Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2005-2006)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 17ème jour de séance, 38ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 27 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY

vice-président

Sommaire

      PROJET DE LOI DE FINANCEMENT
      DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2006 (suite) 2

      APRÈS L'ART. 13 2

      APRÈS L'ART. 14 5

      ART. 15 11

La séance est ouverte à neuf heures trente.

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2006 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

APRÈS L'ART. 13

Mme Françoise Branget - L'amendement 109 rectifié vise à favoriser le remboursement d'une somme forfaitaire de 15 euros par mois aux chauffeurs routiers, qui pourraient acheter les terminaux et forfaits téléphoniques jusqu'à présent fournis par les employeurs. La gestion de l'équipement téléphonique portable est en effet lourde en temps et en coût pour les employeurs et la plupart des chauffeurs routiers possèdent déjà un téléphone portable personnel, en plus de leur téléphone professionnel.

Cet amendement propose donc d'exempter ce remboursement forfaitaire des charges sociales normalement appliquées aux avantages en nature octroyés par l'employeur. Au-delà de 15 euros, le remboursement des dépenses de l'employé se fera en revanche sur présentation de la facture téléphonique à l'employeur et sera soumis aux charges sociales.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l'équilibre général - Avis défavorable. J'espère par ailleurs que les chauffeurs routiers ne téléphonent pas en conduisant (Sourires).

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale prévoit déjà, en son troisième alinéa, que le remboursement des frais professionnels peut être déduit de l'assiette des cotisations dans les limites fixées par arrêté ministériel. Or l'article 7 de l'arrêté interministériel du 20 décembre 2002 autorise déjà à considérer les frais engagés par le salarié pour son équipement en nouvelles technologies à des fins professionnelles comme frais professionnels déductibles de l'assiette des cotisations.

Mme Françoise Branget - Je retire donc mon amendement.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement. Par une lettre adressée au Président de l'Assemblée au nom de mon groupe, je me suis étonné qu'on m'ait refusé hier soir une demande de suspension de séance, alors que je disposais de la délégation de pouvoir à cette fin.

Je tiens à m'assurer que les fonctionnaires du service de la séance ont bien reçu cette délégation aujourd'hui.

M. le Président - J'ai été parfaitement informé des incidents que vous avez provoqués à plusieurs reprises hier soir dans cet hémicycle, Monsieur Gremetz, allant même jusqu'à menacer la présidence : aucun député, de quelque banc qu'il soit, ne peut accepter que nous délibérions dans de telles conditions.

Je précise qu'il est de jurisprudence constante que des suspensions de séance peuvent être refusées quand elles sont à l'évidence de nature purement dilatoires. Le Journal Officiel en fait foi.

Par ailleurs, le Bureau sera saisi par le Président Debré de votre lettre. Je voudrais également souligner qu'il n'est pas d'usage de mettre en cause les fonctionnaires de cette maison, qui sont tous de très grande qualité et sont au service de tous. J'ajoute que je ne me laisse personnellement intimider par aucune menace, d'où qu'elle vienne.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances - L'amendement 40 2e rectification avait été adopté par la commission des finances, puis par l'assemblée nationale, dans le PLFSS pour 2005. Vidé de toute sa portée par le Sénat, il avait été ensuite censuré comme « cavalier budgétaire » par le Conseil constitutionnel.

Cet amendement tend à exercer un droit de suite sur l'application de la réforme de l'assurance maladie de 2004, qui prévoyait 300 millions d'économies au titre de la systématisation du recours pour tiers. Il faut se donner enfin les moyens d'atteindre les résultats annoncés.

L'ordonnance du 24 janvier 1996 a institué une indemnité forfaitaire pour frais de dossier à la charge du tiers et au profit des caisses d'assurance maladie, qui n'a pas été revalorisée depuis sa création, alors que le seul rattrapage de l'inflation justifie un relèvement de près de 15% sur la période 1996-2006.

Il est donc proposé de porter les montants maximaux et minimaux de cette indemnité pour frais de dossier respectivement de 760 à 916 euros et de 76 à 91 euros.

L'amendement 40 2e rectification accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - Dans le but de soutenir la croissance et la consommation des ménages, en favorisant le partage des résultats de l'activité des entreprises, l'amendement 360 rectifié tend à permettre aux entreprises de verser à leurs salariés un bonus d'un montant individuel maximal de 1 000 euros, qui suivrait le régime social de l'intéressement : exonération des cotisations et contributions légales ou conventionnelles, à l'exception de la CSG et de la CRDS.

Toutefois, afin d'encourager parallèlement la négociation salariale par branches et par entreprises, il est proposé de subordonner ce versement exceptionnel à la conclusion d'un accord salarial.

En vue d'éviter également tout effet de substitution, qui inclurait dans ce bonus des primes déjà versées dans l'entreprise ou prévues par l'accord de branche, il est précisé que cette prime ne peut en aucun cas se substituer aux augmentations et primes conventionnelles.

Le montant de ce bonus devra en outre être identique pour tous les salariés de l'entreprise et fixé avant le 30 juin 2006 pour être versé au plus tard le 31 juillet 2006. Dans ces conditions, et par dérogation à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, l'exonération des cotisations sociales ne sera pas compensée par l'Etat.

M. Jean-Marie Le Guen - Voilà donc le pourboire de M. de Villepin : vous allez remettre aux salariés des gages avant les élections, comme c'est d'usage à Noël. Quelle modernité sociale !

Et comme il est plaisant de voir le ministre chargé des comptes de la sécurité sociale plaider pour l'amputation de son budget, et des libéraux, qui n'ont que le mot de négociation salariale à la bouche, proposer une mesure qui s'imposera aux entreprises et aux salariés.

Tout cela ne serait que risible et grotesque si cette mesure ne devait pas avoir de profonds effets pervers, en dévitalisant un dialogue social déjà si balbutiant dans notre pays, en réduisant à néant toute politique salariale pour les dix-huit prochains mois : les salariés qui demanderont un meilleur partage de la valeur ajoutée entre le travail et les profits s'entendront répondre que ces gages y pourvoiront. C'est une mesure anti-économique, anti-sociale, archaïque, caricaturale, une manœuvre politicienne qui fait obstacle à toute contractualisation de notre vie sociale.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais j'y suis, à titre personnel, tout à fait favorable.

M. Gérard Bapt - Question subsidiaire à celle de M. Le Guen : les députés qui voteront cet amendement pourront-ils prétendre à la « prime Villepin » ?

Il s'agit d'un amendement d'opportunité. Alors que le pouvoir d'achat stagne, notamment pour les couches populaires et moyennes, vous vous contentez d'un expédient qui n'a même pas fait l'objet d'une négociation. La CGT évoque par exemple une mesure « perverse » et FO considère que ce bonus rejoint la cohorte des primes exonérées de toute charge, ce qui constituera un manque à gagner pour la sécurité sociale. La CFDT remarque, quant à elle, que l'accord salarial prévu peut passer par les élus du comité d'entreprise, or, de nombreux délégués n'étant pas issus de listes syndicales, c'est une façon de contourner les syndicats. Nous ne participerons en l'occurrence pas au vote car si la prime est toujours bonne à prendre pour les salariés qui souffrent d'un manque de pouvoir d'achat, nous sommes opposés à la manière politicienne dont procède le Gouvernement .

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Je demande un scrutin public sur l'amendement 360 rectifié.

M. Jean-Marie Le Guen - Le Gouvernement, qui est animé d'un tel souci social, compte-t-il appliquer cette mesure à la fonction publique ?

A la majorité de 35 voix contre 2, sur 37 votants et 37 suffrages exprimés, l'amendement 360 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - Je constate l'écart entre les grands discours et les actes. La majorité vient donc de prendre une mesure en faveur du pouvoir d'achat et l'opposition l'a refusée sous les prétextes les plus fallacieux. Je suis très admiratif, Monsieur Le Guen, Monsieur Bapt, devant la façon dont vous prononcez les mots « dialogue social » sans savoir ce que c'est. Je vous rappelle que lorsque Mme Guigou était ministre des affaires sociales, les partenaires sociaux se plaignaient de ne pas être écoutés. Cela suffit à illustrer votre conception de ce qui est archaïque, caricatural et anti-social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - Entre hier soir et ce matin, nous ne devons pas tomber de Charybde en Scylla : nous sommes en droit d'avoir des réponses, même en langue de bois, aux questions que nous posons. Les fonctionnaires bénéficieront-ils des largesses ancillaires du Gouvernement ? Vous devez répondre, au lieu de vous livrer à une attaque légèrement décalée sur notre politique sociale alors que votre PLFSS a été « retoqué » par l'ensemble des conseils d'administration des caisses et que toutes les organisations syndicales s'opposent à la mesure que vous proposez. Je vous prie donc de répondre à ma question, sinon, je serai dans l'obligation de réunir mon groupe (Sourires).

M. Gérard Bapt - Votre prédécesseur, Monsieur le ministre, avait pris des engagements solennels au Sénat : il ne devait plus y avoir d'exonérations de cotisations non compensées pour la sécurité sociale et le Gouvernement allait « constitutionnaliser » le dialogue social. Que se passe-t-il ? Les conseils d'administration des caisses ont refusé le PLFSS et vous n'avez tenu aucun compte de leur avis. Aujourd'hui, vous défendez une mesure perverse qui, sous prétexte de bonus, paralysera les négociations collectives sur les salaires puisque le patronat, lui, tiendra évidemment compte de la prime. Nous ne pouvons pas voter contre cette mesure puisqu'elle apportera un petit plus aux salariés les plus modestes, mais nous refusons de nous engager sur une voie qui contredit formellement votre discours.

