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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 18ème jour de séance, 42ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 28 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD

vice-présidente

Sommaire

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2006 (suite) 2

ART. 47 2

ART. 48 4

AVANT L'ART. 49 6

ART. 49 6

ART. 50 7

ART. 51 9

ART. 52 9

ART. 53 12

ART. 54 14

ART. 55 16

ART. 56 17

ART. 57 17

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 2 NOVEMBRE 2005 20

La séance est ouverte à quinze heures.

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2006 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

ART. 47

M. Philippe Vitel - Depuis presque 45 ans, les professionnels de santé conventionnés bénéficient de régimes supplémentaires baptisés « avantage social vieillesse ». Cet ASV a été déclaré obligatoire pour les médecins en 1972. Les cotisations, forfaitaires, sont fixées par décret, et calculées et indexées sur le plafond tarifaire conventionnel.

En raison de départs massifs à la retraite et du faible renouvellement des générations dû à un numerus clausus insuffisant depuis 15 ans, ce système devrait connaître un déficit abyssal en 2030 : 25 millions d'euros !

Conscient du problème, le ministère de la santé a confié en 2005 à l'IGAS une mission d'évaluation qui a conclu à la nécessité d'améliorer le pilotage de l'ASV, puis de modifier les paramètres des systèmes de retraite complémentaire. La Cour des comptes, qui s'est également penchée sur la question, a exclu la fermeture des cinq régimes, parce qu'elle ferait peser des charges exorbitantes sur l'assurance maladie. Elle suggère de fixer le montant des cotisations et des prestations ASV de manière autonome et de réformer le système de compensation démographique spécifique à ce régime.

Fort de ces deux enquêtes, le Gouvernement a fait le choix d'engager une réforme de la gouvernance des cinq régimes avant d'envisager une réforme financière qui ne peut intervenir qu'après concertation avec les professionnels et avec les partenaires sociaux.

Monsieur le ministre, s'il est effectivement nécessaire de réformer la gouvernance de l'ASV et de permettre un meilleur paritarisme, l'annonce d'un nouvel appel à cotisation apparaît moins judicieux. Cette nouvelle a suscité beaucoup d'émoi, les professionnels de santé acquittent déjà des cotisations vieillesse élevées. Surtout, ils craignent une remise en cause des relations conventionnelles entre l'ASV et l'assurance maladie auxquelles ils sont très attachés. Il est de votre devoir de les rassurer !

M. Jean Leonetti - Très juste !

M. Laurent Wauquiez - Mme Gallez, MM. Door, Vitel, Morange, Laffineur, Vialatte et Cugnenc s'associent à cette intervention. L'ASV constitue 30 à 50 % de la retraite perçue par les professionnels de santé conventionnés concernés, soit les médecins, les chirurgiens-dentistes, les directeurs de laboratoires, les sages-femmes et les auxiliaires médicaux. C'est dire son importance pour eux. Or ce système de retraite par répartition dispose de ressources financières limitées. D'après le dernier rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, ces cinq régimes devraient même se trouver en cessation de paiement entre 2008 et 2012 !

Il est donc impératif d'agir en évitant la surenchère et la démagogie. Tout d'abord, il convient d'améliorer la gouvernance du système en coordonnant mieux les différentes branches entre elles et en reconnaissant le rôle de l'Etat dans le pilotage du dispositif. C'est l'objet des dispositions de l'article 47, qui constituent une nouvelle rédaction des articles L. 645-1 et L. 645-2 du code de la sécurité sociale.

Ensuite, nous devons reconnaître qu'un abondement est indispensable pour éviter la cessation de paiement. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a prévu à l'article L. 645-3 une cotisation supplémentaire exceptionnelle. Nous souscrivons à cette mesure, mais seulement à condition qu'elle soit conforme à la philosophie initiale des ASV, qui reposait sur l'acceptation par ces professions libérales de moindres tarifs honoraires en échange de l'abondement par l'Etat de leurs régimes de retraite. Il s'agit d'une question de principe et de respect et, surtout, il y va de la sauvegarde du secteur I.

Pour cette raison, nous avons déposé un amendement tendant à supprimer les neuvième et dernier alinéas du I de cet article. Monsieur le ministre, si vous acceptiez de revenir à une répartition de la charge conforme à l'esprit conventionnel - un tiers à la charge des professionnels, deux tiers restant à la charge des caisses -, nous parviendrons à garantir l'avenir des relations conventionnelles, à préserver la philosophie de ce système et à défendre une certaine conception de la médecine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Jacqueline Fraysse - A l'instar de mes collègues, je veux souligner l'émotion suscitée par cet article 47. Les professionnels de santé refusent l'idée d'une cotisation supplémentaire exceptionnelle et auraient aimé être consultés. J'invite donc le Gouvernement à surseoir à cette mesure et à engager des négociations avec eux.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Je remercie MM. Vitel et Wauquiez de leurs observations judicieuses. Par l'article 47, le Gouvernement ne veut pas réformer l'ASV, mais créer les conditions juridiques de cette réforme. Naturellement, s'agissant de régimes créés en 1971 sur une base conventionnelle - la convention nationale des médecins -, il travaillera en étroite concertation avec les représentants des professionnels et des caisses.

Toute notre ambition est de sauvegarder ces régimes. Pour cela, nous avons envisagé la création d'une contribution d'ajustement, mais la nécessité d'une cotisation supplémentaire et sa répartition entre les cinq régimes seront appréciées avec les professionnels de santé. Cette contribution d'ajustement, rendue possible par cet article 47, sera supportée par l'assurance maladie et les assurés. Les régimes de l'ASV ont été créés pour les professionnels de santé, ils seront réformés avec et pour eux. Aussi le Gouvernement a-t-il déposé un amendement 362 qui donnera satisfaction, je l'espère, aux orateurs que nous venons d'entendre.

Mme Cécile Gallez, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance vieillesse - L'amendement 34 tend à maintenir le principe du caractère forfaitaire de la cotisation annuelle obligatoire, créatrice de droits d'assurance vieillesse pour les cinq régimes d'ASV.

M. le Ministre délégué - Avis favorable.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous avons tous été surpris par la brutalité de cette décision de créer une cotisation supplémentaire exceptionnelle pour redresser les finances des régimes ASV. Leur déficit représente certes une véritable bombe à retardement - 25 milliards d'euros en 2020 ! - et il était plus que temps d'agir. Mais, précisément, la précipitation dont le Gouvernement a fait preuve témoigne d'un manque profond d'anticipation.

Proposer une réforme de la gouvernance n'est pas mauvais en soi - et peut être justifié quand on constate qu'un des présidents de ces caisses écrit pour demander la suppression du régime de l'ASV - mais il faudra sans doute aller plus loin.

Si M. Wauquiez a été précis quant au financement en préconisant un tiers pour les professions libérales et deux tiers pour les caisses, le ministre s'est, lui, contenté de belles paroles. Nous devons avoir des précisions, et notamment en ce qui concerne le calendrier : de grâce, ne nous renvoyez pas à 2007 et ne continuez pas à charger la barque de vos successeurs !

L'amendement 34, mis aux voix, est adopté.

M. Laurent Wauquiez - L'article 40 de la Constitution nous interdit de déposer un amendement demandant de faire peser la charge d'une cotisation supplémentaire pour un tiers sur les professions libérales et pour deux tiers sur les caisses d'assurance maladie. J'ai donc déposé avec plusieurs collègues un amendement 164 visant à ne conserver que les dispositions relatives à la nouvelle gouvernance des régimes ASV afin de ne pas remettre en cause le système conventionnel qui s'applique depuis 1971. Je précise tout de même à M. Le Guen que l'amendement du Gouvernement permet de revenir à cet esprit de répartition conforme au 5° de l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale. Si cet amendement 362 est défendu, le nôtre sera retiré.

Mme Cécile Gallez, rapporteure - La commission était favorable à l'amendement 164...

