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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 30ème jour de séance, 68ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 18 NOVEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD

vice-présidente

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2006 -deuxième partie- (suite) 2

      CULTURE 2

      APRÈS L'ART. 94 8

      AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT 12

      RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 16

      ART. 81 23

      RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 23

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2006 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006.

Mme la Présidente - Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la culture, à l'aide publique au développement et à la recherche et l'enseignement supérieur. La discussion de ces missions a eu lieu à titre principal en commission des finances élargie, et fera donc l'objet, en séance publique, d'un débat restreint auquel participeront le Gouvernement, pour une brève intervention, et un orateur par groupe pour une explication de vote de cinq minutes.

CULTURE

Mme la Présidente - Nous en venons à l'examen des crédits relatifs à la culture.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Puisque l'examen du budget de cette mission est largement éclairé par le débat nourri que nous avons eu en commission élargie et que je m'exprimerai tout à l'heure en réponse à vos amendements, mon propos sera concis.

Permettez-moi de vous rappeler le sens de la politique que je vous propose d'approuver, conformément à l'esprit de l'autorisation budgétaire qui est au fondement même du pouvoir du Parlement, auquel j'attache la plus haute importance.

La politique culturelle que je mets en œuvre sous votre contrôle repose sur un équilibre nécessaire et fécond entre l'encouragement à la création contemporaine - patrimoine de demain - et la conservation du patrimoine d'aujourd'hui - fruit de la création passée.

Face aux défis redoutables et passionnants auxquels sont confrontés les responsables politiques comme tous nos concitoyens, je prône une alliance entre le patrimoine et la création. C'est un choix politique essentiel, au cœur de l'action du Gouvernement, en faveur de la cohésion sociale, du rassemblement de tous les Français, de l'attractivité de notre pays et de son rayonnement international. C'est une valeur politique essentielle qui pose la question des racines, de l'identité, de la mémoire, de l'ouverture d'esprit mais aussi du respect que chacun doit à tous - et donc du respect de toute forme d'expression artistique.

Dans le cadre de la LOLF, j'ai tenu à l'équilibre budgétaire de la mission « culture », dépenses de personnels comprises : 36% des crédits sont consacrés au programme « patrimoines », 33% au programme « création » et 31% au programme « transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Je ne négligerai aucun domaine. J'ai pris soin de détailler les objectifs assignés et les moyens nouveaux alloués à l'ensemble des domaines de l'expression artistique - patrimoine, musique, théâtre, danse, arts plastiques... Dans toutes ces disciplines, l'ouverture des lieux est nécessaire. En matière de création, le Premier ministre a lui-même présenté le plan du Gouvernement lors de l'inauguration de la FIAC. Enfin, je relancerai avec M. de Robien l'éducation artistique que j'ai défendue lors de ses assises nationales à Nantes.

Les événements récents ont renforcé ma conviction qu'il faut asseoir la politique culturelle dans la durée et en structurer les moyens. L'adoption, à l'initiative de la France et à la quasi-unanimité, de la convention pour la diversité culturelle, démontre la crédibilité de cette politique.

Ce budget, qui doit la conforter, s'élève à 2 milliards 886 millions en autorisations d'engagement et à 2 milliards 802 millions en crédits de paiement, à quoi s'ajoute une dotation en capital de cent millions, issue des recettes des privatisations. C'est hautement symbolique : ces recettes reviennent au patrimoine de l'Etat, pour n'en couvrir que les dépenses d'investissement, et non de fonctionnement.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances - Très bien !

M. le Ministre - Les crédits de personnel, que la nouvelle présentation budgétaire dissocie clairement des autres, s'élèvent à 642 millions, soit 23% des crédits de la mission. L'accès à la culture d'un public plus nombreux et l'ouverture de nouveaux lieux nécessitent de nouveaux moyens. Il faut donc trouver un point d'équilibre entre la règle du non-remplacement et la nécessité de maintenir ou de revaloriser certaines filières, notamment l'accueil et la surveillance.

Commençons par le programme « patrimoines » : 1,08 milliard d'autorisations d'engagement et 976 millions de crédits de paiement. Les moyens consacrés au patrimoine monumental augmentent de 100 millions. Pour faire face aux importants besoins des chantiers des monuments historiques, l'engagement de l'Etat retrouve un rythme qu'il n'avait plus connu depuis la tempête de 1999. Toutefois, en 2006, la gestion sera très tendue. Le patrimoine n'est pas une nostalgie, mais un capital d'avenir. Comme moi, vous êtes d'autant plus attachés à son entretien qu'il permet de soutenir l'emploi, de sauvegarder les savoir-faire et de renforcer l'attractivité de notre territoire. C'est une chance pour le spectacle vivant, pour le tournage de films et pour l'activité audiovisuelle.

Dès l'an prochain, le ministère disposera d'une programmation précise des quelque dix mille chantiers en cours. L'informatique de gestion, absolument nécessaire, nous permettra de faciliter leur poursuite et de mieux gérer les crédits.

Dans le cadre du programme « création », je tiens à une politique de l'emploi de qualité. Les plans sectoriels détaillent les mesures visant à renforcer la présence des créateurs dans les lieux de production et de diffusion, en les associant davantage aux équipes de direction et en facilitant leur résidence dans les théâtres ou les institutions spécialisées. Il faut, dans le respect de l'indépendance des créateurs et des programmateurs, encourager la naissance de projets ouverts issus de la rencontre entre disciplines, artistes et publics.

La dotation de 901 millions conforte les grandes institutions et les compagnies. Aux 601 millions consacrés au spectacle vivant s'ajoutent les crédits de formation inscrits dans le troisième programme, dont une part est destinée au plan pour l'emploi.

S'agissant des artistes et des techniciens du spectacle vivant et de l'audiovisuel, je suis heureux de vous confirmer ce que j'ai dit avant-hier aux confédérations d'employeurs et de salariés qui négocient l'assurance chômage : les premières réunions techniques préparant la négociation des annexes 8 et 10 se tiendront avant la fin novembre. M. Larcher et moi-même sommes prêts à prendre, avec les confédérations, toutes les décisions utiles à la mise en place du nouveau système d'assurance chômage des artistes et des techniciens qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2006.

Je suis résolu à donner à l'artiste, dans toute institution culturelle, la place prépondérante qui lui revient de droit, et à rendre l'action de l'Etat lisible et cohérente.

Le troisième programme comporte l'essentiel des crédits de personnel et de fonctionnement du ministère, ainsi que les crédits dédiés à l'éducation artistique et culturelle et aux enseignements artistiques, auxquels j'attache la plus haute importance. L'effort se monte cette année à 40 millions, contre 32,5 millions en 2002 : voilà de quoi faire justice aux diverses accusations de désengagement de l'Etat.

Dans les domaines du cinéma, de la production audiovisuelle et du disque, la poursuite d'une politique de l'emploi et d'une politique fiscale ambitieuses est prioritaire. Le crédit d'impôt en faveur de la production cinématographique, étendu à la production audiovisuelle en 2005, a permis de relocaliser de nombreux tournages et de créer ou de sauvegarder 3 000 emplois, tout en valorisant notre patrimoine, l'image internationale de la France et la diversité culturelle : vous pouvez être fiers de cette mesure ! Cet outil puissant favorise la diversité de nos créations, de nos emplois et de nos industries culturelles. Il permet aussi de relancer l'investissement et la prise de risques. C'est pourquoi nous devons l'étendre - je pense en particulier au secteur du disque. J'ai proposé de créer un crédit d'impôt pour les PME du disque, ainsi qu'un fonds d'avance remboursable, ce qui permettrait de créer 1 500 emplois directs et indirects dans ce secteur.

En cohérence avec nos positions sur la directive « télévision sans frontières », je partage la position de votre commission proposant d'étendre aux nouveaux services la taxe sur les ressources publicitaires des chaînes de télévision. Il est légitime qu'elles contribuent à la production audiovisuelle et cinématographique, si essentielle à la diversité culturelle.

Quant à la modernisation de mon administration, elle est indispensable à l'action de l'Etat dans un contexte budgétaire contraint, où mes marges de manœuvre sont extrêmement faibles. Je vous remercie d'avoir approuvé ma décision de créer un poste de secrétaire général rue de Valois, afin de coordonner la mise en œuvre des réformes, dans un ministère qui ne comporte pas moins de dix directions d'administration centrale et soixante-dix établissements publics, mais aussi de veiller, Monsieur le rapporteur spécial, à ce que les réponses à vos questionnaires vous parviennent dans les délais prescrits par la loi organique.

Je me réjouis de votre soutien à notre politique culturelle, ainsi qu'aux efforts déjà accomplis par le ministère de la culture, à son zèle à appliquer la LOLF, et à sa contribution à l'objectif général de maîtrise des dépenses publiques.

Je sais aussi que vous êtes conscients, en tant qu'élus, que le rayonnement culturel de nos villes et de nos territoires passe par le travail des artistes et des techniciens, mais aussi par le soutien de l'Etat aux lieux, aux équipements, aux festivals.

Je suis convaincu que par votre vote, vous aiderez mon administration à tisser et renforcer le lien social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme la Présidente - Nous en venons aux explications de vote.

M. Frédéric Dutoit - La mission « culture » prétend rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, et favoriser la création et le développement des pratiques artistiques.

Concernant le patrimoines, soit l'Etat en fait sa priorité et il le dote en conséquence, soit il définit une notion patrimoniale restrictive et il remet en cause toutes les richesses accumulées depuis des millénaires. Sous couvert de modernisation, c'est la deuxième voie que vous avez visiblement décidé d'emprunter.

Vous réduisez le périmètre des missions, mais aussi les moyens et les emplois publics.

M. le Ministre - Et les 100 millions en plus ?

M. Frédéric Dutoit - On ne compte plus les transferts que vous avez opérés en direction des collectivités territoriales en moins de dix-huit mois, sans parler de la mise en concurrence de l'INRAP avec des entreprises privées pour la réalisation des fouilles préventives.

A court terme, votre politique aboutira à la disparition des services déconcentrés du ministère, dont les agents en charge de l'architecture et du patrimoine représentent près des deux tiers des effectifs.

Vous prétendez par ailleurs assurer la diversité et le renouvellement de l'offre culturelle, mais il faudrait commencer par résoudre la question de l'assurance chômage des intermittents. Aujourd'hui, nombre de techniciens et artistes se sentent découragés et exclus, des réalisateurs sont aux abois, surtout dans le domaine du documentaire.

Les négociations de la convention UNEDIC sont en cours, mais j'attends la réaction du Medef !

Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à ce qu'un régime pérenne d'indemnisation du chômage des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel soit mis en place avant le 1er janvier 2006, faute de quoi il faudrait recourir à des dispositions législatives. La négociation sur cette question aura-t-elle bien lieu le 12 décembre ?

Le programme « transmission des savoirs et démocratisation de la culture » aurait pour objectif de soutenir l'enseignement des disciplines artistiques, de favoriser l'accès à la culture et de promouvoir la diversité culturelle.

Il est cependant évident que l'on ne peut goûter au monde du spectacle ni comprendre les œuvres majeures de notre époque si l'on n'accède pas très jeune à cet univers. Hélas, les moyens financiers et humains nécessaires ne sont pas là, sans parler des programmes scolaires surchargés.

Pour ce qui est de la diversité culturelle, je salue les avancées obtenues récemment avec l'UNESCO....

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Très belle victoire !

M. Frédéric Dutoit - ...mais cette notion a, jusqu'à présent, été l'occasion d'une posture face aux accords commerciaux plus qu'elle n'a reçu un contenu. Ce sont les concentrations entre les entreprises culturelles qui représentent aujourd'hui le défi le plus difficile à relever pour faire vivre cette diversité.

Si nous n'y prenons garde, la diversité culturelle peut devenir « l'aimable habillage des volontés expansionnistes des entreprises concernées et rejoindre le concept de liberté du marché assurant le progrès culturel de la planète, selon l'idéologie néolibérale » comme l'explique Anne-Marie Autissier dans son rapport L'Europe culture en pratique.

Pour toutes ces raisons, je voterai contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Richard - Le groupe UMP apprécie ce projet de budget ambitieux qui confirme les avancées précédentes et répond aux inquiétudes liées à la conservation du patrimoine.

Ainsi, les avancées dans le domaine audiovisuel, qu'il s'agisse des crédits d'impôt, des fonds régionaux ou de l'aide à l'innovation, sont reconduites. Il nous reste à mettre en cohérence le dispositif d'aide à la production avec les amendements votés à l'unanimité par la commission des affaires culturelles.

Le soutien au spectacle vivant est conforté dans un contexte budgétaire contraint, et la résolution de la question des intermittents est à portée de main.

