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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 41ème jour de séance, 93ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 7 DÉCEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY

vice-président

Sommaire

      PROJET DE LOI DE FINANCES
      RECTIFICATIVE POUR 2005 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 20

      ARTICLE PREMIER 24

      APRÈS L'ARTICLE PREMIER 24

      ART. 2 25

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 8 DÉCEMBRE 2005 27

La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.

PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2005

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2005.

M. Augustin Bonrepaux - Je ne reprendrai pas l'excellente démonstration de M. Migaud, mais je rappellerai qu'entre 1997 et 2002, les comptes de la France répondaient aux critères de Maastricht et que les comptes de la sécurité sociale étaient équilibrés. Et l'audit que vous avez commandé annonçait un déficit de 2,6 % à la fin de 2002. Or, vus n'avez cessé de dépasser les 3 % et cette année vous ne revenez à 3 % que grâce à la soulte Télécom. La croissance est très inférieure à ce qu'avait prévu M. Sarkozy. Les prix du pétrole se sont envolés mais vous avez refusé de tenir compte des conséquences sur la facture des ménages. Le pouvoir d'achat est en berne et inférieur à ce qu'il était en 2002. Quant au chômage, vous savez bien que sa baisse est artificielle, la progression de l'emploi salarié étant de 0,3 % seulement, tandis que les défaillances d'entreprises progressent fortement.

Au total, la lecture du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2006 conduit à une remise en cause générale de toutes les prévisions et hypothèses présentées par M. Sarkozy. Vous pourriez dire à juste titre, Monsieur le ministre, que la situation que vous a léguée votre prédécesseur est calamiteuse.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - Je l'aurais dit s'il s'était agi de M. Fabius !

M. Augustin Bonrepaux - Le déficit pourrait donc au mieux atteindre 3 % du PIB. Quant à la dette, vous qui souhaitez donner des leçons de gestion, vous n'avez pas de quoi être fier : elle a crû de 17 % sous les gouvernements Balladur et Juppé et explosé depuis 2002. Et vos mauvaises recettes, vous voulez à présenter les imposer aux collectivités locales : vous leur transférez des charges, tout en leur interdisant d'augmenter leurs recettes - bref, vous les poussez à l'emprunt. Mais les élus sont plus responsables que certains ministres : ils refuseront d'endetter leur collectivité, ce qui laisse mal augurer des investissements et du fonctionnement des services publics.

Quelles mesures proposez-vous dans ce collectif ? Trois articles intéressants concernent les collectivités locales, que vous êtes en train d'étrangler, notamment avec le plafonnement de la taxe professionnelle. Ces articles reconnaissent qu'il y a eu erreur d'interprétation dans les évaluations, et cela comme toujours, à l'avantage du Gouvernement. Cela prouve que nous avions raison lorsque nous avons dénoncé le transfert précipité du RMI, lorsque nous disions que la TIPP n'était pas une ressource évolutive et qu'il se produirait un transfert des charges de l'Etat vers les collectivités locales.

Le détail des comptes montre qu'il existe de fortes disparités entre les départements et que certaines situations sont graves. Les 29 millions qui seront compensés au département du Nord ou les 16 millions au département du Pas-de-Calais pour rattraper l'année 2004 donnent la mesure du déficit qui s'annonce pour 2006.

Pourtant, vous ne voulez pas prendre en compte les propositions de la commission consultative d'évaluation des charges, puisque vous refusez d'intégrer le déficit dans la masse. Ce déficit a doublé en 2005 parce que le nombre de érémistes a augmenté et que le Gouvernement a décidé une augmentation de 1,8 % du RMI.

Pour un département comme l'Ariège, le déficit est de 2,5 millions, soit 5 points d'impôts - il y a deux semaines, je vous annonçais que le déficit était de 2 millions, mais depuis, j'ai eu connaissance des comptes de novembre. Avec le plafonnement de la taxe professionnelle, cela fera 8,75 % de majoration des impôts pour les ménages.

Par ailleurs, la compensation de la TIPP est inférieure à ce qu'elle était lors du transfert en 2003. Quand prendra-t-on conscience que vous ne respectez pas les règles constitutionnelles ?

L'article 3 montre que le problème est le même pour les régions, à qui l'on doit 43 millions. Si les décisions avaient été prises l'année dernière, la hausse des impôts aurait été limitée. Si vous persistez dans cette voie, assumez les augmentations futures !

Non contents d'avoir baissé l'impôt sur le revenu et sur la fortune, vous vous en prenez aujourd'hui à l'épargne ; pas aux actions, en faveur desquelles vous prenez des mesures fiscales, mais à l'épargne réglementée. Le taux du livret A a été baissé autoritairement à 2 %.

M. Philippe Auberger - Il va augmenter en février !

M. Augustin Bonrepaux - De 0,25 %, parce que les taux remontent ! Mais le gain sera nul pour les contribuables.

M. le Ministre délégué - Vos amis ont voté pour !

M. Augustin Bonrepaux - Quand vous présentez des amendements dans la précipitation, il peut en effet arriver qu'un de nos camarades se trompe à une heure tardive.

M. le Ministre délégué - Je transmettrai votre analyse !

M. Augustin Bonrepaux - Vous révisez l'épargne réglementée, qui bénéficie aux plus modestes, pour distribuer injustement vos largesses à des privilégiés. Et si vous faites des promesses, il reviendra à vos successeurs de les tenir.

S'agissant enfin de la taxe sur les billets d'avion, on a bien vu l'enthousiasme qu'a suscité sur les bancs du groupe UMP ce geste en faveur de la solidarité ! Vos collègues ne semblent guère habitués à ce type de discours... Si la mesure a pu être adoptée en commission, c'est en effet grâce au groupe socialiste, qui continuera à refuser tous les amendements de suppression déposés par vos amis.

Il n'en reste pas moins que cette taxe ne suffit pas : il faudrait taxer à nouveau les transactions financières en vue de lutter contre la spéculation et dégager des moyens supplémentaires. Or, vous ne voulez pas en entendre parler !

Nous voterons donc contre ce projet de loi de finances rectificative.

M. Charles de Courson - S'agit-il, mes chers collègues, d'un projet de loi de finances rectificative qui ajuste les dépenses aux recettes prévues en loi de finances initiale, ou bien d'une loi fourre-tout, qui reprend ce que vous n'avez pas pu introduire dans le budget pour l'an prochain ?

Nous ne pouvons accepter une telle multiplication d'amendements, Monsieur le ministre, surtout qu'ils ne sont pas des moindres, puisqu'ils s'élèvent à 400 millions d'euros pour la prime de Noël, 2,5 milliards pour la dette reprise au FFIPSA et un milliard pour la TVA sur les péages autoroutiers. Je voudrais souligner d'ailleurs que c'est par la presse que nous avons eu connaissance de cet amendement - bel exemple de transparence !

