médecins, les examens biologiques et l'imagerie. Le secteur public accueille en outre les patients qui « coûtent » le plus : les plus âgés, les plus en difficulté, ceux dont les séjours seront les plus longs. On estime même que la précarité touche davantage ce public, à groupes de séjour homogènes : la différence serait de 33%.

Les hôpitaux, enfin, sont enfin chargés de missions d'intérêt général, comme la formation, la recherche, l'enseignement, la permanence des soins et les plans de sécurité. Se pose donc le problème de la prise en charge de ces spécificités, qui devraient être financées par le budget de la santé, et non par la sécurité sociale.

Tous ces exemples illustrent la discordance entre votre discours et les conséquences réelles de votre projet de loi : une fragilisation de plus en plus en grande de notre protection sociale, que vous conduisez vers la privatisation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Valérie Pecresse - La famille, ciment social, lieu premier de toutes les solidarités, source d'épanouissement des individus et espace privilégié d'éducation des enfants, se trouve au cœur de notre engagement politique.

Je me félicite donc que, depuis trois ans, les gouvernements de MM. Raffarin se soient attachés à dessiner par touches successives les contours d'une politique familiale pour le XXIe siècle. En effet, seule une politique familiale ambitieuse, respectueuse des traditions mais aussi ancrée dans son époque, nous permettra de conserver une démographie dynamique, qui fait l'envie de nos voisins et constitue un atout formidable pour notre pays.

Depuis 2002, des moyens financiers sans précédent sont ainsi mis au service de principes auxquels nous sommes profondément attachés : l'universalité, la liberté, l'égalité entre les sexes, l'intérêt de l'enfant, et la justice sociale,

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 reprenant tous ces objectifs, il n'est pas inutile d'observer le chemin parcouru depuis trois ans.

L'universalité de notre politique familiale s'incarne d'abord dans l'instauration de la PAJE, la nouvelle prestation d'accueil du jeune enfant, créée en 2003 et dont le socle bénéficie désormais à toutes les familles des classes moyennes jusqu'à 2 700 euros de revenu mensuel pour les couples avec un enfant ; 250 000 familles supplémentaires reçoivent ainsi 166 € par mois jusqu'au troisième anniversaire de leur enfant.

1,4 milliard d'euros supplémentaires auront donc ainsi été consacrés à la petite enfance au cours de cette législature, et c'est sans compter le doublement de la réduction d'impôt pour les emplois de garde d'enfant à domicile ou d'assistante maternelle, devenu un « crédit d'impôt » destiné aux familles ne bénéficiant pas de la PAJE. Au total, toutes les familles comptant des enfants ont donc vu leurs avantages familiaux s'accroître depuis trois ans.

La liberté des familles trouve ensuite sa traduction dans le libre choix offert aux parents de continuer à travailler ou de s'arrêter pour élever leurs enfants. La PAJE va en effet dans ce sens, de même que le développement sans précédent des modes de garde des jeunes enfants depuis 2002, le Gouvernement favorisant les solutions les plus innovantes - crèches d'entreprise et entreprises de crèches. Au total, 72 000 places, publiques ou privées, auront ainsi été créées de 2002 à 2008.

Les crédits du Fonds d'action sociale de la Caisse nationale d'allocations familiales augmenteront d'un milliard d'euros entre 2005 et 2008, après la hausse de 850 millions intervenue entre 2001 et 2004. Les fonds destinés aux contrats « temps libre », qui concernent les activités extrascolaires des enfants, augmenteront en outre de 90%.

Quel gouvernement aura fait mieux ? Ajoutons à cette liste déjà impressionnante la revalorisation du statut des assistantes maternelles, revalorisation qui devrait attirer vers ce qui est déjà le premier mode de garde de nombreuses recrues, mieux formées.

Mesure phare de ce PLFSS, l'expérimentation d'un nouveau congé parental, plus court mais mieux rémunéré - 750 euros par mois - viendra s'ajouter au congé parental existant, de trois ans, à partir de la naissance du troisième enfant. Une nouvelle liberté sera donc offerte aux parents, évitant ainsi un trop long éloignement du monde professionnel. Il s'agit d'un véritable progrès, dont le succès me semble assuré.