Il était par ailleurs indispensable de redonner la priorité au patrimoine, pour relancer ou poursuivre des chantiers de restauration qui concernent plus de 3 000 entreprises spécialisées en France, mais aussi pour faire de notre patrimoine un élément de l'attractivité du territoire et de l'animation culturelle. Nous sommes rassurés par les garanties que vous avez apportées en commission élargie sur l'affectation des 100 millions issus des recettes des privatisations.

Par ailleurs, vous avez le mérite de prendre en compte les problèmes du disque, et il faudra que nous profitions des prochains exercices pour revoir la question de la musique en France.

La France peut s'enorgueillir d'avoir su traiter la question de la diversité culturelle, posée par le Président de la République voici deux ans devant l'assemblée générale de l'Unesco. Qui aurait cru alors que seuls quatre pays voteraient contre ? Quel succès pour notre pays ! La culture n'est pas un bien comme les autres, et doit échapper aux négociations de l'OMC.

M. Patrick Bloche - Encore faut-il que les actes suivent !

M. Dominique Richard - Plus globalement, votre projet respecte l'esprit de la LOLF en optimisant les moyens au service des missions, en accentuant l'effort sur les crédits d'investissement et en maîtrisant ceux de fonctionnement.

Enfin, votre action est reconnue par tous les milieux de la culture, et ce projet de budget la conforte, aussi le voterons-nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Bloche - A l'occasion de la FIAC, le 10 octobre, le Premier ministre a parlé de politique culturelle. Un commentateur a ainsi pu écrire : « On attendait les envolées d'André Malraux, on a eu un programme à la Jack Lang ». Hélas, n'est pas Jack Lang qui veut.

Plusieurs députés UMP - Ouf !

M. Patrick Bloche - Force est de constater qu'en 2006, la culture n'est toujours pas votre priorité. De fait, vous voici contraints de conjuguer maîtrise des dépenses et recherche de financements propres - ce qui vous conduit à sacraliser, faute de mieux, le recours au mécénat privé.

A cet égard, compte tenu de la nouvelle architecture budgétaire imposée par la LOLF, je salue votre honnêteté, Monsieur le ministre, qui vous a conduit à reconnaître en commission élargie que vous n'auriez pas de marge de manœuvre l'année prochaine. Un ministre de la culture qui n'a pas de marge de manœuvre est un ministre qui souffre.

L'augmentation affichée du budget de la culture pour 2006 est un trompe-l'œil, car la progression de 25% des dépenses de personnel est uniquement due à l'intégration dans la mission « culture » des cotisations pour pensions, allocations temporaires d'invalidité et allocations familiales. Hors la dotation exceptionnelle de 100 millions issue des recettes de privatisation, le budget ne croît en réalité que de 1% en crédits de paiement et de 3,6% en autorisations d'engagement. Rien de bien glorieux.

Quant au programme « patrimoines », les besoins de rattrapage sont énormes ! De nombreux chantiers sont reportés, retardés, voire annulés - environ 240 actuellement. Selon le groupement français des entreprises de restauration des monuments historiques, il manquerait 400 millions. Or, il en va de la survie de ces entreprises qui transmettent des savoir-faire irremplaçables.

Le paradoxe est qu'en 2005, l'augmentation des crédits pour l'entretien et la sauvegarde des monuments historiques n'a servi qu'à couvrir les besoins d'une archéologie préventive sous-financée. En effet, la double réforme ratée de la redevance archéologique en 2003 et 2004 a conduit au déficit d'exploitation de l'INRAP dont la trésorerie est assurée dans la précarité et sans aucune visibilité par l'Etat. Les préconisations du rapport Gaillard accroissent les inquiétudes des personnels de l'INRAP et des archéologues des collectivités territoriales.

L'examen du programme « création » m'amène, avec les autres parlementaires du comité de suivi, MM. Dutoit et Baguet, à évoquer la situation très tendue des intermittents du spectacle. Le bilan négatif du protocole d'accord de juin 2003 n'étant plus à faire, on aurait pu croire en septembre que s'ouvrait la dernière ligne droite avant la renégociation des annexes 8 et 10 : il n'en fut rien. Force est de constater que cette renégociation est devenue l'otage d'une autre renégociation, celle du régime général.

M. Frédéric Dutoit - Eh oui !

M. Patrick Bloche - Il est ainsi regrettable que votre proposition, Monsieur le ministre, de réunir un groupe de travail technique chargé de nourrir la négociation en s'appuyant utilement sur le rapport Guillot ait été si tardivement acceptée. Le 31 décembre 2005 approche et sans contester vos initiatives, je rappelle ce que vous avez répondu à M. Kert le 30 mars dernier : « Si cette discussion ne reprend pas, l'Etat ne restera pas inerte. Nous saurons à ce moment-là prendre nos responsabilités ensemble, c'est-à-dire par voie législative ». Comme ne pas constater, ce 18 novembre, que le moment approche ?

M. Frédéric Dutoit - Nous verrons, nous verrons...

M. Patrick Bloche - Dans le domaine du spectacle vivant, qui souffre d'une indéniable faiblesse budgétaire...

M. le Rapporteur pour avis - On ne peut pas dire cela !

M. Patrick Bloche - Je peux dire ce que je veux, et j'ai dit hier soir des choses encore plus sévères sur le budget de l'action extérieure de l'Etat. J'ai d'ailleurs été approuvé par le ministre, qui a avoué défendre un mauvais budget.

M. Jean-Michel Fourgous - C'est de la manipulation.

M. Patrick Bloche - Regardez donc le compte rendu analytique !

Le groupe socialiste regrette que dans le domaine du spectacle vivant, vos quatre conférences de presse sectorielles depuis la rentrée n'aient pas été l'occasion de définir une politique ambitieuse, globale et cohérente, traitant des sujets de fond : le soutien à la production et à l'innovation, l'extension de la diffusion, le devenir des réseaux et leur articulation, la conquête des publics. C'est justement ce dernier point qui nous conduits à être sévères sur le financement du programme « transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». L'éducation artistique, pourtant si prioritaire, voit ses crédits stagner en euros constants. La mise en place récente d'un Haut conseil ne saurait masquer l'abandon coupable du plan Lang-Tasca, qui avait traduit une volonté politique que l'on ne retrouve pas dans le plan de relance sur l'éducation artistique et culturelle lancé en janvier 2005.

Pour toutes ces raisons, et au risque insensé de provoquer votre courroux, Monsieur le ministre...

M. le Ministre - Mais non !

M. Patrick Bloche - ...le groupe socialiste ne votera pas le budget de la culture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre-Christophe Baguet - Je ne reviens pas sur les dix questions que je vous ai posées mardi matin car vous vous êtes engagé, Monsieur le ministre, à y répondre par écrit, ce dont je vous remercie.

Pendant que nous échangions mardi matin, des intermittents du spectacle occupaient des locaux administratifs du ministère. Je suis contre ce type d'action, d'autant que chacun rappelait à ce même moment la grande inquiétude de ce secteur quant au calendrier retenu. Nous disposons aujourd'hui d'éléments solides pour engager une négociation fructueuse mais l'inquiétude porte sur deux points : un calendrier qui ne laisse pas le temps suffisant à un examen approfondi et le risque d'être broyé dans une négociation globale. Vous vous êtes engagé à réunir le groupe de travail avant la fin du mois et à organiser une réunion avec tous les partenaires sociaux le 12 décembre. Soyez ici notre interprète auprès de vos collègues du Gouvernement, Monsieur le ministre, pour leur dire qu'il convient de tenir ces rendez-vous.

Je vous ai interrogé mardi matin sur l'absence totale de financement du Centre européen de création contemporaine sur l'île Seguin. Après le terrible gâchis du départ de la Fondation Pinault, j'ai œuvré pour un rapprochement de la ville avec le département. A ce titre, je participe au comité d'experts qui s'est réuni pour la première fois le 10 novembre. Je siège également à la société d'économie mixte d'aménagement dont le dernier conseil d'administration s'est tenu hier. Nous sommes tous inquiets de l'absence de financement. Vous avez participé, Monsieur le ministre, à une réunion à Matignon avec le président du conseil général des Hauts-de-Seine, M. Sarkozy, le sénateur maire de Boulogne et le ministre délégué au budget. Le Premier ministre a assuré le maire que le financement serait effectif. Qu'en est-il et qui l'assurera ? Il y a urgence à répondre avant le printemps, faute de quoi l'art contemporain ne pourra être mis en valeur sur ce site prestigieux.

Ne revenons pas sur notre légitime fierté à être les seuls en Europe à avoir un cinéma autonome et de qualité : cela est dû à une succession de mesures intelligentes et adaptées prises par tous les gouvernements depuis cinquante ans. Aujourd'hui, le cinéma est à nouveau menacé et nous devons prendre de nouvelles mesures. J'ai déposé en ce sens, le 9 novembre, onze amendements qui ont connu des sorts différents : il y a ceux dont nous pourrons débattre, ceux qui auraient dû être examinés en première partie du PLF mais que je transmettrai à mes collègues sénateurs, ceux enfin qui seront débattus à d'autres moments.

Concernant la première catégorie et en particulier le parrainage, je suis d'accord pour modifier la date d'effet au 1er janvier 2007 par cohérence avec la date d'ouverture de la publicité à la grande distribution, de même en ce qui concerne l'amendement étendant le champ de la contribution au COSIP, aux nouveaux opérateurs mobiles et à internet. Alors que les deux commissions les ont votés, le Gouvernement s'engage-t-il, si nous les votons, à ne pas demander une annulation en deuxième délibération, comme l'an passé ?

Nous reviendrons sur la simplification du calcul de la taxe sur les services de télévision soumis au taux de 5,5%, mais mes collègues ne manqueront pas d'être surpris lorsqu'ils découvriront que le taux moyen appliqué et revendiqué partout par les chaînes de télévision est de 1,9% en linéaire. Enfin, l'amendement augmentant la taxe sur les productions pornographiques vidéo devrait recueillir votre soutien.

Pour la seconde catégorie d'amendements, je demande la simple application de la loi de finances pour 1984, notamment celle de la surtaxe créée sur les bénéfices industriels et commerciaux des entreprises de pornographie : cette mesure n'a en effet jamais été appliquée au seul motif que les gouvernements n'ont toujours pas réussi à définir ce qu'est une entreprise de production et de distribution d'œuvres et de documents audiovisuels à caractère pornographique ou de très grande violence qui ne sont pas soumis à la procédure de visas ! J'espère que nous aboutirons. Le second amendement porte sur l'adaptation du régime du mécénat aux petites entreprises, notamment aux industries techniques. Je propose de le passer de 5 pour mille à 5% du chiffre d'affaires, cet aménagement aidant les entreprises mais surtout la production de courts métrages ainsi que l'intermittence en région. Cette proposition compléterait les aides régionales qui se développent en ce moment. Les deux autres amendements portent sur la nécessaire création d'une redevance domaniale à la charge des titulaires d'autorisation de services de télévision numérique et de services de télévision en haute définition. Enfin, reste l'amendement - négociable - concernant l'application d'un taux réduit de TVA à 5,5% sur les œuvres de vidéo à la demande par abonnement. Ce produit arrivera bientôt sur le marché. Au Luxembourg, Apple diffuse le même produit avec un taux de 2,5%.

Troisième catégorie d'amendements, les SOFICA dont nous parlerons dans la séance de cette nuit avec M. Dassault.

Enfin, dernière catégorie, un amendement refusé car j'avais oublié de le gager. Monsieur le ministre, vous n'êtes évidemment pas tenu de gager vos amendements, et j'espère que vous reprendrez celui-ci : il offre en effet la possibilité aux collectivités territoriales d'exonérer de taxe professionnelle les industries techniques pour une année. Je précise que cet amendement avait été voté il y a deux ans en faveur des kiosquiers. Nous avons la possibilité de mettre nos actes en cohérence avec nos discours, et je ne doute pas que vous êtes un ardent défenseur de ce secteur, comme vous l'avez prouvé par des mesures intelligentes comme le crédit d'impôt.

Malgré ces réserves, nombre de points sont positifs dans ce budget, et le groupe UDF le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

Les crédits de la mission « culture », mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits de la mission « cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale », mis aux voix, sont adoptés.

APRÈS L'ART. 94

M. le Rapporteur pour avis - Le COSIP est une taxe assise sur certaines recettes des chaînes. L'amendement 654, adopté à l'unanimité par la commission des affaires sociales, vise à l'adapter aux évolutions technologiques et économiques en appliquant le principe de neutralité technologique. Il élargit ainsi l'assiette aux services de télévision accessibles au moyen de l'internet, de l'ADSL et de la téléphonie mobile.

M. Pierre-Christophe Baguet - Mon amendement 250, identique, est défendu.

M. le Ministre - Avis favorable. Cette extension est cohérente avec les positions que nous défendons dans le cadre de la renégociation de la directive Télévision sans frontières et elle sera notifiée à la Commission européenne.