M. le Ministre - M. Bapt a l'air de regretter son vote !

M. Gérard Bapt - Pas du tout.

M. le Ministre - Monsieur Le Guen, le texte de l'amendement est clair puisqu'il précise que cette mesure s'appliquera aux « entreprises ou établissements couverts par une convention de branche ou un accord professionnel de branche sur les salaires » et que tel n'est pas le cas de la fonction publique, où un véritable dialogue est par ailleurs engagé entre Christian Jacob et les organisations représentatives.

La CNAF a-t-elle émis un avis défavorable sur cette mesure ? Je ne le pense pas. La CNAV a, quant à elle, indiqué que les excédents devaient être reversés au F2R, et c'est ce que nous avons fait. Quel avait été l'avis des caisses de sécurité sociale sur le PLFSS pour 2002 ? Négatif.

M. Jean-Marie Le Guen - Comme le vôtre !

M. le Ministre - Je n'ai donc pas de leçons à recevoir.

Mme Jacqueline Fraysse - M. le ministre prétend vouloir améliorer le pouvoir d'achat des salariés alors qu'ils supporteront les trois quarts de la majoration des cotisations pour les retraites ! La part patronale est de 0,05% contre 0,15% pour les salariés. C'est inadmissible et contraire à vos déclarations sur l'équité, mais il est vrai que nous ne devons pas en avoir la même conception. Je rappelle en outre que les profits boursiers ont augmenté de 75 milliards cette année.

L'amendement 142 rectifié propose donc que l'intégralité de la hausse soit répercutée sur les employeurs, qui peuvent la supporter sans dommage.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 347 est identique. J'entends déjà le ministre s'exclamer que le Gouvernement n'a encore pris aucune décision... Une chose est sûre, c'est qu'un commissaire du Gouvernement s'est exprimé devant les caisses nationales et que le ministre l'a désavoué. Voilà la manière dont on gouverne aujourd'hui.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Cette disposition relève de la compétence réglementaire. Avis défavorable.

M. le Ministre - En effet, aucune décision n'a encore été prise. Le Gouvernement recevra les partenaires sociaux à partir de la semaine prochaine et la concertation prendra toute sa place. Certes, nous sommes dans le domaine réglementaire, mais je peux déjà vous indiquer que les 0,15 et 0,05% dont vous avez entendu parler ne sont qu'une rumeur. Laissez la concertation s'achever, et vous verrez si l'équité est au rendez-vous ! Avis défavorable.

Mme Jacqueline Fraysse - J'en prends acte et j'espère que le fait d'avoir donné l'alerte permettra d'améliorer les choses.

Les amendements 142 rectifié et 347, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 14, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 14

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - La hausse des prix des cigarettes a permis de réduire le nombre de fumeurs de 13%. Sur le plan de la santé publique, c'est un succès incontestable, mais nous savons que les achats transfrontaliers, qui sont devenus pratique courante, modèrent ces résultats tout en privant l'Etat de recettes fiscales non négligeables et en déstabilisant le réseau des buralistes. Il faut donc trouver une solution, qui soit compatible avec le principe européen de libre circulation des marchandises. Il n'est pas question d'interdire d'acheter hors de nos frontières, mais d'éviter des distorsions de concurrence entre les buralistes français et les points de vente proches.

La directive du 25 février 1992 sur les produits soumis à accise permet à un pays européen d'exiger le paiement des taxes sur les produits circulant sur son territoire, qui ont été achetés ailleurs. Parmi les critères retenus pour prouver que la marchandise n'est pas achetée à des fins personnelles, mais commerciales, figure la quantité de marchandise transportée. Mais notre code général des impôts fixe des seuils plus élevés que la directive : 1 600 cigarettes, soit 8 cartouches, au lieu de 4 ! A quatre dans une voiture, on peut ainsi transporter 32 cartouches ! L'amendement 42 vous propose donc d'aligner la quantité admise par le code sur le niveau européen de 800 cigarettes, soit un kilo, et de garder cette formulation au poids qui englobe l'ensemble des produits du tabac - cigares, cigarillos... - afin d'éviter d'établir une liste que l'industrie du tabac essayerait périodiquement de contourner. En outre, pour éviter des pratiques de covoiturage d'opportunité, il vous propose de ramener le seuil de détention de 10 à 2 kilos dans une voiture. Quatre personne ne pourraient donc plus ramener que 8 cartouches. Cette disposition a le mérite de permettre aux services des douanes de mieux repérer les trafics de proximité.

Si ce dispositif devait malgré tout poser des difficultés au niveau européen, le Gouvernement pourrait défendre à Bruxelles le point de vue que le tabac, dont toute publicité vient d'être interdite dans l'Union européenne, n'est pas un produit comme les autres. Il doit être traité en-dehors des règles de libre circulation des marchandises. Nul doute que nos amis Allemands nous rejoindront dans ce combat.

M. Gérard Cherpion - Le sous-amendement 292 ramène la quantité de tabac pouvant circuler sur le territoire après la vente au détail à 0,2 kilo, soit une cartouche. Cette mesure permet de lutter à la fois contre le tabagisme et contre le trafic transfrontalier.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Si ces mesures peuvent limiter le trafic transfrontalier, nous y sommes favorables.

M. le Ministre - Le Gouvernement y est en revanche défavorable. Vous proposez une modification du code général des impôts pour limiter les achats de cigarettes par les particuliers dans les pays limitrophes. Or, ces dispositions du code ne sont applicables qu'à la circulation des tabacs manufacturés achetés en France, en provenance et à destination du territoire national, sans être applicables aux échanges intracommunautaires de tabac, régis, comme vous l'avez rappelé, par la directive de 1992 qui pose clairement la règle de la libre circulation des marchandises. La modification que vous voulez apporter n'aurait pour effet que de renforcer les mesures applicables au tabac acheté en France. Pour les achats transfrontaliers, les particuliers resteraient libres d'acquérir et de transporter du tabac sans aucune formalité, dès lors qu'il serait réservé à leur consommation personnelle. Votre gouvernement partage votre souci d'un meilleur contrôle des achats transfrontaliers de tabac, mais il ne peut qu'émettre un avis défavorable sur ces propositions.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Je pensais bien qu'on me répondrait sur les règles européennes, mais je vous rappelle que les mêmes qui nous expliquaient que les paquets de 19 cigarettes n'étaient pas eurocompatibles nous ont demandé un an après de voter la disposition ! Le principe de libre circulation des marchandises n'est pas remis en cause par notre proposition. Par ailleurs, je ne vois vraiment pas ce qui, dans les articles du CGI, spécifie qu'ils ne sont applicables qu'au seul marché français. On entend, de même, souvent dire que, conformément au principe de hiérarchie des normes, le code général des impôts aurait une valeur inférieure à la directive, mais l'argument n'est pas recevable non plus, puisque nous avons transposé la directive dans le droit français.

En revanche, la proposition de M. Cherpion, qui reprend une demande récurrente des buralistes, ne me parait pas réaliste. Un seuil de produits transportés fixé à une cartouche n'est, lui, pas eurocompatible. Nous ne pouvons pas adopter une disposition simplement pour faire plaisir aux buralistes en sachant qu'elle ne sera jamais appliquée. Enfin, les articles du code des impôts s'imposent aux douaniers depuis bien longtemps : le principal serait déjà de les faire appliquer.

M. Jean-Marie Le Guen - Le groupe socialiste est toujours mobilisé en faveur des causes de santé publique et soutient bien sûr ces propositions. S'abriter derrière les normes européennes est une tactique bien connue de la part des fonctionnaires de Bercy pour n'appliquer que ce qu'il ont envie de voir appliquer. La direction des impôts a toujours eu une très grande tolérance, pour des raisons en grande partie fiscales, mais pas seulement, vis-à-vis des questions liées au tabac. Cela doit changer, à commencer dans les services des douanes, qui dépendent de cette direction.

Cependant, il nous semble que M. Bur a bénéficié d'une grande indulgence de la part de la commission des finances, par rapport à nous sur la question de l'alcool. Le ministre nous a promis à plusieurs reprises de s'exprimer sur cette question : trouve-t-il normal que le comité de modération, c'est-à-dire en fait l'industrie de l'alcool, tienne le stylo pour écrire les recommandations en matière de santé publique, d'éducation à la santé et de lutte contre l'alcoolisme ? Puisque nous avons quelque peu quitté les questions financières, il pourrait nous répondre maintenant.

M. Bruno Gilles - Ce que la police appelle le trafic de fourmi se développe en effet dans les grandes agglomérations et même au-delà et si une grande partie de ce tabac provient de la contrebande internationale et de la contrefaçon, souvent d'origine chinoise, le trafic transfrontalier en représente aussi une part non négligeable. Je soutiens donc l'amendement et le sous-amendement, pour des raisons de santé publique et pour limiter le trafic.

M. Claude Evin - M. Bertrand est peut-être gêné pour nous répondre sur le comité de modération car le ministre de l'agriculture n'a pas défendu une position de santé publique, et cela nécessite sans doute un ajustement interministériel. Mais il peut nous éclairer sur un autre point. La loi de santé publique prévoyait qu'un rapport serait déposé au Parlement avant juin 2005 sur l'organisation d'états généraux de la lutte contre l'alcoolisme. Il a été rédigé, mais n'a toujours pas été remis au Parlement. Pourquoi, quand le sera-t-il et quand comptez-vous organiser ces états généraux ?

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Pour ce qui est de l'impartialité de la commission des finances, Monsieur Le Guen, la disposition que vous souhaitez défendre est d'ordre réglementaire. En revanche cet amendement élargit l'assiette de taxation et a un impact non négligeable sur les finance sociales ; il mérite donc d'être discuté.

