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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 18ème jour de séance, 41ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 28 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD

vice-présidente

Sommaire

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2006 (suite) 2

APRÈS L'ART. 37 2

ART. 38 3

ART. 39 9

ART. 40 12

APRÈS L'ART. 40 13

ART. 41 14

APRÈS L'ART. 41 14

ART. 42 15

ART. 43 16

APRÈS L'ART. 43 18

ART. 44 20

APRÈS L'ART. 44 20

ART. 45 20

La séance est ouverte à neuf heures trente.

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2006 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

M. Jean-Marie Le Guen - Rappel au Règlement. Les récentes déclarations du Premier ministre montrent bien qu'il a décidé de s'attaquer aux fonctionnaires.

Nous avons déjà dénoncé hier la distribution aux salariés de gages, à la veille des élections de 2007, creusant ainsi le trou de la sécurité sociale par les exonérations de charges consenties. Mais en outre, alors que le Gouvernement prétend placer les salariés du privé et les fonctionnaires sur un pied d'égalité, il apparaît que ces derniers ne bénéficieront pas de cette manne fiscale et sociale, leur seule perspective salariale étant le rachat de leurs heures de RTT.

Je demande donc au Gouvernement de s'exprimer sur ce sujet, et surtout de revoir sa position ?

M. Gérard Bapt - Le Professeur Dubernard a contesté l'objectivité de la Fédération hospitalière de France. Or la conférence des directeurs généraux de CHU, réunie hier, a également tiré la sonnette d'alarme : alors que neuf CHU étaient concernés par des phénomènes de reports en 2000, 13 le seront cette année, et le chiffre devrait encore augmenter selon M. Castel, président de la conférence.

Allez-vous répondre que M. Castel fait également preuve de partialité ? Qu'il a pris sa carte du syndicat SUD ou de l'UDF ?

Sans rallumer la guerre entre les secteurs hospitaliers public et privé, ne plaçons pas, de grâce, l'hôpital public en soins palliatifs, au moment où le chiffre d'affaires de la Générale de santé progresse de mois en mois, et son cours de bourse de 121 % en un an, avec pour seule explication le passage à la tarification à l'activité.

Mme la Présidente - Puis-je vous rappeler qu'il est de tradition de ne pas donner de titres autres que ceux que les députés tiennent de l'Assemblée ? Aussi, M. Dubernard est-il le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je n'ose donc vous donner le titre de docteur, M. Bapt, d'autant que j'ai l'impression que vous avez coupé les ponts avec le monde médical : tous les membres de la conférence dont vous parlez appartiennent à la fédération hospitalière de France !

M. Gérard Bapt - Autrement dit, ce sont tous des gauchistes !

APRÈS L'ART. 37

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances - L'amendement 54 vise à supprimer le remboursement à 100 % des médicaments prescrits contre certaines affections, et qui sont en temps normal remboursés à 35 %, voire 15 % s'il s'agit de veinotoniques.

En effet, un médicament ne gagne pas en efficacité s'il est prescrit dans un cadre différent. En respectant le principe de prise en charge selon l'efficacité thérapeutique, il serait en revanche possible d'économiser des sommes substantielles, tout en améliorant la qualité des soins.

Cet amendement tend également à renforcer la responsabilité des assureurs complémentaires, qui pourraient décider de rembourser ou non ces médicaments : trop souvent, ils sont appelés à couvrir le reste à charge, sans être associés à la prise de décision. Il est donc prévu que le code CIP des médicaments leur soit communiqué.

M. Jacques Domergue, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance maladie et les accidents du travail - Avis défavorable. Des médicaments remboursés à 35 % peuvent être efficaces pour traiter certaines affections de longue durée - par exemple le lactulose contre l'encéphalopathie d'origine hépatique, comme le soulignait M. Préel.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Avis défavorable. Dans le cadre des ALD, nous devons avant tout respecter le protocole de soins. Seuls seraient pris en charge à 100 % les médicaments présentant un service médical rendu important, ce qui peut poser des problèmes de santé publique, car en cas d'ALD, certains traitements sont constitués en partie de produits remboursés à 35 % seulement, et sans équivalents dans la catégorie de ceux remboursés à 65 %.

M. Jean-Marie Le Guen - J'aimerais connaître la position du Gouvernement sur le grand II de cet amendement.

L'amendement 54, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 175 est défendu.

L'amendement 175, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 38

M. Pierre-Christophe Baguet - Chacun s'accorde sur la contribution de la presse à notre démocratie, grâce à sa diversité, et chacun connaît ses difficultés face à la concurrence sauvage de la télévision et des nouvelles technologies. Colloque après colloque, nous nous efforçons de trouver des solutions à la crise, et nous essayons tous de soutenir la presse dans nos circonscriptions.

Or, texte après texte, les cabinets ministériels s'acharnent à détruire notre patient travail. Qu'a donc fait la presse écrite à ce gouvernement pour subir pareille persécution ? Un jour, le portage est menacé, alors qu'il représente 35 % de la distribution en France et qu'il est en pleine expansion, puis une écotaxe vient frapper la presse payante ; et aujourd'hui voilà qu'une autre taxe est étendue à la presse écrite, au détour du PLFSS.

Quand ce gouvernement s'arrêtera-t-il donc? Où est la cohérence ministérielle ? Quel est en effet l'intérêt de pénaliser maintenant la presse écrite, pour augmenter dans quinze jours les aides publiques, lors de l'examen du budget de la communication ?

Si la lutte contre l'obésité est une noble cause, qui mérite toute notre considération, mesurons la véritable portée de cet article 38 !

La loi du 9 août 2004 sur la santé publique tend à promouvoir la prévention et l'éducation du plus nombre.

Il n'est qu'à lire le compte rendu des débats : le ministre, le président Dubernard ou Jean-Marie Le Guen, tous visaient la télévision, la radio et les actions promotionnelles ! Mais aujourd'hui, c'est la presse écrite qu'on veut pénaliser. Le premier argument avancé est d'ordre juridique : la concentration du dispositif sur les médias audiovisuels constituerait une rupture d'égalité devant la loi et l'impôt. C'est ignorer que, d'une manière générale, la jurisprudence prend en considération l'objet de la loi : des impératifs de santé publique ont, à plusieurs reprises, primé sur l'égalité devant l'impôt. Ainsi, à propos de la loi Evin, le Conseil constitutionnel a considéré que, « au regard de l'objectif poursuivi », le législateur pouvait opérer une différence entre les divers supports publicitaires. Or, la lutte contre l'alcoolisme est un sujet tout à fait parallèle à celui dont nous parlons.

Le second argument utilisé est un risque de transfert des budgets publicitaires de la télévision à la presse écrite. Il ne tient pas : les investissements des géants de l'alimentation obéissent à des logiques économiques que la loi sur l'obésité ne saurait contrebalancer. En 2004, la plupart des marques ayant mené une campagne simultanée à la télévision et dans la presse écrite ont consacré plus de 95 % de leur budget à la première, et encore ne font-elles pas toutes des campagnes bimédia ! Les entreprises recherchent avant tout la puissance de masse. Elles ne s'encombrent pas du reste. Mais l'avenir de la presse écrite se joue malheureusement au pourcentage près.

Pour le seul mois d'octobre, 16 magazines pris au hasard ont consacré 53 pages d'articles à la promotion des nouveaux comportements alimentaires. Il faut choisir : s'il n'y a plus de presse, il n'y aura plus d'articles de sensibilisation. Si votre objectif est d'accroître les ressources de l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé, je veux vous faire une proposition de compromis : ne touchons pas à la télévision, à la radio ni aux actions promotionnelles, qui sont parfaitement définies au niveau européen, mais ne touchons pas non plus à la presse écrite. Ajoutons simplement à la liste des actions concernées la promotion par voie d'imprimés, c'est-à-dire les prospectus publicitaires et le courrier non adressé. Un nouveau quotidien est sur le point de disparaître : c'est un jour triste, n'en rajoutons pas !

M. Jean-Marie Le Guen - Je ne veux pas faire de procès d'intention : il me semble que toute cette affaire résulte d'une mauvaise compréhension entre nous.

Nous avons travaillé sur la loi de santé publique pendant environ un an. J'ai proposé, avec le soutien de membres de la majorité, de réfléchir à des dispositions particulières sur la lutte contre l'obésité. Deux principales sont apparues. La première était la suppression des distributeurs de soda et d'aliments industriels à l'intérieur des établissements scolaires, dont nous avons débattu longuement. Mais il va de soi que nous n'avons pas l'intention de priver les enfants d'hydratation ni d'alimentation : les collectivités locales doivent assurer le remplacement des distributeurs en garantissant, enfin, un accès à une eau potable dans des conditions correctes et en mettant à la disposition des élèves des fruits et des légumes. Si les pouvoirs publics avaient la volonté de lancer une politique de ce genre, il y aurait beaucoup à faire !