Les amendements 654 et 250, mis aux voix, sont adoptés.

M. Dominique Richard - L'amendement 498 rectifié, adopté par la commission des finances, vise à mettre la législation en conformité avec l'évolution des techniques de publicité. Lors de la loi de 1986, le parrainage n'existait pas - il s'agit d'une autre façon de mettre en valeur des produits ou des marques. L'an dernier, nous avons eu ce débat dans l'hémicycle après un vote unanime des deux commissions et nous étions convenus qu'il était plus approprié de revenir sur ce sujet cette année afin que ces amendements soient appliqués concomitamment avec la possibilité donnée à la grande distribution de faire de la publicité sur les télévisions nationales à compter du 1er janvier 2007. Je propose de sous-amender cet amendement en rajoutant la phrase : « Cette mesure entre en vigueur au 1er janvier 2007 », ce qui permettrait aux diffuseurs de ne régler la taxe qu'en 2008, sur les recettes de 2007.

Mme la Présidente - Je n'accepte que des sous-amendements écrits.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je demande donc, au nom du groupe UDF, une suspension de séance afin de pouvoir vous le transmettre.

La séance, suspendue à 10 h 15, est reprise à 10 h 20.

Mme la Présidente - Le sous-amendement 663 de MM. Richard et Baguet porte donc sur l'amendement 498 rectifié, qui est identique au 655. Les deux amendements suivants sont en discussion commune.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 249 a le même objet.

M. Patrick Bloche - L'amendement 355 rectifié vise à trouver des recettes nouvelles pour le financement des productions cinématographiques et audiovisuelles. La taxe sur les services de télévision, assise sur le chiffre d'affaires des chaînes hertziennes, y contribue par le biais du COSIP, le compte de soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie audiovisuelle. Nous proposons d'en étendre l'assiette aux sommes versées dans le cadre des parrainages d'émissions, qui viendraient donc en plus des recettes publicitaires.

Je profite de l'occasion pour citer, afin de répondre à plusieurs collègues de la majorité, les propos exacts de M. Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, hier soir dans cet hémicycle : « Au-delà des questions d'architecture, beaucoup d'entre vous ont relevé l'inquiétante réduction des moyens alloués au ministère des affaires étrangères. Je partage totalement vos inquiétudes concernant 2006, mais aussi les années suivantes. »

M. le Rapporteur spécial - Si j'ai déposé, avec M. Martin-Lalande, l'amendement 498 rectifié, c'est que les finances du Centre national de la cinématographie, qui gère le COSIP, se dégradent. Le cinéma français gagnant des parts de marché, les dépenses augmentent, alors que les recettes baissent du fait de la chute des entrées en salle. Les investissements publicitaires de la télévision sont également en recul. Le COSIP et le CNC ne peuvent être financés sans fin par des dépenses publiques et le contribuable ne peut supporter à lui seul l'effort de production, d'autant que le mécanisme des SOFICA est désormais plafonné, ce que je regrette. C'est donc dans une logique globale de soutien à la filière économique du cinéma, dont les auteurs sont les défenseurs de notre exception créatrice et les métiers les garants de notre savoir-faire et qui concourt au rayonnement de la France, que je suis favorable à ces amendements et au sous-amendement qui donne un délai d'un an avant leur application. Avis défavorable sur l'amendement 355 rectifié.

M. le Rapporteur pour avis - Je m'étais associé à l'amendement 655, qui affiche une volonté claire de soutien au cinéma. La commission des affaires culturelles n'a pas examiné le sous-amendement 663, mais à titre personnel, j'y suis favorable, car il aligne la date d'application de la mesure sur celle de l'arrivée de la grande distribution dans la publicité. Quant à l'amendement 355 rectifié, la commission ne l'a pas examiné mais à titre personnel, j'y suis défavorable.

M. le Ministre - Les deux amendements identiques visent à abonder les recettes du COSIP, et ainsi à améliorer le financement des productions cinématographiques et audiovisuelles. Le secteur a en effet besoin d'un plus grand dynamisme. Le parrainage constitue aujourd'hui une ressource importante qui, contrairement à la publicité, n'est pas incluse dans l'assiette de la taxe qui alimente le COSIP. Il est légitime qu'elle contribue au financement des œuvres audiovisuelles. Cette mesure devra faire l'objet d'une notification à la Commission européenne.

Le Gouvernement se félicite que la mesure ne s'applique qu'à partir de l'exercice 2007. Il n'aurait pas été bon d'accroître la charge des éditeurs de services de télévision alors que les ressources publicitaires ne sont guère bonnes. Il est souhaitable que cette mesure coïncide avec l'ouverture de la publicité télévisée au secteur de la distribution. Le Gouvernement donne donc un avis favorable aux amendements identiques des commissions et au sous-amendement et défavorable au 655 rectifié, qui ne prévoit aucune date.

Le sous-amendement 663, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 498 rectifié, sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Les autres amendements tombent.

M. Pierre-Christophe Baguet - J'ai proposé au ministre une exonération de taxe professionnelle pour les industries techniques. Cette mesure a été votée à l'unanimité pour les kiosquiers. Elle ne coûte rien au Gouvernement et constituerait une aide vraiment intéressante, à la discrétion des présidents de collectivités territoriales. Monsieur le ministre, pourquoi refusez-vous de reprendre cette proposition ?

Quant à l'amendement 251, il a été rejeté en commission. M. Herbillon, en notant que la taxe sur les services de télévision était actuellement calculée par fractionnement aux termes de l'article 302 bis KC du code général des impôts, a judicieusement montré que ma proposition reviendrait à tripler cette taxe. Par conséquent, je retire l'amendement 251 mais je signale qu'il y a matière à travailler sur ce sujet car les chaînes de télévision versent plutôt 1,9% que 5,5% au compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels, le COSIP.

L'amendement 251 est retiré.

M. Pierre-Christophe Baguet - J'espère que cet amendement 661, visant à augmenter la taxe sur les œuvres pornographiques ou de très grande violence au profit d'un cinéma français de qualité, qui traverse aujourd'hui une période difficile, sera adopté à l'unanimité. Il est dommage que les dispositions de la loi de finances de 1984 ne soient pas appliquées en la matière.

M. le Rapporteur spécial - Cet amendement n'a pas été examiné en commission. A titre personnel, je partage les préoccupations de M. Baguet sur le fond mais, sur la forme, son amendement n'est pas suffisamment précis pour être adopté en l'état.

M. le Rapporteur pour avis - Je partage les préoccupations de M. Baguet. Toutefois, cet amendement n'ayant pas été examiné en commission, je ne peux lui donner un avis favorable.

M. le Ministre - Rappelons tout d'abord clairement que les films à caractère pornographique ne bénéficient d'aucune aide publique (« Heureusement ! » sur bancs du groupe socialiste). Ils sont cantonnés à un système de distribution spécifique. Par conséquent, la classification des films, responsabilité qui m'incombe, est d'une haute importance. Cet exercice n'est pas toujours facile, et je prends les décisions en conscience. Le classement d'une œuvre dans telle ou telle catégorie a des conséquences sur le budget de l'Etat et les aides que peuvent recevoir les producteurs.

Monsieur Baguet, votre amendement a pour objet de créer des recettes supplémentaires. En l'état, je ne peux lui donner un avis favorable car la notion de « très grande violence » n'est pas précisément définie.

M. Pierre-Christophe Baguet - Cet amendement, il est vrai, n'a pas été examiné en commission car je l'ai déposé le 9 novembre mais cela n'est pas un argument suffisant pour justifier son rejet. Je remercie d'ailleurs M. Méhaignerie d'avoir accepté qu'il soit débattu ce matin. Ensuite, Monsieur le ministre, les arguments techniques ne tiennent pas. Le caractère pornographique d'un film est précisément défini à l'article 19 du code de l'industrie cinématographique. Prenons nos responsabilités ! Je demande un scrutin public sur l'amendement 661.

A la majorité de 19 voix contre 18, sur 45 votants et 37 suffrages exprimés, l'amendement 661 est adopté.

M. Patrick Bloche - La morale est sauve !

M. le Ministre - Je remercie chaleureusement les députés d'avoir voté les crédits de cette mission. La culture participe de l'attractivité de notre pays. Elle est un capital que chacun de nos concitoyens peut utiliser pour sortir de la violence.

Monsieur Dutoit, contrairement à ce que vous avez affirmé, l'Etat est loin de se désengager de la conservation du patrimoine. Pour preuve, l'affectation de crédits provenant de la privatisation sur décision du Premier ministre. Par ailleurs, il était nécessaire d'assouplir les règles de la maîtrise d'ouvrage. Un certain nombre de chantiers étaient paralysés, non par manque de financements, mais par rigidité du système. Il fallait remédier à cette situation scandaleuse et notre décision n'est pas un signe de défiance envers les architectes des Monuments historiques.

Ensuite, concernant la négociation des annexes 8 et 10 de l'assurance chômage et le régime des intermittents, nous avons souhaité de manière unanime confier ces négociations aux partenaires sociaux dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle. Ce choix m'oblige à une certaine discipline. Pour autant, respecter la négociation ne signifie pas que l'Etat ou la représentation nationale n'aient plus leur rôle à jouer. Vous avez suivi très précisément l'évolution de la question. Un débat a été organisé sur l'emploi dans le spectacle dans chacune des deux assemblées. Après tous ces travaux, laisserions-nous une crise se réinstaller ? Assurément, non. Grâce à nos décisions, 14 815 artistes et techniciens ont été réintégrés dans leurs droits. Aujourd'hui, le temps de la négociation est venu. Je vous le dis solennellement, il faut considérer comme définitivement acquises les déclarations des partenaires sociaux devant le ministre délégué à l'emploi et le ministre de la culture et les présidents des commissions des affaires culturelles de l'Assemblée et du Sénat. Le débat sur l'existence d'un régime spécifique pour les artistes et techniciens est caduc.

Les partenaires sociaux, pour la première fois réunis tous ensemble rue de Valois, ont solennellement affirmé que les artistes et les techniciens devaient bénéficier d'un système spécifique d'emploi et d'indemnisation du chômage. Cela me semble normal, mais il faudra l'expliquer à l'ensemble des Français.

Nous avons souhaité une discussion technique, nourrie des conclusions d'un expert indépendant. Elle s'ouvrira avant la fin du mois de novembre, comme l'ont décidé les partenaires sociaux. Il leur appartiendra de définir l'articulation entre la négociation de la convention sur le chômage applicable à l'ensemble des Français et le système propre aux artistes et techniciens. Naturellement, ce processus fait l'objet d'un suivi attentif de la part des ministres en charge de la cohésion sociale, des relations du travail et de la culture, qui resteront à la disposition des partenaires sociaux tout au long des discussions.

Je respecte les droits de l'opposition, mais, sans vouloir polémiquer, je ne vois pas de raisons de voter contre ce budget.

S'agissant de l'action culturelle extérieure, je me trouvais hier à Budapest pour une rencontre portant sur l'Europe de la culture. J'ai formulé huit propositions concrètes qui devraient permettre d'assurer le rayonnement de nos talents et de nos artistes. Notre politique culturelle doit en effet bénéficier de financements européens au nom de la diversité culturelle. Dans l'Union européenne, 71% des places de cinéma vendues correspondent à des films américains ! Si nous voulons que la diversité culturelle devienne une réalité, il nous faudra additionner les concours de l'Etat, des collectivités locales mais aussi de l'Europe. A l'instar du ministre des affaires étrangères, je crois en la dimension extérieure de la politique culturelle.

Mme la Présidente - J'ai accepté de vous redonner la parole, Monsieur le ministre, alors même qu'il s'agit d'un budget ayant fait l'objet d'un examen en commission élargie. Mais il aurait été souhaitable que vous respectiez votre engagement de brièveté, fût-ce par courtoisie à l'égard de Mme Girardin, qui attend.

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie - Permettez-moi d'abord de remercier les rapporteurs. Je me réjouis de notre volonté commune d'accroître les efforts en faveur du développement des pays du Sud.

Le budget pour 2006 de la mission « aide publique au développement » en est le reflet. Le Président de la République a fixé des objectifs ambitieux, qui font aujourd'hui l'objet d'un consensus au sein de la communauté internationale. Le sommet des Nations Unies tenu en septembre dernier a ainsi été un succès pour la France : nos propositions de mécanismes innovants de financement du développement ont été soutenues par 79 pays, alors que la mention d'une contribution de solidarité sur les billets d'avions aurait été inenvisageable il y a seulement deux ans.

L'aide au développement relève bien sûr de la générosité. Mais c'est également une nécessité. La persistance de la misère et de l'absence d'emploi risque de renforcer les vagues d'émigrants clandestins. Et la propagation des maladies contagieuses et du terrorisme ne connaissent plus de frontières.

