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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 25ème jour de séance, 57ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 10 NOVEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2006
      - deuxième partie - (suite) 2

      SANTÉ 2

      QUESTIONS 16

      RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 22

      ORDRE DU JOUR DU LUNDI 14 NOVEMBRE 2005 23

La séance est ouverte à quinze heures.

LOI DE FINANCES POUR 2006 - deuxième partie - (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006.

SANTÉ

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la santé.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances - Monsieur le ministre, alors que l'application de la LOLF à ce budget a rendu l'exercice du rapporteur quelque peu délicat, je tiens à saluer la disponibilité des membres de votre cabinet. En revanche, la commission des finances déplore que certains questionnaires ne nous aient pas encore été renvoyés.

L'examen des crédits de la mission « santé » s'inscrit dans une période très chargée en matière de santé publique - application de la loi de santé publique de 2004, du plan cancer, de la réforme de l'assurance maladie, du plan de prévention d'une possible pandémie grippale d'origine aviaire et montée en charge du plan national « nutrition santé » visant à maîtriser le risque bien réel et trop répandu de l'obésité.

S'agissant de l'exécution des crédits du budget de la santé, elle est marquée en 2004 par un phénomène paradoxal, qui n'est pas le signe d'une bonne gestion : la dette a progressé de 60% en 2004 pour s'établir à 720 millions, alors que les reports atteignent 4,22% de la dotation votée en loi de finances initiale, soit 472 millions. Rappelons qu'aux termes de l'article 15 de la LOLF, les reports ne doivent pas excéder 3% par programme. En 2005, si les crédits du plan cancer ont été sanctuarisés, le niveau élevé de gels et d'annulation de crédits - 10% des crédits du programme « santé publique et prévention » et de ceux de la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie - ne peut que lourdement peser sur la mise en œuvre de la santé publique à moins de transférer les dépenses sur le budget de l'assurance maladie, ce que vous faites dans certains cas.

En 2006, le budget de la mission progresserait à périmètre constant de 12% en autorisations d'engagement et de 6,6% en crédits de paiement. Cette hausse tient à la montée en puissance du plan cancer qui bénéficie de 26 millions en autorisations d'engagement et de 23 millions en crédits de paiement. Plusieurs mesures ont modifié le périmètre entre 2005 et 2006 : recentralisation d'actions sanitaires relevant autrefois des départements pour 41,6 millions, transfert à l'assurance maladie du financement des CAARUD, les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues, pour 15 millions, et décentralisation de la formation paramédicale pour 12,8 millions.

La hausse de 12% du budget de la mission « santé » tient à la montée en puissance du plan cancer, qui bénéficie de 26 millions en autorisations d'engagement et 23 millions en crédits de paiement. Pour le reste, ses crédits sont en quasi stagnation.

La mission se décompose en trois programmes : « santé publique et prévention » qui enregistre une augmentation de 28,8% en autorisations d'engagement et de 23% en crédits de paiement, « offre de soins et qualité du système » qui diminue de 3,4% en autorisations d'engagement et 10,5% en crédits de paiement et enfin « drogue et toxicomanie » qui diminue de 1,85% en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

La commission des finances regrette l'absence de crédits de personnel dans cette mission, transférés à la mission « solidarité et intégration », ce qui est contraire à l'article 7 de la LOLF.

Le programme « santé publique et prévention » regroupe quatre actions. Premièrement, l'action « pilotage de la politique de santé publique » concerne les dispositifs prévus par la loi de santé publique d'août 2004 : Haut conseil de santé publique, comité national de santé publique, conférences nationale et régionales de santé publique, plans régionaux de santé publique et groupements régionaux de santé publique. Le budget de cette action connaît une diminution de 46%, sans que nous en ayons obtenu l'explication. Une dotation de 1,5 million est également consacrée à la création d'une base de données de suivi des plans régionaux de santé publique et d'un tableau de bord de suivi des indicateurs associés aux 100 objectifs de santé publique. De même, 12 millions seront consacrés aux structures associées au pilotage de la politique de santé publique, concernant notamment l'éducation pour la santé, les associations d'épidémiologistes, le collectif inter-associatif sanitaire et social, les observatoires régionaux de santé et les comités d'éducation pour la santé.

La lenteur de la mise en place du dispositif de santé publique de la loi de 2004 est préoccupante face aux risques auxquels nous devons faire face, notamment à ceux de l'obésité et de la grippe aviaire. Plus généralement, c'est l'ensemble de la production normative, qu'il s'agisse de la législation nationale ou de la transposition de directives européennes, qui présente un retard regrettable. M. Dubernard, dans un récent rapport, note que seulement 71 des 158 articles de la loi de santé publique d'août 2004 sont actuellement applicables. Quant à la Cour des comptes, en septembre 2004, elle jugeait que l'encours de décrets à produire, hors les directives européennes, représentait au moins quatre années de travail ! Elle estime que ces délais excessifs de production des textes «fragilisent le cadre juridique de la politique de santé publique et de l'action des acteurs du système de santé ».

Le projet annuel de performance pose comme objectif de « publier dans les meilleurs délais les textes d'application des lois et les transpositions ». A cet égard, le retard particulier du ministère de la santé se mesure dans l'indicateur retenu, qui est le pourcentage de textes publiés, par rapport au stock : le résultat n'est que de 16 % en 2005, et ne devrait être que de 30 % en 2006 ! Il s'agit pourtant de lois majeures : lois relatives à la bioéthique, à la santé publique, à l'assurance-maladie. Il reste même à publier une quinzaine de décrets d'application de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades ! Monsieur le Ministre, la direction générale de la santé, la DGS, accaparée par ses tâches de gestion au détriment de la programmation qui est sa vocation première, manque visiblement de moyens pour remplir ses missions. Par conséquent, il est d'autant plus critiquable que les crédits de fonctionnement ne soient pas intégrés à la mission « santé»

Par ailleurs, les lacunes du système d'alerte identifiées après la crise caniculaire de l'été 2003 ne sont pas toutes traitées ! Ainsi le projet annuel de performance pose comme objectif de « réduire les délais de tous les certificats de décès » de 90 à 75 jours pour la transmission et de trois ans à deux ans et demi pour le traitement. Cela n'est pas suffisant.

Dans son rapport, la Cour des comptes regrette également que la DGS pâtisse de vacances de poste prolongées et de rotations rapides. Votre Ministère n'est pas l'acteur prépondérant de la politique de santé, notamment en matière de santé au travail et de santé environnementale. Notons néanmoins que le rôle de la DGS a été confirmé par sa nomination à la direction de la mission interministérielle de prévention de la grippe aviaire, ce qui est une bonne chose à l'heure où l'on doute de nos capacités à gérer des crises sanitaires.

Cette action concerne aussi l'accès aux soins des plus démunis : les PRAPS, dont les crédits en provenance de l'État n'ont cessé de baisser et dont l'impact territorial est difficile à évaluer car ils sont regroupés dans des appels d'offre régionaux communs avec les CRAM. Il est regrettable que le financement par l'État des actions en faveur des plus démunis soit passé de 34 millions d'euros en 2002 à 10 en 2006 et qu'un transfert massif ait été effectué vers les crédits de l'assurance maladie. En effet, une récente étude montre les relations significatives existantes entre précarité et mauvaise santé. Les inégalités de soins proviennent directement des inégalités de revenus et de logement.

Je m'inquiète de ce désengagement de l`Etat de ses missions régaliennes d'ordre social, aussi importantes que l'ordre public. Il en va de même pour la CMU complémentaire, avec la dérive qu'entraînent l'article 89 de ce projet et l'article 36 du PLFSS pour 2006. Vous l'avez partiellement corrigée en faisant adopter au cours du débat sur la mission « Solidarité » un amendement qui, en renonçant à une économie de 21 millions, permet de ne pas exclure 60 000 personnes de cette couverture complémentaire. Néanmoins, à partir du 1er janvier 2006, la révision du plafond du forfait logement en exclura, pour quelques euros, des familles à revenus modestes.

Le taux d'exécution des dépenses de l'INPES, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, a fortement augmenté, passant à 91% en 2004, et son champ d'action s'étant accru, le fonds de roulement de cet institut s'est asséché. Avec une dotation maintenue à 23 millions en 2006, pourra-t-il accomplir ses nouvelles missions de sécurité sanitaire telles qu'elles découlent de la loi du 9 août 2004 ? Votre ministère en a-t-il évalué les coûts ? On peut d'autant plus s'en inquiéter que, dans l'article 38 du PLFSS, concernant la taxation des messages publicitaires pour des aliments sucrés, gras ou salés, on indique vouloir ramener de 71 % à 66 % la part de l'assurance maladie dans ce type d'action, tandis que les crédits de la ligne « déterminants de santé » concernant notamment le plan nutrition santé et la lutte contre l'obésité diminuent. Par ailleurs, cet article 38 exonère de taxe les publicités qui contiennent un message à caractère sanitaire. Il faut que celui-ci soit bien visible et intelligible, malgré les lobbies. De même, il faut imposer un étiquetage assurant une information complète sur la composition et le nombre de calories d'un produit. J'ai pu constater ce matin encore que ce n'était pas le cas pour tel yaourt « bio » dit bon pour la santé.

L'action « déterminants de santé » concerne aussi l'alcool et le tabac. Les experts dénoncent la manière dont l'article 21 A de la loi d'orientation agricole a modifié la composition du conseil de la modération et de la prévention - créé en octobre ! - pour y donner une place importante aux professionnels des filières viticoles, ce conseil examinant désormais de façon systématique tout texte normatif entrant dans sa compétence. Pour mener une vraie politique de prévention, il faut rétablir sa composition initiale !

Sur le plan de la méthode, il est inacceptable que des initiatives concernant la santé soient prises par surprise dans le cadre d'autres textes, et échappent donc à votre contrôle. C'était déjà le cas avec l'article 21 de la loi relative au développement des territoires ruraux. Le ministre de la Santé doit, seul, pouvoir décider de modifications introduites par amendement dans des textes présentés par d'autres ministres, mais relèvent de la santé publique.

La dotation de l'action « Prévention des risques sanitaires environnementaux » stagne à la modique somme de 2 millions, et cette action est pilotée à la fois par les ministères de la Santé, du Travail, de l'Environnement, de la Recherche ... Le ministère de la Santé doit y tenir toute sa place, comme dans l'AFSSET, la nouvelle agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail.

La santé au travail est une préoccupation majeure pour le Parlement : la mission parlementaire du Sénat a établi un rapport très rigoureux concernant l'amiante, et celle de l'Assemblée est en cours. Le ministre du travail s'est dit préoccupé par les conditions de travail, aujourd'hui encore, sur les chantiers de désamiantage, car sur les 72 contrôles effectués en 2004, 55 chantiers ne respectaient pas certains points essentiels de la réglementation. Les risques d'intoxication demeurent donc dans de nombreuses situations - désamiantage, transport, stockage et traitement de matériaux amiantés, maintenance courante de bâtiments : une autre catastrophe sanitaire se prépare peut-être.