Corollaire du libre choix de travailler ou non, l'égalité des sexes est devenue un principe fondamental de toute politique familiale résolument contemporaine. La loi sur l'égalité salariale et l'aide à la garde des enfants est allée dans ce sens mais, pour prolonger ce mouvement, je vous proposerai, Monsieur le ministre, d'ouvrir aux deux parents le droit de prendre à tour de rôle tout ou partie du nouveau congé parental optionnel d'un an que vous allez expérimenter. Ainsi, hommes et femmes, pères et mères, seront-ils placés sur un vrai pied d'égalité quant à l'exercice de leurs responsabilités professionnelles et familiales, et les nouveaux équilibres parentaux au sein des familles seront confirmés.

L'intérêt de l'enfant est en outre au cœur et à l'origine de notre action. Il s'exprime dans l'effort consenti pour la petite enfance, mais aussi dans l'attention portée pour la première fois aux difficultés de l'adolescence par la Conférence de la famille de 2004. Les maisons des adolescents qui voient le jour dans toute la France sont ainsi une réponse originale à un mal-être auquel les familles et la société avaient jusqu'alors bien du mal à faire face.

L'intérêt de l'enfant se retrouve encore en filigrane du PLFSS grâce à la refonte de l'allocation de présence parentale auprès d'un enfant en souffrance. Cette allocation, accordée aux familles dont les enfants sont atteints de maladies ou de handicaps graves, ou victimes d'accidents nécessitant une présence parentale constante, péchait en effet par sa rigidité : elle devait être prise par périodes minimales de 4 mois. Seules 3 600 familles y avaient recours, alors que 13 000 familles pouvaient y prétendre. En remplaçant cette allocation par un compte de 310 jours d'absence qui pourront être pris sur une durée de trois ans, le Gouvernement assouplit le dispositif et le rend enfin pleinement efficace. Pour tenir compte des difficultés concrètes des familles, cette allocation de présence parentale s'accompagnera en outre dès 2006 d'un complément de 100 € pour faire face aux frais de transports jusqu'au lieu où est soigné l'enfant.

La justice sociale est enfin constamment présente dans votre politique familiale. La création du nouveau congé parental d'un an marque ainsi la volonté de favoriser la réinsertion sur le marché du travail des parents les moins qualifiés afin d'éviter que le retour au foyer ne les enferme dans une « trappe à pauvreté ».

En ce qui concerne les femmes élevant seules un enfant, Dominique de Villepin a annoncé qu'elles feraient l'objet d'un accompagnement spécifique dans le cadre du plan gouvernemental de « croissance sociale » et qu'elles bénéficieraient d'un accès garanti aux modes de garde d'enfants, pour pouvoir plus aisément retrouver le chemin de l'emploi.

Le budget du ministère de la famille retracera par ailleurs tous les autres détails de l'action gouvernementale en faveur des familles vulnérables.

S'agissant du déficit de la branche famille, n'oublions pas que ce déficit est conjoncturel, car il est lié à la situation économique mais aussi au succès des mesures prises depuis trois ans. Nous ne proposerons donc pas de briser cette dynamique qui répond aux attentes des familles et de la société française, mais nous souhaitons que le retour à l'équilibre de la branche famille puisse s'effectuer progressivement d'ici à 2009, comme le ministre l'a annoncé.

Vous poursuivez donc avec talent, Messieurs les ministres, l'œuvre de vos prédécesseurs. La conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle est un fil directeur constant de votre action, de même que l'intérêt des enfants et la justice sociale, ou encore l'épanouissement et la consolidation des familles, réaffirmés par les mesures innovantes de ce PLFSS.