Je voudrais souligner que la loi organique sur les lois de finances apporte une grande clarification à nos actions. La création d'une mission « aide publique au développement » regroupe ainsi les crédits budgétaires des ministères des affaires étrangères et de l'économie, des finances et de l'industrie. Le document de politique transversale « politique française en faveur du développement » présente en outre l'intérêt de rassembler toutes les actions ministérielles. Cet instrument renforce la transparence, mais aussi l'efficacité de nos politiques. J'ai donc été très sensible au soutien apporté en commission à ce travail important réalisé par mes services.

La mission « aide publique au développement » applique la LOLF de façon particulièrement exemplaire. Le document de politique transversale nous a en effet permis d'organiser les objectifs fixés par les différents ministères autour de trois axes fédérateurs : remplir les objectifs du millénaire adoptés par les Nations unies - objectif de développement ; promouvoir le développement en appliquant les idées et le savoir-faire français - objectif d'influence ; gérer l'aide publique au développement de façon efficiente - objectif de résultat.

Les crédits que nous proposons respectent l'objectif fixé par le Président de République de porter notre aide à 0,5% de notre revenu national brut en 2007, en vue d'atteindre 0,7% en 2012. Pour 2006, ce projet repose sur un objectif de 0,47%, soit 8,2 milliards d'euros. Malgré un contexte budgétaire particulièrement tendu, les crédits de la mission sont en augmentation sensible de 200 millions, soit 7%.

Comme les années précédentes, la majeure partie de cet accroissement bénéficiera à nos engagements multilatéraux. Nos contributions volontaires aux Nations unies passent ainsi de 50 millions en 2004 à 90 millions en 2006, l'objectif étant d'atteindre 110 millions en 2007 ; la participation française à l'Association internationale de développement de la Banque mondiale augmente de 40% ; nous sommes enfin également, depuis cette année, le premier contributeur au Fonds africain de développement et au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose, et le paludisme, de même qu'au Fonds européen de développement.

Nous souhaitons en effet renforcer notre présence au sein des institutions internationales et ce n'est pas un hasard que l'attention portée à nos idées s'accroisse. Nous avons par exemple trouvé un relais très efficace à la Banque mondiale pour promouvoir une contribution de solidarité sur les billets d'avions.

Pour autant, l'aide bilatérale n'a pas été oubliée et j'entends le message que plusieurs d'entre vous m'ont adressé à ce sujet. Ainsi, les autorisations d'engagement pour les projets bilatéraux auront été multipliées par 2,5 entre 2002 et 2006.

Mais ce projet de budget vise également à rendre notre aide plus efficace. C'est pourquoi, depuis 2004, nous avons mis en place une réforme importante de notre dispositif, selon deux axes : une amélioration du pilotage stratégique de notre aide, qu'il m'appartient, en tant que ministre en charge de la coopération et chef de file de l'aide publique au développement, de coordonner ; une amélioration de la lisibilité de notre action de terrain, dont la mise en œuvre revient à l'Agence française de développement sur la base d'instructions précises de l'Etat.

De nombreux outils ont donc été créés en vue d'exercer une tutelle plus efficace sur l'Agence française de développement. Il s'agit des documents cadres de partenariat, véritables plans d'action pour trois à cinq ans ; de sept stratégies sectorielles - éducation, santé, eau, infrastructures, environnement, agriculture, secteur privé ; de la Conférence d'orientation stratégique et de programmation, qui se réunit régulièrement sous ma présidence ; et enfin, de deux contrats d'objectifs entre l'AFD et ses tutelles - le ministère de l'économie et le ministère des affaires étrangères - qui sont en cours de négociation. Ces nouveaux instruments permettront d'insuffler une véritable logique de programmation et de contractualisation.

Ce projet de budget résulte donc d'une forte ambition pour le développement, mais aussi d'une volonté de renforcer l'efficacité de nos actions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Henriette Martinez - Vous ne serez pas étonnée que l'UMP ait décidé de voter votre budget. Il ne s'agit pas d'un « oui » de godillots, mais d'un « oui » de raison pour cette année et d'un « oui » de combat pour les années à venir.

Les raisons de notre vote sont nombreuses. Tout d'abord, le Président de la République s'est engagé à rendre toute sa place à la France au sein des bailleurs de fonds internationaux. A ce titre, la décision de consacrer cette année 0,47% de notre PIB à l'aide publique au développement permettra de remplir l'objectif de 0,5% en 2007, voire plus rapidement. Pareille orientation me semble particulièrement heureuse dans un monde où la moitié de la population doit se contenter de moins de deux euros par jour et par habitant.

D'autre part, ce budget reflète les priorités fixées en CICID, dans le droit fil des objectifs du millénaire : réduire de moitié la pauvreté extrême - 1 euro par jour et par habitant ; scolariser l'ensemble des enfants ; réduire la mortalité infantile des deux tiers. Les neuf objectifs du millénaire sur lesquels la France s'est engagée à agir doivent en effet demeurer notre ambition, même s'il apparaît que nous ne pourrons sans doute pas les remplir d'ici à 2015.

Pour y parvenir, nous devons impérativement renforcer l'efficacité de nos politiques en améliorant l'évaluation des actions et en accroissant la coopération entre les bailleurs de fonds.

Enfin, les promesses de la LOLF commencent à être tenues, ne serait-ce qu'en termes de visibilité de notre politique d'aide au développement, puisque ce sont quasiment 80% des crédits qui y sont consacrés que l'on retrouve dans la mission « aide publique au développement », alors que nous n'en discutions guère que 10% auparavant.

Au total, la France est le premier contributeur au Fonds européen de développement et le premier contributeur mondial au Fonds sida, paludisme et tuberculose ainsi qu'au Fonds africain de développement. C'est pour que cette situation dure et même s'améliore que j'émets un oui de combat.

Mon premier doute est quantitatif, car je me rappelle qu'il a fallu vingt mois au chef de l'Etat, de juin 2002 à mars 2004, pour imposer la réalisation de l'objectif qu'il avait lui-même énoncé. Qu'en sera-t-il quand les annulations de dettes se termineront ? Pour tenir notre objectif d'une aide publique au développement représentant 0,7% du PIB en 2012, il faudra bien mobiliser de plus en plus d'argent frais.

Je m'inquiète aussi pour le respect de nos stratégies sectorielles, en particulier dans le domaine de la santé. Je ne conteste évidemment pas l'effort fait en faveur de l'éducation, mais on n'éduque pas les enfants morts avant l'âge de la scolarisation... Il me semble que la santé devrait davantage être une priorité, tant elle est une condition indispensable au développement. Qu'allez-vous donc faire, Madame la ministre, pour qu'en Afrique de l'Ouest, où vont 72% de notre aide bilatérale, la seule donc que nous puissions vraiment contrôler, notre aide en matière de santé concerne d'autres pays que le Niger ?

Pour sécuriser votre politique, il faudrait une loi de programmation sur l'aide publique au développement. Elle nous permettrait d'avoir chaque année un vrai débat, de perfectionner nos instruments et de rendre notre dispositif plus lisible. Dans ce même esprit, pourquoi ne pas créer, comme l'ont fait les Britanniques, une agence unique, qui ne ferait que de l'APD mais toute l'APD ?

Nous voterons naturellement ce budget, par lequel la France tient ses engagements et demeure le plus généreux des pays du G7. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Danielle Bousquet - Le temps consacré à la coopération de la France avec les peuples du Sud nous étant cette année chichement compté, puisque le groupe socialiste ne dispose que de cinq minutes pour donner son point de vue sur la zone dite d'action prioritaire de l'aide française au développement, c'est sans tarder que je vous livre notre position : non, nous ne voterons pas ce budget en trompe-l'œil.

C'est un double signal négatif qui est émis avec la présentation de ce budget. D'abord, en direction des parlementaires. En effet, l'essentiel n'a-t-il pas été exposé en commission ? Plusieurs collègues y ont souligné l'aspect de plus en plus policier de l'action extérieure de la France. Le traitement accéléré des visas ainsi que celui des dossiers soumis à l'OFPRA semble la priorité, à peine cachée, d'une politique privilégiant aujourd'hui le refoulement. Et ce après la « réhabilitation » législative du passé colonial de la France... On comprend mieux les raisons d'un examen si rapide !

Il est en outre difficile, comme l'ont souligné les rapporteurs, de retrouver les éléments budgétaires permettant de faire des comparaisons d'une année sur l'autre. Au flou des chiffres s'ajoute le fait que nous ne disposons toujours pas du rapport sur les activités de la France au sein des institutions financières internationales. Que contient-il de si gênant pour qu'on ne nous le communique pas ?

Le second signal négatif est émis en direction de nos amis du Sud. Pendant combien de temps encore va-t-on tenter de leur faire croire que la France veut effectivement contribuer à leur développement, alors que personne ne voit sur le terrain les effets de la prétendue montée en puissance de notre aide ? Et pour cause ! Nous savons tous qu'annuler une dette, qui de toute façon n'aurait sans doute pas été payée, ne donne pas de moyens financiers nouveaux aux pays en voie de développement.

Il est par ailleurs trop facile d'annoncer une augmentation de l'aide au développement quand on compte sur d'autres pour la financer ! Les régions, les villes et les départements sont de plus en plus souvent priés de compenser les déficiences de la puissance publique, en Haïti par exemple. Et demain, la charité aérienne est censée donner un début de contenu aux grandes déclarations lancées tous azimuts sur la fracture mondiale !

J'aurais souhaité des précisions concernant les rapports de la France avec ses partenaires européens sur toutes les questions relatives au développement. A quelques semaines de la réunion de l'OMC à Hong Kong, la France apparaît une fois de plus crispée sur les questions agricoles. Il serait d'autre part souhaitable de faire le point sur la gestion du FED. Mais nous manquons de temps...

L'état d'urgence dans lequel se trouvent nos partenaires africains, Madame la ministre, mérite une autre politique que la multiplication des expulsions et des refus de visas, que les entraves mises aux inscriptions d'étudiants, que le repli sur nous-mêmes ! C'est pourquoi nous disons non à ce budget ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Claude Lefort - Je n'ai que cinq minutes pour vous convaincre, Madame la ministre, de modifier votre budget sous peine d'un vote négatif de notre part. Je crains que cela ne vous émeuve guère. Et pourtant vous souscrivez, j'en suis sûr, à cette appréciation: le monde est très malade, qui exulte à en mourir. Vous souscrivez, j'en suis sûr, à cette opinion selon laquelle la dérive sociale des continents est non seulement injuste mais dangereuse. Vous souscrivez, j'en suis sûr, à l'idée selon laquelle aider les peuples dans le dénuement c'est nous aider nous-mêmes.

Si vous souscrivez à ces idées, alors il faut revoir votre copie, qui n'est conforme ni aux besoins du monde, ni à une certaine idée de la France.

Les chiffres montrent, nous dit-on, que notre aide publique au développement augmente. Mais comment ne pas voir que les annulations de dettes forment l'élément majeur de cette augmentation ? Et, cette année, il s'agit principalement de la dette irakienne. Il est vrai que les Etats-Unis n'ont pas d'argent...

Outre leur caractère opaque - sans parler de l'absence totale de transparence de la COFACE, sur laquelle nous aimerions pouvoir enquêter -, ces annulations ne constituent pas des revenus en plus pour les pays concernés, qui ne sont de toute façon pas solvables, mis à part le cas signalé.

Je voudrais aussi évoquer notre participation à la lutte contre les pandémies, et spécialement notre participation au Fonds mondial.

J'entends bien que, somme toute, nous participons plus que d'autres à ce fonds et que nous avons une approche multilatérale, à la différence des Anglo-Saxons, qui privilégient, eux, le bilatéral, source de pressions diverses et forme déguisée d'aide à l'exportation. Je note aussi que le Président de la République a annoncé une taxe sur les billets d'avion. Soit, mais je ne la vois pas dans ce budget.

Plus fondamentalement, quand donc allons-nous nous affranchir des intérêts colossaux des industries pharmaceutiques ? Actuellement, l'argent que nous donnons alimente les caisses de celles-ci, ce qui ne serait pas le cas si les médicaments déclarés essentiels par l'OMS étaient des génériques. Et que dire de l'adoption au niveau européen de l'accord OMC du 31 août 2003, qui est absolument contraire à la déclaration de Doha selon laquelle les droits à la santé peuvent être supérieurs à ceux du commerce ? Cet accord est injuste et impraticable. D'ailleurs, aucun pays n'a fait la moindre demande à l'OMC pour se le voir appliquer.