M. le Ministre délégué - Je vous le confirme, Monsieur Wauquiez, le Gouvernement maintient son amendement et je vous demande donc de bien vouloir retirer l'amendement 164 ; sinon, j'émettrai un avis défavorable.

M. Jean-Marie Le Guen - M. Wauquiez a évoqué un financement « un tiers, deux tiers »...

M. Laurent Wauquiez - Comme le Gouvernement !

M. Jean-Marie Le Guen - J'aurai donc mal lu l'amendement 362 ? J'attends une confirmation orale de M. le ministre.

Mme Cécile Gallez, rapporteure - Les cinq régimes ont besoin de réserves pour fonctionner. La CARPMIKO ne pourra plus servir les ASV à partir de 2007, la CAVP à partir de 2009. Ce sont 25 milliards d'euros que nous devrons trouver pour les cinq régimes et il convient de changer les paramètres financiers pour assurer leur viabilité. Actuellement, la CARPIMKO a un taux de rendement de 50 % et la CAVP de 72 % alors que l'AGIRC et l'ARCCO ont des taux de 6 % ou 7 %. Bien que l'amendement 362 n'ait pas été examiné par la commission, j'y suis à titre personnel favorable.

M. le Ministre délégué - L'amendement 362 précise que « les caisses d'assurance maladie participent au financement de cette cotisation dans les conditions prévues au 5° de l'article L. 162-14-1 » du code de la sécurité sociale. C'est sur ce 5° que repose le partage actuel du financement, un tiers, deux tiers, décidé par la voie conventionnelle.

M. Jean-Marie Le Guen - Il l'a dit !

M. Laurent Wauquiez - Je retire l'amendement 164.

L'amendement 164 est retiré.

L'amendement 362, mis aux voix, est adopté.

Mme Cécile Gallez, rapporteure - L'amendement 325 rectifie une erreur de renvoi.

L'amendement 325, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 47 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 48

M. Jean-Luc Préel - L'article 48 fixe les dépenses de la branche vieillesse pour l'ensemble des régimes obligatoires à 161 milliards et pour le régime général à 83,1 milliards. Cet article permettra-t-il de maintenir le pouvoir d'achat des retraités ? La revalorisation annuelle est en principe indexée sur l'inflation mais vous proposez cette année une revalorisation de 1,8 % alors que le taux d'inflation, compte tenu en particulier de la hausse du prix du baril, sera de 2,2 %. Tiendrez-vous donc compte de l'inflation réelle ?

Tout le monde connaît les problèmes démographiques liés au papy boom. L'UDF défend depuis longtemps le principe d'une réelle autonomie du régime de retraite de base permettant aux administrateurs et aux partenaires sociaux de gérer ce régime comme ils le font aujourd'hui des régimes complémentaires. L'UDF préconise également d'évoluer à terme vers un régime par points qui permettrait à chacun de choisir librement le moment de son départ à la retraite.

Quid de la politique des soultes pour adosser les régimes spéciaux au régime général ? Ces soultes devraient concerner cette année la Poste, la RATP et la Banque de France. A quand la SNCF ? Le principe de la soulte consiste à faire payer aux salariés du secteur privé ou à l'Etat, et donc aux contribuables ou aux consommateurs, les avantages de ces régimes spéciaux. Quels seront les montants des soultes pour les régimes de base et les régimes complémentaires ? Quand en débattrons-nous ?

Enfin, dans un souci d'équité, je rappelle que l'UDF avait demandé lors de la réforme des retraites la mise en extinction des régimes spéciaux pour les nouveaux entrants.

M. Jean-Marie Le Guen - Je constate également que l'évolution des pensions ne sera pas conforme au taux d'inflation. Je rappelle que le plan Douste-Blazy a entraîné de lourds prélèvements sur les cotisations des retraités, y compris par la modification d'un certain nombre d'assiettes.

Concernant les soultes, nous sommes dans l'opacité la plus totale. Nous nous souvenons du conflit autour de la soulte d'EDF lorsque le Gouvernement avait eu l'intention de faire payer au régime des salariés du secteur privé l'abandon des créances de l'Etat. L'Etat respectera-t-il aujourd'hui sa parole et quel sera le pouvoir de contrôle du Parlement ? Le fonds de réserve des retraites n'est quant à lui plus abondé au niveau que le Gouvernement lui-même souhaitait. Lambeau par lambeau, le financement de la réforme Fillon s'effiloche et nous nous retrouvons avec tous les problèmes financiers connus et tous les stigmates sociaux que nous redoutions.

Enfin, si un rapport de l'INSEE montre que la situation de l'emploi s'améliore de façon minime, ces emplois ne créent en rien des cotisations nouvelles pour la sécurité sociale, puisqu'il s'agit pour l'essentiel d'emplois aidés...

M. Philippe Vitel - C'est faux.

M. Jean-Marie Le Guen - ...L'ONDAM et les prévisions sur les retraites ne peuvent donc qu'être erronées.

M. le Ministre délégué - 110 000 emplois supplémentaires, une amélioration minime ? Demandez-le à tous ceux qui ont retrouvé un emploi depuis six mois !

M. Jean-Marie Le Guen - Ce ne sont pas des chômeurs qui ont retrouvé un emploi ! Vous les avez radiés des listes de l'ANPE !

M. le Ministre délégué - S'agissant de la réforme des retraites, je trouve un peu fort de café qu'après avoir tergiversé pendant cinq ans pour finalement ne rien faire...

Mme Valérie Pecresse - Très bien ! Il faut le rappeler !

M. le Ministre délégué - ...vous veniez contester notre réforme grâce à laquelle le besoin de financement de nos régimes d'assurance vieillesse sera réduit de 20 milliards en 2020 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - La réforme n'est pas financée !

Mme Valérie Pecresse - Vous avez voté contre !

M. le Ministre délégué - De même, 300 000 personnes qui ont travaillé à partir de 14 ou 15 ans pourront désormais prendre une retraite anticipée. Le parti communiste avait demandé cette mesure et vous l'avez systématiquement refusée. Nous, nous l'avons prise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Bur, rapporteur pour avis - C'est du progrès social cash ! (Sourires)

M. Philippe Vitel - Les socialistes ne sont pas sociaux !

M. le Ministre délégué - Monsieur Préel, aucun adossement d'un régime spécial au régime général n'est possible sans que nous appliquions la stricte neutralité financière.

La réforme juste, courageuse et nécessaire des retraites a certes permis d'améliorer la situation, mais le Gouvernement travaille également à promouvoir le travail des seniors. Je m'associe aux propos de M. Colombier lors de la discussion générale : c'est à une véritable révolution culturelle que nous sommes tous conviés afin de faire progresser l'emploi des seniors. Il faut abandonner la conception malthusienne du marché de l'emploi : un actif âgé n'occupe pas la place d'un jeune chômeur ! Le Gouvernement a donc demandé aux partenaires sociaux de faire des propositions sur ce point, y compris sur un assouplissement des règles de cumul et sur la retraite progressive. L'Etat employeur doit prendre sa part à cette évolution. Des textes ont déjà permis d'accroître les mobilités fonctionnelles dès cette rentrée.

Enfin, la majoration de la durée d'assurance des parents d'enfants handicapés sera bien assumée par la CNAV, qui est parfaitement en mesure d'assurer une nouvelle liquidation de leurs pensions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'article 48, mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ART. 49

M. Jacques Domergue, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance maladie et les accidents du travail - L'amendement 326 est un amendement de précision.

L'amendement 326, accepté par le Gouvernement, est adopté.

ART. 49

Mme Jacqueline Fraysse - Cet article fixe les contributions de la branche accidents du travail et maladies professionnelles au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante - FCAATA - et au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante - FIVA. Malheureusement, leurs dotations ne sont que reconduites et vous ne faites rien pour remédier aux dysfonctionnements qui sont apparus.

