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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 36ème jour de séance, 83ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 29 NOVEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

Sommaire

      RETOUR À L'EMPLOI (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 3

      AVANT L'ARTICLE PREMIER 9

      ARTICLE PREMIER 15

      ART. 2 18

      APRÈS L'ART. 2 23

      ART. 3 23

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 30 NOVEMBRE 2005 26

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

RETOUR À L'EMPLOI (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Dans la discussion générale à laquelle nous venons d'assister, on a parlé, selon que l'on était d'un côté ou de l'autre de l'hémicycle, d'avancées concrètes ou de texte incomplet. Trop souvent nous entendons dire que les annonces politiques sont sans lendemain. Le Gouvernement a en l'occurrence voulu décliner au plus vite les engagements pris il y a quatre mois par le Premier ministre et d'autres mesures suivront ce texte. Il est en effet possible de mener une réforme d'envergure en plusieurs étapes.

Je remercie votre rapporteur et l'ensemble des membres de la commission pour la qualité et la richesse de leurs travaux, ainsi que les députés, dont les contributions ont été à la mesure des enjeux qui nous rassemblent : l'accès à l'emploi des allocataires de minima sociaux ne doit pas être abordé dans un esprit de polémique et les interventions de MM. Perrut et Giro ont été à cet égard exemplaires.

Vous avez bien voulu souligner, Monsieur le rapporteur, que ce projet était concis, efficace et visait à simplifier le dispositif d'intéressement à la reprise d'emploi. Nous avons cherché en effet à ce qu'il soit compris de tous et explicable aisément. En outre, vous avez noté qu'il ne fallait pas s'enfermer dans un clivage entre les revenus du travail et ceux de l'assistance. Enfin, vous avez évoqué les effets de la neutralisation pour les titulaires de minima sociaux qui ont fait l'effort de reprendre un petit travail et qui se voient infliger un rappel de l'allocation : j'examinerai de très près cette anomalie dans le cadre des décrets d'application.

Ce projet de loi s'efforce aussi d'apporter une réponse à un problème très concret que beaucoup d'entre vous ont évoqué, celui de la garde des enfants. Votre commission s'est penchée avec attention sur cette mesure utile, qui doit être adaptée aux situations locales.

La valorisation du travail passe par des mesures d'accompagnement personnalisé, de nature réglementaire. Elles sont prises sous l'égide des départements en matière de RMI et du service public de l'emploi pour les allocataires de l'API et de l'ASS. Mais cela exige aussi un renforcement du contrôle des fraudes et des abus : nous recherchons, comme le rapporteur l'a très justement exprimé, un équilibre ente les droits et les devoirs. A ce sujet, Madame Adam, rien, dans ce texte ou dans les décrets envisagés, n'oblige à reprendre un emploi.

Votre commission a adopté plusieurs amendements visant à harmoniser le niveau de ces sanctions et à les adapter, comme M. Tian l'a expliqué, à la situation des personnes concernées. Le contrôle et la sanction sont nécessaires, mais ils doivent être équitables et proportionnés. Cet équilibre est complexe : la recherche de l'équité ainsi que le respect du principe constitutionnel de proportionnalité des peines doivent nous guider.

M. Tian a également évoqué la question de l'accès des ressortissants communautaires au RMI. Le Gouvernement propose une condition de durée de résidence de trois mois en sus du droit au séjour, ce qui est conforme au droit communautaire. En outre, mon ministère a adressé le 24 mars une circulaire à ce sujet, qui détaille pour les services publics les modalités pratiques de mise en œuvre de notre législation.

S'agissant de l'allocation de retour à l'activité dans les départements d'outre-mer, dont 3 000 personnes sont bénéficiaires, je tiens à préciser à Mme Bello que ce projet de loi, à ce stade, ne la remet pas en cause. M. Victoria, a souligné avec raison la situation particulièrement difficile de l'emploi dans les départements d'outre-mer, et notamment à la Réunion. Je souscris bien volontiers à la demande qu'il m'a faite d'organiser une réunion avec mon collègue Christian Jacob sur les familles des DOM ; j'y associerai François Baroin.

Je souhaiterais également répondre à la question de M. Liebgott sur la procédure d'élaboration de ce texte. Nous avions consulté les départements avant de déposer ce texte. Les présidents de conseil général, membres du bureau de l'Association des départements de France, ont été reçus ; des échanges fructueux ont eu lieu entre mes services et l'ADF ; le directeur général de l'action sociale a présenté ce texte aux directeurs généraux de services des départements réunis à Paris. On ne peut donc pas dire qu'il n'y a pas eu de concertation.

Il est vrai que la montée en charge des contrats d'avenir est moins rapide qu'on ne l'avait espéré. Mais nous faisons tout pour les encourager, et ce projet y participe en accordant la prime de 1 000 euros aux bénéficiaires de ces contrats. En revanche, Monsieur Liebgott, vous n'avez pas évoqué les contrats d'accès à l'emploi, dont la montée en charge est plus spectaculaire, puisque plus de 50 000 ont été signés.

Il est vrai, Monsieur Vercamer, que d'autres réformes, concernant les prestations complémentaires aux minima sociaux, doivent être conduites à plus long terme. Ces avantages complémentaires, appelés « droits connexes », doivent être harmonisés et dépendre d'une condition de ressources, comme c'est déjà le cas pour la CMU complémentaire.

Les exonérations de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle pour les bénéficiaires de l'ASS et de l'API, évoquées par M. Victoria, seront, dans une deuxième phase, liées non plus au statut mais à la faiblesse des revenus. De telles mesures, de nature fiscale, doivent être discutées en loi de finances.

En matière de minima sociaux, les expertises complémentaires ou les projets hypothétiques non financés ne doivent pas être un prétexte pour ne rien faire.

Plusieurs orateurs, dont Mme Jacquaint, ont bien voulu souligner la nécessité de mettre en œuvre rapidement les mesures incitatives de ce projet : nous serions coupables d'attendre, comme l'ont justement mis en évidence MM. Giro et Rolland.

Ce texte et les enrichissements qui lui seront apportés par voie d'amendements répondent à une double exigence éthique : celle de la solidarité, en encourageant le retour à l'emploi de ceux qui en sont le plus éloignés ; celle de la responsabilité, en réaffirmant l'exigence de contrôles et de sanctions dans les cas de travail illégal ou de fraude, dont se rend coupable une toute petite minorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - La situation des six millions de personnes qui survivent aujourd'hui avec des minima sociaux mérite la plus grande attention.

Le nombre de chômeurs de très longue durée a augmenté de 9,3 % en un an ; le nombre de bénéficiaires du RMI est en progression constante depuis 2004 : il est actuellement de 1 240 000. Très nombreux sont les travailleurs qui gagnent moins de 650 euros par mois. La mort d'un jeune, travailleur précaire vient de nous le rappeler tragiquement, notre société souffre de ces difficultés, et nous devons accorder toute notre attention à ce projet de loi.

Ces personnes veulent retrouver un emploi décent et bien rémunéré. Or il n'y a pas assez de travail dans notre pays pour les chômeurs de longue durée, et les 500 000 offres d'emploi qui ne seraient pas encore pourvues à ce jour ne sont pas forcément adaptées à leur profil.

Dans ces conditions, votre projet de loi, qui s'inscrit dans la continuité de la loi contre l'exclusion, ne peut avoir de sens que si l'emploi redémarre. Malheureusement, le nombre de salariés stagne, alors qu'il avait augmenté entre 1990 et 2002.

Il ne suffit pas d'annoncer des mesures, il faut donner une nouvelle impulsion à la création d'emplois.

Permettez-moi tout d'abord de rappeler que personne ne peut laisser penser, ne serait-ce qu'au détour d'une phrase, que les allocataires des minima sociaux se satisfont bien de cette situation. RMI, ASS, API : derrière ces sigles se cache la détresse de ceux qui les perçoivent. Le législateur n'a pas créé ces minima sociaux pour soulager la misère, mais pour reconnaître la dignité de personnes déjà suffisamment marginalisées sur le plan économique pour ne pas l'être encore sur le plan social. Cette politique supposait de diversifier parallèlement les modes d'insertion pour que ces personnes restent des membres à part entière de la société, et ne deviennent pas des assistés. Malheureusement, ces dispositifs ne permettent plus aujourd'hui de faire face à la réalité, d'autant plus que la flambée du coût du logement et des prix du pétrole vient encore restreindre le pouvoir d'achat des plus démunis.

Il devient crucial de trouver des solutions durables d'intégration dans le milieu professionnel. Le dispositif d'intéressement au retour à l'emploi pourrait être une solution, mais trop complexe, il n'a pu profiter qu'à 12,5 % des allocataires du RMI en 2004. Qu'est-il advenu des autres ?

Vous proposez de rendre ce mécanisme plus lisible pour les personnes concernées, afin qu'elles puissent prévoir aisément les gains liés à un retour à l'activité. Ce serait une bonne chose, mais encore faut-il que ces personnes retrouvent un emploi. Les nouveaux dispositifs d'emplois aidés ne leur faciliteront pas la tâche, d'autant que vous fixez un seuil à 78 heures par mois. Or, lorsqu'il arrive que les entreprises entrouvrent la porte à ceux qui cherchent du travail, c'est souvent par des contrats d'intérim et rarement à temps plein. Pourquoi un tel choix ? Le seuil des 78 heures est celui des emplois de la catégorie 1 dont le nombre est annoncé à la fin de chaque mois. Ce seuil vous permettra ainsi d'améliorer les statistiques du chômage, qui sont catastrophiques. En revanche, le nombre de travailleurs précaires à temps partiel augmentera.

La République ne reconnaîtra pas l'effort de ceux qui sont dans la détresse et retrouvent pour survivre un emploi fait de quelques heures de travail.

C'est pour moi une question d'éthique, car il s'agit d'hommes et de femmes, mais aussi d'enfants - un million - à qui nous devons redonner l'espoir. Ce n'est malheureusement pas avec ce texte que nous y parviendrons.

Par ailleurs, vous n'évoquez pas le problème des entreprises d'insertion qui éprouvent de grandes difficultés financières à appliquer certaines règles relatives au contrat d'avenir ou au contrat d'accompagnement dans l'emploi - nous sommes quotidiennement interpellés dans nos circonscriptions sur ce sujet.

Vous n'abordez pas davantage la question des allocataires du RMI que vous considérez comme « inaptes au travail ».

Je sais que vous n'êtes pas de ceux qui pensent que les allocataires du RMI se complaisent dans cette situation...

Mme la Ministre déléguée - Nous l'avons suffisamment répété.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Nous avons encore en mémoire, à ce sujet, les propos de M. Fillon, alors ministre des affaires sociales, qui indiquait en mai 2003 que seulement la moitié d'entre eux étaient engagés dans une démarche d'insertion.