La seconde disposition résulte du constat que les enfants sont la cible privilégiée de la publicité alimentaire. En regardant la télévision au moins deux heures par jour, selon les statistiques, ils ingurgitent neuf à dix minutes de publicité alimentaire ! Nous n'avons pas voulu interdire cette publicité, ce qui aurait pu être le premier réflexe, et encore moins la taxer pour disposer d'une recette de poche, mais faire en sorte que les campagnes soient porteuses des valeurs du programme national nutrition-santé, alors que l'environnement publicitaire va pour l'instant massivement à l'encontre des vagues préceptes d'éducation pour la santé que nous arrivons à faire passer. Les industriels qui s'exonéraient de cet effort devaient être taxés, taxe qui n'était pas conçue pour rapporter de l'argent, mais pour les dissuader de continuer sans rien changer.

Or, le 31 juillet 2004, revenant sur l'accord unanime trouvé en commission mixte paritaire, le Gouvernement a ramené le taux de la taxe de 5 à 1,5 %. C'était le premier forfait à l'encontre de la loi de santé publique. Depuis, nous attendons la sortie des décrets, promis par M. Douste-Blazy pour le printemps, puis pour l'été, puis pour après l'été... Et maintenant, le projet de loi de financement de la sécurité sociale nous propose une politique Canada Dry : vous êtes en train d'oublier complètement l'ambition de modifier le cadre publicitaire !

Mme la Présidente - Monsieur Le Guen, vous avez atteint votre temps de parole.

M. Jean-Marie Le Guen - Mais la question est tellement importante ! Je voudrais conclure.

Votre seule ambition, dorénavant, est de disposer des recettes issues de la taxe, laquelle, avec un taux de 1,5 %, n'est plus rien d'autre qu'un permis de faire ce que l'on veut ! Ce n'est rien d'autre qu'un prélèvement libératoire ! Cette idée, dans l'exposé des motifs lui-même...

M. le Ministre - Quel devrait être son temps de parole ?

M. Jean-Marie Le Guen - Je m'arrête ! On va s'amuser ! Le ministre tente de faire pression sur la présidence pour m'interrompre parce que mes propos le gênent ! Dans ces conditions, je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 9 heures 55, est reprise à 10 heures.

M. Gérard Bapt - Il y a quelque temps, avec quelques collègues de la majorité - tous médecins d'ailleurs - nous assistions à Béziers à un colloque des villes engagées dans le programme EPODE, « Ensemble, prévenons l'obésité des enfants », dans le cadre du programme national « nutrition santé ». Il s'agit bien là d'un problème de société, plus que d'un problème médical. C'est pourquoi M. Le Guen voulait taxer les messages publicitaires sur certains produits à destination des enfants. M. Douste-Blazy fut soumis à des pressions extraordinaires, moins peut-être de la part de l'industrie agroalimentaire, qui manifeste une certaine volonté à coopérer sur ce problème de santé publique, que de la part des annonceurs qui craignaient de perdre un marché. Mais devant la levée de boucliers des défenseurs de la santé publique, nutritionnistes, et élus, y compris de la majorité, attachés à la prévention, il accepta un compromis, avec cette contribution de 1,5 % au profit de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Pour le législateur, il s'agissait de rééquilibrer un peu les moyens de la prévention, face à la grosse artillerie de la publicité.

Or, qu'apprenons-nous à la lecture de l'exposé des motifs de l'article 38 ? Que les crédits donnés à l'INPES pour promouvoir l'éducation nutritionnelle se substitueront à ceux de la caisse d'assurance maladie. Celle-ci contribue actuellement pour 71 % au budget de l'INPES - contre 29 % pour l'Etat - et l'objectif est de ramener sa part aux deux tiers. Il ne s'agit donc nullement de recettes supplémentaires pour l'INPES, mais d'économies de bout de chandelle pour l'assurance maladie ! D'ailleurs, au budget 2006, pour la mission Santé, les crédits de la ligne « déterminants de santé » pour l'INPES sont les seuls en baisse, notamment pour la cinquième sous-action « nutrition et activité physique », ces crédits passant de 9,6 millions à 7,4 millions. J'ai bien peur que certains services de Bercy aient même anticipé sur les économies à venir.

Mme Muguette Jacquaint - Lors de l'examen de la loi de santé publique, les parlementaires s'étaient accordés sur la nécessité pour les pouvoirs publics d'agir résolument pour prévenir l'obésité. Il s'agit bien, en effet, d'un problème de société, 19 % des enfant étant obèses ou en surpoids.

Cependant, l'article L. 2133-1 du code de la santé publique, dans la version adoptée au Sénat, ne faisait pas l'unanimité. Cet article 38 veut en faciliter l'application sans revenir sur le point controversé, à savoir la possibilité pour les annonceurs de se soustraire à l'obligation d'introduire un message sanitaire dans les publicités en faveur de boissons avec ajouts de sucre, de sel ou d'édulcorant de synthèse, en payant une contribution de 1,5 % des sommes engagées, affectée aux actions de prévention de l'INPES.

Il est certain que les annonceurs choisiront cette solution, ce qui prive la mesure d'une grande part de son efficacité. Selon le terme de notre collègue le sénateur Muzeau, la majorité a ainsi consacré une sorte de « droit à polluer » pour ces annonceurs, contre paiement d'une taxe.

Pour sa part, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments estimait que l'interdiction de ces publicités à destination des enfants serait une mesure « cohérente et proportionnée ». La question d'une telle interdiction, évidemment par étapes, et avec discernement, s'agissant des boissons avec ajout de sucre, sel ou édulcorants de synthèse est donc ouverte. Sans la proposer directement, nous avons déposé un amendement supprimant la possibilité pour les annonceurs de se soustraire à l'obligation d'insérer une information de caractère sanitaire dans la publicité. Le non-respect de cette obligation entraînerait le versement d'une contribution affectée à l'INPES.

M. Jean-Marie Le Guen - Notre amendement 189 est de suppression. Si j'ai agacé le ministre, c'est que j'ai rappelé les reculs successifs du Gouvernement. Finalement, un an et demi après la loi, les décrets n'étant toujours pas sortis, et en comptant sur quelques recours, la mesure dont nous parlons ne sera pas appliquée avant 2007.

Nous en sommes aujourd'hui à une nouvelle étape, celle d'une taxation, qui a plus une vocation financière qu'éducative. Tout le problème est là, en effet : nous passons d'une logique de coopération - certes difficile et tendue, mais dont on pouvait espérer des résultats pour la santé publique - avec l'industrie agro-alimentaire, à une logique qui consiste à dire : cette industrie qui « pollue » doit payer une taxe à ceux qui sont chargés de réparer cette pollution, en l'occurrence l'assurance maladie. C'est ce que les libéraux américains appellent la « fat tax ». Et comme le taux de celle-ci n'a rien de dissuasif, on n'est plus du tout dans une logique de prévention, mais seulement de réparation.

M. Baguet vient par ailleurs de souligner les conséquences négatives que cette nouvelle orientation pouvait avoir pour la presse. Au départ, nous visions quant à nous les médias susceptibles de toucher les enfants, à savoir la télévision principalement, mais comme le Gouvernement se place dans une logique purement financière, il inclut désormais dans le champ de la taxe une publicité qui paraîtrait, par exemple, dans Les Echos ! La taxe n'est plus ici l'instrument d'une politique de lutte contre l'épidémie d'obésité mais d'une politique d'accompagnement de l'épidémie.

Mme la Présidente - Sur l'amendement 189, je suis saisie par les groupes UDF et socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Jean Leonetti - Même combat...

M. Jacques Domergue, rapporteur - La commission a émis un avis défavorable. Personnellement, Monsieur Le Guen, je ne vois pas ce qui a fondamentalement changé par rapport au texte sur lequel vous vous étiez beaucoup impliqué. Il s'agit toujours de responsabiliser les entreprises qui vendent des produits sucrés.

M. le Ministre - Défavorable.

M. Pierre-Christophe Baguet - Nous sommes tous d'accord pour responsabiliser ces entreprises et pour sensibiliser nos concitoyens sur les conséquences néfastes d'une alimentation déséquilibrée, mais j'insiste sur les effets pervers que risque d'avoir l'extension du champ de la taxe à la presse écrite, au cinéma et à l'affichage. La presse écrite, en particulier, est dans une situation trop dramatique pour qu'on la pénalise par une taxe qui risque de la priver des ressources publicitaires dont elle a grand besoin. On ne peut pas un jour dire qu'il faut tout faire pour la défendre, et le lendemain lui imposer une taxe, petite peut-être mais qui s'additionne à tout ce qui pèse déjà sur elle.

M. Gérard Bapt - La taxation concerne les annonceurs, qui peuvent s'en exonérer en faisant passer des messages d'éducation nutritionnelle.