La mise en place du Fonds d'indemnisation a été un gros progrès pour les victimes, mais il faut maintenant se battre pour qu'il fonctionne bien. Financé par les cotisations accidents du travail des entreprises, ce FIVA a pour mérite d'épargner aux victimes des procès longs et coûteux. Il doit procéder à leur indemnisation rapidement et engager ensuite une action contre l'employeur pour récupérer la somme. Il a atteint un rythme de 700 indemnisations par mois, certes, mais les associations de victimes dénoncent la faiblesse des sommes accordées. Les barèmes d'indemnisation imposés en 2003 par les représentants du Gouvernement et du patronat correspondent à la moitié des montants moyens obtenus devant les tribunaux. Si le FIVA a facilité l'indemnisation, il en a rabaissé le niveau pour faire faire des économies à la branche accidents du travail.

Il en résulte que, comme le fait observer le sénateur Gérard Dériot dans son rapport sur l'indemnisation des victimes, le nombre de procédures devant les tribunaux n'est pas réduit, les victimes formant des recours pour obtenir une meilleure indemnisation. Le rapport propose donc de porter les indemnisations versées par le FIVA au niveau de celles qui sont accordées en cas de faute inexcusable de l'employeur, ce qui n'empêche pas les victimes d'engager une action pénale pour voir les responsabilités reconnues.

Par ailleurs, le FIVA ne remplit qu'à moitié son rôle, puisqu'il ne s'est jamais retourné contre les employeurs pour récupérer les indemnités versées. Cela met ses finances en péril. Le recours contre l'employeur doit devenir systématique et je me permets de vous demander solennellement, Monsieur le ministre, de vous en porter garant. Le rapport a en effet souligné que le fait que la prise en charge des risques professionnels soit principalement collective n'est pas de nature à encourager les entreprises à mener des politiques de prévention ambitieuses.

Enfin, les salariés victimes d'autres substances toxiques ou accidents doivent se contenter de l'indemnisation normalement versée par la sécurité sociale. Il faut élargir le nombre de professions pouvant bénéficier de la cessation anticipée d'activité, car le fonctionnement du fonds apparaît inégalitaire : les salariés des grandes entreprises sont surreprésentés parmi ses bénéficiaires, tandis qu'il n'existe pas de dispositif analogue pour les fonctionnaires et les militaires. On aurait apprécié que le Gouvernement progresse sur ce sujet. Il y a urgence, car les victimes ne peuvent pas attendre, et le projet de loi ne prévoit rien.

M. Jean-Marie Le Guen - Le drame de l'amiante, c'est un cancer qui ronge la santé de dizaines des milliers de travailleurs, mais aussi un mal qui ronge les fondements de la justice dans notre société. Le Gouvernement, surtout après la publication du rapport Dériot, doit prendre des initiatives plus fortes que jusqu'à maintenant.

Il faut d'abord que le FIVA arrête de n'accorder que les sous-compensations voulues par le Medef. Justice doit être rendue. Les travailleurs de l'amiante ont droit à une compensation équitable. Les arbitrages insensés rendus par le Medef aboutissent à une multiplication des contentieux, toujours à la charge des victimes. Ensuite, en matière de santé au travail, il est essentiel de rompre avec les conceptions qui ont cours depuis des années et de reconnaître les impératifs de santé publique au sein des entreprises. Cette révolution doit avoir lieu. Elle serait au moins une consolation tirée du drame de l'amiante. Enfin, il faut améliorer les procès pénaux. L'inaction du ministère public, pour ne pas dire son action de freinage dans l'instruction des affaires de l'amiante, est insupportable. Les travailleurs ne cherchent pas une vengeance : ils veulent que justice leur soit rendue. Comment est-il possible que sur un tel sujet, et alors que les données scientifiques sont avérées et les vérités politiques et pratiques connues depuis tant d'années, la justice française ne soit pas capable d'instruire raisonnablement le procès de l'amiante ? C'est un des aspects les plus scandaleux du plus grand drame de santé publique que nous ayons connu ces dernières années. Il est insupportable que justice ne soit pas rendue à ces travailleurs d'un certain âge qui ont été exploités toute leur vie. L'Etat a contribué à cette faillite. Il est temps de sortir de cette crise par le haut.

M. le Ministre délégué - Il faut rendre hommage à Jacques Barrot d'avoir pris, en 1996, la décision d'interdire totalement l'amiante. Le rapport de l'INSERM sur lequel il se fondait mettait en évidence que la réglementation de l'époque n'était pas assez sévère, quoique l'une des plus rigoureuses d'Europe. Les données épidémiologiques recueillies au fil des années ont montré l'ampleur de ce drame national, qui justifie le régime d'indemnisation financé par les gouvernements successifs. Ainsi, 95 % des offres faites par le FIVA sont acceptées. La réparation n'est pas forfaitaire, mais intégrale. L'indemnisation par la voie du fonds est beaucoup plus efficace et rapide que ne peut l'être une décision de justice, qui peut en outre être différente d'une juridiction à l'autre.

Nul n'a cherché, ne cherche et ne cherchera jamais à faire des économies dans cette affaire ! Le barème a été approuvé par le conseil d'administration du FIVA, dans lequel siègent toutes les associations importantes de victimes. Le système fonctionne donc avec le souci d'indemniser exactement et intégralement chacune des victimes.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Il se pose un autre problème à propos du fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante : les salariés du secteur public ne peuvent pas en bénéficier. Or certains d'entre eux ont incontestablement été en contact direct avec de l'amiante dans des ateliers et sont aujourd'hui contaminés. Ils éprouvent un sentiment d'injustice de ne pas être traités comme les salariés du privé. Leur nombre est relativement réduit : c'est une raison supplémentaire pour que le Gouvernement traite ce dossier. Je sais qu'une commission de l'IGAS travaille sur le sujet. Nous attendons ses résultats avec impatience pour pouvoir éliminer cette inéquité au plus vite.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement partage totalement votre préoccupation. Xavier Bertrand et moi-même avons en effet demandé un rapport à l'IGAS, qui nous le remettra dès le mois prochain. On ne saurait accepter que les victimes soient traitées différemment selon qu'elles travaillent dans le public ou le privé.

M. Jacques Domergue, rapporteur - Les amendements 327 et 328 sont de précision.

M. le Ministre délégué - Avis favorable.

L'amendement 327, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 328.

ART. 50

Mme Jacqueline Fraysse - Cet article fixe le montant du reversement, par la branche accidents du travail et maladies professionnelles à l'assurance maladie, d'une partie du coût des prestations que cette dernière a assumées à sa place. Mais alors que le rapport Diricq estime entre 355 et 750 millions le montant à verser au titre des sous-déclarations du premier semestre 2005, vous ne prévoyez que 330 millions !

Le travail engendre de plus en plus de souffrances. Selon la sécurité sociale, le nombre de victimes de pathologies professionnelles officiellement recensées est passé de 15 554 en 1997 à 44 245 en 2003, soit une hausse de 184 %. Or nombre de « malades du travail » ne sont pas reconnus comme tels et ne sont donc pas pris en charge par la branche adéquate. Selon le rapport Diricq, la déclaration relève du parcours du combattant pour les salariés, 18 agents cancérigènes seulement sont reconnus alors que beaucoup d'autres sont identifiés comme tels par l'OMS, les médecins sont insuffisamment formés, et enfin le malade peut ne pas souhaiter déclarer sa maladie de crainte de perdre son emploi.

S'appuyant sur des travaux de l'Institut national de veille sanitaire, la commission Diricq estime que, au minimum, un cas de cancer professionnel sur deux, chez les hommes, n'est pas reconnu : au lieu des 1 466 cas admis en 2002, cette affection aurait ainsi touché entre 3 400 et 6 800 personnes parmi les assurés du régime général, et même, si l'on tenait compte de l'ensemble des agents cancérigènes avérés en milieu de travail, mais non répertoriés, c'est un cancer professionnel seulement sur sept qui serait reconnu. La sous-déclaration serait également de 50 % pour les troubles musculo-squelettiques. Quant aux troubles psychosociaux, ils sont totalement absents des affections du travail reconnues alors que, selon le rapport, 220 500 à 335 000 personnes seraient touchées.