Pour toutes ces raisons, l'UMP le votera avec enthousiasme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - La situation des hôpitaux français n'a jamais été aussi préoccupante et il y a un goût amer à dresser un tel constat au moment où nous fêtons le soixantième anniversaire de la sécurité sociale, conquête humaine d'une immense ampleur pour des millions d'hommes et de femmes. Mais les faits sont là : l'hôpital public va très mal, comme l'atteste la dernière manifestation de milliers d'hospitaliers...

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Ils n'étaient pas si nombreux.

Mme Muguette Jacquaint - Lisez Le Figaro-économie, La Tribune, Libération, Le Monde, La Croix, L'Humanité : tous se font l'écho des inquiétudes du monde hospitalier. Le délégué général de la Fédération hospitalière française déclare qu'une vraie poudrière est en formation, tandis que la Fédération elle-même souligne que 75% des établissements publics sont dans le rouge. Il faut savoir que les reports de charges des hôpitaux, de l'ordre de 500 millions en 2004, devraient atteindre le milliard fin 2005 !

De leur côté, les organisations syndicales ne sont pas moins inquiètes. Alors que, pour FO, le chaudron de l'hôpital est en train de bouillir, la CGT explique que certains directeurs devront emprunter pour payer les salaires.

Et le secteur privé participant au service public n'est pas davantage épargné, comme en témoigne la situation de l'hôpital Foch de Suresnes, dont Mme Fraysse pourrait vous parler.

Ce bilan est inacceptable pour un pays qui n'est rien moins que la cinquième puissance économique mondiale !

On en mesure les conséquences depuis plusieurs années, avec la suppression de lits et d'emplois, la fermeture ou l'engorgement de services, la difficulté à recruter, l'asphyxie de la recherche fondamentale et pour les patients, l'encombrement des urgences, la difficulté à obtenir des rendez-vous, l'obligation de faire face à des dépenses nouvelles...

Je suis élue d'une circonscription où de nombreuses personnes vivent dans la plus grande détresse, et ne se soignent pas comme elles le devraient. La médecine à deux vitesses y est une réalité, contre laquelle les médecins luttent au quotidien - ce dont je tiens à leur rendre hommage.

Votre politique de santé est un échec, vous ne pouvez le nier. Toute votre action, loin de tendre à une meilleure compétitivité de la France, vise à rentabiliser encore davantage le capital. La démarche est la même dans le secteur hospitalier : au privé les actes les plus rentables, au public les actes courants, bien encadrés. Et tout est fait pour favoriser le premier, présenté comme moins coûteux...

Que proposons-nous ? Portez à 4,32% la progression de l'ONDAM comme le réclame la FHF, et ajoutez-y les 2,5% nécessaires pour effacer les reports de charges.

Mettez un terme aux restructurations et fermetures, et suspendez l'application de la tarification à l'unité.

Donnez à l'hôpital public les moyens de sortir de son endettement et de remplir ses missions. Supprimez ainsi la taxe sur les salaires et la TVA sur les investissements et l'entretien du patrimoine, autorisez les établissements à contracter des emprunts à taux zéro.

Définissez un plan d'urgence pour la formation et la recherche.

Je conclurai sur ces propos du président de la CSMF : « Plutôt que de prendre des mesures budgétaires drastiques et inappropriées, le Gouvernement serait mieux inspiré de compenser les moindres recettes ».

Mme Jacqueline Fraysse - Très bien !

M. Georges Colombier - Ce projet de loi s'inscrit pleinement dans la ligne des réformes engagées depuis deux ans.

Où en sommes-nous ? La branche vieillesse accuse un déficit largement imputable à la montée en charge du dispositif de retraite anticipée pour les salariés du régime général et des régimes alignés ayant commencé à travailler jeunes, dans des conditions souvent difficiles. Cette évolution était cependant prévisible, et le déficit devrait être ramené à 1,4 milliard dès l'année prochaine.

Les derniers chiffres disponibles témoignent du succès rencontré par le dispositif de retraite anticipée. Au total, ce sont près de 450 000 personnes qui pourront en bénéficier avant 2008, et nous ne pouvons que nous féliciter de cette mesure de justice sociale, refusée par les gouvernements de gauche.