Il est vrai que beaucoup sont au RMI depuis très longtemps, et il faut reprendre ce chantier car votre CIRMA ne fonctionne pas - 2 500 contrats seulement ont été signés depuis juin dernier.

Face à la situation gravissime du chômage, vous proposez en urgence une série d'ordonnances et de textes législatifs. Nous pourrions nous en réjouir, car cela fait trois ans que nous vous interpellons à ce sujet. Malheureusement, vos mesures ne sont nullement le fruit d'un travail collectif, et nous regrettons que ce débat n'ait pas été précédé d'une large concertation.

Vous prétendez, Madame la ministre, que les conseils généraux ont été informés, mais beaucoup de départements se plaignent de n'avoir pas été associés.

Alors que le Gouvernement avait confié deux missions au Sénat pour étudier l'ensemble des questions relatives aux minima sociaux, vous nous proposez ce projet dans l'urgence, si bien que nous venons d'apprendre la démission des sénateurs concernés.

C'est d'ailleurs un débat tronqué où l'on traite de l'intéressement sans aborder les droits connexes. En la matière, aucune étude d'impact n'a été réalisée, alors que les droits et primes supplémentaires que vous proposez sont susceptibles de jouer sur l'attribution des aides au logement, par exemple. Nous connaissons tous les effets secondaires de certaines mesures. Déjà 122 000 familles n'ont plus droit à l'allocation logement, ne serait-ce qu'en raison du plancher de 24 euros.

En outre, vous n'avez pas consulté les conseils généraux sur le financement de la prime forfaitaire qui sera à leur charge. Vous prétendez qu'elle remplace le dispositif d'intéressement existant qu'ils financent déjà, et que ce projet de loi devrait permettre une économie d'environ deux millions. Nous aimerions vous croire, mais les conditions dans lesquelles vous avez transféré les charge de l'Etat aux départements ne peuvent que nous rendre méfiants.

Vous ajoutez que le nombre de retours à l'emploi devrait augmenter, ce qui allégerait, à terme, les charges des départements. Et si cela ne se produisait pas ?

De surcroît, vous devrez clarifier le financement des primes forfaitaires. Celle des bénéficiaires de l'ASS sera-t-elle prélevée sur le fonds de solidarité ? Nul ne le sait, mais vu que l'Etat cherche toujours à s'en désengager, ne va-t-on pas exclure des personnes de l'ASS en usant de mesures récemment adoptées, pour compenser le coût de la prime forfaitaire ? Le Gouvernement aurait dû consulter les départements.

Par ailleurs, votre texte fera supporter à la branche famille des frais notamment de gestion. Une étude de ce coût, en moyens tant financiers qu'humains, est absolument nécessaire. Comment sera-t-il compensé ? Combien de postes va-t-on créer pour remplir ces missions, par exemple dans les CAF ?

Certains dispositifs seront gérés par les CAF, d'autres par les ASSEDIC ou autres organismes : comment tout cela va-t-il s'articuler ?

La rapidité avec laquelle ce texte a été préparé, explique sans doute nombre de lacunes. Il est ainsi fait mention dans le préambule de l'exonération de la taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle en 2006. Celle-ci, accordée aux seuls allocataires du RMI et de l'AAH, devrait être étendue à tous ceux dont le revenu est comparable. C'est une bonne disposition, mais on ne la retrouve pas dans le texte de la loi.

Par ailleurs, nous sommes satisfaits du caractère incessible et insaisissable des primes accordées. Pourtant, dans les faits, la saisie sur le compte en banque des familles se pratique toujours.

Au-delà des limites de sa rédaction, le texte est excessif à plusieurs titres. A preuve, la sanction des abus - certes nécessaire - à hauteur de 4 500 euros est démesurée : comment des personnes dont le revenu mensuel ne dépasse pas 650 euros pourront-elles régler une telle amende ? Les sanctions prévues doivent être applicables. En outre, c'est une sanction inique, car la Caisse nationale d'allocations familiales indique que les fraudes sont marginales. Il n'y a donc aucune concordance entre la gravité des faits et le montant de l'amende.

J'aurais également souhaité qu'un véritable accompagnement individuel soit offert pour le retour à l'emploi, mais les articles 3 et 4 n'apportent aucune réponse précise sur ce sujet.

Si nous sommes d'accord sur le principe de la garde d'enfants des bénéficiaires de l'API exposé à l'article 7, on peut s'interroger sur la notion de priorité : concept flou dont l'application sera malaisée, car les offres de services d'accueil souffrent d'un déficit de capacité. Les limites des structures d'accueil sont d'ailleurs souvent liées à des ratios de professionnels par enfant. Dégager des marges dérogatoires pourrait permettre d'appliquer ces priorités de manière effective, mais rien n'est indiqué dans le texte. Or, l'ouverture de droits pour certains ne doit pas entraîner la suppression de droits pour d'autres. Si l'intention est noble, la difficulté de la mise en pratique peut faire craindre qu'on en reste à l'intention...

Enfin, l'article 10 pose le principe de la suspicion a priori de fraude. Comment imaginer le retour à l'emploi par la défiance et la culpabilisation de ceux qui en sont éloignés ? Nous ne surmonterons cette fracture profonde dont souffre notre société qu'en redonnant confiance. La majorité se réfère souvent au modèle des Britanniques : leur système repose précisément sur la confiance, et non sur la méfiance. Pourquoi ne pas les imiter sur cette question politique fondamentale ?

Si votre texte satisfait de fortes demandes quant à l'incessibilité, l'insaisissabilité et la non-imposition de cette prime, de grandes interrogations demeurent, surtout vu les sommes que le Gouvernement entend consacrer à ce dispositif. Alors que la réforme fiscale a redistribué 3,5 milliards d'euros aux plus aisés, l'effort annoncé aujourd'hui engage 240 millions à la charge de l'Etat. Existent-ils seulement ? Ils ne sont pas inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006... En tout état de cause, seules 140 000 personnes pourraient bénéficier de ce nouveau dispositif d'intéressement à l'emploi. C'est bien peu, au regard du nombre d'allocataires de minima sociaux !

L'urgence que vous invoquez ne nous permet pas d'examiner en profondeur les effets induits de ce projet. Il faut pourtant prendre garde à ce qu'il n'entraîne pas la réduction des minima sociaux et des salaires : le danger que les employeurs paient moins leurs salariés au motif que ceux-ci pourront cumuler leur salaire avec des allocations est bien réel, et n'est pas mesuré.

Nous sommes favorables à tout progrès en matière d'insertion par l'emploi, car c'est alors la France qui progresse - et elle en a bien besoin ! Cependant, notre travail parlementaire est loin d'être achevé. Les associations de solidarité ont eu beau travailler et proposer, elles n'ont pas été entendues. Aussi, en raison de l'importance de ce projet, des motivations qui vous ont guidés et qui sont à préciser, de votre méthode qui révèle bien des zones d'ombre, notamment sur les effets induits, et du contenu même de ce projet qui reste embryonnaire, je demande à l'Assemblée de renvoyer ce texte en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre déléguée - Je n'ai jamais pensé, Madame la députée, que les allocataires des minima sociaux l'étaient de leur seul fait, bien au contraire. Je souhaite, comme vous tous, qu'ils soient aidés à retrouver un emploi, et c'est l'un des objectifs de ce texte.

Vous prétendez que l'incitation à la reprise d'un emploi aurait une incidence sur les modalités techniques du calcul des chiffres du chômage : c'est un procès d'intention. Ces modalités sont prévues par le Bureau international du travail. D'autre part, l'intéressement à la reprise d'un emploi est effectif dès la première heure travaillée. Autrement dit, l'incidence dont vous parlez sera nulle.

Je comprends que la complexité des questions dont nous traitons puisse exiger des semaines, des mois, voire des années de consultations, de réflexion et de travaux préalables. Il faut pourtant bien être conscient du fait qu'il n'y a que 12,5 % des allocataires du RMI qui bénéficient de l'intéressement - et ce chiffre a baissé au cours de ces dernières années. Nous devons donc changer la donne et, pour cela, agir collectivement.

Les paramètres de la prime ont été définis pour qu'aucun surcoût n'échoie aux conseils généraux, en concertation avec les élus et les responsables de l'ADF.

Nos concitoyens prêts à reprendre un emploi se réjouiront sûrement qu'il ne nous ait fallu que quatre mois pour mettre ce dispositif au point. C'est pourquoi je suis défavorable à la motion de renvoi en commission présentée par Mme Carrillon-Couvreur, en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement de l'Assemblée.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je me permettrai de vous rappeler, Madame la ministre, qu'aux termes du Règlement de l'Assemblée, c'est au président de la commission qu'il appartient de s'exprimer sur le renvoi en commission.

Cela dit, je tiens à saluer le ton modéré de Mme Carrillon-Couvreur, dont l'intervention a du sens. Vous parlez, Madame Carrillon-Couvreur de texte « embryonnaire » : je dirai que c'est le premier volet d'une action plus large, et les personnes concernées apprécieront certainement que nous pressions le pas.

Notre commission s'est réunie à quatre reprises pour mener une étude et un échange féconds sur ce texte, en examinant une centaine d'amendements dont certains furent déposés à la dernière minute - comme celui de M. Vercamer, qui n'était même pas là quand nous l'avons examiné... Venant d'un parti d'opposition, cette attitude ne m'étonne pas vraiment...

M. Francis Vercamer - Voilà une attaque bien inutile !

M. le Président de la commission - La commission a adopté une quarantaine d'amendements qui enrichissent le texte et approfondissent les enjeux essentiels de ce sujet d'actualité. Je tiens à remercier l'ensemble de la commission et notamment son jeune rapporteur, M. Wauquiez, brillant et dynamique.

Je rappelle également la qualité des échanges qui ont eu lieu depuis votre audition, Madame la ministre, puis sur tous les bancs de cette assemblée. Il faut poursuivre ce dialogue constructif : il convient de ne pas adopter la présente motion de renvoi en commission.

M. Dominique Tian - Vous demandez le renvoi en commission : le texte est pourtant court - onze articles - facile à comprendre et rapide à lire. Relativement peu d'amendements ont été déposés et une quarantaine adoptés, au cours de réunions très intéressantes. Le texte est tout de même très sensiblement modifié par rapport à sa version initiale.

Mme Patricia Adam - Le vote n'a pas encore eu lieu !