Sur le fond, vous ne tenez pas suffisamment compte des incertitudes de la conjoncture, puisque vous maintenez votre prévision de croissance à 1,7 % en volume. Certes, l'acquis de croissance s'élève à 1,4 %, si bien qu'il suffirait de 0,35 point au quatrième trimestre pour réaliser votre objectif. Mais d'après l'INSEE, la consommation des ménages a chuté de 0,6 % en octobre et l'indice de confiance s'est effondré en novembre, sans doute à cause de la crise des banlieues. Quant à l'investissement des entreprises, il ne croît pas assez, et nos exportations souffrent d'une perte de compétitivité de la France. Nous pensons donc que la prévision de croissance est surestimée d'environ 0,2 point, comme l'indiquent l'OCDE et la Commission européenne. Votre évaluation des pertes de recettes fiscales, d'environ 2,8 milliards d'euros, n'est sans doute pas déraisonnable, mais un milliard d'euros supplémentaire pourrait manquer.

Vos « recettes de poche », les recettes non fiscales, me semblent en revanche bien plus contestables : afin de compenser la chute de 750 millions d'euros des cessions du patrimoine immobilier de l'Etat, vous prélevez 600 millions d'euros sur la COFACE et une somme équivalente au titre du reversement de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat.

S'agissant des dépenses publiques et du solde budgétaire, vous ne parvenez à tenir vos objectifs qu'au moyen d'annulations massives de crédits, qui frappent sept fois plus les dépenses d'investissement que celles de fonctionnement. En effet, 1,5 % des crédits de fonctionnement seraient annulés, contre 5,3 % des crédits d'investissement, et 98 % des ouvertures de crédits concernent les dépenses de fonctionnement, soit 2,2 milliards d'euros. Les annulations nettes, une fois les ouvertures prises en compte, touchent donc 0,8 % des crédits de fonctionnement et 5,3 % des crédits d'investissement. La dérive des finances publiques, mes chers collègues, conduit donc vers toujours moins d'investissement et toujours plus de dépenses de fonctionnement. Il ne reste plus aujourd'hui que 16 milliards d'euros d'investissement civil, soit 5,6 % du budget de l'Etat !

Au total, la réduction du déficit prévue par ce projet de loi de finances rectificative s'élève donc à 1,1 milliard d'euros, et la réduction nette des dépenses permettra de compenser une perte nette de recettes d'environ 2,2 milliards.

J'en viens maintenant au volet fiscal, qui soulève sept problèmes, dont le traitement conditionnera le vote du groupe UDF.

Premièrement, il ne nous semble pas possible d'adopter en l'état la taxe de solidarité sur les billets d'avion, compte tenu de la position de nos partenaires européens. Si nous sommes tous d'accord sur l'octroi de 200 millions d'euros à la lutte contre les pandémies, il suffirait d'annuler des crédits prévus au titre d'autres missions de l'Etat. Une taxe, en revanche, ne peut être appliquée que dans un cadre communautaire, sauf à être anti-économique. Selon les estimations disponibles, son instauration dans notre seul pays conduirait à une perte de richesse de cent millions d'euros et à une destruction de 3 000 emplois. J'ajoute que cette taxe serait discriminatoire : pourquoi l'appliquer seulement au transport aérien, et non au TGV, qui lui est substituable ?

Deuxièmement, l'amendement relatif à la TVA sur les péages autoroutiers vise à inverser la règle de droit commun. En effet, quand une entreprise se trompe dans une facturation de TVA, elle supporte la charge de son erreur, comme le veut la logique. Or, vous proposez de faire payer à leurs clients le prix de l'erreur commise. Et cela malgré une décision de la Cour de justice des Communautés européennes et un arrêt du Conseil d'Etat, qui annulaient une circulaire fiscale émise par Mme Parly !

Pareil amendement aurait des effets catastrophiques pour les transporteurs routiers, dont la situation financière est déjà difficile. Vous allez les mettre dans la rue ! Vous feriez donc mieux de reprendre ma proposition d'étaler dans le temps le remboursement de la dette ainsi constatée. Telle serait la voie de la sagesse.

Ma troisième inquiétude découle du transfert de 2,5 milliards d'euros de dette du FFIPSA à l'Etat. En effet, l'Etat n'avait pas repris les 3,2 milliards de dette du BAPSA lors de sa suppression, mais les avait transférés au FIPSA, qui a continué à accumuler des déficits faute de mesures de redressement. Sa dette devrait donc s'élever à 5 milliards à la fin de cette année et 6,7 l'an prochain ! Donc, vous récupérez ces 2,5 milliards de dettes et vous vous appauvrissez d'autant ! Nous le constaterons en loi de règlement. La question essentielle reste donc posée et les réponses dilatoires du rapporteur général ne nous rassurent pas : quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour donner des recettes permanentes au FFIPSA, en vue de le rééquilibrer durablement ? Il nous a été répondu que le Gouvernement « y réfléchissait »... Vous comprendrez que cela ne nous suffise pas !

Quatrième question : les finances départementales. Sous la pression des présidents de conseils généraux, vous avez complété la compensation au titre du RMI mais il a été clairement précisé que les 475 millions dégagés cette année à titre exceptionnel au titre de 2004 ne seraient pas reconduits l'année prochaine. Autant le dire tout net : dans ces conditions, nous allons à la catastrophe...

M. François Rochebloine - Eh oui !

M. Charles de Courson - Compte tenu des nouvelles prestations à financer - dont la prestation compensatoire du handicap dont les contours ne sont toujours pas définis -, la fiscalité locale risque de se ressentir des transferts de charges opérés dans le cadre de la décentralisation. Songez que dans mon département, où la fiscalité locale est la plus basse de France...

M. Michel Bouvard - Pas pour tout !

M. Charles de Courson - Et où les impôts locaux n'avaient pas augmenté pendant vingt ans, nous avons dû dégager 19 millions de recettes nouvelles au cours des deux dernières années. Nous n'avons pas prévu de nouvelle augmentation pour 2006 et 2007 mais nous ne tiendrons pas l'équilibre indéfiniment. Après l'APA et les 35 heures léguées par la gauche, nous espérions que la majorité actuelle n'alourdirait pas la facture ! Espoir déçu, et le fait que le Premier ministre reçoive les présidents de conseils généraux le 15 décembre, après que la loi de finances aura été bouclée, n'est pas de nature à nous rassurer.

Ma cinquième question porte sur la fiscalité de l'épargne : si vous allez dans la bonne direction, la distinction que vous tendez à opérer dans la taxation des plus-values selon la structure juridique de l'entreprise - société individuelle ou société de capitaux - est inéquitable. Il faut fixer un plafond homogène et non discriminant selon le statut. Autre problème : l'équilibre entre le placement direct en valeurs mobilières et le placement indirect via les PEA et l'assurance vie. A cet égard, le groupe UDF prône l'instauration d'un dispositif plus équilibré et nous avons pris acte de l'engagement du rapporteur général de défendre un amendement - qu'il sait perfectible - en ce sens. Nous ne soutiendrons la réforme de la fiscalité de l'épargne que dans la mesure où elle est plafonnée et équilibrée, pour éviter que les plus riches ne soient totalement exonérés cependant que les petits subiraient un sort moins favorable.

