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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 40ème jour de séance, 90ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 6 DÉCEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

EMPLOI ET DIALOGUE SOCIAL 2

TAUX RÉDUIT DE TVA 2

SITUATION DES HÔPITAUX 3

INTERDICTION DES COUPURES D'EAU, DE GAZ
ET D'ÉLECTRICITÉ 4

CONSÉQUENCES À TIRER DES
DYSFONCTIONNEMENTS DE LA JUSTICE 4

SIÈGE DU PROJET GALILEO 5

FERMETURE DE SANGATTE 6

PRESSE QUOTIDIENNE 7

DOUANES 8

FONDS SOCIAUX DE L'ÉDUCATION NATIONALE 9

POLITIQUE EUROPÉENNE DU GOUVERNEMENT 10

ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES POUR
LES PERSONNES HANDICAPÉES 11

RETOUR A L'EMPLOI (suite) 12

DATES DES RENOUVELLEMENTS
DU SÉNAT - MANDAT DES
CONSEILLERS MUNICIPAUX ET DES CONSEILLERS GÉNÉRAUX 15

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

EMPLOI ET DIALOGUE SOCIAL

M. Alain Vidalies - Monsieur le Premier ministre, par décision du 14 novembre 2005, le Conseil d'Etat a suspendu l'exécution de l'ordonnance du 2 août 2005 relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises. Le Gouvernement et l'UMP avaient imaginé d'exclure de ces derniers les salariés de moins de 26 ans afin d'éviter l'élection de délégués du personnel ou la création de comités d'entreprise. Le Conseil d'Etat a été obligé de constater que ce texte méconnaissait manifestement les dispositions de deux directives européennes du 20 juillet 1998 et du 11 mars 2002. Dans l'attente de l'avis de la Cour de justice des Communautés européennes, il a estimé que cette ordonnance portait une atteinte suffisamment grave aux droits des salariés pour être immédiatement suspendue.

Une nouvelle fois, le Gouvernement se distingue par une contradiction totale entre les actes et les paroles. Vous parlez de dialogue social, mais vous ignorez les partenaires sociaux. C'est ainsi que depuis trois ans et demi, le Gouvernement refuse de prendre les dispositions réglementaires qui permettraient l'entrée en vigueur de l'accord exemplaire sur le dialogue social qui a été signé le 12 décembre 2001 par toutes les organisations syndicales et le patronat de l'artisanat. Le président de l'Union professionnelle artisanale a d'ailleurs interpellé récemment le Gouvernement à ce sujet.

Allez-vous donc tirer toutes les conséquences de la décision du Conseil d'Etat et renoncer définitivement à exclure les salariés de moins de 26 ans du décompte des effectifs ? Allez-vous renoncer à faire obstacle à l'accord sur le dialogue social dans l'artisanat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Tout d'abord, le Conseil d'Etat a validé le contrat nouvelles embauches. Plus de 200 000 CNE ont ainsi été enregistrés par l'ACOSS.

Une de nos préoccupations était que ce nouveau contrat, qui est un contrat à durée indéterminée, soit bien considéré comme tel pour les demandes de crédit et pour le logement. J'ai le plaisir de vous faire savoir que pour l'Association française des sociétés financières, tel est bien le cas ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés socialistes - Ce n'est pas la question !

M. le Ministre délégué - Quant au dialogue social, nous lui attachons beaucoup d'importance. Ce sujet a fait l'objet d'échanges lors des rencontres que le Premier ministre a eues avec l'ensemble des partenaires sociaux. Il fera très bientôt le point sur les conclusions qu'il entend tirer de ces rencontres, notamment en ce qui concerne le dialogue social. Nous, nous le mettons réellement en pratique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Roman - Charabia hors sujet !

TAUX RÉDUIT DE TVA

M. François Rochebloine - Le conseil des ministres de l'économie des vingt-cinq pays membres de l'Union européenne, qui s'est réuni ce matin à Bruxelles, n'a pu se mettre d'accord sur la liste des biens et services devant bénéficier du taux réduit de TVA. La décision a donc été renvoyée au Conseil européen des 15 et 16 décembre prochains.

Pour la France, l'enjeu est considérable, car, s'agissant des travaux d'entretien dans les logements, ce taux réduit a permis de créer plus de 50 000 emplois en deux ans et procuré un chiffre d'affaires de 2 milliards par an, tout en profitant largement au consommateur. L'économie française a besoin que cette mesure soit pérennisée.

Dans le secteur de la restauration, le bénéfice escompté d'un taux réduit de TVA serait également très important. J'ajoute qu'il s'agit d'une promesse du Président de la République, dont les professionnels attendent la concrétisation depuis de nombreuses années.

Sachant que certains pays ne sont pas sur la même ligne que la France, l'UDF vous demande, Monsieur le ministre de l'économie, quelle sera l'attitude de la France lors du Conseil européen des 15 et 16 décembre prochains et, en cas d'échec, comment seront respectés les engagements du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Michel Delebarre - Excellente question !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - Le Conseil Ecofin, qui s'est réuni ce matin, n'a pu malheureusement parvenir à un accord, mais je veux saluer le travail remarquable qu'a fait M. Breton au nom de la France, car nous n'avons jamais été aussi près de l'unanimité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Le combat continue, puisque le sujet sera traité au Conseil européen de la semaine prochaine. Je vous redis notre détermination totale à œuvrer en faveur d'un accord qui inclurait l'hôtellerie-restauration, les travaux d'entretien dans les logements et les services à domicile.

Quand bien même nous n'obtiendrions pas d'accord ce jour-là, la Commission et les vingt-cinq Etats membres sont d'accord pour maintenir les règles actuelles de la TVA jusqu'au premier Conseil Ecofin, qui se tiendra sous la présidence autrichienne au mois de janvier. Jusqu'à cette date, quoi qu'il arrive, le taux réduit s'appliquera pour les travaux dans les bâtiments et pour les services à domicile. Cette mesure est d'ailleurs prévue dans le projet de loi de finances pour 2006.

Concernant la restauration, le PLF pour 2006 proroge l'ensemble du dispositif d'allégement de charges et nous continuerons à nous battre pour l'application du taux réduit avec une énergie maximale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Delebarre - Reconnaissez l'échec !

SITUATION DES HÔPITAUX

Mme Jacqueline Fraysse - Monsieur le Premier ministre, la situation est grave. Plus de 70% des établissements participant au service public hospitalier sont en déficit. Les deux hôpitaux de ma circonscription sont dans ce cas, celui de Nanterre, où il manque 8 millions d'euros et où, si rien n'est fait, la direction ne sera pas en mesure de payer les salaires du mois de décembre, comme celui de Suresnes, où le « trou » atteint 19 millions d'euros, dont 15 liés au non respect des engagements de l'Etat. Plutôt que d'exiger le remboursement de cette dette, l'hôpital Foch de Suresnes envisage 260 suppressions d'emplois - chiffre porté à 348 la semaine dernière !

C'est inconcevable, d'autant que vous faites la même chose dans tout le pays. Ce n'est pas un hasard si des comités de défense rassemblant usagers, personnels de santé et élus se multiplient, regroupés au sein d'une coordination nationale à la suite de la mobilisation exemplaire pour l'hôpital de Saint-Affrique dans l'Aveyron. Tous les jours, des collègues m'alertent sur la situation des hôpitaux, notamment de proximité, dans leurs circonscriptions : à Ambert dans le Puy-de-Dôme, à Chauny dans l'Aisne, à Dunkerque, à Quimperlé, à Royan... Des centaines sont visés. C'est une atteinte en règle contre le service public hospitalier.

Allez-vous enfin prendre les mesures nécessaires pour assurer un financement moderne de la sécurité sociale, comme nous le demandons depuis des années, afin de dégager les moyens supplémentaires indispensables au fonctionnement de notre système de santé et de protection sociale, ou bien avez-vous décidé délibérément d'asphyxier le service public hospitalier jusqu'à sa fin ? Répondez-moi clairement, je vous prie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Inconcevable, dites-vous. Oui, il est inconcevable de faire croire que les agents hospitaliers ne seront pas payés à la fin de l'année. Il est inconcevable de laisser croire qu'il y a des difficultés à Chauny alors que si vous aviez interrogé votre collègue Desallangre, il aurait pu vous dire que l'avenir du centre hospitalier est aujourd'hui éclairci (M. Jacques Desallangre fait des signes de dénégation ; interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Sur un sujet comme celui-ci, dépassons les polémiques. La vérité, c'est qu'en 2005 on aura dépensé pour l'hôpital 2,5 milliards de plus qu'en 2004. La vérité, c'est que nous avons besoin de mieux organiser l'hôpital, de mieux faire travailler les établissements entre eux, sans jamais fermer un hôpital de proximité, contrairement à ce qui fut fait à une époque (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Quant à l'hôpital Foch, vous devriez savoir que l'Etat l'aide en prenant en charge la moitié du déficit, qu'il lui a versé cette année 6,5 millions et que dans le cadre du plan Hôpital 2007 il prend en charge son programme d'investissement de 140 millions d'ici 2010. Les peurs que vous cherchez à faire naître sont donc totalement infondées ; pour notre part, nous sommes aux côtés des hospitaliers pour moderniser les hôpitaux ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

INTERDICTION DES COUPURES D'EAU, DE GAZ ET D'ÉLECTRICITÉ

Mme Josiane Boyce - Ma question s'adresse au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Avec l'arrivée de l'hiver, nous sommes comme chaque année confrontés à la question de l'accueil des sans domicile et à celle des coupures de gaz ou d'électricité pour défaut de paiement.

Concernant la première, le Gouvernement a d'ores et déjà activé le plan d'hébergement d'urgence, avec plus de 91 000 places mises à disposition sur l'ensemble du territoire.

S'agissant de la seconde, nos collègues sénateurs ont adopté récemment l'article 11 du projet de loi Engagement national pour le logement, qui prévoit l'interdiction des coupures d'électricité, de gaz et d'eau du 1er novembre au 15 mars pour les personnes en difficulté identifiées par les services sociaux, bénéficiant ou ayant bénéficié d'une aide du FSL dans les douze derniers mois, mais cette mesure ne sera effective que lorsque notre assemblée l'aura votée. Aussi avez-vous demandé à EDF et GDF la semaine dernière de l'appliquer sans délai. Ont-elles répondu affirmativement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - La parole est à M. Larcher (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Je vous confirme que les présidents d'EDF et de GDF ainsi que les distributeurs d'eau nous ont donné leur accord pour que, dès avant la validation législative, aucune coupure ne soit pratiquée. De plus, nous souhaitons que la procédure d'information mise en place par le décret d'août 2004 soit étendue aux secteurs du gaz et de la distribution d'eau, afin que des actions de prévention puissent être menées par les centres communaux d'action sociale, les acteurs sociaux et le FSL. C'est à cette prévention, visant à éviter des situations dramatiques, que nous donnons la priorité dans notre action à l'égard des plus démunis. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

CONSÉQUENCES À TIRER DES DYSFONCTIONNEMENTS DE LA JUSTICE

M. Léonce Deprez - Monsieur le ministre de la justice, la justice étant rendue au nom du peuple français, il est juste que les élus de la nation lui demandent des comptes lorsque de graves dysfonctionnements viennent porter atteinte à sa dignité.

Nous sommes quelques-uns ici, députés du Pas-de-Calais, à avoir déjà vécu un drame judiciaire lié à une grossière erreur du juge Pascal à Bruay-en-Artois. Depuis trois ans, notre département en vit un autre, d'une ampleur encore plus grande, qui vient de trouver sa conclusion.

Le Gouvernement est-il prêt à réparer le préjudice très grave causé à des familles, qui se traduit en années de prison et de déshonneur ? Etes-vous prêt à proposer au Gouvernement et au Parlement les réformes nécessaires pour que nos concitoyens retrouvent confiance dans la justice de leur pays ?

Et puisque ce drame a noirci l'image du Pas-de-Calais, justice sera-t-elle faite pour ce département qui a tant apporté à la France et qui a droit lui aussi à réparation par la mise en valeur de son territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice - Dès que j'ai connu le verdict de la cour d'assises de Paris, j'ai présenté mes excuses au nom de l'institution judiciaire. Le Président de la République m'a demandé de saisir d'abord l'inspection des services judiciaires. S'il y avait faute ici ou là, il est évident que je saisirais le Conseil supérieur de la magistrature.

Le Premier ministre m'a également demandé de créer une inspection tripartite pour analyser le recueil de la parole de l'enfant, l'un des aspects les plus difficiles de ce drame. En fonction des résultats auxquels celle-ci aboutira, nous déciderons s'il est nécessaire d'aller au-delà de ce qui avait été demandé par mon prédécesseur.

En outre, un projet de loi vous sera prochainement soumis, qui prévoira notamment la saisine de deux juges d'instruction, si l'affaire s'avère complexe, et le réexamen par la chambre d'instruction au bout de six mois de détention provisoire, avec l'ouverture d'une fenêtre d'information à l'attention de la presse.

Il est vrai que nous devons aussi réfléchir, comme me l'a demandé le Président de la République, à la responsabilité des magistrats. J'ai déjà annoncé qu'il nous sera possible, en nous appuyant sur un avis du Conseil de l'Europe, de poursuivre disciplinairement un magistrat s'il a commis une erreur grossière d'appréciation.

Tout sera mis en œuvre afin de rendre à la justice la confiance des Français. Ils le méritent, elle le mérite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - J'espère que les conclusions de la commission d'enquête parlementaire dont les membres seront désignés la semaine prochaine enrichiront vos projets, Monsieur le Garde des Sceaux.

SIÈGE DU PROJET GALILEO

Mme Bernadette Paix - L'Europe satellitaire et spatiale est en marche depuis de nombreuses années. Après les formidables succès d'Ariane et la réussite éclatante d'Airbus, la mise en place de Galileo, projet validé en 2002 par le conseil des ministres des transports de l'Union européenne, est d'une grande importance stratégique car elle permettra aux Vingt-cinq d'acquérir leur indépendance à l'égard du système américain GPS.

Hier, le conseil des ministres des transports a retenu Toulouse comme siège du concessionnaire de Galileo. Cela renforcera sans nul doute l'attractivité économique de la ville et son rôle dans l'industrie spatiale. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, confirmer cette annonce ? (« Allo ! » sur les bancs du groupe socialiste) Pouvez-vous nous dire quelles seront les retombées économiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - La journée d'hier a été bonne pour l'Europe spatiale et industrielle, pour la France et - c'est une évidence - pour Toulouse et sa région.

Galileo, de l'ampleur d'Airbus ou d'Ariane, est un grand projet européen, c'est-à-dire un projet qui - comme l'a expliqué le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale - mobilisera l'ensemble des forces des pays européens et apportera des services à nos populations.