A une crise mondiale, il faut une réponse exceptionnelle. Je plaide depuis des années pour la mise en place, au niveau de l'ONU, d'une caisse de sécurité sanitaire, qui permettrait, sans léser quiconque, de mettre les médicaments essentiels à la disposition de tous. On fait l'exact inverse. Aujourd'hui, on ne meurt pas du sida faute de médicaments, mais parce que ces médicaments sont inaccessibles aux pays du Sud.

Pour toutes ces raisons, notre vote sera négatif. Nous en sommes désolés. Désolés pour le monde en désolation et désolés pour la France amoindrie dans son rayonnement dans le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

Mme la Ministre déléguée - Ce budget ayant déjà fait l'objet d'un examen en commission élargie, où je me suis longuement exprimée, je ne devrais normalement pas répondre, mais je veux réfuter certaines contrevérités et apporter certaines précisions, en me limitant aux sujets qui n'ont pas déjà été traités.

Vous avez raison, Madame Martinez, de souligner l'augmentation de notre aide, et la place qu'y prennent les allégements de dette, qui diminuera à l'avenir. Pour nous y préparer, nous lançons des projets bilatéraux, et c'est à cette évolution que correspond l'augmentation des autorisations d'engagement.

Merci de vos leçons, Madame Bousquet, mais permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire : sous le gouvernement socialiste, entre 1997 et 2001, le budget de l'APD était tombé à 0,31% du PIB, soit 4,6 milliards. Faites-nous donc grâce de vos critiques : nous avons doublé ce montant ! De quel budget en trompe-l'œil parlez-vous, alors que nous l'avons fait passer de 4,6 à 9 milliards ?

Mme Henriette Martinez - C'est la réalité !

Mme la Ministre déléguée - Vous considérez, Monsieur Lefort, que les allégements de dette sont l'élément principal de l'augmentation de l'APD. C'est faux : ils représentent moins du tiers de cette progression qui s'élève à 2,4 milliards entre 2002 et 2006.

Vous évoquez l'application de l'accord du 31 août 2003 sur l'accès aux médicaments. C'est une question techniquement très complexe. D'une part, cet accord fut obtenu avec difficulté, car certains grands pays subissent la pression de leur industrie pharmaceutique. Nous avons, comme l'Union européenne, la volonté de le transcrire rapidement dans le droit. D'autre part, il prévoit une disposition juridique dite de « licence obligatoire » qui autorise les Etats à suspendre les brevets pour des raisons de force majeure et à faire pression sur les laboratoires afin qu'ils produisent des médicaments moins chers. En pratique, cette possibilité est rarement utilisée, et c'est pourquoi les modalités de mise en œuvre de l'accord n'ont pas les conséquences importantes que vous croyez.

Les crédits de la mission « aide publique au développement », mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits de la mission « prêts à des Etats étrangers », mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Présidente - Nous avons terminé l'examen des crédits relatifs à l'aide publique au développement. Je rappelle que lorsque le débat en séance publique fait suite à un examen en commission élargie, le ministre ne prend pas la parole après les explications de vote. C'est la règle, et elle doit être respectée.

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Mme la Présidente - Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la recherche et à l'enseignement supérieur.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche - Puisque les crédits de la mission interministérielle de la recherche et de l'enseignement supérieur ont déjà été longuement examinés en commission élargie, mon propos sera bref.

Ce budget reflète notre grande ambition en la matière. La recherche est indispensable à l'avenir de notre économie et de notre société : il faut lui consacrer, ainsi qu'à l'enseignement supérieur qui en est indissociable, un effort budgétaire pour augmenter ses personnels et son efficacité.

Or, cet effort est à la hauteur des attentes : nous attribuons à la recherche un milliard de ressources publiques supplémentaires chaque année, et aurons donc atteint six milliards en 2007.

Cette année, l'effort se répartit entre l'augmentation des dotations budgétaires, à hauteur de 380 millions, les dotations au titre du compte d'affectation spéciale, pour un montant un peu inférieur, à l'Agence nationale de la recherche - qui, quelques mois seulement après sa création, est déjà parfaitement opérationnelle - et l'augmentation des dépenses fiscales à hauteur de 340 millions. Celle-ci est due à l'amélioration de mécanismes d'incitation comme le crédit impôt recherche, car si nous augmentons les moyens de la recherche publique, il faut aussi encourager la recherche privée.

Ce programme de grande ampleur préfigure le projet de loi d'orientation et de programmation de la recherche, qui vous sera soumis dans les prochaines semaines. Il est également favorable à l'enseignement supérieur, dont les dotations augmentent de 3% environ. Nous créons 1 100 emplois d'enseignants-chercheurs : c'est un effort considérable, qu'accompagnent des outils nouveaux comme l'agence d'évaluation de la recherche ou le Haut conseil de la science et de la technologie, chargés d'éclairer les grandes décisions des pouvoirs publics, ainsi qu'une simplification administrative longtemps attendue - allégement des contraintes sur les marchés publics, suppression le cas échéant du contrôle financier a priori des établissements. L'attractivité de la carrière de chercheur est accrue, tant nous avons besoin de vocations scientifiques.

Enfin, la coopération entre recherche militaire et recherche civile est harmonieuse et performante. Cette recherche « duale », qui concerne de nombreux organismes comme le Commissariat général à l'énergie atomique ou le CNES, est une de nos grandes réussites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Claeys - Pendant trois ans, l'ambition pour la recherche et l'enseignement supérieur n'a pas été au rendez-vous. Soyons objectifs, et attribuons au mouvement des chercheurs la prise de conscience - bien tardive - du Gouvernement sur cette priorité nationale.

Ce débat a lieu alors que l'on annule encore les crédits de certains organismes de recherche...

M. le Ministre délégué - Non !

M. Alain Claeys - ...et que les universités vont devoir voter leur budget, avec de si grandes difficultés que certaines n'y parviendront pas. En outre, nous sommes à quelques jours de la présentation en conseil des ministres de votre projet de loi sur la recherche.

M. Claude Goasguen - C'est une bonne chose !

M. Alain Claeys - La dotation globale aux universités est insuffisante : elles l'ont toutes clairement dit. Les charges patronales sur les heures complémentaires posent de nombreuses difficultés qui risquent de pénaliser les petites universités.

Quant aux contrats de plan, il existe un écart incontestable de 800 millions entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement qui empêchera de faire aboutir les engagements signés, notamment en matière de sécurité et de maintenance, à Jussieu entre autres.

Logement étudiant, droits d'inscription : les problèmes concrets des universités sont nombreux.

Sur les onze programmes de votre budget d'un milliard, vous savez bien, Monsieur le ministre, que le compte n'y est pas.

Le projet de loi que vous présenterez bientôt ne peut pas dissocier la recherche de l'enseignement supérieur. Comment faire une loi de programmation sur la recherche, sans s'interroger sur les universités ? Cette loi doit avoir six priorités : la démocratie - les chercheurs doivent être entendus et participer à la concertation - la réduction du nombre de gouvernances pour simplifier le système, la clarification des missions, une évaluation coordonnée, la garantie et la pérennisation des allocations de recherche et enfin, l'Europe.

Vous compliquez le système au point qu'avec cette usine à gaz que vous êtes en train de fabriquer, des organismes de recherche seront menacés. Est-ce là votre objectif ?

Les pôles de recherche et d'enseignement supérieurs étaient une bonne idée, défendue par les chercheurs et les universitaires, mais vous venez de créer les campus, qui conduiront les universités à sortir d'un certain nombre de pôles d'excellence !

Alors que 80% de la recherche se fait actuellement au sein des universités, vous ne leur donnez pas les moyens de remplir leur mission. Par ailleurs, il n'y aucune réflexion cohérente entre l'Agence nationale de recherche et les organismes de recherche.

Quant aux évaluations, je vous renvoie au rapport du CES sur leurs nécessaires objectivité et transparence.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas ce budget, et j'espère que, d'ici au débat que nous aurons en début d'année prochaine, vous aurez progressé sur ces questions.

Mme Anne-Marie Comparini - La France pourrait renforcer son attractivité scientifique, si elle accordait davantage de moyens à l'université et à la recherche, et si elle remédiait aux dysfonctionnements du système.

Comme le Gouvernement s'y était engagé, le budget 2006 est bien supérieur à celui des années précédentes. Des postes d'enseignants-chercheurs et de IATOS sont créés. Néanmoins, s'agissant d'un secteur stratégique, ils auraient dû s'inscrire dans une programmation pluriannuelle, afin de donner des perspectives aux jeunes et de faire passer le message qu'à chaque alternance, on ne repart pas de zéro.

Concernant les locaux, nous connaissons tous l'état de vétusté des campus. Le CPER se réalise bon an mal an, mais là aussi, nous aurions souhaité que vous prépariez dés à présent le futur programme de modernisation des campus. Il y a tant à faire pour que nos universités soutiennent la comparaison face aux universités étrangères !

Pour ce qui est des étudiants, l'application du rapport Anciaux sur les logements permet de rattraper le déficit chronique, mais l'augmentation des loyers impose d'aider les jeunes à financer leurs études. Je vous félicite de proposer des prêts bancaires à taux réduit, mais il serait aujourd'hui nécessaire, par exemple grâce à une charte, de mieux encadrer et indemniser les stages obligatoires en entreprises. Les jeunes font des études pour permettre à notre économie d'être compétitive, faisons en sorte qu'ils ne démarrent pas leur vie dans la précarité !

Cela étant, les moyens financiers ne suffisent pas à eux seuls à attaquer les racines du mal, et il convient d'améliorer l'organisation des universités et de la recherche, victimes de l'excès de cloisonnement, de la rigidité des statuts, du manque d'ouverture vers le privé, et de la lourdeur de gestion, comme le démontre le rapport de la Cour des comptes.

Voilà pourquoi le groupe UDF regrette que, pour la deuxième année consécutive, nous débattions d'un budget sans avoir étudié le projet d'orientation de la recherche. Le bon sens veut que les moyens financiers viennent après avoir défini les objectifs. Et en la matière, les questions ne manquent pas. L'émergence d'équipes jeunes et créatives est-elle assurée? L'indexation des allocations pour les doctorants rend-elle l'université plus attirante pour les jeunes chercheurs ? Un véritable parcours professionnel en leur faveur ne serait-il pas préférable ?

Nous nous abstiendrons donc en attendant que le projet de loi d'orientation de la recherche soit examiné. Cette abstention doit être interprétée comme une incitation à donner davantage de liberté et d'autonomie à un système trop centralisé.

M. Frédéric Dutoit - Par ce budget, vous confirmez votre politique de précarisation des emplois et de déstructuration des établissements de recherche ainsi que du réseau des universités.

Rejeté par la communauté scientifique, ce projet ne représente aucune avancée par rapport aux propositions gouvernementales de 2003, qui avaient déclenché le mouvement de la communauté scientifique. En tout cas, il ne s'appuie nullement sur les propositions issues des Etats généraux pour la recherche, dont il détourne l'esprit.

Vous êtes très loin des objectifs fixés à Lisbonne - 3% du PIB - et peu de moyens iront à la recherche publique - 75% des crédits sont affectés à la recherche privée et à l'innovation. Autrement dit, vous privilégiez une recherche rentable à court terme, au détriment de la recherche fondamentale.

Vous voulez mettre en concurrence des laboratoires de recherche et des personnels. Vous refusez de vous engager sur un plan pluriannuel de l'emploi. Vous promettez 3 000 postes pour 2006, mais il ne s'agit en vérité que de « recréer » des postes que vous aviez supprimés par ailleurs.

De surcroît, vous favorisez l'emploi précaire au détriment de l'emploi statutaire. Cela fait déjà de nombreuses années que la précarisation gangrène la recherche publique, et la qualité du travail scientifique en souffre particulièrement. Alors qu'aujourd'hui des pans entiers de projets scientifiques reposent sur des personnels à contrats temporaires, le non renouvellement des CDD provoque des ruptures dans la continuité du travail et des savoir-faire acquis. Cette situation impose de surcroît de relancer en permanence les procédures d'embauche, de formation. Que de temps gaspillé !

Une telle politique aura des conséquences graves sur la recherche de notre pays, victime à son tour de la privatisation rampante que vous avez déjà imposée à d'autres services publics.

Et pourtant, son objectif doit être non la rentabilité financière, mais la satisfaction de l'intérêt général. Il est donc crucial de défendre son autonomie, grâce au statut de service public.

Pis, la situation sociale très dégradée des étudiants ne fait l'objet d'aucune attention particulière. En cinq ans, les aides qui leur ont été attribuées n'ont augmenté que de 5%, alors que leurs dépenses obligatoires progressaient de 20% !

Bref, le bradage de l'enseignement supérieur et de la recherche publique se poursuit. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget.