Celle qui a frappé les travailleurs de l'amiante amène à remettre en cause toute la gestion du système de veille sanitaire en santé du travail et de la décision publique dans ce domaine. On n'en a pas tiré toutes les conséquences, et l'indépendance et l'efficacité scientifique de l'expertise en santé au travail ne sont toujours pas assurées. La médecine du travail reste subordonnée aux employeurs et les inspecteurs du travail sont en nombre insuffisant. L'AFSSET, dont le champ d'action a été élargi au travail, est loin d'être dotée des moyens nécessaires. Une véritable séparation entre évaluation et gestion des risques est indispensable pour éviter qu'une catastrophe ne se reproduise, comme l'attestent les observations du rapport sénatorial s'agissant du comité permanent amiante et de l'Institut national de recherche et de sécurité. L'Etat, responsable, devrait se donner les moyens d'une véritable politique de prévention des risques professionnels, à l'abri de toutes les pressions. Selon une étude de la DARES de mai 2004, le travail pouvait être rendu responsable d'un problème de santé sur cinq !

Le programme « offre de soins et qualité du système de soins », doté de 100 millions, progresse de 10% en autorisations d'engagement et de 1% en crédits de paiement. Pour l'organisation des concours de la formation médicale initiale des internes et le financement de l'année recherche, le déficit se creuse. Quant au financement de la Haute autorité de santé, aucune réponse au questionnaire budgétaire ne nous a été fournie. Enfin les crédits consacrés à la télémédecine stagnent. L'action « soutien » du programme est assurée par l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation cofinancée par l'Etat et l'assurance maladie, comme le GIP « carte professionnelle de santé ». Le projet « Sesam-vitale » assure désormais la remontée de plus de 60% des 1,3 milliard de feuilles de soins traitées annuellement par l'assurance maladie. Nous n'avons pas reçu d'informations sur la mise en place de la carte « vitale 2 » qui était prévue en 2006.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Elle l'est toujours.

M. le Rapporteur spécial - Cette mission soutient également les agences régionales de l'hospitalisation, qui sont des groupements d'intérêt public. Les crédits d'Etat en leur faveur stagnent alors qu'on a étendu leur champ d'intervention. De ce fait, les ARH sont tributaires de moyens mis à disposition par les DRASS ou les CRAM, de manière aléatoire, et parfois conflictuelle par exemple au sujet de l'évaluation de la T2A.

Par ailleurs, la loi du 9 août 2004 a prévu la création à titre expérimental d'agences régionales de santé. Or aucune n'a encore été lancée, et aucun crédit n'est prévu en 2006. Pourquoi ?

Le programme « drogue et toxicomanie », doté de 37,3 millions, est en baisse à cause du transfert des crédits des injonctions thérapeutiques vers le programme « conduite des politiques sanitaires et sociales ». Par ailleurs, 13 millions sont prévus, avec le même objectif, sur l'action « déterminants de santé » dans la mission « santé publique et prévention ». Il serait judicieux de regrouper l'ensemble des crédits dans le programme « Toxicomanie ».

En juillet 2004, le Gouvernement a confié à la MILDT un programme quinquennal ambitieux. Encore faudrait-il la doter des crédits nécessaires. Or ils stagnent, voire déclinent depuis plusieurs années, et ont été affectés pour 10% par les annulations budgétaires. Il faudrait aussi que le devenir de la structure soit mieux assuré.

Tels sont les crédits de la mission « santé publique » : la commission des finances, dans sa majorité, les a adoptés.

M. Paul-Henri Cugnenc, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Ce projet de budget s'inscrit dans la dynamique créée par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Dans un contexte difficile, il traduit l'effort spécifique engagé pour relever les défis de santé publique, dont, au premier rang, la lutte contre le cancer.

La nouvelle présentation budgétaire dans le cadre de la LOLF permet d'accroître la responsabilité dans la gestion des crédits, grâce aux indicateurs de performance et à l'évaluation. C'est une étape essentielle pour améliorer l'efficacité de l'Etat.

Les crédits de la santé en 2006 connaissent une forte progression, que je salue, de 16% en autorisations d'engagement, et, compte tenu du changement de périmètre d'action depuis 2005, de 12,6% en autorisations d'engagement et de 5,8% en crédits de paiement. C'est donc, sans conteste, un bon budget.

J'insisterai surtout sur les mesures nouvelles que contiennent les trois programmes de santé publique. Dans le programme « santé publique et prévention », les principales concernent le plan cancer, qui bénéficie de 22 millions supplémentaires, dont 10 millions pour l'Institut national du cancer. De même 8,5 millions de crédits supplémentaires vont à l'expérimentation du maintien à domicile et 1,5 million est consacré à des mesures nouvelles de lutte contre les cancers professionnels et de prévention, en particulier s'agissant de la nutrition, de l'alcoolisme et du tabagisme.

La réorganisation de l'offre de soins pilotée par la DHOS se traduira par la mise en place des schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération qui seront mis en œuvre sur la période 2006-2010. Il s'agit ainsi d'assurer un maillage du territoire qui garantisse l'acces à des soins de qualité. Cette démarche doit s'accompagner du développement de la coopération entre établissements hospitaliers publics et privés.

Les moyens de lutte contre la toxicomanie sont confirmés. Les crédits demandés devront être prioritairement affectés pour des actions ciblées en direction des jeunes, en particulier pour les sensibiliser aux dangers encourus, qu'il s'agisse de l'usage du tabac, de la surconsommation d'alcool ou de la consommation de drogues illicites. Il convient à ce propos de généraliser les contrôles routiers afin de réprimer l'utilisation de drogues illicites au volant.

M. Jean-Luc Préel - La consommation d'alcool également.

M. le Rapporteur pour avis - La loi est en effet d'une grande rigueur quand il s'agit de surconsommation d'alcool et tout le monde est d'accord pour qu'il en soit ainsi. Il doit en être de même en ce qui concerne les drogues illicites : pas plus que l'on ne saurait distinguer entre des alcools « durs » et ceux qui ne le seraient pas il ne faut distinguer entre drogues « dures » ou non.

Le plan Cancer a été lancé voilà deux ans et il conviendra d'assurer sa pérennité au-delà de l'échéance de 2007 fixée par le Président de la République. Le combat contre le cancer demeure un défi national : chaque année, 150 000 personnes meurent de cette maladie, ce qui représente 400 décès par jour. La moitié des décès sont dus aux cancers du poumon, aux cancers colorectaux, de la prostate et du sein. Cette guerre ne se gagnera que si nous pouvons nous appuyer sur une chirurgie de pointe. Actuellement, 800 000 Français sont soignés et deux millions de nos compatriotes ont souffert de cette maladie. Le nombre de cancers augmente régulièrement : entre 1980 et 2000, leur nombre annuel s'est accru de 63%, passant de 160 000 à 278 000, cependant que la mortalité augmentait de 20%. Cette hausse doit être principalement interprétée en relation avec l'augmentation de l'espérance de vie : en effet, à structure démographique constante, l'incidence des cancers a certes augmenté de 35% pendant la même période mais la mortalité, elle, a diminué de 8%. La prévention et le dépistage sont insuffisamment développés et nos efforts en matière de recherche souffrent d'une trop grande dispersion. Notre recherche clinique est souvent inefficace puisque plus de 90% des nouveaux essais ne vont pas à leur terme. En revanche, nous disposons de nombreux atouts, et en particulier la liberté et l'universalité de l'accès aux soins. Les disparités territoriales existantes sont encore trop importantes : l'espérance de vie, une fois le diagnostic établi, est ainsi six fois moindre dans certaines zones que dans d'autres. Le délai d'attente pour obtenir une IRM est en moyenne de 25 jours mais, selon les régions, il peut atteindre 54 jours.

Le plan Cancer a insufflé une dynamique nouvelle avec les 70 mesures annoncées par le Président de la République en mars 2003. Elles se répartissent en six chapitres : prévenir, dépister, soigner, accompagner, enseigner, comprendre et découvrir. Le plan précise que le montant total des mesures nouvelles se chiffre à 100 millions pour 2003 et atteindra en valeur cumulée 670 millions en 2007.

Un des points clés du plan a été la mise en place de l'Institut national du cancer. Celui-ci doit-il être simplement un coordonnateur ou un opérateur ? Il n'y a pas de réponse simple, mais pour que l'élan créé se poursuive au-delà de 2007 il convient que l'organisation des rôles de chacun au service du malade se fasse dans les meilleures conditions d'écoute, de dialogue et de consensus, et avec un souci d'équité territoriale. La prévention doit être quant à elle renforcée car nous avons du retard. Sur 280 000 cas de nouveaux cancers, l'Institut de veille sanitaire note que 4,5% à 8% sont d'origine professionnelle. Le dépistage du cancer du colon permet une réduction d'environ 30% du risque de mortalité. Entre 1980 et 2000, la généralisation du dépistage du cancer du col de l'utérus a permis une diminution de la mortalité de 57%. Dans ce domaine, j'insiste sur l'apport considérable que constitue l'oncogénétique, discipline qui permet de déterminer les individus à risque au sein d'une même famille.

Le plan Cancer conduit à l'élaboration d'une procédure d'autorisation pour les établissements de cancérologie et, pour la première fois, les Français peuvent se rendre compte que la proximité des établissements n'est pas un gage de sécurité. Je souhaite qu'ils se rendent compte qu'il en va de même dans le secteur de la chirurgie. Les soins de supports doivent être confortés, par exemple par la création de postes de psycho-oncologues et de lits supplémentaires car un patient qui rechute se présente le plus souvent à la porte de l'équipe qui l'a soigné lors de la phase aiguë. Enfin, le renforcement de la formation est indispensable : il faut former davantage d'oncologues médicaux, de radiothérapeutes, de chirurgiens viscéraux.

La commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la santé pour 2006.

M. Serge Roques - Le pilotage de notre système de soins est l'une des politiques les plus fondamentales de l'Etat, qui touche à l'un des biens essentiels des individus comme de la nation : la santé. Les comportements individuels étant multiples et imprévisibles, l'Etat en est le garant suprême. La réforme budgétaire entraîne une grande lisibilité de son action dans la détermination des objectifs de santé publique, des programmes de prévention et l'adaptation de l'offre de soins. De cette mission dépendent la cohérence, la qualité et la sécurité de notre système de santé.