L'enjeu est considérable : il s'agit de mettre en orbite trente satellites qui constitueront un système de localisation indépendant des Etats-Unis, ce qui entraînera une multitude de retombées pour les industries et les services.

Les discussions étaient difficiles depuis cinq mois entre les huit industriels concernés et les cinq pays investisseurs. Elles se sont conclues hier, après que la France a fait preuve de fermeté tout en s'illustrant comme force de proposition. Nous sommes parvenus à un accord aux termes duquel le siège du concessionnaire sera situé à Toulouse.

Ce siège ne sera pas seulement administratif et financier, mais constituera un pôle industriel et exercera des fonctions en termes de sécurité. 150 à 200 emplois directs seront créés et des milliers d'emplois indirects devraient bénéficier à Toulouse, à la région Midi-Pyrénées et à l'ensemble de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

FERMETURE DE SANGATTE

M. Jean Le Garrec - Sangatte est fermé. Nous étions quelques-uns à penser que cela ne résoudrait pas le problème et les événements nous donnent raison. Des dizaines d'hommes arrivent tous les jours et zonent dans des conditions épouvantables à Calais, à Dunkerque, dans les bois de Saint-Paul à Gravelines, dans les champs entre Calais et Saint-Omer.

Pourquoi entreprennent-ils un voyage si long et si risqué ? Ils fuient la misère, mais aussi l'oppression, les guerres civiles, la guerre tout court, pour chercher un espace de lumière et un soutien démocratique. Un récent contrôle policier, d'ailleurs, éclaire cette situation puisqu'il a concerné, entre autres, 355 Somaliens, 232 Irakiens, 255 Pakistanais et 197 Iraniens. Bien entendu, 90% d'entre eux ne sont pas expulsables, car c'est la mort qui les attend dans leur pays.

Voici, Monsieur le ministre d'Etat, deux questions, qui sont aussi deux propositions : il faut soutenir le collectif d'associations qui effectue un travail remarquable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), et avec l'appui de la région et du département s'efforce de réparer ces situations. Mais ses membres n'en peuvent plus et les risques, notamment sanitaires, sont importants : la gale se répand.

Par ailleurs, il faut créer une cellule d'orientation, comprenant des interprètes, capable de traiter chacun des cas. Cela ne ressortit pas du travail de la police, mais des services préfectoraux. (« La question ! » sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur le ministre d'Etat, rien n'est plus terrible que de croire que l'on résout un problème, alors que la réalité est là, prégnante : c'est l'image de la France et le sort d'êtres humains qui sont en jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Il est vrai que la fermeture de Sangatte ne résout pas le problème de l'immigration. Mais le maintien de Sangatte l'aggravait.

Monsieur le Garrec, vous avez toujours été parfaitement responsable, comme un certain nombre d'élus de la majorité et de l'opposition. Qui a demandé la fermeture du centre ? Des élus de la majorité, le député socialiste de la circonscription, Jack Lang, et le maire communiste de Calais, Jacky Hénin. Pourquoi la population du Calaisis aurait-elle dû accepter les conditions de vie dont personne, sur vos territoires et dans vos circonscriptions, n'aurait voulu ? Il est facile d'être généreux sur le dos des autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

En outre, lorsque le centre de Sangatte était ouvert, les associations - et vous avez raison de leur rendre hommage - servaient 2 000 repas par jour. Je regarde les chiffres quotidiennement : hier, ce sont 200 repas qui ont été servis. La fermeture du centre a donc divisé par dix le nombre des clandestins dans le Calaisis (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Ceux qui en doutent peuvent interroger la population. C'est d'ailleurs avec un certain plaisir que je me suis fait remettre la médaille d'honneur de la ville de Sangatte par son maire, qui est socialiste. (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il ne l'aurait sans doute pas fait s'il n'avait pas été content de notre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Enfin, nous avons pris trois mesures. Tout d'abord, l'installation d'une borne EURODAC grâce à laquelle il sera possible de démontrer que certains demandeurs d'asile effectuent des demandes successives dans plusieurs pays de l'Union européenne, ce qui est inadmissible. Il sera désormais possible de les renvoyer dans leur pays d'origine. Nous avons en outre négocié l'obtention d'un certain nombre de places supplémentaires dans des CADA hors du Calaisis. Enfin, avec l'Irak, l'Afghanistan et la Somalie, le Premier ministre et moi-même, ainsi que nos amis anglais, négocions l'organisation de vols groupés pour renvoyer chez eux des immigrants qui croient que l'Angleterre est un nouvel Eldorado et qui arrivent dans le Calaisis sans espoir de trouver un logement ou un travail.

Le hangar de Sangatte, où 3 000 personnes vivaient dans des conditions inadmissibles, était un signal pour les immigrants du monde entier. Ce n'était pas à l'honneur de la République, et nous avons bien fait de le fermer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PRESSE QUOTIDIENNE

M. Alain Joyandet - J'associe à ma question les députés du groupe d'étude sur la presse. La presse quotidienne payante d'information traverse une période très difficile. De grands titres nationaux historiques sont touchés : dépôts de bilan, déficits importants, plans sociaux, pertes de lecteurs. Certains ont déjà disparu tandis que d'autres risquent de ne plus paraître. Les quotidiens régionaux souffrent également depuis longtemps. Des fusions ont d'ailleurs eu lieu dans certains départements. Tous ces quotidiens, auxquels nous sommes très attachés, sont indispensables à la vie démocratique. Certes, eux-mêmes doivent revoir certaines de leurs stratégies mais cela sera très difficile dans un secteur où le législateur n'a pas mis en place de régulation publique afin d'assurer le pluralisme et l'équilibre économique comme c'est le cas pour la télévision ou la radio. Dans le monde de la communication instantanée, numérique, souvent volatile, le rôle de la presse quotidienne est irremplaçable. En outre, c'est également, en partie, l'avenir de l'écrit qui se joue avec elle. Le Gouvernement a fait beaucoup en augmentant très significativement l'aide à la presse. Ne pensez-vous pas néanmoins, Monsieur le ministre de la culture et de la communication, que le principe même de ces aides très ciblées ne correspond plus à la gravité de la situation ? La consommation de ces crédits est d'ailleurs difficile puisque celle-ci est subordonnée à la présentation de projets très spécifiques. Ne doit-on pas revoir plus globalement le cadre dans lequel évoluent ces entreprises pour leur permettre d'avoir accès à des marchés nouveaux et retrouver ainsi l'équilibre économique qui seul peut assurer leur indépendance éditoriale, donc leur utile contribution à notre vie démocratique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Vous avez raison : la presse quotidienne connaît des difficultés structurelles mais aussi conjoncturelles, en raison de l'évolution du lectorat. Nous sommes conscients des défis qu'elle doit relever. Les questions du prix des quotidiens, de la distribution, de la dissymétrie avec d'autres pays européens doivent nous mobiliser. Vous pouvez être fiers de voter un budget qui démontre combien le Gouvernement veut être un partenaire solide de la modernisation de la presse ! Néanmoins, les problèmes de la presse, pour partie, peuvent être résolus par les journalistes et les techniciens eux-mêmes, je pense en particulier à l'attractivité des quotidiens, surtout dans une période où nos concitoyens doutent parfois de la fiabilité de l'information, de la vérité d'un fait ou de l'exactitude d'un raisonnement. Je ne crois donc pas que l'avenir du métier de journaliste soit menacé : ce sont les circonstances économiques de leur travail qui sont parfois remises en cause, et par la gratuité de certains quotidiens, et par les nouveaux supports de communication, dont l'internet.

L'Etat veille donc à ce que soient respectées toutes les règles organisant le financement de la presse écrite, notamment par la publicité, de manière à ce que la télévision, en particulier, n'accapare pas toutes les recettes. En outre, nous avons choisi de mettre en œuvre un soutien ciblé à travers une méthode expérimentale. Ce n'est pas le Parlement ou le Gouvernement qui décident à la place des journaux des aides qui leur sont le plus utiles : le Parlement vote des crédits, le Gouvernement « met sur la table » plusieurs éléments favorisant la modernisation de ce secteur, la recherche de nouveaux lectorats et la mise en place d'expériences innovantes.

Nous ne sommes pas rigides : nous voulons garantir le pluralisme, sans lequel il n'y a pas de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DOUANES

M. Etienne Blanc - Les douanes, placées sous l'autorité du ministère de l'économie, exercent sur les zones frontalières deux activités essentielles : la perception des droits et des taxes à l'importation et la vérification de la conformité des opérations d'exportation et d'importation avec les législations française et européenne ; mais elles assurent aussi, avec la police et la gendarmerie, des missions de sécurité publique.

Avec mes collègues membres du groupe d'étude sur les zones frontalières et les travailleurs frontaliers, nous souhaiterions connaître les actions envisagées en la matière par le Gouvernement. Les habitants des zones frontalières savent en effet que la douane lutte avec succès contre les trafics de marchandises, de stupéfiants, de tabac, de contrefaçons, de produits dangereux. Ils savent aussi qu'elle lutte efficacement dans le domaine de l'immigration et du travail clandestin, en relation étroite avec la police de l'air et des frontières. Ils savent, enfin, que la douane est particulièrement efficace dans les missions de sécurité publique. Les zones frontalières sont très sensibles car les mouvements de populations et de marchandises y sont amplifiés par l'ouverture des frontières européennes et par les nouvelles règles voulues par l'OMC. Ces zones doivent donc faire l'objet d'une attention particulière.

Elles attirent une délinquance très spécifique qui profite de tous ces mouvements difficilement contrôlables et des différences de législation avec les pays frontaliers qui rendent plus difficile le travail des services de police et de gendarmerie.

M. Maxime Gremetz - Posez votre question !

M. Etienne Blanc - Monsieur le ministre, pourriez-vous préciser les missions et les objectifs de l'administration des douanes en matière de sécurité des frontières ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - Les douanes jouent, en effet, un rôle considérable dans la lutte contre le trafic de stupéfiants - trois quarts des saisies de cannabis sont réalisées par leurs soins - mais également contre la contrebande, notamment de cigarettes, et la contrefaçon. Sur ces deux derniers points, les services des douanes ont déjà atteint les objectifs qui leur avaient été fixés en début d'année et nous espérons que nous parviendrons au même résultat en fin d'année pour les saisies de cannabis.

Les douanes participent également à la lutte contre l'immigration clandestine auprès des services de police et de gendarmerie : elles contrôlent environ la moitié des points de passage autorisés. Pour permettre aux douanes d'accomplir cette mission majeure, nous avons travaillé tout au long de cette année à une modernisation du dispositif en mettant en place des équipes plus mobiles.

Concernant le renseignement et la lutte contre le banditisme, j'ai créé une direction des opérations douanières exclusivement consacrée à ce travail au sein de la direction des enquêtes douanières. Elle contribuera à la lutte contre la grande criminalité, y compris aux côtés de l'unité de lutte contre le terrorisme.

Comme vous pouvez le constater, les missions des douanes sont clairement définies, notamment dans les zones frontalières. Sur tous ces sujets, le Gouvernement est mobilisé. Il est prêt à travailler avec vous, à chaque fois que vous le souhaiterez, au service de la sécurité des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

FONDS SOCIAUX DE L'ÉDUCATION NATIONALE

M. Patrick Roy - Monsieur le Premier ministre, vous avez assisté hier au lancement de la campagne des Restos du cœur dans un centre parisien. Vous voudriez ainsi nous faire croire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) que vous seriez sensible à la montée de la pauvreté (Même mouvement). Vous ne manquez pas d'air (« Jaloux ! » sur les bancs du groupe UMP) car la montée de la pauvreté, c'est vous qui en êtes responsable !

Je veux, dans cet hémicycle, dénoncer votre forfait le plus récent qui illustre votre maniement d'un double langage (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP). D'un côté, devant les médias, vous versez une petite larme, certes bien petite (« Lamentable ! » sur les bancs du groupe UMP), sur les Restos du cœur. Mais de l'autre, vous venez d'interdire aux collégiens et lycéens issus de familles défavoriséss l'accès à la cantine. Pour un nombre non négligeable de ces élèves, le déjeuner à la cantine était souvent le seul véritable repas du jour. En clair, par votre faute, les élèves de France vont avoir faim ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) Cette situation est la conséquence de la quasi-disparition du fonds social des cantines... (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Arrêtez de vous comporter comme des gamins ! C'est ridicule !

M. Patrick Roy - A titre d'exemple, dans un collège de ma circonscription, ce fonds social est passé brutalement de 9 000 euros l'an dernier à 300 euros cette année (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Monsieur Roy, posez votre question !

M. Patrick Roy - Allez-vous revenir sur cette décision injuste et permettre à nouveau à tous les enfants de France de déjeuner le midi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Le ton agressif de votre intervention, Monsieur le député (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), est proportionnel à notre souci de justice sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Si vous êtes - comme je le pense - un véritable démocrate,...

Plusieurs députés UMP - Justement, il ne l'est pas !

M. le Ministre - ...vous n'avez pas le droit de dire des mensonges car la démocratie exige la vérité ! (Mêmes mouvements)

La vérité, c'est que le ministère de l'éducation nationale verse aux établissements des subventions à caractère social, appelées « fonds sociaux », qui permettent aux enfants de familles en difficultés d'aller à la cantine et, le cas échéant, de participer aux sorties scolaires. Or, d'après un rapport de la Cour des comptes, ces fonds sont parfois mal utilisés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et font l'objet d'une « rétention » par certains établissements.

Plusieurs députés socialistes - C'est faux !

M. le Ministre - D'ailleurs, les rapporteurs généraux de l'Assemblée et du Sénat ont estimé ces réserves à 48 millions au début de l'année 2005. Il nous faut donc faire un effort important pour mieux répartir ces sommes entre les établissements et pour qu'elles soient vraiment utilisées en faveur des familles défavorisées (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Par ailleurs, il est vrai que l'on m'a signalé certains cas individuels (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) il y a huit jours. J'ai demandé le versement immédiat des fonds pour que les élèves concernés puissent retourner à la cantine.

En tout état de cause, les socialistes n'ont pas de leçons à donner car, contrairement à la majorité, ils n'ont pas voté les fonds sociaux pour l'éducation nationale (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Mon ministère ne laissera jamais un enfant à la porte de la cantine ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

POLITIQUE EUROPÉENNE DU GOUVERNEMENT

M. Daniel Poulou - Monsieur Roy, vous auriez dû faire preuve de plus de retenue. Vous n'avez pas le monopole du cœur. Nous sommes très nombreux à partager le souci de justice sociale du Premier ministre et de tels propos ne doivent plus être prononcés dans cette enceinte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Depuis les résultats du référendum sur le traité constitutionnel européen, les membres du Gouvernement se réunissent tous les mois sous l'autorité du Premier ministre pour faire entendre la voix de la France au sein de l'Union. Des négociations délicates s'annoncent dans les semaines à venir, notamment sur la préparation du budget de l'Union pour la période 2007-2013 et les négociations avec l'OMC. Dans un contexte difficile, les initiatives et la vigilance du Gouvernement sont capitales pour faire avancer l'Europe.