M. Dominique Tian - Le rapporteur a fait adopter deux amendements très importants sur le principe d'offre d'un parcours d'insertion individualisé. On a également pris en compte le cumul des minima sociaux avec les revenus des travaux saisonniers, que le texte initial oubliait quelque peu. La garantie d'un nombre déterminé de places d'accueil pour les jeunes enfants posait problème : le rapporteur a trouvé une solution qui satisfait de nombreux maires. Un amendement a permis de supprimer le délai de six mois pour accéder au contrat d'avenir et au RMA, décision logique et intelligente. Enfin, la clarification apportée par l'unification des sanctions de la fraude sur les RMI, ASS et API était importante.

Le texte a donc d'ores et déjà été très enrichi en commission et il n'est pas utile de l'y renvoyer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Liebgott - J'ai bien entendu M. Dubernard : Mme Carrillon-Couvreur s'est exprimée d'une voix douce et sans excès mais elle est néanmoins autant que moi déterminée à demander un renvoi en commission.

Mme la Ministre déléguée - Nous n'en doutons pas.

M. Michel Liebgott - Je vais donc essayer, à mon tour, de vous convaincre.

M. le Président de la commission - Vous n'y arriverez pas.

M. Michel Liebgott - Vous avez déclaré l'urgence sur ce texte, et en effet, il est urgent de résoudre les problèmes économiques et sociaux qui se posent dans notre pays : il n'y a jamais eu autant de demandeurs d'emplois de longue durée, le nombre de érémistes explose et la crise qui a éclaté dans les zones urbaines sensibles vous fait sans doute penser qu'il est urgent d'agir. Mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, d'autant que votre « fusée à plusieurs étages », si j'ose dire, bat de l'aile. Des éléments nouveaux ne nous sont pas communiqués, je pense en particulier à la démission des sénateurs alors que la mission à laquelle ils participaient était essentielle pour le traitement futur des droits connexes. Une nouvelle discussion en commission s'impose donc. De même, nous ne disposons toujours pas d'étude d'impact : le chiffre de 140 000 personnes concernées a été avancé mais sans plus de précisions. Enfin, votre modération quant aux sanctions qui seraient appliquées, Madame la ministre, ne nous rassure pas pour autant car dès lors qu'il faut faire du chiffre, nous pouvons avoir de fort mauvaises surprises. Sur la forme, vous avez fait état de réunions de commissions auxquelles, a priori nous n'avons pas participé, mais nous devrions pouvoir avoir connaissance des comptes rendus, en particulier en ce qui concerne l'audition de l'Assemblée des départements de France, qui ne semble pas avoir approuvé votre texte. Enfin, nous doutons toujours de vos intentions réelles : il semble que nous nous dirigions vers un cumul de minima sociaux peu élevés avec des salaires particulièrement bas. C'est sans doute en ajoutant l'un à l'autre ces maigres moyens que vous entendez permettre à certains de nos concitoyens de vivre ou de survivre. Quoi qu'il en soit, vous ne présentez pas ce grand texte de retour à l'emploi dont notre pays a besoin. Il importe donc de revenir en commission afin d'améliorer un projet qui en a grand besoin.

M. Francis Vercamer - J'ai subi de la part de M. Dubernard une attaque personnelle. Certes, je n'étais pas en commission, mais d'autres députés dont les amendements seront discutés n'étaient pas présents non plus. Il faut éviter ce genre d'attaque, ne serait-ce que pour éviter des défenses d'amendements par trop vindicatives.

J'ai écouté M. Liebgott attentivement, et il est vrai que l'on peut regretter la précipitation avec laquelle le Gouvernement présente ce texte. Je ne sais pas si les départements ont été consultés, mais les syndicats, eux, m'ont clairement affirmé qu'ils n'ont pas été consultés. C'est d'autant plus surprenant que la loi sur le dialogue social dispose que les partenaires sociaux doivent être consultés sur tous les textes concernant l'emploi.

M. Maxime Gremetz - Tout à fait.

M. Francis Vercamer - Faut-il pour autant retarder l'examen de ce texte ? Il faut, dites-vous, agir compte tenu du taux du chômage. Je félicite à ce propos le Gouvernement car je viens de lire dans une dépêche que le taux de chômage a baissé de 0,9 %.

M. Maxime Gremetz - Ce serait formidable, si c'était vrai !

M. Francis Vercamer - Je m'en réjouis, car je ne pense pas qu'un tel chiffre résulte de la radiation d'un certain nombre de chômeurs : il s'agit d'une amélioration réelle.

M. Maxime Gremetz - Vous êtes optimiste.

M. Francis Vercamer - Je ne voterai pas le renvoi en commission car il est temps de débattre. Il faut améliorer ce texte...

M. le Président de la commission - Pourquoi ? Vous ne venez pas en commission !

M. Francis Vercamer - ...en rajoutant, en complément de la prime pour l'emploi, d'autres dispositifs.

Quant à M. Dubernard, qui n'a jamais rien compris aux processus d'amélioration de l'emploi, il ferait mieux de se taire.

M. Maxime Gremetz - Le groupe communiste votera ce renvoi en commission. J'ai eu l'occasion de dire ce matin en commission qu'il y a, pour notre travail législatif, des progrès à faire. Ainsi, sur 35 amendements que nous avons déposés, 30 sont tombés sous le couperet de l'article 40 alors qu'ils n'augmentaient en rien les dépenses !

Ce texte concerne donc le « retour à l'emploi ». Vendredi, M. le Premier ministre inaugurera dans ma circonscription, à Amiens Nord, une maison de l'emploi. Dans le même temps, les établissements Cosserat annoncent un plan de licenciement, tout comme Dunlop : je croyais que le « retour à l'emploi » impliquait un retour effectif à un emploi stable, durable, correctement rémunéré, mais il n'en est manifestement rien. De 1983 à 2003, selon le rapport Rigaudiat, l'intérim a augmenté de 316,8 %, les CDD de 517,5 % et les contrats aidés de 34,1 %. Dans le même temps, les CDI, eux, n'ont augmenté que de 12,2 %.

M. Jean-Marc Lefranc - C'était au temps de la gauche plurielle !

M. Maxime Gremetz - Le sous-emploi, selon l'INSEE, y compris le temps partiel contraint, a progressé de 701 %. Vous dites qu'il y a urgence, mais qu'avez-vous fait ? Le nombre réel d'emplois créés baisse, ne dites pas le contraire ! Vous multipliez les contrats précaires, vous radiez les chômeurs dans le cadre de ce que certains appellent la chasse aux rois fainéants. Vous n'avez pas compris, et votre projet en témoigne, ce qui s'est passé le 21 avril, le 29 mai, le 4 octobre et, plus récemment, dans les quartiers populaires : voilà ce qui arrive avec le chômage, la précarité, l'absence de droits ! Notre pays, malheureusement, s'apprête à vivre encore des jours difficiles car votre projet aggrave la précarité. Il faudra désormais choisir entre le CNE, qui permet au patron de licencier le salarié du jour au lendemain, et d'autres contrats aidés, toujours pour faire des petits boulots. D'où le désespoir de nos concitoyens. Vous prenez les Français pour des imbéciles en leur expliquant que votre politique, qui est très mauvaise, est excellente. Vous verrez vendredi, à Amiens Nord, combien la politique de M. le Premier ministre est appréciée. C'est un véritable retour à l'emploi qui s'impose.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

Mme Martine Billard - L'amendement 43 vise à remplacer l'intitulé du titre premier, « Incitations au retour à l'emploi », par « Aides au retour à l'emploi ». Les termes employés ont effet une grande importance. Je me bats toujours, concernant le travail des femmes, pour que l'on parle d'« articulation » entre le temps de travail et le temps de vie personnelle et non de « conciliation », qui implique une contradiction.

Mme la Ministre déléguée - Tout à fait.

Mme Martine Billard - Il en va de même ici. L'incitation suppose que les personnes, spontanément, ne veulent pas retravailler. Or, ce n'est pas le cas. Nombre de nos concitoyens reprennent ainsi un emploi à temps très partiel parfois, pour un gain très minime. L'enquête sur le devenir des bénéficiaires du RMI a montré qu'en 1998, un tiers de ceux qui on repris un emploi n'y avaient aucun intérêt financier et 12 % étaient même perdants - cela suppose en effet des dépenses supplémentaires. En réalité, quand on peut reprendre un emploi, on le fait.

Il fallait sans doute réformer le système. Mais actuellement, avec les déclarations trimestrielles de ressources, selon le moment où l'on calcule le RMI et celui de la reprise d'emploi, les montants alloués sont différents. Je constate quand même que vous procédez à un alignement par le bas.

Mme la Ministre déléguée - Non, car il y a les 9 mois de prime ensuite.

Mme Martine Billard - Mais actuellement, le cumul du revenu d'activité et du minimum social est possible pendant six mois, il ne le sera plus que pendant trois mois. Au total, avec un peu de chance, on pouvait avoir le RMI 15 mois ; votre réforme limite le dispositif à 12 mois. Vous rétablissez l'égalité entre titulaires de différents minima sociaux, mais j'aurais préféré que ce soit par le haut.

Ensuite, laissez-moi vous citer le témoignage d'une personne qui bénéficie de l'allocation spécifique de solidarité depuis 2004. Elle retrouve un travail temporaire de garde d'enfant de 40 heures par mois au SMIC. Les ASSEDIC lui écrivent que dans l'attente de ses justificatifs de travail, le versement de son allocation est suspendu ! Elle n'a donc plus pour revenu que ses quelques heures de garde d'enfant. Je veux bien qu'on « incite » les gens à reprendre un travail, mais alors, faisons en sorte que les décrets ou les circulaires d'application n'aient pas un effet inverse à l'esprit de la loi. Si quand les gens y croient, on suspend leurs droits le temps de les recalculer, le résultat est qu'ils renonceront à travailler ou le feront au noir. Et on ne pourra pas le leur reprocher.

M. Laurent Wauquier, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La commission a émis un avis défavorable. Je comprends bien l'objection de Mme Billard, mais parler d'incitation ne suppose nullement qu'on attribue aux titulaires de minima sociaux une quelconque réticence à revenir au travail. On veut dire simplement qu'on donne un signal à des gens jusqu'ici laissés à eux-mêmes dans un maquis administratif. De toute façon, ne donnons pas trop de poids aux mots : inciter c'est pousser dans une direction, et aider peut avoir le même sens. Le plus important est, comme vous l'avez dit, de profiter de ce projet pour supprimer des obstacles ou des absurdités administratives. C'est vrai pour la neutralisation que vous mentionnez, mais Mme la ministre a donné des garanties sur la modification du décret sur ce point.

Mme la Ministre déléguée - Je partage souvent l'approche sémantique de Mme Billard, mais cette fois je ne la suivrai pas, même si je comprends sa démarche. En fait, le terme « aide », très utilisé dans le code du travail, renvoie aux aides versées à un employeur pour l'embauche d'un salarié au titre de la politique de l'emploi. Mieux vaut ne pas introduire de confusion.