Sixième sujet de perplexité : la situation excessivement favorable faite aux exploitants agricoles de Corse pour le recouvrement de leurs cotisations sociales agricoles. Il est en effet prévu que leurs créances sociales et fiscales seront une nouvelle fois partiellement couvertes par l'Etat, pour un montant total certes raisonnable - 5,7 millions - mais pour la cinquième fois en quinze ans, malgré l'échec des quatre premières opérations analogues. La commission Glavany avait pourtant unanimement condamné cette politique. Dites-moi comment justifier la mesure auprès des exploitants marnais ? Je veux bien jouer les bons Républicains mais je ne voterai pas une disposition aussi manifestement contraire à l'équité fiscale entre les territoires.

Ma dernière question concerne le COREM. Un dispositif fiscal qui assimile le COREM aux pertes n'est pas fondé et ne serait justifié que dans la mesure où le bénéfice des avantages fiscaux afférents serait conditionné aux même règles que celles qui s'appliquent aux pertes. J'ai déposé un amendement en ce sens, et j'espère, Monsieur le ministre, que vous le soutiendrez.

Telles sont nos sept questions sur les mesures fiscales et elles sont, d'une certaine façon, plus importantes que la loi de finances rectificative proprement dite. Le groupe UDF déterminera son vote final en fonction des réponses qui seront apportées sur ces différents points. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Claude Sandrier - Le présent projet de loi de finances rectificative a la curieuse prétention de rompre avec la logique qui voulait que les collectifs budgétaires se présentent comme de véritables auberges espagnoles. Las, il n'a rien d'une simple loi de conclusion de la gestion de l'exercice budgétaire puisqu'il propose un nouveau train de mesures fiscales destinées à gonfler le portefeuille de catégories privilégiées de contribuables et à privilégier le capitalisme boursier au détriment d'une économie valorisant l'emploi stable et le travail correctement rémunéré.

Avant de revenir sur cet inventaire de mesures, je note qu'en faisant apparaître un creusement du déficit à 46,8 milliards, contre 45,2 milliards inscrits en loi de finances initiale, le présent projet met en doute la sincérité de vos lois de finances initiales. Je précise ce point car le Gouvernement se fait fort, assez régulièrement, de faire taire toute critique à l'égard des évaluations parfois hasardeuses auxquelles il se livre. Il s'emploie en particulier, encore cette année, à vouloir faire taire les oiseaux de mauvais augure qui, notamment à Bruxelles, pronostiquent des résultats économiques en deçà de ses prévisions très optimistes. Il est tout de même frappant que vous en appeliez aujourd'hui à la responsabilité des Français plutôt que de vous interroger sur la pertinence de vos choix politiques et budgétaires. Ainsi, pour la deuxième année consécutive, vous refusez d'augmenter la prime de Noël du taux de l'inflation !

J'ajoute que l'aggravation du déficit - attendue bien que constamment sous-estimée par Bercy - est d'autant plus préoccupante qu'elle est notamment le fruit de moins-values fiscales qui s'élèvent à 2 milliards et que l'année qui s'achève aura été marquée par des annulations de crédits records de 6 milliards. Votre politique économique est un échec mais vous demeurez « droits dans vos bottes », insensibles à l'ensemble des signaux qui devraient vous alarmer.

J'en viens à la mesure clé de ce texte : la réforme des plus-values sur les actions. Depuis quatre ans, votre majorité s'est attachée à défendre une politique de réorientation systématique de l'épargne vers les placements en actions. C'est le même choix qui nous vaut aujourd'hui la proposition d'exonérer les plus-values réalisées sur les actions détenues, au bout de huit ans. Alors que le Gouvernement et la plupart des parlementaires de la majorité n'ont jamais de mots assez forts pour se lamenter des effets néfastes de la globalisation financière sur notre économie, cela nous est invariablement présenté comme une fatalité. Il en va ainsi de la multiplication des plans sociaux et des restructurations. Or, la seule justification de ces restructurations est la désormais fameuse « création de valeur pour les actionnaires ». Les fonds de placement opèrent une pression destructrice sur l'emploi, les salaires et les investissements productifs. Et vous savez fort bien que les mesures que vous préconisez n'ont pas d'autre objet que d'alimenter cette logique. Inutile, par conséquent, de verser demain des larmes de crocodile en constatant leurs effets !

Vous êtes malheureusement fidèle à la politique menée depuis quatre ans, laquelle ne vise qu'à favoriser le capital au détriment du travail. En témoignent l'augmentation de plus de 60 % en deux ans du CAC 40 et la progression des salaires des patrons de 9 à 14 % dans la même période. Pendant ce temps, le salaire de la caissière de Carrefour n'augmentait que de 1,7 %... Nous estimons que l'Etat doit prendre ses responsabilités. En matière d'épargne, cela signifie d'abord qu'il doit garantir des taux satisfaisants à l'épargne réglementée. Cette épargne, qui n'est pas liée au rendement du travail, pourrait constituer un authentique levier du développement économique, en permettant de réorienter les masses financières disponibles vers des investissements utiles à la collectivité, pour le développement de l'emploi, de la formation, de la recherche, la construction de logements ou le rééquilibrage de nos territoires.

Las, vous ne proposez que de reverser le capital au capital et prônez la fuite en avant. Dès lors, comment apprécier l'unique mesure qu'il faut bien qualifier de généreuse de votre projet de loi, celle relative à la mise en place de la taxe sur les billets d'avion ? Quel est son poids, face à la prodigalité dont vous faite preuve avec tant d'opiniâtreté à l'endroit des plus favorisés, quand on sait qu'elle devrait rapporter au mieux 200 millions alors que la seule mesure du « bouclier fiscal » représente un coût de 400 millions, dont 250 millions au seul bénéfice des 14 000 ménages les plus aisés ? Pourquoi en faire peser le coût sur les seuls usagers et non sur les compagnies pétrolières, qui ont pourtant enregistré des profits records dans la période récente - plus de 100 milliards pour les cinq premières compagnies, dont 12 milliards pour Total. Quant à la taxe Tobin sur les transactions financières - même fixé au taux ridiculement bas de 0,1% -, elle rapporterait plus de 80 milliards, ce qui permettrait de régler les problèmes d'alimentation, d'éducation et de santé des pays les moins favorisés. Qu'est-ce qui empêche d'y recourir ? Certainement pas la complication d'un tel dispositif : il suffit de faire preuve d'un peu de volonté politique pour aboutir. En ne posant même pas la question, on n'a aucune chance de progresser et sans doute cela vous arrange-t-il.