Le 29 mai dernier, les Français ont dit leur volonté de construire l'Europe autrement. Aussi, le Président de la République avait demandé que le Parlement, les collectivités locales, les partenaires sociaux et la société civile soient mieux associés au processus de décision européen. Quelles actions le Gouvernement a-t-il prises à cette fin ?

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - Le 29 mai, parmi d'autres événements, a confirmé qu'il fallait faire l'Europe autrement si l'on voulait continuer à la construire. Ce message a été entendu. Pour mieux associer les Français au projet européen, le Gouvernement a pris plusieurs initiatives.

Dès le mois de juin, le Premier ministre annonçait dans cet hémicycle que le Parlement serait mieux informé et plus régulièrement,...

M. Albert Facon - Paroles ! Paroles !

Mme la Ministre déléguée - Ainsi, un débat public aura lieu avant chaque Conseil européen. Ce sera le cas le 13 décembre ici même et le lendemain au Sénat. De plus, tous les ministres devront présenter, devant les commissions compétentes, les enjeux et les résultats de chacun des conseils des ministres de l'Union européenne auxquels ils auront participé.

Ensuite, la représentation nationale se prononcera sur davantage de textes européens : le Premier ministre a récemment signé une circulaire étendant à cet effet l'article 88-4 de la Constitution.

Enfin, le Parlement aidera ceux d'entre vous qui le souhaitent à rencontrer des commissaires et des parlementaires européens, ainsi que des spécialistes sur les questions en négociation. Des visites ont déjà eu lieu, et elles se poursuivront.

Deuxièmement, afin de développer le dialogue sur l'Europe, le Premier ministre a proposé au Président de la République une série d'actions visant à consulter les partenaires sociaux, les associations d'élus et la société civile ; j'ai moi-même reçu les syndicats, que je verrai désormais à chaque nouvelle présidence européenne. Le Gouvernement renforcera aussi son action européenne sur ses sites internet et ouvrira bientôt un site de dialogues interactifs. Votre assemblée a d'ailleurs fait de même et publiera une lettre d'information sur l'Europe : à cet égard, je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, ainsi que M. Lequiller, président de la délégation.

En joignant nos efforts, nous parviendrons à mieux associer nos compatriotes au grand projet européen.

M. Jacques Desallangre - Ils ont déjà dit ce qu'ils en pensaient !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - Nous avons fort à faire : j'espère pouvoir compter sur votre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES POUR LES PERSONNES HANDICAPÉES

M. Daniel Prevost - La loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances affiche de grandes ambitions. Elle satisfait les attentes légitimes des personnes handicapées et favorise leur intégration dans la société. L'effort de la nation s'élève à 28 milliards - pensions d'invalidité et d'accidents du travail comprises.

Toutefois, depuis l'impulsion donnée en 2002 par le Président de la République, les retards s'accumulent dans certains domaines : l'accueil en établissement, la scolarisation, l'emploi, les prestations, l'accessibilité des bâtiments et des transports, la facilitation des démarches permettant aux personnes handicapées de faire reconnaître leurs droits.

La loi a fait couler beaucoup d'encre ; elle a suscité des espoirs, mais aussi des déceptions. Rendons hommage aux associations qui ont contribué à l'améliorer en défendant de légitimes revendications : garantie d'un revenu d'existence minimum, droit à la compensation du handicap, insertion des travailleurs handicapés. Après les grandes lois de 1957, 1971, 1975, 1987 et 1991, la loi de 2005 est une étape supplémentaire vers l'intégration des personnes handicapées, mais elle sera appréciée à l'aune des moyens alloués et de la portée des décrets d'application, qui se font trop attendre. La loi a été votée il y a plus de dix mois ! Il est urgent d'en faire appliquer toutes les mesures. Quand ces décrets sortiront-ils ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Votre question montre combien vous êtes engagé en faveur des personnes handicapées. La loi du 11 février 2005 est l'une des grandes lois de la République, et vous avez raison de veiller à son application, à laquelle le Gouvernement est également très attaché !

Cette application a déjà commencé : dès juillet, l'allocation versée aux adultes que le handicap empêche de travailler a été portée à 80% du nouveau SMIC. Les personnes très lourdement handicapées bénéficient, avant même l'instauration de la nouvelle prestation de compensation du handicap, d'une prestation de 5 000 euros mensuels en moyenne, afin que puissent se succéder à leur chevet les auxiliaires de vie dont ils ont besoin. Il y avait urgence, et nous avons agi !

En août, nous avons préparé les statuts-type des maisons départementales du handicap...

Plusieurs députés socialistes - C'est faux !

M. le Ministre délégué - ...qui seront en place dès le 1er janvier prochain. Ces guichets uniques permettront aux personnes handicapées d'accéder à l'information sur leurs droits et de les faire valoir sans avoir à effectuer l'actuel parcours du combattant. Certes, d'autres textes sont encore nécessaires afin d'appliquer le nouveau principe de l'inscription des élèves handicapés à l'école de leur quartier ou de leur village.

Le Conseil national des personnes handicapées a déjà rendu son avis sur 39 décrets d'application, et en examinera sept autres la semaine prochaine. Tous ces décrets seront publiés avant la fin de l'année, après une phase de préparation et de concertation avec toutes les associations, auxquelles je rends hommage.

Cette grande loi, voulue par le Président de la République, tiendra toutes ses promesses, de même que notre programme de création de places - deux fois plus qu'au cours de la précédente législature ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Warsmann.

PRÉSIDENCE de M. Jean-Luc WARSMANN

vice-président

RETOUR A L'EMPLOI (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi.

M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances - Le projet de loi relatif au retour à l'emploi et aux droits et devoirs des allocataires de minima sociaux marque la première étape de la réforme voulue par le Gouvernement. Il rénove un dispositif d'intéressement trop complexe, devenu inefficace. Le nouveau est à la fois simple, juste et financièrement attractif. En rendant le revenu du travail supérieur à celui de l'assistance, il favorisera le retour à l'emploi des allocataires du RMI, de l'API et de l'ASS, contribuant ainsi à la mobilisation générale en faveur de l'emploi souhaitée par le Premier ministre.

Le débat parlementaire a permis de trouver une solution équilibrée au problème important de la garde des jeunes enfants en garantissant un nombre déterminé de places d'accueil au profit des allocataires de minima sociaux reprenant un emploi. Le texte qui vous est soumis a été enrichi par votre Assemblée qui, parallèlement aux droits des allocataires, a tenu à réaffirmer leurs devoirs. Vous avez ainsi amélioré le régime des sanctions applicables en cas de fraude. Celles qui existaient jusqu'alors étaient injustes, différentes pour chacune des allocations, difficilement applicables et trop sévères. Dans un souci d'équité, vous les avez harmonisées et atténuées. Le régime qui vaudra désormais pour tous correspond à la moins lourde des sanctions précédentes. Vous avez également fait preuve de réalisme en prévoyant la possibilité d'amendes administratives, moins sévères que des poursuites pénales.

Au nom de ma collègue Catherine Vautrin...

M. Patrick Roy - Où est-elle ?

M. le Ministre délégué - ...je tiens à remercier le rapporteur de son remarquable travail. Cette loi n'est qu'une première étape et sera suivie d'autres réformes, dont les travaux des missions parlementaires en cours mais aussi les propositions de votre commission, ainsi que celles formulées en séance publique, constitueront le socle.

Après avoir une nouvelle fois remercié le rapporteur, les membres de la commission des affaires sociales pour la pertinence de leurs propositions et l'ensemble des députés pour la qualité du débat, je vous demande d'approuver ce texte équitable et efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Laurent Wauquiez, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je souhaite, à mon tour, souligner la qualité du débat sur l'ensemble des bancs. Celui-ci a permis d'enrichir le texte. Les amendements déposés notamment par nos collègues Maurice Giro et Dominique Tian ont permis d'éviter certaines absurdités administratives, en facilitant notamment le basculement des allocataires de minima sociaux vers des contrats aidés du type CI-RMA ou contrat d'avenir, et de renforcer les modes de garde des jeunes enfants. Ce texte ne constitue néanmoins qu'une première étape. Nous gardons en tête l'objectif prochain, à savoir l'harmonisation de l'ensemble des minima sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

M. Michel Liebgott - Le contenu n'y est pas, en dépit du titre alléchant de ce projet de loi, lequel a d'ailleurs été modifié à la fin du débat.

Nous regrettons ainsi qu'il n'y ait eu aucune étude d'impact. On nous dit qu'il existe actuellement 300 000 à 500 000 postes non pourvus en France et que ce texte permettra d'y remédier. Mais rien ne le prouve. De même, la prime de retour à l'emploi, mesure-phare du projet, ne sera versée qu'au bout de quatre mois et uniquement aux salariés travaillant plus de 78 heures par mois, si bien qu'elle ne concernera pas ceux qui sont les plus en difficulté. Enfin, la question des droits connexes n'a pas été du tout abordée. Ce sera l'une des prochaines étapes, nous assure-t-on, mais les allocataires vont se trouver dans la plus grande incertitude, tant pour ce qui est de leur éligibilité à la CMU que des exonérations fiscales dont ils bénéficiaient jusqu'à présent. Le Gouvernement avait confié à deux sénateurs l'élaboration d'un rapport sur ce sujet des droits connexes. L'un d'entre eux, membre du groupe UDF, estimant avoir été pris de vitesse, a considéré que sa mission n'avait plus lieu d'être, le texte proposé n'ayant de surcroît fait l'objet d'aucune concertation.

Votre seul objectif est en réalité d'afficher des statistiques du chômage en baisse. L'évolution démographique, qui à elle seule fera baisser mathématiquement le nombre de chômeurs - si 747 000 personnes sont parties en retraite en 2004, 800 000 le feront en 2006 -, et la création, après trois ans d'errements, de nouveaux emplois aidés ne vous suffisent manifestement pas. Ainsi chaque mois en ce moment, 37 000 chômeurs sont-ils radiés des listes de l'ANPE pour des motifs divers. Quant au contrat nouvelles embauches, présenté comme la panacée, il n'est rien d'autre qu'un contrat avec période d'essai de deux ans. Qu'adviendra-t-il au bout des deux ans ? Les chefs d'entreprise ont sans doute, en nombre, profité de l'aubaine. En réalité, rien ne laisse aujourd'hui augurer d'une baisse durable du chômage. Ainsi n'a-t-on dénombré que 8 500 créations d'emplois entre juin et septembre, soit une augmentation de 0,1%, alors que de 1997 à 2002, la confiance et la relance avaient permis à notre pays de se situer à 0,6 point au-dessus de la moyenne européenne.

Ce texte, adopté dans la précipitation, n'a fait l'objet d'aucune concertation. Par ailleurs, les caisses d'allocations familiales, hélas invitées à réduire leurs effectifs et leurs investissements, ne pourront faire ce qui serait nécessaire pour accueillir les jeunes enfants des allocataires de minima sociaux reprenant un emploi.

Comme dans le plan de cohésion sociale où, par la création de filiales de l'ANPE, vous aviez distingué entre les bons chômeurs et ceux qui n'étaient plus reclassables, vous instituez, aujourd'hui par ce texte, la catégorie des travailleurs pauvres. Le travail à temps partiel et les bas salaires vont se généraliser, les employeurs pouvant arguer de cette prime pour moins rémunérer leurs salariés. Même en cumulant un minimum social et le revenu d'un travail à temps partiel, certains pourront à peine survivre. Le changement intervenu dans le titre du projet de loi en dit d'ailleurs long puisque de « projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi », on est passé à « projet de loi relatif au retour à l'emploi et aux droits et devoirs des allocataires de minima sociaux », avec de surcroît une pénalité énorme de 3 000 euros susceptible de s'appliquer à des personnes ne touchant que 425 euros par mois. Les masques sont donc tombés au fil du débat. Ce n'est pas pour rien que Le Figaro titrait le 30 novembre dernier « Les fraudeurs aux minima sociaux dans la ligne de mire des députés », ou que l'on pouvait lire dans Challenges « Après le contrôle renforcé des chômeurs, voici venu le temps du contrôle renforcé des érémistes ».

Les 240 millions que va dégager le Gouvernement pour ces mesures au bénéfice des six millions d'allocataires de minima sociaux, somme d'ailleurs non budgétée à ce jour, représentent exactement le montant du cadeau accordé aux 14 000 assujettis à l'impôt sur la fortune.

Dans ces conditions, vous l'aurez compris, nous ne voterons pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Francis Vercamer - En abordant l'examen de ce projet, le groupe UDF manifestait sa perplexité. Nous n'avions rien contre le principe d'une amélioration de l'intéressement à la reprise d'un emploi car de telles incitations financières sont effectivement un moyen d'encourager les demandeurs d'emploi bénéficiaires de minima sociaux à retrouver une activité professionnelle. Mais elles ne sont qu'un des moyens possibles, à l'intérieur d'une indispensable réforme d'ensemble. Or, de réforme d'ensemble, il n'y a guère trace dans ce projet...

Nos efforts pour amender celui-ci ont échoué, le Gouvernement renvoyant à d'autres projets des questions fondamentales telles que la lutte contre les discriminations à l'embauche, la réforme des droits connexes ou la recherche d'une plus grande équité pour les travailleurs aux revenus les plus modestes. Nous regrettons également que n'ait pas été abordée la situation des chômeurs non indemnisés par l'assurance chômage, parce qu'ils n'ont pas travaillé suffisamment longtemps, non plus que les difficultés des jeunes de moins de 25 ans, qui n'ont pas droit au RMI.

Compte tenu de l'ampleur du travail restant à accomplir, nous restons persuadés que ce projet de loi nous a été présenté de façon précipitée, en court-circuitant pour le moins le travail en cours au Sénat sur ces thèmes.

Dans un contexte de chômage de masse, nous restons perplexes quant à l'efficacité de la seule incitation financière, qu'il y aurait selon vous urgence à appliquer sans même achever la réforme d'ensemble des minima sociaux. Selon nous, c'est la peur d'une perte non anticipée de revenus ou d'un droit connexe qui constitue pour le bénéficiaire d'un minimum social un des freins au retour à l'emploi.