Le sous-amendement 292, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 42 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Les entreprises pharmaceutiques payent une taxe en fonction de leur chiffre d'affaires, dont le produit est reversé à l'assurance maladie. Il n'y a aucune raison que les cigarettiers, qui contribuent au développement de pathologies lourdes, ne participent pas également à l'effort, d'autant que les clients et les buralistes le font déjà. De plus, la récente guerre des prix montre que ces entreprises peuvent faire de gros profits, qu'elles utilisent pour relancer leur sinistre commerce et acquérir de nouvelles parts de marché. Par l'amendement 41, nous proposons donc d'instaurer une taxe sur la progression du chiffre d'affaires des cigarettiers affectée à l'assurance maladie. Au passage, j'observe que la réduction du trafic transfrontalier bénéficiera au chiffre d'affaires des cigarettiers en France.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - La commission a émis un avis favorable à cette taxation puisque ce sont les entreprises qui sont visées.

M. le Ministre - Le Gouvernement est défavorable. Cette taxe serait progressive en fonction de l'accroissement du chiffre d'affaires des fournisseurs qui importent et commercialisent des tabacs manufacturés. Il est probable que ceux-ci répercuteront la taxe sur les cigarettiers qui, à leur tour, augmenteront leurs prix. Or dans le contrat d'avenir pour les buralistes, le Gouvernement s'est engagé à ne pas augmenter la fiscalité sur les tabacs jusqu'à la fin de 2007, engagement qui serait ainsi remis en cause. Les fabricants pourraient aussi être tentés de maintenir leurs prix pendant quelques années pour ensuite procéder à une hausse brutale ; s'ils adoptaient cette stratégie commerciale, votre amendement n'atteindrait pas son objectif de protection de la santé publique.

Je reviendrai ensuite sur les mesures qu'il serait préférable d'adopter pour lutter contre le tabagisme et l'alcoolisme.

M. Gérard Bapt - Le groupe socialiste votera l'amendement de M. Bur. Peut-être est-ce l'accord passé avec les buralistes qu'il faudrait adapter en fonction de cette proposition, qui nous semble saine. Mais apparemment, le débat a maintenant lieu entre le Gouvernement et la majorité.

M. Jean-Luc Préel - Puisque le ministre va nous éclairer sur la politique du Gouvernement pour lutter contre l'alcoolisme et le tabagisme, je rappelle que le groupe UDF regrette depuis longtemps que l'on ne fasse pas suffisamment place à la prévention et à l'éducation à la santé. Le Gouvernement a consenti des efforts considérables pour la sécurité routière qui ont permis de ramener de 8 000 à 5 000 le nombre de morts sur la route. Alcoolisme et tabagisme font des dizaines de milliers de morts. Je souhaite qu'il s'engage fermement dans la lutte contre ces fléaux et je soutiendrai tout ce qu'il fera en ce sens. Je soutiens donc vigoureusement l'amendement 41 et n'imagine pas un instant qu'au ministère de la santé ou à Bercy on puisse être sensible aux pressions des cigarettiers quand il s'agit de santé publique.

M. Jean-Marie Le Guen - Au cours du combat déjà long contre le tabagisme, nous avons pu constater combien les industriels savent s'adapter et jouer sur les prix. On les a même vus diminuer les prix du tabac alors que le Gouvernement venait de les taxer pour les faire augmenter. Il a donc souvent fallu utiliser des moyens sophistiqués pour parvenir à nos fins. Une fois encore, compte tenu de leur souplesse d'adaptation, il ne faut pas hésiter à agir. De toute façon, va-t-on oser, oui ou non, affirmer clairement que nous ne voulons pas que des industriels fassent des profits en vendant du tabac ? IIs en font pourtant, et de gros, comme les cours en Bourse le prouvent. Pour ma part, même si une de ces entreprises a son siège social dans ma circonscription, je n'hésite pas à le dire : je souhaite que ces entreprises deviennent moins profitables et je soutiens donc l'amendement.

L'amendement 41, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - Avant de revenir sur différents problèmes évoqués hier, je tiens, pour éviter tout mauvais procès, à indiquer que si je n'étais pas présent hier en début de séance, c'est qu'avec le Premier ministre et d'autres membres du Gouvernement, nous informions les représentants des groupes parlementaires sur notre état de préparation face à une éventuelle pandémie de grippe. Vous connaissez suffisamment l'intérêt que je porte au débat parlementaire pour ne pas me chercher de fausse querelle.

Concernant le tabac, la politique du Gouvernement a consisté d'abord à agir sur les prix. Les hausses importantes qui sont intervenues entre 2002 et 2004 ont ainsi permis de faire baisser la consommation de 20 à 25%. Je considère aujourd'hui qu'il faut passer à autre chose. Certains disent qu'il faudrait mieux appliquer la loi Evin. En tout état de cause, le statu quo n'est plus possible ni pensable.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Merci.

M. le Ministre - Je ferai donc des propositions, au plus tard en début d'année, pour faire évoluer la réglementation. Nous ne devons jamais abaisser notre vigilance en matière d'éducation à la santé et d'information.

Autre sujet de santé publique : la lutte contre l'obésité. Nous avons lancé des campagnes où il est indiqué pour la première fois que certaines pratiques alimentaires sont bonnes pour la santé et d'autres moins. C'est la première fois que certaines choses sont dites aussi clairement et que les moyens y sont mis. D'autre pas doivent suivre. Pour le moment, je suis engagé dans une phase de concertation mais je ferai rapidement des propositions, là aussi au plus tard au début de l'année prochaine.

Je vous confirme d'autre part que la lutte contre l'alcoolisme est un objectif majeur de santé publique. L'alcoolisme cause en effet 40 000 à 45 000 décès par an en France, cinq millions de personnes y sont exposées, avec les difficultés médicales, psychologiques et sociales que l'on sait. Il nous faut donc mieux informer sur le niveau de consommation à risque. J'ai lancé une campagne sur le sujet. Diffusée dans la presse écrite du 1er au 28 octobre, mais aussi sous forme d'affichage, elle a fait parler d'elle, ce qui prouve son impact.

Je veux couper court à certaines rumeurs selon lesquelles nous envisagerions de revenir sur l'amendement sénatorial tendant à informer les femmes enceintes sur le danger de toute consommation d'alcool, même à faible dose, par une mention relative au syndrome d'alcoolisation fœtale sur toutes les bouteilles. L'arrêté est prêt, il sera publié en janvier 2006 dernier délai, une fois que nous aurons procédé à la consultation européenne obligatoire.

Je veux améliorer la prise en charge des personnes qui ont un problème avec l'alcool. Le rapport d'Hervé Chabalier, qui sera disponible à partir du 20 novembre, nous permettra de dégager des orientations. Il est d'ores et déjà clair qu'il faut sensibiliser davantage le corps médical à ces questions et ne pas oublier les aidants familiaux dans la prise en charge de personnes concernées par l'alcool.

Le débat récent sur la loi Evin a montré la nécessité de créer des espaces de dialogue, en particulier avec les producteurs. Il n'est pas question pour autant, évidemment, que les campagnes de prévention de l'alcoolisme soient coécrites avec qui que ce soit. Ce n'est pas parce qu'il y a consultation qu'il y a codécision, cogestion, coresponsabilité ! Le conseil de la modération est une instance consultative, je le répète, et mon collègue de l'agriculture et moi-même sommes bien d'accord sur ce point. Il n'en demeure pas moins qu'un dialogue serein est nécessaire, car on ne peut pas rester dans une guerre de tranchées avec les producteurs. Le rapport prévu par la loi du 9 août 2004 n'est pas enterré, il sera transmis aux parlementaires, après quoi je serai prêt à organiser les états généraux qui nous permettront d'avoir un débat citoyen sur le sujet. Je crois à la prévention et à l'éducation, mais je n'en oublie pas pour autant la responsabilité première qui est la mienne en matière de santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Claude Evin - Nous pouvons nous féliciter que le projet de loi de financement de la sécurité sociale soit l'occasion d'un échange sur la santé publique. On ne peut pas parler des dépenses sans parler aussi des pathologies qui conduisent à l'augmentation de celles-ci. Mais au-delà de cet aspect financier, ce sont évidemment les souffrances qu'occasionnent ces pathologies, qui nous préoccupent. Nous ne pouvons pas ignorer que le tabagisme cause 60 000 morts prématurées par an et l'alcoolisme quelque 40 000.

Je suis le premier à considérer que la loi du 16 janvier 1991 n'a été qu'un moment de la lutte contre le tabagisme. Elle a posé des principes, a permis de régler certains problèmes, en particulier celui de la publicité, mais je crois qu'il faut maintenant aller plus loin s'agissant du tabac dans les lieux à usage collectif. C'est pourquoi l'opposition soutient le combat de M. Bur. En ces matières, il ne suffit pas de renforcer la réglementation, il faut aussi que les pouvoirs publics affirment clairement leur volonté.

Lors des débats qui ont entouré la loi du 16 janvier 1991, c'est sur l'alcool que les échanges furent les plus difficiles. Les protagonistes de l'époque avancent toujours les mêmes arguments aujourd'hui. Je pense donc comme vous, Monsieur le ministre, qu'un dialogue est nécessaire. Et il me semble que certains collègues, qui s'attachent à défendre la production agricole de leur région, font une certaine confusion quand ils s'opposent aux restrictions sur la publicité, car les marchés les plus intéressants pour la publicité sont en réalité ceux des alcools industriels et des spiritueux. C'est pourquoi nous avons besoin d'un débat vraiment transparent. Et qui respecte certaines règles, Monsieur le ministre, car vous comprendrez qu'il ne nous est pas facile de réagir à un débat de santé publique quand celui-ci surgit inopinément dans une loi d'orientation agricole ! Nous ne pouvons pas accepter que des politiques de santé publique soient décidées par les représentants d'un secteur économique, si respectable soit-il. Ces représentants doivent pouvoir s'exprimer, mais la décision ne leur appartient pas. Si vraiment il est nécessaire de donner un fondement législatif au conseil de la modération, je vous propose, Monsieur le ministre, de le faire dans ce PLFSS plutôt que dans la loi d'orientation agricole et de reprendre, pour ce faire, les termes du décret du 5 octobre.

