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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 31ème jour de séance, 71ème séance

1ère SÉANCE DU LUNDI 21 NOVEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD

vice-présidente

Sommaire

      FIN D'UNE MISSION TEMPORAIRE 2

      LOI DE FINANCES POUR 2006 -deuxième partie- (suite) 2

      VILLE ET LOGEMENT 2

      CONVOCATION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 37

      ADOPTION D'UNE RÉSOLUTION 38

La séance est ouverte à neuf heures trente.

FIN D'UNE MISSION TEMPORAIRE

Mme la Présidente - Par lettre du 10 novembre 2005, M. le Premier ministre m'a informée que la mission temporaire confiée à M. Laurent Wauquiez, député de la Haute-Loire, avait pris fin.

LOI DE FINANCES POUR 2006 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006.

VILLE ET LOGEMENT

Mme la Présidente - Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la ville et au logement.

M. François Grosdidier, rapporteur spécial de la commission des finances pour la rénovation urbaine et pour l'équité sociale et territoriale et le soutien - Malgré vingt-cinq années de politique de la ville, les quartiers sensibles ont connu de telles violences que le Gouvernement a dû recourir à des moyens exceptionnels pour rétablir l'ordre républicain. Selon l'extrême droite, la politique de la ville ne servirait donc à rien et devrait être supprimée. Selon la gauche, elle souffrirait au contraire d'une réduction de ses moyens. Ces deux thèses doivent être réfutées, même si une interprétation des déclarations du Premier ministre a semblé un instant accréditer la seconde.

Suffirait-il d'augmenter les crédits disponibles ? J'en doute, tant la politique de la ville pâtit de faiblesses intrinsèques. Depuis vingt ans, les associations bénéficient ainsi de véritables délégations de service public sans cahier des charges ni évaluation. Et surtout l'on demande à cette politique de combler toutes les carences dont ont souffert des territoires entiers vingt ans durant : prévention spécialisée, anti-éducative, lorsqu'elle tenait un discours de victimisation des délinquants plutôt que de responsabiliser les jeunes et leurs familles ; idéologie du collège unique et de l'interdiction d'interdire, qui empêchait de prendre en compte la diversité des niveaux, sacrifiant toute une génération d'enfants ; politiques de l'autruche face aux problèmes de l'emploi et de la formation, de la discrimination à l'embauche, ou de l'économie souterraine ; police de proximité consistant à aligner les emplois-jeunes au détriment du taux d'élucidation...

M. Jean-Louis Dumont - Caricature !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - Depuis notre arrivée aux affaires, et sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, nous avons mobilisé comme jamais policiers, gendarmes, et avec le GIR, douaniers et services fiscaux.

M. Jean-Pierre Blazy - On voit le résultat !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - C'est d'abord parce qu'ils se sont attaqués au cœur de l'économie souterraine qui pourrit la vie de quartiers entiers que les émeutes ont éclaté en Seine-Saint-Denis ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Selon certains, cette violence serait la conséquence du chômage et de la baisse des crédits accordés aux associations, mais comment expliquer alors que, sous Jospin, en pleine embellie de la conjoncture internationale et du recours aux emplois aidés au bénéfice des associations, les crimes et délits aient augmenté de 15 %, alors que sous Raffarin, malgré la mauvaise conjoncture et la réduction des emplois aidés, la délinquance a baissé de 8 % ?

Comment expliquer encore que ces événements éclatent au moment même où le plan Borloo commence à porter ses fruits ?

La délinquance est le fait des voyous car on n'incendie pas des voitures ou des écoles pour appuyer une revendication sociale.

Qu'avons-nous fait depuis trois ans ?

Pour ce qui est de l'urbain, sous l'impulsion de Jean-Louis Borloo, nous avons engagé un programme de rénovation urbaine sans précédent dans 240 quartiers. Ce volet « urbain » a pris une ampleur nouvelle avec le Plan de rénovation urbaine qui permet, grâce à l'ANRU, de modifier le visage des quartiers.

D'ici à 2011, 250 000 logements sociaux, situés dans des zones urbaines sensibles, seront ainsi démolis puis reconstruits, et 400 000 autres seront réhabilités. Entre 2004 et 2011, huit milliards auront été consacrés au PNRU, et 30 milliards en tenant compte de l'effet de levier.

L'ANRU a examiné, au 26 septembre 2005, 131 projets couvrant 240 quartiers, pour un total de 15 milliards - dont 4,8 milliards de subventions de l'ANRU. Ces projets représentent 61 700 démolitions, 58 700 constructions et 112 000 opérations de réhabilitation.

Ce n'est que de l'urbain, nous dira-t-on. Alors, parlons de l'« humain ». Jean-Louis Borloo et Catherine Vautrin se sont attaqués aux maux en profondeur, en développant les zones franches urbaines, en lançant un programme de « réussite éducative » doté de crédits importants et proposant une nouvelle approche individualisée des élèves en difficulté, et en s'appuyant sur la DSU pour renforcer la politique sociale dans nos quartiers.

Pour ce qui est de l'emploi, le plan de cohésion sociale porte ses fruits. La gauche prétend que l'amélioration de la situation de l'emploi serait factice, mais comment croire que les contrats d'avenir ou les contrats d'accompagnement vers l'emploi seraient sans effet, alors que les CES et autres emplois-jeunes auraient quant à eux été efficaces ? C'est ridicule.

Les « équipes emploi-insertion », qui facilitent l'accès à l'information sur l'emploi et la formation, ont vocation à s'intégrer dans les « maisons de l'emploi ».

Enfin, les entreprises installées dans une zone franche urbaine bénéficieront d'exonérations de charges sociales et d'exonérations fiscales pour plus d'un demi-milliard en 2006. Le Premier ministre a annoncé la création de quinze nouvelles ZFU, ce qui portera leur nombre à 100 et je rappelle que ce dispositif impose aux entreprises de recruter la moitié de ses salariés parmi les habitants des zones sensibles.

La gauche explique la violence, au risque de la légitimer, par un recul de la prévention et par une baisse des moyens accordés aux associations...

M. Jean-Pierre Blazy - Nous n'avons jamais légitimé la violence !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - Outre qu'il n'y a aucun lien de cause à effet, les moyens n'ont pas diminué, au contraire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ah bon ?

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - Je rappelle à cet égard que la prévention spécialisée relève des départements, et que les conseils généraux n'ont pas réduit leurs efforts en la matière. S'agissant des actions d'animation des quartiers, de médiation, d'intégration ou de socialisation des publics, nous avions certes diminué de 40 millions les crédits du FIV, mais nous avons augmenté de 120 millions la DSU versée aux communes pour les mêmes objectifs.

M. Denis Jacquat - Très juste !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - La décision du Premier ministre de porter le FIV de 106 à 190 millions tout en poursuivant l'augmentation annuelle des crédits de la DSU, représente donc un effort sans précédent pour la politique de la ville. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les crédits du dispositif « réussite scolaire » augmenteront de plus de moitié en 2006, pour atteindre 99 millions ; 195 projets sont aujourd'hui en place, et il y en aura 515 en 2006. Par ailleurs, 25 internats de réussite éducative seront créés.

Les crédits alloués au dispositif « adultes-relais » doublent presque, passant à 83 millions, et le nombre d'emplois-relais devrait passer de 3 000 à 6 000.

L'augmentation des crédits nous impose d'optimiser leur utilisation et d'en rendre mieux compte. L'évaluation de la politique de la ville a longtemps été déficiente, mais Jean-Louis Borloo, puis Catherine Vautrin, ont travaillé à sa clarification. D'autre part, la LOLF renforce le caractère interministériel de la politique de la ville, grâce à un « document de politique transversale » qui reconnaît à la Délégation interministérielle à la ville et aux deux programmes qu'elle gère le rôle de chef de file par rapport aux autres ministères. Outre une meilleure coordination des actions, ce dispositif permettra de mieux appréhender les problèmes propres à la ville.

Le calendrier du PNRU, programme national de rénovation urbaine, est tenu, mais les dispositifs « équipes de réussite éducative » et « adultes relais » rencontrent davantage de difficultés, du fait de la notification tardive de 190 postes supplémentaires et de la complexité du système. Il s'agit de fait d'une démarche nouvelle, qui repose sur un large partenariat et exige un diagnostic approfondi des difficultés et des ressources, ce qui explique qu'elle ait été longue à lancer et que les engagements en 2005 aient été inférieurs aux prévisions. Mais les gels de crédits en cours d'année sont délicats à gérer, même dans un contexte budgétaire contraint. On pourrait imaginer que la nouvelle Agence pour l'égalité des chances annoncée par le Premier ministre permette de sécuriser les financements.

Selon le « jaune », 7,213 milliards seront consacrés à la politique de la ville en 2006, soit 13,1% de plus qu'en 2005. En dehors de la mission « ville et logement », les contributions des missions des autres ministères s'élèvent à près de 3 milliards, celles des fonds européens à 222 millions, de la Caisse des dépôts à 135 millions, et des collectivités locales à plus d'un milliard.

La plupart des remarques du rapport d'information de la MILOLF ont été prises en compte, mais il faut encore préciser la stratégie et les objectifs et mieux définir les indicateurs.

Enfin, la politique de la ville doit se recentrer sur ses missions essentielles. Très critiquée par la Cour des comptes en 2002, elle a évolué depuis, même si beaucoup reste à faire. Le maire doit en devenir le pilote reconnu, notamment grâce à la montée en puissance de la DSU.

Nous devons par ailleurs redéfinir le rôle des associations.

La politique de la ville ne doit plus se concevoir comme la mise en œuvre de dispositifs verticaux et coûteux, mais elle doit tendre vers la mobilisation dans les zones sensibles des structures et des dispositifs de droit commun.

Evaluer est plus que jamais nécessaire, et la LOLF nous permettra de mesurer les performances. Grâce au travail de l'Observatoire national des ZUS, sous la direction du préfet Bernadette Malgorn, nous disposons pour la première fois cette année d'une véritable évaluation.

Au nom de la commission des finances, je vous propose d'adopter les deux programmes relatifs à la politique de la ville (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Grosdidier, suppléant M. François Scellier, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'aide à l'accès au logement et pour le développement et l'amélioration de l'offre de logement - Depuis 2002, le Gouvernement a mené de nombreuses réformes pour répondre à la crise du logement, qu'il s'agisse du dispositif Robien, du prêt à taux zéro ou de la relance de la construction de logements sociaux, dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale. Le projet de loi portant engagement national pour le logement, actuellement en discussion devant le Parlement, devrait notamment permettre de mobiliser du foncier et de moderniser le statut des bailleurs sociaux.

Le présent projet s'inscrit parfaitement dans le cadre de cette politique volontariste : en 2006, le budget du logement s'élèvera à 6,33 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 6,35 milliards en crédits de paiement.

En appliation de la loi organique relative aux lois de finances, il se décompose en deux programmes : le programme « aide à l'accès au logement », doté de 5 114 millions, et le programme « développement et amélioration de l'offre de logement », doté de 1 231 millions de crédits de paiement.

A périmètre constant, c'est-à-dire en tenant compte des crédits qui auraient été inscrits si le PTZ n'avait pas été transformé en dispositif fiscal, les dotations sont stables. En revanche, l'effort financier global en faveur du logement progresse fortement grâce à une forte hausse des dépenses fiscales - de 9,6 %.

Ce budget permet au Gouvernement de financer ses priorités.

Afin d'aider les ménages à faire face à leurs dépenses de logement, la dotation de l'Etat aux aides personnelles au logement s'élèvera à 5,1 milliards. Elle permettra en particulier de revaloriser de 1,8 % les loyers-plafonds. En 2004, six millions de ménages ont bénéficié de ces aides personnelles.

L'Etat soutiendra également les associations dispensant l'information sur le logement et accompagnant les publics en difficulté : elles bénéficieront de 7,51 millions d'autorisations d'engagement et de 7,65 millions de crédits de paiement.

Afin de donner une impulsion nouvelle à la construction de logements sociaux, la loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu la construction de 500 000 logements entre 2005 et 2009, hors programme de rénovation urbaine. Le logement social devrait ainsi bénéficier au cours de cette période de 2,37 milliards d'AE et de 2,76 milliards de CP. Le projet de budget est conforme à ce programme ambitieux en prévoyant une dotation de 482 millions en autorisations d'engagement, soit une augmentation de 9,05 % par rapport à 2005, et de 535 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 15,05 %. Ces augmentations viennent après celles enregistrées l'an passé, de 22 et de 61 % respectivement. Ces crédits permettront la construction de 100 000 logements locatifs sociaux en 2006, contre 56 288 en 2002 et 83 000 en 2005. Je salue cette relance sans précédent.

Ces crédits seront complétés par un ensemble de mesures visant à améliorer les conditions de financement du logement social et à faciliter la mise à disposition de terrains à bâtir aux organismes HLM, dans le cadre de l'engagement national pour le logement.

M. Jean-Louis Dumont - Allez à Bordeaux ! Vous verrez le travail d'un opérateur privé !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial suppléant - Les mesures en faveur de la mobilisation du foncier me paraissent primordiales car les difficultés rencontrées dans ce domaine, notamment en Ile-de-France, constituent un obstacle majeur à la construction de logements locatifs.

Autre priorité, l'amélioration de l'habitat privé. La loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu de renforcer les moyens de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat afin de financer, en plus de son programme actuel, 200 000 logements à loyers maîtrisés entre 2005 et 2009, et de contribuer à la remise sur le marché de 100 000 logements vacants sur la même période. L'ANAH sera dotée de 480 millions d'euros en AE et de 385 millions d'euros en CP. Elle bénéficiera, en outre, du produit de la taxe sur les logements vacants à hauteur de 25 millions d'euros. Grâce aux aides de l'ANAH, plus de 35 000 logements privés à loyers maîtrisés seront produits en 2006, et environ 16 000 logements vacants seront remis sur le marché locatif. L'Agence subventionnera également le traitement de près de 39 000 logements indignes.

Favoriser l'accession sociale à la propriété constitue également une priorité du Gouvernement.

M. Jean-Louis Dumont - Voilà qui est bien !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial suppléant - La réforme du PTZ dans le PLF pour 2005 a permis d'étendre ce dispositif aux logements anciens et d'en améliorer les barèmes. Le nombre de primo-accédants aidés devrait donc doubler, passant de 100 000 en 2004 à plus de 200 000 en 2006. Le dispositif représentera une dépense fiscale de 515 millions d'euros en 2006 et montera progressivement en puissance pour s'élever à 1,4 milliard en 2010. Afin de favoriser encore davantage l'accession à la propriété, le PLF prévoit de relever les plafonds de revenus dans les agglomérations où le marché est très tendu. De plus, le projet de loi portant engagement national pour le logement prévoit d'appliquer le taux réduit de TVA de 5,5 % aux opérations d'accession réalisées dans le cadre d'un projet de rénovation urbaine.

Enfin, la lutte contre l'habitat indigne bénéficiera de 20 millions en AE et de 18 millions en CP. Ces crédits permettront de financer le dispositif de lutte contre le saturnisme infantile et les opérations de résorption de l'habitat insalubre.

Le Gouvernement a abordé la politique du logement de façon globale en améliorant les différents dispositifs et en en développant de nouveaux afin de rendre la politique du logement plus efficace, plus juste et plus adaptée aux besoins réels des Français. La commission des finances a donc approuvé les crédits des programmes « aide à l'accès au logement » et « développement et amélioration de l'offre de logement » en adoptant ceux de l'ensemble de la mission « ville et logement ». Je vous invite, avec François Scellier, à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Blazy - Et les amendements du Gouvernement, la commission les a adoptés ?

Mme Annick Lepetit - Quel folklore !

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la rénovation urbaine et pour l'équité sociale et territoriale et le soutien - Quelle image notre pays vient-il de donner ? Nous nous sommes pris une gifle magistrale, une de ces claques dont on se souvient longtemps.

M. Jean-Pierre Blazy - Une claque sans précédent.

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis - Nous avons fait de nos banlieues des lieux sans vie. Nous avons laissé délirer et fantasmer nos architectes et nos urbanistes.

M. Jean-Louis Dumont - Et nos bétonneurs !

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis - Qu'ont-ils construit en guise d'habitations ? Des tours, des barres et des cubes de béton, la même boîte pour tout le monde, un habitat sans charme, déshumanisé. Autour ? Du vide. Pas de commerces, pas de services publics, pas d'espaces verts. C'est ce vide qui a produit la désespérance, ce vide de services publics, d'entreprises et donc d'emplois. Telle est la réalité de nos quartiers depuis presque quarante ans. Quel terreau fertile pour la haine ! Quel échec aussi pour la politique de la ville ! Aujourd'hui, la France saisit tout le sens du mot « banlieue », cet endroit où l'on mettait les indésirables à distance, au « ban » de la ville et de la société.