Certes, ce succès a pesé sur les comptes de la branche vieillesse, mais nous sommes sur la bonne voie, comme en témoignent les derniers travaux du Conseil d'orientation des retraites, en date du 10 octobre dernier. Grâce à la réforme, les besoins de financement des régimes de retraite seront réduits à 0,8 point de PIB en 2020, et à 3,1 points en 2050, alors qu'ils auraient été sinon de 1,7 et de 4,3 points, respectivement.

En tenant compte du transfert de cotisations de la branche chômage vers la CNAV et du rééquilibrage des régimes de la fonction publique par une hausse de la participation de l'employeur, ce sont l'ensemble des besoins de financement qui seront couverts en 2020 et 60% en 2050.

Bien entendu, cette évolution suppose une amélioration de la situation de l'emploi.

A ce sujet, permettez-moi d'insister sur la question de l'emploi des plus de cinquante ans, qui a fait l'objet d'un plan d'action spécifique du Gouvernement.

Nous devons aujourd'hui utiliser au mieux les dispositifs issus de la réforme des retraites. Sur ce point, les partenaires sociaux ont conclu le 12 octobre les négociations sur l'emploi des seniors, engagées dans le cadre de la loi du 21 août 2003.

Il s'agit là d'un enjeu majeur pour les prochaines années, d'autant que notre pays se caractérise par la faiblesse du taux d'emploi des plus de 55 ans, par comparaison avec la Suède, la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas, par exemple. Or, le récent rapport du Conseil d'analyse économique souligne que cette situation est massivement associée à un statut d'inactivité plutôt qu'au chômage. La perte de production qui en résulte est estimée à 24 milliards d'euros, soit 1,5 point de PIB. Si le taux d'emploi des 55-64 ans était seulement de 50%, nos comptes sociaux se trouveraient améliorés, de l'ordre de 10 milliards !

Nous devons reconstruire le marché du travail des seniors, en menant une politique volontariste, sur deux points.

Tout d'abord, il convient de favoriser le retour à l'emploi, éventuellement en s'appuyant sur les contrats aidés du plan de cohésion sociale, en réfléchissant à l'amélioration des conditions de travail et au développement de nouvelles formes d'activité.

Il faut par ailleurs encourager le maintien des seniors dans l'emploi, grâce à un meilleur accès à la formation tout au long de la vie et à un aménagement des fins de carrière. Dans le cadre de la réforme des retraites, de bonnes mesures ont été prises à cet égard, comme l'assouplissement des règles de cumul entre emploi et retraite, l'amélioration du dispositif de retraite progressive ou la possibilité donnée aux enseignants du public de faire une deuxième carrière, mais elles n'ont pas reçu un écho suffisant. S'agissant du dispositif de retraite progressive, le décret d'application n'a d'ailleurs toujours pas paru, plus de deux ans après le vote de la loi. Or il s'agissait d'autoriser un salarié d'au moins 60 ans et ayant acquis 132 trimestres de cotisation à liquider une fraction de sa retraite et à travailler à temps partiel tout en continuant d'acquérir de nouveaux droits à pension. Cette mesure répondait aux préoccupations de nombreuses personnes qui, après 60 ans, souhaitent ralentir le rythme, tout en poursuivant une activité épanouissante. Pourriez-vous nous indiquer quand ce décret d'application devrait être publié ?

Pour l'assouplissement des conditions de cumul d'un emploi et d'une retraite, le décret d'application a été pris, mais les conditions posées restent encore très restrictives : délai de carence de 6 mois avant de pouvoir reprendre un emploi chez son ancien employeur, plafond de ressources relativement limitatif puisque le total des nouveaux revenus professionnels et des pensions de base et complémentaires doit être inférieur au dernier salaire perçu. Plusieurs rapports ont suggéré d'assouplir cette règle, ce qui ne revient pas à privilégier les « vieux » puisque toutes les études montrent que les pays qui ont un taux d'emploi des seniors élevé ont aussi un taux de chômage des jeunes faible.