En ce qui concerne le RMI, nous avons bien vu que selon la date d'entrée dans le dispositif, il y avait inégalité - en fonction de la révision du dossier, on pouvait aller jusqu'à 15 mois. Le calcul des droits n'était pas clair. Nous mettons en place un système clair : trois mois de cumul, puis neuf mois de prime. Je vous demanderai de retirer cet amendement, sinon, je ne peux y être favorable.

M. Maxime Gremetz - Je soutiens tout à fait cet amendement. Vous ne pouvez pas utiliser ce terme d'incitation, alors qu'une campagne vise actuellement à faire croire que les chômeurs ne veulent pas travailler, que ce sont des fainéants. Mme Boutin, dans son rapport sur le RMA a montré que ce n'était pas la réalité,...

Mme Chantal Bourragué - Nous n'avons jamais dit cela !

M. Maxime Gremetz - ...que cela ne représentait que 0,3 %. Mais on veut culpabiliser les chômeurs pour leur faire accepter une baisse de l'indemnisation, et la négociation est en cours entre l'UNEDIC et les organisations syndicales sous la grande pression de Mme Parisot et du Medef.

Mme Chantal Bourragué - C'est n'importe quoi !

M. Maxime Gremetz - Vous n'êtes pas d'accord ? Ou peut-être n'êtes-vous pas au courant ! Mais si vous n'êtes pas convaincus par ces arguments, j'en ai d'autres. Ainsi, dans son rapport sur les minima sociaux, la sénatrice Valérie Létard - vous connaissez ?

Mme la Ministre déléguée - Ne vous inquiétez pas, je l'ai lu.

M. Maxime Gremetz - Alors, vous auriez dû vous en inspirer. Elle cite l'INSEE qui a mis en évidence, en 2000, que ces dispositifs d'incitation ne conduisent pas à une augmentation continue du revenu, ne sont que temporaires, et ne portent que sur les activités à mi-temps. Elle en concluait que le retour à l'emploi n'était pas rémunérateur, et que cela n'avait rien à voir avec la volonté des personnes en question de retrouver un emploi. Tenez-en compte.

L'amendement 43, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer - Je vais présenter quelques amendements concernant les discriminations contre les gens de plus de 50 ans, issus de l'immigration, ou qui ont des difficultés particulières. Le premier, l'amendement 94, concerne les curriculum vitae anonymes. Je l'avais présenté à propos du plan de cohésion sociale. A l'issue d'un débat intéressant, M. Borloo m'avait demandé de retirer mes amendements car il allait demander un rapport à M. Fauroux. Le rapport Fauroux est sorti, et a considéré que ces amendements étaient bons. On a donc perdu six mois, mais je les présente de nouveau et puisque la commission des affaires sociales l'avait déjà voté une première fois, je pense qu'il n'y aura pas de problème cette fois à adopter celui-ci.

Il ne s'agit, rappelons-le, que d'assurer l'égalité des chances pour obtenir un entretien d'embauche. Cela n'empêche pas les discriminations ensuite. Mais cela évite au moins que la personne qui trie le courrier ne mette à la poubelle la lettre de quelqu'un qui a plus de 50 ans, ou a un nom à consonance particulière, ou d'une femme. Le Président Chirac regrettait récemment ce type de discrimination, et dans Vingt Minutes, ce matin, le Premier ministre se déclarait tout à fait favorable à l`idée du CV anonyme. Alors, votons-le. J'ai d'ailleurs demandé un scrutin public.

M. le Président - Sur le vote de l'amendement 43, je suis saisi par le groupe UDF d'une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. Je m'exprime donc à titre personnel. Il est vrai que le rapport Fauroux juge positif le CV anonyme, mais il reste ensuite l'entretien d'embauche. Ce sont plutôt les mentalités qu'il faut changer.

Surtout, vous avez parlé d'égalité des chances. Or, il y aura un projet sur l'égalité des chances. Il serait plus approprié pour présenter ce genre de disposition.

Mme la Ministre déléguée - Monsieur Vercamer, j'ai lu le même article que vous, dans lequel le Premier ministre se déclare favorable à une expérimentation des CV anonymes, ce qui ne nécessite pas d'inscrire cette disposition dans la loi. Du reste, votre amendement trouverait mieux sa place dans le projet de loi à venir sur l'égalité des chances. Avis défavorable.

Mme Hélène Mignon - Madame la ministre déléguée, le CV anonyme concerne bien le retour à l'emploi et il est nécessaire de donner aux personnes concernées par ce nouveau dispositif toutes leurs chances. La semaine dernière, j'ai visité en compagnie de M. Azouz Begag un collège de ma circonscription. Nous avons été frappés par le nombre de jeunes qui ne parviennent pas à décrocher un stage, pourtant obligatoire dans leur cursus. Comme le rapporteur, il me semble que le CV anonyme n'empêchera pas la discrimination car les masques tombent au moment du premier entretien. Au vrai, nous devons faire appliquer le principe républicain de l'égalité. Pour autant, cet amendement permettrait peut-être de faire évoluer les mentalités car il adresserait un message aux employeurs.

M. Maxime Gremetz - Pour faire suite aux propos de Mme Mignon, les demandes de stages, obligatoires pour la poursuite des études, font l'objet d'un refus général. Le stagiaire représente une charge supplémentaire de travail dans les entreprises et les administrations. Je me bats au sein du conseil régional de Picardie pour bousculer les habitudes. Quand on a un nom à consonance étrangère, c'est encore plus difficile. C'est inacceptable ! Ne demandons pas à ces jeunes Français de renoncer à leur nom et à leur dignité ! Quel que soit notre nom, notre couleur, nous sommes Français et nous avons les mêmes droits et les mêmes devoirs !

M. Daniel Garrigue - Je ne voterai pas cet amendement car il est illusoire. Si un employeur ne veut pas embaucher un jeune en raison de son origine, il parviendra à contourner ce dispositif. Le CV anonyme, ce n'est qu'une manière de se donner bonne conscience. Ensuite, les relations de travail reposent sur des liens personnels. On ne peut donc recruter quelqu'un, même pour un stage, de manière anonyme. Enfin, je rejoins le point de vue de M. Gremetz, ces jeunes, quelle que soit leur origine, sont Français. Beaucoup d'employeurs, quand ils examinent un CV, tiennent compte de la seule expérience et non du nom. C'est cette attitude que nous devons imposer pour faire avancer l'intégration dans notre pays (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Francis Vercamer - L'Observatoire des discriminations a prouvé que les personnes présentant un handicap ont 15 % de moins de chances de voir leur CV retenu, les personnes issues de l'immigration 5 % et les femmes 70 %.

Madame la ministre déléguée, pourquoi devrait-on attendre le projet de loi pour l'égalité des chances ? Je constate que la prime de retour à l'emploi, évoquée il y a peine quelques semaines, est traitée en urgence, contrairement au problème des discriminations qui se pose depuis quarante ans ! Ce sujet de société est suffisamment grave pour qu'on ne repousse pas cette disposition aux calendes grecques. Rappelons que la commission des affaires sociales avait adopté cet amendement lors de l'examen du projet de loi sur la cohésion sociale.

M. Maxime Gremetz - Pas moi !

M. Francis Vercamer - Il avait été retiré à la demande du Gouvernement. Enfin, le CV anonyme existe déjà dans l'intérim où les candidats sont seulement retenus pour leur qualification. Il ne pose donc aucun problème aux entreprises.

M. Dominique Tian - Le groupe UMP votera contre cet amendement. Nous sommes conscients du problème des discriminations, bien réel. Cela dit, cet amendement n'a pas sa place dans ce texte, mais dans celui sur l'égalité des chances.

M. le Président de la commission - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Pour couper court aux malentendus, je rappelle que c'est ce gouvernement qui a créé la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et, dans le texte sur l'égalité des chances à venir, nous proposerons de lui donner des pouvoirs de sanction. Nous sommes donc fermement engagés dans ce combat.

A la majorité de 30 voix contre 8 sur 38 votants et 38 suffrages exprimés, l'amendement 94 n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer - Par l'amendement 80, nous proposons que les employeurs organisent périodiquement à l'intention de leur personnel des formations spécifiques destinées à les sensibiliser aux phénomènes de discrimination. En effet, celles-ci peuvent être le fait d'un collègue ou du chef d'équipe. Voilà un amendement qui satisfera tous ceux qui préfèrent changer les mentalités plutôt que d'adopter le CV anonyme.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Je ne conteste pas l'intérêt d'organiser ces formations mais cela relève plutôt de la circulaire ou d'une initiative prise par la HALDE. En tout état de cause, vous pourrez reprendre cette proposition lors de l'examen du texte sur l'égalité des chances.

Mme la Ministre déléguée - Même avis.

L'amendement 80, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer - L'amendement 79 vise à ce que les maisons de l'emploi coordonnent l'orientation professionnelle de toute personne en recherche d'emploi. Les maisons de l'emploi, l'un des piliers du plan de cohésion sociale, sont absentes de ce texte.

M. Maurice Giro - Rien à voir ! Les maisons de l'emploi sont un outil !

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Les maisons de l'emploi ont la tâche de coordonner mais non d'orienter. Elles ne doivent pas substituer à l'ANPE ou à l'AFPA. Ce sujet a déjà été débattu lors du projet de loi sur la cohésion sociale.

Mme la Ministre déléguée - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

L'amendement 79, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer - Par l'amendement 81, nous proposons que les maisons de l'emploi sensibilisent les employeurs publics et privés aux discriminations.

M. le Rapporteur - Avis défavorable car le projet de loi sur l'égalité des chances serait un véhicule plus approprié pour cette proposition.

Mme la Ministre déléguée - Défavorable.

L'amendement 81, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer - L'amendement 92 de M. Thomas est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Je m'interroge sur le coût d'un tel dispositif et les effets d'aubaine qu'il pourrait comporter.

Mme la Ministre déléguée - Même avis.

L'amendement 92, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Les amendements 47 et 48 concernent les contrats d'insertion. Ces derniers ont été modifiés sans que l'on introduise l'obligation de formation pour les employeurs et que l'on limite la multiplication des contrats d'insertion dans la même entreprise. Or l'ANPE propose de nombreux contrats initiative emploi à Paris, notamment dans les entreprises de phoning. Les allocataires de minima sont donc embauchés dans ce secteur dont on connaît les conditions de travail et les salaires déplorables, puis renvoyés au terme de 15 jours au prétexte de leur manque de performance. Ces entreprises peuvent ainsi multiplier les contrats d'insertion.