Les trois programmes de la mission doivent être mis en perspective avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale et avec les missions interministérielles « sécurité sanitaire » et « solidarité et intégration », qui sont tous étroitement intriqués. Par ailleurs, la culture du résultat voulue par la réforme budgétaire va permettre de renforcer la politique de prévention menée depuis 2002. Aujourd'hui, la politique de prévention est bien plus qu'un « palliatif à l'impuissance médicale », selon les mots du professeur Mattei. Elle ouvre des perspectives très prometteuses : elle est capable de sauver de nombreuses vies, d'épargner beaucoup de souffrances et de séquelles et ne peut que générer des économies de santé. Le groupe UMP se réjouit donc de l'importance que lui accorde ce budget, alors que nous avions pris beaucoup de retard en ce domaine. Cette démarche s'inscrit dans un cadre politique plus global, concrétisé en particulier par le principe de précaution, adossé désormais à la Constitution, ou par la politique de sécurité routière qui a sauvé des milliers de personnes.

Développer la culture sanitaire de nos concitoyens pour les détourner des conduites à risque et traiter très en amont les déterminants des maladies, voilà les enjeux qui doivent recueillir tous nos efforts. C'est ce que fait le plan Cancer, grand chantier voulu avec force par le Président de la République, contre la première cause de mortalité précoce dans notre pays. C'est le mérite de la majorité d'avoir mis en place ce plan d'une ampleur sans précédent, attaquant la pieuvre de tous côtés : prévention, détection précoce, soin, recherche et épidémiologie. Il faut tout faire pour freiner sa progression, que l'on prévoit effrayante. Le Gouvernement est résolu à s'en donner les moyens dans la durée.

Quelques grandes pathologies représentent de véritables défis. Certaines sont liées au vieillissement de la population et deviennent également des sujets de société, la première d'entre elles étant la maladie d'Alzheimer. Le plan Alzheimer 2004-2007 a déjà permis de multiplier les dispositifs de prise en charge à domicile. L'effort est sans précédent, mais il reste encore beaucoup à faire. En l'absence de traitement curatif, le diagnostic précoce est le seul moyen de ralentir l'évolution de la maladie et la perte d'autonomie.

Par ailleurs, certains traitements médicamenteux sont d'autant plus efficaces qu'ils sont administrés précocement. Or selon l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, une démence sur deux seulement est diagnostiquée, et une sur trois au stade précoce ! Je sais, Monsieur le ministre, que vous êtes très mobilisé contre cette maladie longtemps ignorée tant des particuliers que des professionnels de santé, des médias ou des décideurs politiques - bref, d'une société qui a peur de vieillir. La prise de conscience permise par le plan Alzheimer est en cela primordiale. Il est donc important que le plan soit scrupuleusement appliqué, en particulier son volet préventif. Il faut informer le grand public, dédramatiser la maladie et rappeler l'existence de traitements pour tous les stades de la maladie.

Autre pathologie liée au vieillissement, touchant un quart des femmes de plus de 50 ans et un homme sur huit, l'ostéoporose ne doit plus être une fatalité. Nous disposons actuellement de moyens de dépistage performants et de traitements préventifs efficaces. Un dépistage systématique, notamment chez les femmes en préménopause, est souhaitable. La prise en charge précoce permet en effet de réduire considérablement la survenue de fractures, en particulier du col du fémur. Une ostéodensitométrie coûte en moyenne 40 euros et n'est pas remboursée. Or, quand la fracture survient, il est souvent trop tard puisque une grande partie des victimes décèdent ou se retrouvent en situation de dépendance terminale. Les marges de manœuvre dégagées par la réforme de l'assurance maladie permettront de faire bénéficier un million de personnes d'une ostéodensitométrie, pour un coût de 40 millions. Il est primordial, comme pour le cancer du sein, que non seulement l'examen puisse être remboursé, mais que des campagnes d'information soient mises en place, comme cela été fait cette année en Belgique.

La lutte contre l'obésité doit être une priorité. En cinq ans, elle est passée de 8 à 11% chez l'adulte et d'un peu plus de 2 à 4% chez l'enfant. Elle touche toutes les générations mais débute souvent durant l'enfance. Elle est un déterminant majeur pour de nombreuses maladies - diabète, accidents cardio-vasculaires entre autres - et un facteur de risques aggravés pour d'autres. Les études montrent une surmortalité chez les obèses adultes. De nombreuses actions ont été entreprises dans le cadre du programme national Nutrition-Santé. Certains industriels se sont engagés à faire figurer des critères nutritionnels dans leurs cahiers des charges. La loi de santé publique a renforcé les moyens de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Quel bilan en tirez-vous, et quelles sont ses perspectives ?

Bien d'autres actions sont menées : la lutte contre les suicides, qui est la première cause de décès entre 25 et 34 ans, la lutte anti-tabagique, car l'augmentation du prix n'est pas suffisante - il faut notamment continuer à développer les centres « sans T » qui obtiennent de bons résultats en matière de sevrage - ou la lutte contre l'alcoolisme - il est notamment impératif d'obtenir une suppression complète de consommation d'alcool chez la femme enceinte, et le dépistage d'alcoolémie chez les conducteurs pourrait être couplé avec celui du cannabis ou des drogues médicamenteuses.

Le personnel de santé peut également prendre des initiatives intéressante. Ainsi, le centre hospitalier de Villefranche-de-Rouergue a mis en place un prélèvement de cornée post-mortem, un dépistage spécialisé de la surdité infantile ou encore des actions d'éducation en matière de diabétologie, de nutrition, d'asthme ou de tabac. En réalité, il y a un très vaste champ d'actions préventives à développer, dans lesquelles les médecins généralistes pourraient avoir un rôle pilote, valorisant et utile à toute la société, comme le préconise l'Académie de médecine. Au total, ce gouvernement aura fait de la préservation de la santé de nos concitoyens un enjeu politique primordial, porté en premier lieu par votre ministère. Le plan de très grande ampleur que vous mettez en place contre la menace de pandémie de grippe aviaire en est un nouvel exemple, éloquent. La santé publique est sans doute le seul domaine dans lequel on assiste à un phénomène de recentralisation, illustré par les politiques de dépistage des cancers, des infections sexuellement transmissibles ou de la tuberculose par exemple, ou par la création d'un institut national du cancer fort de 160 emplois.

Votre action personnelle, Monsieur le ministre, démontre que l'Etat veut jouer pleinement et directement son rôle régalien en matière de santé. C'est une responsabilité essentielle que vous revendiquez pour l'assumer comme peu, sinon aucun gouvernement ne l'a fait jusqu'ici. L'impulsion que vous donnez dans le domaine de la prévention ne peut qu'avoir un rôle exemplaire dans l'implication des acteurs de santé et de toute la société. N'en doutons pas, l'importance de la prévention déterminera en grande partie la modernité et le degré de civilisation d'un pays dans les années à venir. Le groupe UMP approuve sans réserve un budget qui s'inscrit entièrement dans une action au service de tous les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Luc Préel - Le budget de la santé pour 2006 est bien loin de représenter la politique de santé de la nation. Le budget de la mission « santé » s'élève à 409 millions, dépenses de personnel non comprises, ce qui est d'ailleurs une aberration. Dans la loi de financement de la sécurité sociale, les dépenses remboursées par l'assurance maladie sont prévues à 131,9 milliards et les dépenses courantes de santé se sont élevées à 185 milliards en 2004. En regard, le budget du ministère de la santé semble bien modeste, et nous regrettons amèrement l'absence systématique de débat sur les sommes consacrées à la prévention, à la recherche, à la formation. Le Parlement devrait pouvoir se prononcer chaque année sur le rôle de l'Etat, de l'assurance maladie, et des diverses agences.

Je plaide pour un vrai ministère de la santé, doté de moyens à la hauteur de ses missions élargies - il pourrait ainsi prendre en charge la formation des professionnels, dont la cogestion avec l'éducation nationale est source de complexités et de retards.

Si la nouvelle présentation budgétaire permet de mieux contrôler et évaluer la performance, il devient difficile de mesurer l'évolution du budget, d'autant plus que vous avez opéré des transferts à l'assurance maladie. Surtout, chaque année, souvent dès janvier, Bercy propose des gels et annulations qui viennent ruiner les mesures nouvelles dont les ministres, et celui de la santé n'y déroge pas, se sont tant félicités ! On constate 22 millions d'annulations en 2005, soit 10,6% du programme santé publique et prévention, et 3,6 millions pour la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, soit près de 10% !

Nos concitoyens s'inquiètent car les réformes successives ne parviennent ni à rétablir l'équilibre financier, ni à répondre aux crises que tous les secteurs traversent. On en cherche vainement un où régnerait la sérénité... La crise est financière, mais aussi morale. Votre tâche est immense, Monsieur le ministre, mais de ce fait passionnante. La prévention en est un aspect essentiel. Vous avez hérité de la loi de santé publique qui créait les groupements régionaux de santé publics, présidés par les préfets, et vous avez ainsi aggravé le fossé entre le soin et la prévention. Le décret est sorti, mais ces groupements vont-ils se mettre en place ? Personne ne le croit.

La loi réformant l'assurance maladie prévoyait de créer des agences régionales de santé expérimentales : où en sont-elles ? Quelles seront leurs missions ? Aucun crédit n'est prévu pour 2006. Y auriez-vous renoncé ? Pourront-elles fonctionner sans la fongibilité des enveloppes que vous avez refusée dans la loi organique ? Si beaucoup souhaitent aujourd'hui régionaliser la santé, les résistances persistent, notamment au sein de votre ministère, mais aussi de celui des finances, voire au sein du corps préfectoral. Allez-vous mettre en place ces agences ? Avec quels moyens ? En profiterez-vous pour clarifier le rôle des préfets, des DRASS et des DASS ?

Par ailleurs, la répartition des compétence entre l'Etat et l'assurance maladie n'est pas claire. Après avoir rappelé que la prévention était une prérogative régalienne de l'Etat, vous confiez à l'assurance maladie le financement des stocks de médicaments, la préparation des plans dans le cadre de menaces sanitaires graves, mais aussi les CAARUD qui assurent des fonctions de santé publique ! S'agit-il de décharger l'Etat, ou est-ce là une véritable orientation de fond ? Et dans le second cas, pourquoi confier au préfet l'attribution d'une dotation fournie par l'assurance maladie ?

A contrario, vous recentralisez le dépistage des cancers, des infections sexuellement transmissibles, ainsi que les vaccinations, alors que vous manquez de moyens humains et financiers. Pourquoi ne pas faire davantage confiance à la compétence des femmes et des hommes qui travaillent dans les structures décentralisées ?

Allez-vous par ailleurs réduire enfin le nombre de décrets et arrêtés qui tombent chaque jour ? Pourquoi vouloir tout contrôler ?