Concernant l'aménagement des fins de carrière, un mot sur la possibilité pour les enseignants du secteur public d'accéder à d'autres corps ou cadres d'emploi. Que compte faire le Gouvernement pour que cette « seconde carrière », qui peine à se mettre en place faute de postes disponibles, devienne réalité ? 

Les seniors sont une richesse pour l'emploi et pour l'économie ; comme l'expliquait récemment M. Larcher, il nous faut réaliser une véritable « révolution culturelle », à laquelle entreprises, partenaires sociaux et pouvoirs publics doivent apporter leur contribution.

Encore trois points sur lesquels j'aimerais avoir des précisions.

Tout d'abord, la majoration d'assurance de deux ans pour les parents d'enfants handicapés, instaurée à la suite d'un amendement UMP dans le cadre de la réforme des retraites : il a fallu attendre janvier 2005 pour qu'une instruction ministérielle soit envoyée aux CRAM à ce sujet. Pourriez-vous nous confirmer qu'on a répondu à l'ensemble des demandes et, par ailleurs, que le dispositif mis en place pour les personnes ayant liquidé leur pension après le 21 août 2003 sans pouvoir bénéficier du système est effectif ?

Ensuite, le défi du vieillissement. Aujourd'hui 21% de la population a plus de 60 ans, en 2020 ce sera 27% et en 2050 plus du tiers. La loi du 30 juin 2004 a créé une ressource affectée au financement des dispositifs individuels et collectifs de prise en charge de la dépendance. Dans le rapport qu'il a remis au Premier ministre le 19 juillet 2005, le comité de suivi et d'évaluation de la journée de solidarité en faveur des personnes dépendantes, présidé par Jean Leonetti, a estimé la production supplémentaire du lundi de Pentecôte 2005 à 2 milliards ; il a préconisé une plus grande souplesse dans l'application de cette mesure et le recours à d'autres sources de financement. Pourriez-vous nous indiquer vos intentions?

Enfin, le déficit du régime des exploitants agricoles, le FFIPSA, qui devrait atteindre un déficit de 1,9 milliard en 2005 et en 2006. L'autorisation de découvert a été portée de 6,2 à 7,3 milliards, mais cela ne règle en rien le problème de la pérennité de ce fonds. Pouvez-vous nous dire ce que vous comptez faire, Monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Hélène Mignon - En 2001, sous l'impulsion du groupe socialiste et de Ségolène Royal, alors ministre de la famille, nous avions intégré dans la loi de financement de la sécurité sociale la création d'un congé de présence parentale, afin de répondre aux situations dramatiques rencontrées par les parents d'enfants gravement malades ou victimes d'un accident grave, âgés de moins de 20 ans. Elle s'est accompagnée de l'institution d'une allocation de présence parentale accordée par la CAF. Ce nouveau dispositif a permis de combler un vide juridique en régularisant la situation des parents, qui conservent leurs droits de salariés de leur entreprise d'origine et bénéficient de la protection sociale.

A la suite des travaux d'un comité de suivi auquel j'avais participé avec Marie-Françoise Clergeau et François Brottes, le dispositif a été amélioré en 2002. Le montant de l'allocation a été fortement revalorisé ; il est actuellement de 840 euros pour un couple dont l'un des membres a cessé toute activité professionnelle. Le délai d'un mois a été heureusement supprimé et la durée de préavis réduite. Malgré cela, seules 4000 familles ont demandé à bénéficier de ce dispositif, alors qu'on en attendait 13 000 ; c'est dire qu'il ne répond pas pleinement aux attentes. La succession de quatre ministres de la famille en si peu de temps a sûrement nui au bon fonctionnement du comité de suivi et retardé les adaptations nécessaires.

A l'occasion de la Conférence de la famille, Monsieur le ministre, vous avez annoncé le remplacement des périodes de quatre mois par un compte crédit de 310 jours ouvrés à prendre sur une période de trois ans, ainsi qu'un complément mensuel de 100 euros pour la prise en charge des frais occasionnés par une hospitalisation loin du domicile.