Je suis déçu que le ministre n'ait pas répondu. Je ne peux pas croire que l'exposé des motifs de cet article émane de la Direction générale de la santé, de l'INPES ou de l'AFSSA, tant il est en contradiction avec l'esprit du changement voulu par le législateur et de la campagne de lutte contre l'obésité qui a été lancée par les nutritionnistes, notamment dans le cadre du programme nutrition santé.

A la majorité de 22 voix contre 10 sur 32 votants et 32 suffrages exprimés, l'amendement 189 n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l'équilibre général - En relisant l'article, je me suis rendu compte qu'il incluait les manifestations et les événements organisés ou soutenus par les municipalités, par exemple les foires, les comices agricoles, les salons, la fête du nougat dans une ville bien connue, la fête de la bêtise dans telle autre...

M. Jean-Marie Le Guen - Le Gouvernement y sera certainement représenté !

M. Jean-Pierre Door , rapporteur - ...ou encore la fête de l'andouille.

M. Jean-Marie Le Guen - Oh, celle-là sera carrément sponsorisée par le Gouvernement !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Mon amendement 39 rectifié vise à exclure du champ de l'article ces manifestations et ces événements, car imaginez-vous, Monsieur le ministre, une fête locale sans bonbons et sans glaces pour les enfants ?

M. Jacques Domergue, rapporteur - Favorable.

M. le Ministre- Avis défavorable, car je souhaite garder l'intégralité de la liste. Si nous y avons inclus le hors média, c'est pour éviter qu'une nouvelle stratégie se mette en place.

La presse écrite n'est pas menacée ; croyez bien que je suis attentif à sa vitalité, sachant que son taux de lectorat est inférieur à celui de nombre de nos voisins. Par ailleurs, il faut veiller à ne pas rester focalisé sur des médias qui aujourd'hui sont en pointe mais qui demain pourraient l'être moins. Cette mesure est raisonnable, dès lors que l'industriel annonceur n'aura pas à payer s'il accompagne sa publicité d'un message sanitaire ; et l'égalité entre tous les supports est à la fois un objectif de santé publique et une obligation juridique - égalité devant l'impôt -, en même temps qu'il répond à un souci de non-distorsion sur le marché de la publicité. Pour éviter les contentieux, une clarification était nécessaire, comme cela avait déjà été souligné par certains lors du débat parlementaire. Nous avons voulu aller dans le détail, et nous visons donc aussi les manifestations et organisations d'événements - soirée étudiante, salon agricole, foire -, mais seulement en ce qui concerne l'acte publicitaire d'un produit alimentaire manufacturé ou une boisson avec ajout ; la manifestation elle-même n'a donc pas de message sanitaire à faire passer, la vente de produits n'est pas visée et les produits naturels ne sont pas concernés. On ne met donc absolument pas en danger les foires et fêtes villageoises.

Un fabricant artisanal peut écrire lui-même le message : dans ce cas, il n'est pas taxé.

En matière de lutte contre l'obésité, nous devons aussi être très vigilants sur le strik marketing, les campagnes qui se font dans la rue ou à la sortie des établissements, ou encore les publicités gratuites qui arrivent dans les boîtes aux lettres - pour des produits dont la qualité nutritionnelle n'est pas toujours garantie. Gouverner, c'est aussi prévoir, et il ne faut pas oublier les médias qui demain pourraient attirer davantage d'annonceurs. C'est la raison pour laquelle nous avons rédigé cet article de cette façon.

M. Jean-Marie Le Guen - Le rapporteur a montré le caractère inapplicable des dispositions proposées par le Gouvernement. Qui fait l'ange fait la bête... On nous dit qu'il faut être extrêmement attentif à la problématique du strik marketing, alors que cela fait deux ans que nous devrions avoir des messages sanitaires à la télévision et que nous ne les avons pas... On nous prépare un système totalitaire qui, tandis que les grands industriels continueront à vendre leurs produits quoi qu'il arrive, va s'attaquer au pauvre artisan pâtissier qui, lorsqu'il participera à une foire locale, sera obligé de faire une déclaration au fisc pour calculer sa contribution de 1,5 % ! Et ce gouvernement prétend vouloir alléger les contraintes... Va-t-il falloir mettre un message d'éducation sanitaire devant les boulangeries ? Ce que nous vous proposions, Monsieur le ministre, et que vous refusez de faire, c'est une négociation avec les grosses industries agro-alimentaires, avec sanctions à la clef si elles ne veulent pas avancer. Regardez donc où vous mettez le doigt : les artisans et commerçants de vos villes et de vos villages vont vous dire que c'est de la folie !

Je vais voter l'amendement de Jean-Pierre Door, mais il eût mieux valu se concentrer sur le problème de la télévision et avoir une discussion avec la vingtaine d'annonceurs concernés. C'était simple, alors que vous rendez la chose impraticable !

Mme la Présidente - Sur l'amendement 39 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Dominique Tian - Je voterai l'amendement de Jean-Pierre Door, et j'avoue partager un peu le point de vue de M. Le Guen... C'est vraiment le genre de texte fait pour embêter tout le monde, toutes les manifestations artisanales, toutes les manifestations sportives qui souvent ne vivent que du petit sponsoring amical d'un fournisseur local. Ce texte vexatoire et inapplicable n'embêtera que le commerce local.

M. Pierre-Christophe Baguet - Plus on avance dans la discussion de cet article, plus on en découvre les effets pervers... On voit déjà la difficulté qu'on a pour percevoir les droits d'auteur sur la musique diffusée dans les bals ou les discothèques ; va-t-on envoyer des inspecteurs du fisc sur toutes les foires et salons ? Que de difficultés pour récupérer 1,5 % ! Tant qu'à faire, fixez le taux à 10 %, au moins cela sera rentable !

Par ailleurs, Monsieur le ministre, vous dites vouloir exonérer de taxe les affiches manuelles et les tracts personnels réalisés par le commerçant ; mais vous pénalisez ainsi toute la filière de la création, de la composition, de l'impression...

S'agissant des groupes agro-alimentaires, leur publicité financière, dont vivent nos journaux économiques, sera-t-elle taxée ?

S'agissant du hors médias, il y a déjà la taxe Jean-Marie Le Guen, qui avait sa cohérence.

Je soutiens l'amendement de M. Door, mais si on commence à ébranler l'édifice juridique, mieux vaudrait aller plus loin et exonérer la presse.

M. Jean-Luc Préel - Le plus simple serait de retirer l'article !

M. le Ministre - Il ne s'agit que des messages publicitaires. Un boulanger qui ne fait que de la vente n'est pas concerné, Monsieur Tian. De même, une manifestation locale sans message publicitaire n'est pas concernée.

Monsieur Le Guen, ce qui vous dérange, c'est sans doute qu'en matière de lutte contre l'obésité il n'y a pas de droits d'auteur. Ce qui est important, c'est ce qui se fait, pas ce qu'on a dit...

A la majorité de 29 voix contre une sur 32 votants et 30 suffrages exprimés, l'amendement 39 rectifié est adopté et l'article 38 est ainsi rédigé.

M. Jean-Marie Le Guen - Je me félicite du vote de cet amendement mais il ne réglera pas tous les problèmes, loin de là. Cet article, même ainsi rédigé, est bel et bien porteur de dangers.

Monsieur le ministre, je ne demande pas de droits d'auteur - je suis d'une manière générale, assez opposé aux brevets... (Sourires) Je sais pertinemment que si des collègues siégeant sur d'autres bancs que les nôtres n'avaient pas soutenu le combat que nous avons mené il y a deux ans, nous ne l'aurions pas gagné. Mais je le dis ici avec solennité, cet article n'aboutira pas à ce que nous souhaitons. Toute publicité sur le foie gras, par exemple, devra-t-elle désormais contenir un message du type « Attention, ce produit est dangereux pour la santé » ? Ce serait tout le contraire de ce que nous avons voulu.

Si cet article devait être conservé après l'examen du texte au Sénat, toute notre politique de santé publique en matière de nutrition deviendrait prisonnière de mille et un conflits locaux ingérables. Je vous demande donc d'en revenir à la sagesse, qui commande de négocier avec les grands groupes agroalimentaires le contenu de leurs messages publicitaires à la télévision. Si nous y parvenons, nous aurons fait un pas considérable. Les débordements du marketing direct sont marginaux par rapport aux messages diffusés dans les grands médias. Je crains que le texte adopté ne nous empêche en réalité de progresser.

M. Gérard Bapt - Rappel au Règlement.

Mme la Présidente - Sur le fondement de quel article ?

M. Gérard Bapt - Article 58, alinéa 3. Nous n'avons découvert qu'au fil de la discussion les implications qu'aurait cet article au quotidien dans nos communes. Pensez à Toulouse et son foie gras, ou bien encore pour le Cantal, mon département d'origine, au saint-nectaire ! Mieux aurait valu aujourd'hui supprimer cet article et réfléchir à une meilleure rédaction d'ici à l'examen du texte au Sénat.