Cette absence de reconnaissance, culpabilisante pour les victimes, nuit aussi à la prévention.

Malgré toutes les limites que j'ai indiquées, le transfert nécessaire vers l'assurance maladie est estimé entre 355 et 750 millions, dont de 212 et 553 millions pour les seuls cancers professionnels. Dès lors, pourquoi ne verser que 330 millions ?

Cette question mériterait un large débat public. Nous vous le demandons. Le Parlement s'honorerait en avançant sur la prévention, la reconnaissance et la réparation des maladies professionnelles.

M. Jean-Marie Le Guen - Les propos de Mme Fraysse sont éclairants. La sous-déclaration des pathologies liées aux accidents du travail et aux maladies professionnelles est un problème majeur pour la santé publique et pour le financement de l'assurance maladie. Alors qu'on nous tient depuis des mois tout un discours sur la chasse aux fraudes et aux abus, on se montre des plus tolérants dans ce domaine. On sait par exemple que telle usine automobile a un contrat avec une clinique pour traiter ses ouvriers, ce qui permet d'imputer la charge au régime général et de ne pas faire augmenter le taux d'accidents du travail. Ces abus coûtent des dizaines, des centaines de millions. Comment en serait-il autrement ? On se contente de procédures minimales, comme un rapport de la Cour des comptes ; on n'inscrit pas au rang de maladie professionnelle les affections musculo-squelettiques, reconnues comme telles par l'OMS. Et le Gouvernement prévoit un transfert vers l'assurance maladie inférieur au terme le plus bas d'une estimation qui ne pèche pourtant pas par excès. D'autres pays, les Etats-Unis de M. Bush, mènent une politique autrement plus volontariste dans ce domaine !

Mme Valérie Pecresse - Bien sûr, la France a toujours le bonnet d'âne !

M. Jean-Marie Le Guen - Quand le plus mauvais élève de la classe fait mieux que vous, oui, vous avez le bonnet d'âne et malheureusement, car nous aurions aimé davantage d'ambition.

L'article 50, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre délégué - Le transfert de 330 millions à l'assurance maladie est effectivement inférieur de 5 millions à l'estimation basse du rapport Diricq. C'est que la loi réformant l'assurance maladie a enjoint aux partenaires sociaux de modifier le régime de gouvernance et de tarification de la branche accidents du travail et maladies professionnelles pour renforcer la prévention.

Si le nombre de cas de maladies professionnelles enregistré a augmenté de 43 % entre 2000 et 2003, c'est notamment parce que ces pathologies sont mieux reconnues. Les transferts de charges entre branches sont donc moins importants qu'autrefois. De plus, grâce à une augmentation de 0,1 % de la cotisation, le déficit de la branche accidents du travail sera ramené de 500 à 150 millions en 2006.

ART. 51

M. Jean-Luc Préel - L'article prévoit un objectif de dépenses de 11,1 milliards pour la branche accidents du travail. C'est laisser croire que cette branche existe de façon indépendante. Or ce n'est pas le cas. Une réforme est programmée. Mais quand sera-t-elle mise en œuvre ? L'UDF souhaite que cette branche soit autonome, avec gestion paritaire. Pour nous, il faut relancer le dialogue social et donner des responsabilités aux partenaires sociaux dans leur domaine de compétence, c'est-à-dire dans ce qui touche directement au travail et est financé par les cotisations patronales et salariales. Nous plaidons donc pour une réelle autonomie du régime de retraite de base et de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, tandis que la branche maladie n'a pas à être gérée par les partenaires sociaux.

M. Jean-Marie Le Guen - Il est scandaleux que la branche accidents du travail et maladies professionnelles soit déficitaire, alors que c'est une branche assurantielle et que la loi vous oblige, Monsieur le ministre, à veiller à son équilibre. Mais bien sûr, pour cela, il faudrait augmenter les cotisations des entreprises ! En vous y refusant, non seulement vous pénalisez les finances de la sécurité sociale, mais en outre vous n'encouragez pas les entreprises à mener des actions de prévention de ce risque. C'est archaïque, caricatural et antisocial !

M. le Ministre délégué - Je ne sais si notre politique est caricaturale, mais en tout cas, vous la caricaturez ! Si vraiment nous étions dans une logique purement assurantielle, vous pourriez préconiser une privatisation de la branche ATMP ! Vous savez bien qu'elle est fondée aussi sur la solidarité.

Depuis la loi d'août 2004, Monsieur Préel, les partenaires sociaux ont décidé de se réunir pour examiner à quelles conditions pouvait se faire la réforme de cette branche. En attendant les résultats de cette discussion, la hausse des cotisations nous permettra de la rapprocher de l'équilibre dès l'an prochain.

Mme la Présidente - L'amendement 329 de la commission est un amendement de précision.

L'amendement 329, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 51 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 52

Mme Valérie Pecresse - J'ai déjà dit tout le bien que je pensais de ce congé parental d'un an rémunéré à 750 euros par mois. Cette nouvelle liberté offerte aux familles permettra aux parents intéressés de ne pas rester trop longtemps éloignés de l'emploi et du monde du travail. Mais je voudrais que l'on informe bien ceux qui voudront en bénéficier du fait qu'à la fin de cette année de congé, ils ne pourront pas basculer dans l'autre formule, celle du congé de trois ans. C'est une bonne chose que le dispositif n'entre en vigueur qu'au 1er juillet 2006 : nous aurons six mois pour leur expliquer qu'ils doivent choisir entre un congé long à 500 euros par mois et un congé court mieux rémunéré.

Je me félicite d'autre part que le Gouvernement ait repris l'amendement - retoqué au titre de l'article 40, je me demande bien pourquoi - de Mme Clergeau, adopté à l'unanimité de la commission des affaires culturelles, et qui permettait aux deux parents de se partager les droits à congé.

Mme Jacqueline Fraysse - Le complément optionnel de libre choix d'activité ou COLCA, qui est réservé aux personnes assumant la charge d'au moins trois enfants, venant s'ajouter au complément de libre choix d'activité, les parents disposeront d'une alternative : d'une part le congé de trois ans, d'autre part un congé plus court mais mieux rémunéré.

Une première remarque : si votre objectif, à travers la création de la PAJE, était de simplifier, le présent ajustement rend plutôt le système plus complexe. Ensuite, je tiens à rappeler que, lors de la Conférence de la famille, un groupe de travail avait proposé, en s'inspirant des congés parentaux des pays nordiques, une indemnisation proportionnelle au salaire antérieur - de l'ordre de 80 % - pour ce congé parental court. Il devait concerner toutes les naissances, quel que soit le rang de l'enfant. Une majorité s'était prononcée également pour un allongement substantiel du congé maternité.

Mais vous êtes restés sourds à ces propositions et vous persistez dans l'élaboration insidieuse d'un sous-SMIC maternel. En instaurant une allocation forfaitaire, vous oubliez, que la question de l'accueil des jeunes enfants ne doit jamais être déconnectée de celle de l'intégration des femmes sur le marché du travail.

Seuls des congés parentaux courts, individuels, non transférables et dont l'indemnisation serait en rapport avec le salaire du bénéficiaire pourraient, sans pénaliser l'emploi des femmes, permettre aux parents qui le souhaitent de consacrer un peu plus de temps à leur enfant.

Un bon moyen d'entrer dans cette logique d'égalité professionnelle aurait été de relancer une réflexion sur le congé de paternité. En vigueur depuis le 1er janvier 2002, il connaît toujours un franc succès et apparaît pour le père comme une occasion unique de faire connaissance avec son nouveau-né ou de s'occuper des aînés. Il faut aller plus loin.

Au total, le saupoudrage auquel procède le Gouvernement ne correspond aucunement à la réalité sociale de notre pays.

M. Pierre-Christophe Baguet - Une remarque de forme, tout d'abord : nous devons attendre quatre jours et quatre nuits avant de parler des familles, une fois que les troupes sont dispersées ou épuisées. Vous n'y êtes pour rien, Monsieur le ministre délégué, mais je me demande si cela n'est pas symptomatique.