Nous avions déposé un amendement, refusé par le président de la commission, visant à revenir à la composition initiale du comité de modération telle qu'elle était prévue dans le décret du 5 octobre. Monsieur le ministre, vous avez la possibilité de le reprendre et de faire du comité de modération un véritable outil de santé publique. En lui accordant une assise législative, vous donneriez des garanties à tous les acteurs.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Monsieur le ministre, je me félicite de votre engagement sincère et déterminé à lutter contre les grands fléaux de notre société : le tabagisme, l'alcoolisme et l'obésité. Cette lutte est essentielle. Les objectifs fixés par la loi de santé publique d'août 2004 doivent être atteints.

Concernant le tabagisme, nous avons fait de grands progrès mais nous devons poursuivre nos efforts pour atteindre une baisse de 25% du nombre de fumeurs dans trois ans et demi. En invitant à faire évoluer les dispositifs introduits de manière très courageuse en son temps par M. Evin, je tente de faire changer plus encore les comportements des Français. Une loi de protection peut être pleinement appliquée et respectée en France, comme elle l'est dans d'autres pays. Monsieur le ministre, vous serait-il possible de lancer une nouvelle enquête pour mesurer l'évolution du nombre de fumeurs ? Il me paraît extrêmement important de disposer en la matière d'un baromètre permanent. Nous sommes à vos côtés pour mener une véritable politique de santé publique et montrer aux Français qu'il ne s'agit pas de lois de coercition mais de bien-être, de santé et de liberté.

M. Jean-Marie Le Guen - S'agissant du tabac, depuis 2002, le Gouvernement a mené une action courageuse que nous avons toujours soutenue sans tomber dans la démagogie lorsque la crise des buralistes a éclaté. Nous avons fait front dans cette période difficile. Nous pouvons donc être d'autant plus exigeants aujourd'hui envers la politique de santé publique.

Or la lutte contre l'obésité et l'alcoolisme s'est révélée beaucoup plus ardue. Des parlementaires, issus de la majorité et de l'opposition, ont été contraints à une vigilance permanente afin que les avancées - pour l'alcool, la loi Evin ou les dispositions sur la suppression des distributeurs dans les lycées adoptées lors de la loi de santé publique que M. Bur a défendues - ne soient pas défaites au fur et à mesure de textes législatifs portant sur des sujets fort éloignés de la santé publique. Il y a là un véritable problème d'organisation de l'Etat qui dépasse largement le cadre de cette majorité. Il n'est plus acceptable que le ministère de l'agriculture soit le ministère de la production, et parfois du mauvais usage de la production, contre le consommateur. Un ministère aussi puissant dans ce pays ne doit plus être l'instrument du « détricotage » des politiques de santé publique. D'ailleurs, cette question recouvre un problème plus général : celui des doutes que nos concitoyens éprouvent envers le bien-fondé de la politique agricole menée par notre pays. A-t-elle pour but la satisfaction des besoins fondamentaux du consommateur ou vise-t-elle à répondre aux demandes à court terme des producteurs ? Nous savons tous que la loi Evin ou l'interdiction de publicité ne sont pas les causes des difficultés, par ailleurs réelles, que connaît le monde viticole.

Outre la question d'organisation des pouvoirs publics, nous estimons avoir été insuffisamment soutenus par les ministres de la santé qui, contrairement à nous, disposent de tous les moyens pour se tenir au courant des amendements menaçant les objectifs de santé publique au détour d'autres textes.

Monsieur le ministre, comme M. Evin, je vous invite à reprendre le texte du décret du 5 octobre, qui représentait déjà un compromis, et à l'inscrire dans cette loi de financement de la sécurité sociale afin de parer éventuellement aux attaques qui pourraient survenir au Sénat.

Quant à l'obésité, il est nécessaire d'agir davantage. Les textes ont été adoptés en août 2004 mais ne sont toujours pas appliqués. Sur la question de l'alcool, si les rapports d'experts sont bienvenus, nous devons avant tout mener un travail en profondeur de la société française. C'était le sens de l'amendement que nous avions déposé sur la loi de santé publique pour organiser des Etats généraux de la lutte contre l'alcoolisme. Nous devons absolument modifier le comportement des Français dont le degré de tolérance envers l'alcoolisme est beaucoup trop élevé. Si nous ne sommes pas capables de réaliser ce travail, les lois que nous voterons et les sommes consacrées à la prévention resteront sans effet.

Mme Jacqueline Fraysse - Je tiens d'abord à souligner le caractère humain des questions de santé publique et l'importance des traditions et de l'ignorance en la matière. Effectivement, nous devons mener un travail de prévention en profondeur, cela permettrait sûrement de réaliser des économies. L'amendement de M. Bur relatif à l'industrie du tabac est intéressant mais pourquoi ne pas proposer plutôt la gratuité des dispositifs de sevrage ? Ces derniers, par leur prix élevé, découragent les fumeurs. L'augmentation du prix du tabac a maintenant atteint ses limites. On en voit le résultat avec l'émergence de trafics. Je rappelle que les milieux sociaux les plus défavorisés sont les plus exposés. Certaines régions ont pris en charge les dispositifs de sevrage. Monsieur le ministre, avez-vous connaissance des résultats de ces expériences ?

M. le Ministre - Je vous prie de m'excuser mais je dois absolument m'absenter. Monsieur Evin, je suis sensible à votre volonté de dialogue. Pour tenir des débats intéressants, il faut donc que nous évitions des paroles excessives sur le ministère de l'agriculture.

ART. 15

M. Jean-Luc Préel - L'article 15 concerne le médicament, qui n'est pas un produit marchand comme les autres, mais a pour but de soigner et, si possible, de guérir. Parce que nous espérons tous disposer de traitements contre des maladies actuellement incurables, il est nécessaire de financer une politique de recherche et développement. Monsieur le ministre, vous vous apprêtez d'ailleurs à demander à l'industrie pharmaceutique un effort financier important. Par ailleurs, il a été décidé de maintenir dans notre pays des sites de production.

J'avais cru comprendre que le Gouvernement s'était engagé dans une politique contractuelle de portée pluriannuelle, tendant à mobiliser 2,5 milliards en trois ans. Au reste, tout le monde avait salué cette initiative, en considérant qu'elle était de nature à renforcer le climat de confiance qui doit prévaloir dans un contexte de vive concurrence mondiale. Las, vous modifiez unilatéralement la donne en envisageant, sans aucune négociation préalable, une ponction de 2 milliards supplémentaires à coup de déremboursements, de modification du tarif forfaitaire de responsabilité et de nouvelles taxes. Quid, dans tout cela, du respect du contrat passé avec les opérateurs ?

Nous ne contestons pas qu'il faille toujours rechercher le juste prix, lequel procède d'un compromis acquis par la négociation. Les prix français restent encore relativement bas, mais ils tendent progressivement à rattraper les prix européens, ce qui était souhaité par toutes les parties, notamment pour éviter les importations parallèles. Mais la mise en place du TFR n'a pas eu que des effets favorables : lorsque le princeps est au même prix que le générique, c'est toute la logique de la substitution qui est mise à mal ! Nous plaidons donc résolument pour le maintien d'une approche contractuelle, tendant à installer durablement la confiance et à promouvoir la recherche.

M. Jacques Domergue, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance maladie et les accidents du travail - J'appelle l'attention du Gouvernement sur le caractère trop uniforme du projet d'extension de la taxe sur la promotion des médicaments aux dispositifs médicaux tels que les prothèses ou les stimulateurs cardiaques. S'agissant des médicaments, chacun mesure l'effet inflationniste d'une promotion excessive sur la prescription. Tel n'est évidemment pas le cas pour les dispositifs médicaux : une prothèse de la hanche ou un stimulateur cardiaque, le spécialiste n'en implante qu'un, quelles que soient les sollicitations commerciales dont il est éventuellement l'objet. Nous avions envisagé un amendement à ce sujet mais nous n'avons pas trouvé le moyen de garantir la compensation financière de la perte de recette engendrée. Il reste qu'il nous semblerait de meilleure méthode de taxer différemment la promotion sur les médicaments et celle qui concerne les dispositifs médicaux.

M. Jean-Marie Le Guen - Cet article traite d'un volet majeur de la politique de santé et si nous concevons que les obligations du ministre de la santé ne lui permettent pas d'être présent en permanence, nous aurions préféré que le Gouvernement demande la réserve sur cet article afin que les échanges sur la politique du médicament aient lieu en présence de M. Bertrand. Au reste, il est encore temps pour le Gouvernement de demander la réserve s'il le souhaite.

Puisque tel ne semble pas être le cas, je veux souligner que les mesures prises à cet article le sont pour des raisons exclusivement financières, ce qui appelle plusieurs observations. D'abord, il faut noter que le Gouvernement fonde désormais tous ses espoirs sur la politique du médicament pour contenir le déficit de l'assurance maladie : comment ne pas y voir la démonstration que le plan Douste-Blazy n'a strictement aucun effet sur la dépense de soins ? Voilà où nous en sommes ! Deuxième remarque, lors de la discussion ayant abouti à la réforme de l'été 2004, nous avions insisté sur la nécessité d'actionner le levier que constitue la politique du médicament. Le ministre se plaît à répéter que nous n'avons pas de propositions à formuler. En réalité, les mesures structurantes que nous prônions alors eussent permis de dégager 3 milliards.

Ce qu'il faut faire, c'est agir directement sur les comportements - tant des professionnels de santé que des assurés -, au lieu de chercher à ramasser de l'argent en imposant sans concertation de nouvelles taxes et toute une série de déremboursements injustifiés. Il faut améliorer le degré d'information de chacun, faire évoluer les pratiques médicales en sortant du mode de paiement exclusif à l'acte - lequel tend mécaniquement à gonfler le volume des prescriptions - et libérer les prescripteurs de toute pression commerciale.