Des parents regroupés en associations, déçus par vos propositions, se sont adressés au Président de la République. Dans une lettre ouverte, ils reconnaissent que les parents contraints d'être immédiatement auprès de leur enfant atteint d'un cancer n'utilisent pas cette allocation mais se mettent en arrêt maladie, tout en sachant qu'ils risquent des sanctions. Ces familles avaient pourtant cru à un engagement fort de tout le Gouvernement dans le cadre du plan cancer - l'un des trois chantiers prioritaires du Président de la République. Cette situation ne peut pas durer. La rapporteure a présenté des amendements qui ont été acceptés par la commission, mais qui ont malheureusement été jugés irrecevables au titre de l'article 40 ; je vous demande, Monsieur le ministre, de bien vouloir les reprendre car il nous faut tout faire pour aider ces familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Perrut - Quelle autre institution que la sécurité sociale, dont nous fêtons les 60 ans, incarne mieux la cohésion sociale dans notre pays ? Bien commun de nous tous, elle a aujourd'hui à faire face à de nouveaux défis - vieillissement de la population, nouveaux risques sanitaires - et connaît des difficultés financières, qui ont conduit le 12 octobre dernier le Président de la République à faire appel à l'esprit de responsabilité de tous.

Nous débattons d'un PLFSS « nouvelle formule », conformément à la loi organique du 2 août 2005. Le Gouvernement poursuit avec détermination son objectif de redressement financier de la sécurité sociale ; l'an dernier, il avait mis l'accent sur la responsabilisation des assurés sociaux, et nos concitoyens ont adhéré massivement au parcours de soins. Cette année, d'autres efforts sont demandés, en particulier à l'industrie pharmaceutique.

On doit se réjouir du redressement de l'assurance maladie, dont le déficit passe de 11,6 à 8,3 milliards grâce à la réforme - sans laquelle le déficit de la sécurité sociale aurait été de l'ordre de 16 milliards. L'objectif de le ramener à 8,9 milliards en 2006 n'est pas irréaliste et exige notre soutien.

Pour la première fois depuis longtemps, l'ONDAM sera respecté en 2005 : la réforme porte ses fruits, notamment en matière de soins de ville.

La poursuite de la lutte contre les déficits est prioritaire et des dispositions sont prises dans ce but. Il reviendra aux mutuelles de faire face à leurs responsabilités pour la prise en charge du forfait de 18 euros - dont les personnes les plus fragilisées sont exonérées. Au-delà de l'objectif de redressement comptable, ce texte contient des mesures de justice sociale : aide à l'acquisition d'une mutuelle, renforcement des plans vieillissement et Alzheimer, augmentation de 13% des dépenses en faveur des personnes âgées dépendantes ; 20 000 places auront été créées dans les EHPAD depuis 2003 et 17 000 dans les services de soins infirmiers à domicile.

Quant à la politique familiale, elle est axée sur la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle : 250 000 familles auront accès à la PAJE d'ici à 2007, et un mécanisme souple permettra aux parents de se partager le congé parental.

Ce PLFSS comprend aussi des mesures de lutte contre les abus : contrôle des indemnités journalières, renforcement du contrôle sur les étrangers bénéficiaires de la CMU et disposant de revenus par ailleurs...

La consommation de médicaments reste importante dans notre pays, et il faut poursuivre l'action. Le développement des génériques se poursuit à un rythme soutenu, puisque leur part est passée de 30 à 60% en trois ans ; mais des progrès sont encore possibles. Pour l'ensemble du secteur, la mise en place de nouveaux conditionnements et la baisse du prix de certaines spécialités contribueront aussi à inverser la courbe. Enfin, on sait que 156 médicaments au SMR insuffisant seront déremboursés en mars ; mais il faut savoir que 196 médicaments nouveaux et actifs ont en revanche été ajoutés à la liste !