Allez-vous respecter les promesses que vous avez faites aux 500 médecins inspecteurs de la santé, et notamment celle de les intégrer dans le corps des praticiens hospitaliers ?

Alors que l'UDF a toujours souhaité un INSEE de la santé, vous avez voulu créer, lors de la réforme de l'assurance maladie, un institut des données de santé, mais vous semblez si peu y croire que vous l'avez doté en 2005 de 100 000 euros ! Ont-ils été utilisés ? Quel sera l'avenir de cet institut dont je n'ai retrouvé nulle trace dans votre projet ?

Vous avez créé, avec la loi de santé publique, un institut pour le cancer, sous l'impulsion du Président de la République. Son budget 2006 - 95 millions - devrait lui permettre de renforcer la prévention et le dépistage. Le dépistage du cancer du sein doit progresser, et il est nécessaire de généraliser celui du cancer du côlon et du rectum. L'institut du cancer a un rôle majeur à jouer pour améliorer la qualité de l'offre de soins en stimulant les réseaux et en définissant les critères d'autorisation pour les établissements. Il sera difficile de mettre en œuvre ces critères mais au moment où se préparent les schémas régionaux d'organisation sanitaire, ils sont très attendus. Quand seront-ils définis et validés ?

En matière de prévention, nous saluons l'augmentation des crédits de l'INPES - sur les 100 millions de son budget, l'Etat en finance 23. Il convient de lui donner les moyens d'assurer ses missions. Je souhaite que les CODES et les CRES soient confortés et que nous nous préoccupions particulièrement de la prévention du tabagisme et de l'alcoolisme, responsables de tant de cancers, sans parler, s'agissant de l'alcoolisme, des nombreux dégâts sociaux.

Vous devriez à cet égard, Monsieur le ministre, revenir sur un amendement récent, voté dans la loi d'orientation agricole et qui est contraire aux objectifs d'une politique de santé publique.

J'aurais pu aborder bien d'autres sujets qui me tiennent à cœur, mais je me contenterai de conclure par quelques mots sur le dossier médical personnel qui, contrairement à ce qu'avait annoncé votre prédécesseur, ne permettra pas d'économiser 3,5 milliards en 2007. Outre que sa mise en œuvre sera encore longue et coûteuse, de nombreuses questions doivent encore être résolues, comme en témoigne le rapport de Jean-Jacques Jégou. Une expérimentation est prochainement prévue sur environ 30 000 dossiers. Le DMP sera-t-il exhaustif ? Sécurisé ? Qui y aura accès ? Dans quelles conditions ? Avec quels moyens sera-t-il mis en place ?

Je conclurai en regrettant l'absence d'un débat annuel sur l'ensemble de notre système de santé, et je plaide, au nom de l'UDF, pour un responsable unique de la santé au niveau régional - démocratiquement contrôlé par une conférence régionale - ainsi que pour un ministre de la santé de plein exercice, garant de l'égalité sur le territoire et définissant les grandes priorités.

Votre tâche est ardue ! J'espère que vous saurez améliorer un système aujourd'hui en crise morale, organisationnelle et financière.

Mme Muguette Jacquaint - Monsieur le ministre, si votre projet de budget pour 2006 est le premier à appliquer la LOLF, je crains bien qu'il ne soit pas le dernier à se caractériser par son illisibilité et par son insincérité. Illisible d'abord, parce que le raisonnement par missions rend impossible - cette année au moins - toute comparaison avec les crédits votés l'année dernière, lesquels retraçaient les actions en faveur de la santé, de la sécurité sanitaire, de la famille et du handicap. Dès lors, si progrès il y a dans la présentation budgétaire afin que le contrôle parlementaire s'exerce mieux, il ne saute pas aux yeux ! Les nombreux changements de périmètre qui en découlent ne facilitent pas la lecture du bleu budgétaire. Ainsi, la concentration dans la mission « solidarité et intégration » de l'ensemble des crédits de personnels intervenant dans le champ sanitaire et social laisse perplexe.

Quant à l'insincérité de votre projet, elle ne fait aucun doute ! Depuis 2002, le Gouvernement multiplie les gels et annulations de crédits, cette fâcheuse manipulation lui permettant de se targuer d'un affichage budgétaire souvent flatteur : après les 55 millions annulés en 2003 et les 20 millions annulés l'année suivante, plus de 17 millions de CP du programme « santé publique et prévention » viennent d'être supprimés par décret. Dans ces conditions, quel crédit accorder aux annonces faites en matière de lutte contre l'obésité, le tabagisme, l'alcoolisme ou le cancer du côlon ? Et à quoi bon débattre si le budget est amputé le lendemain de son adoption par le Parlement ?

C'est donc avec circonspection que nous appréhendons la forte progression de votre budget : plus 15,98% d'autorisations d'engagement par rapport à 2005, plus 10,06% de crédits de paiement... C'était trop beau pour être vrai, et, de fait, cela ne l'est pas ! A périmètre constant, la progression est sensiblement moins spectaculaire : plus 12,24% en AE et plus 6,61% en CP. Et si l'on pousse plus avant l'analyse - en faisant par exemple abstraction du plan Cancer - les moyens alloués à la mission sont stables, compte non tenu d'une inflation à 2% qui pourrait faire régresser les crédits de paiement.

Pis, sur les trois programmes de la mission santé, deux enregistrent une baisse significative. Il s'agit respectivement des programmes « offre de soins et qualité du système de soins » - moins 3,41% d'AE et moins 10,48% de CP - et « drogue et toxicomanie » - moins 1,85% en AE comme en CP. Le temps me manque pour faire l'inventaire des conséquences funestes de vos arbitrages !

A titre d'exemple du désengagement de l'Etat, je pourrais cependant dénoncer le fait que l'ensemble des investissements dans le secteur hospitalier a été transféré à l'assurance maladie, la mission santé ne comprenant plus que quelques subventions d'investissement - n'excédant pas 10 millions - en faveur des établissements situés dans les collectivités d'outre-mer les moins bien équipées - Nouvelle Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna.

A l'évidence, les soins et la réduction des risques en matière de drogue et de toxicomanie restent les parents pauvres de la politique de santé publique : les moyens consacrés à la coordination interministérielle et à l'expérimentation de nouveaux dispositifs sont en chute libre et les 3 millions prévus pour la MILDT n'ont pas été versés. C'est dans ce contexte très défavorable que la loi de santé publique a créé les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, le projet de loi de financement en cours de discussion transférant leur financement à l'assurance maladie. Sans doute les CAARUD verront-ils bien le jour, mais rien n'a filtré sur le devenir des quelque 270 structures qui travaillent dans le même champ. Du reste, le décret de définition des missions des centres n'a pas paru, l'administration n'a pas du tout informé les associations et la liste des 80 structures pressenties pour accéder à ce statut, dressée dans la précipitation, n'a pas été communiquée aux intéressés ! Monsieur le ministre, qu'adviendra-t-il des 190 structures qui n'auront pas l'honneur d'être labellisées ? Seront-elles sacrifiées sur l'autel de la rigueur budgétaire et de la - pseudo - rationalisation administrative ? Allez-vous garantir une continuité dans le financement des CAARUD, au moment où les dotations de l'assurance maladie se substitueront aux subventions d'Etat ? La question se pose avec d'autant plus d'acuité que le financement par l'assurance maladie devrait démarrer le 1er janvier alors que les CAARUD ne seront agréés qu'en juin prochain.

Si le programme « santé publique et prévention » progresse de façon significative, la montée en puissance du plan Cancer - « priorité nationale » oblige - en absorbe l'essentiel en bénéficiant d'un abondement très conséquent. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Sans doute faut-il en effet se féliciter que l'Institut national du cancer bénéficie d'une subvention de 45,23 millions et de 49,3 millions de dépenses d'intervention. Pour conséquent qu'il soit, l'effort est-il à la hauteur de l'enjeu ? Il suffit en effet d'évoquer le problème de l'amiante pour constater que beaucoup reste à faire.

Lors de l'examen du PLFSS - les fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante et d'indemnisation des victimes de l'amiante étant financés pour partie par la branche AT-MP -, nous avons regretté que les dotations soient reconduites à l'identique alors que le nombre de recours tendait à se multiplier, la prise de conscience de l'ampleur du désastre étant très progressive. En effet, les barèmes d'indemnisation restent insuffisant et certaines professions sont exclues sans motif valable du bénéfice de la cessation progressive d'activité.

Il y a un an jour pour jour, votre prédécesseur s'était exclamé ici-même : « le plan Cancer, c'est mieux que rien ! »... Bel aveu de faiblesse, en vérité, qui fonde la critique plutôt qu'il ne l'apaise.

Indéniable et méritoire - a fortiori au regard de la politique fiscale foncièrement inégalitaire que vous conduisez en vue des prochaines échéances électorales -, le soutien apporté au plan Cancer ne peut compenser à lui seul toutes les carences de ce budget décevant, qui fait peu de cas des besoins de santé publique et de la prévention. Vous comprendrez que nous ne puissions le soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Louis-Joseph Manscour - Si lorsque certains disent que la santé n'a pas de prix, d'autres leur répondent qu'elle a cependant un coût, nul ne conteste qu'une bonne santé est le bien le plus précieux qu'un homme puisse posséder. Las, depuis plus de trois ans, les Français constatent que le Gouvernement fait prévaloir la maîtrise comptable sur la prise en compte des impératifs de santé publique, dans une logique d'essence libérale.

Beaucoup l'ont dit, la LOLF interdit toute comparaison pertinente entre la seule mission santé - dont la dotation ne dépasse pas 400 millions - et le budget de la santé de cette année, fort de 11 milliards - amputés cependant des 26 millions d'annulations. Au total, la mission santé représente moins de 4% de l'action gouvernementale en matière de solidarité et de santé publique.

Pour illustrer la crise du système de santé à la française - qu'atteste la multiplication des mouvements sociaux des professionnels de santé -, je concentrerai mon propos sur la situation critique de l'hôpital public, la majorité des établissements se trouvant dans l'impossibilité de boucler leur budget de fin d'année. Il faut admettre qu'avec l'application progressive du plan Hôpital 2007, c'est une véritable inégalité territoriale qui s'installe dans l'accès aux soins. Le Gouvernement a en effet décidé de mettre en œuvre la T2A - dans les établissements publics et privés - dans le but peu critiquable d'impulser une nouvelle dynamique de gestion. Las, les conséquences de cette réforme pour les DOM en général et pour la Martinique en particulier sont calamiteuses. président du conseil d'administration du CHG de la Martinique, je suis bien placé pour témoigner des maux endémiques qui frappent le secteur hospitalier dans nos régions. La réforme hospitalière en cours d'application est manifestement inadaptée aux particularités de l'outre-mer.