Messieurs les ministres, vous avez refusé ces mesures structurantes et balayé nos propositions financières. Résultat, vous êtes conduits à faire passer en force un plan brutal et non négocié. Il est bien loin le temps où le Gouvernement chantait les louanges des laboratoires et tablait sur leur propension naturelle à adopter les comportements les plus vertueux ! Vous mettez à mal tous les éléments de régulation du marché, alors même que l'entrée de molécules fondamentales dans le champ des génériques aurait pu entraîner une baisse des prix durable.

Et vous ne pouvez pas davantage esquiver le débat sur les spécialités à SMR insuffisant, sur l'information des praticiens - après que vous avez cru bon de supprimer le fonds de promotion de l'information médicale - ou sur la politique industrielle du médicament. Au final, nous savons tous que leur brutalité même rend inapplicables les mesures envisagées, sauf à casser toute la politique contractuelle du médicament ! Votre politique à courte vue n'actionne pas les bons leviers : elle sera inefficace et mal acceptée.

M. Claude Evin - Disons-le d'emblée : cet article, exclusivement financier, ne définit absolument pas une politique du médicament. L'objectif unique, c'est de trouver de nouvelles recettes pour compenser les dérapages constatés dans la consommation de soins. Le problème du financement n'est pas mineur, mais il faut aussi savoir si la France a aujourd'hui une politique de recherche et une politique industrielle du médicament. Hormis un groupe d'envergure mondiale, ses laboratoires sont désormais largement dépendants de l'extérieur. Dès lors, il est indispensable de conserver nos capacités de production pour faciliter l'accès des assurés aux produits dont ils ont besoin.

Il convient aussi de tenir compte du rapport compliqué que nous avons tous avec le médicament. C'est le poste de dépenses qui a le plus augmenté au cours des dernières années, les Français en consommant sensiblement plus que les autres Européens. Cependant, n'oublions pas que le médicament est l'un des facteurs qui contribuent le mieux à la prise en charge des pathologies les plus lourdes. Il est donc vital de nouer un dialogue avec l'industrie pharmaceutique, en vue de faciliter l'accès de tous aux traitements et de développer la recherche...

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Ce n'est pas faux.

M. Claude Evin - Sur ces sujets majeurs, l'article 15 n'apporte rien !

Nous devrions plutôt mener une véritable politique ciblée, que seule permet la contractualisation. Nous sommes déjà censés y recourir, notamment par l'intermédiaire du comité économique des produits de santé, or nous ne cessons de mettre en place des contraintes indifférenciées, totalement irrespectueuses de l'hétérogénéité profonde de l'industrie pharmaceutique.

La politique strictement financière prévue par l'article 15 est donc parfaitement insuffisante.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Face à la mondialisation et aux évolutions rapides de l'industrie pharmaceutique, la réaction française a longtemps tardé. N'oublions pas pourtant la constitution, il y a trois ans, de Sanofi-Synthélabo, qui a pris rang parmi les géants mondiaux, ni le redressement récent d'autres entreprises françaises du médicament.

Les difficultés que nous connaissons proviennent plutôt de la faiblesse de nos universités et de notre recherche. Selon d'importants décideurs américains, que j'avais rencontrés à la demande de M. Mattei, l'implantation de nouveaux sites de recherche en France est conditionnée par l'amélioration de la coopération entre l'industrie, la recherche et l'université. Espérons que la future loi d'orientation sur la recherche y veillera.

Comme M. Domergue, je pense en outre que les dispositifs médicaux doivent être dissociés des médicaments, car ils n'ont rien en commun. Faute de quoi, les rares entreprises réellement françaises sur le marché, souvent de petite taille, ne pourraient résister à la concurrence.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Le Gouvernement, Monsieur Préel, attache effectivement une grande importance à la politique contractuelle et conventionnelle du médicament, mise en place par Mme Veil en 1993.

Les prix européens continueront en outre à être appliqués aux médicaments présentant de véritables innovations thérapeutiques.

Monsieur Evin, le Gouvernement veille à ce que l'effort de recherche progresse à un rythme élevé : 2,7 milliards d'euros ont ainsi été consacrés à la recherche publique en matière de sciences du vivant, en plus des 2,6 milliards dépensés par l'industrie pharmaceutique. Et si nous entreprenons de réduire le déficit de l'assurance maladie, c'est aussi en vue de pouvoir introduire les innovations thérapeutiques dans la liste des produits remboursés.

Le Gouvernement promeut également une politique du médicament ambitieuse en développant les pôles de compétitivité et en renforçant les coopérations entre les recherches publique et privée, véritable maillon faible de notre pays.

Par ailleurs, les dispositions qui vous sont proposées ne suppriment nullement la distinction entre dispositifs médicaux et médicaments : elles visent seulement à appliquer la taxe sur la publicité à des dispositifs médicaux aujourd'hui exonérés sans véritable justification, alors que les dépenses qu'ils représentent continuent à s'accroître de façon sans doute excessive.

Je me réjouis, M. le Guen, que vous ayez pris conscience de l'importance de l'industrie pharmaceutique dans notre pays, aussi bien pour la recherche-développement que pour le progrès médical et l'emploi. Tel n'a pas toujours été le cas : Mme Guigou avait ainsi pris l'initiative de baisser les prix des médicaments innovants en 2001.

Je voudrais enfin souligner que nous menons une véritable politique structurelle du médicament, qui vise à réduire les dépenses inutiles en promouvant le bon usage et le juste prix du médicament. La création de la charte de la visite médicale vise en outre à rendre les informations destinées aux médecins plus conformes à la déontologie.

L'unique but que nous poursuivons est en effet de pouvoir prendre en charge les innovations thérapeutiques aux prix européens. On parle beaucoup des médicaments que nous avons décidé de dérembourser, conformément à la recommandation de la Haute autorité de santé, mais sans jamais mentionner les 196 produits que nous avons ajoutés l'an dernier à la liste des médicaments remboursables. Sortent en effet de la liste les médicaments dont le service médical rendu est insuffisant, afin que les plus innovants et les plus performants puissent y rentrer.

Nous avons par exemple choisi de rembourser un médicament contre le cancer que les Britanniques avaient décidé de ne pas prendre en charge, au motif qu'il ne permettait qu'une rémission de deux mois en moyenne, et à un prix trop élevé ; or, pour nous, cela représente déjà un vrai progrès médical.

Si nous voulons prendre en charge le progrès médical pour le plus grand profit de tous les Français, il est donc légitime de réguler la dépense des médicaments remboursés et de faire appel à la responsabilité des industriels. La croissance du chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique s'est en effet élevée en 2005 à 5%, alors qu'elle s'était engagée à le limiter à 1%.

M. Jean-Marie Le Guen - Il y va de la qualité des soins des Français, mais aussi de dizaines de milliers d'emplois et de milliards d'euros de recherche.

Il serait donc hautement souhaitable de ne plus répéter sans cesse les mêmes inexactitudes. L'innovation médicale pose problème dans le monde entier, pas seulement en France : on ne constate plus les mêmes avancées qu'il y a dix ou vingt ans. Et pourtant l'industrie pharmaceutique chante sur tous les tons : « Tout va très bien, Mme la Marquise » !

S'agissant des médicaments au SMR insuffisant, la question est pendante depuis plus de dix ans. Tout le monde sait qu'ils n'ont pas d'avantages médicaux prouvés. Mais en Allemagne, les dépressions et les états d'angoisse sont traités bien plus fréquemment par la phytothérapie que par des anxiolitiques ou des antidépresseurs : il y a donc toutes les raisons de penser que ces derniers, abusivement prescrits chez nous, ne seraient pas considérés comme rendant un SMR élevé dans la pharmacopée allemande.

Comment les industriels ont-ils pu croire aussi longtemps que les pouvoirs publics ne décideraient pas de dérembourser les médicaments au SMR insuffisant lorsque les finances de la sécurité sociale sont en crise ? Les a-t-on bien informés ?

Cela étant, est-il opportun de dérembourser ces médicaments tout en fermant les yeux sur d'autres prescriptions répétitives, trop coûteuses et souvent inappropriées, comme celles du Vioxx, du Celebrex ou des statines ? Ne nous laissons abuser par des innovations en trompe-l'œil !

Aujourd'hui nous décidons de réduire le remboursement des veinotiques, qui n'ont pas une efficacité médicale clairement démontrée, mais qui présentent un intérêt industriel important pour notre pays.

Vous reprenez naïvement le discours selon lequel des molécules révolutionnaires arriveraient chaque année sur le marché alors qu'il existe selon moi une surestimation de l'innovation, du prix et de la valeur thérapeutique d'un certain nombre de médicaments.

M. Laurent Wauquiez - On ne peut soutenir que l'amélioration des déficits de la sécurité sociale résulte seulement de la politique du médicament alors que notre réforme, avec notamment l'instauration du médecin traitant, est un plein succès.

M. Claude Evin - Avec quelles retombées sur les déficits ?

M. Laurent Wauquiez - Concernant la politique du médicament, nous devons reconnaître collectivement qu'il convient d'abandonner des négociations inutiles : il importe de donner un minimum de stabilité aux industriels, et pour innover, et pour conforter ou créer des emplois ; il importe également d'avoir une vision stratégique afin de favoriser les laboratoires qui ont une politique de création d'emplois sur notre territoire.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - L'amendement 301 est rédactionnel.