Hormis quelques abus, être au chômage, en particulier de longue durée, n'est jamais la conséquence d'un choix délibéré. Nous avons bien entendu que vous-même, Monsieur le ministre, partagiez cette conception. Nous avons pu constater également que le Gouvernement s'engageait à continuer de travailler à une réforme globale des minima sociaux - et nous serons vigilants quant au respect de cet engagement. Nous avons enfin pris acte de votre souci de mieux accompagner les bénéficiaires de minima sociaux dans un véritable parcours vers l'emploi.

Tout en rappelant nos doutes sur l'efficacité immédiate de ce projet, nous considérons cependant qu'il est susceptible, à terme, d'améliorer la situation financière des bénéficiaires de minima sociaux qui s'inscrivent dans un parcours de retour à l'emploi. C'est pourquoi le groupe UDF le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Maxime Gremetz - Ce projet de loi ne doit créer aucune illusion. S'il suffisait d'une prime pour inciter au retour à l'emploi, il y a beau temps que l'on aurait résolu bien des difficultés ! En réalité, le problème de fond n'est pas de convaincre les personnes les plus éloignées de l'emploi d'en chercher un, mais bien de donner du travail durable et correctement rémunéré.

Quelle réponse ce texte va-t-il apporter à toutes les situations de précarité que connaissent les titulaires de minima sociaux ? Aucune ! Vous ne leur proposez que la précarité après l'utlra-précarité ! Ce projet ignore complètement la nature du marché de l'emploi, un marché caractérisé depuis plusieurs années par la multiplication des contrats précaires et par le gel des salaires.

Quelles perspectives donner à ces personnes quand on compte 2,5 millions de travailleurs pauvres, quand un SDF sur trois a un emploi, quand en vingt ans l'intérim a augmenté de 316,8%, les CDD de 517,5% et le sous-emploi de 701%, alors que la croissance n'était que de 12,2% pour les CDI ? Oui, quelles perspectives leur donner quand trois emplois nouveaux sur quatre sont précaires et que 70% des offres d'emplois à l'ANPE correspondent à des contrats de moins de six mois ?

Ce texte leur apportera tout au plus une petite bouffée d'oxygène, sous forme d'un apport financier qui compensera tout juste votre refus d'augmenter les minima sociaux et de contraindre le Medef à augmenter les salaires (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ah, les amis du Medef réagissent !

Mais qu'est-ce au regard de l'impasse dans laquelle vous laissez les titulaires de l'ASS, du RMI et de l'API, au regard aussi des sanctions démesurées que prévoit ce projet ? Vous laissez ces gens dans l'impossibilité de concevoir des projets personnels. Comment en effet construire une vie de couple quand votre situation ne vous permet pas d'accéder à un prêt bancaire, de vous loger, d'acheter un véhicule ou de s'offrir des loisirs ? Voilà donc le projet de société que vous proposez à nos concitoyens !

Il aurait fallu s'attaquer aux causes de cette situation plutôt que de tenter de faire accepter n'importe quoi à n'importe qui. Aussi, le groupe des députés communistes et républicains, qui a multiplié les propositions concrètes sans jamais être entendu - privilège que vous réservez au Medef -, votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Dominique Tian - Pour le septième mois consécutif, le chômage a poursuivi sa baisse en octobre, de sorte qu'on compte 130 000 chômeurs de moins depuis avril. Si nous pouvons nous féliciter des résultats du plan de cohésion sociale, il n'y en avait pas moins urgence sociale à favoriser le retour à l'emploi des 3,3 millions d'allocataires de minima sociaux, dont 1,2 million au RMI.

L'ancien dispositif était trop complexe, peu lisible et insuffisamment incitatif, le ressaut étant trop peu élevé - certaines personnes voyaient même leur revenu baisser dès qu'elles retravaillaient. Il fallait rendre le revenu du travail plus attractif que celui de l'assistance. C'est pourquoi ce projet prévoit de verser le quatrième mois une prime de 1 000 euros, complétée par un bonus de 150 euros par mois pendant un an.

Ce dispositif a l'avantage de la simplicité, puisqu'il est identique pour les bénéficiaires des trois minima sociaux, RMI, API et ASS, et que chacun pourra calculer lui-même ce qu'il va gagner par le retour à l'emploi. Il s'agit là de la première étape d'une réforme de ces minima.

Le projet de loi a été enrichi par de nombreux amendements. Ainsi, s'agissant des modes de garde d'enfants, il a été prévu de garantir un nombre déterminé de places aux bénéficiaires de minima qui reprennent un travail. Il a d'autre part été décidé que les revenus des travaux saisonniers n'entraîneraient pas une diminution de ces allocations. Une série d'amendements, enfin, a simplifié le recours au contrat aidé, notamment en supprimant le délai de six mois pour accéder au contrat d'avenir et au CI-RMA, ainsi que la limitation des possibilités de renouvellement des contrats d'avenir.

En contrepartie, il est institué un contrôle plus efficace des allocations servies, afin d'éviter les fraudes. Ainsi l'accès, pour des étrangers, au RMI, sera mieux contrôlé et le contrôle du travail illégal sera renforcé. Un régime de sanctions homogène et adapté a été mis au point.

Comme l'a dit le rapporteur Laurent Wauquiez, un juste équilibre entre droits et devoirs a donc été trouvé.

L'ancien système n'avait incité que 11% des allocataires du RMI à bénéficier d'un intéressement à la reprise d'emploi. Le nouveau système sera beaucoup plus incitatif. Le groupe UMP votera cet excellent projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

A la majorité de 354 voix contre 153, sur 507 votants et 507 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 45, est reprise à 16 heures 50.

DATES DES RENOUVELLEMENTS DU SÉNAT
MANDAT DES CONSEILLERS MUNICIPAUX ET DES CONSEILLERS GÉNÉRAUX

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, modifiant les dates des renouvellements du Sénat, et du projet de loi, également adopté par le Sénat, prorogeant la durée du mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007.

M. le Président - La Conférence des présidents a décidé que ces textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales - « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » : l'article 3 de notre Constitution nous rappelle, s'il en était besoin, l'importance d'un bon déroulement des élections, moments de débats et de choix politiques essentiels à la vitalité de notre démocratie.

De ce point de vue, l'année 2007 sera à la fois décisive et inédite. En cas de maintien du calendrier actuel, les Français auraient en effet à désigner en mars leurs conseillers municipaux et, dans la moitié des cantons, leurs conseillers généraux, puis, peu après, le Président de la République - le premier tour de l'élection se déroulant, en application de la Constitution, dans la deuxième quinzaine d'avril - et enfin leurs députés entre mai et juin, avant que le tiers du Sénat, correspondant à l'actuelle série A, ne soit renouvelé en septembre.

Entre mars et juin, nos concitoyens seraient ainsi appelés aux urnes un dimanche sur trois, pour une accumulation d'élections unique dans l'histoire de la Ve République. Ce calendrier n'est ni raisonnable ni réaliste.

Comment, d'abord, mobiliser les Français pendant plus de quatre mois autour d'enjeux locaux puis nationaux ? Comment éviter la confusion entre les campagnes et la lassitude des électeurs ? La multiplication des scrutins n'est pas de nature à inverser la tendance à la baisse du taux de participation constatée depuis la fin des années quatre-vingt - l'abstention a progressé de 6,6 points entre le premier tour de l'élection présidentielle de 1995 et celui de 2002, et le même constat peut être fait pour les élections législatives, cantonales ou municipales, sans parler des élections européennes.

Contraignant pour les citoyens, le calendrier actuel l'est aussi pour ceux qui assurent l'organisation des élections : les maires bien sûr, mais aussi les milliers de fonctionnaires de nos communes et de nos préfectures, dont la mobilisation le jour du scrutin et dans les semaines qui précèdent est essentielle au bon déroulement des opérations, et enfin les dizaines de milliers de bénévoles qui tiennent les bureaux de vote et auxquels je veux rendre ici un hommage appuyé. L'organisation concomitante des élections municipales et cantonales dans la moitié des cantons impose d'ouvrir 96 000 bureaux de vote et de mobiliser, deux dimanches de suite, près de 480 000 bénévoles ; plus de 300 000 volontaires seraient ensuite nécessaires pour tenir les bureaux lors de l'élection du Président de la République, au premier comme au second tour, et le même dispositif devrait être reconduit en juin pour les élections législatives. Ce n'est tout simplement pas réalisable.

En outre, l'enchaînement très rapide de quatre consultations obéissant à des modes de scrutin différents compliquerait la tâche du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la Commission nationale des comptes de campagne, qui ne disposeraient que de délais très réduits pour publier leurs recommandations ou rendre leurs décisions.

Les principales formations politiques, consultées par le Gouvernement, l'ont reconnu : l'organisation d'un si grand nombre d'élections sur une période aussi courte pourrait compromettre le bon déroulement des opérations électorales et troubler la sérénité du vote ; c'est un risque que nous n'avons pas le droit de courir.

Une autre difficulté, d'ordre juridique, doit être soulignée : comme le Conseil constitutionnel l'a récemment relevé, le renouvellement des conseils municipaux et d'une moitié des conseillers généraux, s'il avait lieu en mars 2007, interviendrait en pleine période de recueil des parrainages pour l'élection présidentielle. Le juge constitutionnel se trouverait alors en présence d'un collège de présentateurs à géométrie variable, qui pourrait passer de 45 000 à environ 60 000 personnes. La vérification de l'identité de ces présentateurs s'en trouverait compliquée, et la validité de certaines présentations serait incertaine, une partie d'entre elles émanant d'élus en toute fin de mandat, voire désavoués par le suffrage universel.

Une telle difficulté n'est pas nouvelle : en 1988, elle avait déjà conduit le législateur à reporter les élections cantonales après l'élection présidentielle ; en 1995, les mandats des conseillers municipaux avaient été, pour les mêmes raisons, prolongés de trois mois. La perspective du scrutin législatif de juin 2007 nous oblige cette fois à prévoir un report d'une plus grande ampleur.

Enfin, il faut prendre en compte un souci exprimé par le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel : il convient que les conseillers municipaux et généraux, qui forment la grande majorité des électeurs sénatoriaux, soient renouvelés avant le scrutin sénatorial. Dans le cas contraire, le collège chargé d'élire les sénateurs se composerait, pour l'essentiel, d'élus dont le mandat aurait été prorogé.

Les deux présents projets de loi visent à répondre à ces exigences pratiques et juridiques. L'enjeu est capital, puisqu'il s'agit de permettre aux Français d'exercer leur pouvoir de manière claire et sereine.

Ces textes tiennent compte de l'avis de vos groupes politiques et des associations d'élus locaux, qui reconnaissent, comme le Conseil constitutionnel, que le calendrier doit être aménagé.

Le projet de loi ordinaire vise à reporter les élections municipales et cantonales, car c'est la seule solution conforme à la logique de nos institutions. La vie de la Ve République est en effet rythmée par l'élection présidentielle, dont la date ne peut être modifiée sans réviser la Constitution, et la nécessité d'assurer au chef de l'Etat une majorité de gouvernement explique que les élections législatives se tiennent immédiatement après.

Pourquoi alors ne pas avancer les élections locales ? Je dénature peut-être le débat en posant cette question, mais la réponse est évidente. Le raccourcissement d'un mandat politique par une loi postérieure à l'élection est tout simplement contraire à la tradition républicaine. L'unique mesure de ce type remonte à 1979 : concernant les mandats des membres du conseil de gouvernement et de membres de l'assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie, elle trouvait sa justification dans la modification simultanée du statut de cette collectivité.

Les aménagements récents du calendrier électoral, à l'inverse, ont donné lieu à des prolongations de mandats : ce fut le cas du mandat des conseillers généraux élus en 1985 et en 1998, de celui des conseillers municipaux renouvelables en 1995, ou encore de celui des députés élus en 1997.

Comme l'ont souhaité la majorité des formations politiques consultées dès 2004, les élections municipales et cantonales seraient reportées d'un an. Mais ce projet de loi ordinaire, qui n'a pas été modifié par le Sénat, ne suffit pas. En effet - le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel l'ont souligné -, le report des élections locales implique celui des élections sénatoriales. Le projet de loi organique prévoit donc de reporter d'un an le renouvellement de la série A, initialement prévu en septembre 2007.

Sur ce point, le Gouvernement a d'abord fait le choix de la simplicité. Les échéances municipales du mois de mars et les échéances sénatoriales du mois de septembre ont toujours été respectées depuis 1960 : il convient de préserver ce cycle auquel les Français sont habitués.

La lisibilité a également été recherchée : l'année 2007 serait ainsi uniquement consacrée aux rendez-vous nationaux, déconnectés des enjeux locaux. Le temps du débat local n'en serait que mieux respecté, alors même que la décentralisation dote les collectivités territoriales de pouvoirs croissants.

Enfin, ces projets de loi sont cohérents. Le report d'un an des élections municipales et cantonales préserve le cycle de la vie locale, rythmé notamment par l'élaboration des budgets. Les élections sénatoriales, reportées d'un an, se dérouleraient avant l'ouverture de la session et ne perturberaient donc pas les travaux si utiles de la Haute assemblée.

Dans le même esprit, la prolongation d'un an du mandat des conseillers généraux élus en 2004 vise à perturber le moins possible le renouvellement triennal des assemblées concernées : le renouvellement de cette série interviendrait ainsi en 2011, trois ans avant celui de la série élue pour six ans en 2008. A défaut, les élections cantonales, ainsi que les élections des présidents de conseil général, auraient lieu alternativement tous les deux et quatre ans.

J'en viens maintenant à la question du mandat des sénateurs (Ah ! sur les bancs du groupe UMP). Le Gouvernement avait initialement considéré que, pour ne pas perturber la mise en œuvre de la réforme du Sénat, le mandat des sénateurs élus en 2008 pouvait être ramené à cinq ans.

Toutefois, le Sénat a souhaité maintenir à six ans le mandat de ses membres qui seront élus en 2010 et 2013, afin de ne pas perturber le principe du renouvellement triennal et d'éviter que certains sénateurs ne soient élus par des conseillers municipaux en fin de mandat. Il existait d'autres arguments, mais je ne rappelle que les principaux...

M. Jacques Brunhes - Quel humour !

M. le Ministre délégué - ...Je vous laisse le soin de les apprécier aujourd'hui.

Le Gouvernement s'en tiendra à la tradition selon laquelle, en matière de régime électoral des assemblées, il convient de s'en remettre à la sagesse des parlementaires.