En même temps que la DGS et l'INPES lançaient une excellente campagne d'information télévisée sur les dangers des produits trop gras et trop sucrés, le Cedus, lobby de l'industrie du sucre, lançait la sienne sur le thème « Que serait un monde sans sucre ? », comme si la première visait à interdire totalement le sucre ! Cet exemple en dit long.

Mme la Présidente - Il ne s'agissait pas d'un rappel au Règlement, Monsieur Bapt. Nous en venons à l'article 39.

M. le Ministre - Puis-je encore intervenir sur l'article 38 ? Je voulais seulement préciser que le décret, en cours de finalisation, sera prêt dans les jours prochains et transmis aux instances européennes, pour être applicable au plus tard au printemps 2006. J'ajoute que l'INPES disposera en 2006 exactement des mêmes moyens qu'en 2005, à l'euro près.

Monsieur Le Guen, ce qui m'intéresse, c'est de faire évoluer les comportements des publicitaires et le contenu de leurs messages. C'est cela qui me paraît le plus constructif aujourd'hui.

M. Jean-Marie Le Guen - Juste un mot. Les moyens de l'INPES seront reconduits à l'identique, nous dites-vous, Monsieur le ministre. Nous aimerions volontiers vous croire. Simplement, le projet de loi de finances prévoit qu'ils diminuent de 30 %. Qui faut-il croire ? Reconnaissez qu'il y a de quoi être décontenancé !

ART. 39

M. Jean-Luc Préel - Le Fonds d'aide à la qualité des soins de ville, à l'origine temporaire, sans cesse prorogé depuis sa création, va être pérennisé. Nous nous étions demandés au début s'il était bien nécessaire de créer un fonds spécifique et si une ligne budgétaire distincte n'aurait pas suffi. Bref, ce fonds a fait la preuve de son utilité et plus personne ne le remet en question.

Non contents de le pérenniser, vous en élargissez les missions. Il financera les structures participant de la permanence des soins, comme les maisons médicales de garde, les mesures d'incitation à une meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire, mais aussi la mise en place du dossier médical personnel. Pour toutes ces missions, sa dotation n'est, hélas, que de 110 millions d'euros. Chacun sait que la mise en place du DMP sera longue et coûteuse - on est loin des économies de 3,5 millions d'euros escomptées dès 2007 par votre prédécesseur, Monsieur le ministre ! Une première expérimentation concernant 30 000 patients est prévue, dont M. Coudreau, le responsable de projet, estime le coût à 200 millions d'euros. Ne parlons même pas du coût annuel ultérieur d'hébergement des DMP qui devrait avoisiner un milliard ! Comment cette expérimentation sera-t-elle financée ? Le FAQSV devrait être sollicité à hauteur de 90 millions. Comment parviendra-t-il à financer ses autres missions, notamment l'ouverture des maisons médicales de garde sur des plages horaires plus larges, avec les 20 millions restants ? Nous nous interrogeons.

Mme Muguette Jacquaint - Le FAQSV va être pérennisé, ce qui prouve que le coût des structures participant à la permanence des soins ou des mesures visant à assurer une meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire est plus élevé que prévu. Vous portez la dotation de ce fonds de 60 à 110 millions d'euros, ce qui n'en reste pas moins dérisoire, d'autant que ses missions ont été étendues. Il devra notamment financer la mise en place du DMP, dont nul ne croit d'ailleurs plus qu'elle sera effective en 2007 et procurera cinq milliards d'économies, comme l'avait pourtant promis le ministre en 2004 ! En septembre, le responsable de projet a demandé 200 millions pour une première expérimentation quand le président du GIP de préfiguration du DMP en estime le coût à un milliard. Comment se répartiront les financements du FAQSV et du dossier médical ? Des réponses s'imposent, tant l'investissement est important au regard de l'utilité même de l'outil. Sans garanties supplémentaires sur la confidentialité des données, on est en droit de s'interroger sur son sens caché.

Vous assurez que les données du DMP ne seront pas accessibles aux complémentaires santé, mais saurez-vous faire respecter cette garantie compte tenu du rôle que vous leur donnez dans la nouvelle gouvernance de la sécurité sociale ?

Le DMP risque de devenir un instrument de coercition, puisque sa non-communication par le patient sera assortie de sanctions financières. Vous pourchassez le nomadisme médical, mais la carte Vitale ne jouait-elle pas déjà ce rôle ?

A ce propos, à quelques années de la mise en place du DMP - au coût extravagant - la carte Sésame Vitale 2 va-t-elle voir le jour, et à quel prix ?

M. Jean-Marie Le Guen - Nous avons constaté ces jours-ci que les positions du Gouvernement pouvaient évoluer.

L'un des grands défauts de la réforme de l'assurance maladie, c'est qu'elle ne propose pas de vision restructurante de l'offre de soins. L'égalité, l'efficacité et la qualité de notre système de soins requièrent une autre organisation. Nous avions proposé la rémunération forfaitaire des médecins pour compléter le paiement à l'acte. Votre opposition initiale était idéologique - nous remettions en cause, disiez-vous, la médecine libérale. Mais l'échec de votre plan vous a fait changer d'avis : nous avons voté hier l'idée du paiement forfaitaire, notamment dans les zones fragilisées.

Nous avions proposé que la prescription médicamenteuse puisse se faire en DCI pour obtenir des gains financiers et qualitatifs. Hier, vous avez entrouvert la porte à cette mesure en permettant aux logiciels de prescription de comporter cette éventualité.

Nous arrivons à présent au FAQSV, instauré par le gouvernement précédent. C'était une très bonne initiative si la mise en œuvre n'avait pas été aussi ambitieuse qu'on aurait pu le souhaiter. Il faut donner plus d'ampleur à ce fonds si l'on veut des maisons médicales de garde et des maisons de santé, notamment dans les territoires défavorisés en matière d'offre de soins, si l'on veut promouvoir des pratiques positives de réseau et si l'on veut garantir la modernisation de notre offre - grâce au DMP, par exemple. Nous approuvons donc son maintien et l'augmentation, même insuffisante, de ses moyens.

M. le Ministre - Le plafond de dépenses du FAQSV est de 150 millions d'euros : 90 millions sont consacrés au DMP, et nous pouvons faire plus et mieux que l'an dernier avec les 60 millions restants ; l'évaluation des pratiques professionnelles en coûtera 11 et les maisons médicales de garde 8,5. La partie régulation est revenue sur le risque après la signature de l'avenant n° 4.

Il faut pérenniser le FAQSV et le rendre lisible. J'ai demandé à une mission de l'IGAS d'en évaluer le fonctionnement et les missions, ainsi que la dotation nationale pour le développement des réseaux, afin que nous ayons tous les éléments à notre disposition.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Très bien !

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 223 supprime le quatrième alinéa du premier paragraphe de l'article 39.

Nous sommes favorables à la pérennisation du FAQSV et à l'existence de maisons médicales cantonales pour lutter contre la désertification, afin que les professionnels de santé, mieux répartis, puissent travailler en commun à l'échelle locale.

J'ai bien entendu le ministre sur le plafond de dépenses du FAQSV, mais qu'en est-il du DMP ? M. Coudreau nous explique que sa seule expérimentation coûtera 200 millions d'euros.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - C'est lui qui le dit !

M. Jean-Luc Préel - Mais c'est lui qui en a la charge ! Comment la financerez-vous ? Il manquera 110 millions !

M. Jacques Domergue, rapporteur - Avis défavorable. Nous sommes tous d'accord, le FAQSV est fait pour cela, et c'est en ce sens qu'il a été abondé. Peut-être M. Coudreau devra-t-il faire des efforts. Il s'agit d'un élément structurant de la réforme : réjouissons-nous de sa mise en œuvre rapide !

M. le Ministre - Même avis. L'expérimentation, qui coûte 15 millions d'euros, est financée au titre du FAQSV 2005. La pré-généralisation, qui coûte 90 millions, est financée au titre du FAQSV 2006. Ce sont les recommandations mêmes du GIP DMP, présidé par M. Coudreau ! Il est indispensable que le FAQSV prenne en charge ce financement.

Nous portons le même attachement au DMP. Il me semble, Monsieur Préel, que dans une enquête que vous avez sollicitée, 75 % des médecins considéraient qu'il est une bonne chose - mais je n'ai pas beaucoup entendu rappeler ce chiffre !

M. Jean-Marie Le Guen - Le DMP n'est pas anecdotique : c'est un processus mondial de modernisation de la production de soins. Le secteur de la santé s'approprie peu à peu les nouvelles technologies de l'information, notamment l'internet.