Vous nous dites que la plupart des mesures fiscales que vous nous présentez ont vocation à renforcer l'attractivité de notre territoire. Il s'agit là encore d'une supercherie, à moins qu'il ne faille parler d'aveuglement - ou d'erreur, si l'on veut être plus indulgent.

Vous expliquez systématiquement les difficultés économiques par le niveau des prélèvements obligatoires et fustigez le caractère prétendument confiscatoire de l'impôt. La baisse des impôts constitue l'alpha et l'oméga de votre politique économique, tout en ne s'adressant d'ailleurs qu'aux plus privilégiés, dont vous assurez, sans rougir, qu'ils sont la force vive de notre pays, quand Patrick Artus explique fort bien qu'ils « ne font rien d'utile de leurs milliards et que leurs profits ne servent ni à la demande ni à l'investissement. » Encore qu'avec la TVA sur les péages d'autoroutes, vous soyez en train d'inventer l'impôt sur l'impôt !

Plus grave, votre discours traduit votre ignorance des réalités socio-économiques. Le Conseil national des impôts avait d'ailleurs dû prendre le contre-pied de vos analyses et expliquer que, pour les personnes physiques pouvant choisir la localisation de leurs activités, comme pour les entreprises, le paramètre fiscal n'était qu'un élément d'un arbitrage complexe où intervenaient également l'offre de services publics, l'organisation de la protection sociale, le coût de la vie et, surtout, le salaire offert à poste égal. Le CNI ne fait ici que dire, à demi-mot, qu'une politique sociale ambitieuse, le développement de services publics de qualité, une recherche innovante et une politique salariale dynamique sont des facteurs d'attractivité essentiels - tous progrès qui présentent en outre l'avantage de profiter à l'ensemble de nos concitoyens et non à la seule caste des privilégiés.

De même, contrairement à ce que vous prétendez, les PME indépendantes n'ont pas tant besoin de cadeaux fiscaux que de prêts à taux bonifié pour financer durablement leur activité et leurs emplois, ou de crédits pour soutenir leur recherche-développement, alors que ce sont aujourd'hui les grands groupes qui monopolisent le soutien public. Elles ont enfin besoin que les grands donneurs d'ordre arrêtent de les saigner.

Vos mesures fiscales trahissent l'étroitesse de vos grilles d'analyse, mais surtout, le peu de cas que vous faites de la recherche de l'intérêt général, du bien-être et de l'épanouissement de nos concitoyens. Sans même parler de votre désastreuse politique sociale, votre politique économique est condamnée à l'échec, notamment parce que les pertes de recettes fiscales consécutives à la multiplication des exonérations introduites ces dernières années, nuisent à ce qui fait l'attractivité de notre territoire : nos services publics, notre protection sociale, notre tissu de PME.

Ce projet de collectif ne modifie en rien votre politique budgétaire. Vous continuez d'ignorer les attentes de nos concitoyens dans le seul but d'accroître les profits des entreprises, les gains des actionnaires et le train de vie des plus favorisés.

Votre politique, qui fait se creuser les inégalités, suscite frustrations et exaspération, et au bout du compte, comme nous l'avons vu lors de la crise récente, conduit à la violence, comme l'a souligné le Père Delorme. Arrêtez de nourrir l'exaspération sociale et ses conséquences prévisibles, faute de quoi d'aucuns pourraient penser que la violence vous sert... Les cadeaux fiscaux consentis pour 2006 représentent 6,2 milliards d'euros, qui auraient pu servir à lutter contre la grande pauvreté et l'exclusion qui minent nos quartiers populaires.

Dès lors que vous avez choisi d'ignorer ces priorités, il ne vous étonnera pas que les députés communistes et républicains votent contre ce projet de loi de finances rectificative.

M. le Président - La parole est à M. Mariton.

M. Jean-Pierre Balligand - Mme Thatcher en pantalon ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe de l'UMP)

M. Hervé Mariton - La ligne générale de ce projet de collectif est simple, même s'il a été enrichi d'un grand nombre de dispositions techniques complémentaires dont la maîtrise est pour nous stimulante. Mais l'essentiel n'est pas là. Ce collectif traduit une gestion sérieuse. La consommation de trois milliards d'euros de crédits de reports permettra de commencer l'exercice 2006 de manière plus vertueuse. La dépense est par ailleurs stabilisée, grâce à la régulation budgétaire, indispensable vu la situation de nos finances publiques. Le Gouvernement respecte l'engagement qu'il avait pris de tenir la dépense. Il est certes plus facile de contrôler les dépenses que les recettes. Celles-ci s'effritent de deux milliards d'euros en 2005 - ce qui n'est qu'un moindre mal, vu la conjoncture. Il faut se féliciter que le Gouvernement, par une politique à la fois structurelle et conjoncturelle, soit parvenu à limiter cette érosion.

Le déficit d'exécution passe d'un peu plus de 45 à un peu moins de 47 milliards d'euros. S'il est donc convenablement maîtrisé, son niveau n'en demeure pas moins trop élevé. Ce déficit est supérieur à ce que notre pays peut se payer. C'est dire l'importance de l'effort de pédagogie nécessaire ! Lors de l'examen du collectif l'an passé, alors que chacun se félicitait d'une exécution en amélioration de dix milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, je m'étais permis de tempérer cet optimisme. Dans la situation actuelle de nos finances publiques, qui résulte certes d'erreurs commises en d'autres temps et que le Gouvernement parvient plutôt bien à maîtriser depuis 2002, nous ne pouvons qu'avoir un message modeste, surtout si nous voulons faire œuvre de pédagogie vis-à-vis de nos concitoyens et leur rappeler ce qui reste à faire. Il nous faut poser un diagnostic lucide et ne jamais relâcher l'effort en vue de maîtriser la dépense, le déficit et la dette. Comme y insistait, à juste titre, le rapport Pébereau, il nous faut améliorer la situation de nos finances publiques mais aussi amener nos concitoyens à partager cette préoccupation.