M. Maxime Gremetz - Eh oui !

Mme Martine Billard - Il s'agit d'un détournement manifeste du contrat initiative emploi. C'est pourquoi notre amendement 47 tend à rendre obligatoires les actions d'orientation, de formation, de validation des acquis de l'expérience et d'accompagnement professionnel, cependant que notre amendement 48 vise à limiter les abus. Je tenais, Madame la ministre, à appeler votre attention sur les effets pervers potentiels de ce type de contrat, quel que soit le sort réservé à nos amendements, la menace de l'article 40 ayant été brandie !

M. le Rapporteur - Défavorable. En réalité, le régime du CIE date de 1995 et il n'a pas été modifié par le plan de cohésion sociale sur les points précis que vous évoquez. Une étude de la DARES démontre en outre l'efficacité de ce dispositif : les trois quarts des bénéficiaires retournent dans l'emploi, sept sur huit d'entre eux sous le régime d'un CDI. Ne cassons pas les outils qui fonctionnent bien !

Mme la Ministre déléguée - En 2004, 80 % des titulaires d'un CIE ont signé un CDI et je rappelle en outre que les titulaires de ces contrats ont accès aux dispositifs de droit commun de formation et d'accompagnement dans l'emploi dispensés par l'ANPE et par l'AFPA, tels que les précise la loi de 2004. Le CIE est le seul contrat aidé pouvant être à durée indéterminée. Ne créons pas de nouveaux obstacles à sa diffusion. Avis défavorable.

M. Maxime Gremetz - Il est vrai que c'est sans doute le moins mauvais de vos contrats !

Mme Martine Billard - J'observe que les chiffres que vous avez cités concernent les CIE conclus avant l'« assouplissement » du dispositif introduit par la loi du 18 janvier dernier.

Mme la Ministre déléguée - C'est exact. Nous ne disposons pas de statistiques plus récentes.

Mme Martine Billard - Il va de soi que nous n'avions rien contre les CIE conclus sous la forme de CDI. Ce qui nous inquiète aujourd'hui, ce sont les risques d'abus liés au CIE nouvelle manière.

Mme la Ministre déléguée - Je prends bonne note de vos observations.

Les amendements 47 et 48, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Francis Vercamer - Alors que 185 000 contrats d'avenir avaient été inscrits dans le budget, les derniers chiffres communiqués par M. Larcher indiquent que 10 000 seulement ont été conclus. Par notre amendement 78, nous proposons que la commission départementale de pilotage du dispositif produise un rapport annuel retraçant notamment les obstacles à la conclusion de ces contrats...

M. le Président de la commission - Et si nous parlions un peu du texte !

M. Francis Vercamer - Il faut analyser les raisons de ce démarrage très décevant.

M. le Rapporteur - Défavorable. Les acteurs de terrain sont surchargés par les demandes de rapports, d'études et de bilans. Répondons à leurs aspirations en les laissant se concentrer sur leurs missions prioritaires.

Mme la Ministre déléguée - Même avis, d'autant qu'une évaluation régulière des différents dispositifs est déjà conduite par les préfets.

Mme Hélène Mignon - Je n'ai pas l'intention de voter cet amendement mais j'appelle l'attention du Gouvernement sur le fait que la représentation nationale aurait besoin de disposer de ce type d'études pour mieux appréhender l'ensemble des obstacles au retour à l'emploi.

Mme la Ministre déléguée - J'entends votre demande.

L'amendement 78, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer - Les amendement 93 et 91 sont défendus.

Les amendements 93 et 91, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard - Notre amendement 46 vise à supprimer le contrat nouvelles embauches, créé sans qu'il ait été tenu compte de son incidence sur les contrats existants. L'ensemble du dispositif d'incitation à reprendre un emploi est fondé sur la perspective d'une reprise à temps plein, les activités à temps partiel étant peu attrayantes au regard de l'intéressement et ne procurant pas des revenus suffisants pour faire vivre une famille. Bien entendu, pour le titulaire d'un minimum social en cours de réinsertion professionnelle, un CDI est la perle rare - je serais du reste curieuse de savoir combien d'anciens titulaires de minima sociaux retrouvent un emploi en CDI -, mais le CDD est aussi acceptable en ce qu'il offre des garanties pour une durée donnée. Tel n'est malheureusement pas le cas du CNE, révocable du jour au lendemain et qui ne permet par conséquent d'accéder ni au logement ni aux prêts bancaires. La réforme de l'intéressement n'apporte rien aux titulaires des CNE car ceux-ci restent prisonniers de la fragilité fondamentale de ce contrat. Nous proposons par conséquent sa suppression pure et simple.

M. le Rapporteur - L'avis ne peut qu'être défavorable (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), le lien de l'amendement avec le texte n'étant pas établi.

Mme la Ministre déléguée - Cet amendement est en effet assez extérieur à l'objet du projet de loi. Permettez-moi aussi de considérer que la signature de quelque 100 000 CNE n'est pas totalement étrangère à la baisse du chômage !

M. Maxime Gremetz - Les arguments de Mme Billard sont tout à fait dignes de considération. Le CNE ne peut être rattaché à rien de connu : se présentant comme un CDI, il en est la négation, puisque le patron a tout loisir d'y mettre fin, par une simple lettre. Il est plus déstabilisant encore qu'un CDD puisqu'il ne donne aucune garantie dans le temps. Leurs titulaires ne savent pas de quoi demain sera fait et peuvent s'attendre chaque jour à trouver dans leur boite une lettre de licenciement ! Dans une société aussi privée de perspectives que la nôtre, où 70 % des embauches se font sous le régime d'un contrat précaire, cette nouvelle étape dans la voie de la fragilisation de la norme d'emploi est inacceptable. Ce qui mine la population de nos grands ensemble et une bonne part de notre jeunesse, c'est l'idée de ne pouvoir rien entreprendre, pas plus dans le domaine privé qu'au plan professionnel, faute de garanties pour l'avenir. Mesure-t-on la profondeur de l'angoisse qui en découle ? Je n'en suis pas du tout convaincu.

M. Francis Vercamer - A l'origine, je ne comptais pas voter l'amendement de Mme Billard car il faisait un peu figure de cavalier. Les arguments de son auteur et de M. Gremetz me conduisent à reconsidérer la question. D'abord, Madame la ministre, parce que vous ne pouvez affirmer que 100 000 CNE ont été conclus. Il a été établi que nombre d'employeurs, abusés par le terme « nouvelle embauche », avaient coché la mauvaise case dans le formulaire de déclaration ! Ensuite - et surtout -, parce que le CNE, auquel l'UDF s'est toujours opposée, ajoute à la fragilité des situations dans un contexte déjà frappé par la précarité. Les conjoncturistes déplorent la mollesse de la croissance. On ne la soutiendra pas en introduisant un surcroît de précarité. C'est pourquoi je voterai l'amendement 46.

M. Maurice Giro - Je ne comprends pas les observations de nos collègues sur le CNE. Peut-être ne sont-ils pas maires, sinon il sauraient bien que les agents territoriaux sont recrutés sous un mode assez analogue. En règle générale, un premier contrat est conclu pour trois mois...

M. Francis Vercamer - Il est souvent retoqué par le préfet !

M. Maurice Giro - Puis, pour une durée plus longue. Ensuite, la personne peut passer un concours mais elle ne sera pas titulaire avant au moins un an, son stage probatoire pouvant en outre être prolongé de six mois.

Vous vous méprenez sur les chefs d'entreprise : ils ne mettront pas systématiquement à la porte un salarié qui leur a donné satisfaction, au terme de la période de deux ans. J'en parle en connaissance de cause.

L'amendement 46, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance, conformément à l'article 58 du Règlement.

La séance, suspendue à 23 heures 15, est reprise à 23 heures 25.

M. Maxime Gremetz - Je souhaite revenir sur l'un de nos amendements, visant à améliorer les conditions de versement de la prime de 1 000 euros, qui est tombé sous le coup de l'article 40.

Le Gouvernement nous a dévoilé le mécanisme du versement, qui fonctionnera selon le principe du donnant-donnant, ou du gagnant-gagnant. Le titulaire d'un minimum social a tout intérêt à reprendre une activité pour bénéficier de cette prime. Mais pour ne pas affaiblir l'effet alléchant de celle-ci, certaines garanties quant à son versement seront définies par décret.

Une fois encore, la représentation nationale n'a pas son mot à dire et tout se passera en coulisses, comme pour tant de lois dénaturées par des décrets... lorsque, toutefois, ils paraissent. C'est pourquoi je préfère que des questions aussi importantes soient précisées le plus possible dans la loi et non par voie réglementaire.

Nous savons donc seulement que cette prime sera versée s'il y a reprise d'emploi, et qu'elle le sera après quatre mois d'embauche. Vous considérez ainsi que l'embauche n'est acquise qu'au terme de ce délai, alors que la législation sociale fixe la date définitive de l'embauche à l'issue de la période d'essai ! C'est donc à ce moment que la reprise d'activité est effective : là devrait être le point de départ de tout bénéfice de la prime.

Par ailleurs, quel sera le point de départ de ce délai ? S'il s'agit du terme de la période d'essai - on en serait alors à sept mois après le premier jour d'activité dans le cas d'une période d'essai de trois mois - que toucheront les signataires d'un CDD de six mois ? Absolument rien !

Par ailleurs, si l'objectif de cette prime est de faire face aux frais engagés par la reprise d'activité - acquisition d'un moyen de transport, frais de garde des enfants... - quel est l'intérêt de la verser aussi tardivement ?

S'il n'était tombé sous le coup de l'article 40, notre amendement aurait eu le mérite de clarifier le dispositif, en prévoyant le versement de la prime à l'issue de la période d'essai.

M. le Président - Si un amendement a été rejeté en vertu de l'article 40, vous ne pouvez l'évoquer.

M. Maxime Gremetz - J'ai tout de même le droit d'en parler dans le cadre de mon intervention sur l'article !

Mme Martine Billard - Effectivement, cette prime ne pourra servir à financer les frais liés au retour à l'emploi car elle n'est versée qu'au bout de quatre mois. Par ailleurs, un salarié qui perd son emploi au bout de trois mois et demi est totalement perdant, car il n'a pas le droit de cumuler son revenu avec le RMI, par exemple, et il ne bénéficie pas de la prime de 1 000 euros.

Pour ce qui est de l'amendement 49, il tend à revenir aux termes du communiqué du conseil des ministres du 8 novembre 2005 pour que ce soit la prime de retour à l'emploi de 1 000 euros qui soit baptisée « prime forfaitaire ». Malheureusement, je n'ai pas prévu tous les amendements de cohérence.