D'autres pistes sont à explorer. Dans le rapport annuel de la Cour des comptes, le Premier président Philippe Séguin appelait à une « révolution » dans le domaine des finances sociales. Notre rapporteur Jean-Pierre Door propose quant à lui de constituer, au sein de la Commission des comptes, un groupe de travail à ce sujet. Et le rapport que la MECSS rendra le 3 novembre apportera à coup sûr des idées utiles.

Un mot enfin sur les maisons médicales de garde. Ce maillon indispensable pour lutter contre l'engorgement des urgences et assurer une permanence médicale hors des heures d'ouverture des cabinets est menacé par certaines décisions des organismes de sécurité sociale, notamment celle de la CNAM qui veut les obliger à fermer le samedi après-midi... Pourtant maintenir la permanence des soins doit être une priorité, Monsieur le ministre : comment pouvez-vous faire en sorte que ces maisons prennent toute leur place, en ville comme à la campagne ? Cela touche aux questions de l'offre de soins et de la démographie médicale.

Loin de l'autosatisfaction comme du dénigrement, souvenons-nous du passé de la sécurité sociale afin de préparer l'avenir et de suivre lucidement les avancées de la réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Simon Renucci - Ce projet de loi de financement ne fait qu'accentuer les défauts d'une construction qui, depuis trois ans, attente aux droits des assurés sociaux. Depuis trois ans les déficits cumulés de la sécurité sociale ont dépassé les 30 milliards d'euros... Que l'on compare ce résultat à ceux du gouvernement socialiste précédent : la dette que légueront les Français aux générations futures atteint aujourd'hui un niveau sans précédent. Vous repoussez désormais à 2007 le retour à l'équilibre. Ce déficit est un grave danger pour l'avenir de notre système de santé.

L'histoire le montre : le principe de solidarité est le fondement de notre système social contemporain. Même à l'époque du libéralisme triomphant, sous la Révolution, l'article 21 de la Déclaration des droits de l'homme, préambule de la Constitution de 1793, proclamait : « Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler ». Mais le traitement que subit depuis trois ans notre sécurité sociale apparaît comme une fin de non-recevoir opposée à ce principe... Vos choix sont autant d'attaques contre la solidarité. Ils construisent une société où la solidarité s'efface devant l'effort et l'assurance individuels. Les plus fragiles sont dès lors victimes de ces choix, alors que c'est d'abord pour eux qu'en 1945 la France a créé la sécurité sociale !

Votre réforme de l'aide médicale d'Etat est à cet égard l'archétype d'une politique à éviter. En rendant l'accès aux soins difficile aux plus précaires, vous ne faites qu'aggraver leur état de santé, ce qui crée un risque pour la santé publique. On ne voit pas le bénéfice économique, politique ou moral d'une telle mesure.

L'augmentation de la CSG, celle du forfait hospitalier, la contribution d'un euro, l'augmentation des honoraires et le transfert des remboursements vers les complémentaires pèsent sur les plus fragiles et les fragilisent encore. Pendant ce temps, le sentiment prévaut que le Gouvernement organise une défiscalisation pour quelques privilégiés qui ne supportent plus l'ISF. Les pauvres seront ainsi solidaires des riches : ce renversement des valeurs offre l'image du monde dans lequel vous nous faites vivre...

Pour nous, la solidarité, c'est d'abord l'égalité d'accès aux soins. Or, sur ce point, le Gouvernement échoue depuis trois ans. Que ce soit pour l'accès à l'hôpital ou pour la continuité du service public de la santé - avec la participation des médecins de ville -, la France est moins solidaire aujourd'hui qu'en 2002. Un rapport récent de Médecins du Monde souligne notamment la non-prise en compte de la santé des plus précaires, « comme si le problème avait soudain disparu de l'agenda politique au profit de la réduction des dépenses ». Nous avions pourtant montré entre 1997 et 2002 que la réduction des dépenses et l'équilibre pouvaient s'accompagner d'une amélioration de la santé de nos concitoyens.