Le rapporteur général a évoqué tout à l'heure les polémiques apparues cet été autour de la fiscalité pétrolière. Il s'agit là d'un sujet populaire, passionnel, qui se prête bien à la pédagogie. Saisissons l'occasion pour expliquer à nos concitoyens les conditions nécessaires du rétablissement des finances publiques et les leur faire partager. Les moins-values de recettes fiscales pétrolières s'établiront à quelque cent millions d'euros d'ici à la fin de 2005. Pourtant, des mesures ont été prises en faveur du transport routier ou du monde agricole. Ces mesures sont nécessaires, d'un point de vue sectoriel. Nous aurons à débattre de la TVA sur les péages perçus par les sociétés d'autoroutes. Mais, à un moment, il faudra bien prendre en compte l`ensemble de l'effort, déjà considérable, que l'Etat consent pour le transport routier, par les dégrèvements notamment. Ces mesures peuvent se comprendre comme une manière de répartir la manne pétrolière. Mais la pédagogie a ses limites. L'an dernier par exemple, comment aurait-on pu faire comprendre à nos compatriotes que l'Etat répartissait à l'avance des plus-values qui, finalement, se transformèrent en moins-values ? L'effort pédagogique est un peu moins délicat cette année, mais il faut beaucoup de courage, si même ce n'est pas un effort insurmontable pour expliquer que, quand les recettes de l'Etat baissent alors même que les prix des matières premières augmentent, il n'y a pas grand-chose à redistribuer, sauf pour des cas extrêmes, en fonction de logiques particulières. Pour prendre l'exemple de l'aide à la cuve, qui est une bonne mesure, il faut bien expliciter ce qui relève du raisonnement économique et ce qui relève de la solidarité. En tout cas, j'en suis convaincu, il ne faut manquer aucune occasion d'expliquer les réalités financières et budgétaires.

Monsieur le ministre, ce collectif de fin d'année tient les engagements pris par l'exécutif, et c'est une bonne chose. Pour ce qui est de la compensation aux départements du surcoût lié au RMI, M. Bonrepaux dit et dira bien sûr qu'elle n'est pas suffisante, par construction. Mais ces 450 millions inscrits au collectif ne sont pas seulement la traduction financière de la décentralisation !

M. Augustin Bonrepaux - Reconnaissez que la compensation n'est pas évolutive, c'est tout !

M. Hervé Mariton - Nous n'avons pas la même vision de la décentralisation. A la vôtre on peut appliquer cette définition qu'un poète patoisant a donné du socialisme : « mi fumaï, tu païou », « je fume, tu payes ».

M. Augustin Bonrepaux - Vous, vous transférez les déficits !

M. Hervé Mariton - Vous entendez simplement changer le panneau devant un guichet ; sans mener une véritable politique dans la compétence qui vous a été transférée, vous constatez qu'elle vous coûte plus cher, et vous demandez à l'Etat de payer. C'est une conception humiliante de la décentralisation, mais c'est la vôtre.

M. Jean-Pierre Balligand - Vous ne manquez pas d'air ! Allez donc dire cela à l'ADF ! Des présidents de conseil général de votre bord disent le contraire de ce que vous dites ici.

M. Hervé Mariton - En tout cas, pour mettre un peu d'huile dans les rouages, M. Raffarin avait pris l`engagement d'accorder 40 millions de plus aux conseils généraux. Cet engagement est tenu, nous nous en félicitons. Mais il serait cohérent de ne pas engager chaque année une discussion reconventionnelle pour aligner la contribution de l'Etat sur la somme que les conseils généraux auront dépensée, sauf à risquer que certains départements enregistrent des moins-values le jour où la dépense baissera.

Autre engagement tenu, celui du Président de la République, de mieux financer l'aide au tiers monde et notamment la lutte contre le sida. Dans notre groupe, nombre de collègues pensent qu'une nouvelle taxe n'est jamais une bonne nouvelle.

M. Charles de Courson - Mais... ?

M. Hervé Mariton - Nombre de collègues pensent que la taxe proposée n'est sans doute pas parfaite.

M. Charles de Courson - Mais... ?

M. Hervé Mariton - Mais le groupe, dans sa majorité, pense que ce système a le mérite d'exister et d'être un premier pas. Face à une tragédie aussi grave que l'épidémie de sida en Afrique, nous n'avons pas le droit de ne rien faire.

Enfin, le collectif répond à l'engagement de réformer le régime fiscal des plus-values de cession. Pris en début d'année, il est tenu dans l'année même. Cela honore l'exécutif et la majorité.

Ce collectif raisonnable est une étape nécessaire avant l'exécution du budget 2006 et la préparation du projet de loi de finances pour 2007 dans lequel Thierry Breton et vous-même voulez aller vers une norme d'augmentation de 0 % en valeur. Le groupe UMP considère avec vous que, si beaucoup a été fait depuis trois ans dans des conditions difficiles, et confirmé dans l'exécution du budget de 2005, il faut assurer mieux encore, dans les budgets de 2006 et 2007, une meilleure maîtrise de la dépense, du déficit et de la dette. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Et une maîtrise du temps de parole, si possible.

M. Jean-Pierre Balligand - Exercice convenu, le collectif doit notamment adapter le plafond des dépenses du budget et les données générales de l'équilibre budgétaire lorsque la conjoncture a modifié les conditions d'exécution de la loi de finances initiale.

Mais le problème, c'est que ce collectif ne tient pas suffisamment compte de la conjoncture. Il faut dire qu'en ce qui concerne le diagnostic sur l'économie et les finances, le Gouvernement est plutôt schizophrène. C'est d'abord Jean qui rit, qui claironne le retour prodigieux de la croissance à propos des 0,7 % du troisième trimestre en oubliant que ce rebond n'est possible qu'après les 0,3 % du premier trimestre et le maigre 0,1 % du deuxième trimestre, et qu'une moyenne annuelle de 1,5 % sera bien loin des 2,5 % retenus comme hypothèse par M. Sarkozy pour bâtir le budget de 2005.

Jean qui rit communique aussi sans relâche sur les 130 000 chômeurs en moins depuis sept mois...

M. le Ministre délégué - Vous devriez vous en réjouir.

M. Jean-Pierre Balligand - Je fais parler Jean qu rit. Malheureusement le nombre des chômeurs au sens du BIT, c'est-à-dire des gens vraiment sans emploi et non des inscrits à l'ANPE, a augmenté de 254 000 depuis juin 2002. De plus les créations nettes d'emplois sont insignifiantes dans le secteur marchand, à 0,3 % sur un an, et même moins 2,4 % dans l'industrie, alors que le nombre des emplois subventionnés augmente fortement.

Pour l'essentiel, la baisse du chômage a donc bien été décidée sur ordonnance, par un mélange de créations d'emplois aidés et de radiations administratives de masse - pour 60 % au bas mot selon les directions régionales du travail.

Mais il y a aussi, en Jean qui pleure, Thierry Breton, qui n'a pu résister au plaisir tout libéral de communiquer, avec le catastrophisme qui sied et l'esprit polémique que l'on sait, sur les 2 000 milliards de dettes de la France. On croirait entendre ce personnage de Labiche qui disait « ce n'est pas pour me vanter, mais il fait rudement chaud aujourd'hui ». Car enfin, tout le monde connaissait ce chiffre, même les journalistes. Il n'y a guère que le ministre des finances pour faire mine de le découvrir après neuf mois à Bercy. Et ce sont vos gouvernements, depuis 2002, qui ont contribué à l'explosion de la dette. Nous vous avons pourtant assez alertés. Les socialistes, eux, savent ce que maîtriser la dette veut dire : de 1997 à 2002, celle-ci n'a jamais dépassé le seuil fatidique de 60 % du PIB, et par une diminution progressive, ils l'avaient ramenée à 56 % à votre arrivée.