M. Bruno Le Roux - Quel manque de courage !

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement n'a qu'un seul but, celui d'assurer le bon déroulement de la période électorale qui s'ouvre. Le calendrier offre ainsi une place de choix à chaque élection, évite la confusion des enjeux nationaux et locaux et la lassitude des électeurs. Vous en conviendrez, il s'agit là d'une nécessité démocratique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Francis Delattre, rapporteur de la commission des lois - Je m'efforcerai d'aller à l'essentiel. Il me semble parfois que je vais au rebours de ce qu'il m'est arrivé de défendre ici-même...

M. Bernard Derosier - Il va manger son chapeau !

M. Francis Delattre - J'ai eu la même réaction que beaucoup d'entre vous en découvrant ce texte en apparence politique, tel qu'il était ressorti du Sénat. Mais l'on se rend rapidement compte que les contraintes techniques l'emportent sur les exigences politiques.

Il est certain que le fait de porter à dix ans le mandat de 80% des sénateurs a choqué nombre de députés : les débats à la commission l'ont démontré, mais de manière retenue et digne.

Pour ce qui me concerne, j'ai rencontré l'ensemble des présidents de groupe du Parlement et plusieurs points de convergence apparaissent. Tous conviennent qu'il s'agit d'un embouteillage inédit. Il faut donc aménager - et non adapter - le calendrier de 2007, comme le Conseil constitutionnel nous y engage. Celui-ci affirme en effet très clairement qu'« une telle concentration de scrutins sollicite à l'excès le corps électoral... et fait peser sur les pouvoirs publics une charge trop lourde ».

A partir de ce constat, j'ai tenté de dégager, avec les présidents de groupe, un certain nombre de principes. Le premier consiste à ne pas mélanger les enjeux nationaux et les enjeux locaux ; le second, conforme à la tradition républicaine, à aménager le calendrier sur une durée d'une année ; le troisième, à ne pas raccourcir les mandats en cours, et notamment ceux des conseillers municipaux.

Ces principes posés ne laissent pas un choix technique très large. Placer les élections municipales en mars 2007 laisserait dans le meilleur des cas quatre semaines aux candidats à l'élection présidentielle pour recueillir les cinq cents parrainages. Le Conseil constitutionnel a pour sa part affirmé que le temps nécessaire à la récolte de ces parrainages devait être préservé.

La date de l'élection du Président de la République ne pouvant être modifiée, et les élections législatives ayant lieu - selon une loi organique que l'on ne peut changer - dans les six semaines qui la suivent, organiser les élections municipales dans la foulée - comme le proposent des amendements du groupe socialiste -, soit en septembre ou octobre, entraînerait un certain nombre de difficultés.

M. Bernard Derosier - Ce serait sage et démocratique !

M. le Rapporteur - Peut-on penser que ces élections échapperaient tout à fait à l'influence du résultat de la présidentielle et des législatives ?

M. Bernard Derosier - Cela s'est déjà passé en 1973 !

M. le Rapporteur - Vous n'avez peut-être pas réfléchi, Monsieur Derosier, au problème des comptes de campagne, qui pourraient se chevaucher dans le cas des députés-maires.

Pensez enfin à la commission qui doit examiner le problème de l'inéligibilité...

M. Bernard Derosier - Elle sait le faire.

M. le Rapporteur - La meilleure solution ne consiste pas en un ajustement de quelques semaines : c'est l'ensemble des échéances de 2007 qu'il convient d'aménager. Dès lors se pose la question de l'élection de nos collègues sénateurs. Le projet initial du Gouvernement prévoyait une reconduction de leur mandat jusqu'en 2008 comme pour les conseillers municipaux. Le Conseil constitutionnel, au mois de juillet, est intervenu d'une manière il est vrai assez inopinée et a posé pour principe que, si nous déplacions la date des élections municipales, il convenait forcément de déplacer aussi celle des élections sénatoriales. Or, techniquement, nous nous heurtons à la réforme des mandats que le Sénat a lui-même engagée. On a beaucoup glosé sur un mandat sénatorial de neuf ans, mais souvenons-nous qu'en 1914, des sénateurs étaient encore élus à vie (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Le passage à un mandat de six ans, dans le respect de la tradition triennale, doit donc être salué car, si cette réforme est imparfaite, elle n'en est pas moins courageuse : ce n'est pas en effet chose aisée que d'admettre une telle mesure.

M. Jacques Brunhes - En fait, de six ans à dix ans ! Quel courage !

M. le Rapporteur - Nous devons respecter, dans le cadre de ce que l'on appelle les « égards mutuels », l'autorité des sénateurs, fût-elle parfois un peu contestable politiquement. Est-ce opportun, pour l'Assemblée, de s'engager dans une confrontation avec le Sénat pour une année supplémentaire de mandat ? Faut-il donc polémiquer ? Je ne le crois pas.

M. Bruno Le Roux - Si !

M. le Rapporteur - Je note d'ailleurs que les sénateurs de l'opposition se sont très courageusement abstenus lors du vote de la loi organique.

M. Bernard Derosier - L'erreur est humaine !

M. le Rapporteur - Je leur ai parlé de l'amendement que vous vous apprêtez à défendre afin de faire marche arrière, et je n'ai pas senti chez eux une réelle détermination.

M. Bernard Derosier - Vous vous déterminez donc selon le sentiment du groupe socialiste au Sénat ?

M. le Rapporteur - L'accord est donc large, et sur la réforme du Sénat, et sur les dates. Le Conseil constitutionnel a en fait rappelé l'article 24 de la Constitution selon lequel le Sénat est élu au suffrage indirect, en l'occurrence et très largement par les conseils municipaux, et qu'il convient donc d'harmoniser les deux élections. Le raisonnement du président de la commission des lois au Sénat, pour habile qu'il soit, est assez cohérent. Si les élections municipales ont lieu en 2008, il n'est pas idiot, pour un sénateur, de porter l'échéance de son mandat en 2014 au lieu de 2013. Le « principe de fraîcheur », qui implique que les grands électeurs soient eux-mêmes « fraîchement » élus, s'appliquerait de toute façon en 2013 de la même manière.

La prolongation est donc logique. Tous les professeurs de droit que nous avons consultés ont affirmé que si, dans un premier temps, la loi organique pouvait sembler un peu exagérée, le dispositif, globalement, tenait la route. Si nous refusons de la voter, les sénateurs, dans le cadre de la navette, poseront une question préalable...

M. Bruno Le Roux - Ils feraient donc du chantage ?

M. le Rapporteur - ...et toute la modification du calendrier électoral tomberait à l'eau.

M. Jacques Brunhes - C'est du chantage institutionnel !

M. le Rapporteur - Nous devrions donc chercher une solution dans le cadre de la loi simple, ce qui n'irait pas de soi. J'ajoute que ce n'est en rien du chantage : la réforme constitutionnelle relative à la décentralisation confère en effet au Sénat un certain nombre de prérogatives.

M. Bernard Derosier - C'est une anomalie !

M. le Rapporteur - Vous n'êtes pas très nombreux à l'avoir dit de ce côté de l'hémicycle ! Aujourd'hui, il faut tenir compte de cette réforme constitutionnelle.

M. Bernard Derosier - C'est scandaleux !

M. le Rapporteur - Elle a été votée. En outre, comment nos collègues sénateurs pourraient-ils revenir sur le vote d'une loi organique qu'ils ont largement approuvée ? Je vous rappelle d'autre part que les groupes socialiste et communiste se sont contentés de s'abstenir. Existe-t-il une solution alternative, hors celle du conflit avec le Sénat pour une année de mandat supplémentaire ? La loi simple, en effet, ne pourrait en rien modifier la décision du Conseil constitutionnel imposant le renouvellement des conseils municipaux avant le renouvellement des sénateurs. Voulons-nous que les élections municipales aient lieu en même temps que les élections législatives ? Telle est en fait l'alternative.

M. Bernard Derosier - C'est bien du chantage.

M. le Rapporteur - Ce mélange des enjeux nationaux et locaux est-il souhaitable ? Non. Ce n'est pas se coucher devant le Sénat que de tenir compte des réalités et de dire qu'il faut essayer de trouver un accord, même si nous savons tous, en effet, que la Chambre haute agit dans une direction précise.

M. Bruno Le Roux - Très bien ! (Sourires)

M. le Rapporteur - Il n'y a pas d'alternative, je le répète.

M. Bernard Derosier - A moins de dissoudre l'Assemblée nationale ! (Sourires)

M. le Rapporteur - Nous devons donc voter conforme la loi organique.

M. Bernard Derosier - Le mot est lâché. On se couche devant le Sénat !

M. le Rapporteur - Je ne me suis jamais couché devant le Sénat ! Relisez nos débats !

M. Bernard Derosier - Je ne parle pas de vous, mais de ceux qui voteront comme vous.

M. le Rapporteur - Parce que nous avons eu un Premier ministre issu du Sénat, nous avons cru devoir faire bonne figure lors de la réforme constitutionnelle, mais c'était une erreur, et je l'ai dit. Nous en payons aujourd'hui les conséquences. Nous, nous sommes élus au suffrage direct, et il n'y a pas de négociation possible là-dessus. Quoi qu'il en soit, il faut se montrer responsables. Alors que tous les maires ont maintenant admis l'idée que les élections étaient reportées d'une année, vous affirmeriez que tel n'est plus le cas ? Pour que les candidats s'engagent en ayant une perspective claire et que les inscriptions électorales se passent dans les meilleures conditions, il faut voter la loi organique et la loi simple dans les mêmes termes que le Sénat. Il y va de la bonne organisation de notre démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous en venons à la discussion générale commune.

M. Jacques Brunhes - En l'état actuel de notre législation cinq élections se succéderaient en sept mois, en 2007. Tout calendrier électoral soulève des problèmes qui sont certes techniques mais avant tout politiques. Celui-ci est indéniablement « intenable », pour reprendre le qualificatif utilisé par l'actuel Premier ministre lorsqu'il était ministre de l'intérieur. Il est intenable pour deux raisons relevées par le Conseil constitutionnel dans ses observations du 7 juillet dernier. La première tient à l'organisation pratique de scrutins très rapprochés et à « la charge trop lourde » que cela ferait peser sur les pouvoirs publics et, notamment, sur la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. La deuxième tient à ce qu'en l'absence de modification du calendrier, « les élections locales auraient lieu en plein recueil des présentations pour l'élection présidentielle, avec tous les risques que cela comporte tant pour la vérification de la validité des mandats que sur le nombre des candidats - deux générations de présentateurs pourraient être habilitées à parrainer. » Le Conseil constitutionnel préconise donc de reporter les élections locales, ce qui pose « nécessairement la question du report des élections sénatoriales ». En fonction de ces considérations et après avoir consulté les partis politiques et les associations d'élus, le Gouvernement a choisi de modifier les dates des élections sénatoriales, municipales et des cantonales prévues en 2007 et de proroger d'un an les mandats des élus concernés. Tel est donc l'objet initial des deux projets de loi, l'un organique, l'autre ordinaire, dont nous débattons.

Pour le groupe communiste et républicain, ce report est une nécessité pour une raison de fond, qui va bien au-delà des observations du Conseil constitutionnel. Il s'agit en effet d'éviter le brouillage et la confusion des enjeux de différentes élections.

Il s'agit d'abord d'éviter que les élections municipales ne soient phagocytées par la logique présidentialiste qui caractérise notre système institutionnel. En effet, le Président, tout puissant, concentre des pouvoirs exorbitants entre ses mains : il n'a de comptes à rendre à personne, ni au peuple, ni à la représentation nationale. J'ai dénoncé à maintes reprises cette dérive vers une monarchie élective que l'actuel chef de l'Etat avait lui-même constatée en 1995, comme M. Mitterrand auparavant.

Depuis, la situation s'est aggravée. L'adoption du quinquennat et l'inversion des élections présidentielle et législatives ont renforcé les prérogatives du chef de l'Etat, elles ont réduit l'Assemblée à un rôle de simple chambre d'enregistrement (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Elles ont accentué la bipolarisation de la vie politique et, partant, l'appauvrissement du pluralisme, source d'une crise de la représentation. On en voit les conséquences en matière électorale : montée de l'abstention, drame du 21 avril 2002, hiatus entre le peuple et ses élus dont témoigne le vote sur la constitution européenne - le projet constitutionnel a été adopté à 83% par les députés et les sénateurs mais rejeté par 55% des Français.

Dans le contexte actuel, le découplage entre élections nationales et locales est le seul moyen de clarifier les enjeux des élections municipales et de sauvegarder le lien fort qui existe entre l'élu et l'électeur au niveau communal. C'est pourquoi le PCF s'est prononcé clairement pour le report des élections municipales à mars 2008, ce dès la consultation organisée par M. de Villepin, alors ministre de l'intérieur. Par ailleurs, l'organisation des élections municipales à l'automne 2007 comportait le risque d'une forte abstention car la rentrée n'est pas une période propice à une campagne électorale. Nous approuvions également le projet de loi organique initial relatif au Sénat. Ce dernier prévoyait le report des élections sénatoriales à septembre 2008 afin de respecter l'ordre institutionnel selon lequel les conseils municipaux doivent être renouvelés avant la tenue de nouvelles élections sénatoriales. Par ailleurs, afin de limiter les modifications exceptionnelles et transitoires apportées au calendrier électoral, il écourtait le mandat des sénateurs élus en septembre 2008 à cinq ans. Or, bien qu'une réforme soit en cours pour écourter la durée du mandat sénatorial, la Haute assemblée a amendé ce projet afin de repousser la tenue des élections sénatoriales d'un an.

M. Bruno Le Roux - C'est le coup d'Etat permanent !

M. Jacques Brunhes - Voilà qui en dit long sur le caractère profondément réactionnaire de cette chambre, qui s'inscrit dans une tradition bonapartiste en prolongeant elle-même le mandat de ses membres ! Et que dire du chantage qu'elle exerce à l'égard des députés en menaçant, si le projet n'était pas adopté conforme, d'adopter une question préalable en deuxième lecture de ce projet ? Cela reviendrait à ramener les élections sénatoriales en 2007, avant le renouvellement des conseils municipaux, ce qui est inacceptable. Ce chantage serait en voie d'être approuvé par la majorité...

M. le Rapporteur - Ah non !

M. Jacques Brunhes - ...puisque le rapporteur nous invite au nom d'une prétendue tradition républicaine des égards mutuels qui remonterait à la guerre...

M. le Rapporteur - Laquelle ?

M. Jacques Brunhes - ...à adopter le dispositif retenu par le Sénat. L'Assemblée élue au suffrage universel direct, détentrice de la légitimité démocratique, est ainsi invitée à s'incliner devant le diktat du Palais du Luxembourg.

D'ailleurs, les députés de l'UMP n'ont pas eu de mots trop forts pour dénoncer le coup de force sénatorial et estimer, comme M. Warsmann, notre président de séance, qu'« il était temps de réagir à l'extension des pouvoirs du Sénat constatée depuis le début de la législature »... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bruno Le Roux - Libérez le président !