Cette évolution mondiale est nécessaire et bouleversante. Si le FAQSV a en effet vocation à intervenir, on ne peut pourtant pas faire croire aux Français que l'on mettra le DMP sur pied en quelques mois et avec quelques poignées de millions d'euros alors que partout ailleurs dans le monde, cette révolution est longue et fort coûteuse. Le problème essentiel n'est pas financier : les praticiens autant que les usagers doivent s'approprier la technologie.

Ne traitez donc pas le DMP comme un gadget venu sauver la réforme et qui vous évite de faire les efforts de restructuration nécessaires. Nous ne ferons pas avec très peu ce que les autres font avec beaucoup, même si nous sommes très forts, très intelligents et économiquement patriotes...

On nous propose une solution alternative : retirer aux pouvoirs publics le contrôle du DMP pour en préparer la privatisation, comme on a voulu le faire pour les autoroutes ! En donner la concession à des opérateurs privés : voilà comment vous comptez payer le DMP ! C'est une privatisation, ni plus ni moins ! Bien entendu, vous menez encore des privatisations « à la papa », en recourant à la mutualité ou aux assurances traditionnelles, mais vous préparez déjà la privatisation de demain : celle des portails électroniques.

A l'instar des opérateurs de télécoms qui ont accaparé une technologie traditionnelle, nous verrons bientôt apparaître de nouveaux acteurs privés, couvrant des champs bien plus étendus qu'aujourd'hui : des prestations complémentaires d'assurance maladie mais aussi des actions de prévention, comme le prévoient les « contrats responsables » votés hier.

Cette nouvelle génération d'acteurs - les portails électroniques - remplacera alors les mutuelles ou les assureurs. Pareille orientation, fruit de l'impréparation du Gouvernement, est lourde de menaces pour les droits des malades et des usagers, ainsi que pour l'avenir de l'assurance maladie.

M. le Ministre - Quel scandale ! Je me demande vraiment quel est votre dessein, M. Le Guen...

M. Jean-Marie Le Guen - Celui de vous combattre !

M. le Ministre - Votre mission première est-elle de me combattre ou de rechercher l'intérêt de notre système de santé ? Vous vous efforcez toujours de vous démarquer et d'instiller le doute. Vous étiez d'accord sur le principe du dossier médical personnalisé, qui recueille l'accord des trois quarts des médecins et de 90 % de nos concitoyens, mais, comme à votre habitude, vous cherchez à semer le doute.

Il n'est nullement question de privatiser le DMP, ni la santé des Français, hormis dans vos fantasmes. Nous avons voté un cadre législatif offrant toutes les garanties nécessaires de confidentialité, et je voudrais demander à tous les acteurs du DMP d'associer pleinement les patients et les professionnels de santé, qui ne doivent pas être tenus à l'écart.

Le DMP doit en effet trouver sa place au cœur de la relation avec le malade. C'est un atout pour renforcer la qualité des soins, et non un outil économique. Il permettra assurément d'éviter les redondances et les examens ou prescriptions inutiles, mais en assurant le partage de l'information autour du patient, qui conservera la maîtrise du DMP, et en faisant ainsi progresser la qualité des soins.

Si nous souhaitons que certaines dépenses inutiles disparaissent, nous ne bâtirons pas pour autant un système d'information ex nihilo. Nous souhaitons au contraire un développement in extenso de celui qui existe : les généralistes entrent déjà dans leurs bases de données les symptômes et leurs prescriptions, sans qu'elles soient pourtant communiquées aux spécialistes. Notre ambition est donc de rendre les systèmes informatiques communicants, et d'organiser le partage des données avec l'accord du patient.

Voilà pourquoi il ne nous faudra pas dix ans ni dix milliards d'euros ! Si votre scepticisme ne relève pas de la mauvaise foi, le début des expérimentations et la mise en place du DMP, le 1er juillet 2007, permettront, je l'espère, de lever vos doutes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 223, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Domergue, rapporteur - L'amendement 317 est de coordination.

L'amendement 317, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 39 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 40

M. Jean-Marie Le Guen - S'agissant toujours du DMP, nul doute que vous ne respectiez les droits des patients : la CNIL et d'autres institutions y veilleront. En revanche, je me demande comment vous pouvez affirmer que la mise en place du DMP coûtera 30 ou 40 fois moins qu'à l'étranger, et prendra cinq fois moins de temps ! Tant que vous n'aurez pas répondu à cette question, nous croirons à un tour de passe-passe.

Par ailleurs, la communication entre le généraliste et le spécialiste ne se heurte pas seulement à un problème informatique, car il n'existe pas de langage médical normalisé aujourd'hui ! Et, même sans volonté de retenir l'information ni jalousie, un médecin sera toujours réticent à livrer ses notes personnelles à l'un de ses confrères.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Mais non !

M. Jean-Marie Le Guen - Je suis le premier à le regretter, mais nier la difficulté ne permet aucunement de la résoudre.

Pour en venir au fonds de modernisation des établissements de santé, cette belle initiative n'a pas suffisamment servi, car beaucoup de blocages, notamment psychologiques, s'y sont opposés. Nous devons donc développer la communication et faire évoluer les structures dans un sens plus managérial.

M. Gérard Bapt - Au cours d'une visite de la clinique Pasteur de Toulouse, M. Douste-Blazy avait fait des déclarations fracassantes sur la généralisation, en moins de dix-huit mois, d'un système intranet local, qui devait générer des centaines de millions d'euros d'économies pour l'assurance maladie. On en est loin. Vous comprendrez donc aisément notre circonspection, Monsieur le ministre !

Mme la présidente - Puis-je vous rappeler que vous devez intervenir sur l'article 40 ?

M. Gérard Bapt - Le fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés est le fruit d'une longue histoire, celle du FMO, du FASMO ou encore du FMCP. Le fonds actuel concernant les dépenses d'investissement et de fonctionnement communes aux établissements publics et privés, nous souhaiterions connaître la répartition exacte des crédits entre établissements publics et privés, ARH par ARH. Le principe de transparence y gagnerait.

Par ailleurs, Mme Guigou avait mis en place un plan de revalorisation des salaires dans le secteur privé, et notamment ceux des infirmières, afin que les rémunérations rejoignent progressivement celles du public. Alors même qu'il est aujourd'hui question de convergence, cet effort a été interrompu. Il conviendrait donc d'étendre le souci de modernisation hospitalière aux aspects sociaux.

L'article 40, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 40

Mme la présidente - Les amendements 28 de la commission, 81, 95 et 107 sont identiques.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Il s'agit de pérenniser l'aide financière aux établissements privés, qui représente un investissement indispensable de modernisation de l'ensemble du secteur hospitalier.

M. Dominique Tian - Il y a urgence extrême en effet à moderniser les cliniques privées.

M. Philippe Vitel - Ce fonds est très important pour les établissements privés contraints de consentir des investissements colossaux et de se regrouper pour survivre.

M. Jean-Luc Préel - Même avis.

M. le Ministre - Lors de la discussion sur l'article 30, les parlementaires avaient accepté de retirer des amendements similaires. Ces amendements vont réévaluer les coefficients de transition des établissements privés au coefficient fortement inférieur à 1. Mais il faut tenir compte de l'économie générale du dispositif de la convergence intrasectorielle, et cette mesure rompt avec le principe de neutralité financière. Avis défavorable.

M. Gérard Bapt - Le principe de neutralité n'est pas la réponse à tout. Si les députés de la majorité sont d'ardents partisans de la convergence et de la tarification à l'activité dans une enveloppe unique, la convergence doit également s'établir entre établissements privés. Quel que soit le niveau de dotation de l'établissement, il me semble que toute aide publique à des établissements privés doit avoir des contreparties sociales, notamment en matière de rémunération du personnel paramédical. Dans ce domaine, il faut que les ARH aient une plus grande latitude d'action : il est très différent d'aider un établissement privé qui appartient à une famille ou à ses praticiens et d'aider ceux qui sont la propriété de grands groupes et qui font des bénéficies considérables.

M. Dominique Tian - Il est vrai que nous avons déjà eu cette discussion, mais pour M. Bapt, elle n'est pas close apparemment : si la guerre public-privé est terminée pour nos concitoyens, elle est toujours d'actualité pour le parti socialiste ! Nous avons besoin et de cliniques et d'hôpitaux. Peu importe, puisque les gens y sont soignés dans les mêmes conditions !