Pour sortir de cette impasse, il n'y a pas plusieurs voies : il n'y a que celle de la rénovation urbaine, dessinée par la loi du 1er août 2003 portant création de l'ANRU...

M. Jean-Louis Dumont - Attention à ses dérives !

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis - ...et qui doit favoriser la mixité sociale, laquelle passe par l'architecture et l'urbanisme. Il nous faut un Haussmann du XXIe siècle, quelqu'un qui ait le courage de dessiner de nouvelles villes, et surtout pas des villes nouvelles, quelqu'un qui ait l'honnêteté de dire aux gens qui habitent ces cités qu'il est possible de leur offrir mieux. Pour réussir ce pari, l'argent est évidemment important, mais il n'est rien sans volonté politique car, pour reconstruire une, dix, cent banlieues, il faudra déplacer des montagnes, passer outre toutes les craintes. C'est une entreprise qu'il faudra affronter avec courage, sinon nous nous retrouverons encore face à des violences urbaines, et peut-être plus encore.

Ce budget va dans le bon sens, surtout du point de vue de la rénovation urbaine. L'ANRU est un succès et le PLF permettra d'assurer sa montée en puissance puisque l'Etat ouvrira 465 millions en AE. Mais il convient également de faire un effort particulier à travers les zones franches urbaines et le PLF permettra donc aux entreprises qui y sont présentes de bénéficier d'exonérations de charges sociales pour un montant de 339 millions et d'une exonération d'impôt sur les sociétés - soit une dépense fiscale de l'ordre de 205 millions.

Il faut également cesser de concentrer toutes les difficultés au même endroit, en organisant une mixité horizontale et verticale. Il faut en finir avec les politiques urbaines manichéennes qui distinguent brutalement zones industrielles et zones pavillonnaires, domaine public et domaine privé. La ville, c'est aussi complexe que la vie, et cela doit le rester. Il faut de la mixité partout. C'est évidemment une erreur qu'il n'y ait pas de logements sociaux dans certaines villes, même s'il faut savoir appliquer avec réalisme l'objectif des 20 % de logements sociaux.

M. Jean-Pierre Blazy - Cela signifie quoi, « avec réalisme » ?

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis - Mais qu'il y ait 40 %, 50 %, 60 %, 70 %, voire 80 % de logements sociaux dans certaines villes et donc 100 % de logements sociaux dans certains quartiers, c'est une hérésie !

Mme Janine Jambu - Et quand les autres n'en veulent pas ?

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis - Il faut aussi, je le répète, une mixité verticale. Pour y parvenir, il convient de confier aux maires la maîtrise totale des attributions de logements sociaux, car ils sont seuls capables de connaître les équilibres sociologiques de leur ville. Comment des préfectures ou des bailleurs privés peuvent-ils gérer telle ou telle cage d'escalier ?

Mais il faut aussi avoir le courage d'aller plus loin, et en particulier vers une immigration choisie et quantifiée. Depuis des décennies, la France a laissé se développer une immigration incontrôlée, faute de règles précises. Nous avons même envoyé de formidables messages d'espoir aux populations qui souffrent sur d'autres continents : regroupement familial, régularisation des sans-papiers, tolérance de la polygamie, CMU, droit du sol à la place du droit du sang, autant de signaux qui ont fait croire à ces populations qu'elles seraient accueillies dignement. C'était un mensonge, un mensonge plein de bonnes intentions et de générosité mais qui plonge aujourd'hui notre modèle d'intégration dans le chaos, un mensonge qui a fait périr des familles dans les incendies de logements insalubres, un mensonge qui incite des milliers de clandestins à venir en France - ceux que nous aurions demain continué à appeler des sans-papiers. Ce mensonge est aussi pour une grande part à l'origine du malaise français. La Maison France, lorsqu'elle peut accueillir dix personnes, ne peut en accueillir mille, et il est préférable de bien accueillir dix personnes, de leur offrir un logement décent et un emploi plutôt que de créer tant de frustrations et d'illusions. Il ne s'agit pas de racisme ou de xénophobie mais d'une politique responsable qui évite précisément de donner des arguments à ceux qui prônent la haine et le racisme.

Une telle politique prendra du temps, et c'est pourquoi nous devons commencer tout de suite.

Je me félicite des amendements gouvernementaux...

M. Jean-Pierre Blazy - Lesquels ?

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis - ...qui augmentent les crédits du budget de la politique de la ville - je pense aux 84 millions supplémentaires pour le Fonds d'intervention pour la ville -, d'autant qu'il convient d'y ajouter l'ensemble des moyens mobilisés en faveur des quartiers en difficulté et qui figurent dans les autres missions définies en application de la LOLF.

La commission des affaires économiques a rendu un avis favorable sur ces programmes et je vous invite à la suivre. Il faut absolument que nous refusions la fatalité et la pensée unique. Il faut que nous soyons déterminés à agir et, pour ma part, je n'ai pas l'intention d'accepter, demain, dans six mois, ou dans dix ans, une nouvelle humiliation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Abelin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'aide à l'accès au logement et pour le développement et l'amélioration de l'offre de logement - Nous vivons aujourd'hui un paradoxe, celui de la concomitance d'un formidable boom immobilier - avec 30 % de mises en chantier de plus qu'en 2002 et 25 000 emplois nets créés en 2005 dans le seul secteur du bâtiment - et d'une crise très grave du logement, avec des prix qui excluent du marché de l'accession comme de celui de la location un nombre croissant de personnes.

Les origines de cette crise sont à rechercher pour l'essentiel dans la chute de la production de logements sociaux depuis une dizaine d'années. D'une moyenne de 100 000 par an, nous sommes tombés à 40 ou 50 000, le creux historique étant l'année 2001, ce qui devrait rendre plus modestes ceux qui crient le plus fort aujourd'hui. M. Borloo est à l'origine de trois lois, celle de 2003 sur la rénovation urbaine, celle de janvier 2005 sur la cohésion sociale et celle qui va venir en discussion au Sénat sur l'engagement national pour le logement. Ces trois lois ont pour objectif principal de s'attaquer à la crise du logement social.

Le budget pour 2006 s'inscrit dans la droite ligne de la loi sur la cohésion sociale, qui prévoyait de rattraper le déficit de production par la programmation, entre 2005 et 2009, des crédits nécessaires à la construction de 100 000 logements sociaux par an ; 482 millions d'autorisations d'engagement sont ainsi inscrits pour le développement et l'amélioration du parc locatif social, ce qui permettra le financement de 100 000 logements locatifs sociaux et de 40 000 réhabilitations, hors programmation de rénovation urbaine. Les crédits de paiement destinés aux opérations locatives sociales augmentent de 15 % par rapport à 2005, ce qui permettra d'accélérer le paiement aux organismes HLM. Et 250 millions de crédits de paiement supplémentaires destinés au logement social sont ouverts dès 2005.

Le projet de loi relatif à l'engagement national pour le logement améliore les conditions de prêt au logement et facilite la mise à disposition de terrains. Ces mesures sont d'autant plus nécessaires que nous risquons de voir les taux d'intérêt repartir à la hausse.

Pour le privé, les moyens d'engagement de l'ANAH sont portés à 505 millions d'euros, contre 417 en 2004 et 487 en 2005. Les aides versées par l'Agence permettront la production de plus de 35 000 logements privés à loyers maîtrisés, la remise sur le marché locatif de 16 000 logements vacants et la réhabilitation de 39 000 logements « indignes ». Je regrette cependant le gel de 40 millions intervenu en 2005.

S'agissant de l'accession sociale à la propriété, le projet de loi relatif à l'engagement national pour le logement prévoit d'appliquer un taux de TVA réduit à 5,5 % lorsque les opérations s'effectueront dans le cadre d'un projet de rénovation urbaine. Je me félicite également de la revalorisation de 1,8 % des aides personnalisées au logement, même si celles-ci n'intègrent pas les charges de chauffage.

La nouvelle présentation façon LOLF permet de prendre la mesure de l'importance des mécanismes financiers dans les politiques du logement et de la ville, puisque les dépenses fiscales, qui s'élèvent à 9,96 milliards, dépassent largement les crédits budgétaires, qui s'établissent à 7,2 milliards. Cette présentation permet également de constater que l'abaissement à 5,5 % de la TVA sur les travaux dans le logement constitue près de la moitié du total des aides fiscales accordées au logement dans le projet de loi de finances. Il est essentiel que ce dispositif puisse être pérennisé, en raison de ses effets sur l'emploi comme sur le volume des travaux. L'absence d'accord européen à ce sujet serait un coup très dur et compromettrait le bouclage du plan de financement de nombreux projets en cours.

Face à la gravité de la crise, nous constatons la multiplication de propositions simplistes ou schématiques, censées être des solutions miracles : il suffit de décréter le droit au logement, il faut bloquer les loyers, il faut obliger les maires, il faut augmenter l'APL, l'Etat n'a qu'à... C'est oublier la situation extrêmement difficile des finances publiques. C'est aussi faire semblant d'ignorer que la production de logement est, dans une économie sociale de marché, le fruit de décisions de dizaines de milliers d'acteurs.

La seule stratégie efficace, c'est celle qu'a adoptée le Gouvernement et qui consiste à mobiliser tous les acteurs du logement - Etat, élus locaux, bailleurs sociaux, investisseurs privés, propriétaires, 1 % logement, Caisse des dépôts - autour d'une priorité partagée. Cette mobilisation, vous l'avez constatée sur le terrain, Madame la ministre. Il faut l'amplifier et l'inscrire dans la durée. Les événements récents ne peuvent que nous renforcer dans cette conviction. L'Etat doit donner l'exemple. Sans doute faudra-t-il préconiser un pourcentage minimal dévolu au logement social et imaginer des solutions nouvelles pour soutenir les collectivités qui bâtissent.

Mobiliser les acteurs, mais aussi sécuriser la filière et assurer une certaine stabilité des règles du jeu : douze dispositifs fiscaux en vingt ans, cela fait beaucoup, surtout si on y ajoute les différents dispositifs de défiscalisation qui ont un impact sur le logement, même si leur objectif est autre.

Le prêt à taux zéro, destiné à faciliter l'accès à la propriété, est un succès. Il faut très vite un accord avec les banques pour définir un nouveau dispositif de sécurisation après là quasi-disparition du Fonds de garantie à l'accession sociale.

Que va devenir le dispositif Malraux, compte tenu du plafonnement annoncé des niches fiscales ? Il a rendu de grands services aux secteurs sauvegardés et nombreux sont les élus locaux qui s'inquiètent des conséquences que pourrait avoir son affaiblissement. Je me réjouis donc qu'un accord ait été trouvé à ce sujet et qu'un amendement soit prévu.

Le dispositif « de Robien » a eu quant à lui un effet très important sur la production. Le Gouvernement a annoncé sa volonté de l'orienter vers les marchés tendus afin d'en faire un vrai produit « logement », et pas seulement un produit fiscal, et d'éviter ainsi les localisations malheureuses. Faites en sorte, Madame la ministre, que le « Borloo » populaire, le nouveau dispositif fiscal visant à encourager l'investissement locatif des particuliers au bénéfice des locataires à revenus modestes ou intermédiaires, soit attractif, complémentaire et lisible.

Une stratégie efficace en faveur du logement social exige aussi la solidarité de tous, y compris de ceux qui ont encore peu de logements sociaux sur leur territoire : l'article 55 de la loi SRU doit être appliqué, quitte à contraindre les récalcitrants.

Enfin, il faudra sans doute mieux évaluer l'ensemble des interventions de l'Etat : défiscalisation, aides à la personne, aides à la pierre... Les auteurs d'une étude récente s'interrogent sur le rôle des allocations logement dans la hausse des loyers, d'autres remettent en cause le ciblage de certains dispositifs fiscaux. Il faut une évaluation de chaque euro dépensé et de chaque euro défiscalisé.

Le logement est une priorité de l'action du Gouvernement. Elle l'est notamment grâce au dynamisme communicatif des ministres qui en ont la charge. Ils peuvent compter dans cette tâche sur l'entier soutien du rapporteur et de la majorité de la commission des affaires économiques, qui a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « logement ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Francis Vercamer - L'examen des crédits de la mission « ville et Logement » prend, évidemment, compte tenu des événements survenus dans les quartiers de nos villes, une dimension particulière. Par l'amendement gouvernemental annoncé, ces crédits traduiront les engagements pris le 8 novembre dernier par le Premier ministre devant l'Assemblée nationale. Il ne s'agit plus aujourd'hui de réduire une simple fracture, mais bien de combler une véritable faille sociale et urbaine, qui lézarde chaque jour un peu plus notre société.

Avec le programme national de rénovation urbaine et le plan de cohésion sociale, l'Etat a posé les premiers jalons d'une politique ambitieuse, qui vise à traiter l'urgence, c'est-à-dire à réduire l'exclusion et à supprimer les ghettos.

Réintroduire de la mixité sociale, rénover l'habitat dégradé, reconstruire une offre de logements neufs, adapter les équipements publics aux besoins des populations, reconfigurer les aménagements urbains : c'est le travail, essentiel pour l'avenir, qui est engagé par l'Agence nationale de rénovation urbaine. Aujourd'hui, ce travail doit être amplifié et l'action sur le bâti doit s'accélérer.

Quand une ville soumet à l'ANRU un dossier de rénovation urbaine et quand celui-ci reçoit l'agrément de l'Agence, cela représente une formidable somme d'énergies, de temps et de compétences mobilisée afin de dessiner un nouvel avenir pour les quartiers et leurs habitants. Mais les procédures demeurent trop lourdes pour les villes, ne serait-ce que pour débloquer les moyens prévus dans le cadre des opérations programmées. Et, bien souvent, les équipes ont le sentiment que la simplification annoncée n'est pas au rendez-vous. Que dire des habitants qui attendent impatiemment la concrétisation des projets ?

On ne gagnera le pari de la rénovation urbaine que si les villes sont capables de mettre en œuvre, parallèlement à l'investissement sur le bâti, des actions d'accompagnement social des populations concernées. Malheureusement, celles qui engagent un programme de rénovation urbaine manquent cruellement de moyens financiers pour ce faire. Il y a tout un ensemble d'incertitudes que l'Etat doit aujourd'hui lever, notamment s'agissant du devenir des contrats éducatifs locaux. Le gel des crédits destinés aux contrats temps libre inquiète actuellement au plus haut point les centres sociaux. Ces centres, mais aussi les associations, ont besoin de moyens pour rester ouverts après 18 heures et pour engager des professionnels capables d'assurer un encadrement de qualité.

L'ensemble du milieu associatif et des acteurs locaux de la politique de la ville ont été, tout au long de cette année, malmenés par les changements de législation liés à la mise en œuvre laborieuse du plan de cohésion sociale. Dans un contexte législatif changeant, les associations et acteurs de terrain se sentent fragilisés et c'est la méfiance qui prévaut aujourd'hui dans les relations avec l'Etat.

Une méfiance qui ne peut qu'être amplifiée quand un décret du 3 novembre dernier annule plus de 46 millions d'euros du budget 2005 pour la ville et la rénovation urbaine. Rien n'est pire pour les acteurs de terrain que d'entendre l'annonce de crédits supplémentaires et de constater finalement des gels de crédits ! C'est pourquoi, les crédits supplémentaires à destination des fonds d'intervention pour la ville, des opérations « ville, vie, vacances » et « adultes-relais » doivent trouver une traduction concrète et rapide.

Les maires doivent être au cœur des dispositifs sociaux et de réussite éducative issus du plan de cohésion sociale. Les villes attendent de l'Etat qu'il soit un partenaire réactif plutôt qu'un contrôleur de l'opportunité des actions qu'elles engagent. Parce qu'ils connaissent leurs villes, laissez aux maires une véritable marge de manœuvre dans l'application des politiques du plan de cohésion sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Janine Jambu - L'extrême gravité de la situation a conduit le Gouvernement à reporter l'examen des crédits de cette mission. Ce report aura-t-il permis de dégager de nouveaux moyens pour répondre à l'urgence sociale ? Permettez-nous d'en douter, à la lumière des réaffectations opérées au sein de la mission « éducation » et des déclarations du ministre des finances, qui n'évoque que des redéploiements de crédits existants pour financer les mesures annoncées.

La ville et le logement sont pourtant au cœur de la crise de notre société, exprimée par la jeunesse des quartiers populaires avec une violence inexcusable mais dans une révolte née de l'injustice qui frappe les populations et les territoires. L'Etat, sous l'effet d'une idéologie ultra-libérale, ne remplit plus son rôle de garant de la solidarité nationale et n'assure pas l'égalité d'accès au logement, à l'emploi, à l'éducation que chaque citoyen est en droit d'attendre. La souffrance des quartiers populaires est l'expression la plus visible des dégâts causés à notre peuple par la suprématie de la loi du marché - fermetures d'entreprises, délocalisations, spéculations en tous genres.