M. Jacques Brunhes - ...et « qu'il convenait que l'Assemblée nationale cesse d'être la chambre d'enregistrement des dérives du Sénat ». Quant à M. Pandraud, il a condamné « une réforme imposée dans ses modalités par le Sénat sous menace de blocage institutionnel ». Malheureusement, le rapporteur vient de se livrer à un plaidoyer confus en faveur de l'adoption du texte.

Plusieurs députés socialistes - Au contraire, c'était très clair !

M. Jacques Brunhes - Une fois de plus, la majorité s'incline, pour ne pas dire se couche, devant la Haute assemblée. Je regrette que le Gouvernement n'ait pas jugé utile de convaincre sa majorité sénatoriale du bien-fondé de son projet. Il est vrai qu'il est à l'origine du renforcement constitutionnel des compétences du Sénat... Mon groupe avait dénoncé cette dérive dès le débat sur le projet de loi de décentralisation car elle est contraire à la conception du système bicaméral, au moins telle qu'elle prévaut depuis 1946. Enfin, comme l'a prophétisé le rapporteur pour avis, ce projet risque de limiter le droit d'amendement du Gouvernement, voire des députés. Justement, nous y voilà ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Il est donc nécessaire de réétudier la place du Sénat au sein des institutions.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois - Il fallait suivre de Gaulle en 1969 !

M. Bernard Derosier - Pas sûr !

M. Jacques Brunhes - Il faut restaurer la liste proportionnelle dans les départements comptant trois sénateurs afin de rompre avec la « notabilisation » de ce mandat et d'assurer la parité ; élargir le collège électoral et restaurer l'équilibre entre zones urbaines et rurales ; aligner l'âge d'éligibilité des sénateurs sur l'âge requis pour accéder à la députation ou à la présidence de la République. Enfin, nous proposons depuis toujours le renouvellement unique, qui aurait permis d'échapper aux difficultés actuelles. Dans une architecture institutionnelle nouvelle, celle d'une authentique VIe République, le Sénat jouerait le rôle d'interface entre l'intervention citoyenne et l'activité parlementaire, en conservant son rôle de représentant des collectivités locales. A l'évidence une réflexion sur l'ensemble des institutions s'impose puisque la Ve république, comme le note le constitutionnaliste Didier Maus, est à bout de souffle. Or cette question fondamentale n'est évoquée nulle part dans les textes en discussion.

Si nous approuvions les propositions initiales du Gouvernement, ce n'est, hélas, plus le cas. Les modifications introduites par le Sénat sont choquantes et le chantage institutionnel de la Haute assemblée inadmissible. Nous ne pouvons donc voter ces textes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jérôme Chartier - Certes, prolonger un mandat sur simple décision des assemblées est contraire au principe républicain de consultations régulières et cette solution n'est guère satisfaisante. Pour autant, comme l'ont montré le ministre délégué et le rapporteur, cela est nécessaire pour éviter un encombrement électoral en 2007 et la confusion entre des scrutins de nature fort différente.

On aurait pu, comme le propose M. Brunhes, reprendre totalement ce projet de loi...

M. Jacques Brunhes - Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Jérôme Chartier - ...ou lancer dès ce soir la VIe république !

M. Michel Françaix - Et pourquoi pas ?

M. Jérôme Chartier - Mais ce n'est pas l'objet des textes que nous examinons ce soir. Ceux-ci sont d'une simplicité biblique. Le premier projet de loi dispose aux articles premier et 2 que le renouvellement des conseils municipaux et généraux est repoussé à mars 2008, à l'article 3 que celui des conseillers régionaux élus en 2004 se fera en mars 2011... Quant à l'article 3 ter - fondamental ! - il dispose que l'expression « série C » sera remplacée par celle de « série 1 » de même qu'à l'article 4, « 2007 » sera remplacé par « 2008 », et « 2010 » par « 2011 ». Enfin, l'article 5 précise que les dispositions de l'article premier sont applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

Quant au projet de loi organique, il est révolutionnaire ! Article premier : « Le mandat des sénateurs renouvelables en septembre 2007 sera soumis à renouvellement en septembre 2008 », ce qui entraîne du même coup, à l'article 2, un report du renouvellement de 2010 à 2011. De quoi parle-t-on donc ? D'un changement de rendez-vous consécutif à l'embarras de 2007, auquel on ne pouvait se résigner, comme chacun le sait bien.

Pourtant, j'ai bien lu le formidable rapport de la commission des lois. La tentation était grande de se servir de ces deux véhicules législatifs pour débattre de mesures, techniques ou organiques, qui méritent de l'être, car les projets de loi relatifs à l'organisation des élections ne sont pas si fréquents, et nous approchons de deux rendez-vous électoraux majeurs.

Le groupe d'études pour la modernisation de la vie politique, que je préside et dont je salue les nombreux membres ici présents, a proposé plusieurs amendements. Le premier d'entre eux vise à supprimer l'interdiction aberrante de distribuer tout imprimé autre que les professions de foi pendant les campagnes : on sait bien que, depuis 1990, l'encadrement des campagnes est correctement assuré, malgré quelques excès. Ensuite, nous proposons de permettre à l'autorité compétente d'examiner toutes les conditions d'éligibilité : actuellement, certains candidats découvrent qu'ils sont en lice le jour même de l'élection ! Ensuite, il faudrait distinguer clairement entre votes blancs et votes nuls, au lieu de les faire apparaître dans la même colonne.

M. Bernard Derosier - Où sont vos amendements ?

M. Jérôme Chartier - J'y viendrai tout à l'heure. Le citoyen qui décide de se rendre aux urnes pour y marquer sa désapprobation par un vote blanc doit être reconnu ! Il faut également veiller à préciser les mentions qui doivent obligatoirement figurer sur un bulletin de vote et celles qui ne doivent pas y être.

M. Jacques Brunhes - Vous ne dites rien du texte !

M. Jérôme Chartier - La moitié de votre intervention portait sur la refonte de nos institutions...

M. Jacques Brunhes - Dix lignes !

M. Jérôme Chartier - Nous proposions aussi de clarifier les comptes de campagne et les règles de remboursement, ainsi que les conditions d'établissement des procurations - en effet, même si le droit a été simplifié en la matière, l'intervention des officiers de police judiciaire est encore requise, alors que l'on peut faire confiance aux seuls maires et élus locaux dans presque tous les cas. En outre, je rappelle qu'une jurisprudence de 2002 a conduit à annuler l'élection de l'un de nos collègues, dont la campagne avait été financée par une section locale de son parti, à laquelle la Commission de contrôle des comptes de campagne reprochait de ne pas entrer dans le périmètre du parti en question. Il faut imposer aux partis politiques et à leurs sections locales de se faire connaître de la commission, tant ces situations sont inacceptables et démontrent la nécessité de revisiter nos lois électorales.

Enfin, le groupe d'études a suggéré de substituer aux multiples commissions de propagande - qui émettent des avis éclairés, mais dont la multiplicité même ouvre la porte à trop de recours - une commission unique par département - composée du juge de l'élection, des représentants du ministère de l'intérieur et de toutes les autres autorités habilitées.

Voilà les amendements que nous aurions pu déposer, mais nous ne l'avons pas fait.

M. Bernard Derosier - Dégonflés !

M. Jérôme Chartier - Nous ne l'avons pas fait parce que ce texte est relatif à la réorganisation des élections qui se chevauchent en 2007, et à rien d'autre ! Il convenait donc d'en conserver l'esprit, tout l'esprit, mais rien que l'esprit !

Pour autant, ces deux lois posent le problème du rythme de notre vie politique. Entre les deux élections présidentielles de 2007 et 2012, huit autres rendez-vous électoraux se succéderont, soit plus d'un rendez-vous par an ! Le groupe UMP votera ces deux projets de loi, mais il faudra rapidement garantir la respiration - aujourd'hui inexistante - de notre vie démocratique par un projet de loi organique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Brunhes - L'UMP n'a rien à dire sur ce texte !

M. le Rapporteur - Elle se met au niveau des autres...

M. Bruno Le Roux - J'ai le plaisir de succéder à la tribune au président d'un groupe d'études pluraliste, mais dont les propositions ont parfois du mal à aboutir. Le « lifting de Marianne », Monsieur Chartier, emprunte un chemin difficile, et la modernisation de la vie politique s'arrête souvent là où le Sénat siffle la fin de la récréation...

Nous aurions pu voter de nombreuses mesures à l'unanimité, mais le chantage qui nous est fait pour que nous renoncions aux modifications fondamentales et votions conforme un projet de loi qui n'a plus rien à voir avec celui du Gouvernement est scandaleux.

Le groupe socialiste aurait pu contribuer à l'amélioration du texte, mais nous légiférons aujourd'hui dans de bien mauvaises conditions. Je regrette le manque de courage dont a fait preuve le Gouvernement au Sénat, devant lequel votre « sagesse » conduit l'Assemblée à se coucher. Le groupe socialiste votera contre ce texte et défendra ses amendements, afin que le texte scandaleux qu'on voudrait voir adopté conforme par l'Assemblée ne soit pas celui qui sera finalement promulgué.

Des durées de mandat clairement établies et des enjeux politiques sanctionnés par des élections : telle est l'essence de notre république. Toute modification du calendrier électoral doit se justifier et nos concitoyens doivent en être précisément informés, surtout dans la situation de désaffection civique que connaît la France depuis plusieurs années. Débattons donc sans arrière-pensée. Bien malin d'ailleurs celui qui saurait imaginer un calendrier idéal à son seul profit !

Le groupe socialiste ne s'oppose pas au réaménagement des élections prévues en 2007, car l'enchevêtrement des campagnes - municipale, cantonale, présidentielle, législative et sénatoriale - impose une modification du calendrier.

Comme en 1995, les élections municipales percutent le calendrier de l'élection présidentielle. En 1994, le législateur avait repoussé les municipales à juin 1995, précisant que le mandat des conseillers serait renouvelé en mars 2001. Mais, en 2007, le report des municipales de mars à juin n'est pas possible puisqu'il y aurait risque de confusion entre deux élections très différentes, les municipales et les législatives, voire trois avec les cantonales. C'est pourquoi chacun reconnaît, sur tous les bancs, la nécessité de modifier le calendrier. Pour autant, cela ne doit pas se faire dans n'importe quelles conditions.

Ces questions électorales, qui peuvent être envisagées de façon simple, peuvent aussi être, à dessein, rendues complexes. Et les références de votre Gouvernement en matière électorale, même si je ne pense pas qu'il soit fautif en cette affaire-ci, ne sont pas excellentes. Nous avons tous en mémoire les manipulations de 2003 pour réformer le mode de scrutin des élections régionales et européennes et ne pouvons oublier les atermoiements qui vous ont conduit à différer si longtemps l'examen des présents projets de loi.

Initialement, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait prévu de reporter les élections locales en 2008 et de maintenir les élections nationales en 2007. Nous avons vigoureusement combattu ce calendrier qui ne respectait pas « l'ordre institutionnel » de l'année 2007, confortés dans notre analyse par l'avis rendu par le Conseil d'Etat le 16 décembre 2004 et les observations formulées par le Conseil constitutionnel sur les échéances électorales de 2007, parues au Journal officiel du 8 juillet 2005. Le Conseil d'Etat avait ainsi estimé que le principe du droit de suffrage exprimé à l'article 3 de la Constitution impliquait que le renouvellement des conseils municipaux, qui affecte la plus grande part du corps électoral du Sénat, précède le renouvellement partiel de celui-ci. Le Conseil constitutionnel, quant à lui, avait fait observer que le report des élections locales soulevait nécessairement la question de celui des élections sénatoriales, confirmant ainsi sa jurisprudence antérieure selon laquelle les élections sénatoriales ne sont pas séparables des élections locales.

A l'époque, auditionnés, à sa demande, par Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, nous avions défendu l'idée que l'ordre des scrutins de 2007 devait être préservé. Les sénateurs socialistes ont d'ailleurs déposé, le 1er février 2005, une proposition de loi simple tendant à reporter les municipales et les cantonales à octobre 2007 et une proposition de loi organique tendant à reporter les sénatoriales de septembre 2007 à janvier 2008. C'est cette même position que nous défendons aujourd'hui, qui présente l'avantage de limiter le report de ces élections au délai nécessaire à leur bonne organisation.

Cette solution ponctuelle résoudrait les difficultés du calendrier électoral de 2007 tout en respectant le droit de suffrage, l'ordre naturel des élections, l'application de la réforme du Sénat votée en 2003 avec l'institution d'un mandat de six ans et un renouvellement de la Haute assemblée par moitié, le principe de la concomitance des élections locales ainsi qu'en évitant la proximité excessive entre les élections présidentielles et les élections locales et le bouleversement de la durée des autres mandats en cours, non concernés par les échéances de 2007. Bref, elle atteindrait l'objectif recherché dans le respect des règles de droit. Enfin, l'organisation des élections locales à l'automne et des élections sénatoriales en janvier ne poserait pas de problèmes pratiques insurmontables, y compris pour ce qui est des comptes de campagne et du délai de six mois imparti pour leur dépôt. Je n'ose imaginer que la seule surcharge de travail qu'induirait cette modification pour la Commission nationale de contrôle puisse justifier les projets de loi qui nous sont soumis !

Depuis lors, tirant notamment quelques enseignements, très partiels, de ces observations, le Gouvernement a proposé de reporter les élections locales et sénatoriales d'un an, en préservant l'antériorité des premières par rapport aux secondes, ce qui répond aux exigences juridiques et constitutionnelles. Le calendrier proposé respecte finalement l'ordre des élections, comme le groupe socialiste l'avait suggéré dès le début de l'année. C'est notre deuxième point d'accord.

Ce qui différencie vos propositions des nôtres, ce sont les modalités d'application de la règle posée tant par le Conseil d'Etat que par le Conseil constitutionnel. En effet, selon le choix de la date d'organisation de ces élections, les conséquences sont très différentes. C'est là tout l'enjeu du débat.

Le choix fait par le Gouvernement entraîne des bouleversements que rien ne justifie. Il perturbe notamment la durée d'un très grand nombre de mandats. Nous considérons, pour notre part, que la prorogation des mandats électoraux doit se limiter au strict nécessaire, sous peine d'altérer le caractère démocratique du contrat électoral, et ne jamais créer de problèmes collatéraux. Or, les conséquences de votre projet, et encore plus des amendements introduits par le Sénat, sont préoccupantes quand le respect des principes constitutionnels imposait de rechercher la solution qui permette l'expression du suffrage dans les meilleures conditions et modifie le moins possible la durée des mandats en cours.