Et qu'avez-vous fait de cette gestion responsable ? Le déficit sera plus élevé en 2005 qu'en 2004, et il dépasse toujours 3 % du PIB depuis 2002. Qu'avez-vous fait de la croissance, toujours supérieure à la moyenne européenne jusqu'en 2001 ? La réponse, douloureuse, tient dans l'idéologie de la frange la plus ultra-libérale qui semble avoir pris la main dans tous les domaines. La vérité, c'est que la gauche est meilleure gestionnaire des finances publiques que la droite ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Il faudrait aussi évoquer votre insouciance coupable dans l'estimation du prix moyen du pétrole en 2005, que vous avez rêvé à 36,5 dollars le baril alors qu'il s'établit à plus de 55 dollars ! De même, on ne saurait oublier la progression inexorable des défaillances d'entreprises, pendant malheureux d'un simulacre de créations d'emplois, ni la dégradation de 13 milliards du solde du commerce extérieur français depuis l'an dernier - dont pourtant M. Mariton ne nous a pas dit un mot...

Lors de la discussion du collectif budgétaire pour 2004, je vous avais dit : « Cette stabilisation apparente du budget de l'Etat dissimule mal une altération historique de la dette publique, qui frôlera 65 % du PIB en 2005 ». Je m'étais trompé : nous en sommes à 65,8 % !

Je disais aussi : « Vos prévisions de croissance pour 2005 apparaissent une nouvelle fois largement surestimées, avec à la clé le risque d'un alourdissement d'au moins 0,4% du déficit budgétaire ». La dégradation partielle que vous assumez aujourd'hui est de 3,6 %, soit 0,2 point de PIB...

Votre persistance dans l'autosatisfaction vous conduit à ne prendre en compte qu'à la marge la dégradation des finances publiques. Le déficit du budget de l'Etat s'établissait fin octobre à 53,6 milliards, contre un peu plus de 51 milliards l'an dernier, soit une aggravation de 2,6 milliards. Or vous prévoyez un solde d'exécution budgétaire de 46,8 milliards, contre 45,2 l'an passé - soit un écart de 1,6 milliard. Où est donc le milliard de différence ? La portée du nouvel objectif que vous vous fixez pour cette année - un déficit de 44,1 milliards - d'ailleurs intenable si l'on en croit les autorités bruxelloises, se trouve ainsi atténuée.

Je n'accuse pas le Gouvernement de tous les maux, mais je l'accuse de mauvaise gestion de l'argent public, sous ses dehors policés qui flattent sans vergogne des thématiques individualistes et anti-étatiques directement écrites par certaines officines...

M. Philippe Auberger - Qu'est-ce que cela veut dire ? Parleriez-vous des pharmacies ?

M. Jean-Pierre Balligand - Nous reviendrons dans la suite de la discussion sur chacune des dispositions de ce projet, dont beaucoup exigent des éclaircissements du Gouvernement et qui démontrent souvent la justesse de nos raisonnements passés. C'est le cas notamment pour les articles 2, 3 et 4, qui ajustent la compensation des transferts de compétences aux départements et aux régions, preuve que nous avions raison de dénoncer une opération insuffisamment financée. Les incertitudes pour l'avenir demeurent cependant, notamment au sujet du RMI ; et je ne suis pas mécontent de l'amendement de notre collègue Bouvard - même s'il peut être largement amélioré - qui me rappelle nos débats sur la loi de sécurité financière.

Le groupe socialiste sera particulièrement attentif à deux points. La redevance audiovisuelle, tout d'abord. Je crains que votre article 7, qui plafonne le versement aux organismes de l'audiovisuel public, ne soit en réalité l'aveu d'une double imposition des ménages, qui de facto aurait grossi le produit de la redevance. Je ne manquerai pas de revenir sur ce sujet.

Le fonds de réserve pour les retraites, ensuite. Le Gouvernement doit impérativement s'engager à lui affecter des recettes supplémentaires, provenant notamment du produit des privatisations en cours - sujet sur lequel nous pourrions également revenir, après le camouflet infligé par le Conseil de la concurrence concernant la privatisation des sociétés autoroutières... J'espère que vous nous éclairerez sur vos intentions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Bouvard - Je veux d'abord dire ma satisfaction que ce collectif de fin d'année soit bien une conclusion de l'année budgétaire, et non un complément voire un rattrapage de la loi de finances pour l'année à venir. Il constate la régulation effectuée au cours de l'exercice en officialisant la réduction nette de 3 milliards des crédits, et il procède à des ouvertures limitées - 1,026 milliard - gagées par des annulations. Il respecte aussi le plafond de dépenses fixé par la loi de finances initiale, et ce pour la troisième année consécutive, ce qui mérite d'être salué.

Je veux également saluer les progrès effectués dans la gestion des reports de crédits, qui passent de 9,7 milliards en début d'exercice à environ 5 milliards, ce qui permet d'aborder l'exercice 2006 dans les meilleures conditions.

En revanche, qu'il me soit permis cette année encore, et alors que la loi de finances pour 2006 instaure pour la première fois un encadrement des mises en réserve, de souligner le caractère profondément perturbant de la régulation pour ceux qui sont en charge de la gestion des crédits publics sur le terrain et auxquels on fixe des objectifs de performance. Certes les annulations de crédits auront été moins importantes en 2005 qu'en 2004, mais la régulation n'aura pas été sans incidence sur la qualité de l'action publique. Au-delà des gels, les annulations ont porté sur 4,9 milliards, soit 0,2 % de plus que le seuil de 1,5 % fixé par l'article 14 de la LOLF. Au-delà du débat sur l'assiette de crédits à retenir, j'insiste sur le fait que la loi organique voudrait qu'on procède à ces annulations dans le cadre du collectif ; il n'y a pas d'obligation dans la lettre, mais il y en a dans l'esprit.

Parmi les décrets d'avance pris au cours de l'exécution 2005, je voudrais évoquer tout d'abord celui concernant les OPEX. Cette année encore, les crédits affectés à celles-ci ont été sous-évalués en loi de finances initiale ; cependant pour la première fois, l'ouverture est intégralement gagée par des crédits du ministère de la défense. De plus, les crédits inscrits dans la loi de finances pour 2006 traduisent la poursuite de l'effort de réévaluation qui a été engagé - et qu'il faudra poursuivre, Monsieur le ministre.

Ma deuxième remarque concernera la majoration de 444 millions des crédits ouverts au chapitre 31 pour les agents de la fonction publique. Certes il est difficile, avant même l'ouverture d'une négociation sur les traitements de la fonction publique, de prévoir la somme nécessaire dans le budget de l'Etat ; mais l'acte rectificatif en cours d'exercice, compte tenu de son importance, n'est pas satisfaisant. Il se produira la même chose en 2006, puisque la loi de finances initiale n'a pas prévu d'évolution des rémunérations.