Madame la ministre, c'est un autre budget que celui que vous nous présentez qu'il faudrait pour financer les mesures dont ont besoin ces millions de familles pour vivre mieux. Année après année, nous avons tiré la sonnette d'alarme, en soulignant que vos choix budgétaires, contraints par les dogmes de Maastricht et guidés par la philosophie du moins d'Etat et du chacun pour soi, contribuaient à approfondir les inégalités et à défaire le lien social. Nous ne pouvons, hélas, que constater à nouveau la terrible faiblesse de l'engagement public : la réunion des crédits de la ville et du logement dans la même mission ne peut masquer la baisse de 3,2 % des crédits de paiement et de 2,14 % des autorisations d'engagement.

Comment considérer que le Gouvernement fait du logement une priorité, comme il l'avait déclaré à la suite des incendies dramatiques de cet été et des cris d'alarme des associations ? Ce n'est pas ce qui apparaît dans les quatre programmes qui composent la mission.

S'agissant de la rénovation urbaine, les objectifs de la « loi ville » version « cohésion sociale » sont rappelés : 250 000 démolitions et constructions de logements sociaux et 400 000 réhabilitations dans les ZUS sur la période 2004-2011. Mais les crédits s'élèvent à 305 millions, contre 405 en 2005.

Or il manque déjà 3 milliards à l'ANRU pour financer les projets recensés, l'enveloppe globale étant estimée à 30 milliards. Cette situation vous a conduits à lancer un appel vibrant à l'UESL, aux organismes HLM et aux collectivités locales lors du congrès de l'Union sociale pour l'habitat à Nantes. Tous assument déjà, avec le concours de la Caisse des dépôts, l'essentiel de l'apport annuel, l'Etat ne contribuant que pour 46 %. En outre, il est indiqué que 70 % des crédits seront affectés à un premier cercle de priorités et 20 % à un deuxième. Gageons que certains sites risquent d'attendre longtemps leur subvention !

De plus, le ministère fait état d'un taux de couverture des démolitions par les reconstructions de 82,26 %. Les chiffres que vous avez communiqués en commission, Madame la ministre - 131 projets examinés par le comité d'engagement, 61 700 démolitions, 58 700 reconstructions et 112 000 réhabilitations - confirment ce grignotage. Sans parler de la difficulté à tenir le rythme annoncé, on va ainsi aboutir à un solde de logements disponibles inférieur bien inférieur aux besoins !

Le programme « équité sociale et territoriale de soutien » rassemble les crédits destinés aux dispositifs de médiation sociale, de réussite éducative, de soutien à l'activité, d'exonération fiscale et d'insertion dans l'emploi. Ces crédits s'élèvent à 585 millions, contre 635 millions en 2005.

Toutes les associations manifestent leur mécontentement et leur désarroi devant la baisse des moyens, qui les contraint à abandonner des projets, à supprimer des postes, à annuler des formations. Je sais bien que le Premier ministre et vous-même avez parlé de revoir leurs subventions, mais le problème est de savoir où vous allez trouver l'argent...

M. Denis Jacquat - C'est notre problème !

Mme Janine Jambu - Le récent rapport de l'observatoire national des ZUS fait état d'une détérioration de la vie des habitants dans tous les domaines - emploi, accès aux soins, éducation scolaire, vie familiale. Où est le financement des mesures annoncées ? Pouvons-nous attendre plus qu'une simple remise à niveau ?

Le troisième programme, « aide à l'accès au logement », concerne essentiellement l'APL. Mais alors que le taux d'effort des familles modestes ne cesse de s'élever en raison de la hausse des loyers et des charges - en particulier d'énergie -, la ligne de crédits est, là encore, en diminution sensible. Les associations de locataires et de consommateurs situent entre 15 et 20 % le retard de revalorisation accumulé ; et la revalorisation intervenue en septembre, qui ne porte que sur les loyers plafonds, ne sera en fait que de 1,3 à 1,4 %, non de 1,8 %.

L'abaissement du seuil minimal de versement de 24 à 15 euros est un petit plus pour des dizaines de milliers de familles, mais son coût, estimé à 50 millions, est largement compensé par le relèvement de 3 euros de la participation minimale de l'ensemble des allocataires - montant estimé : 120 millions.

Concernant les dispositifs des fonds de solidarité pour le logement, l'eau et l'énergie, transférés aux départements, vous n'avez pas répondu à notre question sur la participation de l'Etat, indispensable pour venir en aide aux familles menacées d'expulsion - dont le nombre croît d'année en année, du fait de la situation économique, de la précarité, des hausses de loyers, des déconventionnements et autres comportements spéculatifs.

Le quatrième programme porte sur le développement et l'amélioration de l'offre de logements. C'est le seul où l'on trouve des crédits apparemment en légère progression, pour la construction sociale et pour le secteur privé conventionné ANAH.

Il reste que le montant des crédits destinés à la construction sociale - 480 millions -est inférieur à la somme des exonérations fiscales des amortissements Périssol, Besson et Robien - 502 millions. Quels seront les instruments de mesure de l'impact social, hors catégories moyennes, intermédiaires et supérieures, du nouvel avatar nommé « Borloo populaire » ?

Ce sont ces mêmes ménages qui sont destinataires de la montée en charge des PLS, dont nous avons à maintes reprises souligné l'inadéquation à la demande. En effet 60 % des ménages demandeurs ont des revenus qui les rendent éligibles au PLAI, et c'est pourtant ce produit qui recueille le plus faible engagement de l'Etat. Nous sommes pour notre part favorables à un produit unique, bénéficiant d'une aide à la pierre renforcée et permettant de favoriser la mixité sociale.

Vous annoncez 74 000 logements sociaux financés en 2004 ; combien y en a-t-il pour les neuf premiers mois de 2005, et où ont-ils été construits ? De ce point de vue, nous ne pouvons qu'être surpris de votre réaction au bilan d'application des dispositions de l'article 55 de la loi SRU. M. Borloo a en effet déclaré en commission : « Un gros tiers des collectivités est en dessous mais progresse et un gros quart ne fait rien mais, dans l'ensemble, on peut considérer que la mobilisation a été bonne ! » Un rien le satisfait ! Cette situation est pourtant inacceptable et nous allons poursuivre les actions pour faire connaître cette réalité et obtenir la construction de logements sociaux partout et pour tous.

Quant à l'ANAH, qui a eu à subir des gels de crédits récurrents, des doutes subsistent sur la disponibilité réelle des crédits pour atteindre les objectifs qui lui sont fixés comme sur l'impact à long terme d'une aide publique qui, à l'issue du conventionnement, ouvre la voie à la libéralisation des prix.

Je n'épiloguerai pas sur le fait que vous prêtez une oreille attentive à l'UNPI et autres propriétaires fonciers qui ne jurent que par la suppression de toute contribution, l'abrogation de l'ISP et la mise en place d'une sorte de « bail nouvelle embauche », précaire et révocable à merci.

Vous l'aurez compris, à nos yeux, tout comme le surloyer obligatoire et la privatisation des offices HLM que vous vous apprêtez à faire voter dans le projet de loi relatif à l'« engagement national pour le logement », ce budget n'est pas une réponse à la crise du logement, bien au contraire. C'est donc sans hésitation aucune que nous voterons contre.

M. Jean-Claude Mignon - Attribuer aux choix sémantiques de M. le ministre de l'intérieur la responsabilité de l'embrasement récent des quartiers, c'est se donner bonne conscience à moindres frais. Car, en la matière, reconnaissons que personne n'a manqué d'imagination. Les quartiers « difficiles » sont ils aujourd'hui plus faciles à vivre ?

M. Jean-Pierre Blazy - Non !

M. Jean-Claude Mignon - La « politique de la ville » a-t-elle gommé les inégalités territoriales ? Les quartiers « prioritaires » ont-ils vraiment été considérés comme tels ? Trouvera-t-on un habitant de ces secteurs pour dire qu'il a bénéficié d'un traitement de faveur ?

Et pourtant, selon le dernier rapport de la Cour des comptes, 30 milliards ont été injectés dans ces quartiers depuis 25 ans ! A quoi donc ont servi ces efforts ? (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)

L'opposition se targue d'avoir conduit une politique efficace entre 1997 et 2002. Mais c'est oublier les résultats du premier tour de l'élection présidentielle de 2002 et l'échec de la politique de prévention « haute couture » qu'elle avait mise au point. Hélas, que penser de ces équipes entières de petites mains mobilisées pour envoyer quelques individus - souvent les plus violents - faire des excursions touristiques au prétexte de « création du lien social » ? Dans le même temps, on a renvoyé la grande partie de ceux qui avaient besoin d'aide au rayon « prêt-à-porter » de services sociaux déjà submergés. Par ailleurs, ceux qui pouvaient constituer un exemple de réussite - et ils sont très nombreux - n'ont pas été valorisés.

L'incohérence de cette politique a largement contribué à démotiver les acteurs de terrain et les équipes associatives accablés, du reste, par le formalisme administratif qu'on leur a demandé de respecter. Ainsi, pendant toutes ces années, la vie des habitants de ces quartiers s'était terriblement dégradée sans que l'Etat en prenne conscience.

Le retard pris dans la construction de logements sociaux a conduit à exclure les salariés modestes des offres de logement et les plus démunis ont été exposés à des dangers inacceptables, tels les incendies qui ont ravagé cette année plusieurs immeubles parisiens. Face à cette situation, le Gouvernement, depuis 2002, a choisi d'oeuvrer d'abord à la transformation physique de ces quartiers en élaborant un véritable plan de relance du logement social, philosophie à laquelle nous adhérons car elle consiste à redonner à ces quartiers un visage humain pour qu'ils fassent corps avec la ville dans son ensemble. Nous soutenons sans réserve cette logique politique qui s'attaque enfin aux racines du « mal-vivre ».

Oui, il nous faut soutenir l'effort poursuivi pour rattraper le retard énorme pris sous les années Jospin dans la production de logements et notamment de logements sociaux.

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis - Eh oui !

M. Jean-Claude Mignon - 40 0000 logements neufs et près de 10 0000 logements sociaux ont déjà été mis en chantier en 2005.

Oui, il faut amplifier les opérations de rénovation urbaine qui contribueront, de plus, à la relance de l'activité dans ces quartiers à condition que les emplois bénéficient prioritairement à leurs habitants. Cela requiert une certaine vigilance car la demande d'Etat est forte. La plupart des élus locaux demandent à l'ANRU d'accélérer l'instruction des dossiers en souffrance. Les efforts considérables de l'Etat et des partenaires de l'ANRU méritent d'être soutenus. Les collectivités territoriales seront mises à contribution. Cet ambitieux programme doit susciter l'émergence d'un esprit républicain, en particulier au sein de certains conseils régionaux qui traitent le problème de manière trop « sélective ». Les habitants des quartiers concernés ne doivent pas être les otages d'une vision trop étriquée de l'engagement public.

Par ailleurs, vous venez d'engager 50 millions pour les travaux d'urgence et de mise en sécurité des logements insalubres.

M. Jean-Louis Dumont - Fort bien, mais les crédits de paiement sont en diminution !

M. Jean-Claude Mignon - Vous allez publier avant la fin de l'année une ordonnance qui permettra aux maires d'intervenir dès lors qu'il y a péril. Grâce à l'action de l'ANAH, 16 000 logements vacants seront remis sur le marché locatif. En effet, beaucoup de propriétaires ne disposent pas de moyens suffisants pour effectuer les travaux nécessaires à la remise aux normes de leurs appartements. C'est un premier pas pour inciter les petits propriétaires à ne plus laisser vacants leurs logements. Mais il faudra rechercher un nouvel équilibre contractuel entre locataires et propriétaires car de nombreux propriétaires préfèrent ne pas louer, jugeant le rapport trop déséquilibré. Ce parc privé constitue un gisement de logements sociaux qui ne doit pas être oublié des politiques publiques. Il faut souligner également l'effort budgétaire important pour aider les plus modestes à accéder ou se maintenir dans un logement.

Parallèlement, à travers le Fonds d'intervention pour la ville, le FIV, vous confortez l'accompagnement social et la prévention de la délinquance, dont les premières victimes sont les habitants des ZUS.

Parce que l'éducation est un facteur majeur d'intégration et de lutte contre l'exclusion, vous portez à 1 000 le nombre des équipes de réussite éducative et vous créez 5 000 postes d'assistants pédagogiques dans les collèges des quartiers sensibles.

Mme la Présidente - Monsieur Mignon, concluez !

M. Jean-Claude Mignon - Par ailleurs, les maires doivent disposer d'un pouvoir de contrôle renforcé sur la bonne utilisation des fonds publics, d'autant que les sommes allouées aux associations de prévention et d'insertion augmenteront en 2006 pour atteindre 100 millions d'euros. La culture du résultat et de la performance doit gagner la politique sociale, comme le demandent légitimement nos concitoyens qui, par leur travail et leurs impôts, contribuent largement à son financement.

S'agissant de l'aide au retour à l'emploi, les dispositifs annoncés - CNE, contrat d'avenir ou encore adultes relais - doivent être complétés par une politique locale d'accompagnement visant à l'intégration définitive dans le monde du travail, car il ne s'agit pas de procurer une occupation mais un travail ! Et en ce sens, il faut tout autant accompagner le bénéficiaire que les responsables d'entreprise dans le parcours d'intégration professionnelle (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Il est temps de rompre avec l'expérience plus que contestée des emplois-jeunes qui, comme tout le monde l'avait compris, n'étaient pas de vrais emplois.

Pour réduire l'écart existant entre le taux de chômage dans les ZUS et celui des autres unités urbaines, vous avez décidé de créer 15 ZFU supplémentaires. Il faut effectivement donner à ces quartiers une dynamique économique. Cela contribuera à remobiliser les travailleurs sociaux et les acteurs de terrain dans une perspective de résultats.

M. Jean-Louis Dumont - Après trois ans de démobilisation ! Il était temps !

M. Jean-Claude Mignon - En conclusion, nous soutiendrons ce budget. Il est temps de mettre fin au déséquilibre entre la demande et l'offre de logements, indigne d'un pays développé comme le nôtre ! Il est temps de conjuguer nos forces pour redonner l'espoir et briser le cycle de la violence et de la peur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Madame la ministre déléguée, sans mettre en cause vos compétences, nous ne pouvons que regretter l'absence de M. Borloo.

Mme Annick Lepetit - Très bien !

M. Pierre-André Périssol - Il est retenu au Sénat !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C'est faux, Monsieur Périssol !

Les incendies meurtriers de l'été dernier et l'actualité tragique de ces derniers jours ont brutalement rappelé l'ampleur de la crise du logement et les graves difficultés des habitants de nos agglomérations urbaines. Le nécessaire rétablissement de l'ordre républicain ne doit surtout pas occulter le mal vivre qui s'est exprimé. Qui peut rester indifférents à ces souffrances et à ces injustices ? Aucun d'entre nous. Cette situation justifie la mobilisation de tous, et d'abord celle de l'Etat.

Au-delà de la dénonciation de la fracture sociale, au-delà du plan de cohésion sociale, l'engagement de l'Etat, effectif, honnête et sincère, se mesure d'abord à l'aune des moyens consentis, c'est-à-dire dans le budget. Or la discussion des crédits de la mission « ville et logement » a été précipitamment retirée de l'ordre du jour dans la matinée du 9 novembre alors que nous devions en débattre le soir. Evidemment, il était difficile de présenter un budget qui, élaboré avant que n'éclatent les violences urbaines, s'inscrivait dans le droit fil de la politique calamiteuse conduite depuis trois ans.

M. Denis Jacquat - Scandaleux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il était urgent de faire disparaître au plus vite la preuve accablante que ces questions n'avaient guère préoccupé le Gouvernement cette année comme d'ailleurs les années précédentes.

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis - Nous payons vos erreurs !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Vos choix budgétaires constituent-ils des solutions à effets immédiats et à long terme ?

M. Denis Jacquat - Oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Monsieur Jacquat, vous en doutiez auparavant. Et vous aviez raison : à preuve les amendements que présente le Gouvernement afin de corriger le tir de son projet initial, qui n'était que réduction de crédits et désengagement de l'Etat sur le dos de nos concitoyens les plus en difficulté ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Venons-en maintenant à ce budget, aux deux programmes « rénovation urbaine » et « équité sociale et territoriale », couvrant ce qu'il était convenu d'appeler la politique de la ville.