L'insularité et l'éloignement génèrent des coûts de fonctionnement supplémentaires. Faut-il renoncer à ces services de soin, indispensables même s'ils ne sont pas rentables dans un bassin de population trop limité ?

Au cours des dernières années, des handicaps tels que la précarité, la prise en charge de nombreux ressortissants étrangers insolvables ou encore les coûts de sur-stockage de médicaments ont conduit les hôpitaux de Martinique à accumuler 25 millions de créances irrécouvrables, 22 millions de déficit de fonctionnement et 12 millions de moins-value due à l'application de la T2A.

Monsieur le ministre, sans remettre en cause le principe de la réforme, il nous paraît indispensable de l'adapter aux réalités de l'outre-mer et d'augmenter les dotations affectées aux missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation.

Je considère que la mise en œuvre des trois programmes de la mission « santé » sera très difficile et peu efficace dans les DOM. Vous affichez une augmentation de 6% des crédits de paiement, mais ces moyens ne représentent qu'une goutte d'eau par rapport aux crédits dont les établissements de santé d'outre-mer ont besoin pour remplir décemment leur mission de service public.

Les professionnels de santé ont beaucoup œuvré dans le domaine de la prévention de pathologies comme le cancer ou l'obésité et attendent bien plus de moyens pour poursuivre leur travail. La toxicomanie, vous le savez, Monsieur le ministre, est en hausse et fait des ravages aux Antilles. Là encore, des crédits pour mener une politique de santé publique sont essentiels. Enfin, les Antillais sont inquiets des conséquences possibles sur la santé de la pollution de leurs terres par l'insecticide Chlordécone.

Monsieur le ministre, j'espère vous avoir sensibilisé aux problèmes rencontrés en outre-mer par le monde hospitalier. Celui-ci est en effervescence : il vous appartient d'apporter des réponses urgentes et efficaces, afin de redonner confiance à ces personnels qui assurent chaque jour leur mission dans des conditions difficiles.

La séance, suspendue à 16 heures 35, est reprise à 16 heures 55.

M. le Ministre - Comme l'ont rappelé nombre d'orateurs, la santé publique constitue l'une des missions essentielles de l'Etat. A ce titre, il nous faut garantir l'accès à des soins de qualité pour tous, notamment pour les plus vulnérables, et associer tous les acteurs à l'élaboration d'une politique de santé publique tournée vers l'avenir, centrée sur le développement d'une culture de la prévention. L'ampleur de ces défis explique l'augmentation des moyens consacrés à la santé en 2006 avec une dotation de 400 millions.

La mission « santé » regroupe les plans de lutte contre le cancer, le sida et la maladie d'Alzheimer, la lutte contre les drogues et la toxicomanie et le pilotage de l'offre de soins à l'hôpital.

Monsieur Manscour, ce budget 2006 tient compte de la spécificité des DOM qui bénéficient d'une dotation hôpital supérieure de 3% par an en moyenne à celle de la métropole ainsi que d'un coefficient correcteur qui vient majorer de 25% les tarifs de leurs établissements de santé.

Dans la mise en œuvre de la politique de santé publique, mon ministère est guidé par le souci constant d'une plus grande rationalité, d'une meilleure gestion et d'une amélioration globale de la qualité de notre système de soins.

La progression de 23% des crédits du programme « santé publique et prévention » montre la volonté du Gouvernement d'assurer le succès des grands plans de santé, dont celui contre le cancer.

Par souci d'une plus grande équité territoriale, il a été décidé, conformément à la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, une nouvelle répartition des compétences entre Etat, régions et départements. Dans le domaine de la santé, le dépistage des cancers, la vaccination et la lutte contre les maladies infectieuses ont été confiés de nouveau à l'administration centrale tandis que la formation des personnels paramédicaux relèvera dès le 1er janvier 2006 des collectivités. Ces mesures reflètent le choix de la qualité et de la sécurité pour tous dans la proximité. La somme de 41,6 millions prévue pour financer la recentralisation de ces compétences au niveau de l'Etat sera adaptée en fonction des besoins réels pour que la prévention et le dépistage soient véritablement améliorés sur l'ensemble du territoire.

Quant au drame de l'amiante, l'Etat a reconnu sa responsabilité et nous voulons que toutes les victimes bénéficient du dispositif de préretraite.

M. François Rochebloine - Très bien !

M. le Ministre - Pour répondre à M. Bapt, l'Etat contrôle aussi les chantiers de désamiantage. Il tiendra compte des rapports des missions du Sénat et de l'Assemblée ainsi que de l'IGAS, et assumera ses responsabilités.

Plusieurs orateurs ont évoqué l'INPES. Ses moyens sont préservés, grâce à l'engagement de l'Etat et de l'assurance maladie, et augmentent même pour certaines actions de prévention, notamment dans le domaine de la nutrition.

Le plan de lutte contre le cancer mobilise un quart des moyens de la mission, soit 95 millions. Au total, les moyens consacrés par l'Etat à cette priorité fixée par le Président de la république progressent de 32% en 2006. Nous disposerons alors de 22 millions supplémentaires pour accélérer la mise en œuvre de ce plan. L'Institut national de lutte contre le cancer, que préside le professeur Cayatte, assurera la coordination et le pilotage du plan, doté de 45 millions au titre du ministère de la santé, et autant au titre du ministère de la recherche. Un des objectifs est de porter le taux de femmes qui bénéficient du dépistage du cancer du sein de 40% aujourd'hui à 70% en 2007 : nous donnons à l'Institut les moyens de réaliser cette ambition.

En 2006, nous accentuerons les efforts pour la prise en charge à domicile, la lutte contre les cancers professionnels, la prévention des risques de cancer liés à l'alcool, au tabac et à certaines pratiques alimentaires. Selon l'OMS, notre système de santé est le meilleur pour ce qui est de soigner ; il est temps de développer une véritable culture de la prévention.

Certains se sont demandé comment mener un effort spécifique de lutte contre le cancer et poursuivre la lutte contre le sida et l'ensemble des plans de santé publique. J'ai personnellement veillé à ne pénaliser la mise en place d'aucun des plans qui figurent dans la loi du 9 août 2004 : leurs crédits ne sont en aucun cas transférés au plan Cancer, et dans certains cas, ils augmentent. Pour nous, Monsieur Roques, tous les défis de santé publique sont des priorités. Ainsi, Monsieur Bapt, les crédits pour la lutte contre le sida, les hépatites et autres maladies infectieuses sont maintenus à 67 millions, dont 53 millions au titre du budget de l'Etat. Ils sont intégralement reconduits depuis 2002, ce qui assure le financement des associations. Nous cherchons aussi à renforcer la cohérence du dispositif, ce qui explique la nouvelle répartition du financement entre l'Etat et l'assurance maladie : c'est ainsi, Madame Jacquaint, que l'assurance maladie assure les 14,9 millions de financement des CAARUD, puisque ces centres font partie de l'offre de soins des établissements de santé. Les crédits permettront de poursuivre des actions de prévention, d'information, et d'améliorer la qualité de vie des malades du sida, en soutenant l'accès aux thérapies et la réinsertion, et en changeant le regard porté sur eux.

Notre volonté de ne délaisser aucun des plans de santé publique se traduit dans des actions ambitieuses, financées à hauteur de 20 millions. Le plan Nutrition et Santé vise notamment au dépistage précoce de l'obésité. La lutte contre ce phénomène bénéfice de 5,3 millions supplémentaires. Des campagnes nationales d'information ont été lancées, mais il faut aussi mener des actions pour remédier à ce risque. Déjà les distributeurs ont été interdits dans les établissements scolaires. Il faut publier le décret sur la publicité alimentaire. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF) Selon les journaux américains, la France est au premier rang pour la prévention. De même, la campagne de l'INPES sur les glucides parle pour la première fois d'équilibre alimentaire. Il faut aussi accentuer les actions de prise en charge de l'obésité et assurer un accompagnement personnalisé, notamment pour les plus jeunes.

D'autre part, 6,2 millions sont consacrés à accélérer la mise en œuvre du plan « santé mentale », avec la campagne de l'INPES sur les troubles dépressifs et la prévention du suicide des jeunes, le soutien aux associations de patients et de professionnels de santé. Je pense aussi au plan « accidents et violence ». M. Rochebloine s'intéresse de près au plan concernant les maladies rares. Nous voulons mieux les connaître, et mieux informer à leur sujet. 6,1 millions sont consacrés aux actions de lutte contre les maladies chroniques et d'amélioration de la qualité de vie des patients. C'est dans ce cadre que s'inscrit le plan triennal « Alzheimer ». Ses crédits sont en hausse de 45% pour améliorer l'information, permettre un dépistage plus précoce et la prise en charge non seulement des malades, mais aussi des familles et des accompagnants. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF) Nous avons un très grand retard à rattraper, il est vrai. Dans le même esprit, le plan de lutte contre la douleur a été renforcé, comme l'ont souhaité le Président de la République et le Premier ministre, ainsi que le plan « périnatalité », pour réduire la mortalité périnatale à 5 pour mille et celle des mères à 5 pour dix mille.

Parmi les autres priorités de santé publique, Monsieur Roques, je porte un grand intérêt au dépistage de l'ostéoporose, affection dont souffre une femme sur quatre après 50 ans. Actuellement, l'examen d'ostéodensitométrie n'est pas pris en charge par l'assurance maladie et les tarifs varient trop. J'ai demandé à l'UNCAM de faire rembourser cet examen, ce qui nécessite de consulter la Haute autorité de santé et l'Union nationale des organismes complémentaires. Je veillerai personnellement à ce que ce dossier avance dans les meilleurs délais. La prise en charge devrait permettre à un million de femmes de bénéficier de cet examen préventif dès 2006.

28,4 millions seront dévolus à une meilleure coordination de la politique de santé au niveau régional, qui tient à cœur à M. Préel. Beaucoup s'interrogent sur l'articulation entre les différents acteurs. On ne saurait parler de retrait du ministère de la santé. Au contraire, les plans régionaux de santé publique et les conférences régionales de santé doivent permettre de décliner les politiques nationales. Je crois à la proximité, mais l'Etat assure de façon vigoureuse le pilotage d'ensemble. La loi du 13 août 2004 prévoit la mise en place d'agences régionales de santé à titre expérimental. Elle n'est en rien abandonnée, mais les avis divergent sur leur mission et leur organisation. Vous dites, Monsieur Préel, que les ARS doivent être placées auprès des conseils régionaux...

M. Jean-Luc Préel - Je dis exactement le contraire !

M. le Ministre - C'est ce que j'avais cru comprendre. Cela montre l'intérêt du dialogue pour dissiper tout malentendu.

M. Jean-Luc Préel - Je suis à votre disposition.

M. le Ministre - Moi aussi, comme à celle de tous les parlementaires. Nous avons choisi de fixer les conditions de participation des conseils régionaux et je souhaite lancer dès 2006 trois premières expérimentations, d'ailleurs différentes.