M. Claude Goasguen - Les trois orateurs précédents se sont focalisés sur le problème de la recherche, tirant argument du fait que le projet de loi d'orientation sur la recherche n'ayant pas été examiné, il était difficile de voter les crédits. Le serpent peut se mordre la queue à l'infini si l'on raisonne ainsi ! le Gouvernement ne peut quant à lui que se féliciter de cet ordre du jour, puisque la perspective de cette prochaine loi lui a justement permis d'obtenir des crédits.

Il s'agit d'un bon budget, qui permet d'augmenter les crédits et les moyens en personnels.

S'agissant de l'université, rappelons que la recherche n'est pas sa seule vocation, et je souhaiterais que l'on aborde la question de son autonomie, surtout après les derniers événements.

Nous entendons souvent parler des procédures américaines dites d'affirmative actions qui permettent aux universités de mieux intégrer les étudiants souffrant de handicaps, que ceux-ci soient d'ailleurs physiques ou sociaux. La règle d'or sur laquelle nous nous fondons, comparativement, est presque discriminante. La question de l'autonomie des universités est directement liée à celle de la modernisation de nos structures. Je souhaite que nous puissions en débattre, sans pour autant engager une énième réforme de l'enseignement supérieur qui ne serait qu'un « machin » supplémentaire.

Vous devez en outre faire appliquer le principe général de l'évaluation dans l'enseignement supérieur et général, sur le plan pédagogique certes, mais également au-delà : il faut en effet organiser une véritable transparence dans la gestion des établissements et ne plus se contenter du classement du Point ou de L'Express : les étudiants doivent pouvoir juger en toute connaissance cause.

Il convient, de plus, d'améliorer l'orientation des étudiants de manière à ce que leurs parcours débouchent sur des emplois solides et rémunérateurs : telle doit être aujourd'hui l'ambition du service public de l'enseignement qui, sur ce plan-là, est très défavorisé.

Enfin, je vous incite, Monsieur le ministre délégué, à prendre davantage de pouvoir dans le secteur de l'enseignement (Sourires). En tant qu'inspecteur général et professeur d`université, j'ai le sentiment que l'enseignement secondaire a tout dévoré. J'en ai assez de voir nos universités sacrifiées, sans doute en raison des pressions budgétaires exercées par des personnels du second degré plus syndiqués. Le budget de notre enseignement supérieur est en effet plus réduit, par étudiant, que celui de nos voisins. Demandez la création d'une direction générale des finances pour l'enseignement supérieur et la recherche et la situation s'améliorera grandement ! Je connais la pratique des directeurs généraux des finances de la rue de Grenelle : ils ont les yeux très ouverts sur les budgets de l'enseignement primaire et secondaire mais leur acuité visuelle diminue dès qu'il s'agit de l'enseignement supérieur (Sourires). Donnez-leur les moyens d'y voir plus clair ! Vous l'aurez compris : je souhaite la création d'un ministère autonome. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances - M. Goasguen et M. le ministre ont eu raison de rappeler l'importance de l'évaluation. L'amendement 162 vise à supprimer le Comité national d'évaluation de la recherche, celui-ci devant être absorbé par la nouvelle Agence nationale de la recherche.

M. le Ministre délégué - Il s'agit d'une question pertinente. Certes, une nouvelle organisation de l'évaluation est en germe puisqu'un projet de loi sera prochainement présenté à l'Assemblée nationale ; le CNER sera en effet supprimé et ses missions seront reprises par l'ANR mais, dans l'immédiat, il convient d'attendre que cette agence soit affectivement créée, en 2006, avant de tirer toutes les conséquences budgétaires de la réforme. En l'état, il est prématuré de supprimer des crédits pour un organisme qui existe encore et je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement. Je m'engage, à l'issue de l'exercice de 2006, à dresser un bilan de la réforme car des moyens considérables sont alloués à la recherche et à l'enseignement supérieur et il convient que ceux-ci soient largement et correctement évalués afin de connaître la performance scientifique - et non économique, Monsieur Dutoit - de nos laboratoires.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - Compte tenu du décalage budgétaire, je suis d'accord pour accorder au Gouvernement une année supplémentaire à condition que la suppression du CNER soit effective dans le cadre du PLF pour 2007.

M. le Ministre délégué - Ce sera le cas.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - Dans ces conditions, je retire l'amendement.

L'amendement 162 est retiré.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances - L'amendement 163 vise à clarifier la maquette budgétaire. Il s'agit de rattacher les crédits relatifs aux musées regroupés dans l'action 13 du programme « formations supérieures et recherche universitaire » au programme « recherche culturelle et culture scientifique ». Ces crédits concernent notamment le Muséum d'histoire naturelle et le musée du quai Branly. Il semble d'ailleurs plus logique que la tutelle des musées soit assurée par le ministère de la culture plutôt que par le ministère de l'éducation nationale.

M. le Ministre délégué - Je salue le souci de clarification de M. Bouvard car nous sommes actuellement dans une phase de transition dans le cadre de l'application de la LOLF et je reconnais que les intitulés des missions et des programmes sont parfois trompeurs. Il est vrai que les établissements en question relèvent évidemment du programme « recherche culturelle et culture scientifique » mais le Muséum d'histoire naturelle et le musée du quai Branly accueillent également des équipes universitaires de chercheurs. Le lien entre la recherche universitaire et les collections abritées, en particulier par le Muséum, est très important. De la même façon, le musée du quai Branly accueillera des unités de recherches en provenance de divers organismes français et étrangers. Dans un souci de bonne administration, nous souhaitons donc le maintien de l'inscription actuelle des crédits. Je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement, même si, en effet, les missions des différents organismes de recherche devront être clarifiées, tout comme d'ailleurs les missions administratives.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Nous avons déjà eu l'occasion de nous entretenir de cette question avec M. le ministre, mais si je comprends parfaitement les explications concernant le Muséum d'histoire naturelle, pour lequel la recherche est une mission essentielle, je suis en revanche plus perplexe en ce qui concerne le musée du quai Branly. Comme un basculement brutal d'un programme à l'autre ne permettrait pas de poursuivre ce débat, je retire néanmoins cet amendement au bénéfice d'un travail commun entre les ministères concernés et la commission des finances afin que ces crédits figurent où ils le devraient.

La LOLF ne permet certes pas de déposer des amendements visant à transférer des crédits de mission à mission, mais je signale que les crédits de la direction de l'enseignement supérieur qui figurent actuellement dans la mission « enseignement scolaire » ont évidemment toute leur place dans la mission « recherche et enseignement supérieur ».

Je laisse le soin à M. Chartier de défendre l'amendement 164 que la commission a adopté.

M. Jérôme Chartier - Nous savons que l'enseignement supérieur privé participe du service public de l'enseignement supérieur. Or, les disparités de financement s'accentuent, y compris s'agissant des grandes écoles.

M. Pierre-Louis Fagniez - Exact.

M. Jérôme Chartier - L'excellente école qu'est l'Ecole centrale des arts et manufactures...

M. le Ministre délégué - En effet ! (Sourires)

M. Pierre-Louis Fagniez - Tout à fait.

M. Jérôme Chartier - ...bénéficie d'une aide de l'Etat de 12 000 euros par élève et par an. L'excellente école qu'est l'ESSEC bénéficie, elle, d'une aide de 852 euros par an et par élève. M. Raffarin, en 2002, s'était engagé à faire en sorte que chaque élève de l'enseignement supérieur privé puisse bénéficier d'un soutien de 1 000 euros, ce qui représente un effort supplémentaire de cinq millions sur cinq ans. Or, cette année, trois millions manqueront. L'amendement 164 tend donc à abonder de trois millions le budget de l'enseignement supérieur privé. Je vous remercie par avance, Monsieur le ministre, de bien vouloir soutenir cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Pierre-Louis Fagniez - Très bien.

M. le Ministre délégué - Je partage largement les préoccupations de M. Chartier : il est vrai qu'historiquement l'enseignement supérieur privé a été beaucoup moins soutenu que l'enseignement supérieur public.

M. Jean-Claude Lefort - Et vous ne trouvez pas ça normal ?

M. le Ministre délégué - Les crédits consacrés à l'enseignement supérieur privé augmentent puisqu'ils passent de 44,75 millions à 46,7 millions.

Je suis tenté de vous faire une contre-proposition : par redéploiement au sein même du programme, nous pourrions augmenter de deux millions les crédits de l'enseignement supérieur privé, soit une progression de 8,8% - et de 40% par rapport à 2003. Sinon, je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je remercie M. Chartier pour l'important travail qu'il a fait sur ce sujet. Il est normal que l'enseignement supérieur privé ne reçoive pas les mêmes aides que l'enseignement supérieur public, mais aujourd'hui le fossé est tel, les différences tellement graves, que des unités vont fermer ! Chacun reconnaît que l'enseignement supérieur privé a une contribution à apporter. La sagesse, Monsieur le ministre, nous conduit à préférer maintenir cet amendement. Tant d'engagements ont été pris depuis vingt ans qui n'ont pas été tenus que le Parlement a envie, aujourd'hui, de donner un signe fort.

M. Frédéric Dutoit - C'est complètement surréaliste ! M. Goasguen vient de nous expliquer que l'université publique manque cruellement de moyens, et on nous propose de faire un effort supplémentaire pour le privé ? La symbolique est forte ! Vous pouvez le nier, mais il est clair que la majorité veut mettre l'enseignement supérieur et la recherche au service des entreprises privées ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Claeys - Je suis ce sujet depuis de nombreuses années à la commission des finances, et je vous demande de rester prudents. Alors que les universités vont toutes être confrontées à des difficultés majeures pour élaborer leur budget pour 2006, c'est le moment que vous choisissez pour voter cet amendement ? C'est incroyable ! Inacceptable ! Certes, les universités sont calmes pour l'instant, mais il s'agit d'une véritable provocation !

M. Claude Goasguen - Ne vous trompez pas de siècle ! Le service public de l'enseignement supérieur s'exerce de manière différente dans le public et dans le privé, mais tous les deux y concourent. J'ajoute que l'enseignement privé coûte beaucoup moins cher au contribuable !

M. Jean-Claude Lefort - On n'a qu'à tout privatiser, alors !

M. Claude Goasguen - Bien sûr que non ! Mais je ne fais pas les mêmes distinctions artificielles que vous. Par exemple, je souhaite que les entreprises privées contribuent beaucoup plus au financement de l'enseignement public, ce que vous refusez !

M. Frédéric Dutoit - Non !

M. Claude Goasguen - L'enseignement supérieur privé est un formidable atout pour la France, et je voterai cet amendement sans rien renier de ce que j'ai dit tout à l'heure, car il est complémentaire.

Mme Anne-Marie Comparini - Nous soutenons également cet amendement. Il ne faut pas oublier que l'enseignement supérieur privé ne bénéficie pas d'une égalité de traitement avec les universités...

M. Jean-Claude Lefort - Encore heureux !

Mme Anne-Marie Comparini - ...En particulier, il n'a pas de contrats quadriennaux. Il a pourtant besoin de visibilité pour établir ses stratégies ! Nous aurions pu réclamer une planification quadriennale. Notre proposition est beaucoup plus modeste. Vous devriez garder la même mesure.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Pour replacer les choses dans leur contexte, il s'agit de déplacer 3 millions sur 369 ! Même après ce transfert, le programme resterait en progression par rapport à l'an dernier.

M. le Ministre délégué - Il faut en effet ramener les choses à de justes proportions. Les crédits de l'enseignement supérieur s'élèvent à 10 milliards et nous parlons de 3 millions ! Je regrette que vous ne vous ralliiez pas à ma proposition mais, contrairement à ce que vient de dire Alain Claeys, le budget de la recherche ne subit pas d'annulations de crédits. Ses ressources augmentent ! Ce que vous appelez des annulations recouvre exclusivement la modification de règles fiscales relatives à l'assujettissement à la TVA des dotations de l'Etat aux organismes de recherche. Quant aux charges patronales sur les heures complémentaires des établissements d'enseignement supérieur, c'est une conséquence directe de la LOLF ! Désormais, ces charges sont retracées dans le budget des universités au lieu de celui de l'Etat. Les crédits correspondants seront naturellement transférés. Il s'agit de questions strictement techniques. N'en faites pas de mauvais arguments politiques : les crédits de l'enseignement supérieur sont en hausse sensible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 164, mis aux voix, est adopté.

Les crédits de la mission « recherche et enseignement supérieur », mis aux voix, sont adoptés.

ART. 81

L'article 81, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Nous avons terminé l'examen des crédits relatifs à la recherche et à l'enseignement supérieur.

RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Mme la Présidente - Nous abordons l'examen des crédits relatifs aux collectivités territoriales.