Je lisais ce matin un éditorial de la lettre de l'UDAF des Hauts-de-Seine : « La classe politique ne craint plus un discours nataliste. », était-il écrit. Je m'en réjouissais, et puis j'ai compris que l'article parlait de la classe politique allemande !

Mme Valérie Pecresse - Nous n'avons jamais eu peur !

M. Pierre-Christophe Baguet - Peut-être, mais nous n'avons pas pour autant fait tout ce qu'il fallait !

Nous abordons donc les cinq articles du PLFSS consacrés à la famille et je dois dire qu'il y a des points positifs. A commencer par la montée en puissance de la PAJE. Son succès montre qu'elle répond à une attente des familles. Le complément optionnel de libre choix est également une bonne chose. C'était une ancienne demande de l'UDF. Le Gouvernement y a souscrit, nous nous en félicitons. L'allocation journalière de présence parentale est aussi une très bonne mesure, même si elle appelle quelques ajustements.

Nous avons aussi des réserves. La première concerne le prélèvement du FSV sur la branche famille. Instauré par les socialistes en 2001, ce prélèvement avait été très critiqué à l'époque et de nombreux amendements des groupes UDF et UMP tendaient à le supprimer. Avec l'alternance, on pouvait espérer qu'il y serait mis fin. Au lieu de quoi, il a été régulièrement augmenté et voici maintenant qu'on nous propose carrément de le rendre automatique ! Je me bornerai donc à rappeler, une fois de plus, que l'indépendance des branches était souhaitée lors de la création de la sécurité sociale.

Nous remarquons aussi le transfert discret de 270 millions d'euros de la part APL à la CNAF. Et l'économie de 140 millions d'euros faite, tout aussi discrètement, quand vous décidez que les enfants nés avant le 1er janvier 2004 se verront appliquer le régime antérieur à la création de la PAJE.

Concernant le plafonnement de l'augmentation du budget annuel du Fonds national d'action sociale, le conseil d'administration de la CNAF avait souhaité 12 %, un accord avait été trouvé sur 8 % et vous avez, Monsieur le ministre, négocié à 7,5 %... Nous n'allons pas chipoter pour 0,5 % car c'est quand même un effort notable.

En conclusion, on continue à charger un peu la branche famille, alors que nous rappelons tous dans nos discours notre attachement à la famille... Monsieur le ministre, l'UDF vous soutient dans votre combat personnel en faveur des familles, mais souhaite qu'on assure le financement des mesures dans la durée ; or parfois, les messages du ministère de la famille ont du mal à passer... Si nous pouvons vous servir de haut-parleur, vous pouvez compter sur nous !

M. le Ministre délégué - Je remercie Mme Pecresse de ses propos. Elle a rappelé l'ensemble des initiatives qui ont été prises depuis 2002 - meilleure prise en charge des frais de garde, PAJE, statut des assistantes maternelles, convention d'objectifs et de gestion. Nous avons hérité d'un Fonds d'action sociale doté fin 2001 de 2,1 milliards ; il sera doté de 3,9 milliards à l'issue de sa montée en régime, en 2008, et aura ainsi été doublé en six ans. Cette année, à la suite de la Conférence de la famille, il est proposé de créer un congé parental raccourci mais mieux rémunéré, qui permettra au parent qui le souhaite, mère ou père, de retrouver plus vite son activité. La réforme du congé et de l'allocation de présence parentale, pour que les parents puissent être plus facilement au chevet d'un enfant hospitalisé, vient compléter ce dispositif.

Madame Fraysse, les crédits de la branche famille permettent la création entre 2002 et 2008 de 72 000 places de crèches, soit une augmentation de notre équipement de près d'un tiers ; dans le même temps, le statut des assistantes maternelles vient renforcer les garanties offertes aux parents qui choisissent ce mode de garde.

Je remercie M. Baguet d'avoir apporté son soutien aux dispositions prises et d'avoir offert son appui pour assurer la pérennité de la politique familiale.

Le déficit actuel de la branche famille, à la différence de celui de l'assurance maladie, est purement conjoncturel ; il est lié à la montée en régime de la PAJE, qui profitera à 250 000 familles supplémentaires à la fin de 2007 au lieu des 200 000 prévues au moment du vote de la loi, ce qui est le signe d'un très grand succès de cette nouvelle prestation.

Enfin, Madame Pecresse, le Gouvernement est tout à fait convaincu qu'il faut en effet assurer le plus tôt possible l'information des familles sur leur droit d'option entre le congé d'un an à 750 euros et le congé de trois ans à 513 euros - et sur le fait que le choix exercé est définitif.

Madame Clergeau, l'amendement 365 du Gouvernement reprend l'amendement que vous aviez présenté au nom de la commission des affaires sociales et que la commission des finances avait jugé irrecevable, visant à permettre le partage du congé parental d'un an entre le père et la mère.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour la famille - La commission avait en effet adopté à l'unanimité l'amendement que j'avais présenté, visant à permettre aux deux parents de se partager librement le COLCA. J'avais pris la peine de préciser que la somme des deux prestations ne pouvait être supérieure au montant qui aurait été versé s'il n'y avait eu qu'un seul bénéficiaire, mais le président de la commission des finances l'a déclaré irrecevable. Le Gouvernement a alors essayé de faire porter cet amendement par un député par le majorité, mais il a subi le même sort... Quoi qu'il en soit, je me félicite qu'il l'ait repris : il est bon de prendre des mesures incitant les pères à participer activement à l'éducation des jeunes enfants.

Je partage l'opinion de Mme Fraysse : il faudrait pouvoir étendre cette possibilité aux familles de un ou deux enfants, et de même, il faudrait réfléchir à un allongement du congé de maternité. Enfin, Monsieur le ministre, l'Assemblée s'honorerait d'avoir un grand débat sur la famille, qui permettrait d'échanger davantage qu'aujourd'hui sur nombre de sujets très importants.

En ce qui concerne les crèches, la CNAF nous avait fourni le chiffre de 23 000 places entre 2001 et 2004, on nous avait communiqué pour la préparation de ce rapport le chiffre de 52 000 places créées, et aujourd'hui vous en annoncez 72 000 ! Pour que nous puissions nous y retrouver, il conviendrait que vous nous communiquiez un état du nombre de places promises dans chacun des plans et du nombre de places réalisées année après année.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je félicite mes collègues de leur initiative, et je félicite le Gouvernement d'avoir repris cet amendement. J'observe que ce qui a été dit sur les pères et les mères est loin des propos tenus dans la presse par l'une de nos collègues...

L'amendement 365, mis aux voix, est adopté.

L'article 52 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 53

Mme Valérie Pecresse - Je veux simplement féliciter à nouveau le Gouvernement de cette refonte de l'allocation de présence parentale. Le fait de la rendre journalière va permettre de toucher 13 000 familles et non plus 3 600.

Mme Jacqueline Fraysse - Créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, l'allocation de présence parentale permet aux parents de cesser temporairement leur activité professionnelle lorsque leur enfant de moins de 20 ans est gravement malade, handicapé ou accidenté. Actuellement, le congé ne peut se prendre que par périodes minimales de quatre mois, et au plus en trois fois. De nombreuses associations avaient demandé l'assouplissement de ce dispositif et elles ont été entendues : il y aura désormais un « compte crédit jours » de 310 jours ouvrés, à prendre sur une période maximale de trois ans. Par ailleurs, un complément d'allocation de 100 euros par mois permettra d'indemniser les parents des frais matériels occasionnés par une hospitalisation loin de leur domicile.

Nous nous félicitons de ces dispositions. Nous insistons sur la nécessaire appropriation de ce dispositif par les pères, et je souscris pleinement à la proposition de Mme Clergeau d'organiser dans cette enceinte un débat sur la famille.