Votre méthode n'est pas moins critiquable. Le forfait à 18 € de votre article 37 en est le symbole. Ce forfait imposé aux patients pour des actes qu'ils ne choisissent pas de subir est encore un coup porté aux assurés. Vous exhortez les assurances complémentaires à ne pas augmenter leurs tarifs en conséquence. Vous savez pourtant que ce discours est vain, et que ce qui est en route, c'est la fin du principe de l'exonération du ticket modérateur ! D'autant que vous n'attendez de cette mesure qu'un gain dérisoire : 100 millions d'euros, soit 0,08% du déficit...

L'égalité d'accès aux soins souffre aussi du développement des dépassements sauvages d'honoraires. Nous avons déposé un amendement pour clarifier cette question : la commission l'a adopté, et j'espère que vous l'accepterez.

Enfin, l'organisation de la permanence des soins n'est pas satisfaisante. Votre projet n'apporte rien de nouveau. La désorganisation est flagrante. Elle a commencé avec les décrets du 15 septembre 2003 : l'exercice de la permanence des soins a été libéralisé, et le code de déontologie modifié pour accepter le volontariat des médecins libéraux. Il n'y a plus de « devoir », et parfois des réquisitions préfectorales sont nécessaires... C'est décourager les professionnels les plus conscients de l'importance de leur tâche. Les hôpitaux ont souffert de cette innovation. La liberté a trouvé là ses limites. Les patients n'ont pas d'autre solution que l'hôpital.

Mais celui-ci est exsangue. La majorité a constamment sous-estimé l'ONDAM hospitalier. Et désormais vous reculez par rapport à vos propres objectifs en matière de tarification à l'activité. La mise en œuvre de la T2A pose deux problèmes : l'hôpital n'est plus en mesure d'assurer ses missions de service public, et l'objectif de convergence tarifaire entre public et privé est inflationniste pour l'assurance maladie.

Quant au médecin traitant et au parcours de soins, ils ont rendu illisible le système de remboursement et favorisé le relèvement des honoraires. Ce parcours imposé au patient sous peine de déremboursement est contraignant et peu pédagogique.

Vous avez enfin remarqué l'existence de jeunes médecins qu'il ne faut pas désespérer, et de zones en difficulté qu'il faut aider. Pour nous, il faut redéfinir le statut du généraliste, particulièrement de ceux qui, à la campagne, souhaitent s'inscrire dans un contrat de médecine global, incluant la permanence des soins, l'urgence, la formation continue, l'évaluation des pratiques, les références médicales... Avec sa loi sur le développement des territoires ruraux, la majorité a expliqué aux populations rurales qu'elles devaient payer elles-mêmes la venue d'un médecin sur leurs territoires et que la solidarité nationale ne s'appliquait plus... Voilà des mesures bien étrangères au principe d'égalité dans l'accès aux soins.

Le rôle du médecin de famille n'est pas assez reconnu. Pivot du système, il mérite notre reconnaissance, non pas tant par une rémunération accrue que par la mise en place d'un système de soins qui lui assure une place centrale et des conditions de travail acceptables. Il y a des pistes à explorer pour que cette profession participe pleinement à la construction de l'avenir et à la maîtrise des dépenses. Les médecins y travaillent en évaluant leurs propres pratiques. S'y ajoute la participation aux unions professionnelles.

Ces préoccupations n'apparaissent pas dans votre texte ni dans votre politique. Vous nous conduisez peu à peu vers la privatisation de la sécurité sociale et l'abandon de l'égalité d'accès aux soins. C'est pourquoi nous nous opposerons à vos propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 26 octobre, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR DU
MERCREDI 26 OCTOBRE 2005

QUINZE HEURES - 1re séance publique

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 (n° 2575).

Rapport (n° 2609 tomes I à V) de MM. Jean-Pierre DOOR, Jacques DOMERGUE, Mmes Cécile GALLEZ et Marie-Françoise CLERGEAU, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Avis (n° 2610) de M. Yves BUR, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 2e séance publique

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Sommaire

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.


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