Il faut d'abord évoquer les ratés du renouvellement urbain. Dès la discussion de la loi de programmation sur la rénovation urbaine en 2003 et lors de chaque débat budgétaire, le groupe socialiste a souligné l'insuffisance des moyens dégagés par l'Etat. Le bleu budgétaire et les déclarations de certains dirigeants de l'ANRU constituent un accablant témoignage en ce sens : la réalisation des 130 projets examinés par l'ANRU exigerait 14,6 milliards, financés pour 32 % par l'Agence. Cela excède largement ses capacités : elle ne bénéficiera en effet que de 8 milliards sur huit ans, ce qui ne permet de couvrir que 26 % des dépenses. En dépassant de 6 points ce plafond, il est certain que l'ANRU aura vidé ses caisses avant l'achèvement des travaux. M. le ministre...

Mme Annick Lepetit - Il n'est pas là !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - ...a expliqué ce décalage par la sous-évaluation du coût du programme dans la loi de programmation. Rien n'est plus inexact. M. Borloo a en effet déclaré au Conseil économique et social, le 10 juin 2003, que les crédits nécessaires étaient évalués entre 30 et 50 milliards. Lorsque le Gouvernement annonce qu'il va dégager 25 % de moyens supplémentaires sur deux ans, il ne satisfait qu'une nécessité minimale, tout en faisant porter cette augmentation sur ses partenaires.

Ce n'est pas la seule erreur de ce gouvernement, qui sacrifie depuis trois ans l'accompagnement social dans les quartiers en difficulté en réduisant méthodiquement les crédits consacrés à la prévention de la délinquance et au développement social.

M. Denis Jacquat - C'est faux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - A la suppression des emplois-jeunes et à la disparition de la police de proximité...

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis - Ce n'est pas la panacée !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - ...s'ajoute la réduction des aides accordées dans le cadre de la politique de la ville, et le plus souvent versées aux associations. Les crédits de fonctionnement du Fonds d'intervention pour la ville connaissent ainsi une chute spectaculaire de 36 % ...

Mme Annick Lepetit - Eh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Les conséquences dramatiques de ces restrictions sont prévisibles. Dans un rapport remis au Gouvernement, le Conseil national des villes a d'ailleurs constaté que le secteur associatif s'en trouvait fragilisé, ajoutant que la baisse des crédits du FIV risquait de réduire à néant les effets positifs de la nouvelle DSU.

Dans la version initiale du budget de la mission « ville et logement », les crédits versés aux associations enregistraient une nouvelle baisse de 13 %, et ceux destinés aux adultes-relais - dont on veut aujourd'hui doubler le nombre - de 8 % : pourquoi ?

M. Denis Jacquat - La DSU augmente !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Depuis, le Premier ministre a annoncé son intention de « renforcer les moyens dont disposent les associations en débloquant 100 millions supplémentaires à leur profit en 2006 ». Il aura donc fallu que des quartiers basculent dans la violence pour que les conditions de vie de leurs habitants paraissent constituer une priorité politique ! Mais comment y croire alors qu'un décret, publié le 3 novembre, annule 45 millions en faveur du développement social dans les quartiers ?

Sans moyens, la politique de la ville est également sans pilote, le ministère de la Ville ayant disparu de l'organigramme du Gouvernement ! Chaque ministre est invité à agir dans son coin pour l'insertion professionnelle, la prévention sanitaire, le développement des services publics, la prévention ou l'éducation et les loisirs. Il n'existe ni démarches transversales ni perspectives globales.

Le CNV a fait part de son inquiétude à ce sujet, considérant par ailleurs que les perspectives budgétaires très tendues pouvaient aussi annoncer la disparition de cette politique. Vous ne rassurez personne...

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - On ne rassure pas, on agit !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - ...en évoquant la réunion d'un Comité interministériel des villes. Vous l'aviez déjà promis en 2002, mais ce comité n'a pas été réuni et vos budgets ont alors enregistré les plus graves reculs, pour ce qui est de l'accompagnement social des quartiers, de toute l'histoire de la politique de la ville.

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - C'est faux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - De telles fautes d'appréciation entachent votre politique du logement. Ainsi, le projet de loi de finances porte un nouveau coup aux aides versées à plus de 6 millions de locataires. Après avoir exclu près de 200 000 bénéficiaires, revalorisé ces aides une seule fois en deux ans puis limité leur progression à 1,8 %, le Gouvernement propose d'en réduire l'enveloppe de 1,38 % alors que leur pouvoir solvabilisateur a diminué de 8 % en trois ans !

Vous ajoutez à cela des mesures d'économie plus ciblées et mesquines. Ainsi, malgré vos déclarations, vous n'avez toujours pas abaissé le seuil de non-versement des APL à 15 euros. En revanche, vous augmenterez prochainement de 3 euros le montant du ticket modérateur dû par les locataires, afin de réaliser - sur le dos des plus modestes - une économie de 180 millions, alors que le taux d'effort moyen des bénéficiaires de minima sociaux est passé de 15 % en 2003 à 20 % en 2005.

Vous ne pouvez même pas justifier cette réduction de l'aide aux locataires - dont le bleu budgétaire précise qu'elle figure parmi les plus redistributives - par l'augmentation de l'aide au profit des accédants.

Les dépenses fiscales consenties par l'Etat ne bénéficieront pas aux ménages les plus modestes, qui ne seront pas en mesure de payer les traites d'un emprunt. Le Gouvernement en a d'ailleurs pris acte en élargissant le nouveau prêt à taux zéro aux ménages qui gagnent jusqu'à 7 200 euros - ce ne sont pas ceux qui souffrent le plus de la crise du logement ! Par ailleurs, les dépenses fiscales du nouveau prêt à taux zéro ne seront vraiment perceptibles que dans les prochaines années : en attendant, l'extinction progressive de l'ancien prêt à taux zéro permet à l'Etat d'économiser 184 millions. Enfin, le Gouvernement a remis en cause tous les dispositifs qui garantissaient une accession vraiment sociale à la propriété, en supprimant la PATS en 2002 et le Fonds de garantie à l'accession sociale en 2005 - crédité de 1,4 milliard - un pactole pour le Gouvernement.

Le programme « développement et amélioration de l'offre de logement » est tout aussi critiquable, et nous en parlerons plus en détail lors de la discussion du projet de loi relatif au logement. S'agissant des aides en faveur du développement du parc, l'évaluation du coût fiscal du dispositif de Robien nous paraît étrangement minorée et nous aimerions savoir sur quels éléments le Gouvernement s'est appuyé.

Les autorisations d'engagement pour les organismes HLM ne prennent pas en compte l'inflation par rapport aux sommes affichées par la loi de cohésion sociale et les crédits de paiement supplémentaires ne permettront pas d'apurer la dette contractée par l'Etat à l'égard des bailleurs sociaux.

Enfin, le décret du 3 novembre a démontré que les crédits programmés pour la construction de logements sociaux dans le plan de cohésion sociale ne seraient pas sanctuarisés. Le Gouvernement, contrairement à ses promesses, vient en effet d'annuler 55 millions de crédits affectés à la construction et à l'amélioration de l'habitat. Voilà la preuve que vos belles paroles n'engagent que ceux qui ont encore la naïveté d'y croire, et surtout pas les acteurs du logement social !

Madame la ministre, nous examinerons vos amendements mais nous savons que vos priorités ne portent pas sur la crise du logement et des quartiers de nos villes. Nous ne voterons pas ce budget car vous persistez à ne pas prendre la mesure de cette crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Abelin, rapporteur pour avis - On n'a jamais aussi peu construit que sous Jospin !

M. Rodolphe Thomas - La crise du logement est une réalité connue de tous, mais qu'avons-nous entrepris ces dernières décennies ? Rien, ou si peu, et les résultats sont là : une violence urbaine grandissante et une mauvaise intégration urbaine et sociale. Les événements récents démontrent que la politique de la ville doit être une priorité.

Nous savons tous que les fondements d'une telle politique sont le logement, l'emploi et l'éducation. Combien de nos concitoyens se retrouvent pris dans ce cercle infernal : pas de logement sans emploi et pas d'emploi sans logement ? L'envolée des prix et la raréfaction du foncier freinent la construction de logements sociaux et réduisent le pouvoir d'achat des ménages. Du coup, la part des dépenses de logement dans le revenu des ménages n'a jamais été aussi élevée depuis les années 1930. Le parcours qui permettait à un couple de passer d'un logement HLM à un logement privé locatif puis à la propriété n'est plus possible !

Les difficultés de logement touchent toutes les catégories : les étudiants, les jeunes couples, les familles, mais aussi les retraités qui ne parviennent plus à payer leur loyer dans le privé.

Madame la Ministre, nous saluons l'action et la démarche partenariales qui sont celles du Gouvernement depuis 2002. La mobilisation des crédits affectés à la ville devrait permettre de mener une politique volontariste. Vous avez su engager un ambitieux programme de rénovation urbaine en y associant les élus locaux et la loi de programmation a permis, pour la première fois, un engagement budgétaire pluriannuel.

Cela nous donne les moyens de réparer les erreurs d'urbanisme des années 1950-1970 et de reconstruire des quartiers où l'on ait l'espoir de mieux vivre.

Le soutien de l'ANRU permet à ma ville de 25 000 habitants, Hérouville-Saint-Clair, située en zone urbaine sensible, d'engager le plus important programme de rénovation urbaine de Basse Normandie.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le mien est terminé depuis trois ans !

M. Rodolphe Thomas - Il s'agit de remplacer un habitat dégradé et parfois insalubre, rien n'ayant été fait depuis des années ; de réhabiliter 50 % de logements sociaux et de logements privés grâce à la participation de l'ANAH, qui permet d'augmenter l'ampleur de notre intervention ; d'améliorer l'environnement économique et donc d'agir sur l'emploi ; et enfin de reconstruire une école élémentaire, venant après une école maternelle.

M. Borloo a fait le déplacement pour signer la convention ANRU en présence de l'ensemble des grands opérateurs de la politique du logement. Lorsqu'un projet et une volonté d'agir existent, chacun peut constater que les crédits suivent et qu'on peut obtenir des résultats sur lesquels chacun s'engage !

Mais je voudrais souligner que la réduction à dix-huit mois du délai de réalisation du plan de rénovation urbaine, annoncée récemment par le Premier ministre, relève en partie de l'utopie, à moins d'assouplir les démarches administratives pour les marchés publics ou la délivrance de permis de construire. La multiplication des délais et la complexité des procédures entravent en effet gravement la dynamique locale.

Restons également attentifs à l'évaluation des quatre grands points du volet « logement » du plan de cohésion sociale : le rattrapage des retards en matière de logement locatif social ; la mobilisation du parc privé ; l'hébergement d'urgence ; et enfin l'accès au logement des ménages en difficulté.

Le Gouvernement a confirmé l'engagement de tous les crédits prévus en faveur du logement social, ce dont je me félicite. Mais j'ai pu constater, lors des déplacements que j'ai effectués en ma qualité de membre du comité de suivi du plan de cohésion sociale, un manque de volonté politique de la part de certains élus locaux et nationaux. Si beaucoup se plaignent de la situation actuelle, ils portent une lourde part de responsabilité. Il est trop facile de toujours jeter la pierre au Gouvernement.

Mme la ministre déléguée : Merci !

M. Rodolphe Thomas - Chacun doit en effet assumer ses responsabilités ! Dans une région du centre de la France, seulement huit contrats aidés avaient été signés six mois après l'instauration du dispositif ! C'est dire la faiblesse de la mobilisation ! Heureusement que les services de l'Etat font un travail exemplaire.

Trop souvent, les départements et les régions se désintéressent en effet de l'emploi, de l'insertion professionnelle, du logement, partant du principe que cela ne relève pas de leurs compétences. Dans mes fonctions de maire, je dois souvent m'engager dans des domaines qui ne sont pas nécessairement les miens, car j'estime de mon devoir d'intervenir pour améliorer les conditions de vie des habitants de ma commune. Pour y parvenir, les élus locaux aimeraient pouvoir davantage compter sur le soutien des départements et des régions.

Le budget 2006 propose plusieurs solutions pour permettre aux ménages modestes de devenir propriétaires de leur logement : le nouveau prêt à taux zéro ; le prêt à l'accession sociale à la propriété ; le prêt social de location-accession que l'UDF a toujours vivement soutenu.

Mais qu'en est-il de l'application de la loi SRU, votée en 2000, qui impose aux communes de construire des logements sociaux sur leur territoire ? Alors qu'elle aurait pu réduire les tensions immobilières et rattraper le retard accumulé depuis des décennies, elle se heurte à l'éternel « oui, mais » de certains élus, qui préfèrent payer une amende plutôt que construire le pourcentage prévu de logements sociaux.

Et pourtant, il n'est pas question de populations défavorisées mais de 70 % de la population française, qui est aujourd'hui éligible à un logement social. Ce ne sont pas des cas sociaux ! Distinguons également le logement social individuel du logement social collectif : dans de nombreuses agglomérations, les élus ont tendance à trop privilégier le logement individuel au détriment d'habitations collectives à taille humaine. Face au déficit foncier, il serait pourtant plus pertinent de faciliter leur construction.

S'agissant de l'investissement immobilier, qu'il soit tourné vers la réhabilitation des centres villes - loi Malraux -, ou vers le locatif - dispositif « Robien » -, le plafonnement des avantages fiscaux prévu par l'article 61 risque de limiter l'investissement privé malgré la priorité nationale accordée au logement.

Le dispositif « Robien » a pourtant fait ses preuves : outre ses effets positifs sur l'emploi et des recettes non négligeables pour l'Etat, 60 000 logements neufs sur 110 000 ont été construits grâce à ce dispositif en 2004. Or, la commission des finances va casser cette dynamique en instaurant un plafonnement à 8 000 euros et en privilégiant les cadeaux fiscaux pour les contribuables les plus fortunés et les vacances dans les DOM-TOM. Où est la cohérence ? Qu'envisagez-vous, Madame le ministre, pour le nouveau dispositif « Borloo Populaire » ?

Le budget de la ville et du logement va nous permettre d'intervenir dans la durée. Et la priorité est donnée à des actions associant les élus locaux : accélération du programme de rénovation urbaine, logement social, emploi et programmes de réussite éducative. Mais les retards accumulés nous rendent la tâche bien difficile ! Il faudra par ailleurs que tous les acteurs locaux prennent leurs responsabilités et tiennent leurs engagements. La rallonge de 181 millions d'euros devra servir à accentuer les actions de terrain. En cette période de crise, la ville et le logement sont plus que jamais l'affaire de tous. Le groupe UDF votera ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Gilbert Meyer - Les objectifs que j'avais présentés l'an dernier sont largement atteints : 400 000 logements ont été mis en chantier - un chiffre jamais atteint depuis vingt ans ; 20 000 prêts sont distribués chaque mois grâce au PTZ, soit trois fois plus qu'en 2004 ; près de 6 000 places complémentaires ont été créées pour l'hébergement d'urgence ; 230 quartiers bénéficient déjà du programme de rénovation urbaine ; et enfin l'indice des loyers a été révisé, les plus-values pour les terrains destinés à la construction de logements sociaux ont été exonérées fiscalement, et un système de garantie des risques locatifs dans le parc privé a été créé.

Le budget 2006 va nous donner les moyens de poursuivre cette action : à périmètre constant, les crédits augmentent de 3,7 %, sans compter les avantages fiscaux qui s'élèvent à près de dix milliards d'euros. D'importantes priorités pourront donc être soutenues : la montée en charge du programme de rénovation urbaine ; la réduction des écarts entre les zones urbaines sensibles et les agglomérations auxquelles elles appartiennent ; le renforcement des aides à l'accès et au maintien dans les logements ; et enfin la poursuite du plan de cohésion sociale en matière de logement.

L'agence nationale de rénovation urbaine disposera ainsi de 465 millions d'euros ; les loyers plafonds pour le calcul des aides à la personne seront revalorisées de 1,8 % ; 100 000 logements locatifs pourront être construits et 40 000 réhabilités hors programme ANRU ; les paiements aux organismes d'HLM seront accélérés grâce à une augmentation de la dotation ; et les conditions de prêt seront améliorées grâce à une baisse des taux de 0,15 % et au rallongement à quarante ans des durées. Les CP augmentent de 15 %, permettant d'accélérer les paiements aux organismes HLM.

Par ailleurs, le parc locatif privé bénéficiera de 505 millions en 2006, qui permettront de construire 35 000 logements à loyer maîtrisé, de remettre sur le marché 16 000 logements vacants et réhabiliter 39 000 logements aujourd'hui vétustes. La crise du logement a été donc été prise à bras-le-corps.

Toutefois, des évolutions restent à engager sur le terrain, à commencer par la délégation de la compétence « logement ». Au regard des premières expériences, c'est le niveau départemental qui semble plus pertinent. La collaboration de tous les partenaires publics est en outre indispensable pour lutter contre la rareté et la cherté du foncier, et la mobilisation des réserves foncières de l'Etat, aujourd'hui très laborieuse, doit impérativement être accélérée.