M. le Ministre délégué - L'amendement 366 ouvre le droit à l'allocation journalière de présence parentale en cas de rechute ou de récidive d'une pathologie au titre de laquelle un premier droit à allocation de présence parentale a pu être accordé.

L'amendement 231 rectifié prévoit, entre autres, qu'en cas d'enchaînement immédiat d'un congé parental d'éducation et d'un congé de présence parentale, ou l'inverse, la personne pourra recouvrer les droits aux prestations en espèces acquis au début du premier congé lorsqu'elle reprend son activité à la fin du second, quel que soit l'ordre de succession des congés et quelles que soient les prestations concernées. Cela améliore sensiblement les droits sociaux des parents contraints de s'arrêter de travailler pour rester auprès d'un enfant malade.

L'amendement 367 avance du 1er juillet au 1er mai 2006 la date d'entrée en vigueur du nouveau dispositif.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure - La commission est bien sûr favorable à ces trois amendements.

Le réaménagement de l'allocation de présence parentale était très attendue des familles d'enfants gravement malades ou handicapés. Monsieur le ministre, notre collègue Hélène Mignon vous a interpellé à ce sujet lors de la discussion générale. Vous ne lui avez pas répondu.

J'ai, pour ma part, présenté en commission plusieurs amendements tendant à parfaire le dispositif, dont certains ont été adoptés, mais qui, hélas, une fois encore, ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40. Je tiens à en exposer ici le contenu afin de connaître l'avis du Gouvernement.

Le projet de loi n'était pas assez explicite sur l'ouverture et le décompte des droits en cas de rechute. Si celle-ci intervient dans un délai de trois ans après l'ouverture du droit à allocation et que le parent n'a pas épuisé son droit à 310 jours d'allocation, il n'y aurait pas de problème. En revanche, si elle intervient au-delà de trois ans, tiendrait-on compte des journées indemnisées lors de la maladie initiale ou le parent se verra-t-il octroyer une nouvelle période de droit à congés de 310 jours sur une nouvelle période de trois ans ? Dans le régime actuel, lorsque les droits à allocation sont épuisés, il n'est d'autre moyen, en cas de pathologie récidivante qui se conjugue souvent à d'autres troubles, que de présenter une nouvelle demande au titre d'une nouvelle pathologie. Cette pratique, acceptée par les médecins conseils de l'assurance maladie, n'est toutefois pas très sécurisante pour les familles. La commission a, sur ma proposition, adopté un amendement levant toute ambiguïté à ce sujet, hélas déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Je remercie donc le Gouvernement de l'avoir repris : les familles ne seront ainsi plus tributaires de la maîtrise ou non par leur médecin des arcanes administratifs. Je me félicite également que l'amendement parle bien de « rechute ou de récidive », afin qu'il n'y ait plus aucune ambiguïté possible.

D'autres problèmes demeurent en revanche en suspens. Le texte fait ainsi état d'une « durée minimale de soins » pour ouvrir droit au bénéfice de l'allocation. J'avais présenté un amendement tendant à supprimer cette référence, trop restrictive. En effet, certains accidents de la circulation par exemple peuvent entraîner un coma momentané de l'enfant exigeant une présence parentale constante sans pour autant impliquer une très longue durée d'hospitalisation. Un décret ne pourrait-il pas définir le type de pathologie ou de handicap ouvrant droit à l'allocation en tenant compte des pathologies aiguës qui peuvent exiger la présence d'un parent auprès de l'enfant sans que la durée prévisible de traitement soit supérieure à quatre mois ?

Autre problème : le complément à l'allocation journalière de présence parentale, tel qu'actuellement proposé, ne répond pas aux besoins des familles. En effet, le critère essentiel d'attribution de ce complément est celui d'éloignement géographique du lieu de traitement de l'enfant. Les frais de déplacement sont pourtant loin d'être les seuls induits par l'accompagnement d'un enfant gravement malade. C'est pourquoi, m'inspirant du dispositif existant pour le complément à l'allocation d'éducation spécialisée, j'ai déposé plusieurs amendements qui auraient permis d'attribuer le complément lorsque la gravité de la pathologie ou du handicap expose la famille à des dépenses particulièrement coûteuses. Le premier proposait que le montant de ce complément puisse être fonction des dépenses supportées par la famille. La commission l'ayant repoussé au motif de son coût, j'ai proposé un amendement de repli, fixant un montant forfaitaire, qui a, lui, été adopté à l'unanimité, mais, hélas, également déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Je regrette que le Gouvernement ne l'ait pas repris. Des familles supportent des frais importants de produits paramédicaux, qui ne sont pas de confort mais essentiels pour rendre le traitement supportable à l'enfant, ou sont obligées de recourir à une garde à domicile. Il est donc dommage que seuls les frais de déplacement et d'hôtellerie soient pris en charge.

Les familles confrontées au handicap ou à la maladie grave d'un enfant sont dans la désespérance. A chaque changement de gouvernement, et donc de ministre, elles doivent tout reprendre de zéro et tout réexpliquer de leurs difficultés. Elles trouvent, à juste titre, que l'on n'avance pas assez vite. Elles ont récemment adressé une lettre ouverte au Président de la République, dont je vais vous remettre le texte, Monsieur le ministre, et dont j'espère que vous le considérerez avec bienveillance. Il serait à l'honneur de notre République de répondre aux attentes de ces familles.

M. le Ministre délégué - Si le Gouvernement n'était pas sensible à leur détresse, il n'aurait pas présenté ces dispositions importantes et n'aurait pas consulté la Conférence de la famille à ce sujet.

Mme Valérie Pecresse - C'est évident.

M. le Ministre délégué - Nous avons bien songé à établir une liste des pathologies ouvrant droit à l'allocation journalière de présence parentale. Mais il nous a paru plus judicieux de nous en abstenir. Cette liste, qui ne pourrait être exhaustive, risquerait de conduire à des injustices. Certaines familles pourraient se trouver écartées du bénéfice du dispositif au seul motif que la maladie de leur enfant ne figure pas sur cette liste, alors même que son état ou une hospitalisation loin de son domicile justifierait la présence d'un parent auprès de lui. Nous avons préféré confier au médecin le soin d'apprécier la gravité de la maladie ou du handicap. Cette plus grande souplesse permettra de couvrir davantage de cas.

Vous demandez par ailleurs l'alignement des conditions d'attribution du complément d'allocation journalière de présence parentale sur celles du complément d'allocation d'éducation spécialisée. Les conditions exigées pour bénéficier du complément ne sont pas contraignantes puisqu'il suffit de justifier d'un déplacement par mois pour se rendre auprès de l'enfant hospitalisé. A la demande des associations, nous avons par ailleurs décidé de maintenir la possibilité actuelle de cumuler la prestation de base de l'allocation d'éducation spécialisée avec l'allocation journalière de présence parentale. En effet, la moitié des familles qui perçoivent actuellement l'allocation de présence parentale touchent également la prestation de base de l'AES d'un montant de 115 euros. Avec toutes ces mesures, les familles concernées toucheront 225 euros de plus par mois.

L'amendement 366, mis aux voix, est adopté.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure - Les amendements 331 et 332 sont rédactionnels.

L'amendement 331, accepté par le Gouvernement, est adopté, de même que l'amendement 332.

L'amendement 231 rectifié est adopté de même que l'amendement 367.

L'article 53, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 54

Mme Jacqueline Fraysse - Lors de la mise en place de la PAJE, il avait été prévu que seuls les enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2004 ouvriraient droit à la nouvelle prestation, mais que les enfants nés entre le 1er janvier 2001 et le 1er janvier 2004 relèveraient en tout état de cause à compter du 1er janvier 2007 de la PAJE. Or, par pure mesure d'économie, cet article revient sur cet engagement pourtant pris ici par le Gouvernement. L'amendement 144 tend donc à supprimer cet article.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure - Mon amendement 337, qui est également de suppression, a été repoussé par la commission.