M. Gérard Bapt - Ce n'est pas vrai ! Venez voir la maternité de Toulouse !

M. Dominique Tian - Il ne s'agit donc pas de faire converger les établissements privés entre eux, puisque les sous-dotés viendraient amoindrir les qualités financières des autres. La moyenne n'est jamais bonne. Prendre aux uns pour donner aux autres revient à condamner à mort une partie de la profession. Un tiers des cliniques françaises ont fermé ou se sont regroupées, ce qui a provoqué des drames, des licenciements et des difficultés économiques. Elles ont payé le taux de change requis et ont perdu des lits. Toutes les cliniques faisant moins de 500 accouchements ont fermé. Elles ont donc fait un effort énorme. Nous voudrions que le fonds de modernisation permette aux cliniques les moins dotées de se moderniser pour ne pas mourir. Ce n'est pas un combat idéologique.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Après les explications du ministre, je crois préférable de rejeter ces amendements.

Les amendements 28, 81, 95 et 107, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 41

M. Jean-Luc Préel - L'article 41 concerne une mission qui relève typiquement de l'Etat et qui doit donc être financée par le budget du ministère. Cet article accroît encore la confusion entre les missions de l'assurance maladie et celles de l'Etat. La loi de santé publique prévoit explicitement qu'il s'agit d'une mission régalienne de l'Etat.

L'amendement 212 vise donc à supprimer l'article.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Avis défavorable. Il ressort du nouveau rôle de l'assurance maladie qu'elle s'implique dans la prévention. Il serait spécialement malvenu ces temps-ci de refuser de voter cet article.

M. le Ministre - Avis défavorable.

M. Jean-Marie Le Guen - J'approuve cet article, mais il est indispensable, si nous voulons éviter des polémiques sur un sujet qui ne les mérite pas, que le Gouvernement prenne l'engagement de veiller à ce que l'argent aille réellement à des dispositifs médicaux et non, comme pour le plan Biotox, à des postes de l'administration.

M. le Ministre - Je l'avais déjà dit au début de la discussion et je le confirme.

L'amendement 212, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 41, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 41

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - La lutte contre les fraudes est importante pour assurer la crédibilité de notre politique de responsabilisation. Nous avons déjà créé la carte d'identité, qui va faire partie intégrante de la nouvelle génération de cartes Vitale. Il existe aussi une liste d'opposition de 275 000 cartes, auxquelles s'ajoutent 15 000 cartes perdues ou volées chaque mois. Pour des raisons techniques, les pharmaciens ne peuvent en consulter qu'une partie. Par l'amendement 59, 2ème rectification, je propose donc que les pharmaciens utilisent le système de vérification des droits en ligne qui va être mis en place. Il s`agit de vérifier la validité de la carte, les droits qui y sont inscrits et la possibilité de tiers payant. Cela permettra une liquidation médicalisée plus active. La fraude n'atteint certes pas l'importance qu'on lui prête, mais elle amoindrit les efforts de l'ensemble des assurés.

Mme la Présidente - Le Gouvernement a déposé un sous-amendement qui n'a pas été distribué.

M. le Ministre - Il s'agit de préciser que les modalités d'application du dispositif sont déterminées par un arrêté du ministre de la santé.

La séance, suspendue à 11 heures 40, est reprise à 11 heures 50.

M. Jacques Domergue, rapporteur - La commission avait repoussé l'amendement 59, 2ème rectification. A titre personnel, il me semble qu'on peut l'accepter si le sous-amendement 369 est adopté.

Le sous-amendement 369, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 59, 2ème rectification, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

ART. 42

M. Jean-Luc Préel - Nous arrivons à l'un des articles les plus importants - en principe -puisqu'il fixe l'objectif de dépenses de la branche maladie pour 2006. Lorsque la loi de financement fut instituée, nous nourrissions de grands espoirs : le Parlement allait se prononcer sur les dépenses médicales. Mais au fil des années, cet ONDAM, fixé de façon aléatoire et très économique, n'a jamais été respecté et l'espoir a laissé place au scepticisme. A de nombreuses reprises, nous avons demandé qu'il soit médicalisé, et le directeur de la haute autorité de santé a fait un rapport en ce sens. Or cette année, pour ce que j'en vois, il est toujours aussi économique et « pifométrique », à partir des prévisions de dépenses retenues en octobre par Bercy. Ce n'est pas de bonne méthode. Pour le groupe UDF, il faudrait que sur la base des travaux de conseils régionaux de santé, dont une conférence nationale ferait la synthèse, on définisse au printemps les priorités de santé qui seraient votées à l'automne. On pourrait alors parler d'un ONDAM médicalisé.

Ensuite, cet ONDAM est-il réaliste ? Sans doute pas, car il est fixé à un niveau très bas, avec des dépenses sous-estimées. Sans parler même de l'ONDAM hospitalier, vous prévoyez pour les soins de ville, de façon très volontariste, une augmentation de 0,9 %, tablant sur une hausse de 3,2 % pour les honoraires mais une baisse de 3,3 % pour les prescriptions. On le souhaiterait, mais comment serait-ce possible, alors que chaque année les dépenses de prescriptions augmentent de 3 % à 4 % ? En outre, il faudra répondre à des demandes sur les gardes et astreintes, la mise en place des conseils de santé, l'indemnité kilométrique, les revalorisations réclamées par les infirmières et les masseurs-kinésithérapeutes et celles promises en 2004 aux chirurgiens... On aimerait vous entendre réaffirmer votre volonté de faire respecter l'ONDAM. Nous ferons le bilan l'an prochain.

M. Jean-Marie Le Guen - L'ONDAM engage la crédibilité du Gouvernement. Sans doute est-ce pour ne pas avoir à prononcer de parole définitive que le ministre de la santé s'est éclipsé. En effet, l'ONDAM qui nous est proposé n'est pas crédible. Nous ne savons toujours pas quelle est la base des estimations pour l'ONDAM hospitalier, nous restons dans le flou sur les dépenses réelles pour 2005 avec la TAA et sur les prévisions pour 2006. En fait cet ONDAM hospitalier disparaît au profit d'un ONDAM des établissements soumis à la TAA, ce qui amalgame cliniques privées et établissements publics.

Quant à l'ONDAM pour les soins de ville, l'effort porte essentiellement sur la pharmacie. Je doute néanmoins que la prescription en DCI produise ses effets avant un certain temps. Et sur les honoraires, M. Préel a rappelé les promesses du Gouvernement ; s'il les tient, il ne respectera pas les 3 % prévus. De plus, l'application de la classification commune des actes médicaux et la dérive des dépenses obligera à recourir à l'enveloppe réservée. Au total, les dépenses seront certainement supérieures de plusieurs centaines de millions à ce que prévoit l'ONDAM.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - Dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, il était prévu 200 millions d'économies sur les coûts de gestion de la CNAM. Or, nous ne constatons aucun résultat. Pour y parvenir, nous proposons, par l'amendement 55, une réduction tout à fait raisonnable de ces dépenses, soit 100 millions.

Mme Muguette Jacquaint - De quelle manière ?

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - J'en profite pour souligner que la mise en place des nouvelles structures a eu des effets positifs, notamment de donner un rôle central à la gestion du risque.

L'assurance maladie était devenue au fil des ans une structure de liquidation, à guichets ouverts, sans réel pilotage. Nous recherchons désormais une utilisation optimale des moyens collectifs dédiés à la santé. J'ajoute qu'il faudrait veiller à l'avenir à limiter l'excès de bureaucratie et à rendre le système plus réactif. On reproche parfois au corps médical de ne pas atteindre assez vite les objectifs fixés, mais l'assurance maladie a sa part de responsabilité.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Avis défavorable, car les économies escomptées ont déjà été prises en compte dans le calcul de l'ONDAM, et parce que rien dans l'amendement ne garantit que ces 100 millions d'économies souhaitées seraient effectivement réalisées sur la gestion de la CNAM et pas sur un autre poste de dépenses.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - La sécurité sociale est un grand service public et les Français sont en droit de demander des comptes sur sa gestion. Mais les frais de gestion de l'assurance maladie représentent 4,13 % du montant des prestations versées, c'est-à-dire qu'ils sont maîtrisés. Aujourd'hui, 90 % des feuilles de soins font l'objet d'un traitement automatisé à partir d'une télétransmission.

Quant à la caisse d'allocations familiales, elle peut être fière du travail accompli, car elle a pris en charge, à effectifs constants, les allocations familiales des fonctionnaires, ce qui a représenté des centaines de milliers de dossiers en plus. Cette forte amélioration de sa productivité est encore amplifiée par la convention d'objectifs et de gestion, qui prévoit le non-remplacement d'un départ à la retraite sur trois.

La création du régime social indépendant, destiné aux travailleurs indépendants, aux commerçants et aux artisans, fera faire aussi beaucoup d'économies.

Il faut donc revenir sur cette idée reçue selon laquelle les performances administratives de la sécurité sociale ne progresseraient pas. C'est le contraire, et la comparaison avec d'autres services publics, que je ne citerai pas, est plutôt à l'avantage de cette dernière.