M. Jérôme Chartier, suppléant M. Marc Laffineur, rapporteur spécial de la commission des finances pour les relations avec les collectivités territoriales et pour les avances aux collectivités territoriales - Les dispositions relatives aux collectivités territoriales de ce projet de loi de finances revêtent une importance particulière : l'année 2006 est en effet la deuxième de l'entrée en vigueur progressive des transferts de compétences résultant de l'acte II de la décentralisation, qui vise à donner aux collectivités plus de responsabilités et une place croissante dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Ces transferts représentent près de 10 milliards, dont plus de 7 pour les départements et 2,7 pour les régions. Dans cette période charnière pour les collectivités territoriales, qui doivent relever le défi d'une mutation profonde de leur rôle, le Gouvernement a eu à cœur de respecter scrupuleusement ses engagements.

Les relations financières entre l'Etat et les collectivités s'inscrivent dans un climat de confiance restauré.

M. Augustin Bonrepaux - Ah, non !

M. le rapporteur spécial suppléant - Ne commencez à m'interrompre, Monsieur Bonrepaux ! Le débat va être long, surtout avec le nombre d'amendements que vous avez déposés !

La confiance, donc, a été restaurée...

M. Bernard Derosier - C'est faux !

M. le Rapporteur spécial suppléant - ...par l'adoption de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 et de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Le nouveau « verrou » constitutionnel apporte aux collectivités territoriales des garanties sans équivalent jusqu'ici.

M. Augustin Bonrepaux - Il ne sert à rien !

M. le Rapporteur spécial suppléant - L'année 2005 a vu le commencement de la réforme majeure de la dotation globale de fonctionnement introduite par la loi de finances pour 2005 et la loi de programmation pour la cohésion sociale. Comme il s'y était engagé, le Gouvernement a remis un rapport au Parlement sur la mise en œuvre de cette réforme, qui fait apparaître une répartition de la DGF en 2005 globalement très satisfaisante et conforme aux objectifs poursuivis : une meilleure lisibilité de la répartition de la dotation forfaitaire et une amélioration de la péréquation, par la substitution du potentiel financier au potentiel fiscal et la réforme des règles de répartition des dotations de péréquation, qui sont désormais mieux ciblées sur les collectivités les plus défavorisées... dont l'Ariège !

M. Bernard Derosier - Attention, vous allez faire sortir l'ours du bois !

M. le Rapporteur spécial suppléant - La nouvelle DGF est donc plus claire et plus juste et il serait dommage que l'expression d'intérêts particuliers vienne perturber l'équilibre de cette excellente réforme. S'agissant de la dotation de solidarité urbaine - DSU -, après un an d'application de la réforme, trois ajustements nécessaires sont proposés à l'article 84 rattaché aux crédits de la mission. Enfin, je me félicite qu'à l'occasion de la première mise en œuvre de la LOLF, le Gouvernement ait tenu compte des préconisations de la représentation nationale.

La mission que nous examinons ce matin regroupe les concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales inscrits au budget du ministère de l'intérieur. Elle s'élève à 2,9 milliards, contre 2,8 milliards en 2005. Ces crédits sont essentiellement constitués de subventions et de dotations de fonctionnement et d'équipement liées ou non à des transferts de compétence. Ils sont répartis entre quatre programmes : un programme pour chacune des catégories de collectivités et un programme général.

Le montant et la répartition de la plupart des dotations qui entrent dans le périmètre de cette mission résultent de l'application mécanique de règles d'indexation et de critères législatifs ou réglementaires.

Concernant les autres concours, notamment la dotation globale d'équipement, - DGE -, l'Etat a voulu cette année mieux accompagner l'investissement public local en renforçant leur effet incitatif et en luttant contre le saupoudrage des crédits.

Par ailleurs, l'accent est mis à l'article 82 sur le maintien et le développement des services publics en milieu rural avec la création d'une enveloppe qui leur est spécialement consacrée au sein de la dotation de développement rural, DDR. Enfin, les concours particuliers de la dotation générale de décentralisation, la DGD, relatifs au financement des bibliothèques sont simplifiés à l'article 83.

Du reste, l'essentiel des concours de l'Etat aux collectivités est représenté par les prélèvements sur les recettes de l'Etat que la LOLF n'oblige pas à structurer en missions et programmes. En 2006, ces prélèvements s'établissent à 47,2 milliards, ce qui représente 74% de l'effort financier total de l'Etat en faveur des collectivités territoriales. Compte tenu de l'importance de ces concours, il était logique qu'ils soient soumis à des objectifs de performance, demande à laquelle le Gouvernement a accédé.

Si l'on considère maintenant l'ensemble des concours de l'Etat, ils représentent, hors fiscalité transférée, 64,5 milliards contre 61,4 milliards en loi de finances pour 2005.

Cette hausse de 5% s'explique d'abord par la reconduction en 2006 du contrat de croissance et de solidarité. En dépit d'un contexte budgétaire difficile, le Gouvernement a indexé ce contrat sur l'inflation majorée d'un tiers du taux d'évolution du PIB. Cet effort est d'autant plus remarquable que les dépenses de l'Etat sont, elles, indexées sur la seule inflation. Cette mesure garantit aux collectivités une grande prévisibilité de leurs ressources et témoigne du climat de confiance que le Gouvernement s'attache à instaurer entre l'Etat et les collectivités.

Ensuite, la DGF, principal concours de l'Etat aux collectivités territoriales, progresse en 2006 de 2,7%, soit de 1 milliard...

M. Bernard Derosier - ...pour deux milliards de charges supplémentaires !

M. Michel Piron - Il ne faut pas tout mélanger !

M. le Rapporteur spécial suppléant - Elle excédera plus de 38 milliards.

Autres causes de cette augmentation des concours de l'Etat : l'application de règles d'indexation propres à la plupart des dotations et l'apparition dans ce budget de compensations relatives aux réformes de la fiscalité locale, notamment la compensation de l'exonération de 20% de la part communale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties agricoles en faveur des agriculteurs exploitants pour un montant de 140 millions (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Par ailleurs, les crédits du programme « remboursements et dégrèvements d'impôts locaux », au sein de la mission « remboursements et dégrèvements », progressent de près de 2 milliards par rapport à 2005 pour financer le dégrèvement de taxe professionnelle au titre des investissements nouveaux. En 2006, l'Etat devrait se substituer aux contribuables locaux pour un montant supérieur à 12 milliards, et cette participation ira augmentant avec la réforme de la taxe professionnelle.

M. Augustin Bonrepaux - Ne présentez pas ça comme un cadeau ! La réforme de la taxe professionnelle va grever les finances locales !

M. le Rapporteur spécial suppléant - Puis, les compensations financières résultant de la décentralisation représentent 945 millions provenant de la TIPP pour les régions et 119 millions provenant de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances pour 2005 et 2006 aux départements. Quant à l'article 85, il tend à préciser la prise en charge financière des agents de l'Etat affectés dans un service transféré à une collectivité territoriale par les collectivités, prise en charge qui doit donner lieu à un abondement à due concurrence de la compensation fiscale.

Enfin, les crédits de la mission « avances aux collectivités territoriales » correspondent principalement à l'ancien compte d'avances sur impôts locaux, support budgétaire du versement des « douzièmes provisoires » aux collectivités territoriales. Ajoutons qu'à partir de 2006, ce support budgétaire servira également au recouvrement et au reversement de la part du produit de la TIPP affectée aux départements en compensation du transfert du RMI dans un souci de plus grande régularité et de prévisibilité des versements.

En conclusion, l'effort de l'Etat en faveur des collectivités territoriales est à la fois substantiel, très équilibré et conforme à tous les engagements pris par le Gouvernement.

M. Bernard Derosier - Vous ne croyez pas ce que vous dites !

M. le Rapporteur spécial suppléant - La commission vous invite donc à voter ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Derosier - Elle a tort !

M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la commission des lois - Par souci de cohérence, j'ai souhaité examiner les crédits de la mission « relations avec les collectivités territoriales » en tenant compte de l'ensemble des concours de l'Etat aux collectivités, c'est-à-dire les prélèvements sur recette et la gestion des impôts locaux. En outre, notons que les collectivités territoriales pourraient être invitées à s'inspirer de cette première application de la LOLF au budget de l'Etat qui permet plus de transparence pour un meilleur contrôle et une rationalisation des dépenses dans un objectif de performance. D'ailleurs, elles se sont déjà engagées dans cette voie avec les adaptations rendues nécessaires par l'introduction de la nomenclature comptable M14 ! L'Etat doit leur montrer l'exemple en veillant à l'équilibre budgétaire des dépenses d'exploitation, en couvrant l'annuité de la dette par des ressources propres et en réservant l'emprunt au financement de l'investissement direct. A cet égard, les réserves de nombreux élus locaux sur le bouclier fiscal s'expliquent par la peur de voir les collectivités servir de variable d'ajustement au moment même où la décentralisation est à consolider.

Tout d'abord, je tiens à souligner l'importance des compensations liées au transfert de compétences dans ce budget. Dès 2005, la commission consultative d'évaluation des charges a constaté que l'Etat tenait son engagement de compenser « à l'euro près » les nouvelles charges.

Principales caractéristiques de ce budget : une croissance soutenue et des dotations peu remaniées reposant sur un contrat de croissance et de solidarité en progression de 2,38%. En 2006, les collectivités recevront de l'Etat près de 80 milliards, hors certaines dotations d'équipement destinées à soutenir l'investissement public local.

S'agissant du Fonds de compensation de la TVA, les conditions d'éligibilité peuvent être encore élargie comme l'a préconisé le Conseil d'Etat dans sa décision du 27 juillet 2005, relative à l'éligibilité des immobilisations données à bail emphytéotique.

L'engagement de l'Etat sur la période 2000-2006 représente 17,5 milliards dans le cadre des contrats de plan Etat-régions et les fonds structurels européens 10,21 milliards. La DGF évoluera de 2,6% globalement pour s'établir à plus de 38 milliards.

La part dévolue aux communes et intercommunalités permettra d'asseoir la réforme intervenue en 2005, en privilégiant la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale qui doit augmenter de 120 millions par an jusqu'en 2009. La loi de finances consolide ce dispositif et instaure un mécanisme de sortie progressif pour les communes ayant perdu le bénéfice de la DSU. Quant à la dotation de solidarité rurale, DSR, elle progresse de 15%, soit l'équivalent de 80 millions. Quant à la péréquation entre collectivités inégalement dotées, elle permet de compléter la péréquation verticale à travers les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Si une étude du Commissariat général au Plan a souligné que les mécanismes de péréquation étaient plus efficaces depuis les réformes, il faut néanmoins observer que leur efficacité sur le long terme est liée au contrat de croissance et de solidarité et à son indexation.

Au total, ce budget stabilise et consolide les acquis de la réforme de la DGF mais il faudra veiller à ce que le taux de progression de cette dotation soit le plus proche possible de l'érosion monétaire retenue pour 2006. En outre, il conviendrait de retenir le critère de population pour les communes ayant des ZUS ou ZFU dès lors que leur potentiel financier n'est pas supérieur à celui d'un certain pourcentage de la moyenne de leur strate démographique. Enfin, une dotation « logement social » est effectivement créée, elle ne doit pas pénaliser les collectivités territoriales qui satisfont déjà largement l'obligation légale de l'article 55 de la loi de solidarité et renouvellement urbain ou s'inscrivent dans une démarche de conformité avec cette loi qui impose 20% de logements sociaux.

Le Gouvernement s'efforce enfin d'améliorer le partage des responsabilités. En matière d'équilibre budgétaire tout d'abord : l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités n'est pas sans répercussion sur le budget général, et l'accroissement des charges pesant sur les collectivités met en péril leur propre équilibre. Lors du dernier débat d'orientation budgétaire, il a ainsi été proposé d'instituer une conférence des finances publiques locales.

Cette initiative me semble bonne, pourvu qu'elle soit conduite en liaison avec le comité des finances locales et qu'elle débouche sur une contractualisation entre le Gouvernement et les associations d'élus, à l'instar du logement social. Par ailleurs, une évaluation des performances des interventions financières pourrait utilement servir de point de départ. A ce titre, notons que la comptabilité publique prépare une consolidation des données comptables et financières des collectivités locales.

Mais la nécessité de mieux partager les responsabilités doit également s'appliquer à l'intercommunalité. Son budget, qui représente environ 17 milliards, croît en moyenne de 7% par an depuis 1998, en dépit de la baisse de 18% du nombre des structures existantes. La plupart des intercommunalités sont, en effet, récentes, donc en pleine maturation : elles continuent à créer des services supplémentaires. Le rapport de la Cour des comptes souligne toutefois la possibilité de faire mieux pour un coût équivalent.

Si des mesures législatives ont tenté de remédier aux difficultés rencontrées par les structures intercommunales en matière d'intérêt communautaire et de périmètre, il conviendrait d'aller plus loin.