Je m'étonne que la majorité remette en cause des dispositions qu'elle a elle-même adoptées lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

Initialement, la PAJE ou prestation d'accueil du jeune enfant, devait bénéficier aux seuls enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2004, puis être élargie au 1er janvier 2007 à l'ensemble des familles quelle que soit la date de naissance de l'enfant.

Avec l'article 54, vous reportez la mise en œuvre de la PAJE à 2009 pour les familles dont les enfants sont aujourd'hui âgés de trois à six ans. Cette décision est d'autant plus surprenante que le Gouvernement se plaît à souligner le succès, par ailleurs incontestable, de la PAJE. D'après un bilan de la CNAF, 18 mois après la mise en œuvre du nouveau dispositif, la couverture des familles bénéficiaires de l'allocation de base a augmenté de 15 % par rapport à l'allocation précédente et le nombre de bénéficiaires du complément de libre choix du mode de garde a progressé de 12,5 % en un an.

Monsieur le ministre, pourquoi priver les parents d'enfants de trois à six ans d'une aide précieuse au moment même où ils devront supporter le coût supplémentaire induit par la revalorisation du statut des assistants maternels décidée lors de la loi du 27 juin 2005 ? Ils continueront à bénéficier de l'aide à l'emploi d'une assistante maternelle agréée, l'AFEAMA, mais ce dispositif est moins avantageux que le complément de libre choix du mode de garde.

Pourquoi vouloir faire figurer cette disposition dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 alors que les économies attendues ne seront effectives qu'en 2007 ? Vous attendez de cette nouvelle mesure 180 millions en 2007, 180 millions en 2008 et 70 millions en 2009, soit au total 430 millions d'économies réalisées sur le dos des familles ! Vous affirmez travailler à une meilleure conciliation de la vie professionnelle et familiale des Français : en la matière, le coût des modes de garde est essentiel !

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement a émis un avis défavorable aux amendements de suppression 143 et 337 pour des raisons d'économie.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure - Pourquoi la branche famille doit-elle toujours faire les frais de vos mesures d'économie !

M. le Ministre délégué - En matière de politique familiale, nous avons pris de nouvelles initiatives afin de favoriser la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Il nous faut donc gérer cette branche au mieux. Nous échelonnons l'entrée en vigueur non pas de la PAJE, mais de l'un de ces sous dispositifs - l'aide à la garde des enfants de trois à six ans - dont n'ont pas bénéficié non plus les parents d'enfants nés après le 31 décembre 2003, allocataires de la PAJE. Il s'agit donc d'une simple question d'harmonisation.

Par ailleurs, les besoins de garde de ces enfants, déjà scolarisés, sont moins importants que pour les tout-petits. Et leurs parents continueront à recevoir l'AGED et l'AFEAMA.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure - Heureusement !

M. le Ministre délégué - Enfin, toutes les familles, y compris celles qui ne sont pas assujetties à l'impôt sur le revenu, pourront désormais bénéficier d'un crédit d'impôt, qui a remplacé l'année dernière la réduction d'impôt pour frais de garde. J'ajoute que ce crédit d'impôt est doublé dans le projet de loi de finances pour 2006 en cours d'examen au Parlement.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure - Les familles défavorisées ne pourront pas avancer l'argent en attendant le crédit d'impôt !

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement n'oublie pas ces familles !

Mme Valérie Pecresse - Je me réjouis du vibrant hommage qu'ont rendu les membres du parti socialiste et du groupe communiste à la PAJE. Le succès de cette prestation est l'une des causes du déficit qu'accuse la branche Famille. Il est nécessaire de garder le sens des économies.

Le plus important est de respecter la règle du jeu posée au moment où l'enfant a été conçu. Or, lorsque les enfants aujourd'hui âgés de trois à six ans ont été conçus, la règle était le versement de l'AGED et et de l'AFEAMA. Les parents n'ont pas été pris en traître.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure - Une loi a tout de même été votée entre temps !

Mme Valérie Pecresse - De plus, ces familles bénéficient aujourd'hui de règles du jeu plus favorables, puisqu'il été prévu de doubler le crédit d'impôt pour frais de garde dans le projet de loi de finances pour 2006.

M. Pierre-Christophe Baguet - Monsieur le Ministre, votre honnêteté vous honore. Cette décision répond à un souci d'économie, dites-vous. Certes, les règles du jeu à prendre en compte sont celles qui prévalaient au moment de la conception de l'enfant. Pour autant, nous souhaitons tous mener une politique familiale active en faveur de la natalité et il extrêmement désagréable que vous remettiez en cause l'entrée en vigueur de la PAJE aujourd'hui. Quant à la transformation de la réduction d'impôt en crédit d'impôt, je vous rappelle que c'est une initiative du groupe UDF. Lorsque j'ai défendu l'amendement proposant cette modification l'année dernière, j'ai essuyé les foudres de M. Mariton. Je me réjouis qu'il ait été voté et que le crédit d'impôt soit doublé cette année pour compenser la mesure que nous examinons aujourd'hui.

Reste qu'il est choquant que l'on supprime des aides que les familles étaient en droit d'espérer.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure - Quelle est la réalité pour nombre de familles en France aujourd'hui ? Certes, le crédit d'impôt couvrira désormais 50 % des frais de garde mais il est impossible aux familles modestes d'avancer les fonds pour payer les frais de garde et d'attendre un an et demi pour être remboursées du crédit d'impôt. Je ne peux cautionner cette mesure ! Nous devrions plutôt aller vers un service public de la petite enfance.

Les amendements 144 et 337, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 54, mis aux voix, est adopté.

ART. 55

Mme Jacqueline Fraysse - Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le coût de la majoration de pension pour enfant n'est plus pris en charge par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), mais par la branche famille. A l'époque, nous nous étions élevés contre cette « charge » supplémentaire de 3 milliards d'euros pesant sur la branche famille, d'autant que la CNAF n'avait pas pu procéder à une étude préalable sur l'impact de ce transfert. Au cours de cette séance, plusieurs députés, dont M. Préel, avaient vigoureusement protesté contre la tendance à faire de la branche famille, alors excédentaire, une variable d'ajustement des comptes sociaux. M. Accoyer, pour sa part, avait dénoncé l'utilisation de la branche famille, comme « vache à lait de la protection sociale ». 

Or, le Gouvernement, loin de revenir sur ce transfert effectué au détriment de la branche famille, le pérennise en modifiant l'article L. 233-2 du code de la sécurité sociale à l'article 55.

M. Pierre-Christophe Baguet - Avec l'article 55, nous franchissons en effet un cap supplémentaire. Chaque année, nous dénoncions le hold up opéré sur la branche famille. Il sera désormais permanent et légal. C'est inadmissible !

Le rapport de Mme Clergeau montre bien que le déficit de la branche famille est proportionnel au déficit du FSV et précise également que les prévisions des recettes sont d'autant plus optimistes que nous devrons rattraper un retard de croissance accumulé depuis 2001. Ainsi, le déficit de la branche famille sera durable alors que cet argent, s'il n'était versé au FSV, permettrait par exemple de revenir sur la suppression de la PAJE pour les enfants nés entre 2001 et 2004, de financer le Fonds national d'action sociale ou d'augmenter le nombre des places en crèche.

Notre amendement 214 vise donc à supprimer cet article et il faut reconnaître qu'en la matière, seuls les groupes UDF et communiste font preuve d'une véritable constance.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure - Rapporteure de la branche famille dans la majorité ou dans l'opposition, j'ai toujours défendu le même point de vue.

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, considérant que la prise en charge par la CNAV des majorations de pension pour les enfants représente un avantage familial différé et qu'il est donc normal que la CNAV prenne en charge 60% de cette dépense au profit du FSV, cela ne constituant en rien une charge indue pour la branche famille.

L'amendement 214, repoussé par le Gouvernement , mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 55, mis aux voix, est adopté.

ART. 56

L'article 56, mis aux voix, est adopté.