N'oublions pas non plus que certaines mesures inquiètent les élus locaux. Ceux-ci s'interrogent sur la possibilité qui serait donnée aux préfets d'imposer aux bailleurs sociaux des demandeurs de logement considérés comme prioritaires, mais aussi sur la pénalisation financière imposée à leur commune quand elle ne respecte pas les 20 % requis. Pareille mesure fait en effet l'impasse sur nombre de considérations : faut-il construire autant de logements sociaux dans les communes dont la population est en déclin que dans celles dont la population s'accroît ? Doit-on méconnaître l'importance du parc privé de logements locatifs à caractère nettement social ? Allons-nous donc construire des logements HLM indépendamment des besoins démographiques ?

Relevons encore l'absence d'une véritable réforme du décret portant sur les charges locatives : on continue à faire porter sur tous les locataires des dépenses qui devraient être imputées seulement à ceux qui bénéficient réellement des services. Enfin, le montage des opérations de logements sociaux s'avère toujours aléatoire en raison de l'indexation du taux du prêt sur le livret A : en cas de hausse, l'augmentation des frais de gestion finit toujours par être absorbée par les loyers.

Il faut aussi permettre aux primo-accédants de trouver des logements à des prix acceptables en zone urbaine. Pour cela, il nous reste à élaborer un mécanisme qui permette d'acquérir sa résidence principale comme un bien de première nécessité.

Madame la ministre, continuons à faire face au défi du logement avec lucidité. Nous en avons les capacités collectives. Puisque vos propositions vont dans le bon sens, le groupe UMP approuvera votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Annick Lepetit - Je note que vous êtes bien seule sur les bancs du Gouvernement, Madame la ministre (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Le 9 novembre, l'examen des crédits relatifs à la ville et au logement a été repoussé en vue d'intégrer les annonces faites la veille par M. de Villepin.

Il a donc fallu que des quartiers basculent dans la violence pour que le Gouvernement réagisse. Voilà qui est inadmissible, bien tardif et surtout très insuffisant. Ces quelques modifications, faites dans la précipitation, ne changeront rien. Car votre politique est toujours la même. Votre budget, sans ambition, est déconnecté de la réalité : il ne tient compte ni de la hausse des prix et des charges, ni de la baisse continue du pouvoir d'achat, ni de l'accroissement des difficultés dans beaucoup de quartiers.

Comment croire de surcroît en sa sincérité quand, après l'avoir défendu en commission il y a quelques jours, vous le modifiez aujourd'hui pour faire bonne figure ? Comment croire que vous voulez agir pour les quartiers en difficulté alors que vous faites tout le contraire depuis trois ans ? Ne venez-vous pas ainsi d'annuler 45 millions de crédits le 3 novembre dernier ? Vous faites beaucoup d'annonces prometteuses, mais qui ne sont guère suivies dans les faits. Ce double langage, hier inacceptable, est intolérable aujourd'hui.

Les crédits affectés à la « rénovation urbaine » et à l'« équité sociale et territoriale » sont largement insuffisants.

Mme la Ministre déléguée - Et vous, qu'avez-vous fait ?

Mme Annick Lepetit - Les autorisations d'engagement pour la rénovation urbaine baissent ainsi de 26,5 %. Alors que la loi du 1er août 2003 impose à l'Etat de mobiliser chaque année une enveloppe de 465 millions pour ce programme, nous ne trouvons ici que 305 millions. Selon le bleu budgétaire, la différence serait comblée par le Fonds de renouvellement urbain. Nous ignorons malheureusement comment ce fonds sera alimenté et pourquoi sa participation augmente par rapport à l'année dernière. Vous devez présenter un budget transparent qui reflète vos engagements. Certes, le Premier ministre vient d'annoncer une augmentation de 25 % sur deux ans. Qui la financera, alors que le programme de rénovation urbaine repose essentiellement sur les financements des autres acteurs du logement ?

Et que dire de la diminution des moyens alloués à l'aménagement des quartiers - moins 21 % en crédits de paiement par rapport à l'année dernière - qui s'ajoute à la baisse de 11 % des crédits de paiement destinés à la prévention et au développement - accès au droit et à la justice, prévention de la délinquance juvénile, réussite scolaire, insertion sociale - et à la chute de plus de 6 % des crédits alloués au développement économique des territoires et à l'insertion professionnelle ?

Le Premier ministre vient d'annoncer 100 millions d'euros de plus en 2006 pour les associations, mais depuis 2002 vous n'avez cessé de réduire ces crédits, fragilisant jusqu'à la disparition nombre d'associations qui oeuvrent dans ces quartiers.

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - Et que faites-vous de la DSU ?

Mme Annick Lepetit - Le tissu associatif aura besoin de temps pour se reconstruire, mais surtout, comme le souligne le dernier rapport du Conseil national des villes, de garanties financières stables et prévisibles !

En vérité, votre soudaine prise de conscience de l'utilité des associations et de l'accompagnement social est un aveu d'échec de votre politique. M. Borloo ne cesse de proclamer que si tout va mal, ce serait de la faute de ses prédécesseurs.

Mme la Ministre déléguée - C'est malheureusement vrai !

Mme Annick Lepetit - Il est pourtant ministre depuis 2002 ! Ce que vous proposez aujourd'hui pour ces quartiers est dérisoire, et vous allez encore creuser les inégalités et renforcer la ségrégation territoriale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Pour ce qui est du budget logement, le Gouvernement prétend en faire une priorité depuis les dramatiques incendies de cet été. Un projet de loi sur l'habitat, annoncé depuis plus de deux ans, sort enfin des tiroirs, mais son titre prometteur, « engagement national pour le logement », n'est qu'un leurre, car votre budget ne permettra pas cet engagement. A l'instar des années précédentes depuis 2002, il recule sur tous les plans.

Les crédits destinés aux aides à la personne baissent de 1,4 % par rapport à 2005, soit 72 millions en moins. Vous comptez en effet sur une importante baisse du chômage et sur un ralentissement de la hausse des loyers en 2006 pour voir diminuer le nombre d'allocataires de ces aides. C'est là pure conjecture. Si le chômage diminue, c'est parce que vous multipliez les stages et les contrats sans lendemain.

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - Et qu'avez-vous fait avec les emplois-jeunes ?

Mme Annick Lepetit - Quant aux loyers, rien ne prouve que vos prévisions se réalisent. Par ailleurs, vous oubliez que durant deux ans, vous n'avez revalorisé les aides à la personne qu'une seule fois ! Vos services eux-mêmes nous apprennent que le taux d'effort moyen pour les personnes isolées bénéficiaires du RMI est passé de 15,7 % en 2003 à 20,2% en 2005. Il a également augmenté pour les salariés et les étudiants.

Votre budget pénalise les plus modestes (Protestations sur les bancs du groupe UMP) .

Vous semblez revenir sur votre décision injuste et bête de supprimer les aides au logement inférieures à 24 euros par mois, mais le conseil national de l'Habitat n'ayant pas entériné cette mesure le 15 septembre dernier, nous pouvons nous interroger sur sa sincérité. De surcroît, vous relevez de trois euros la participation minimale due par les allocataires.

Vous avez beau annoncer l'augmentation des aides de 1,8 %, rien ne figure dans le budget. Allez-vous à nouveau exclure des ménages comme vous l'avez fait pour 250 000 d'entre eux en 2004 ?

Ce n'est pas avec un budget amputé de 72 millions que vous pourrez répondre aux difficultés de nos concitoyens.

Depuis trois ans, vous déclarez sacrifier les aides à la personne en faveur des aides à la pierre, alors qu'en vérité vous sacrifiez les deux ! Les crédits alloués au développement et à l'amélioration de l'offre de logement diminuent ainsi de près de 10 %. Plus choquant : vous baissez de 16 % les crédits de la lutte contre l'insalubrité, après nous avoir fait tant de promesses après les incendies dramatiques de cet été.

Quant aux moyens que vous affectez à la construction et à l'amélioration locative, ils illustrent la politique de la droite : moins pour les plus modestes, toujours plus pour les plus riches. Vous financez ainsi beaucoup de logements intermédiaires mais très peu de logements sociaux ! En revanche, vous privilégiez les dépenses fiscales dont une large part du coût ne pèse pas immédiatement sur les finances de l'Etat, à l'instar du nouveau prêt à taux zéro et du dispositif de Robien. S'agissant de ce dernier, tout le monde s'accorde, à l'exception du rapporteur, pour estimer qu'il a contribué à la hausse des prix de l'immobilier et qu'il ne répond pas à la demande. J'ajoute qu'il est une véritable aubaine pour ceux qui veulent s'enrichir avec de l'argent public sans contrepartie sociale, ce qui ne vous empêche pas, pour 2006, d'augmenter ses crédits de 50 % par rapport à 2005. C'est de l'argent en moins pour le logement social.

Ce projet de loi résume bien la politique globale du Gouvernement et de la majorité : impréparation et inconséquence. Je voterai contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Billard - Des incendies meurtriers de la fin de l'été dans des immeubles insalubres parisiens aux violences dans les banlieues-ghettos mettant en cause le délaissement de la politique de la ville, ce sont des piliers de la « cohésion sociale » qui ont été mis à mal.

Je ne peux m'empêcher de revenir sur la scandaleuse expression du ministre de l'Intérieur lors du débat sur la prolongation de l'état d'urgence : « sacrifices financiers pour ces banlieues ». Elle est un terrible résumé de la conception qu'ont certains, à droite, de la solidarité entre territoires et entre habitants de notre pays. Comment s'étonner ensuite des arbitrage initialement rendus sur ce budget ?

Le programme « équité sociale et territoriale, et soutien » était globalement en baisse, notamment l'action « prévention et développement social » qui perdait 11 % de ses crédits de paiement.

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - Mais c'est faux !

Mme Martine Billard - Fallait-il attendre la crise des banlieues pour mesurer l'effet néfastes de ces coupes sur la cohésion sociale ? Pour ce qui est de l'offre de logement, vous privilégiez les logements intermédiaires et l'accession à la propriété, alors qu'il existe une énorme demande de logements très sociaux. Ainsi 300 millions d'avantages fiscaux vont au dispositif Robien et 515 millions au nouveau prêt à taux zéro - tellement élargi qu'il risque de ne plus s'adresser à ceux qui en auraient le plus besoin - mais seulement 60 millions sont alloués aux PLAI, dont le nombre stagne alors qu'il y a de plus en plus de ménages à bas revenus : 21,3 % en 2002 contre 11,8 % en 1988... Votre budget prévoit une baisse de 72 millions d'euros pour les aides à la personne, justifiée par l'anticipation de la reprise de l'emploi, alors que les chiffres du troisième semestre 2005 ne nous invitent guère à l'optimisme.

Les crédits de paiement consacrés à la lutte contre l'habitat indigne baissent de 15 %, en dépit des incendies de cet été. Ce budget logement améliore peut-être la construction de logements mais ne va pas résoudre la pénurie de logements très sociaux.

Concernant l'ANRU, le bleu budgétaire annonce en 2004 soixante-neuf projets validés, entraînant la démolition de 30 850 logements, pour la construction de 28 777, soit une perte de 2 073 logements. Le programme quinquennal de l'ANRU validé en août dernier aggrave ces pertes puisque 57 000 constructions nouvelles pour 60 000 démolitions sont prévues ! La rénovation urbaine, dit-on, vise à renforcer la mixité sociale dans les zones urbaines sensibles, mais cela exige que le déficit entre les destructions et les reconstructions, ainsi que la « résidentialisation » soient compensées par des constructions de logements sociaux et très sociaux ailleurs. La lutte pour la mixité sociale dans les quartiers pauvres ne peut réussir que si elle est également menée dans les quartiers riches. Il faut donc imposer l'application de l'article 55 de la loi SRU sur le pourcentage de logements sociaux dans toutes les communes de plus de 3 500 habitants.

Par ailleurs, quel type d'urbanisation voulons-nous ? Nous ne pouvons continuer à étaler les agglomérations pour des raisons environnementales, mais aussi liées à l'accès aux services publics et aux dépenses de transports : le budget automobile représente ainsi jusqu'à 25 % du revenu des ménages périurbains et cela ne peut que croître avec la hausse du prix du pétrole. La politique de la ville ne se réduit pas à la construction, comme nous le rappellent les événements de ces dernières semaines. Une ville, ce sont des équipements publics, des transports, des commerces, des emplois. Comment accepter que le Gouvernement refuse de respecter ses engagements en termes de transports en Ile-de-France alors que certains projets sont indispensables au désenclavement de certains quartiers ?

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - L'Etat ne finance pas que les projets en Ile-de-France ! Que faites-vous de la province ?

Mme Martine Billard - Face aux discriminations à l'embauche, ce n'est pas en relançant uniquement des propositions de stages et des contrats aidés qu'on rendra l'espoir aux chômeurs des quartiers en difficulté. La SNCF vient d'annoncer un plan volontaire de recrutement dans ces quartiers. C'est une bonne initiative...

Mme la Ministre déléguée - Merci.

Mme Martine Billard - ...que doivent suivre les autres entreprises publiques et para-publiques : EDF, GDF, RATP. Quid, en outre, du « PACTE », nouvelle voie de recrutement aux emplois publics pour les jeunes des quartiers en difficulté ? Beaucoup de bruit a été fait autour de ce dispositif, mais nous n'en entendons plus parler.

Ces dernières années, nous avons eu droit à nombre d'annonces tonitruantes mais les actes suivent peu et les budgets encore moins. Obtenir une augmentation du budget à travers un amendement et après des semaines de violence, c'est une très mauvaise politique. Nous avons tous payé les conséquences de votre refus de comprendre que l'on ne pouvait délaisser les quartiers.

M. Jean-Pierre Blazy - Evidemment.

Mme Martine Billard - Nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Rudy Salles - Avec les événements qui viennent de se produire et qui traduisent un malaise profond, il était sage de reporter la discussion de ce budget et de l'adapter en fonction des impulsions nouvelles qui s'imposent.

M. Denis Jacquat - Parfait.

M. Rudy Salles - Néanmoins, malgré vos efforts, les problèmes de la ville ne seront pas réglés par ce budget ni par ceux qui suivront, Madame la ministre. La politique de la ville a besoin d'orientations pérennes et de cohésion nationale.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous sommes d'accord.

M. Jean-Pierre Blazy - Absolument.

M. Rudy Salles - Reconnaissons-le, les politiques de la ville ont toutes plus ou moins échoué. Je ne mets même pas en cause les gouvernements qui se sont succédé : beaucoup d'entre eux ont cru bien faire mais force est de constater que le bilan global n'est pas bon. La politique de la ville est un défi lancé à notre société et nous ne pouvons nous accommoder d'une politique politicienne qui conduit à remettre en cause systématiquement la politique du prédécesseur. Ainsi, les zones franches urbaines créées par la loi en 1996 ont-elles donné des résultats positifs .

M. Jean-Pierre Blazy - Ce n'était pas l'alpha et l'oméga.

M. Rudy Salles - En tant que député d'une zone franche, « l'Ariane » à Nice, je puis en attester : plus de 800 entreprises se sont installées dans ce quartier et 3 000 emplois ont été créés.

M. Jean-Pierre Blazy - Effets d'aubaine !

M. Rudy Salles - C'est une mesure libérale...

M. Jean-Pierre Blazy - Est-elle efficace ?

M. Rudy Salles - ...qui ne coûte à l'Etat que si elle fonctionne puisque celui-ci prend en charge les impôts et les charges des entreprises si elles investissent et créent des emplois. Parce qu'il s'agissait d'une loi libérale estampillée « de droite», la gauche a failli la supprimer, seul le calendrier l'en ayant empêché.

M. Rodolphe Thomas - C'est exact.

M. Rudy Salles - Les « emplois-jeunes », créés eux par la gauche, avaient permis aux associations de développer des activités de terrain et de créer des emplois de proximité. Ces mesures furent appréciées par tous les élus locaux pour leurs résultats concrets. Malheureusement, ce dispositif, estampillé « de gauche », fut supprimé.

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - C'est la gauche qui en a fait des CDD de cinq ans.

M. Rudy Salles - En est-on arrivé au stade où l'on pourrait considérer ce défi pour ce qu'il est et essayer de définir des orientations soutenues et approuvées par tous ? Je l'espère, même si je reste sceptique au vu de l'atmosphère qui a régné dans cet hémicycle depuis une quinzaine de jours. Le Président Debré a même dû rappeler plusieurs fois à l'ordre notre assemblée en soulignant que le spectacle de nos débats n'était pas très reluisant.

Je fais deux propositions.