La réforme de 2004 a prévu un nouvel effort, de l'ordre de 200 millions d'économies. Dès 2004, la loi de financement de la sécurité sociale avait prévu 60 millions d'économies sur la gestion de la branche maladie. Ils ont été intégrés par un avenant à la convention de gestion et d'objectifs en cours. Pour cette même branche, il est également prévu qu'un départ à la retraite sur d'eux ne soit pas remplacé. Tout ce programme d'économies va se traduire, dans la nouvelle convention d'objectifs et de gestion qui porte sur la période 2005-2007, par une moindre dépense de 200 millions d'euros. L'amendement 55 reviendrait à ajouter à cet effort déjà important un effort d'économie supplémentaire. Je crois qu'il faut d'abord laisser les services de la sécurité sociale atteindre l'objectif des 200 millions. C'est pourquoi je souhaiterais que l'amendement 55 soit retiré.

L'amendement 55 est retiré.

L'article 42 mis aux voix, est adopté.

M. Bur remplace Mme Guinchard au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

ART. 43

M. Jean-Luc Préel - La loi organique que nous avons votée prévoit que le Gouvernement fixe, après consultation des commissions saisies au fond, une liste de sous-objectifs. Mais je n'ai pas souvenir que la commission se soit prononcée sur cette liste. Pour ma part, j'avais critiqué le principe même des sous-objectifs, car le système de santé français pèche déjà par la non-fongibilité des enveloppes et la séparation entre la ville et l'hôpital ainsi qu'entre le sanitaire et le médico-social. La définition de ces sous-objectifs renforce la séparation. Je plaide au contraire pour le vote d'enveloppes régionales qui englobent l'ensemble des financements.

Puisque les ARH vont, elles, recevoir des enveloppes régionales, j'aimerais savoir, Monsieur le ministre, si vous allez corriger les inégalités très fortes qui existent entre ces enveloppes et donner un peu plus aux régions sous-dotées, quitte à en retirer un peu à l'AP-HP, par exemple.

Enfin, puisque sous-objectifs il y a, j'aimerais savoir si l'un d'eux va être dédié à la prévention et à l'éducation à la santé.

Mme Muguette Jacquaint - Par un courrier du 12 octobre 2005, le président Debré nous a rappelé que, suite à l'adoption de la loi organique du 2 août 2005, les parlementaires avaient la faculté nouvelle de modifier les montants des sous-objectifs de l'ONDAM. Une sorte de guide pour la rédaction des amendements au tableau de l'article 43 était joint à ce courrier. Les contreparties de cet élargissement de notre droit d'amendement y apparaissent clairement, puisqu'il est dit qu'il est possible de faire varier le montant de plusieurs sous-objectifs, voire de l'ensemble des sous-objectifs par un seul amendement, le solde ne pouvant cependant conduire à augmenter les dépenses. En clair, ce nouveau droit d'amendement est formel : on est contraint de déshabiller Paul pour habiller Pierre ! Les députés ont en revanche le droit de suggérer de diminuer l'ONDAM... On sait pourtant qu'il est sous-évalué, étant basé sur des hypothèses de croissance plutôt fantaisistes. « Grâce à cette loi organique, vous aurez la possibilité d'avoir un débat beaucoup plus clair et beaucoup plus au fond », assuriez-vous aux sénateurs le 24 mars dernier en ouverture du débat sur le projet de loi organique, Monsieur le ministre. En réalité, une fois de plus, nous n'avons pas été consultés sur le fond. Toutes ces réformes ne sont en fait que des trompe-l'œil.

M. Jean-Marie Le Guen - Monsieur le Président, vous avez tout à l'heure retiré un amendement sur un sujet qui aurait mérité débat, ne serait-ce que parce que la MECSS travaille sur la question de la gestion de la sécurité sociale. Je ne suis pas certain que tous mes collègues de la majorité membres de la MECSS aient la même appréciation que le ministre sur le sujet.

Sur le chiffrage du plan Douste-Blazy, on nous dit en gros : « ce que nous avons fait, c'est quand même mieux que si c'était pire ! » Le Gouvernement se targue de victoires, eu égard à la peur que lui inspire la politique qu'il aurait pu conduire... De même, on ne sait pas très bien à partir de quoi et comment le Gouvernement fixe les chiffres de l'ONDAM, et après cela nous aurons droit à des communiqués de victoire successifs jusqu'à ce que la faillite de notre sécurité sociale soit avérée. A cet égard, le rapporteur lui-même s'est inquiété de l'insuffisance des ressources de la CADES. Bref, tout cela est décidément surréaliste...

M. le Ministre délégué - Je serais admiratif du talent oratoire de M. Le Guen si ses propos reposaient sur des faits. Mais je lui rappelle la réalité des chiffres : avant la courageuse réforme de l'assurance maladie du 13 août 2004, l'évolution tendancielle conduisait à un déficit de 16 milliards au 31 décembre 2005. Or, le déficit a été ramené à 8,3 milliards. C'est encore beaucoup trop, mais si dans les années 1997 à 2002, les dépenses de santé n'avaient pas galopé en dehors de tout contrôle, nous n'en serions pas là.

Monsieur Préel, en ce qui concerne la formation de l'ONDAM, la loi du 13 août 2004 prévoit que le Gouvernement, avant de fixer les sous-objectifs, prend l'avis des présidents des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, ce qui a naturellement été fait pour ce PLFSS, le Président Dubernard pourrait en témoigner.

M. Jean-Marie Le Guen - Où est-il ?

M. le Ministre délégué - S'agissant de l'identification des dépenses consacrées à la prévention, il faut d'abord rappeler que certaines ne relèvent pas de l'ONDAM mais des plans nationaux de santé publique : c'est le cas pour le cancer, pour les vaccinations, pour l'alcool, pour le tabac ; il y a aussi les dépenses de PMI relevant des départements. L'ensemble des dépenses hors ONDAM s'élève à 4,9 milliards.

Quant aux dépenses de prévention relevant de l'ONDAM, il est extrêmement difficile de les isoler, car on ne peut pas toujours faire la distinction entre le soin et la prévention : c'est le cas par exemple si, à l'occasion d'une consultation pour modifier une correction de lunettes, l'ophtalmologiste fait un fond d'œil qui lui fait découvrir un glaucome.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Je confirme que, s'agissant de la décomposition de l'ONDAM, et compte tenu d'un calendrier court, le ministère avait saisi le Président Dubernard, lequel a lui-même saisi les rapporteurs afin qu'ils donnent leur avis sur les sous-objectifs - ce que j'ai fait. Je puis confirmer aussi que le ministère a apporté des modifications en conséquence. On pourra faire encore mieux l'an prochain, rien n'est figé.

M. Jean-Luc Préel - Monsieur le rapporteur, il n'aurait pas été difficile de convoquer l'ensemble des commissaires...

Monsieur le ministre, c'est bien parce qu'on ne peut pas toujours séparer soins et prévention que, lors de la réforme de l'assurance maladie, j'avais plaidé en faveur des agences régionales de santé...J'espère que nous les aurons bientôt, et que les agences expérimentales verront le jour avant Noël.

Je défends un amendement 213 de suppression, qui est de principe, parce que l'un des défauts majeurs de notre système de santé est la séparation entre les soins de ville et l'hôpital. Il est indispensable d'aller vers une fongibilité des enveloppes ; or la fixation de sous-objectifs va à l'encontre de cet impératif. J'aimerais que le Gouvernement s'engage à fixer des enveloppes régionales. Il faudrait aussi veiller à appliquer le principe de convergence aux régions, qui sont très inégalement dotées.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Avis défavorable. Je sais que vous êtes très attaché à la régionalisation de la santé ; mais nous pouvons d'ores et déjà nous réjouir que la distribution de l'ONDAM soit beaucoup plus transparente. On peut certes regretter que les délais aient été trop courts, mais je pense que, dans les années à venir, nous pourrons discuter plus en amont avec le Gouvernement.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

L'amendement 213, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 43, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 43

M. Jean-Marie Le Guen - Nous venons juste de recevoir un amendement très compliqué du Gouvernement qui modifie un article du code de la sécurité sociale. De telles conditions de travail sont inacceptables. Je demande une suspension de séance, le temps que nous puissions nous reporter au code concerné.

Mme Muguette Jacquaint - Très bien.

La séance, suspendue à 12 heures 30, est reprise à 12 heures 35

M. Jean-Marie Le Guen - Tous ceux qui sont attachés à une meilleure transparence de la gestion de l'hôpital public ne peuvent qu'être favorables à ce qu'une structure soit chargée d'élaborer en toute objectivité l'ONDAM hospitalier avant que le Gouvernement ne formule ses propres propositions. Tel est le sens de l'amendement 110 rectifié.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Avis défavorable. Le Conseil de l'hospitalisation joue ce rôle.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Jean-Marie Le Guen - Le Conseil de l'hospitalisation, lieu de dialogue entre la CNAM et la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, n'est pas une structure indépendante où peut être fixé en toute objectivité l'ONDAM hospitalier.