L'amendement 301, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Depierre - L'extension de la clause de sauvegarde aux produits de la rétrocession hospitalière soulève un grand nombre de problèmes, certains d'ordre méthodologique - notamment la question de la disponibilité des données collectives qui ne permet pas à l'éventuel assujetti de calculer l'impôt, ces données n'étant ni publiques ni opposables -, d'autres d'ordre réglementaire - en particulier par rapport à des dispositions définies dans le cadre de l'accord-cadre hospitalier -, d'autres encore d'ordre psychologique - ce contrôle de l'offre influera sur l'offre thérapeutique de produits innovants déjà régulés par la T2A. La mesure proposée risque de pénaliser les patients pour l'accès aux produits les plus innovants. L'amendement 279 tend donc à supprimer le D du II de l'article.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Nous avons eu du mal à comprendre le sens de cet amendement. Les produits délivrés en milieu hospitalier ne le sont précisément que dans les pharmacies hospitalières. Il s'agit de médicaments innovants qui ne peuvent être délivrés dans les pharmacies de ville, ou de médicaments dont les effets peuvent être dangereux et qui doivent être réservés à certaines spécialités médicales. La suppression de la clause de sauvegarde pour des raisons « réglementaire » ou « psychologique » ne me semble pas fondée. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis. J'ajoute que les dépenses dites de rétrocession progressent très rapidement : plus 29,4% en 2001, plus 34,4% en 2002, plus 11,8% en 2003 et plus 8% en 2004. Il est enfin difficile de justifier une différence de traitement dans l'application de la clause de sauvegarde entre les deux modes de délivrance de médicaments.

M. Claude Evin - Le Gouvernement est en effet cohérent, dès lors que clause de sauvegarde il y a. Mais la progression dont fait état M. le ministre s'explique par la mission particulière des établissements hospitaliers : la délivrance de médicaments très onéreux, ce qui entraîne une explosion de leurs dépenses. Ces médicaments concernent des pathologies lourdes, dont le traitement constitue évidemment l'une des missions de l'hôpital.

M. Bernard Depierre - Je retire mon amendement.

L'amendement 279 est retiré.

M. Bruno Gilles - Cet article crée donc une clause de sauvegarde sur la croissance du chiffre d'affaire des médicaments rétrocédés par les hôpitaux à des patients traités en médecine de ville et qui souffrent par exemple du cancer ou du sida. Un dispositif analogue existe depuis des années pour taxer la croissance des médicaments remboursables vendus en officine mais la rédaction de l'article me semble insuffisamment précise sur deux points. Tout d'abord en ce qui concerne les produits vendus en double circuit, ville et hôpital, qui sont donc déjà taxés. Ensuite, en ce qui concerne les ventes qui ne donnent pas lieu à rétrocession, les médicaments étant utilisés pour les patients hospitalisés. L'amendement 127 précise donc le champ d'application de cette nouvelle taxe.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Nombre de médicaments sont distribués par la pharmacie hospitalière et ne sont pas délivrés en ville. Mais certains seront en effet délivrés à l'hôpital, puis en officine, et dans ce cas il faut éviter une double taxation. Je souhaite donc avoir l'avis de M. le ministre sur cette question : s'il confirme qu'il n'y aura pas de double taxation, j'émettrai un avis défavorable à cet amendement.

M. le Ministre délégué - Je puis vous rassurer, Monsieur Gilles, Monsieur le rapporteur : la double taxation est exclue. Nous devons prendre des mesures de bonne gestion dans l'intérêt de l'hôpital et ce n'est pas par la rétrocession de médicaments que celui-ci doit rechercher des ressources supplémentaires, sinon, des prescriptions excessives voire injustifiées pourraient avoir lieu. La clause de sauvegarde doit donc s'appliquer également à la rétrocession.

M. Bruno Gilles - Compte tenu de l'assurance qui vient d'être donnée, je retire l'amendement.

L'amendement 127 est retiré.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Je laisse à M. Evin le soin de présenter l'amendement 11, accepté par la commission.

M. Claude Evin - Les médicaments orphelins ont toujours fait l'objet d'une attention particulière dans les dispositifs de taxation - taxe sur la promotion, sur les ventes directes ou clause de sauvegarde - et bénéficié d'une exonération ou d'un abattement, comme les médicaments génériques. La taxation sur le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique mise en place il y a deux ans, à la suite d'un amendement déposé par M. Morange, excluait les médicaments génériques, mais pas les médicaments orphelins. M. Morange a lui-même reconnu qu'il s'agissait d'un oubli. L'amendement 11 vise donc à les exclure de l'assiette de cette taxe, ce qui contribuera à conforter la recherche. Le Gouvernement a déposé un sous-amendement précisant que ne bénéficieront de cette disposition que les médicaments orphelins clairement ciblés sur des maladies orphelines. Il est vrai que certains produits ont le statut de médicament orphelin mais sont également prescrits pour d'autres maladies : il en est qui agissent par exemple sur certains types de cancers. Bien cibler l'exonération me paraît donc tout à fait justifié.

En revanche, le Gouvernement introduit un second critère limitant l'exonération aux médicaments qui auront obtenu leur autorisation de mise sur le marché après le 1er janvier 2006 : pour les autres, on considère que le développement a déjà été fait. Mais c'est une mauvaise idée. D'abord, cet argument n'a jamais été retenu pour les prélèvements antérieurs. Ensuite, il s'agit de groupes industriels de petite taille, dont les charges de recherche sont importantes. Certains d'entre eux ne distribuent pas de dividendes et réinvestissent l'ensemble de leurs bénéfices dans la recherche. Le surcroît de bénéfice sur des produits qui ont déjà obtenu l'AMM sera utilisé pour développer de nouveaux produits attendus par les patients ! Je ne veux pas déposer un autre sous-amendement, mais il me semble que cette disposition devrait disparaître au Sénat.

Plusieurs députés UMP - C'est vrai.

M. le Ministre délégué - Nous devrions trouver un terrain d'entente. D'importantes aides sont accordées, aux niveaux européen et national, aux médicaments orphelins. Ce sont les Etats-Unis et le Japon qui ont lancé ce type de politique, visant à intéresser l'industrie pharmaceutique au traitement de maladies souvent extrêmement graves, mais pour lesquelles la recherche n'était pas rentable selon les règles de droit commun. Cet effort de recherche est donc indispensable pour les malades. Toutefois, il faut remarquer que beaucoup des médicaments qui ont été développés de cette manière ont trouvé finalement des marchés considérables, sur des indications médicales qui échappaient aux premières prévisions. Certains se sont notamment révélés précurseurs pour le traitement du sida. Il faut donc être très attentif à ne pas, en voulant encourager la production de médicaments orphelins, ajouter des aides au développement de médicaments qui seraient déjà très profitables selon les règles du marché normal.

Si le Gouvernement partage votre préoccupation, il a donc déposé un sous-amendement 363 rectifié qui limite l'exonération, pour éviter les effets d'aubaine, aux médicaments ayant obtenu leur AMM après le 1er janvier 2006 et qui ne sont prescrits que pour des indications orphelines. Sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, le Gouvernement lève le gage sur l'amendement 11.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - La commission a voté l'exonération à l'unanimité et je remercie le ministre de l'accepter et de lever le gage. En revanche, l'exonération devrait bénéficier aussi aux médicaments ayant obtenu leur AMM avant le 1er janvier 2006 et je souhaite que le texte soit amélioré au Sénat.

M. Jean-Marie Le Guen - Le Gouvernement ne peut-il modifier son sous-amendement ?

M. Denis Jacquat - Ou faire un amendement oral ?

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - La commission des finances a adopté à l'unanimité un amendement semblable, le 44 rectifié. Je vous demande moi aussi, Monsieur le ministre, de retirer le critère de la date. Il s'agit d'entreprises de petite taille, qui s'occupent de maladies souvent négligées, et nous voulons leur donner un signe clair.

M. Jean-Marie Le Guen - Vous craignez qu'il soit possible, pour un laboratoire s'occupant de médicaments orphelins, de gagner un tout petit peu trop d'argent ? Avec les méthodes que vous venez d'utiliser, qui vous permettent de ramasser l'argent comme avec un râteau, vous ne devriez pas avoir peur ! Lorsqu'on considère les besoins qui existent dans ce domaine, ce n'est pas le moment d'être chiche ! Vous pouvez récupérer vos billes sur d'autres produits ! On manque des quelques millions d'euros qui permettraient de relancer les programmes de recherche contre la leishmaniose, alors faites des économies ailleurs !

M. Bruno Gilles - Il est vrai qu'il faut lutter contre les effets d'aubaine, et le critère sur les indications du médicament me parait fondé. En revanche, sur la date, le Gouvernement devrait faire des efforts.

M. Claude Evin - Les effets d'aubaine peuvent en effet exister, pour les médicaments orphelins qui peuvent aussi être prescrits pour d'autres maladies, et la première partie du sous-amendement garantit que l'exonération ne s'appliquera pas à eux. Ceci étant assuré, vous avez tout intérêt, si vous voulez aider au développement des véritables médicaments orphelins, à permettre que les bénéfices des laboratoires soient réinvestis dans la recherche sur d'autres médicaments orphelins ! Devant l'unanimité qui se dégage dans l'Assemblée, supprimez le critère de la date, ou alors, si c'est trop compliqué, changez-la ! Écrivez « 1er janvier 1906 », par exemple ! (Sourires)

M. le Ministre délégué - Ce n'est pas une difficulté rédactionnelle qui me retient ! J'ai bien entendu vos arguments, mais je ne veux pas prendre de décision à l'aveugle. Nous voulons tous inciter au développement des médicaments qui traitent les maladies rares, certes, mais justement ! Il existe déjà, pour les industriels qui se lancent dans ce domaine, le dispositif fiscal européen, l'exclusivité, qui allonge le délai avant lequel le médicament orphelin tombe dans le domaine public et la prolongation de six mois du brevet. De ce fait, un certain nombre d'entreprises, bien que petites, sont également extrêmement profitables. Je ne veux pas, en supprimant la date prévue pour ce dispositif d'incitation fiscale, créer des avantages qui n'aideraient pas au développement de médicaments orphelins mais s'ajouteraient à des activités très bénéficiaires. Je dois donc approfondir ce point avant de prendre une décision. Je ne modifie donc pas mon sous-amendement pour l'instant, mais sans fermer la porte pour la suite.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Puisque le Gouvernement est prêt à modifier la disposition qu'il propose en fonction d'une analyse plus précise sur les médicaments orphelins, je peux donner un avis favorable sur le sous-amendement.