Le projet de loi organique initial prévoyait de proroger d'une année le mandat des sénateurs renouvelables en 2007 et de réduire à cinq ans le mandat de leurs successeurs aux élections de la série A en 2008. Cette proposition, qui rejoint en partie la nôtre, avait le mérite de ne pas modifier le calendrier des autres séries sénatoriales. Cela aurait pu être un autre point d'accord entre nous. Mais les sénateurs de la majorité l'ont profondément modifié...

M. le Rapporteur - Sous le regard bienveillant des sénateurs de l'opposition !

M. Bruno Le Roux - Les sénateurs socialistes se sont abstenus.

M. le Vice-Président de la commission - Ils auraient pu voter contre !

M. Bruno Le Roux - Aux termes du projet de loi modifié, les sénateurs de la série A, élus en 1998, verraient leur mandat prorogé d'une année entière, alors que celui des sénateurs élus en 2008 resterait de six ans. Cette solution apparaît anachronique - c'est peu de le dire ! -, à un moment où la tendance générale est à la réduction de la durée des mandats et à la consultation plus fréquente des électeurs.

A cet égard, les modifications introduites par le Sénat tendant à proroger d'un an les mandats de toutes les séries nous apparaissent des plus opportunistes et inacceptables. Il s'agit encore d'une manipulation, d'une « tournée générale sénatoriale ». J'ai même entendu en commission parler de « chantage », par lequel les sénateurs tentent de proroger leur mandat, déjà bien long, d'une année supplémentaire.

M. Jacques Brunhes - Eh oui !

M. Bruno Le Roux - J'ai, pour ma part, été choqué, Monsieur le rapporteur, par votre rappel à ce que vous appelez « les égards mutuels » que se devraient l'Assemblée nationale et le Sénat. Comme l'a excellemment exposé en commission M. Warsmann, l'Assemblée doit pouvoir faire des propositions concernant l'organisation des scrutins, y compris ceux qui touchent à la Haute assemblée. Vous avez cité Eugène Pierre pointant le risque de « voter par complaisance ou par hostilité au lieu de voter dans le but de servir l'intérêt général ». Eh bien, j'ai le sentiment que le vote intervenu au Sénat était d'abord de complaisance. Je n'ai vraiment pas le sentiment que le « rab » que se sont octroyés les sénateurs serve l'intérêt général. J'avais, hélas, pensé de même lorsque, pour nous faire accepter le raccourcissement de la durée du mandat sénatorial, on nous avait imposé d'accroître de manière considérable le nombre de sénateurs. Oui, nous pouvons ici avoir un avis sur l'organisation des élections sénatoriales...

M. Jacques Brunhes - Nous le devons !

M. Bruno Le Roux - En effet. Nous pouvons émettre des votes qui fassent ensuite l'objet de débats à la Haute assemblée.

Avec le texte proposé, tous les sénateurs bénéficieraient d'une année de plus, c'est-à-dire que ceux élus sous le régime du mandat de neuf ans, soit 83% d'entre eux, seraient élus pour dix ans et ceux élus en 2004 sous le régime du mandat de six ans le seraient pour sept ans ! Cette prorogation générale, décidée par les sénateurs eux-mêmes, est en flagrante contradiction avec la loi organique du 30 juillet 2003 qui réduisait leur mandat à six ans. Nous ne pouvons donc pas y être favorables.

Le calendrier électoral doit être adapté de manière simple, claire et ponctuelle, pour avoir le moins de conséquences possibles sur la durée des mandats en cours, donc le calendrier des futurs scrutins, tant on ne peut préjuger de l'avenir. Il peut y avoir des dissolutions, nous le savons. Une réforme institutionnelle peut aussi intervenir : il ne m'étonnerait pas que des candidats à l'élection présidentielle en proposent quelques-unes.

Bref, occupons nous uniquement de 2007. Cela éviterait calculs, cadeaux indignes, manipulation de nos institutions et de notre démocratie.

Le report en 2008 des élections locales et sénatoriales prévues en 2007 entraîne des effets en cascade. Ainsi le mandat des conseillers généraux élus en 2004 se trouve porté à sept ans afin, selon l'exposé des motifs, de maintenir le renouvellement des conseils généraux par moitié tous les trois ans. Cette solution, qui conduit à modifier la durée d'un mandat qui n'arrive pas à échéance en 2007, et ne devrait donc pas a priori être concerné par cet aménagement du calendrier, remet en question l'impératif constitutionnel de consultation des électeurs selon une périodicité régulière et le principe d'intangibilité de la durée d'un mandat en cours, sans justification objective ni proportionnée à l'objectif. Elle conduit en outre à faire disparaître pour l'avenir la concomitance des élections locales. Les élections régionales seraient ainsi isolées, une moitié des conseillers généraux étant élue en même temps que les conseillers municipaux, l'autre moitié étant dorénavant elle aussi isolée. Voilà encore un mauvais coup porté à la mobilisation du corps électoral, et donc à la vivacité de notre démocratie. La multiplication des consultations électorales nuit en effet à la participation des électeurs. Par ailleurs, ce découplage des élections locales va à l'encontre du regroupement des élections, objectif largement partagé.

La solution que nous proposons par voie d'amendements maintient l'organisation conjointe des cantonales, tantôt avec les municipales, tantôt avec les régionales. Notre calendrier présenterait également l'avantage de rationaliser et légitimer l'élection sénatoriale. En effet, les conséquences des municipales sur les sénatoriales seraient ainsi directement prises en compte à partir de 2013. Le Sénat, renouvelé à ce moment-là par moitié, prêterait moins le flanc aux critiques permanentes sur sa légitimité et sa représentativité.

Cela dit, il reste beaucoup à dire, et encore plus à faire, pour moderniser la Haute assemblée. Dès que les circonstances politiques le permettront, il faudra engager les révisions institutionnelles nécessaires pour la rendre plus représentative et plus démocratique dans le cadre d'un bicamérisme rénové.

M. le Rapporteur - Il faudra un vote conforme des deux assemblées !

M. Bruno Le Roux - Nous n'avons pas déposé d'exception d'irrecevabilité sur ce texte, afin de ne pas alourdir le débat. Mais nous n'excluons pas d'exercer un recours devant le Conseil constitutionnel.

En attendant, vous seriez bien inspirés de retenir les propositions socialistes, qui ont le mérite de régler le problème du calendrier tout en évitant la complexité que je viens de mettre en évidence. Elles répondent à une double exigence, à laquelle vous ne sauriez vous soustraire : consacrer l'antériorité des élections municipales sur les élections sénatoriales et ensuite modifier, a minima, le calendrier électoral initialement prévu en conservant les délais nécessaires à la bonne organisation des scrutins.

Nous proposons donc de reporter les élections municipales et cantonales à octobre 2007 et les élections sénatoriales à janvier 2008. Dans le même temps, nous proposons que ces mandats, prorogés respectivement de six et quatre mois, s'achèvent ensuite aux dates initialement prévues, ce qui permettrait de ne pas avoir à modifier le calendrier futur des élections sénatoriales, municipales et cantonales.

Fixer les élections municipales et cantonales en octobre 2007 s'avère techniquement et politiquement possible, tout comme le renouvellement de la série A sénatoriale en janvier 2008. Ce calendrier aurait aussi le mérite de maintenir la concomitance des élections locales et de ne pas bouleverser le rythme des consultations électorales postérieures à la séquence 2007-2008.

Cette adaptation minimale du calendrier répond clairement à l'avis du Conseil d'Etat, qui avançait l'idée d'un « report limité des élections locales », et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Elle respecte en effet les conditions constitutionnelles fort opportunément rappelées par le rapporteur : respecter une périodicité raisonnable des scrutins, garantir le caractère exceptionnel et transitoire des modifications apportées, proportionner l'ampleur des modifications avec l'objectif recherché et l'importance des enjeux.

Toutes ces conditions ne sont, hélas, pas respectées aujourd'hui avec ce vote conforme que le Gouvernement veut, sous pression sénatoriale, imposer à notre assemblée. D'abord, Monsieur le ministre, vous ne respectez pas la périodicité raisonnable des scrutins en prorogeant d'un an non pas un, voire deux mandats, mais carrément six ! Ensuite, vous faites fi du caractère exceptionnel et transitoire des modifications à apporter au calendrier exceptionnellement chargé de 2007 en modifiant l'ensemble du calendrier des élections à venir après 2008 ! Enfin, l'ampleur des modifications proposées n'est pas proportionnée au simple objectif d'aménager l'agenda des élections locales et nationales de l'année 2007.

Monsieur le ministre, vous avez compris que nous voulons d'une part respecter la règle constitutionnelle qui veut que le Sénat soit renouvelé sur la base d'un corps électoral rafraîchi, d'autre part, ne prévoir que la prorogation strictement nécessaire à la bonne organisation du renouvellement des mandats. Puisque deux mandats sont en question, ne modifions que ce qui a trait à ces deux-là, sans toucher au reste !

Vous avez encore la possibilité de dire que ce qui a été fait au Sénat n'est pas raisonnable et que des bornes ont été franchies. Vous pouvez opter pour une prorogation minimale, celle compatible avec une bonne organisation des élections, et proposer donc que les mandats des sénateurs soient augmentés de trois mois et ceux des conseillers municipaux et généraux de six mois. Je serais curieux de savoir si les sénateurs oseraient refuser ce calendrier, simplement parce que nous ne leur aurions pas accordé, à tous, une année supplémentaire et un mandat de dix ans !

La réforme est entre vos mains, Monsieur le ministre ! Si vous allez dans cette voie, nous sommes prêts à vous soutenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilles Artigues - A situation exceptionnelle, décisions exceptionnelles. Si l'année 2006 ne connaîtra pas de scrutin, il n'en sera pas de même pour l'année 2007, où pas moins de cinq élections devraient se dérouler entre mars et septembre : élections municipales, renouvellement de la moitié des conseillers généraux, élection présidentielle, élections législatives et enfin renouvellement du tiers du Sénat. Il est inconcevable de procéder à tous ces scrutins la même année. C'est donc au Parlement qu'il revient d'étaler dans le temps ce calendrier.

Dans ses observations du 7 juillet 2005, le Conseil constitutionnel remarque qu'une telle concentration de scrutins sollicite à l'excès le corps électoral et fait peser sur les pouvoirs publics une charge trop lourde. De fait, les convocations trop fréquentes du corps électoral en une période aussi courte conduiraient inévitablement à une désaffection des bureaux de vote pour certains scrutins. Et les charges financières induites par l'organisation de ces scrutins seraient très importantes. Organisation matérielle, gestion des comptes de campagne, risque d'abstention : autant de raisons qui militent en faveur du report.

Le Conseil constitutionnel fait également remarquer que les élections locales auraient lieu en plein recueil des parrainages pour l'élection présidentielle, avec tous les risques que cela pourrait comporter, aussi bien pour la vérification de la validité des mandats que sur le nombre de candidats habilités, puisque il pourrait y avoir deux générations de « parrains ».

Le Conseil a donc recommandé de reporter les élections locales et par conséquent les élections sénatoriales.

Par ailleurs, la pratique républicaine, constante depuis 1893, consiste à reporter à une date ultérieure les élections les moins importantes et à organiser à la date prévue les plus importantes, en l'occurrence les élections présidentielle et législatives, qui auront bien lieu, dans cet ordre-là, en 2007.

Comme il est clair que ces projets de loi ne vont pas passionner nos concitoyens, plus sensibles à la résolution de leurs problèmes qu'à notre cuisine électorale, et comme en plus le résultat est acquis depuis longtemps, je souhaite profiter de cette discussion pour alimenter la réflexion sur nos institutions.

Et tout d'abord souligner que le Parlement n'est pas suffisamment associé aux grandes décisions, qu'elles soient prises à l'Elysée ou à Matignon. C'est pour nous, députés, une humiliation permanente. Nous l'avons connue lors des ordonnances sur l'emploi ou à propos du processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Les rôles de chacun doivent donc être redéfinis et surtout respectés. Le Président de la République, élu au suffrage universel, doit être un rassembleur, porter une vision et être le garant de l'intérêt général. Le Premier ministre et le Gouvernement doivent mettre en œuvre les orientations de politique générale. Le Parlement doit quant à lui être renforcé dans ses pouvoirs de contrôle du gouvernement et de l'administration et surtout avoir une réelle initiative de la loi. Comme le dit François Bayrou, « le Parlement ne s'use que si l'on ne s'en sert pas ».

Par ailleurs, nos assemblées ne sont pas du tout représentatives de la diversité française. Dans cet hémicycle, les femmes sont en nombre insuffisant, on trouve quelques jeunes, mais peu ou pas de personnes d'origine étrangère, d'ouvriers, d'employés, de chercheurs, de patrons de petites entreprises, d'hommes ou de femmes handicapés, dont le vécu quotidien serait bien utile pour faire avancer la loi. Pour réduire cette fracture entre le peuple et les élus, il y a urgence à changer le mode d'élection. Pour ce faire, l'UDF a toujours été favorable à l'instauration d'une dose de proportionnelle pour les élections législatives, considérant qu'il faut un scrutin qui représente à la fois les territoires et les courants d'opinion. Il est trop tard pour mettre en place cette réforme pour 2007. C'est dommage.

Cette occasion ratée vient s'ajouter à tant d'autres au cours de cette législature, où les lois de décentralisation se sont limitées à des transferts de compétence, pas toujours accompagnés des transferts de financements correspondants. Nous attendions en réalité une simplification, afin que nos concitoyens s'y retrouvent. Dans ce cadre, le regroupement région-département aurait été le plus naturel à opérer.

Il faudra bien aussi un jour nous poser la question de la limitation des mandats dans le temps et celle de l'âge de la retraite en politique, qui n'a aucune raison de ne pas être aligné sur celui de l'ensemble de nos concitoyens, dans l'entreprise.

M. Léonce Deprez - La politique n'est pas un métier !

M. Gilles Artigues - Le groupe UDF tenait à rappeler ces points essentiels, même si les projets qui nous sont présentés ce soir, l'un ordinaire, l'autre organique, ne vont pas aussi loin.

Si la prorogation des mandats de conseillers municipaux et généraux n'a pas suscité de discussions passionnées, celle du mandat des sénateurs prête, elle, plus à débat. S'il paraît en effet légitime que ce soit un corps électoral renouvelé qui participe à l'élection des sénateurs et donc que les élections sénatoriales se déroulent en 2008, le report des échéances suivantes en 2011 et 2014 est plus discutable. Il repose toutefois, juridiquement, sur l'idée que le suffrage indirect ne trouve sa pleine légitimité que lorsque son expression est la plus proche possible de l'élection des grands électeurs au suffrage universel, le caractère universel du suffrage prévalant alors sur son caractère indirect. Pour ne pas avoir des sénateurs élus pour cinq ans, il fallait décaler les échéances futures.