Il faudrait avoir une approche globale de la part du budget de l'Etat consacrée à la rémunération des agents et engager une réflexion avec les organisations syndicales sur l'évolution des rémunérations et des effectifs dans la durée. En outre, il serait hautement souhaitable que ces négociations aient lieu de façon distincte pour chacune des fonctions publiques, au regard de leur situation propre. Les collectivités territoriales aspirent à plus d'autonomie, et celle-ci doit aussi concerner les négociations sur les rémunérations.

M. le Rapporteur général - C'est juste.

M. Michel Bouvard - Parmi les mesures budgétaires nouvelles, je veux saluer les dispositions relatives à l'affectation d'une part supplémentaire de TIPP aux départements pour le financement du RMI - et cela dans un contexte de baisse du produit de la TIPP par rapport aux prévisions initiales. Je constate que l'engagement pris est globalement respecté, et que les travaux de la commission d'évaluation des charges ont permis de telles rectifications. J'aurais bien aimé qu'une telle commission existât lors de la création de l'APA !

Je constate aussi la progression du produit de l'ISF - de 17,5 %, après déjà une progression de 13 3 % l'an dernier. Cette évolution est liée à l'accroissement du nombre des redevables - + 18 % -, et j'y vois une corrélation directe avec l'évolution des prix de l'immobilier. Il est donc indispensable de poursuivre la réflexion sur la prise en compte de la résidence principale. L'ISF joue en effet un rôle de surtaxe nationale sur la foncier bâti. Il porte sur un enrichissement virtuel, non productif. Faut-il taxer une plus-value latente immobilière sur la résidence principale alors que la loi sur les plus-values elle-même exonère cette résidence principale de l'imposition ? Où est la cohérence ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Il n'y en a pas !

M. Jean-Jacques Descamps - Très bien.

M. Michel Bouvard - Le projet de loi de finances rectificative propose également une réforme d'ampleur de la fiscalité des plus-values réalisées par les actionnaires ou par les entrepreneurs individuels. Au moment où les entreprises connaissent un important renouvellement générationnel, il s'agit de faciliter leur transmission et de préserver leur capacité productive et leurs emplois. C'est sans doute l'un des meilleurs moyens de lutter contre les délocalisations, qui commencent souvent par la délocalisation du capital. Des dispositions sont également proposées pour les entreprises en phase de démarrage, complétant utilement les mesures prises depuis le début de la législature en faveur de la création et de la pérennisation des entreprises. Ces efforts doivent être bien compris de nos concitoyens. Ce ne sont pas ce que certains appellent trop facilement de nouveaux cadeaux aux entreprises : c'est la conviction que ce tissu d'entreprises est indispensable à la croissance sociale voulue par le Gouvernement.

Cette croissance sociale impose, dans le même temps, de veiller à ce que certains actes limités, dans certaines très grandes entreprises, ne créent pas une véritable défiance sociale. J'ai donc proposé à la commission un amendement portant, sans en interdire la pratique, qui relève du libre choix des entreprises, sur les parachutes dorés. Comment des indemnités de licenciement ou de départ - la requalification est aisée - qui peuvent atteindre des montants que la plupart de nos concitoyens ne peuvent même pas conceptualiser, 29 millions récemment, pourraient-elles relever des mêmes règles fiscales que celles qui s'appliquent aux ouvriers victimes de délocalisations ? Exclure ces indemnités de l'impôt sur les sociétés constitue une moins-value pour le budget de la nation. Mon amendement propose donc de fixer un seuil raisonnable. Dans le cas des 29 millions que je viens de citer, qui sont une exception, mais qui nuit à l'image des entreprises françaises, la perte de recettes pour l'Etat peut être estimée à 8,7 millions, soit 60 % du budget d'une campagne annuelle de promotion du tourisme français !

Certaines des mesures du texte concernent le transport routier, soumis à une concurrence sévère due à un cabotage mal encadré et à un dumping social qui rend l'harmonisation européenne urgente. Il faudra toutefois veiller à privilégier une approche globale de ces questions. Le différend d'interprétation relatif au remboursement de la TVA sur les péages en fait partie. Il est préférable de s'interroger sur les difficultés structurelles du transport routier dans notre pays, et sur les mesures à mettre en œuvre au niveau européen pour remédier aux distorsions de concurrence, plutôt que de soutenir systématiquement le secteur sans remédier à rien et en prenant le risque d'aggraver encore les déséquilibres avec d'autres modes de transport ! Là aussi, le renouvellement des approches est nécessaire. Une même démarche aurait été nécessaire, sans rien ôter à la générosité de cette disposition, pour la taxe sur les billets d'avion.

Ce projet de loi de finances rectificative, qui s'inscrit dans une logique de maîtrise de la dépense et de soutien au développement et à l'emploi, mérite notre approbation. Il appelle aussi à amplifier les réformes structurelles et de méthode indispensables pour adapter notre pays à un environnement de plus en plus concurrentiel au sein de l'Union et dans le monde. C'est sans doute le message qu'avec Thierry Breton vous avez souhaité adresser à nos concitoyens, en évoquant le poids de la dette publique, qui sera mécaniquement augmenté par la hausse des taux d'intérêt dès 2006. Je suis profondément convaincu que les Français l'ont entendu. Il faut donc encore rationaliser les structures de l'Etat et maîtriser l'inflation normative et réglementaire si coûteuse pour la collectivité, afin de préserver les capacités d'investissement de la France et de freiner la dépense de fonctionnement qui la mine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Rodet - Le collectif budgétaire pour 2005 souligne les risques qu'a pris le Gouvernement en présentant son projet de loi de finances pour 2006 : il démontre que l'exercice budgétaire, malgré la LOLF, est de plus en plus aléatoire, changeant au gré des circonstances. Certains ont voulu y voir une tentative timide, mais bien intentionnée, pour corriger les impressions défavorables laissées par la première partie de la loi de finances, fortement ressenties dans le cadre du 88ème congrès des maires des France, où les allègement d'impôts pour les contribuables les plus aisés, qui représentent une perte pour la nation de trois milliards et demi, ont été vivement mis en cause. Il s'en est suivi une entreprise de communication sur l'article 18 du présent projet, portant création d'une taxe de solidarité sur les billets d'avion voulue par le chef de l'Etat pour financer des programmes de développement, à commencer par la lutte contre le sida. Le rapport de Jean-Pierre Landau, conseiller financier à l`ambassade de Londres, lui a servi de base, lui-même inspiré par les interventions, à la conférence de Monterey, de l'ancien président mexicain Zedillo et de l'ancien président de l'Union européenne Jacques Delors.