M. le Rapporteur - La commission a été tentée d'accepter cet amendement, mais faute d'avoir eu le temps de réaliser tout le travail de coordination, nous avons rendu un avis défavorable.

Mme la Ministre déléguée - La prime de retour à l'emploi existe déjà et nous ne faisons que l'étendre et la pérenniser, aussi n'est-il pas souhaitable de changer sa dénomination. Avis défavorable.

Par ailleurs, je rappelle que le délai de quatre mois court à compter du premier jour d'activité. La durée de la période d'essai n'intervient pas.

L'amendement 49, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 95 vise à substituer au mot « attribuée » du premier alinéa de cet article, celui de « versée ». Ces deux termes n'ont pas la même signification car lorsqu'une administration attribue une somme d'argent, cela ne signifie pas que le versement sera immédiat. Il ne faut pas donner de faux espoirs à ces personnes, et les pousser à des dépenses qu'elles ne pourraient ensuite assumer du fait du délai de versement. Nous avons déjà dénoncé ce délai de quatre mois, mais qu'au moins le versement ait bien lieu à cette échéance.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable, n'ayant pas eu connaissance des explications de Mme Mignon. Les ayant entendues, j'y suis favorable, à titre personnel.

Mme la Ministre déléguée - Il faut entendre dans le terme « attribuée » la notion d'ouverture de droits, et c'est pour cela que nous ne pouvons en changer. En revanche, j'ai bien compris les inquiétudes de Mme Mignon, et je m'engage à inscrire dans le décret que la prime sera versée au quatrième mois. Peut-être Mme Mignon acceptera-t-elle de retirer son amendement ?

L'amendement 95 est retiré, de même que l'amendement 96.

M. Francis Vercamer - L'amendement 89 tend à prévoir que le versement de la prime de retour à l'emploi s'accompagne d'une action d'évaluation des besoins de formation du bénéficiaire, effectuée dans le cadre des maisons de l'emploi.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Ne confondons pas. L'évaluation que vous proposez relève de l'accompagnement d'une personne qui cherche un emploi. La prime est versée en revanche à une personne qui, par hypothèse, a un emploi, et entre donc dans les dispositifs de formation professionnelle proposés au sein même de l'entreprise.

Mme la Ministre déléguée - Défavorable.

L'amendement 89, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Les amendements 50 et 51 tendent à préciser la manière dont sera remboursée la prime en cas de versement indu. Notons que ce versement ne peut être que le fait d'une erreur de calcul de la CAF et non d'une déclaration d'activité fictive de l'allocataire, qui n'y aurait aucun intérêt puisque la prime perçue ne saurait compenser la perte de ses droits à terme.

L'amendement 50 vise à laisser à la personne qui a indûment perçu cette prime le choix des modalités de remboursement, tandis que l'amendement 51 tend à ce que le remboursement ne puisse être exigé qu'une fois les délais de recours expirés, et après avoir informé par écrit la personne concernée de la source de l'erreur. Il n'est pas normal que l'allocataire soit informé, par des courriers successifs, qu'il va recevoir une prime, puisqu'il doit la rembourser, sans qu'à aucun moment on lui donne d'explications ! Et il est choquant qu'il doive faire intervenir son député pour les obtenir.

M. le Rapporteur - L'amendement 126 du Gouvernement offrira une certaine souplesse qui répondra à votre souci justifié : la commission est donc défavorable à l'amendement 50. Quant à l'amendement 51, vous savez que cette information est théoriquement obligatoire ; en pratique, elle n'est que partiellement fournie. Je me demande donc, au cas où Mme la ministre en serait d'accord, si nous ne pourrions pas retenir l'amendement 51.

Mme la Ministre déléguée - Comme l'a parfaitement expliqué le rapporteur, l'amendement 126 répondra au souci qui motive l'amendement 50. Avis favorable sur l'amendement 51.

Mme Martine Billard - Je retire l'amendement 50.

L'amendement 51, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre déléguée - L'amendement 126 est technique, mais important : il précise le régime juridique applicable à la prime de retour à l'emploi. Nous proposons que le contentieux relève des juridictions administratives - l'unité de la jurisprudence sera ainsi garantie - et le bénéficiaire pourra rembourser en une ou plusieurs fois toute perception indue de prime - une remise sera même autorisée. Sauf en cas de fraude, le délai de prescription sera de deux ans. Les organismes payeurs pourront diligenter des contrôles dans les mêmes conditions que pour le RMI ou l'ASS.

M. le Rapporteur - Avis favorable : l'unification de la jurisprudence sera très utile aux titulaires de minima sociaux.

M. Maxime Gremetz - Je vous rappelle, Monsieur le président, que lorsqu'un amendement est frappé d'irrecevabilité, il peut être repris par le Gouvernement, qui alors lève le gage. Mais pour cela il doit en avoir connaissance ! Nous respectons donc le Règlement. Etes-vous prête, Madame la ministre, à reprendre nos amendements de bon sens ?

Nous proposons par exemple que la prime soit versée sans condition d'ancienneté. En effet, les modalités d'application de cette mesure seront pour l'essentiel prévues par décret : plus la rédaction du texte sera précise aujourd'hui, plus nous éviterons les déconvenues demain.

Nous proposons également que la prime soit exclue du calcul des ressources. Dans son rapport, Mme Létard explique l'existence de trappes à inactivité par la fin trop brutale des droits connexes - entre autres raisons. Personne n'a de préférence pour l'inactivité, mais les frais à engager pour retrouver un emploi constituent parfois des obstacles insurmontables, surtout si l'intégralité des revenus est prise en compte pour le bénéfice d'une autre prestation. Voilà pourquoi il faut exclure du calcul des ressources les aides prévues par le projet de loi.

Mme la Ministre déléguée - La prime forfaitaire de 1 000 euros n'est soumise à aucune condition d'ancienneté. Elle est exclue du calcul des ressources. Enfin il n'est pas tenu compte de la période d'essai : on prend la date de reprise d'emploi plus quatre mois.

Mme Martine Billard - Vous nous dites que la prime est exclue du calcul des ressources. Imaginons qu'une personne perde son emploi au cinquième mois et se retrouve de nouveau au RMI, y aura-t-il neutralisation totale de la prime ?

Mme la Ministre déléguée - Oui.

L'amendement 126, mis aux voix, est adopté.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Maxime Gremetz - Je vais pouvoir faire ma procédure...

M. le Président - Je vous rappelle, Monsieur Gremetz, que le Règlement s'applique à tous les députés, y compris à vous.

M. Maxime Gremetz - D'abord à moi ! Etant l'un des plus anciens, je dois montrer l'exemple, surtout aux plus jeunes comme M. le rapporteur !

M. le Président - Je vous y encourage, et en prends bonne note.

M. Maxime Gremetz - L'article 2, qui concerne l'ASS, ouvre une série de dispositions identiques pour les titulaires de l'ASS, du RMI ou de l'API. Les remarques que nous formulerons valent donc aussi pour les articles 3 et 4, qui appellent les mêmes griefs. Tous sont inspirés par la même philosophie - rendre le travail attractif pour ceux qui n'en ont pas - mais ils témoignent de l'erreur d'analyse que commet le Gouvernement, et contre laquelle Mme Létard nous a pourtant mis en garde : les titulaires des minima sociaux peinent à reprendre un emploi parce que les emplois proposés ne les sortent pas de la précarité. CDD, temps partiel, intérim ou, demain, le CNE et sa période d'essai surréaliste de deux ans : ces emplois sont eux-mêmes précaires ! S'ils restent dans le giron de la solidarité nationale, c'est donc parce que les revenus tirés de l'activité professionnelle sont trop faibles. Plutôt que de créer des primes, il faudrait donc revaloriser le travail et les salaires.

Un titulaire de l'ASS touche 420 euros : s'il trouve un travail à temps partiel, il gagnera 600 euros : peut-on vivre décemment dans de telles conditions ? A temps plein, il gagnera 1 100 euros, et votre prime forfaitaire y ajoutera 150 euros, mais sa situation à long terme n'est pas réglée pour autant.

L'article 2 ne répond ni à l'intitulé de votre projet, ni à votre objectif affiché de rendre les revenus du travail plus attractifs, et pour cause : c'est l'Etat qui apporte un supplément de pouvoir d'achat ! Où est l'attractivité de la rémunération lorsqu'un ancien titulaire de l'ASS employé en CDD de 18 mois ne bénéficie plus de votre prime au bout de neuf mois et ne touche plus que 600 euros ? Sa précarité reste la même, et il finit par rebasculer dans l'ASS.

Un accord signé avec le patronat pour augmenter les salaires et résorber l'emploi précaire illustrerait votre volonté de revaloriser le travail, car la différence entre salaires et minima sociaux augmenterait. Tel n'est pas le cas. A l'heure actuelle, c'est l'Etat, donc le contribuable, qui apporte cette différence, ce qui m'oblige à dire - rendez-vous compte ! - que le Medef est assisté par les titulaires de minima sociaux ! Votre dispositif, comme ses prédécesseurs, ne règle rien à terme, et plusieurs correctifs doivent donc lui être apportés.

Mme Martine Billard - L'ASS ne s'adresse qu'à ceux qui ont travaillé au moins cinq des dix années précédentes - donc pas aux jeunes. Et s'il y a plus de titulaires de l'ASS, c'est en partie à cause de la réduction des droits ASSEDIC... N'oublions pas non plus l'aspect psychologique de cette question. Souvenez-vous, Madame la ministre, de « l'histoire des recalculés » : même si le RMI est plus rentable, nombreux sont ceux qui souhaitent rester en ASS, car ce sont des droits issus des cotisations chômage, donc du travail. Or, le texte fait glisser l'ASS dans l'assistance.

Concernant l'intéressement, votre dispositif est moins favorable à certains égards que le système actuel, certes très complexe - je suis d'accord pour le clarifier -, notamment pour les personnes qui ne retrouveront pas un emploi à temps plein.

Depuis le PARE, les droits à la formation sont strictement réduits à la durée d'indemnisation restante. Les personnes qui souhaiteraient allonger leur formation ne le peuvent pas alors que cela leur permettrait d'obtenir un emploi plus intéressant. Tant que l'on ne remet pas en cause ce lien entre la durée de formation et la durée d'indemnisation, nous ne pourrons pas contribuer à améliorer la qualification de nos concitoyens qui connaissent ce type de difficultés.

Le fonds de solidarité financera la prime, mais il finance également l'allocation forfaitaire relative au CNE, l'aide versée aux employeurs qui ont conclu un contrat d'avenir ou un contrat d'insertion au RMA. Or, le budget de ce fonds ayant été diminué dans le PLF, comment ses missions pourront-elles être assurées ?