Cela étant, je ne sais si en ces temps de difficultés budgétaires et de désaveu de la classe politique par l'opinion publique, il est de bon aloi d'octroyer à certains des mandats de dix ans. Il convient aussi de rappeler que le Sénat n'a pas fait preuve d'une grande sagesse en augmentant, dans la loi de 2003, le nombre de sénateurs, au nom d'un nouvel équilibre démographique qui n'a pas trouvé sa contrepartie dans une quelconque diminution du nombre de sénateurs des ressorts géographiques ayant connu une baisse sensible de leur population.

En conclusion, c'est uniquement pour respecter une tradition républicaine consistant à ne pas polémiquer au-delà du raisonnable sur des questions électorales relatives à l'autre Assemblée que, sans enthousiasme et avec beaucoup de réserves, le groupe UDF votera ces deux projets.

M. Raoult remplace M. Warsmann au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

M. Guy Geoffroy - Ce débat ne passionnerait pas les foules, a dit l'orateur précédent. Cela n'a aucune importance ! En revanche, il est important de ne pas laisser se répandre dans l'opinion un sentiment très incertain sur ce que nous sommes en train de faire. Peut-être nos concitoyens ne s'y intéressent-ils pas, peut-être n'y comprennent-ils pas grand-chose, mais peut-être aussi s'y intéressent-ils et n'acceptent-ils pas que nous soyons régulièrement amenés à modifier les dates de nos élections - et cela presque toujours en allongeant les mandats, ce qui peut laisser penser que nous agissons en fonction de nos intérêts et non du bien commun.

Incontestablement, le calendrier 2007 est impossible et nous avons donc à faire des choix. Résoudre la difficulté en modifiant les dates des élections municipales et cantonales est sans doute la meilleure solution. Ce qu'avait proposé le Gouvernement était simple, équilibré et assez consensuel et nos collègues sénateurs auraient été mieux avisés de l'accepter. Néanmoins, il serait injuste de dire qu'ils n'étaient pas fondés à approfondir la réflexion, même si un Sénat dont 83% des membres auront un mandat de dix ans est un résultat plutôt malheureux, très peu de temps après la décision de ramener le mandat des sénateurs à six ans.

Par lucidité, et non sous la menace de qui que ce soit, il nous paraît sage d'en rester au texte qu'ils nous proposent. Mais au-delà, je propose qu'on réfléchisse aux moyens de mettre un terme à ces changements de calendrier de plus en plus fréquents. En 1973 déjà, considérant qu'il n'était pas souhaitable d'organiser deux élections le même jour, on avait reporté les élections cantonales en septembre, les élections législatives étant maintenues en mars. Puis il y a eu le report des élections cantonales de 1985, qui a donné aux élus un mandat de sept ans ; le report des élections municipales de 1995, lequel a prolongé le mandat des conseillers municipaux élus en mars 1989, mais s'est accompagné d'un raccourcissement de celui des conseillers élus en juin 1995, ce qui a permis d'en rester à une durée moyenne de six ans ; et à nouveau un allongement à sept ans du mandat des conseillers généraux élus en 1994. Nous nous apprêtons à prolonger à nouveau d'un an le mandat des conseillers élus en 2001, alors qu'il s'agit des mêmes cantons - où il y aura donc eu à la suite deux mandats de sept ans au lieu de six. On ne peut continuer ainsi, et il faut donc trouver des solutions.

M. Bruno Le Roux - Très bien.

M. Guy Geoffroy - Bien sûr, personne ne souhaite que le mandat d'un Président de la République soit écourté, mais rien n'empêche qu'il le soit. Ce fut déjà le cas en 1969 pour cause de démission et en 1974 pour cause de décès. Dans la loi organique de 2001, nous avions décidé d'inverser l'ordre des élections présidentielle et législatives, mais cela ne valait que pour 2002. Nous sommes donc, sur les calendriers futurs, dans une incertitude à laquelle il faudra mettre un terme. Il faudra faire en sorte que tout cela soit beaucoup plus lisible dans l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Luc Warsmann - Dans le passé, les difficultés du type de celle que nous rencontrons pour 2007 ont été résolues par la prolongation de quelques mois des mandats locaux - conseillers municipaux ou conseillers généraux - associée à la réduction d'autant des mandats suivants : ce fut le cas pour les reports de mars à octobre 1967, de mars à octobre 1973, de mars à septembre 1988 et de mars à juin1995. Ainsi le calendrier n'était pas perturbé.

Cette fois-ci, le Gouvernement propose de reporter d'un an les élections municipales et de repousser le renouvellement des sénateurs prévu en septembre 2007 à septembre 2008. Il a voulu bien faire, mais trop bien faire. En outre, le Sénat a cru bon d'adopter un amendement reportant les renouvellements sénatoriaux prévus en 2010 et 2013 à 2011 et 2014. Autrement dit, il s'est auto-prolongé d'un an, en fixant à dix ans la durée du mandat de plus de 80% de ses membres. Je suis en opposition totale avec ce type de disposition, pour des raisons de fond et de forme ; je l'ai dit en commission et je regrette infiniment que les amendements que j'avais déposés n'aient pas été adoptés, d'autant que je suis persuadé que la quasi-totalité de mes collègues députés sont d'accord avec mes arguments, y compris dans mon groupe.

Tout d'abord, il est contraire aux principes démocratiques qu'une assemblée s'auto-prolonge d'un an. Le Sénat lui-même, lors de la discussion de la loi de 2001 sur l'inversion du calendrier électoral qui avait pour effet de prolonger de deux mois la durée du mandat des députés, l'avait relevé ; je ne résiste pas à la tentation de vous citer un extrait du rapport de M. Christian Bonnet, membre de la majorité sénatoriale : « Le mandat des députés n'a été prorogé qu'à deux reprises au cours du XXe siècle, en 1918 et en 1940, dans ces circonstances dramatiques qui contrastent singulièrement avec la légèreté des motifs invoqués dans le cas présent »...

En second lieu, il n'existe aucun pays démocratique où des parlementaires ont un mandat de dix ans. La commission des lois du Sénat avait effectué une étude de droit comparé sur neuf pays qui faisait apparaître que le mandat le plus long était celui de conseillers municipaux bavarois, qui était de six ans ! Un mandat de dix ans est contraire à tous les principes républicains. Il n'en a existé qu'une seule fois dans l'histoire de notre pays : c'était le mandat que s'était octroyé Louis-Napoléon Bonaparte après le coup d'Etat du 2 décembre 1851 !

Je suis également opposé à ces projets de loi pour des raisons de forme. C'est la troisième fois que le Sénat vote des dispositions pour le moins contestables, que l'on nous demande d'avaliser (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe socialiste). Le Sénat s'est ainsi arrogé avec la loi du 2 juillet 2003 un privilège d'extraterritorialité en matière d'urbanisme, pour le jardin du Luxembourg : c'était honteux, mais nous avons entériné cette disposition en toute discrétion.

M. Jacques Brunhes - Ce n'est pas nous, c'est l'UMP !

M. Jean-Luc Warsmann - Avec la loi du 30 juillet 2003, il s'agissait d'adapter le nombre de sénateurs élus dans chaque département et nous avons dû voter une augmentation de vingt-cinq sièges. C'est indécent, quand les mêmes personnes nous assènent qu'il faut modérer les dépenses de l'Etat !

Mme Marie-Jo Zimmermann - Exactement !

M. Jean-Luc Warsmann - J'ai expliqué à mon groupe combien j'étais hostile à cette disposition et je n'ai pas siégé le jour du débat : je le regrette infiniment, car si nous avions été nombreux à protester publiquement, nous n'en serions pas là aujourd'hui (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP). Mais nous nous sommes tus et la loi a été votée. C'est le Conseil constitutionnel qui a tiré la sonnette d'alarme en remarquant que l'objectif d'adapter le nombre des sénateurs à la population des départements pouvait être atteint sans augmenter le nombre de sièges. Et nous voici amenés aujourd'hui à voter cette auto-prolongation d'un an. Cette fois, nous devons être le plus grand nombre possible à dire que trop, c'est trop !

On nous explique également que l'Assemblée doit voter ce texte conforme, sans quoi le Sénat, en votant la question préalable, empêcherait l'expression démocratique en 2007 en désorganisant le calendrier électoral. Honte à ceux qui oseraient exercer un tel chantage sur le Gouvernement et sur les institutions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Dans les droits et devoirs des députés, il existe une liberté, celle du vote : je l'exercerai en ne votant pas ce projet tel qu'il nous revient du Sénat. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Derosier - Modifier les dispositions électorales constitue toujours un acte politique important, qu'il s'agisse du mode de scrutin, de la durée du mandat, de la définition de la circonscription, ou du calendrier. C'est dire combien ce débat doit être engagé avec la volonté de résoudre, en respectant les règles démocratiques, le problème posé.

Celui que constitue l'augmentation du nombre des élections n'a été réglé ni par la droite ni par la gauche : aux élections législatives, municipales et cantonales sont venues s'ajouter la présidentielle en 1965, les européennes en 1979 et les régionales en 1985, et inexorablement, un jour, les élections des conseils d'agglomération.

Peut-on imaginer que toutes les élections se tiennent le même jour, comme aux Etats-Unis ? Les Français ne seraient pas prêts à s'engager dans cette voie. Peut-on imaginer un regroupement des élections locales ? Nous l'avons tenté en 1990.

Les propositions du Gouvernement, ou plus précisément, le texte qui nous est imposé par le Sénat répond-il au besoin de transparence, de simplification et surtout de démocratie de nos concitoyens ? Assurément pas ! Le problème était certes réel. L'encombrement du calendrier électoral de 2007 aurait empêché les électeurs de s'informer correctement des enjeux de nature différente que recouvrent chacun de ces scrutins. Les élections municipales placées en mars pouvaient en outre affecter la préparation de la présidentielle.

A cet égard, en tant que défenseur du système parlementaire, je trouve irritant d'entendre certains de nos collègues affirmer dans cet hémicycle que l'élection présidentielle est l'élection majeure de notre République. Aucune élection ne l'est et les législatives sont au moins aussi importantes que la présidentielle, car c'est le Parlement qui vote la loi et décide de l'organisation de notre société !

M. le Rapporteur - Et pourtant, vous avez voté l'inversion du calendrier !

M. Bernard Derosier - Rien n'empêche le Président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale, Monsieur le rapporteur.

En tout état de cause, la collecte des parrainages des candidats à la présidentielle aurait été perturbée par le renouvellement des conseils municipaux. L'aménagement du calendrier était donc dicté par la sauvegarde de l'intérêt général et par le respect de la démocratie.

Malheureusement, les moyens que nous propose le Sénat sont contraires au but poursuivi. Pourtant, un faible décalage des élections municipales, cantonales et sénatoriales aurait constitué une réponse satisfaisante. Le Gouvernement, je le regrette, n'a pas choisi cette voie.

Si les dispositions que nous examinons aujourd'hui venaient à être adoptées, le rythme électoral de notre démocratie locale serait bouleversé durablement et le Sénat confirmé dans son rôle d'assemblée conservatrice.

Le Sénat aurait pu ne pas être concerné, son renouvellement partiel n'étant prévu qu'en septembre 2007. Il n'aurait pas été choquant que les grands électeurs soient en fin de mandat, qui plus est, prolongé. Pour leur part, le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel ont rappelé que la prolongation des mandats doit être limitée dans le temps, et à ce qui est strictement nécessaire à la bonne organisation des opérations électorales.

En prolongeant d'un an le mandat des conseillers municipaux élus en 2001 et celui des conseillers généraux élus en 2001 et 2004, le projet de loi ordinaire fait peu de cas de cette nécessaire respiration de la démocratie locale que sont les élections. Monsieur le ministre, vous qui vous targuez - à juste titre - d'être un élu local, vous devriez être sensible à cet argument. Au contraire, vous laissez en jachère les majorités municipales et départementales pendant sept ans. Doit-on rappeler que le septennat présidentiel a été supprimé en raison de sa durée excessive et que, pour les mêmes raisons, le mandat sénatorial a été ramené de neuf à six ans ? Le Gouvernement a d'ailleurs fait preuve de largesse en n'hésitant pas à proroger le mandat de l'ensemble des conseillers généraux. Les élections locales seraient-elles donc un curseur, déplaçable en fonction des nécessités nationales ?

Le regroupement des élections locales, réalisé en 1990, permettait de lutter efficacement contre l'abstention. Mais M. Pasqua ayant décidé d'annuler l'élection unique des conseillers généraux, il devenait impossible d'atteindre un tel objectif. Monsieur Chartier, nous proposerons par amendement, et en cohérence avec nos arguments, de rétablir ce calendrier.

La seule justification du report des élections municipales et cantonales repose sur des contingences financières, liées à la mobilisation difficile des moyens matériels et humains disponibles. Mais comment accepter de subordonner l'essentiel à l'accessoire, surtout lorsqu'un report à octobre 2007 permettrait aisément de dépasser ces difficultés ?

Le dispositif proposé aura pour conséquences de reporter à 2014 l'effet complet de la loi organique portant réforme de la durée du mandat des sénateurs et d'instaurer des mandats temporaires d'une durée de dix ans.

Le Conseil constitutionnel a rappelé que le report des élections locales pose naturellement la question du report des élections sénatoriales. Dans ces conditions, les sénateurs ont choisi - avec l'aval du Gouvernement - de reporter les renouvellements sénatoriaux de 2007, 2010, 2013, qui concernent plus des trois quarts des sénateurs !

Le groupe socialiste propose de repousser ces élections de quelques semaines, le mandat de la série élue en 2007 voyant sa durée réduite de quatre mois seulement. Je vous propose de suivre cette proposition de sagesse.

Nous avons déposé des amendements et j'ose espérer que, dans sa sagesse, l'Assemblée nationale les votera. Nous ne voudrions pas, sur un texte si important, passer sous les fourches caudines du Sénat. Les sénateurs, qui ont ainsi organisé leur carrière avec l'aval du Gouvernement, risquent de bénéficier maintenant de l'appui de la majorité de l'Assemblée nationale, malgré les réserves de M. Warsmann, dont les propos ont été applaudis, et les préconisations de M. Chartier. Quoi qu'il en soit, je ne désespère pas : il est encore possible de reconsidérer ce projet. En l'état, nous ne pouvons l'accepter, sauf si vous votez nos amendements. Puisque le chantage a fonctionné au Sénat, pourquoi ne pas l'essayer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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