Le sous-amendement 363 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 11, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - L'amendement 44 rectifié est satisfait.

M. Bruno Gilles - Je retire l'amendement 94 2e rectification.

M. Claude Evin - L'amendement 194 est satisfait.

Mme Jacqueline Fraysse - En 2004, les remboursements de médicaments ont augmenté de 6%, soit 17 milliards et 30% des dépenses de soins de ville. Ils pèsent donc très lourdement sur les comptes de l'assurance maladie, et cela traduit une flambée des prix, qui, de 1990 à 2001, ont augmenté de 63% en France contre 28% en Italie et 17% en Allemagne. Il faut donc mieux les maîtriser.

Cette hausse pourrait éventuellement être acceptable si elle profitait à la recherche, par exemple sur les maladies orphelines. Or l'industrie préfère multiplier les molécules plus rentables pour les actionnaires dans des secteurs déjà couverts. C'est pourquoi, par notre amendement 152, nous proposons de pérenniser l'augmentation de la contribution des laboratoires pharmaceutiques assise sur leur chiffre d'affaires en la portant à 1,96% définitivement et non pour la seule année 2006. De la sorte, cette industrie contribuera au financement de l'assurance maladie à proportion de ses bénéfices considérables - 8,75 milliards pour le laboratoire Pfizer, 4,42 milliards pour le laboratoire Merckx en 2004. Cela ne risque pas de les acculer à la faillite, ce que nous ne souhaitons pas. Il s'agit plutôt d'atteindre un équilibre entre liberté d'entreprendre et mission d'intérêt général.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Ce serait un contresens de pérenniser cette contribution alors qu'elle doit être liée aux résultats de chaque année et donc faire l'objet de contractualisation entre les entreprises du médicament et le Gouvernement. Il faut laisser des marges de manœuvre à la négociation. Rejet.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. La hausse exceptionnelle de la taxe tient à ce que le chiffre d'affaires de l'industrie a augmenté de 5% alors qu'elle s'était engagée sur une hausse de 1%. La clause de sauvegarde permet de récupérer 70% de l'excédent de chiffre d'affaires, et cette hausse de la taxe correspond exactement aux 30% qui restent, de sorte que l'engagement initial soit respecté. Et c'est tout l'objet de telles mesures conjoncturelles que de faire respecter le 1%. L'an prochain, grâce aux mesures contenues dans le PLFSS, le chiffre d'affaires devrait évoluer dans le cadre prévu et il n'y a donc pas de raison de reconduire la taxe supplémentaire.

Mme Jacqueline Fraysse - Nous ne nous inscrivons pas dans la même logique. Vous considérez qu'ainsi cette industrie fait des profits raisonnables. Je considère qu'elle peut supporter sans dommage une hausse plus importante. Cela n'empêche pas d'examiner les résultats chaque année et de rouvrir les négociations. Mais pour l'instant, nous pouvons maintenir ce niveau plus élevé pour corriger une anomalie importante.

M. Jean-Marie Le Guen - Si je comprends bien, le ministre s'est engagé à ce qu'il n'y ait pas de taxe l'an prochain sur les laboratoires. J'en doute cependant, car votre politique du médicament ne comporte pas de mesures structurelles propres à limiter les dépenses.

Mais à ce propos, venons-en au vif du sujet, qui est le rôle de la Haute autorité de santé. Sa création était l'un des aspects positifs de la loi d'août 2004. Or, nous apprenons que son fonctionnement interne n'est pas des plus harmonieux. D'autre part, sa productivité est sujette à caution. Elle devait nous fournir des normes scientifiques. Elle a produit, pour l'essentiel, ce rapport sur les médicaments à service médical rendu insuffisant qui n'innove gère puisque d'autres travaux scientifiques existaient et qui oublie l'homéopathie et autres. Voilà qu'en outre, au moment où sort ce rapport, le président de la Haute autorité déclare, dans une interview à Libération, que notre pays n'a plus les moyens économiques de se payer des médicaments de confort. Mais quel mandat a-t-il donc pour savoir quels moyens la nation peut attribuer ou non à la santé publique ? Cette confusion des genres inacceptable fait perdre beaucoup de crédibilité à la Haute autorité et ce dysfonctionnement grave nous inquiète vraiment.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Le déremboursement des médicaments à service médical rendu insuffisant selon des critères scientifiques a été lancé par Mme Aubry.

M. Jean-Marie Le Guen - Ce n'est pas ce que je conteste.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Mme Aubry nous avait dit que là où tous les autres ministres avaient faibli, elle aurait le courage de trancher. En réalité, ni Mme Aubry, ni Mme Guigou n'ont tranché. C'est nous qui avons eu le courage de dire que certains médicaments, quoique actifs, étaient plutôt des médicaments de bien-être, qui n'avaient pas vocation à être totalement pris en charge par l'assurance maladie, laquelle doit privilégier les molécules les plus actives et les plus innovantes. Il est normal que nous demandions aux Français d'assumer eux-mêmes certaines dépenses. Je suis d'ailleurs convaincu qu'il faut développer davantage l'automédication et mettre à la disposition des Français, dans les pharmacies, les médicaments capables de soigner leurs petits bobos. Dans cette perspective, les pharmaciens auraient un rôle accru de conseil à jouer.

Ne remettons pas en cause, Monsieur Le Guen, la Haute autorité de santé qui a pour mission de délivrer des avis scientifiquement fondés et de faciliter ainsi la décision du politique.

Mme Claude Greff - Mme Fraysse veut que l'on pérennise la contribution de 1,96 % et demande ensuite au ministre de revoir les choses l'an prochain. Il y a là une certaine contradiction.

Mme Jacqueline Fraysse - Je demande que l'on évalue !

Mme Claude Greff - Quant à M. Le Guen, j'ai l'impression qu'il confond le fonctionnement ancien de la sécurité sociale et celui que veut aujourd'hui privilégier le Gouvernement, à savoir un comportement responsable. Pour M. Le Guen, telle personne serait habilitée à parler scientifiquement, telle autre, économiquement. Nous, nous ne voulons pas lobotomiser les esprits, nous voulons au contraire des personnes responsables et une Haute autorité capable de réfléchir à la fois scientifiquement et financièrement. Cette double capacité s'appelle la responsabilité. C'est celle que nous attendons de tous les acteurs.

J'apprécie, Monsieur le ministre, votre proposition, mais je voudrais que l'on descende en dessous du pourcentage de 1,96, car il faut penser aux emplois que représentent les entreprises pharmaceutiques.

M. Jean-Marc Roubaud - Si l'automédication n'est pas très développée dans notre pays, c'est justement parce que la sécurité sociale a trop longtemps remboursé tout et son contraire. Les médicaments de confort sont certes actifs, mais la sécurité sociale n'a pas vocation à tout rembourser, sauf à creuser encore le déficit abyssal que nous connaissons !

M. Jean-Luc Préel - Le ministre s'est engagé en faveur d'une politique contractuelle, ce dont nous nous félicitons, mais encore faut-il que les contrats soient durables et que les partenaires puissent signer en toute confiance mutuelle. Or, depuis qu'il y a des lois de financement, j'ai vu beaucoup de ministres revenir sur des engagements antérieurs...

En ce qui concerne la Haute autorité, autorité scientifique qui ne doit délivrer que des avis scientifiques, ainsi que l'a voulu le législateur, j'ai deux propositions à faire. Tout d'abord, les avis concluant à un service médical rendu insuffisant devraient prendre en compte les pathologies à traiter. Le Lactulose, par exemple, n'a pas à être remboursé quand il est utilisé contre la constipation, mais devrait pouvoir l'être quand il sert aux malades atteints d'encéphalopathie hépatique. Certaines vitamines devraient aussi pouvoir être remboursées quand elles sont prescrites pour traiter de neuropathies éthyliques. Ensuite, j'aimerais savoir, Monsieur le ministre, si vous avez l'intention de saisir la Haute autorité au sujet de l'homéopathie, sur laquelle diverses publications contradictoires sont récemment parues. Le président de la Haute autorité a dit en effet qu'il ne voulait pas s'autosaisir.

M. Gérard Dubrac - A propos de l'amendement de Mme Fraysse, je voudrais dire que la contribution devrait être très réfléchie, sachant que l'industrie pharmaceutique pourrait se retrouver dans la même situation qu'il y a quelques années : les quotas ayant été atteints, les chaînes de production avaient été arrêtées, ce qui avait créé un certain vide sur les étagères des pharmacies.

Quant au SMR, prenons garde aux effets négatifs que peut avoir une bonne idée. Le risque est que certains médicaments, utiles à un grand nombre de patients, se retrouvent décrédibilisés. Et qu'on demande ensuite à ces patients d'y renoncer au profit d'autres, en général beaucoup plus chers.

La confusion souvent faite entre l'efficacité d'un médicament et le fait qu'il soit plus ou moins remboursé, décrédibilise incontestablement un certain nombre de médicaments. C'est là une des raisons du faible développement de l'automédication.

M. le Ministre délégué - Je trouve très injuste le procès d'intention fait à la Haute autorité de santé, cette jeune institution dont le travail scientifique n'est contesté par personne. Elle se prononce sur l'admission au remboursement des médicaments et le fait en prenant évidemment en compte les autres médicaments présents sur le marché. Cette étude pharmaco-économique est bien au cœur de ses attributions et il n'est pas souhaitable qu'il en aille autrement. Pour ma part, je rends hommage à la qualité du travail accompli par cette institution, dont nous avons décidé de suivre les recommandations...