La prévention est aussi un élément central du plan quinquennal de lutte contre les drogues et les toxicomanies adopté en juillet 2004. En 2006, 38 millions sont affectés à la MILDT, mais elle n'a pas la responsabilité du volet sanitaire du plan, ce qui explique, Monsieur Bapt, que les crédits du plan soient répartis entre deux programmes. Je suis très attaché à la pérennité du financement de la MILDT. J'ajoute qu'elle bénéficie de l'augmentation du rendement du fonds de concours qui lui est attaché et qui lui a apporté 1,2 million en 2005. En 2006, nous comptons mener une action spécifique sur le krack et renforcer l'information sur le cannabis. Comme en 2005, la moitié des crédits seront consacrés à des actions en direction des jeunes. Déjà la ligne téléphonique « drogue, alcool, tabac, info-services » reçoit plus de 1 200 appels par jour ; sa subvention est maintenue à 4,7 millions.

Le programme « offre de soins » témoigne de l'importance que nous accordons au pilotage des actions hospitalières. 102 millions lui sont consacrés, en tenant compte du transfert aux régions de certains financements. Une dotation de 70 millions permettra de conserver et d'améliorer le bon niveau de l'offre de soins, grâce à la formation et à la mise en place d'une politique pour rendre la recherche plus dynamique. Nous souhaitons la favoriser dans les CHU et créer une délégation interrégionale de recherche clinique sous la houlette de l'INSERM. Des incitations financières seront consenties sur une enveloppe « mission enseignement, recherche, référence et innovation » après évaluation par l'agence dont la création est prévue dans le projet que présentera M. Goulard.

L'Agence d'évaluation de la recherche permettra de donner à la recherche l'impulsion et le soutien qu'elle mérite et dont nous avons besoin. Nous maintenons nos ambitions en matière de télémédecine en finançant un certain nombre de nouvelles avancées. Vous connaissez comme moi toute l'importance de ce que nous avons à faire pour la démographie médicale et vous savez donc combien le développement de la télémédecine est fondamental. Celle-ci se met en place dans le cadre du plan Cancer avec le dossier « communicant de cancérologie » mais également dans le cadre des AVC et pour l'interprétation des images radiologiques. Trente deux millions seront consacrés au financement des ARH et de la Haute autorité de santé. M. Préel s'est interrogé sur l'articulation des ARH avec les DDASS et les DRASS : celles-ci sont membres des commissions exécutives des ARH et donc informées de leur travaux ainsi que de leurs décisions. Les SROS prévoient par ailleurs les articulations nécessaires entre le secteur médicosocial et les programmes de santé publique.

L'INDS sera mis en place en 2006 : ce projet n'est absolument pas abandonné. La Haute autorité de santé est quant à elle dotée de 60 millions, l'essentiel des contributions provenant de l'Etat, de l'assurance maladie, de la taxe sur les dépenses de promotion de laboratoires pharmaceutiques et de la contribution financière des établissements de santé liée à leur certification.

Nous avons de grandes ambitions en matière de santé publique. Pour les mener à bien, nous avons besoin du soutien de la représentation nationale d'autant que ce sujet essentiel dépasse les clivages politiciens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

QUESTIONS

Mme Béatrice Vernaudon - Vous savez combien je suis attachée au partenariat entre le ministère de la santé et la Polynésie française. Le développement économique et social et donc la santé relèvent des compétences des autorités locales mais nous ne pourrions pas faire grand-chose sans la solidarité nationale. La Polynésie, grâce à une convention signée en 1994 et dont l'application a pris fin en 2003, a ainsi reçu 33 millions chaque année. Le ministère a continué de financer le régime de protection sociale mais nous ne disposons plus de financements pour les formations sanitaires et les programmes de prévention et d'éducation sanitaire. Je vous demande donc de maintenir les engagements liés à la convention. Au début de 2006 des négociations commenceront avec l'Etat afin d'élaborer un nouveau contrat de développement dans lequel il sera notamment question de la formation des professionnels de santé et de l'ouverture d'un nouveau centre hospitalier. Je suis particulièrement attachée à l'expertise et au soutien technique de l'Etat, emblématiques d'un partenariat intelligent. Le professeur Khayat est venu cette année inaugurer notre service d'oncologie. Je souhaite également que ce type d'actions continue. L'Etat a récemment reconnu que cinq tirs atmosphériques avaient engendré des radiations. Ce sujet préoccupant les Polynésiens, je souhaite que l'Etat, avec les autorités polynésiennes, participe aux enquêtes épidémiologiques qui nous permettront de déterminer la ligne de conduite à adopter.

M. le Ministre - L'Etat a tenu ses engagements envers la Polynésie comme en témoigne le versement régulier, jusqu'en 2003, des crédits participant au financement des formations sanitaires et sociales, dans le cadre d'une convention arrivée à expiration le 31 décembre 2003. Il s'agit maintenant de parvenir à la conclusion d'une nouvelle convention sous l'égide du ministère de l'outre-mer, désormais responsable de l'ensemble des crédits destinés aux services de santé de l'outre-mer. Mon ministère apportera son soutien et son expertise au ministère de l'outre-mer afin de mesurer les besoins et de définir à nouveau le financement apporté par l'Etat.

Je sais que vous avez personnellement contribué à l'élaboration du contrat de développement concernant le financement du régime de solidarité et je connais l'intérêt que vous portez aux questions de santé : la Polynésie peut également compter sur l'engagement de mon ministère pour les dépenses d'investissement afin de participer au nouveau contrat, qui couvrira la période de 2007 à 2016.

M. Pierre-Christophe Baguet - Dans un souci d'économie, l'ARH a décidé de fermer la maternité de l'hôpital de Sèvres et a accepté en échange de participer au financement d'un projet de remplacement. Deux solutions s'offraient à ce secteur du Val-de-Seine : une fusion coûteuse et contestée par l'ensemble du corps médical avec la maternité de Saint-Cloud ou la construction d'une nouvelle maternité à l'hôpital Ambroise-Paré de Boulogne Billancourt, qui de surcroît peut s'appuyer sur un des meilleurs services pédiatriques de France. Malgré ces atouts, c'est le choix de la fusion avec Saint-Cloud qui a été retenu, essentiellement pour des raisons politiciennes locales, ce que je regrette. La fusion administrative de Sèvres et de Saint-Cloud a été validée le 11 avril dernier. Elle devrait être effective à la fin de cette année. Les études de faisabilité, elles, doivent commencer le 1er janvier 2006 et le chantier doit durer de trois à cinq ans. La destruction des blocs de chirurgie et d'obstétrique de Sèvres suivra. Parallèlement, l'ARH vient de demander à l'hôpital Foch de Suresnes et à sa maternité de réduire ses coûts de personnels de 15% alors que l'Etat aurait une dette de 15 millions. Enfin, l'AP-HP qui était favorable à l'ouverture d'une maternité à Boulogne Billancourt n'a pas inscrit ce projet dans son plan de programmation 2005-2009 faute d'un engagement financier public clair. Elle vient néanmoins de désigner un représentant chargé d'étudier le lancement d'une future étude de faisabilité en insistant sur le fait qu'aucune décision n'était prise.

Tout ceci soulève de nombreuses questions. Qu'en est-il du confort et de la qualité médicale pour les femmes qui doivent accoucher dans ce secteur ? Sachant que la fusion entre Sèvres et Saint-Cloud n'autorisera qu'un maximum de 3 500 accouchements par an, dépassé par le total actuel des deux hôpitaux - 3 900 -, que l'hôpital Foch, qui assure pas moins de 2 400 naissances par an, a une équation très délicate à résoudre, qu'Ambroise-Paré ne sera prêt, au mieux, que cinq ans après la décision, où les femmes du Val-de-Seine accoucheront-elles ? Comment concilier la volonté de l'ARH de faire des économies à Sèvres et à Foch et lui demander en même temps de financer le projet de Boulogne-Billancourt ? Je suis donc très inquiet pour le projet de maternité à l'hôpital Ambroise-Paré. Je sais, Monsieur le ministre, que vous trouvez pourtant que ce projet est pertinent, mais compte tenu du temps perdu et des transferts financiers qui risquent d'être encore plus coûteux à l'avenir, vous engagez-vous, dans l'intérêt de nos concitoyennes du Val-de-Seine, à accélérer le projet d'une maternité à Boulogne Billancourt et à participer à son financement ?

M. Jean-Luc Préel - Très bonne question !

Mme Anne-Marie Comparini - En effet.

M. le Ministre - Je connais tout l'intérêt que M. Baguet porte à ce dossier et combien il s'y implique, localement et à l'Assemblée nationale. La question de la maternité de Boulogne est étroitement liée au regroupement des maternités de Sèvres et de Saint Cloud réalisé dans le cadre de la fusion de ces deux établissements. Celle-ci a été prononcée en octobre par le directeur de l'ARH en accord avec les acteurs hospitaliers et les élus, les deux maternités ayant vocation à être regroupées d'ici la fin de 2007. Ce regroupement était indispensable pour assurer la continuité de la prise en charge des patientes, le maintien du site de Sèvres étant en discussion pour deux raisons : l'environnement médical de la maternité - relativement limité en raison de la petite taille de l'établissement - et, surtout, l'attractivité des postes médicaux en pédiatrie et en anesthésie qui a diminué, rendant de plus en plus difficile d'assurer la continuité des soins et de disposer de listes de gardes complètes avec des médecins expérimentés. La construction d'une maternité à l'hôpital Ambroise-Paré de Boulogne Billancourt n'est pas écartée...

M. Pierre-Christophe Baguet - Ah !

M. le Ministre - ...mais ceci serait long et donc incompatible avec la nécessité de traiter rapidement les difficultés constatées à la maternité de Sèvres. A court terme, c'est le rapprochement des deux maternités existantes qui a permis de garantir la qualité des soins et la sécurité des patientes. Le principe de la réflexion sur une maternité à Ambroise-Paré est inscrit dans le projet stratégique de l'AP-HP. La localisation d'une maternité au cœur de la ville la plus peuplée de ce bassin dans un établissement qui dispose d'un service de pédiatrie pourrait en effet constituer un atout pour cette zone. Le regroupement est une solution dans l'immédiat, mais, je le répète, le projet d'Ambroise-Paré n'est en rien abandonné.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je vous remercie.