L'amendement 110 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 111 rectifié est défendu.

L'amendement 111 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement avait initialement l'intention de sous-amender oralement l'amendement 29 de la commission. Il a finalement préféré déposer un amendement 370 - celui qui vient juste de vous être remis - précisant qu'il doit être tenu compte des créations mais aussi des fermetures d'établissements dans la fixation de l'objectif quantifié national - OQN -, car ce qui importe, ce sont les créations nettes.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Cette précision est en effet utile.

M. Jean-Marie Le Guen - Il est regrettable que tout cela s'opère le plus souvent dans la confusion. Ainsi la fermeture de lits de psychiatrie pourrait se justifier à condition qu'elle s'accompagne de l'ouverture de places dans des structures de ville, ce qui est, hélas, rarement le cas. Comme l'a très bien dit notre collègue Préel, tant que l'ONDAM de ville et l'ONDAM hospitalier resteront clivés, il ne sera pas possible d'optimiser notre système de soins.

L'amendement 370, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Afin de pouvoir dresser un bilan plus fin du périmètre des MIGAC, il convient que soit connu le montant de la dotation allouée à ce titre à chaque établissement. C'est l'objet de l'amendement 30 rectifié de la commission.

M. Dominique Tian - L'amendement 97 rectifié est identique. Il faudrait que les ARH communiquent le montant de l'enveloppe MIGAC de chaque établissement, ce qu'elles ne font pas toujours.

M. Philippe Vitel - L'amendement 83 a le même objet.

M. le Ministre délégué - Les ARH sont tenues de rendre publique cette information très importante. Elle doit figurer au Bulletin officiel des préfectures, mais aussi être communiquée à tous les présidents des conseils d'administration des établissements. Je vous donne l'assurance que nous serons très vigilants sur le respect de cette obligation. Au bénéfice de cet engagement, je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Je retire le 30 rectifié.

M. Philippe Vitel - Je retire aussi le mien, mais nous serons très attentifs à ce que cette obligation soit bien respectée

M. Dominique Tian - J'accepte moi aussi de retirer le mien, mais pourquoi ne pas inscrire cette obligation dans la loi pour que les ARH ne puisse plus l'ignorer ?

Les amendements 30 rectifié, 97 rectifié et 83 sont retirés.

M. Jean-Pierre Door - Je présente l'amendement 56 au nom de la commission des finances, puisque M. Bur a pris la présidence. La loi organique a été modifiée en juillet 2005 pour moderniser le processus de régulation budgétaire. A un mécanisme a priori est désormais substituée une mise en réserve au 1er janvier. Les crédits en cause seront ou non ouverts en fonction de l'évolution des dépenses. L'amendement vise à étendre ce mécanisme aux dépenses d'assurance maladie. Une réserve de 1 % du montant prévu serait constituée pour chaque sous-objectif et ne pourrait être débloquée que si l'ONDAM n'est pas respecté. La décision se fonderait à la fois sur l'évolution des dépenses constatée au premier semestre et sur l'avis du comité d'alerte.

Cette mesure renforcerait la portée et la crédibilité de l'ONDAM, voté par le Parlement.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis. L'ONDAM ne peut pas être comparé au budget de l'Etat, ni faire l'objet de régulations identiques, car c'est une prévision, et non une autorisation de dépense. La loi organique relative à la loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit d'ailleurs pas de gel des crédits de l'ONDAM. En outre, cette mesure serait difficilement applicable aux dépenses des établissements de santé où la logique tarifaire s'est substituée à la logique budgétaire.

L'amendement 56, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 44

M. Jean-Luc Préel - Cet article est intéressant car symbolique : y aura-t-il fusion des caisses, ou maintien de leur autonomie ? La loi organique prévoit que chaque caisse remette un rapport de prévisions de charges et de produits au titre de l'année suivante. Or, l'Union nationale des caisses prend de l'importance. C'est d'ailleurs son directeur qui a, seul, discuté la convention avec les syndicats de médecins, alors que les autres caisses n'étaient pas directement représentées ! Allons-nous donc, Monsieur le Ministre, vers la disparition des caisses, notamment la MSA ?

Mme Muguette Jacquaint - L'article 44 illustre les limites de la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie instituée par la loi Douste-Blazy du 13 août 2004.

L'article 39 de ladite loi confiait aux caisses des responsabilités plus importantes en les associant à la définition de leur budget, notamment par la préparation d'un projet d'orientation budgétaire en dépenses et en recettes. Il faut donner certes plus de responsabilités aux caisses, mais le Gouvernement l'a fait pour se déresponsabiliser aux yeux de l'opinion. Pour vous, cette mesure s'apparentait au nec plus ultra de la démocratisation de la gestion de l'assurance maladie. Nous étions vigoureusement opposés à cette nouvelle gouvernance, d'autant plus qu'il était vain de parler de démocratisation sanitaire et sociale tant que l'élection régulière des représentants des assurés sociaux aux conseils d'administration de la sécurité sociale n'était pas rétablie. C'est d'ailleurs le plan Juppé qui a supprimé l'élection des administrateurs salariés en 1995, mais dans la pratique, ce principe était déjà bafoué depuis longtemps.

Ce renoncement a contribué à couper les citoyens des institutions, si bien qu'aujourd'hui, les plus jeunes ignorent que des représentants syndicaux sont censés siéger et décider en leur nom dans ces instances. Si le système ne peut plus s'appuyer sur le suffrage des salariés, la représentativité des administrateurs est pour le moins discutable... Sans remettre en cause la qualité de telle ou telle personne, les postes qu'on leur accorde font figure de pauvres !

Il faut, Monsieur le ministre, renouer avec les principes fondateurs et démocratiques de la sécurité sociale.

M. Jacques Domergue, rapporteur - L'amendement 318 est rédactionnel.

L'amendement 318, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 44, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 44

M. le Ministre délégué - L'amendement 234 rectifié vise à pérenniser le haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Avis favorable.

L'amendement 234 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 45

Mme Cécile Gallez, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance vieillesse - L'amendement 31 vise à reprendre la désignation exacte des ressortissants du régime des cultes : congrégations et collectivités religieuses.

L'amendement 31, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Cécile Gallez, rapporteure - L'amendement 319 est de coordination.

L'amendement 319, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Door - L'amendement 357 de M. Bur est défendu.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

Mme Cécile Gallez, rapporteure - Avis défavorable. La loi ne prévoit pas que l'ORGANIC ou la CANCAVA soient soumis au contrôle du ministre chargé du commerce et de l'artisanat, ni que les IEG soient soumis à celui du ministre de l'industrie. Il n'y a donc pas de raison de créer une tutelle du ministère de l'intérieur sur la CAVIMAC.

M. Gérard Bapt - Nous n'avons pas pu déposer d'amendement sur le projet d'adossement du régime de la RATP puisqu'il sera décidé par décret. Or, le conseil d'administration de la CNAV demande, à l'unanimité, que ce problème fasse l'objet d'une disposition législative spécifique. Le groupe socialiste partage cette préoccupation. Nous insistons pour que soient garantis la neutralité financière de l'opération et son financement à moyen et long terme. Ce qui s'est fait pour EDF doit pouvoir se faire pour la RATP.

M. Jean-Marie Le Guen - Le Gouvernement a la tentation de sacrifier les retraites des salariés du privé pour régler ses dettes consenties au titre des retraites de fonctionnaires publics - à la RATP ou à la Poste, par exemple. Il s'agit là de milliards d'euros ! La vigilance s'impose, et la président de la CNAV nous y appelle, au risque de spolier une fois de plus les salariés du privé à cause des mauvaises intentions de l'Etat qui refuse de respecter le nécessaire adossement des régimes généraux du privé.

M. le Ministre délégué - Vous lisez dans nos intentions, et défendez désormais les salariés du privé contre ceux du public !

M. Jean-Marie Le Guen - Contre vous ! Quel mistigri !

M. le Ministre délégué - Le financement des régimes de retraite de la RATP se fera dans la plus stricte neutralité. La discussion est déjà engagée avec l'ensemble des partenaires sociaux, et le Parlement sera saisi de cette réforme le moment venu, notamment sur la garantie de paiement de la soulte par l'Etat.

L'amendement 357, mis aux voix, est adopté.

Mme Cécile Gallez, rapporteure - Les amendements 320, 321, 32, 322 et 33 sont de coordination.

Les amendements 320, 321, 32, 322 et 33, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Mme Cécile Gallez, rapporteure - L'amendement 323 corrige une erreur de référence.

L'amendement 323, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Cécile Gallez, rapporteure - L'amendement 324 est de pure forme.

M. le Ministre délégué - Avis favorable. Je remercie Mme Gallez de la qualité de ses amendements.

L'amendement 324, mis aux voix, est adopté.

L'article 45 modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 46, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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