Enfin, quid des conséquences de la reprise d'emploi dans les TPE de cinq salariés ou plus ou dans le cadre du chèque emploi service universel ? Dans ces cas-là, les formalités d'embauche sont simplifiées. En fin de mois, l'employeur envoie au centre chargé de la gestion de ces chèques le déclaratif signé et c'est le centre qui se charge de calculer les cotisations et de renvoyer la fiche de paie. L'employeur la renvoie ensuite à la personne concernée. Mais, en cas de rupture du contrat de travail à la fin d'un mois, l'allocataire ne recevra pas tout de suite ses fiches de paie et ne pourra donc justifier ses revenus. Des problèmes se poseront alors pour le calcul du RMI, de l'ASS ou de l'API. Comment comptez-vous prendre en compte cette situation ? Ou bien refusez-vous que cette reprise d'emploi se fasse dans le cadre des facilités offertes pour les TPE ou dans le cadre du CESU ?

M. Francis Vercamer - Comment faire pour inciter au retour à l'emploi ? Il suffit parfois de regarder les actions menées dans des pays voisins. Ainsi, dans les pays scandinaves, un référent social s'occupe d'un nombre très restreint de demandeurs d'emploi et le taux de chômage ou d'exclusion, notamment en Suède, est très faible. Les amendements 84 rectifié et 83 rectifié visent ainsi à instituer un accompagnement personnalisé au retour à l'emploi mené par un référent unique, respectivement pour les bénéficiaires de l'allocation d'insertion et pour les bénéficiaires de l'ASS.

M. le Rapporteur - Ces deux amendements sont très bien rédigés mais la loi de finances, sur laquelle le groupe UDF a d'ailleurs travaillé de manière très constructive, comporte un article 88 qui prévoit une nouvelle rédaction complète de l'article L. 351-9 du code du travail, lequel ne permet donc pas d'insérer vos deux amendements.

L'amendement 19 de la commission concerne également le dispositif d'accompagnement pour les titulaires de l'ASS et de l'API, mais je me propose de le retirer. En effet, même si nous avons souhaité d'ores et déjà engager une réflexion, nous devons attendre les conclusions du rapport de MM. les sénateurs de Raincourt et Mercier, en particulier concernant les droits connexes.

Mme la Ministre déléguée - Même avis sur les amendements 84 rectifié et 83 rectifié. Le Gouvernement partage votre souci d'offrir à l'ensemble des bénéficiaires des minima sociaux un parcours d'insertion individualisé. Néanmoins, s'agissant des bénéficiaires de l'ASS qui sont tous nécessairement inscrits à l'ANPE, un dispositif global de suivi systématique existe déjà dans le cadre plus large de l'accompagnement des demandeurs d'emplois. Ce principe est d'ailleurs codifié dans la partie règlementaire du code du travail dans une sous-section consacrée à l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Il s'agit de l'accompagnement de droit commun des demandeurs d'emploi bénéficiant du projet personnalisé d'accès à l'emploi mentionné à l'article R 311-3-11 du code du travail et de l'ensemble des prestations d'aide au retour à l'emploi à l'ANPE. Si les bénéficiaires de l'ASS ne sont pas privilégiés par leur statut, la plupart sont identifiés comme étant éloignés du marché du travail et bénéficient à ce titre d'un accompagnement personnalisé renforcé. Par ailleurs, sans que cela nécessite de base législative ou règlementaire, l'ANPE peut effectuer des opérations ponctuelles d'accompagnement renforcé. L'inscription du principe d'un accompagnement systématique du bénéficiaire n'apparaît donc pas nécessaire sur le plan législatif, a fortiori dans une partie du code du travail spécifiquement consacrée à l'indemnisation, et non à l'accompagnement. Enfin, nous attendons les réflexions des présidents de conseils généraux et des sénateurs.

Je prends acte du retrait de l'amendement 19, que j'aurais d'ailleurs demandé.

M. Francis Vercamer - Je m'étonne que M. le rapporteur puisse retirer un amendement voté en commission. Quant à moi, je retire les amendements 84 rectifié et 83 rectifié.

Les amendements 84 rectifié et 83 rectifié sont retirés.

M. le Président - Il est de tradition que le rapporteur puisse apprécier par lui-même un éventuel retrait des amendements.

M. Maxime Gremetz - Je reprends l'amendement 19. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement 6, un des rares ayant échappé au couperet de l'article 40, qui a le même objectif. Il concerne l'accompagnement des titulaires des minima sociaux, et en particulier les bénéficiaires de l'ASS. Chacun admet qu'il convient de transposer l'accompagnement social qui existe pour les érémistes aux titulaires de l'ASS. Ceux-ci ont en effet besoin d'un accompagnement professionnel et social formalisé et obligatoire afin de les aider dans leur parcours d'insertion. C'est d'autant plus nécessaire que ces personnes sont restées longtemps éloignées de la vie active. Je demande un scrutin public sur cet amendement.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public sur l'amendement 19.

A la majorité de 24 voix contre 5 sur 29 votants et 29 suffrages exprimés, l'amendement 19 n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Je laisse M. Giro présenter l'amendement 20, adopté par la commission.

M. Maurice Giro - Les agriculteurs offrent à certaines périodes de nombreux emplois saisonniers qu'ils ont souvent des difficultés à pourvoir sur place, ce qui les conduit à faire venir de la main-d'œuvre étrangère. Or des opérations ponctuelles ou plus durables, comme celles conduites par l'ANPE en Dordogne ou par le conseil général du Rhône, montrent qu'il est possible de pourvoir ces emplois à l'aide de demandeurs d'emploi ou d'allocataires de minima sociaux locaux, dès lors que l'on se donne les moyens de les leur proposer et que les modestes revenus complémentaires qu'ils fournissent sont effectivement acquis et n'entraînent donc pas une diminution des allocations. L'amendement 20 tend à mentionner explicitement dans la loi la possibilité de cumuler minima sociaux et revenus des travaux saisonniers.

Mme la Ministre déléguée - C'est un excellent amendement que le Gouvernement soutient sans réserve.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Nous sommes tout à fait d'accord avec cet amendement, qui concerne beaucoup de gens. Nous aimerions savoir comment cette situation sera prise en compte.

L'amendement 20, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - L'amendement 53 est de cohérence.

L'amendement 53, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Le titre précise que la prime est versée chaque mois, y compris s'il a été mis fin au droit à l'allocation. Notre amendement 54 remplace « droit » par « versement ». C'est en effet toute la question des droits connexes, bien plus importants pour le RMI, qui est posée ici : disparaissent-ils automatiquement avec le statut d'allocataire ? Nous n'avons pas pu déposer d'amendements à ce sujet à cause de l'article 40. Mettre fin au droit, c'est obliger la personne qui perdrait l'emploi à reprendre toutes les démarches pour redevenir allocataire du RMI ou de l'ASS.

M. le Rapporteur - Je comprends ce souci d'aborder la question des droits connexes. Mais votre proposition serait contre-productive, car elle limiterait la période de droits pour la personne bénéficiaire de l'allocation de solidarité.

Mme la Ministre déléguée - Mme Billard veut maintenir dans tous les cas le statut d'allocataire et le versement de la prime lorsqu'il n'y a plus bénéfice de l'allocation. En fait, le versement de la prime est fonction de l'activité et sans lien avec le montant de l'allocation perçue. Adopter cet amendement supprimerait la possibilité de bénéficier du versement de la prime alors que l'intéressé cesse d'avoir la qualité d'allocataire. Or le Gouvernement veut la maintenir même dans ce cas. Donc, avis défavorable.

Mme Martine Billard - Je retire l'amendement. Mais que se passe-t-il pour les personnes qui ne retrouvent un emploi que de façon temporaire ? Après trois mois, doivent-elles refaire les démarches pour s'inscrire au RMI et retrouver les droits connexes qui y sont liés, ou garder ceux qui tiennent à l'ASS ?

Mme la Ministre déléguée - L'article 11 dispose clairement que ceux pour lesquels le retour à l'emploi est un échec sont rétablis immédiatement dans leurs droits.

L'amendement 54 est retiré.

M. Maxime Gremetz - Je retire l'amendement 6, puisque j'ai soutenu le 19 de M. le rapporteur, qui avait le même objet.

L'amendement 6 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 111 est rédactionnel.

L'amendement 111, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - Le texte mentionne un plafond de revenus d'activité pour percevoir la prime de 150 euros. On peut le comprendre. Mais quel est le seuil ? Par notre amendement 57 rectifié, nous proposons 1,4 fois le RMI, ce qui correspond au salaire médian.

M. le Rapporteur - La commission est défavorable, car cette mesure relève du domaine réglementaire. Mais le seuil proposé me semble correct.

Mme la Ministre déléguée - En effet, cette disposition relève vraiment du domaine réglementaire. Le Gouvernement n'avait pas l'intention de fixer dans la loi un seuil précis.

Mme Martine Billard - Je comprends que cela relève du décret, mais je voulais un éclaircissement.

L'amendement 57 rectifié est retiré.

M. Maxime Gremetz - Pour responsabiliser les employeurs dans la lutte pour l'insertion des plus éloignés de l'emploi, notre amendement 9 prévoit qu'ils verseront, dans le cadre de ce dispositif, la même prime que celle prévue pour la reprise d'emploi pour les emplois à temps partiel ou en CDD. Sinon, c'est toujours l'Etat qui paye.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable à l'amendement en l'état. Monsieur Gremetz me pardonnera ce jésuitisme, mais parmi les employeurs, il y a les chantiers d'insertion, et il va alourdir leurs charges.

Mme la Ministre déléguée - En outre, la prime est versée à tout bénéficiaire de l'ASS qui reprend une activité professionnelle. Il est inutile de préciser qu'elle l'est pour telle ou telle catégorie. Défavorable.

M. Maxime Gremetz - Pour un argument jésuitique, c'en est un ! Que représentent les chantiers d'insertion ?

Mme la Ministre déléguée - Il faut les développer plus.

M. Maxime Gremetz - Bien sûr. Mais en attendant, ce n'est pas d'eux qu'il s'agit. Ces chantiers sont portés à bout de bras par les collectivités locales.

Mme la Ministre déléguée - Et par l'Etat.

M. Maxime Gremetz - Oui, mais ce dont il s'agit ici, c'est des employeurs.

L'amendement 9, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Les amendements 21 de la commission et 100 de Mme Mignon sont identiques, mais ont des motifs très différents. La commission a voulu supprimer les dispositifs de contrôle prévus dans le projet parce qu'ils ne sont pas tout à fait cohérents avec l'article 57 du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les montants prévus sont aussi excessifs pour des titulaires de minima sociaux.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - En effet, les sanctions prévues seraient extrêmement préjudiciables pour ces personnes en situation de retour à l'emploi. La sanction pénale serait de 4 500 euros pour le bénéficiaire du RMI ou de l'ASS qui commettrait une fraude, avec doublement en cas de récidive. C'est démesuré pour des personnes qui ont des ressources mensuelles de 650 euros au maximum.