Tout d'abord, je reprends une idée que j'avais déjà émise lors de la discussion de la loi sur la ville et qui concerne les propriétaires occupant leurs logements dans les zones franches urbaines. Ces quartiers ont besoin de mixité sociale ; or il s'y trouve une très grande majorité de locataires et une petite minorité de propriétaires. Ces derniers ont souvent investi toutes leurs économies dans l'achat d'un modeste logement mais, la vie n'étant pas facile, ils sont souvent amenés à louer leur logement au lieu de l'occuper. Ce qui est regrettable : il semble ainsi que l'on décourage ainsi l'acquisition de logement ou l'occupation d'un logement dont on est propriétaire. Je propose donc que les propriétaires occupant leur logement dans ces zones bénéficient d'une exonération de la taxe foncière.

M. Denis Jacquat - Très bien.

M. Rudy Salles - Cette mesure incitative permettrait d'accroître la mixité sociale. Elle avait d'ailleurs été votée par l'Assemblée nationale mais rejetée au Sénat à la demande de Bercy. J'espère que nous serons mieux entendus dans un proche avenir.

M. Rodolphe Thomas - Par MM. Mariton et Carrez (Sourires).

M. Rudy Salles - D'autre part, les zones franches ont été créées dès 1997. Nombre d'entreprises s'y sont installées et ont créé des emplois. Beaucoup, parmi elles, ont dépassé le quota de 20 % d'emplois réservés aux habitants du quartier mais pour nombre de celles dont les effectifs dépassent cinq salariés, le bénéfice des mesures de la zone franche est terminé. Ces PME continuent d'embaucher, mais plus rien ne les incite à recruter des habitants de la zone franche. Je propose donc que les entreprises situées dans ces zones et qui recruteraient des salariés résidant dans leurs quartiers soient exonérées de charges sociales sur l'emploi ainsi visé.

M. Jean-Pierre Blazy - Le dispositif actuel ne serait donc pas aussi efficace que vous le prétendez.

M. Rudy Salles - Afin d'éviter les boites aux lettres fictives de salariés qui n'habiteraient pas effectivement dans le quartier, je propose que ceux-ci soient obligés de justifier de trois ans de résidence dans le secteur concerné.

M. Denis Jacquat - Excellent.

M. Rudy Salles - Je suis en train de travailler sur une proposition de loi en ce sens. Sachez que nombre de chefs d'entreprises sont prêts à jouer le jeu si une telle mesure était adoptée.

Enfin, il faut impérativement ramener les services publics au cœur de ces quartier. Je me suis battu pour implanter un commissariat de police et un cantonnement de CRS au centre du quartier de l'Ariane à Nice. Onze ans plus tard et après avoir vu se succéder cinq ministres de l'Intérieur de droite et de gauche, ce service est enfin opérationnel et apporte un mieux vivre indéniable aux habitants. C'est aussi cela la proximité.

La situation de certains offices HLM n'est pas brillante. J'avais obtenu de M. de Robien une inspection de la MIILOS à l'Office de Nice. Le résultat de cette enquête n'était pas en faveur de sa gestion. Depuis lors, que s'est-il passé ? Rien ou presque. Les immeubles sont toujours aussi dégradés et l'occupation illégale des appartements n'est pas endiguée. Dans le quartier de l'Ariane figure un immeuble que tout le monde appelle « la tour infernale » mais sa réhabilitation ne compte pas au rang des priorités. C'est un exemple parmi d'autres dans une ville où manquent, par ailleurs, 16 000 logements sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et de plusieurs membres du groupe UMP)

M. Pierre-André Périssol - Vous présentez un bon budget, et pour le logement, et pour la ville. M. Borloo a initié une politique sans précédent et novatrice tant dans son contenu que dans les moyens déployés. Il présentera prochainement un projet sur l'habitat comprenant des moyens financiers et des dispositions techniques très positives. Le rythme de construction est d'ores et déjà remarquable avec 400 000 logements contre seulement 300 000 dans les années 2000-2002. Avec vous, la politique du logement et de la ville est entre de bonnes mains.

M. Jean-Louis Dumont - En voilà au moins un qui le pense.

M. Pierre-André Périssol - Les résultats que nous obtiendrons dépendent des réponses qui seront apportées à cinq grands problèmes.

Tout d'abord, la définition des besoins selon les localisations. L'approche quantitative est certes intéressante mais seule une définition qualitative des besoins selon la localisation, c'est-à-dire là où il y a une forte demande non satisfaite, sera significative. La construction de logements sociaux ou privés doit prioritairement porter dans les zones où se trouvent les vrais besoins. C'est tout l'enjeu du volet foncier de votre future loi.

Deuxièmement : le rôle et les moyens de l'Etat. Ceux-ci sont à redéfinir même si l'Etat choisit d'agir dans un cadre contractuel avec les collectivités locales. C'est évidemment déterminant pour le logement des plus défavorisés.

Troisièmement : l'accession à la propriété des primo-accédants, donc des jeunes ménages, dans les zones où le foncier est cher. Sans solution pour porter le prix du foncier pendant un certain temps, la première accession sera de fait impossible, ce qui est inacceptable.

Quatrièmement : la redéfinition du périmètre de ce qui est social en matière de logement. Aujourd'hui les plafonds de revenus des logements PLUS rendent ceux-ci accessibles aux deux tiers de la population. Dès lors, il convient de définir ce qui relève du logement social ainsi que les types de logements qui, en étant aidés, ont une véritable utilité sociale selon les besoins de la zone concernée.

Nous n'avons en outre aucun complexe à avoir en matière de logement vis-à-vis de l'opposition. Les réquisitions pour loger les plus défavorisés, c'est notre majorité qui les a faites.

Mme Martine Billard - Refaites-en !

M. Pierre-André Périssol - C'est nous qui avons jadis réalisé plus de 20 000 logements d'urgence et d'insertion en dix-huit mois. Le PTZ, qui a permis une accession sociale à la propriété sans précédent, c'est également nous, et c'est M. Daubresse qui a élargi le nombre de bénéficiaires.

Mme Annick Lepetit - Il a supprimé le PTZ !

M. Pierre-André Périssol - Son succès a d'ailleurs permis de multiplier par 2,5 le nombre de places offertes en HLM aux candidats locataires. La première étape de la TVA à 5,5 % en matière de logement, c'est nous. La relance de l'investissement des ménages dans le logement avec le principe de l'amortissement, c'est nous.

Mme Annick Lepetit - Vous habitez où ?

M. Pierre-André Périssol - Cette politique globale du logement, c'est notre majorité qui l'a menée.

Mme Annick Lepetit - Tout va bien, alors ?

M. Jean-Pierre Blazy - La crise des banlieues, c'est aussi votre majorité !

M. Pierre-André Périssol - Que ceux seraient tentés de critiquer la politique de M. Borloo soient donc plus mesurés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - Bravo !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Tout va bien bonnes gens ! Dormez bien, mais dormez dehors !

M. Jean-Pierre Blazy - Après l'explosion de violences dans les banlieues, le Gouvernement a reporté l'examen des crédits de la ville et du logement afin de revoir sa copie. Cette correction de dernière minute est révélatrice. Il ne suffit pas, en effet, de créer l'ANRU et de faire une loi de cohésion sociale - je ne dis pas que cela n'était pas nécessaire - si dans le même temps on laisse filer le chômage, on baisse l'impôt des riches et on met à mal la protection sociale, l'école et la politique de la ville. M. Borloo ne songeait-il pas, il y a peu, à la disparition du ministère de la ville ?

Mme Annick Lepetit - M. Borloo n'est pas là.

M. Jean-Pierre Blazy - Depuis trois ans, la fracture sociale n'a cessé de se creuser. Elle n'a jamais été aussi béante. Vous avez installé l'insécurité sociale, ne vous étonnez pas de récolter l'insécurité publique ! Loin de moi l'idée de justifier cette dernière, mais s'il faut être dur avec la violence, il faut aussi l'être avec les causes de la violence !

Le Conseil national des villes a pourtant tiré plusieurs fois la sonnette d'alarme. Hélas, il a prêché dans le désert. Il constatait que des pans entiers du territoire se trouvent en situation de relégation et demandait que l'on mobilise pour eux des moyens exceptionnels.

La situation n'est pas nouvelle, c'est vrai, mais la prise de conscience du Gouvernement s'est vraiment fait attendre. Avant les récentes annonces du Premier ministre, il était prévu que les crédits de paiement du programme de rénovation urbaine baissent de 25 %. Vous prévoyez maintenant d'augmenter les crédits de l'ANRU de 25 % en deux ans, mais comment comptez-vous financer les nouvelles mesures, alors que vous avez déjà beaucoup de mal à tenir les engagements antérieurs et alors que le décret du 3 novembre a annulé 46 millions de crédits ?

Le programme d'équité sociale et territoriale devait, lui, voir ses crédits baisser de 7 %. Depuis trois ans, les crédits destinés à l'accompagnement social des personnes les plus démunies n'ont de toute façon cessé de chuter. Rappelons la disparition des emplois-jeunes, la réduction drastique des crédits destinés aux CEC et aux CES, la réduction de ceux du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations...Quant au programme de réussite éducative, ses moyens ne sont toujours pas arrivés sur le terrain... J'ai déjà recruté un coordinateur pour ce programme : j'espère que je pourrai le payer !

M. De Villepin a annoncé qu'il rétablissait les subventions aux associations à hauteur de 100 millions d'euros. Or il semble que l'amendement du Gouvernement ne prévoit en réalité que 80 millions. Quoi qu'il en soit, vous avez, depuis trois ans, massacré le tissu associatif des quartiers sensibles. Et les crédits du Fonds d'intervention pour la ville ont chuté de 40 % depuis 2003. Vous justifiez cette baisse par la réforme de la DSU, mais celle-ci favorise trop les villes centres au détriment des banlieues.

Vous annoncez le doublement du nombre d'adultes relais, mais les crédits prévus à cet effet dans le budget pour 2006 n'étaient que de 43 millions, contre 57 en 2004. Un amendement du Gouvernement va, semble-t-il, corriger le tir, mais il aura fallu pour cela attendre des émeutes urbaines !

Comment lutter efficacement contre la violence et la délinquance, alors que dans le budget initial pour 2006, les crédits pour la prévention de la délinquance baissaient de 13,2 % ? Là encore, le CNV avait tiré la sonnette d'alarme. L'appel aux maires de toutes tendances que vient de lancer Gilbert Bonnemaison - dont les propositions formulées il y a vingt-trois ans restent d'actualité - devrait tous nous faire réfléchir. Les maires qui ont dû affronter les violences urbaines ne se contenteront pas de vaines promesses !

Plus que de l'état d'urgence, nous avons besoin d'un plan d'urgence républicaine et sociale. C'est la raison pour laquelle les socialistes réclament une loi de programmation pour les banlieues. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Etienne Pinte - Le logement est, avec la formation et l'emploi, l'une de nos priorités, comme il est une condition de toute vie équilibrée et harmonieuse, dans une société qui doit retrouver une dimension plus humaine. Mais de nombreuses contraintes freinent les élus favorables au développement du logement social. C'est pourquoi je reprendrai certaines des dispositions positives du pacte national pour le logement en vous demandant, Madame la ministre, d'aller plus loin encore.

Libérer le foncier et prévoir une décote de 25 % pour l'acquisition de terrains publics destinés au logement social, très bien, mais il faudrait que cette mesure soit étendue au foncier bâti et aux terrains des entreprises publiques.

Imposer un minimum de logements sociaux dans les PLU, très bien, mais il faudrait aussi que cette obligation s'impose à toute opération privée. Développer l'accession à la propriété sociale est une ambition heureuse, mais encore faut-il que la vente de logements sociaux - appartenant aux bailleurs sociaux - ou la construction de logements sociaux destinés à l'accession à la propriété permettent de maintenir dans le quota de 20 % ces catégories de logements.

Vos projets restent trop silencieux sur les loyers pratiqués dans le parc social pour les personnes qui, compte tenu de leurs revenus, ne devraient pas y être. Est-il normal que certaines d'entre elles possèdent par ailleurs d'autres biens immobiliers, y compris dans la même commune ? Il faut que la revalorisation des surloyers permette de moduler les loyers des personnes en cessation de paiement faute de moyens suffisants.

Traiter l'insalubrité du parc privé est urgent. Encore faut-il que les crédits destinés aux réhabilitations - les PALULOS - soient revalorisés de façon très importante, aussi bien pour le secteur privé que pour le secteur public. Elargir le rôle de l'ANAH, oui, mais encore faut-il que celle-ci se montre plus réactive et comprenne enfin qu'en secteur sauvegardé, le coût d'une réhabilitation est de 30 à 40 % plus élevé qu'ailleurs.

Mobiliser le foncier public, bien sûr, mais il faut aller plus vite. Il est indispensable que les administrations cessent de trouver des prétextes pour traîner les pieds et retarder les cessions.

Avec de la volonté politique, de la pédagogie et de l'imagination, nous pouvons réaliser des logements sociaux. Il y a urgence, car les besoins sont grands. C'est pour nous une exigence morale, si nous voulons offrir à nos concitoyens les plus modestes les moyens de vivre dignement dans nos cités et de se sentir reconnus et intégrés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Louis Dumont - Quand nous avons appris le report de l'examen du budget de la ville et du logement, nous avons pensé qu'une volonté politique forte allait enfin s'exprimer ce matin. Mais vous êtes là, Madame la ministre, toute seule, et le ministre de la cohésion sociale n'est toujours pas parmi nous ! Il aurait pourtant fallu qu'une voix s'élève, peut-être même la plus haute du Gouvernement, pour dire que l'on allait faire du logement une grande cause nationale, voire la première.

Il est trop facile de renvoyer la faute sur les autres. Il faut tirer l'enseignement des événements récents et marquer une même volonté politique sur des objectifs partagés !

N'oublions pas, au-delà des événements qui ont suivi la mort de deux adolescents dans un transformateur électrique, les plus de vingt décès que nous avons déplorés cet été pour cause d'habitat indigne, sans parler des maladies que celui-ci entraîne.

M. Gilbert Meyer - Pas d'amalgame !

M. Jean-Louis Dumont - Cher collègue, nous pourrions nous accorder sur la nécessité de faire passer le message d'une grande ambition en matière de logement.

Concernant l'ANRU, j'ai applaudi lorsque Jean-Louis Borloo nous a annoncé le guichet unique, mais le problème, c'est que celui-ci commence à prendre les mauvaises habitudes que nous avions connues du temps du DSQ : alors que le dossier est bouclé et que le préfet lui-même a donné un avis favorable, à Paris un anonyme, quelque part, va décider qu'il y a un problème... Je me souviens du président de l'ANRU déclarant : « Personne n'a rien fait depuis vingt ans, aujourd'hui on fait la révolution dans les quartiers ! ». Pour l'instant, nous n'avons récolté que quelques nuits chaudes... Or l'une des critiques que l'on peut faire à l'ANRU, c'est qu'on déménage des populations pour pouvoir démolir, mais la reconstruction ne vient qu'après une surenchère sur le foncier. Et qu'a-t-on fait sur ce sujet depuis deux ans ? Rien ! J'ai entendu ce matin ce qui vient de se passer à Bordeaux : le maire veut acheter en centre-ville un immeuble qui est mis en vente par les services de l'Etat ; adjudication publique, doublement du prix : il n'aura certainement pas les moyens de préempter. Je pourrais aussi évoquer à nouveau RFF : a-t-on vraiment la volonté de recenser les terrains qui pourraient être utilisés pour créer de logements et de les mettre à disposition des organismes dont c'est là le métier ?

Dernier exemple : en Lorraine, le budget du logement diminue de 15 %. Certes, l'Ile-de-France bénéficie d'une augmentation de 10 %, mais cela ne suffit pas.

Je terminerai par deux questions. S'agissant du FNAL, quelle ressource nouvelle pour compenser le désengagement de l'Etat ? L'Europe s'engage à hauteur de près d'un milliard pour financer le renouvellement urbain de nos quartiers : quelle sera l'affectation de ces crédits ? Pouvez-vous nous assurer qu'ils ne viendront pas compenser le désengagement de l'Etat, mais seront utilisés pour donner du souffle à la politique du logement, grande cause nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Denis Jacquat - Très bien ! La voilà, la gauche constructive !

Mme Arlette Grosskost - Voilà vingt-cinq ans que les politiques de la ville se succèdent dans notre pays avec plus ou moins de succès, des centaines de millions d'euros y ont été engloutis. Les violences urbaines nous conduisent à nous interroger sur la pertinence de ces dépenses ; néanmoins, élue de proximité, j'ai été également interpellée sur le désengagement de l'Etat, et j'ai donc entendu avec intérêt l'annonce par le Premier ministre d'une hausse significative des crédits pour les associations et pour l'ANRU.