M. François Rochebloine - En février 2004, j'avais attiré l'attention de votre prédécesseur sur la situation de personnes atteintes du syndrome de Rett, l'une de ces maladies rares qui causent d'immenses difficultés aux malades et à leurs proches. A l'époque, l'annonce du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances avait créé un réel espoir dans les milieux associatifs. Aujourd'hui, si de réelles avancées ont été enregistrées en faveur des handicapés, de nombreuses questions restent aux suspens, liées pour partie aux contraintes budgétaires, mais aussi aux lourdeurs de notre système de santé. Les pouvoirs publics se sont assigné des objectifs ambitieux : attention à ne pas décevoir ! Les engagements pris doivent être suivis des décisions et des budgets correspondants. La tâche est d'envergure, mais n'oublions pas le sentiment d'abandon qui domine chez les victimes de pathologies rares, qui toucheraient plus de 3 millions de nos concitoyens, ni la difficulté de leur vie quotidienne !

Le tissu associatif a contribué à faire connaître, faute de complètement reconnaître, ces maladies trop souvent délaissées par la recherche médicale. Les 8 000 pathologies recensées à ce jour paraissent trop peu connues pour être prises en considération par notre système de santé. Voici un an, le Gouvernement a présenté un plan dédié aux maladies rares qui prévoyait, entre autres, la labellisation de centres de références destinés à prendre en charge les personnes atteintes de maladies orphelines. Cette disposition se concrétise-t-elle, et quels moyens sont-ils mis en œuvre ?

M. le Ministre - Le sujet méritait tout particulièrement d'être évoqué. Les familles concernées sont satisfaites de la forme de reconnaissance que représente ce plan, mais il reste tellement à faire pour qu'il devienne réalité ! J'ai pu le mesurer samedi dernier, en rencontrant un grand nombre d'associations. On nous demande des résultats. Nous avons beaucoup d'objectifs : mieux connaître l'épidémiologie des maladies rares, reconnaître leurs spécificités, informer les malades, les professionnels et le public, sans compter la formation des professionnels, l'identification des maladies, le dépistage ou l'accès aux tests diagnostiques... Il faut aussi promouvoir la recherche et poursuivre l'effort en direction des médicaments orphelins : vous connaissez les initiatives qu'a prises l'Assemblée nationale à ce sujet dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il faut enfin améliorer l'accès aux soins.

En 2004, 34 centres de référence pour les maladies rares ont été labellisés, et 33 en 2005, par le Comité national consultatif présidé par le professeur Marc Bredin. Ces centres se partageront les 10 millions qui leur sont consacrés chaque année. Le plan maladies rares, qui était tellement attendu, devient donc une réalité. Il contient des objectifs très précis mais une fois qu'ils seront atteints, il ne sera pas question d'arrêter !

Mme Anne-Marie Comparini - Les représentants des internes de médecine générale viennent de dresser un bilan inquiétant des postes de la rentrée 2005 : sur les 2 400 proposés, 971 sont restés vacants. En plus des conséquences démographiques que cela augure à moyen terme, ce déficit risque de peser sur la qualité de la formation des étudiants de troisième cycle. L'instauration d'un stage de médecine générale en deuxième cycle semble nécessaire afin de faire connaître cette spécialité aux étudiants. Il faut aussi reconnaître la médecine générale tant universitaire, par la mise en place d'une filière, que professionnelle. Monsieur le ministre, vous êtes attaché à garantir une formation initiale et continue de haut niveau. Quelles sont vos intentions en la matière ?

M. le Ministre - Depuis cette année, l'augmentation du numerus clausus produit ses premiers effets : 15% de postes supplémentaires en médecine générale ont été pourvus en 2005. Nous commençons à inverser la tendance, mais cela ne suffit pas. Il faut donc avant tout améliorer l'attractivité de la médecine générale. La réforme de l'assurance maladie a fait du généraliste le pivot du système de santé. Aujourd'hui, plus de 32 millions de Français ont déjà choisi leur médecin traitant, qui est un généraliste dans 99% des cas. Le généraliste est au centre des évolutions du système qui se dessinent, qu'il s'agisse par exemple de la prévention ou du dossier médical personnel. Il faut donc donner des perspectives très claires aux jeunes.

Nous vous avons proposé des mesures de démographie médicale, dont les internes ont été sensibles à ce qu'elles soient adoptées à l'unanimité. La démographie médicale concerne absolument tous les professionnels, mais c'est au généraliste qu'on pense en premier lieu... Ainsi, l'acte du généraliste est mieux rémunéré, a fortiori lorsqu'il est exercé en groupe dans des zones sous-médicalisées. Par ailleurs, nous avons relevé le numerus clausus, mais les nouveaux effectifs mettront du temps à arriver. En attendant, je souhaite encourager les médecins qui se sentent proches de la retraite à prolonger leur activité. Il faut savoir réaliser la jonction, leur donner envie de rester et réfléchir à des voies de cumul entre l'activité et la retraite, peut-être même en les dispensant de certaines obligations, pour qu'il y ait des professionnels de santé sur l'ensemble du territoire. Ce sont des idées simples, mais qui s'appuient sur l'expérience du terrain. Le rapport Berland a été salué sur l'ensemble des bancs et par l'ensemble des acteurs du système de santé. Nous devons appliquer ses propositions, pour donner envie aux jeunes d'aller vers la profession de généraliste, une très belle profession, mais qui doit être encouragée par des actes concrets (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. François Asensi - Nous ne sommes pas tous égaux devant la maladie. Le département de la Seine-Saint-Denis se distingue par une surmortalité par tumeur de 8%. Il est vrai que la santé ne se réduit pas à son aspect clinique, mais dépend du contexte social et économique. La population de la Seine-Saint-Denis est particulièrement touchée par la crise économique, la crise du logement et le chômage. Des inégalités importantes existent au cœur même de la région Ile-de-France, puisque Paris compte 768 médecins pour 100 000 habitants, contre 274 en Seine-Saint-Denis. Il ne reste qu'un médecin généraliste dans la cité des Quatre Mille à la Courneuve ! Cette désertification participe à la surmortalité en pesant sur les dépistages précoces.

Le plan Cancer a permis de mettre en place des réseaux, tels le réseau Oncologie 93, de créer l'Institut national du cancer ou d'encourager des campagnes de dépistage. Mais si l'information est primordiale, il est également nécessaire de garantir à tous un égal accès aux examens et aux nouvelles technologies. Détecté précocement, le cancer du sein est celui qui se soigne le mieux. Or, notre pays est grandement déficitaire en équipements de mammographie numérisée, technique la plus fiable. Ces équipements ont certes un coût, mais la santé ne peut être sacrifiée sur l'autel budgétaire ! Nous n'en sommes qu'à un taux de 37% de dépistage des femmes entre 50 et 74 ans, alors qu'un taux de 60% permettrait, avec cette technique, de réduire fortement la mortalité par cancer du sein, qui frappe, comme les autres cancers, plus fortement la Seine-Saint-Denis. A compter du 1er janvier 2006, des actions de prévention jusque-là exercées par les départements seront recentralisées. Or, des besoins spécifiques appellent des moyens spécifiques. Quels sont les moyens mis en œuvre pour la Seine-Saint-Denis ?

M. le Ministre - Le plan Cancer vise aussi à faire profiter tout un chacun du progrès médical et des meilleurs soins possibles. Nous avons eu trop de disparités pendant trop longtemps : c'est flagrant en matière de mortalité et de morbidité. La région dont je suis l'élu, la Picardie, a elle aussi accumulé beaucoup de retards, tout comme le Nord-Pas-de-Calais. La plan Cancer doit donc se mettre en place partout, mais en ayant à cœur, chaque fois que c'est possible, de rattraper les retards. Sa mise en œuvre tient également compte de certaines données épidémiologiques - l'INCA a fait un travail de fond sur ce sujet - et des caractéristiques sociales, médicales et économiques de votre département, comme de la prise en charge d'un quart de ses patients dans les structures de soins de Paris.

Aujourd'hui sont en cours de réalisation, en Seine-Saint-Denis, la restructuration de l'offre de soins en cancérologie de l'Hôpital européen de Paris à Aubervilliers, la restructuration de l'oncologie-radiothérapie au centre hospitalier intercommunal de Montfermeil-Le Raincy ou la mise en place d'un réseau Onco 93 regroupant tous les acteurs de la prise en charge. Le dépistage a été organisé dans le département dès 1999, avant même sa généralisation au niveau national. Bien souvent, les départements confrontés à de grandes difficultés n'attendent pas les initiatives nationales pour s'engager, et mon département avait fait comme le vôtre. Actuellement, le dépistage est réalisé dans 64 centres : 4 hôpitaux, 12 centres municipaux de santé et 48 centres d'imagerie libéraux.

Le département participe activement à ces actions de restructuration de l'offre de soin en cancérologie et profitera de la montée en puissance du dépistage du cancer du sein - entre 2004 et 2005, le taux de participation a progressé et atteint aujourd'hui les 40%, notre objectif étant de passer à 60%.

En matière de dépistage, nous avons besoin de tous, et en particulier des médecins généralistes, pour expliquer à leurs patients qu'ils ne doivent pas hésiter à participer à ces opérations, pour être soignés plus tôt, ou tout simplement pour être rassurés.

Nos efforts ne seront couronnés de succès que si chacun nous aide dans cette tâche.

M. le Président - Le président, et surtout la Seine-Saint-Denis, vous remercient.

Mme Muguette Jacquaint - Permettez-moi de revenir sur le drame du cancer de l'amiante et de l'indemnisation des victimes. L'INSERM prévoit 100 000 morts d'ici à 2025, et 2 500 personnes sont décédées depuis le début de l'année. C'est dire combien les moyens restent encore insuffisants pour prévenir les risques.

Le Gouvernement doit accorder tous les moyens nécessaires au financement de la cessation anticipée d'activité des victimes de l'amiante, à l'heure où le Président de la République a fait de la lutte contre le cancer l'une des priorités nationales. Or le Gouvernement a reconduit à l'identique les dotations accordées au FIVA et au fonds chargé d'indemniser la cessation anticipée d'activité des travailleurs victimes de l'amiante, alors que le nombre de recours ne cesse d'augmenter. Ce sont 700 personnes supplémentaires qui sont chaque mois prises en charge par le FIVA. Faudra-t-il attendre qu'elles aillent devant les tribunaux ?

Selon un rapport du Sénat, les pouvoirs publics sont responsables de l'absence de système de veille et d'alerte, ainsi que de la faiblesse des moyens accordés à la médecine et à l'inspection du travail. Par ailleurs, nombre de travailleurs, et notamment ceux des entreprises de désamiantage, seraient encore exposés. J'insiste d'autant plus sur cette question que les salariés d'une entreprise de ma circonscription, que l'on désamiante encore, n'ont toujours pas été reconnus exposés, et ne peuvent ainsi faire valoir leurs droits à une retraite anticipée ou à une indemnisation.