M. Jean-Marie Le Guen - Même pas.

M. le Ministre délégué - M. Dubrac a raison de souligner le danger qu'il y aurait à disqualifier certains produits à partir de l'avis de service médical rendu insuffisant. Les médicaments déremboursés ne sont pas pour autant des mauvais produits. Simplement, l'intérêt médical qu'ils présentent ne se situe pas au même niveau que celui de médicaments faits pour traiter des maladies plus graves ou contenant des molécules plus actives.

Je remercie Mme Greff d'avoir souligné de façon imagée que les considérations scientifiques et économiques devaient se rejoindre.

Si la Haute autorité ne tenait pas compte de la nature de tous les médicaments présents sur le marché pour rendre ses avis, son utilité serait très réduite.

M. Jean-Marie Le Guen - Elle rend donc des avis économiques !

M. le Ministre délégué - La prise en compte des produits présents sur le marché est au cœur de la mission qui lui a été confiée par la loi.

Monsieur Préel, l'industrie pharmaceutique s'était engagée à limiter la progression de son chiffre d'affaires à 1%. Parce qu'elle n'a pas respecté ce contrat - l'augmentation devrait être de 5% cette année -, nous sommes contraints d'imposer une hausse exceptionnelle de la taxe sur le chiffre d'affaires.

Concernant l'homéopathie, chacun sait combien la charge de travail de la Haute autorité de santé est lourde (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Elle va examiner une troisième vague de médicaments cette année. Il lui appartiendra de prendre en considération la question de l'homéopathie.

M. Gérard Dubrac - Il faut limiter son remboursement à 15% !

M. le Ministre délégué - Compte tenu des connaissances scientifiques actuelles, je lui suis attaché comme beaucoup de Français.

L'amendement 152, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - L'industrie du médicament, contrairement à celle du tabac, est une industrie de la vie et de la recherche, indissociable du progrès médical. Elle crée de l'emploi et exporte une grande partie de sa production. Aussi, M. Raffarin avait mis en place le Conseil stratégique des industries de santé...

M. Jean-Marie Le Guen - C'est sûr, le Gouvernement et les laboratoires ont tellement de choses passionnantes à se dire !

M. Yves Bur, rapporteur - ...pour défendre et valoriser le site France. Naturellement, cette industrie dialogue de manière permanente avec les pouvoirs publics. Nous devons trouver ensemble un équilibre entre une éthique industrielle au service de la santé et le niveau de profit des industries du médicament, entre la nécessaire régulation d'un marché où l'ordonnateur et le consommateur ne sont pas les payeurs directs et le souci de préserver la capacité de recherche et d'innovation de ces entreprises.

Ces dernières années, plusieurs accords ont été signés - sur l'innovation, le médicament et l'hôpital et une charte sur la visite médicale - mais il manque encore un contrat faisant place à une vision de longue durée qui clarifierait les engagements des uns et des autres. Nos attentes envers l'industrie pharmaceutique ne coïncident pas totalement avec l'exigence de maîtrise médicalisée, qui a un impact sur la consommation et le coût du médicament.

Aujourd'hui, même l'industrie du médicament comprend qu'elle doit participer à l'effort collectif. La France constitue en effet pour elle un marché important.

M. le Président de la commission - Le quatrième mondial !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Notre consommation est trop élevée par rapport à la moyenne européenne.

Par cet amendement, je veux lancer un message à l'industrie du médicament. Si nous voulons éviter à l'avenir des mesures un peu brutales, comme cette hausse exceptionnelle d'une taxe, nous devons obtenir des résultats clairs sur l'ensemble de la politique du médicament. Tout d'abord, les génériques sont encore insuffisamment produits. Il nous faut aller plus loin, plus vite, plus fort. Concernant les médicaments à service médical rendu insuffisant, nous avons décidé leur déremboursement, ce que la gauche n'avait pas eu le courage d'imposer en son temps. D'autre part, il n'est pas acceptable que les prescriptions dans notre pays soient plus nombreuses que dans les autres pays européens. Rien ne justifie une telle consommation et nous devons la ramener au niveau européen....

M. le Président de la commission - Voire mondial !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - C'est à travers cette politique de maîtrise médicalisée des dépenses et de souci de la juste prescription que nous parviendrons réellement à faire des économies. Dans la suite de la discussion, je vous proposerai donc de diminuer le taux de remboursement de certains médicaments utilisés pour soigner les affections de longue durée - actuellement de 100% - dont le service médical rendu est faible. Cela permettrait une économie de l'ordre de 400 millions d'euros qui compenserait cet amendement visant à diminuer la hausse exceptionnelle de 90 millions d'euros en la ramenant de 1,96 à 1,5%. Je souhaite véritablement que l'Etat, comme il l'a fait avec les médecins, s'engage avec l'industrie dans un partenariat durable et que chacun respecte ses engagements.

M. Bruno Gilles - Je retire l'amendement 61 au profit de celui de M. Bur.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Lors de la réforme de l'assurance maladie, il y a un peu plus d'un an, les entreprises du médicament s'étaient engagées à limiter progressivement la progression de leur chiffre d'affaires à 1% par an. Or leur chiffre d'affaire augmente encore de 4 à 5%. Cela justifie le prélèvement de cette contribution exceptionnelle.

Après s'être adressé à d'autres acteurs de la santé l'an dernier, le Gouvernement demande aujourd'hui à l'industrie pharmaceutique de fournir un effort pour rétablir l'équilibre des comptes de l'assurance maladie. Pour autant, le niveau de cette contribution devait-il être aussi élevé ? La multiplication de cette taxe par trois - nous passons de 0,6% à 1,96% - est peut-être exagérée. Au juste, que cherche-t-on ? A bloquer le dialogue avec l'industrie pharmaceutique ou à lui faire accepter de participer au rétablissement de l'équilibre de nos finances sociales ? La commission a émis un avis défavorable à cet amendement mais, à titre personnel, je le soutiens.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement est sensible au souci d'éthique et d'équilibre exprimé par M. Bur et à l'avis personnel de M. Door. En revanche, un contrat a été signé et l'industrie pharmaceutique ne l'a pas respecté.

M. Jean-Marie Le Guen - Contrairement à l'ONDAM ?

M. le Ministre délégué - Elle doit être ramenée sur un sentier vertueux.

Mme Claude Greff - Tout à fait !

M. le Ministre délégué - C'est le sens de cette hausse exceptionnelle de la taxe sur le chiffre d'affaires que le Gouvernement n'a pas décidée de gaîté de cœur (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable à cet amendement, à son grand regret, en espérant que cela encouragera l'industrie pharmaceutique à respecter ses engagements dès l'an prochain.

M. le Président de la commission - Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse - Monsieur le ministre délégué, effectivement, cela doit vous faire mal au cœur de taxer l'industrie pharmaceutique.

M. Jean-Marie Le Guen - Heureusement, la réforme de l'ISF soulagera cette douleur !

Mme Jacqueline Fraysse - Vous défendez l'emploi dans l'industrie pharmaceutique. J'aimerai vous entendre en parler avec autant de conviction dans d'autres secteurs. Vous parlez d'éthique, d'équilibre. Justement, l'industrie pharmaceutique, l'une des plus rentables au monde avec un taux de profit avoisinant les 19%, peut aisément supporter une taxe sur le chiffre d'affaires de 1,96%

M. Pierre-Louis Fagniez - Donc, vous soutenez le ministre délégué !

Mme Jacqueline Fraysse - Vous parlez d'éthique et d'équilibre : c'est au nom même de ces valeurs que je crois l'industrie pharmaceutique largement capable de supporter la taxe proposée. Songez que son taux de profit moyen est de 19% ! S'il est aussi élevé, c'est bien en partie grâce aux remboursements de l'assurance maladie. Plusieurs orateurs ont dénoncé l'insuffisance de l'effort de recherche, particulièrement cruel pour ce qui concerne les maladies orphelines : sait-on assez que le budget de publicité des laboratoires est souvent plus élevé que leur budget de recherche ? Pour toutes ces raisons, l'amendement de M. Bur ne peut être considéré comme sérieux : si je partage son souci de régulation et de conventionnement du domaine, je considère que l'équilibre entre les intérêts bien compris de l'industrie pharmaceutique, d'une part, et ceux des assurés et de l'assurance maladie, d'autre part - si tant est qu'il soit atteint tant la situation des labos semble avantageuse ! - ne sera pas mis à mal par cette taxe, dont nous souhaitons le maintien et la pérennisation. L'industrie pharmaceutique, à laquelle je tiens autant que quiconque, ne s'en trouvera certainement pas mise en danger !

M. Jean-Marie Le Guen - Nous vivons vraiment un moment pathétique ! (Sourires) N'allez pas croire que la douleur du ministre contraint de taxer l'industrie pharmaceutique excite notre compassion, mais il faut bien reconnaître que la situation a quelque chose de navrant. Plutôt que d'assumer sa responsabilité politique, le Gouvernement tente de s'abriter derrière la Haute autorité de santé, laquelle n'a rien à voir dans cette affaire. L'impact économique de ces mesures n'est pas de son ressort, et, du reste, lorsque la HAS fait une recommandation qui ne vous convient pas - on l'a vu avec l'affaire des veinotoniques -, vous ne vous gênez pas pour n'en tenir aucun compte ! Transporté par la douleur d'avoir à justifier une taxe qui n'a d'exceptionnelle que l'argumentation la justifiant, le ministre délégué a finalement laissé entendre que le plan Douste-Blazy ne donnait aucun résultat. Au reste, nous n'avons eu de cesse de répéter qu'il ne contenait aucune mesure structurelle. Moralité, vous voilà contraints de prendre une mesure strictement financière pour compenser l'échec d'une réforme nulle et non avenue !

L'amendement 43, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - J'observe que le président n'a pas pris part à ce vote serré...

M. le Président - Cela sera noté au compte rendu !

L'article 15 modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 50.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY


© Assemblée nationale