On ne peut que se féliciter, mais il m'apparaît tout aussi souhaitable de mettre en place un dispositif d'évaluation des sommes employées, afin de rendre lisible leur impact, en termes de qualité de vie ou de baisse de l'insécurité notamment. Force est de constater que certains acteurs, en particulier parmi les associations, ne s'interrogent pas toujours sur l'efficacité réelle de leurs actions.

Pour répondre à l'exigence d'une amélioration de la vie quotidienne dans les quartiers, il nous faut mettre en place de vrais leviers. Le Premier ministre a rappelé la semaine dernière les pistes à suivre pour garantir à tous nos concitoyens le respect de notre pacte républicain. La République est une idée universelle qui ne saurait favoriser les communautarismes, mais elle se doit en revanche de lutter avec force contre toutes les formes de discriminations, notamment à l'embauche.

M. Jean-Pierre Blazy - Très bien !

Mme Arlette Grosskost - La politique de la ville doit s'articuler autour de trois axes : garantir un cadre de vie décent ; favoriser la création d'un tissu économique, en donnant la priorité à l'activité sur l'assistanat ; assurer la sécurité et le respect des règles de droit, applicables partout et pour tous.

L'augmentation de 25 % des crédits de l'ANRU est une première étape indispensable pour consolider les premiers acquis d'une politique du logement social refondée. C'est, parallèlement à la fermeté, la réponse pragmatique du Gouvernement à la situation.

En ma qualité de vice-présidente du conseil régional d'Alsace, chargée de la politique de la ville et des jeunes, j'ai signé récemment la convention ANRU de réhabilitation du quartier du Neuhof, engagement partenarial exemplaire de l'Etat et des collectivités, appuyé sur les besoins exprimés par les habitants. Mais je voudrais également évoquer l'initiative d'un bailleur social privé, la réalisation à Mulhouse de la « Cité Manifeste », parc locatif du XXIe siècle que M. Borloo a inauguré.

La première priorité est de favoriser l'accès à l'emploi ou à la création d'entreprise, notamment au bénéfice des jeunes diplômés issus des quartiers, qui doivent servir d'exemple face à la fausse réussite que constitue l'économie souterraine. Permettez-moi d'évoquer ici le projet expérimental dénommé les cadets de l'humanitaire que je pilote dans ma circonscription avec le sous-préfet de Mulhouse, en partenariat avec le groupe Vedior, consistant à proposer une formation diplômante d'aides-soignantes et de chauffeurs de poids lourds à vingt jeunes issus de quartiers sensibles, pour les conduire vers l'emploi durable en réalisant un projet humanitaire au Mali. Le dispositif est prêt, il ne manque plus qu'un bouclage financier transversal des ministères concernés ; malheureusement, cette initiative - peut-être trop innovante - est pour l'instant bloquée, faute de réactivité ou d'audace de certains services ministériels. Madame la ministre, je vous ai déjà parlé de ce projet-pilote, susceptible de généralisation au niveau national ; peut-être pourrez-vous m'aider à le concrétiser. Agir pour les cités, c'est agir pour la citoyenneté. Il ne peut y avoir dans notre pays de « citoyens de seconde zone », de même qu'il ne peut y avoir des droits et des devoirs différents selon les origines sociales ou géographiques. C'est unis que nous gagnerons la bataille de la dignité et de la cohésion sociale.

Madame la ministre, je voterai avec enthousiasme ce budget courageux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Denis Jacquat - Afin de rendre encore plus efficace notre politique de la ville, nécessairement globale, je voudrais attirer votre attention sur deux points importants.

Tout d'abord, le surcoût entraîné par les nouveaux emplois aidés dans les chantiers d'insertion. Beaucoup d'associations ne remplacent pas leurs CES par des contrats d'avenir ou des contrats d'accompagnement dans l'emploi - ce qui va conduire à un déficit de formation chez les personnes les plus éloignées de l'emploi. Il faut que les nouveaux emplois aidés ne soient plus rattachés à une convention collective ; ils doivent, parce qu'ils relèvent d'une logique différente, être dissociés des autres emplois existants dans ces associations, et soumis aux mêmes règles que les précédents emplois aidés. Pourquoi changer les règles d'un système qui fonctionnait à la satisfaction de tous ? N'oublions pas que l'emploi est un facteur essentiel pour la réussite des programmes de rénovation urbaine.

Deuxième sujet : l'entrée en apprentissage à 14 ans, annonce jugée « scandaleuse », « consternante » ou « lamentable » par certains syndicats d'enseignants.

Elu d'Alsace-Moselle, je suis très choqué par ces déclarations car dans nos départements, nous avons connu le préapprentissage à 14 ans, et nous pouvons vous dire que cela marchait ! II s'insérait dans l'organisation scolaire de l'époque, qui avait pour obligation naturelle et essentielle l'acquisition du socle des fondamentaux, et s'adressait à l'ensemble des jeunes. Plusieurs fois, ici même, je l'ai défendu, et certains m'ont répondu que son succès chez nous était « culturel »... Mais pourquoi refuser un système qui a fait ses preuves ? De la même façon, grâce à la volonté de Jean-Louis Borloo, le principe de la faillite civile, qui était l'une de nos spécificités, a été adopté au niveau national - et personne ne le regrette.

Madame la Ministre, vous vous battez avec M. Borloo pour que nos zones sensibles sortent du marasme. Tous ensemble, continuons à agir car nous savons bien que pour réussir, il faut du temps et de la volonté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Mansour Kamardine - Madame la Ministre déléguée, je voterai avec détermination votre budget...

Mme la Ministre déléguée - Merci !

M. Mansour Kamardine - ...car il répond aux préoccupations de notre pays. Certains orateurs semblent oublier que les problèmes du logement, de l'emploi et des banlieues se posent depuis trente ans et que nous avons eu, les uns et les autres, la chance d'assumer la responsabilité du pouvoir durant cette période.

Comme dit le proverbe, « à quelque chose malheur est bon ». Cette crise des banlieues aura permis de vérifier l'efficacité de la politique menée depuis trois ans puisque les zones les plus touchées par les émeutes sont précisément celles qui n'ont pas encore bénéficié de l'intervention massive de l'Etat...

Mme la Ministre déléguée - Tout à fait !

M. Mansour Kamardine - ...où les barres n'ont pas encore été détruites, où l'on n'a pas reconstruit des quartiers à visage humain.

M. Rodolphe Thomas - Très bien !

M. Mansour Kamardine - Nous avons tous la responsabilité de mettre en valeur les succès de cette politique et de l'encourager. M. Borloo étant absent, ce qui a donné lieu à des critiques mesquines, c'est vous Madame la Ministre déléguée que j'ai le plaisir de féliciter.

Mme la Ministre déléguée - Merci !

M. Mansour Kamardine - Ce matin, il a été question d'amplifier ou de renforcer les dispositifs existants en faveur du logement. Or, Mayotte compte 30 000 logements, dont 15 000 cases « SIM », du nom de la Société immobilière de Mayotte. Ces cases à deux pièces accueillent des familles avec trois ou quatre enfants, la première pièce étant réservée aux parents, et la deuxième aux enfants. Frères et sœurs dorment souvent ensemble dans le même lit. Autrefois, dans l'enclos familial, à côté de ces cases traditionnelles à deux pièces, il y avait les « bangas » construites et habitées par les jeunes garçons dès la puberté. Or, ces cases ont tendance à disparaître en raison du manque de place. Il faut donc repenser la politique du logement et de la ville à Mayotte. Aujourd'hui, nous avons, osons le mot, des ghettos avec d'un côte les blancs, souvent des fonctionnaires, qui habitent des cases confortables et de l'autre les mahorais. Pour désamorcer cette bombe à retardement, il faut reconstruire des cases « SIM » plus grandes et rénover 15 000 logements. Il était prévu un programme de dix ans pour résorber cet habitat insalubre, soit 1 500 logements par an. Or on atteint seulement 400 logements par an. L'introduction d'un deuxième opérateur immobilier à Mayotte et la création d'un office public d'aménagement et d'urbanisme permettraient de développer une véritable politique du logement que les communes, déjà exsangues, ne peuvent assumer.

Madame la ministre déléguée, l'insertion doit également devenir une réalité à Mayotte. C'est le vœu le plus cher des Mahorais. Nous avons toujours refusé l'assistanat, c'est ainsi qu'un certain nombre de dispositifs, dont celui du RMI, n'ont pas été étendus à Mayotte. Récemment, en lisant un compte rendu des débats du Sénat datant des années 1960, j'ai noté qu'un de nos prédécesseurs disait déjà « qu'on intervenait toujours trop tard outre-mer ». Il est temps d'agir aujourd'hui à Mayotte pour assurer la paix de demain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur quelques bancs socialistes)

M. Jean-Louis Dumont - Espérons que notre collègue de Mayotte sera entendu !

Mme la Ministre déléguée - Comme beaucoup d'entre vous l'ont rappelé, nous abordons l'examen des crédits de cette mission dans un contexte particulier. Sans aller jusqu'à dire que nous avons trouvé le « Haussmann du XXIe siècle » que certains cherchent, nous avons aujourd'hui au Gouvernement un ministre qui a une vision des problèmes de la ville et des banlieues, M. Borloo.

M. Christophe Caresche - Dans ce cas, pourquoi est-il absent ?

Mme la Ministre déléguée - Vous le savez bien ! Cet après-midi commence au Sénat la discussion sur le projet de loi relatif à l'engagement national pour le logement, troisième texte sur le sujet depuis 2002. Au lieu de tenir un discours de la méthode comme Mme Lepetit, nous avons choisi de dresser un bilan chaque année, travail que nous avons confié à l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, et d'en tirer les conséquences. Selon le dernier rapport qui nous a été remis début octobre, les outils que nous avons mis en place n'ont pas encore donné tous les résultats escomptés. Quoi de plus logique ? Nous sommes tous conscients du chemin qu'il reste à parcourir mais nous pouvons déjà nous réjouir des bons résultats de l'ANRU en seize mois.

Repousser l'examen de ce budget d'une dizaine de jours n'avait pas pour but de présenter un énième plan ou de multiplier les interventions, mais au contraire de concentrer les efforts sur les dispositifs existants, d'aller plus vite et plus fort, pour répondre aux besoins toujours aussi importants en métropole et dans les DOM-TOM, comme vient de le rappeler M. Kamardine.

Tout d'abord, reprenons quelques chiffres. La mission « ville » représentait initialement dans le budget pour 2006 460 millions avec la dotation de solidarité urbaine. Après correction, ce budget a été porté à 624 millions, contre 291,875 millions dans la loi de finances initiale pour 2002 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Plusieurs députés socialistes - Y compris la DSU ! Cela change tout !

Mme la Ministre déléguée - Les chiffres parlent d'eux-mêmes ! De la même façon, le Conseil national des villes a été beaucoup cité ce matin, mais personne n'a mis en valeur le travail de l'association « Ville et banlieue » qui s'est battue pour faire évoluer la notion de DSU et obtenir un financement pérenne.

Plusieurs députés socialistes - Nous vous avons soutenu sur ce point !

Mme la Ministre déléguée - Sur les grands enjeux, nous savons nous retrouver !

M. Christophe Caresche - Bien sûr !

Mme la Ministre déléguée - Venons-en maintenant à la mission.

S'agissant du logement, l'action du Gouvernement s'inscrit, M. Abelin l'a justement noté, dans la durée grâce à deux lois de programmation : ville et rénovation urbaine, et cohésion sociale. Au-delà des financements, du reste, exceptionnels, ces lois permettent une meilleure coordination des acteurs, réclamée par tous les élus locaux durant la crise des banlieues, notamment à travers l'ANRU. La future Agence de la cohésion sociale constitue un autre élément de réponse à cette nécessaire coordination des acteurs.

En matière de logement, la loi de programmation pour la cohésion sociale a fixé pour objectif la construction de 500 000 logements locatifs sociaux, la production de 200 000 logements privés à loyers maîtrisés et la remise sur le marché de 100 000 logements vacants, grâce aux aides de l'ANAH, d'ici à 2009. Pour atteindre ces chiffres ambitieux, il est nécessaire de mobiliser l'ensemble des acteurs, comme MM. Abelin et Thomas l'ont rappelé.

Dès 2005, nous avons réussi à mettre près de 400 000 logements en chantier, soit presque 100 000 de plus qu'en 2002. C'est le meilleur résultat depuis vingt-cinq ans ! L'appareil de production de logements de notre pays se remet donc en marche, avec pour corollaire la relance de l'emploi. Permettez-moi, en tant que ministre de la parité, de rappeler nos efforts pour diriger les femmes vers ces métiers où la force physique n'est plus la seule compétente demandée.

Cet effort de production de logements profite en premier lieu aux ménages qui disposent de ressources modestes. En 2005, plus de 80 000 logements locatifs sociaux seront financés. C'est le meilleur résultat obtenu depuis dix ans et nous progressons encore par rapport à 2004 où 75 000 logements avaient été financés. Je veux vous rappeler, Madame Lepetit, le résultat que nous avons obtenu en 2005 : il représente le double de celui de l'année 2000, lorsque vous étiez en charge de ces dossiers. En 2006, nous financerons 100 000 logements sociaux.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Vous confondez les chiffres !

Mme la Ministre déléguée - Mais vous savez très bien que c'est sur les chiffres de fin d'année qu'il faut se baser ! Nous avons donc dû élaborer un plan de rattrapage des manquements de nos prédécesseurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

M. Mansour Kamardine - Absolument !

Mme la Ministre déléguée - Grâce à l'ANAH, 30 000 logements privés seront produits en 2005. Comme l'a souligné M. Abelin, l'ANAH a mobilisé en 2005 des crédits non utilisés, ce qui lui permet d'engager son programme d'intervention prévisible pour l'année 2005. Ainsi, aucune intervention n'a été refusée par l'ANAH pour insuffisance de crédits. Nous proposerons dans le projet de loi portant engagement national pour le logement de privilégier les actions destinées à développer un parc privé de qualité. Je veux vous assurer que le Gouvernement souhaite obtenir à Bruxelles la prolongation du taux de TVA à 5,5 %, mesure indispensable pour le logement.

M. Jean-Pierre Blazy - C'est nous qui l'avons prise !

Mme la Ministre déléguée - Oui, nous nous situons dans la continuité.

Le Gouvernement a décidé de lancer un pacte national pour le logement en septembre : les premières mesures sont entrées en application et d'autres dispositions seront proposées aujourd'hui. Nous disposerons alors de tous les outils nécessaires pour, ensemble, réduire cette crise.

Les moyens budgétaires et fiscaux sont en forte augmentation : il ne s'agit plus d'un problème de financement : c'est une question de volonté et de mobilisation, que nous devons, comme le disait M. Thomas, retrouver partout.

Mme Annick Lepetit - Allez le dire aux associations !

Mme la Ministre déléguée- L'Etat jouera pleinement son rôle : mais il faut que tous ceux qui peuvent participer le fassent !

M. Denis Jacquat - Très bien !

Mme la Ministre déléguée- Les crédits de paiement de l'action « Construction locative et amélioration du parc » sont en augmentation de 7 %. Nous voulons faire porter notre effort sur le parc locatif social et sur le parc privé.

Mme Martine Billard - Et les PLA ?

Mme la Ministre déléguée - S'agissant du parc social, dont les CP augmentent de 15 %, nous avons, avec 482 millions d'autorisations d'engagement, les moyens de financer 100 000 logements locatifs sociaux, conformément à la loi de programmation pour la cohésion sociale.

La situation nécessite une véritable mobilisation et c'est la raison pour laquelle le Président de la République a rappelé qu'il était nécessaire que la loi SRU soit mieux appliquée sur l'ensemble du territoire.

M. Jean-Pierre Blazy - Il n'est pas entendu !

Mme la Ministre déléguée - M. Borloo a donné des instructions précises aux préfets pour qu'ils engagent, conformément à la loi, des procédures contradictoires à l'encontre des communes qui ne font manifestement pas suffisamment d'efforts. Ces procédures sont en cours et une réunion se tiendra prochainement rue de Grenelle.

M. Jean-Pierre Blazy - On jugera aux actes !

Mme la Ministre déléguée - Monsieur Meyer, je vous confirme que les communes qui font partie d'une agglomération en décroissance démographique et qui participent à un établissement de coopération intercommunale doté d'un programme local de l'habitat n'entrent pas dans le champ d'application de la disposition relative aux 20 % de logements sociaux.

M. Rudy Salles - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Un accord sera conclu avec la confédération des organismes HLM pour augmenter le nombre des ventes de logements à leurs locataires. Les objectifs seront fixés en fonction des politiques locales de l'habitat car effectivement, Madame Jambu, ils devraient être plus importants dans les communes à fort taux de logements sociaux. Ce parcours de résidentialisation est un élément de mixité.