En outre, une étude récente de la CNAF a montré que les fraudes sont marginales dans le cadre du RMI et des allocations. Les mesures envisagées ne concordent pas avec la gravité des faits et sont contraires à l'objectif poursuivi : le retour à l'emploi des personnes les plus fragiles. Les contrôles sont nécessaires mais ils relèvent de la responsabilité de certains organismes à qui nous devons donner les moyens de les effectuer. Cette amende de 4 500 euros, doublée en cas de récidive, conduit à stigmatiser les personnes que nous voulons précisément aider.

Mme la Ministre déléguée - Le Gouvernement est favorable à la suppression proposée du II de cet article, et il partage plutôt l'approche de la commission. Après l'article 10, nous travaillerons sur la réécriture de l'ensemble des sanctions proposée par la commission.

Les amendements 21 et 100, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 112 est de coordination.

L'amendement 112, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - Le Gouvernement a choisi d'étendre les interventions du Fonds de solidarité alors que la subvention de l'Etat au Fonds a été réduite dans le budget. Le Fonds ne risque-t-il pas, par manque de recettes, de ne plus pouvoir verser la prime, ce qui pourrait pousser des allocataires de l'ASS à refuser le retour à l'emploi ?

Par ailleurs, il semblerait donc justifié que les emplois précaires, qui représentent la plupart des embauches aujourd'hui, financent des dispositifs mis à la disposition des allocataires des minima sociaux. L'amendement 58 vise à créer une contribution exceptionnelle sur les emplois précaires pour abonder ce Fonds.

M. le Rapporteur - Défavorable. Cette proposition avait été repoussée par la commission présidée par M. Hirsch. Le passage par un sas de travail, qui peut être considéré comme précaire, permet parfois au titulaire de minima sociaux d'accéder à un emploi plus durable.

Mme la Ministre déléguée - Défavorable. Le Fonds de solidarité est financé par une cotisation prélevée sur les salaires des fonctionnaires et abondé par une subvention d'équilibre à la charge de l'Etat. La diminution globale de la subvention de l'Etat n'est pas due à des charges nouvelles mais à l'évolution des effectifs des allocataires déjà à la charge du Fonds, dont l'ASS. Outre les effets conjoncturels, il faut prendre en compte les effets induits par la mise en place de nouveaux contrats aidés et du plan d'accompagnement renforcé des allocataires de l'ASS par l'ANPE. Il n'y a pas lieu d'affecter une nouvelle ressource au Fonds et de créer une contribution qui pénaliserait notamment les CNE.

L'amendement 58, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

Mme Martine Billard - Par l'amendement 59, je propose de préciser que le RMI est un droit individuel. C'est une vieille bataille et je profite de la réflexion en cours sur la fusion des droits sociaux pour lancer à nouveau le débat. L'API et l'ASS sont des droits individuels, même s'il existe un plafond de ressources du couple pour l'ASS. En tant que femme, je ne peux que me battre pour des droits individuels qui seuls garantissent l'autonomie des personnes. Il faut remettre en cause la conception familiale du RMI.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le débat sur le caractère familial ou non du RMI pose de nombreuses questions sur la mise en œuvre des obligations alimentaires et oblige à raisonner autrement que par unité de consommation. Par ailleurs, l'ASS, droit plus individualisé, peut se révéler moins favorable que le RMI en fonction de la taille de la famille. La position constante de Mme Billard sur ce débat suppose une refonte complète du dispositif. Ce projet de loi ne s'y prête pas.

Mme la Ministre déléguée - Avis défavorable. Au nom du Gouvernement, je réaffirme le caractère familial du RMI qui existe depuis la création de cette prestation en 1988 et permet de tenir compte de l'ensemble des ressources perçues par le foyer. Quant à l'API, c'est un droit individuel puisqu'elle s'adresse, par définition, à des personnes isolées.

L'amendement 59, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 3

Mme Martine Billard - L'amendement 60 est défendu.

L'amendement 60, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - L'amendement 101 a pour objet de préciser que le salaire perçu durant les trois premiers mois de reprise d'activité professionnelle est cumulable avec le RMI, comme dans le dispositif actuel d'intéressement au retour à l'emploi. Nous aimerions que le Gouvernement nous donne des garanties à cet égard.

M. le Rapporteur - Avis défavorable bien que je partage le souci d'éclaircir ce point.

Mme la Ministre déléguée - Madame, les revenus tirés de la reprise d'activité professionnelle seront intégralement cumulables avec le RMI durant les trois premiers mois. Cette disposition figurera dans les décrets d'application de la loi.

Mme Hélène Mignon - Je retire l'amendement.

L'amendement 101 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 22 poursuit le même but que celui qu'a défendu il y a quelques instants M. Giro.

L'amendement 22, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - Je vais retirer l'amendement 62.

Votre nouveau dispositif est favorable aux personnes reprenant un emploi à temps plein, mais beaucoup moins pour celles qui reprennent une activité à temps partiel de moins de 78 heures. J'ai noté que le premier trimestre est neutralisé, ce qui est une bonne nouvelle. Mais la date de la reprise d'activité par rapport à celle de la déclaration trimestrielle de ressources aura de fortes conséquences sur le cumul financier du salaire et des allocations. Envisagez-vous de réformer cette DTR barbare ? D'autre part, avec le nouveau dispositif, plus le temps de travail est faible, moins on est favorisé. Certaines familles bénéficiant du RMI pourraient connaître une baisse de leurs revenus à partir du sixième mois. Le rapporteur a d'ailleurs indiqué lui-même que le bilan n'était pas toujours positif. Vos services ont-ils réalisé une étude sur ce point ? Nous avons besoin d'explications supplémentaires.

M. le Rapporteur - Défavorable à l'amendement 62.

Mme la Ministre déléguée - Selon le système que nous avons prévu, la période de trois mois sera calculée de date à date, et non en fonction de la fameuse DTR. Nous avons réalisé des simulations avec la CAF pour éviter les pertes éventuelles auxquelles vous faisiez allusion.

L'amendement 62 est retiré.

M. Maxime Gremetz - Cet amendement vise à revenir sur une disposition inacceptable de cet article 3 : le financement par les départements de la prime de retour à l'emploi. Selon vous, cette disposition a fait l'objet d'une concertation avec les représentants des institutions locales. Cela a dû être fait en catimini car aucun compte rendu ne nous en est parvenu et vous refusez de fournir une étude d'impact. Or le coût de la réforme de l'intéressement ne sera pas neutre pour les départements, contrairement à ce que vous souhaitez faire croire. Leur contribution atteindrait près de 500 millions d'euros. Ce transfert de charge ignore la réalité de certains départements ou le nombre des érémistes est très élevé. Il ignore aussi que ce sont les départements les plus fragiles financièrement qui seront les plus sollicités. Enfin, il faut mettre ce transfert de charge en parallèle avec les suppressions de ressources que le Gouvernement a orchestrées par le biais de la réforme de la taxe professionnelle. Au final, les collectivités locales seront placées dans l'incapacité de dégager les ressources nécessaires au financement de leurs missions de service public.

Les simulations qui nous ont été communiquées montrent que l'effet de ces mesures sera très inégalement réparti. De grandes villes populaires subiront des contraintes drastiques, alors que certaines communes aisées seront relativement épargnées par les conséquences du plafonnement. Une telle injustice est d'autant plus inacceptable que l'argument qui la justifie par la nécessité de créer un environnement favorable à l'emploi ne tient pas. Malgré toutes les exonérations de cotisations et les allégements d'impôts consentis au patronat depuis 2002, les créations d'emplois dans le secteur marchand restent au point mort. Au troisième trimestre, à peine 8 500 postes ont été créés malgré une croissance de 0,7 %.

En clair, cela signifie que les largesses octroyées au capital servent uniquement à améliorer les marges, et non pas à embaucher ou à augmenter les salaires. Elles pénalisent de surcroît les départements les plus pauvres. Dans ces conditions, nous ne pouvons accepter un transfert qui fait supporter aux collectivités locales les responsabilités que ce gouvernement ne veut pas assumer, préférant concentrer les efforts fiscaux en faveur des plus riches et laisser aux autres les politiques sociales.

Pour tous ces raisons, nous demandons la suppression du troisième alinéa du II de l'article.

Mme Patricia Adam - Identique à celui de M. Gremetz, l'amendement 102 est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable. Nous avons saisi l'association des départements de France et nous avons reçu sa contribution. Par ailleurs j'ai du mal à croire que le basculement du régime de l'intéressement sur celui d'une prime forfaitaire génère un surcoût de 500 millions pour les départements !

Mme la Ministre déléguée - La prime forfaitaire prend le relais du mécanisme actuel d'intéressement, qui est déjà la charge des départements. Il n'y aura pas pour eux de dépense supplémentaire, alors que le changement de régime coûtera 240 millions à l'Etat.

Les amendements 12 et 102, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Patricia Adam - L'amendement 140 rectifié est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable, bien que cet amendement traduise bien l'enchevêtrement inextricable des compétences qu'entraîne un dispositif de décentralisation auquel je ne suis personnellement guère favorable.

L'amendement 140 rectifié, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 113 est rédactionnel.

L'amendement 113, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - Je retire l'amendement 65.

M. le Rapporteur - L'amendement 23 rectifié est de clarification.

L'amendement 23 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 114 est rédactionnel.

Mme la Ministre déléguée - Défavorable. Cette référence est inutile.

M. le Rapporteur - Cette position m'étonne car l'amendement a été finalisé en concertation avec le cabinet.

M. Maxime Gremetz - Allons ! Ne dites pas que vos amendements vous ont été dictés par le cabinet du ministre ! (Sourires)

Mme la Ministre déléguée - Je m'en remets finalement à la sagesse de l'Assemblée ! (Même mouvement)

L'amendement 114, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 115 est rédactionnel.

Mme la Ministre déléguée - Rejet car il est sans objet.

L'amendement 115 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 24 est défendu.

Mme Patricia Adam - L'amendement 105 est identique.

Les amendements 24 et 105, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 25 est de coordination.

L'amendement 25, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 30 novembre 2005, à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 50.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 30 NOVEMBRE 2005

QUINZE HEURES : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (no 2668) relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi.

Rapport (no 2684) de M. Laurent WAUQUIEZ, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

3. Discussion du projet de loi (no 2347) relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins.

Rapport (no 2687) de M. Jean-Pierre GIRAN, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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