Quelles mesures comptez-vous prendre ?

M. le Ministre - Ce dossier relève davantage de la mission « solidarité-intégration ». S'agissant du calendrier, le rapport du Sénat a été publié, celui de l'Assemblée nationale le sera en janvier, et la mission de l'IGAS rendra ses conclusions fin novembre sur la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Le Gouvernement prendra alors des mesures pour améliorer le dispositif.

Dans ce domaine, nous ne sommes pas restés sans rien faire. Le fonds de CAATA a ainsi été élargi à trente entreprises, et ses ressources augmenteront encore en 2006 grâce à la contribution des employeurs et à celle de la branche ATMP. Quant au FIVA, la participation de l'Etat augmentera en 2006 pour accompagner la hausse des dépenses.

Vous avez par ailleurs raison d'insister sur le rôle essentiel de la prévention. Avec MM. Larcher et Borloo, nous veillons à la meilleure application possible de la réglementation dans les bâtiments et, en ce qui me concerne, je me soucie du cas des établissements de santé sociaux qui accueillent une population sensible. J'ai demandé la mise en place de tableaux de bord dans les DRASS pour suivre 25 000 établissements. Une enquête a été envoyée cet été, et nous attendons les retours pour début décembre. Nous procéderons à des contrôles ciblés dès 2006 - Gérard Larcher s'est aussi engagé à annoncer des mesures pour contrôler les opérations de désamiantage.

Nous travaillons également sur la veille épidémiologique pour mieux appréhender l'avenir et prendre en charge les victimes.

C'est un drame qui nous concerne tous, et l'Etat sera au rendez-vous de ses responsabilités.

M. Gilles Artigues - Le Centre hospitalier privé de la Loire, construit à Saint-Etienne dans un quartier sensible, est le plus important centre privé de la région Rhône-Alpes, mais son avenir économique est menacé.

Exclu du plan Hôpital 2007, il ne peut prétendre aux subventions qu'il escomptait - 16 millions - sans parler du fait que le coefficient correcteur n'a pas été calculé malgré un réajustement tarifaire lié à la fusion de trois établissements stéphanois.

Une étude réalisée début 2005 auprès de la CRAM met en évidence un besoin de financement de 5 millions. En février dernier, le CHPL a reçu le soutien de l'ARH qui avait réajusté les tarifs à hauteur de la moyenne régionale, mais cette hausse tarifaire a pris fin le 28 février dernier. En contrepartie, un contrat d'objectifs et de moyens a été signé entre l'Agence et l'établissement, et intègre de nombreuses missions d'intérêt général ou de service public.

Le CHPL n'est plus capable aujourd'hui de respecter ce contrat, notamment dans le domaine de la surveillance continue et de la gériatrie.

Je sais que vous avez passé beaucoup de temps sur ce dossier. Vous avez évoqué de possibles aides ; vous serait-il possible de les officialiser aujourd'hui ?

M. le Ministre - Ce centre ayant engagé de grands travaux en mai 2002, il n'était pas éligible au plan Hôpital 2007 qui, arrêté au début de l'année 2003, avait pour objet de susciter des opérations nouvelles et non de financer des opérations en cours de réalisation. Rappelons toutefois que l'ARH a fortement soutenu ces travaux dans le cadre du fonds de modernisation des cliniques privées en lui accordant 410 000 euros en 2003.

Compte tenu de la demande de l'établissement et de l'intérêt de regrouper les activités du territoire de santé sur cet établissement, de nouvelles autorisations d'activité ont été accordées en 2004, avec l'ouverture de 21 lits de médecine, de 5 lits de néonatologie et l'autorisation d'acquérir un équipement de cardiologie interventionnelle.

Ces activités généreront des ressources supplémentaires, tandis que les enveloppes récentes accordées au titre des missions d'intérêt général contribueront à restaurer l'équilibre financier de l'établissement.

Enfin, le besoin de financement de 5 millions fera l'objet d'une compensation par l'Etat de 400 000 euros en 2005 au titre des frais financiers des amortissements et d'un engagement parallèle de l'ARH.

Pour ce qui est des demandes de financement supplémentaires en cas de nouvelles opérations d'investissement, il n'est pas question d'attendre la fin du plan Hôpital 2007 pour réfléchir à la poursuite du plan de modernisation des établissements de santé.

Si l'Etat accompagne cet établissement, c'est parce que nous savons que son travail est de qualité et que nous mesurons sa place dans le territoire de santé. Au-delà du soutien personnel que vous apportez au Centre de l'hospitalisation privée de la Loire, il est normal que l'Etat soit aux côtés de tous les établissements qui se modernisent et veulent développer leur activité.

Mme Anne-Marie Comparini - Alors qu'il était le meilleur du monde, notre système hospitalier est aujourd'hui en crise. Sa qualité ne fait cependant aucun doute : il représente 6% du PIB français, il crée de la richesse et des milliers d'emplois, mais il a à s'adapter à l'évolution du métier et des soins. Notre collègue Préel vous l'a dit tout à l'heure : l'hôpital français est confronté à une crise morale, organisationnelle et financière, les trois quarts des établissements étant aujourd'hui en déficit. Afin de mieux gérer ce secteur, ne serait-il pas possible de privilégier la clarté économique - laquelle commande la mise en place d'un tableau de bord et un suivi statistique fin - en mettant un terme au mélange des genres actuel qui veut que l'Etat reste propriétaire des hôpitaux cependant que la sécurité sociale gère le corps médical ? Et ne faut-il pas renforcer le rôle des ARH en matière hospitalière ? A cet égard, permettez-moi, Monsieur le ministre, de vous préciser que lorsque le groupe UDF prône la régionalisation de la santé, il ne plaide pas pour le transfert des compétences aux conseils régionaux mais pour une action de proximité coordonnée, en vue de traiter l'ensemble des problèmes de soins. Plus globalement, quel est votre sentiment sur la situation de l'hôpital dans notre pays ?

M. Jean-Luc Préel - Excellente question !

M. le Ministre - Je n'ai jamais voulu dire que la régionalisation devait se traduire par un transfert aux collectivités. La question qui se pose dans le cadre de la mise en place des ARS est de savoir quelle doit être la place des conseils régionaux. Ce n'est pas une question anodine et nous devons la trancher, d'autant que tout le monde n'a pas le même avis et que les opinions des uns et des autres ne sont pas fonction de leur appartenance politique. C'est l'intime conviction de chacun qui est engagée et il faut aussi tenir compte de la place que sont prêtes à prendre certaines collectivités.

En 2006, les ARH auront dix ans d'existence. Elles ont largement contribué à la cohérence et à l'efficacité de notre organisation sanitaire. Elles ont acquis le statut d'interlocuteur légitime, elles sont bien identifiées et elles savent faire travailler ensemble les services de l'assurance maladie et ceux de l'Etat. Au fil des années, elles se sont impliquées, aux côtés des URCAM, dans le développement des réseaux de soins et, dans le cadre de la réforme du 13 août 2004, elles ont constitué les missions régionales de santé. Le renforcement de leur rôle passe par la mise à leur disposition de moyens spécifiques, en vue de leur permettre de contractualiser avec un certain nombre d'établissements locaux. Je souhaite notamment qu'elles passent des contrats d'objectifs et de moyens et qu'elles veillent à ce que ceux-ci soient strictement honorés. Je crois beaucoup à l'expérimentation des agences régionales de santé et celles-ci vont nous permettre de renforcer le rôle des ARH. Nous avançons dans la voie de la régionalisation et cela ne se fera pas sans les ARH, car je suis convaincu de l'utilité de leur fonction structurante.

Au travers de l'élaboration des SROS, l'échéance étant fixée à la fin du premier trimestre 2006, nous allons devoir créer de nouvelles complémentarités entre les établissements. Sur le principe, tout le monde est toujours d'accord, mais ces synergies, il va falloir les faire vivre, sans hésiter à repenser l'organisation des hôpitaux en pôles, dans le cadre de véritables territoires de santé. Quand un service d'urgences intervient dans plusieurs établissements, il faut pousser la logique jusqu'au bout. Si nous enrichissons les complémentarités, il faut aussi régler tous les problèmes liés à la T2A : comment la répartir entre établissements ? Comment faire en sorte que le développement de l'activité de tel établissement ne soit pas mal ressenti par tel autre ? Si nous voulons maintenir une offre hospitalière de qualité sur l'ensemble du territoire, il faut s'en donner les moyens.

Dernier point, je crois aussi beaucoup à la complémentarité entre les établissements de santé publics et les structures privées. L'objectif des SROS sera de montrer qu'il n'y a pas d'opposition entre les uns et les autres. Certaines opérations de coopération très structurées sont en cours de réalisation ; elles représentent un investissement de plus d'un milliard. L'autre outil très attendu, c'est le décret relatif aux groupements de coopération sanitaire : en cours d'examen au Conseil d'Etat, il sera publié avant la fin de l'année. Enfin, un second décret, plus complexe à élaborer, est en préparation pour traiter des groupements de coopération sanitaire directement titulaires d'autorisations d'activités de soins. Nous devons nous engager résolument dans la voie des coopérations public-privé. Pour les patients comme pour les professionnels de santé, ce qui compte c'est d'être soigné au mieux. Il est donc temps d'enrichir les complémentarités à tous les niveaux : entre les établissements sur un territoire et entre les structures publiques et privées. Partout où cela se fera, l'on s'apercevra que loin de pénaliser notre système de santé, le partenariat le renforce. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions. J'appelle les crédits de la mission « santé ».

Les crédits inscrits à l'état B de la mission « santé », mis aux voix, sont adoptés.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 est renvoyée à la prochaine séance.

RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de provoquer la réunion d'une CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation agricole.

Prochaine séance, lundi 14 novembre, à 15 heures.

La séance est levée à 18 heures 5.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR DU
LUNDI 14 NOVEMBRE 2005

QUINZE HEURES - 1re SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540).

Rapport (n° 2568) de M. Gilles CARREZ, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Travail et emploi ; articles 91 et 92

Rapport spécial (n° 2568, annexe 39) de M. Alain JOYANDET, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Avis (n° 2569, annexe 13) de M. Jean-Pierre LE RIDANT, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540).

Rapport (n° 2568) de M. Gilles CARREZ, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Enseignement scolaire (crédits ayant fait l'objet d'un examen en commission élargie) ; article 80

Rapport spécial (n° 2568, annexe 16) de M. Jean-Yves CHAMARD, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Avis (n° 2569, annexe 4) de M. Lionnel LUCA, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Travail et emploi ; articles 91 et 92 (suite)

Comptes spéciaux : Participations financières de l'État ; Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

Rapport spécial (n° 2568, annexe 42) de M. Michel DIEFENBACHER, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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