M. Jean-Louis Dumont - Il est bloqué !

Mme la Ministre déléguée - Je confirme que le budget permettra de réhabiliter 40 000 logements locatifs sociaux en 2006 en dehors des zones d'intervention de l'ANRU.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Contre 100 000 en 2002 !

Mme la Ministre déléguée - S'agissant du financement du logement locatif social, nous avons pris des mesures concrètes. Après une première baisse de 0,05 % du taux d'intérêt des prêts au logement social le 1er janvier, le Gouvernement a décidé d'appliquer une baisse supplémentaire de 0,15 % pour les prêts émis à compter du 1er novembre. L'adossement du taux de ces prêts au livret A permet aux organismes HLM de voir leurs coûts de financement évoluer en adéquation avec l'inflation.

En outre, si les prêts au logement social étaient consentis à taux fixes sur des périodes aussi longues que quarante ou cinquante ans, nous ne pourrions pas atteindre des taux d'intérêt aussi bas. La durée des prêts PLUS et PLAI, respectivement de 3 et de 2,5 %, émis depuis le 1er novembre, est portée à quarante ans. Ces améliorations représentent pour les opérateurs l'équivalent d'une subvention de 8 % et permettent, Monsieur Dumont, de cibler la surcharge foncière dans les zones les plus tendues sans réduire les conditions de financement dans les autres zones.

Comme vous le soulignez, Monsieur Grosdidier, les difficultés pour accéder au foncier sont aujourd'hui l'obstacle principal à la construction de logements sociaux. Des prêts de la Caisse des dépôts et consignations sont donc créés pour permettre aux communes l'acquisition de terrains pouvant accueillir des opérations locatives sociales. Souscrits pour une durée de cinquante ans, ils seront mis à disposition d'opérateurs de logement social au moyen de baux emphytéotiques ou de baux à construction.

L'Etat facilitera pour sa part la mise à disposition de terrains lui appartenant, avec une décote allant jusqu'à 25 % du prix estimé par le service des Domaines. Je vous confirme, Monsieur Pinte, que celle-ci ne peut s'appliquer que sur les terrains appartenant à l'Etat, mais cela n'empêche pas que la SNCF puisse céder une partie de ses terrains. Des conventions sont par ailleurs signées avec RFF et la RATP en Ile-de-France.

Un inventaire des terrains pouvant accueillir des logements permettra, début 2006, d'établir une programmation pluriannuelle. C'est une des missions prioritaires que nous avons confiées au délégué interministériel au développement de l'offre de logement. Ainsi, en trois ans, nous pourrons créer 20 000 logements sur des terrains cédés par l'Etat. Avec la délégation interministérielle à l'offre de logement et la délégation à l'action foncière du ministère de l'équipement, nous disposons d'outils opérationnels pour suivre ce programme au jour le jour.

Il est évident que l'engagement des maires ne fera qu'accélérer ce processus et c'est pourquoi le projet de loi portant engagement national pour le logement proposera des outils pour faciliter la libération de foncier constructible.

S'agissant du parc privé, l'ANAH disposera de 505 millions de moyens d'intervention pour atteindre des objectifs ambitieux : réalisation de 36 000 logements privés à loyers maîtrisés et remise sur le marché de 16 000 logements vacants. L'agence devra également intensifier la lutte contre l'habitat indigne par le traitement et la réhabilitation de près de 39 000 logements.

Le Gouvernement a également souhaité répondre à nos concitoyens qui ont des revenus trop élevés pour accéder au parc social mais qui éprouvent néanmoins des difficultés pour se loger dans les grandes agglomérations, en créant un nouveau dispositif d'aide à l'investissement dédié au parc locatif intermédiaire. Appelé parfois le « Borloo populaire », ce dispositif complètera le dispositif Robien, qui sera pour sa part recentré sur les communes où le marché immobilier est le plus tendu.

Les logements loués dans le cadre du nouveau dispositif devront être proposés à un loyer représentant 70 % des loyers de marché et destinés à des ménages répondant à certains critères de ressources. La déduction forfaitaire sur les loyers sera portée à 30 % et la rentabilité de ce dispositif sera de 7 %, ce qui devrait garantir son succès, Monsieur Abelin. Monsieur Thomas, les avantages fiscaux résultant de ce mécanisme ainsi que du dispositif de Robien seront décomptés en utilisant le taux moyen et non le taux marginal d'imposition : le seuil de 8 000 euros sera ainsi plus difficilement atteint.

La politique du logement menée par le Gouvernement a également pour objectif de répondre à l'aspiration très forte de nos concitoyens à la propriété, gage de mobilité dans le parc locatif et de mixité. Le prêt à 0 % a été profondément réformé et amélioré : nous l'avons étendu à l'acquisition de logements anciens, donnant ainsi la possibilité à des ménages modestes de devenir propriétaires d'un logement en centre-ville ou dans les zones urbaines denses. Les résultats sont à la hauteur des objectifs : près de 240 000 ménages seront aidés chaque année contre 80 000 en 2004.

Votre assemblée a en outre voté en première partie de la loi de finances une disposition permettant de relever le plafond de ressources, ce qui fera bénéficier de cette aide les ménages disposant de revenus moyens.

Le Gouvernement proposera par ailleurs dans le cadre du projet de loi portant engagement national pour le logement d'appliquer un taux de TVA de 5,5 % aux opérations d'accession sociale à la propriété réalisées dans le cadre d'une convention de rénovation urbaine, ce qui représente une subvention de 12 % et permet davantage de mixité sociale.

Monsieur le Bouillonnec, nous devons arrêter la désinformation sur les mesures fiscales.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Mutuellement !

Mme la Ministre déléguée - J'en suis d'accord. Le dispositif de Robien et l'application du taux réduit de TVA représenteront respectivement 300 millions et 840 millions en 2006. Nous avons là un outil tout à fait important de mixité sociale et un signe fort de l'engagement de l'Etat vis-à-vis de nos concitoyens en difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Martine Billard - 60 millions pour le PAI !

Mme la Ministre déléguée - S'agissant du FGAS, Monsieur Abelin l'a souligné, nous sommes parvenus à un accord avec les établissements de crédit : les ménages modestes pourront toujours bénéficier d'un accès sécurisé aux crédits immobiliers.

L'autre objectif, tout aussi prioritaire, est de répondre à l'urgence pour les personnes mal logées et de lutter contre l'habitat indigne. Nous n'avons pas attendu pour cela les événements de l'été, Madame Lepetit : il vous a sans doute échappé que, dès 2005, le budget consacré à la lutte contre l'habitat indigne a été multiplié par deux. Le 1er septembre, le premier ministre a également annoncé une nouvelle enveloppe de 50 millions d'euros pour renforcer cette politique et mettre en sécurité les structures d'hébergement collectif. Notez que ces crédits ont déjà été mis à disposition sur le terrain.

S'agissant du logement d'urgence et d'insertion, l'Etat va mobiliser des terrains qui lui appartiennent afin de construire 5 000 logements d'urgence ; de plus 5 000 places en résidence hôtelière à vocation sociale seront créées en deux ans. Depuis 2002, ce sont déjà 10 000 places de logement d'urgence qui ont été créées.

En matière d'accès au logement, cinq milliards d'euros seront consacrés au financement des aides personnelles et huit millions aux associations. Mais l'action du Gouvernement porte également sur l'amélioration de la solvabilité des ménages : le plafond des loyers applicable aux aides personnelles a été revalorisé de 1,8 % dès le 1er septembre. Ces aides étant également alimentées par des cotisations patronales, qui augmentent grâce à la baisse du chômage depuis cinq mois, la participation de l'Etat pourra toutefois être minorée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Mais notre politique repose aussi sur la modération des loyers : un nouvel indice de révision des loyers entrera en vigueur en 2006. L'indice du coût de la construction, qui sert actuellement de référence à la révision des loyers dans le parc privé, peut en effet présenter des fluctuations importantes sur de courtes périodes, en raison des hausses de prix des matériaux de construction. Le nouvel indice sera assis à 60 % sur les évolutions de l'indice des prix à la consommation, à 20 % sur celles de l'indice des prix d'entretien et d'amélioration des logements et à 20 % sur celles du coût de la construction. Moins sensible aux aléas de la conjoncture, il tiendra mieux compte de la capacité financière des locataires et des charges supportées par les bailleurs.

J'en viens à la politique de la ville, qui a souvent porté ses fruits. La situation s'est réellement transformée dans certains quartiers : il suffit d'aller à Vaulx-en-Velin pour s'en rendre compte. S'il faut bien sûr redoubler nos efforts, ne dites pas que rien n'a été fait.

Plusieurs orateurs du groupe socialiste - On n'a jamais dit ça !

Mme la Ministre déléguée - Il est vrai que d'importantes difficultés persistent : dans certains quartiers, le taux de chômage est deux fois plus élevé, le retard scolaire s'accumule et les ménages pauvres sont trois fois plus nombreux. D'où la nécessité de renforcer notre action et de mieux évaluer ses effets.

Ce constat nous a conduit à créer l'ANRU - chacun a d'ailleurs reconnu ce matin le bien fondé de ce guichet unique.

M. Rodolphe Thomas - C'est vrai !

Mme la Ministre déléguée - Moins de seize mois après sa création, plus de 15 milliards d'euros de travaux ont déjà été programmés. Il est rare qu'un texte soit aussi vite appliqué ! Mais si l'Etat tient ses engagements, il est normal de récupérer les dividendes dus par la Caisse des dépôts.

Le programme de rénovation urbaine sera renforcé avec l'accord des partenaires sociaux, et sa mise en œuvre accélérée : 25% de moyens supplémentaires seront ainsi accordés afin d'inclure 150, voire 200 nouveaux quartiers, qui ont été signalés par les préfets. La déconcentration de l'instruction des dossiers et la responsabilisation des délégués territoriaux seront également poursuivies, et des procédures accélérées seront instaurées afin de permettre l'engagement des crédits avant la finalisation des dossiers. Nous veillerons à ce que l'ANRU intervienne avec efficacité et souplesse, en fédérant toutes les énergies.

Mais l'effort du Gouvernement en faveur des quartiers en difficulté repose aussi sur l'action en faveur de l'emploi. Tel est le sens de la relance des zones franches urbaines depuis la loi du 1er août 2003. Le bilan est déjà positif : 89 000 emplois ont pu être créés et ces quartiers commencent à devenir des lieux de vie, associant résidence et travail. Il est vrai, néanmoins, que le recrutement d'habitants du quartier doit être intensifié.

Le renforcement de l'intervention en faveur des quartiers en difficulté se traduit enfin par le plan de cohésion sociale. La réforme de la DSU permettra d'allouer en 2006 240 millions d'euros supplémentaires aux communes confrontées aux charges socio-urbaines les plus lourdes. La dotation de Vaulx-en-Velin est ainsi passée de 2,2 millions d'euros en 2004 à 5,1 millions, soit 2,9 millions supplémentaires en un an. Je voudrais souligner qu'il s'agit de crédits pérennes, qui permettront aux maires et associations d'assurer dans la durée l'accompagnement des habitants des quartiers.

Et parce que notre approche ne peut se contenter d'être exclusivement territoriale, le Plan de cohésion sociale prévoit d'offrir un accompagnement individualisé, grâce au programme de réussite éducative : 1,5 milliard y seront consacrés en cinq ans.

Comme le soulignait M. Vercamer, nous devons en profiter pour remettre en cohérence l'ensemble des dispositifs. Vous allez pouvoir payer l'animateur que vous évoquiez, Monsieur Blazy ! Les crédits sont en cours de mandatement. Le recrutement de personnels de coordination permettra de renforcer l'efficacité de l'action publique.

Je précise, M. Jacquat, que l'Etat prend en charge 90 % de la différence entre la rémunération brute chargée et le montant du minimum social activé, et cela sans dégressivité pendant toute la durée du contrat aidé. Le taux de prise en charge du CAE pour les jeunes vient également d'être porté à 105 % du SMIC. S'agissant des chantiers et des entreprises de réinsertion, j'ai pu constater une fois encore, à l'occasion d'une rencontre avec les têtes de réseau, l'excellent travail qui est fait sur le terrain par ces associations !

Plusieurs députés du groupe socialiste - Allons, vous voulez les tuer !

Mme la Ministre déléguée - C'est pourquoi nous allons les accompagner. J'ai ainsi demandé à la direction des relations du travail de les aider à élaborer un accord d'employeur applicable à l'ensemble des salariés en insertion.

Reconnaissez donc l'ampleur et l'ambition de nos mesures. Depuis 2002, nous nous attelons à refonder la politique de cohésion sociale (Protestations sur bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Brard - Depuis quinze jours !

Mme la Ministre déléguée - Non, depuis trois ans. Nous souhaitons que l'ensemble des acteurs, notamment les régions, nous rejoignent. Nous allons accélérer et amplifier notre action. Le budget consacré aux équipes de réussite éducative sera ainsi porté à 99 millions d'euros, soit 37 millions de plus. Dès 2006, quinze internats supplémentaires seront également créés, car ils répondent à un véritable besoin d'accompagnement. Les universités et les grandes écoles seront sollicitées pour aider les élèves à se préparer aux études supérieures dès la seconde : nos cités regorgent de talents ! J'ajoute que le Président de la République a souhaité la création d'un service civil volontaire - votre intéressant projet, Madame Grosskost, pourra donc être examiné.

En vue de favoriser le développement économique et l'emploi, quinze nouvelles zones franches urbaines seront créées grâce au déblocage de 20 millions d'euros supplémentaires. Mais comme l'observatoire des ZUS l'a souligné, nous devons également renforcer nos efforts en matière de santé. Nous allons ainsi généraliser le dispositif des ateliers « santé ville », qui permettent de développer des programmes de santé publique à l'échelle d'un quartier ou d'une ville. Le nombre d'ateliers passera ainsi de 160 à 300.

Afin de conforter le maillage dans les quartiers, les associations seront également davantage soutenues. C'était déjà un des aspects de la réforme de la DSU, mais nous devons aller plus loin : le FIV sera doté de 84 millions d'euros supplémentaires et les associations bénéficieront des programmes de réussite éducative. Nous doublerons également le nombre de postes d'adultes relais. Vous noterez qu'ils n'ont pas été supprimés : ils seront au contraire financés par les contrats d'accès à l'emploi.

Par ailleurs, nous devons accompagner les personnes qui ont conclu ces contrats de trois ans pour leur permettre de réussir leur parcours professionnel, grâce à la validation des acquis de l'expérience.

Enfin nous simplifions le dispositif d'attribution des subventions afin de le rendre plus lisible. Grâce à l'engagement du ministre de dégager la quasi-totalité des crédits dès janvier 2006, les associations pourront travailler sereinement toute l'année.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Cela fait deux ans que M. Borloo nous fait cette promesse !

Mme la Ministre déléguée - Nous conclurons avec certaines d'entre elles des conventions pluriannuelles, en contrepartie d'une exigence d'évaluation. Parallèlement, nous mettons en place les outils pour tenir nos engagements, notamment grâce à la création d'une Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.

Au total, 181 millions d'euros supplémentaires sont apportés à ce budget pour renforcer l'accompagnement social. Madame Jambu, le Gouvernement et la commission des finances de l'Assemblée s'étaient mis d'accord sur un montant d'économies sur l'ensemble du budget de l'Etat, et ce sont ces marges de manœuvre qui nous ont permis de répondre à l'urgence dans les quartiers sensibles.

Au-delà des mesures inscrites dans la mission « ville et logement », et qui représentent un effort de plus d'un milliard en direction de la politique de la ville, l'ensemble des ministères sont mobilisés en faveur des quartiers en difficulté.

La politique de la ville est en effet une politique transversale et interministérielle, qui implique tous les acteurs : l'Etat dans son ensemble, mais aussi les collectivités locales, ainsi que les bailleurs et les associations.

Elle suppose par ailleurs un cadre d'intervention clair et partagé entre l'Etat et les collectivités locales.

Les contrats de ville arriveront à échéance fin 2006. Le principal rôle du comité interministériel à la ville, dont le Premier ministre a annoncé la réunion avant la fin de l'année, sera de préciser le nouveau cadre contractuel de la politique en faveur des quartiers.

Cette politique est, plus que jamais, placée au cœur de notre politique de cohésion sociale.

L'ensemble de la mission représente près de 37 milliards, soit une hausse de plus de 5 % par rapport à l'an dernier, ce qui illustre la détermination du Gouvernement pour qu'enfin la croissance sociale devienne réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

CONVOCATION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il avait décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

ADOPTION D'UNE RÉSOLUTION

Mme la Présidente - En application de l'article 151-3, alinéa 2, du Règlement, la résolution sur la réforme de l'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, adoptée par la commission des affaires économiques, est considérée comme définitive.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 20.

              La Directrice du service
              du compte rendu analytique,

              Catherine MANCY


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