ART. 57

Mme Jacqueline Fraysse - Cet article est consacré à ce que j'appellerai « la chasse aux fraudeurs ». Si le groupe communiste n'a évidemment jamais encouragé la fraude, nous contestons que le Gouvernement fasse de la lutte contre les fraudeurs un élément central de sa politique dite de « réforme », la fraude étant un phénomène marginal. Les estimations officielles s'accordent sur un chiffre situé entre 4% et 6% en ce qui concerne les abus d'arrêts de travail et de seulement 0,04% en ce qui concerne la fraude aux allocations. Le Gouvernement ne se risque d'ailleurs pas à avancer des chiffres car il tient à masquer ses véritables préoccupations qui sont d'ordre financier. La multiplication des complications administratives dissuadera nombre d'assurés sociaux de faire valoir leurs droits. Vous vous félicitez ainsi du recul de 2,6%, sur les huit premiers mois de 2005, de l'indemnisation des arrêts de travail. Ceux-ci s'expliquent-ils par la régression de la fraude ou parce que les salariés refusent de s'arrêter alors qu'ils le devraient ? Enfin, l'indignation du Gouvernement à l'égard des fraudeurs est sélective : il met beaucoup d'ardeur à dénoncer comme fraudeurs les médecins et les patients mais beaucoup moins lorsqu'il s'agit de stigmatiser des fraudes autrement plus conséquentes pour le budget.

Mme Marie-Françoise Clergeau - La lutte contre la fraude doit s'exercer à l'égard de tous et non à l'encontre des seuls assurés sociaux. Plusieurs dispositions de cet article constituent de graves reculs par rapport à la loi instaurant la CMU. Le fait de présupposer que les personnes sont assurées sociales, comme 99,9% de la population, et de renvoyer à l'administration de la sécurité sociale la charge de vérifier à quel titre a posteriori fut un immense progrès. Deux dispositions annuleront par des approches procédurières une partie des dispositions instaurant la CMU de base, reposant sur la présupposition des droits, et ce sont les plus démunis qui seront pénalisés.

Premier exemple : la production obligatoire de pièces justificatives pour l'attribution des prestations. Les organismes de sécurité sociale doivent demander toute pièce justificative nécessaire au service d'une prestation, soit pour l'ouverture du droit, soit au cours du versement aux fins de contrôle. Vous proposez que la non fourniture des pièces demandées entraîne soit la suspension de l'instruction du dossier, soit la suspension de la prestation jusqu'à ce que la personne les fournisse. La possibilité de faire des déclarations sur l'honneur pour pallier le défaut de pièces est supprimée, ce qui constitue un recul majeur. Par ailleurs, actuellement les SDF qui demandent à bénéficier de la CMU doivent élire domicile soit auprès d'un organisme agréé à cet effet, soit auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale. Cette disposition est modifiée afin d'exiger l'intervention d'un assistant de service social dans une procédure réalisée par des associations agréées. Les personnes les plus précaires devront donc attendre encore plus longtemps pour bénéficier de la CMU. Plutôt que de chercher à améliorer la domiciliation des exclus, vous partez du principe qu'il y a là une tentative frauduleuse. Nous ne pouvons l'admettre.

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 143 vise à supprimer cet article car le Gouvernement se refuse à lutter également contre toutes les fraudes. Ainsi, la lutte contre la fraude fiscale est-elle loin de constituer une priorité pour Matignon, et on ne voit pas comment cela changerait étant donné le nombre de postes supprimés au sein de l'administration des finances.

M. Marc Laffineur - Ce n'est pas assez !

Mme Jacqueline Fraysse - Pourtant, ce problème est d'une toute autre ampleur que celui de la fraude aux prestations sociales. Selon le Conseil des Impôts, « il y a fraude dès lors qu'il s'agit d'un comportement délictuel délibéré, consistant notamment à dissimuler une fraction des recettes et à majorer les charges. » Etant donné sa complexité - économie souterraine, montages juridiques, minorations de recettes - la fraude est en la matière difficile à évaluer, même si les diverses estimations établissent une fourchette globale de 15 à 20% du total des recettes fiscales. L'INSEE, en 1995, a estimé le coût total cumulé de la fraude au bénéfice, de la fraude à la TVA, du travail clandestin et du travail domestique non déclaré à 4% du PIB. Pour un PIB de 1 464 milliards en 2001, cela représente 58,56 milliards de pertes. Ce montant doit être rapproché du besoin de financement de l'Etat évalué à 33,7 milliards en 2000 et à 33,8 milliards en 2001.

Par ailleurs, compte tenu de l'internationalisation croissante des échanges, du développement des nouvelles technologies et du commerce électronique, des montages juridiques de plus en plus complexes et opaques, ou encore de l'absence d'une véritable harmonisation européenne des procédures de contrôle fiscal, les moyens d'éviter l'impôt au mépris de la législation fiscale se sont développés. Le Gouvernement ne pourrait-il exercer ici sa frénésie de contrôle ? Mais il s'y refuse, car il est évidemment plus facile de faire peser le poids du contrôle sur ceux qui ne peuvent s'y soustraire. « Selon que vous serez puissant ou misérable... »

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Avis défavorable. Personne ne peut cautionner quelque fraude que ce soit. Si l'on veut sauver notre système de sécurité sociale, nous devons garantir l'absence de détournement des droits, que ce soit de la part des assurés, des employeurs ou des professionnels de santé. Ainsi, l'article 17 de ce projet a renforcé les sanctions envers les employeurs en cas de travail dissimulé. Il en est de même en ce qui concerne les professionnels de santé. Nous devons renforcer tous les moyens qui permettent d'établir les fraudes, comme de nombreux administrateurs des caisses nous l'ont d'ailleurs demandé.

L'amendement 143, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - L'amendement 333 est un amendement de précision.

L'amendement 333, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Sébastien Huyghe - L'amendement 252 est défendu.

L'amendement 252, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - L'amendement 334 est rédactionnel.

L'amendement 334, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Sébastien Huyghe - L'amendement 251 est défendu.

L'amendement 251, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme Marie-Françoise Clergeau - L'amendement 349 est défendu.

L'amendement 349, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur - Le délai de prescription de l'action en recouvrement des professionnels de santé est de trois ans, contre deux pour les assurés. L'amendement 38 propose un délai unique de deux ans pour rétablir l'égalité entre eux.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable. Il est important de maintenir un délai de trois ans, comme pour la prescription du contrôle sur les revenus.

L'amendement 38, mis aux voix, est adopté.

Mme Marie-Françoise Clergeau - L'amendement 350 est défendu.

L'amendement 350, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 57, modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 58, mis aux voix, est adopté.

La quatrième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, mise aux voix, est adoptée.

Mme la Présidente - Nous en avons terminé avec l'examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. La Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet auront lieu le mercredi 2 novembre, après les questions au Gouvernement.

M. le Ministre délégué - Je voudrais remercier le président de la commission, Jean-Michel Dubernard, ainsi que les rapporteurs, qui se sont beaucoup impliqués dans la préparation de ce texte, et l'ensemble des parlementaires qui ont participé au débat. C'est un vote important que celui d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le texte qui ressort de votre discussion se trouve dans la continuité de la réforme de l'assurance maladie. Nous poursuivons notre objectif, qui est, en réduisant le déficit, de garantir l'avenir de notre système de santé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Prochaine séance, mercredi 2 novembre, à 15 heures.

La séance est levée à 17 heures 20.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 2 NOVEMBRE 2005

QUINZE HEURES : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement1.

2. Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 (n° 2575)

3. Discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540).

Rapport (n° 2568) de M. Gilles CARREZ, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Sécurité ; sécurité civile

- Sécurité

Rapport spécial (n° 2568, annexe 30) de M. Marc LE FUR, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Avis (n° 2572, tome X) de M. Philippe FOLLIOT, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées

Avis (n° 2573, tome VII) de M. Gérard LÉONARD, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

- Sécurité civile

Rapport spécial (n° 2568, annexe 31) de M. Georges GINESTA, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Avis (n° 2573, tome VIII) de M. Thierry MARIANI, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

1 Les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.


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