Enfin, l'impératif de partage des responsabilités devra guider la réforme de la taxe professionnelle. Face à l'impossible équation posée par la réforme de l'assiette, mise en lumière par la commission Fouquet, l'option retenue par le Gouvernement se limite à un plafonnement de la TP. Pour ne pas pénaliser rétroactivement les collectivités qui auraient déjà augmenté leurs taux, le dispositif n'entrerait en vigueur qu'à partir de l'imposition établie au titre de l'année 2007.

Cela étant, les élus redoutent que la mise en place d'une recette garantie mais non modulable aboutisse à une perte d'autonomie financière et à une remise en cause de leur pouvoir fiscal. Et ils n'ont pas tort !

Interrogeons-nous également sur l'évolution de la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui croît souvent dans des proportions considérables. Peut-être serait-il souhaitable de différencier l'évolution du taux selon qu'il relève de l'activité ou de l'habitat ?

Votre budget appelle donc, Monsieur le ministre, un certain nombre de réserves et de suggestions. Nous apprécions toutefois à sa juste valeur le soutien apporté par l'Etat aux collectivités locales. Vous ne vous étonnerez donc pas que la commission des lois émette un avis favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial de la commission des finances pour les remboursements et les dégrèvements - La mission « remboursements et dégrèvements », créée en application de la LOLF, ne correspond pas à un champ d'action précis : elle retrace des sorties de fonds, soit sous forme de décaissements mécaniques qu'on peut analyser comme de pures modalités de recouvrement d'impôts, soit sous forme de remboursements volontaires qui sont destinés à soutenir les ménages ou les collectivités locales.

Je me contenterai d'aborder les 13,4 milliards d'impôts locaux payés par l'Etat, au lieu de 10,2 milliards en 2004. Pareille augmentation résulte des remboursements d'impôts non payés par les entreprises, les versements correspondant à ceux des ménages restant stables.

Soulignons que ces remboursements et dégrèvements demeurent largement méconnus de nos concitoyens, mais aussi des élus locaux. Maire d'une commune, j'ignore ce que l'Etat paie au nom des contribuables.

L'Etat est en effet le premier contribuable local de France : en 2006, il reversera 7,2 milliards de compensation au titre de la taxe d'habitation et 2,2 milliards au titre de la taxe professionnelle. Le Trésor Public prend ainsi en charge une partie des impôts alimentant les collectivités, pour des motifs tenant à la faiblesse des revenus, à des pertes de récoltes agricoles ou aux efforts d'investissement nouveaux consentis par leurs entreprises.

Le contribuable ignore pourtant ces mouvements de fonds car il n'a connaissance que du montant qu'il a à payer. Cette situation altère la nature du consentement à l'impôt local et permet aux collectivités locales d'augmenter allègrement leurs taux sans incidence sur le contribuable, grâce à la compensation versée par l'Etat.

De tels dégrèvements servant d'instrument - aussi puissant que coûteux - au soutien des collectivités territoriales, il est regrettable qu'ils soient présentés sous la forme de simples opérations comptables, confondues dans la masse des 68 milliards de remboursements et dégrèvements prévus pour 2006. Est-ce bien conforme à la philosophie de la loi organique ? Ont-ils leur place dans cette mission dépourvue de responsable ?

Il me semblerait préférable de les inscrire dans la mission « relations avec les collectivités territoriales », mais aussi de les détailler davantage et de les porter à la connaissance des collectivités concernées. Ils se trouvent aujourd'hui dans l'angle mort de la présentation budgétaire !

Au nom de la commission des finances, je forme donc le vœu que ces changements puissent prendre effet dès l'an prochain. Il faudrait également y ajouter les dépenses administratives induites, sans oublier de mentionner les effectifs mobilisés. On ignore en effet quelle charge de travail ces opérations occasionnent, Bercy s'étant contenté de me répondre qu'elles font partie du travail normal des agents. Or, je ne doute pas qu'elles coûtent fort cher !

S'agissant enfin du montant en valeur absolue des dégrèvements, nous ne disposons que des évaluations réalisées par le ministre des finances. Il conviendrait de mieux informer le Parlement sur les méthodes employées et sur la marge d'erreur.

Sous réserve de ces commentaires, je vous propose d'approuver les crédits de la mission « remboursements et dégrèvements » consacrés aux collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Le Guen - Je voudrais commencer par remercier le Gouvernement pour ses efforts en faveur de la ruralité. Si l'actualité oriente tous les regards du côté de la ville et de ses banlieues, n'oublions pas les réelles difficultés économiques et sociales que connaissent les communes et les départements ruraux.

Les collectivités locales sont-elles bien traitées dans ce budget ? Les crédits qui leur sont consacrés représentent environ un cinquième du budget général de l'Etat. Alors que les dépenses sont en principe soumises au principe de la croissance zéro en volume, il faut se féliciter que les règles d'indexation du contrat de croissance et de solidarité - inflation plus 33% du PIB pour l'enveloppe normée - soient reconduites en 2006.

Il s'agit d'un effort considérable de la part de l'Etat, la DGF progressant ainsi de 2,73%, soit 1,5 milliard supplémentaire.

S'agissant de la régularisation de la DGF, on assiste chaque année au même débat : faut-il ou non la verser immédiatement aux collectivités ? Il me semblerait préférable de consacrer le montant de cette régularisation à la péréquation, au lieu du saupoudrage généralisé qui prévaut d'ordinaire.

L'affectation de cette régularisation à la péréquation permettra non seulement d'assurer la croissance de la DSU, mais bénéficiera aussi aux communes et EPCI ruraux à travers la dotation de solidarité rurale, qui progressera d'environ 15%.

La réforme de la DSR est une bonne chose. Elle facilitera le maintien des services publics en milieu rural. Rendre les communes isolées éligibles à la seconde fraction de la DSR est une bonne initiative.

Je voudrais maintenant évoquer la réforme de la taxe professionnelle.

Lorsque le Gouvernement précédent a décidé de supprimer la part salariale de la taxe professionnelle, cette décision a eu pour conséquence d'augmenter le poids des redevables imposés sur une assiette valeur ajoutée par rapport à ceux imposés sur les autres bases traditionnelles. C'est bien entendu le secteur industriel qui en a été la première victime, puisque c'est sur lui que pèse l'essentiel de la TP. Seconde conséquence : la taxe professionnelle reposant depuis sur la seule base investissement, elle devient pour les entreprises taxées au droit commun, c'est-à-dire sur le capital, un nouvel obstacle à l'investissement.

Un troisième phénomène est venu pénaliser les entreprises, notamment celles qui étaient plafonnées à la valeur ajoutée. En effet, le plafonnement à la valeur ajoutée n'a pas fonctionné correctement, au point que certaines entreprises étaient imposées réellement à près de 8%.

La commission Fouquet a alors fait des propositions, qui bouleversaient profondément la répartition des bases de TP sur le territoire. Je ne cache pas qu'elles effrayaient un peu l'élu de province que je suis, car les simulations mettaient en évidence que le grand gagnant d'une telle réforme aurait été la région parisienne, en raison de la concentration d'entreprises du secteur tertiaire. Le mécanisme de compensation ressemblait à une usine à gaz et le tout se traduisait surtout par de gigantesques transferts de charges entre entreprises.

La réforme de la taxe professionnelle engagée par le Gouvernement est-elle raisonnable et équilibrée ? Elle est raisonnable, parce qu'au lieu de se lancer dans une réforme qui devrait s'étaler sur dix ans, elle répond immédiatement aux deux principaux défauts de cet impôt. Elle pérennise le dégrèvement au titre des investissements nouveaux et plafonne la taxe professionnelle à 3,5% de la valeur ajoutée.

Est-ce pour autant une bonne affaire pour les collectivités ?

M. Augustin Bonrepaux - Non !

M. Jacques Le Guen - Il faut comprendre les inquiétudes des élus locaux qui ne connaissent pas la structure de leur base de taxe professionnelle. Qu'en est-il exactement des collectivités qui se trouveront confrontées à une forte proportion de bases plafonnées à la valeur ajoutée ? 2% des communes et 0,6% des EPCI auraient plus de 90% de leurs bases plafonnées à la valeur ajoutée. C'est dire que ces collectivités perdent toute marge de manœuvre sur la taxe professionnelle.

M. Augustin Bonrepaux - Absolument !

M. Jacques Le Guen - En dehors de l'Ile-de-France, le pourcentage de bases plafonnées est, pour la quasi-totalité des départements, supérieur à 50%. C'est-à-dire que pour une augmentation équivalente de taux, le produit attendu est désormais divisé par deux. Pour la Bretagne par exemple, 51,29% des bases des entreprises sont désormais plafonnées. Je crains que les communes rurales soient les plus pénalisées par ce plafonnement. Il ne faudrait pas en tout cas que ce plafonnement conduise les communes ou groupements à devoir augmenter la fiscalité pesant sur les ménages ou à avoir recours à la fiscalité mixte.

M. Jean-Pierre Balligand - C'est vrai.

M. Jacques Le Guen - Président d'une communauté de communes ayant opté pour la TPU, je ne sais pas quel est aujourd'hui le pourcentage de ma base de TP qui sera plafonnée.

Si certaines communes ou communautés n'ont pas été vertueuses, il ne faudrait pas aujourd'hui pénaliser toutes les collectivités !

M. Jean-Pierre Balligand - Très bien !

M. Jacques Le Guen - Je remercie le Gouvernement pour sa volonté de transparence et la rapidité avec laquelle il a accepté de communiquer à la représentation nationale quelques éléments chiffrés pertinents au niveau des communes et de l'intercommunalité.

M. Augustin Bonrepaux - Nous avons plutôt eu du mal à les obtenir !

M. Jacques Le Guen - Avec des bases de taxe professionnelle plafonnées à plus de 50%, il me semble essentiel de trouver un dispositif qui préserve les marges de manœuvre des collectivités ou groupements les plus fortement pénalisés.

Une autre difficulté tient au choix des taux 2004 au lieu de 2005, lequel pénalisera les collectivités qui ont augmenté leurs taux en 2005. Je soutiens donc la position équilibrée de M. Carrez consistant à retenir les taux de 2004 majorés d'un pourcentage représentatif d'une évolution raisonnable des taux en 2005.

Je voudrais aussi évoquer la réforme du foncier non bâti.

Alors que beaucoup la croyaient enterrée, le Premier ministre a annoncé à Rennes, en septembre dernier, que la taxe sur le foncier non bâti acquittée pour les terres agricoles par les agriculteurs diminuerait dès 2006 de 20%. Il faut bien voir que cette taxe est inéquitable, notamment en ce qu'elle décourage les éleveurs de se lancer dans des élevages extensifs et en ce qu'elle favorise trop les élevages intensifs et la production hors sol. Mais elle constitue aussi pour bon nombre de communes une recette non négligeable. Or, le système retenu aboutit à ce que la compensation versée par l'Etat aux communes soit calculée selon le taux constaté dans la collectivité en 2005. En théorie, l'assiette peut continuer à évoluer, mais dans la pratique je ne vois pas comment les bases du foncier non bâti pourraient effectivement progresser et je crains donc que le dispositif ne fige le produit des communes rurales. Seul le dégrèvement à hauteur de 20% des cotisations serait neutre pour les collectivités locales. J'espère que nos collègues sénateurs trouveront une solution plus favorable aux communes rurales.

M. Jean-Pierre Balligand - On s'en occupe !

M. Jacques Le Guen - Dernier point de mon intervention : le plafonnement fiscal.

Le plafonnement à 60% des revenus de l'ensemble des impôts est une réforme importante. Fallait-il y inclure les impôts locaux ?

M. Augustin Bonrepaux - Non.

M. Jacques Le Guen - Oui, sans aucun doute, car on sait que les bénéficiaires du dispositif ne seront pas uniquement les gros revenus. Et je me félicite que le Gouvernement ait accepté l'amendement de MM. Carrez et Mariton qui fait que l'Etat prendra en charge entièrement le coût du plafonnement des impôts à 60% des revenus, lorsque le dépassement de ce seuil ne sera pas dû aux impôts locaux.

Je regrette qu'une fois de plus on ait fait l'impasse sur la question de la révision des valeurs locatives. Si l'on admet qu'il est impossible de procéder à une révision nationale des valeurs locatives cadastrales, compte tenu des importants transferts de charges, ne pourrait-on pas confier l'actualisation permanente des valeurs locatives aux collectivités territoriales ?

Au-delà de mes différentes interrogations, l'adoption de plusieurs amendements importants et surtout l'amélioration de l'information du Parlement sur les incidences de l'ensemble des réformes engagées font qu'aujourd'hui les collectivités locales peuvent être rassurées. Ces réformes préservent leur autonomie financière tout en améliorant la situation des entreprises et des ménages. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 55.

              La Directrice du service
              du compte rendu analytique,

              Catherine MANCY


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