Cette taxe a fortement divisé les membres de la majorité et les professionnels du transport aérien s'y opposent avec vigueur. A mon sens, le principal reproche qui peut lui être fait est son faible rendement : 210 millions par an. Il n'est donc pas juste de déclarer cette disposition « antiaérienne » ! La taxe, dans sa version actuelle, serait symbolique et relativement indolore. Si on en restait là, elle apparaîtrait vite comme un moyen de se donner bonne conscience à peu de frais. Une autre faiblesse est que cette taxe est, pour l'instant, franco-française : seuls le Chili et la Grande-Bretagne envisageraient de s'y rallier. Mais l'article 18 nous permet d'ouvrir deux débats de fond. D'abord, il nous rappelle que le transport aérien, même s'il a des contraintes indéniables, bénéficie d'un avantage exorbitant : une exonération totale de son carburant. Ne convient-il pas de forcer les milieux de l'aviation civile internationale à remettre ce privilège en cause, sous l'égide des organisations internationales ? Ensuite, et pour des raisons soit politiques, soit techniques, le principe d'une taxe sur les transactions financières n'a aucune chance de déboucher à court ou à moyen terme. N'est-il donc pas temps de réfléchir à une autre solution : une taxe, même modérée, pouvant être assise sur le kérosène ?

Les députés socialistes, sans illusion sur l'efficacité réelle de l'article 18, considèrent qu'il a au moins le mérite d'ouvrir un débat utile, susceptible, pour peu qu'on s'en donne la peine, de déboucher sur une taxe internationale dédiée au développement et prenant en compte les problèmes d'environnement. Pour finir, je rappellerai à mes collègues de la majorité que, selon un mémorialiste du XVIIIe siècle, « c'est un grand avantage de n'avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Auberger - Ce projet témoigne de la maîtrise des finances publiques pour l'exécution de la présente loi de finances. Le déficit prévisionnel pour 2005 a été ramené de 45 à 44 milliards, hors utilisation des crédits de report, et les annulations de crédits se montent à 3 milliards alors que les moins-values de recettes ne sont que de 2 milliards. D'autre part, les ouvertures de crédits prévues, qui se montent à un milliard, ont été gagées par autant de crédits annulés. Bref, ce projet de loi de finances rectificative a été entièrement financé par redéploiement.

En dépit de ces résultats, le déficit du budget de l'Etat reste élevé : 46,8 milliards, qui viennent accroître inexorablement une dette qui atteint déjà 1 100 milliards. C'est beaucoup : presque 20 000 euros par habitant et 80 000 par contribuable assujetti à l'impôt sur de revenu, soit sans doute plus que leur propre dette individuelle pour la plupart ! La situation est donc préoccupante. Néanmoins, l'information concernant cette dette, en attendant le rapport de M. Pébereau, est parfois biaisée. Certains évoquent l'endettement global de notre pays en ajoutant aux 1 100 milliards de la dette de l'Etat la charge des pensions dues aux fonctionnaires de l'Etat et celle des pensions des agents des collectivités locales et des services hospitaliers, pour 450 milliards chacune. Mais ces sommes ne sont pas comparables et ne peuvent s'additionner.

En effet, le régime des pensions de l'Etat est un régime par répartition. Ce sont les cotisations de l'année qui financent les pensions à payer dans l'année. Dès lors, il n'est pas légitime de compter comme endettement ce qui sera payé par des dépenses courantes. Seules mériteraient d'être prises en compte les réserves faites pour atténuer les variations de la contribution annuelle de l'Etat, en fonction de l'évolution démographique des cotisants et des pensionnés. Quant aux retraites des agents des collectivités locales et des agents hospitaliers, elles font l'objet d'un régime spécifique dans le cadre de la CNRACL : il n'apparaît pas légitime d'additionner les engagements de cette caisse à ceux de l'Etat, dès lors qu'elle aussi fonctionne par répartition et qu'elle est astreinte à l'équilibre, le cas échéant, en utilisant ses réserves.

M. le Rapporteur général - Je suis d'accord !

M. Philippe Auberger - De façon générale, les débats, la communication officielle ou les discussions sans fin autour de la situation budgétaire de l'Etat et des collectivités territoriales ont un effet néfaste sur nos concitoyens. Ils n'ont pas reçu de leçons de finances publiques à l'école primaire ou secondaire...

M. le Ministre délégué - Hélas !

M. Philippe Auberger - Ils s'embrouillent un peu, mais ils savent que la situation est préoccupante. Pour faire face aux risques d'une hausse de la fiscalité de l'Etat ou des collectivités locales, le principe de Ricardo veut qu'ils développent l'épargne de précaution, d'où un accroissement de l'épargne liquide et des mouvements erratiques de la consommation.

Parallèlement, la Banque centrale européenne vient de décider d'augmenter d'un quart de point son principal taux directeur. Cela renchérira le coût de la dette d'au moins 250 millions, ce qui représente le quart des crédits supplémentaires inscrits par redéploiement dans ce collectif, sans assurance qu'une nouvelle hausse n'interviendra pas en 2006 : M. Trichet veut nous rassurer sur ce point, mais n'y parvient pas tout à fait...

Cette augmentation du taux d'intérêt à court terme aura certainement des répercussions sur l'activité économique. Elle entraînera une augmentation du taux des crédits à la consommation et du taux des crédits immobiliers à taux variable, utilisés souvent par les plus modestes. Elle provoquera aussi une hausse des prêts à taux variable aux collectivités locales et, du fait de la répercussion sur le taux du livret A, une augmentation du taux des prêts au logement social, alors qu'il vient à peine de diminuer. Cette décision est donc mauvaise pour l'activité et pour l'emploi à court terme.

Dans ce projet de loi, l'aménagement de l'imposition des plus-values pour les détenteurs de valeurs mobilières nous semble être une disposition très heureuse. Afin de favoriser la transmission d'entreprises, dès lors que les titres à céder sont détenus depuis une certaine durée, les dirigeants sont exonérés de l'imposition des plus-values. Cette mesure était très attendue ; son absence retardait beaucoup de cessions.

Pour les autres valeurs mobilières détenues par les particuliers, le seuil d'exonération de 15 000 euros en montant des ventes est faible. Alors que les gérants ont tendance à se rémunérer sur les commissions en faisant tourner les portefeuilles, il est sain que le marché soit animé par des détenteurs d'actions dont le comportement est moins moutonnier que celui des gérants d'OPCVM.

Il a bien sûr été affirmé, notamment dans un grand quotidien du soir, que cela favoriserait les détenteurs d'actions, c'est-à-dire les personnes ayant des revenus supérieurs à la moyenne. Mais les contraintes sont strictes, puisqu'il faudra être détenteur des actions depuis au moins six ans.

En vérité, Monsieur le ministre, cela fait deux ans que nous assistons à des modifications substantielles de la fiscalité des valeurs mobilières : suppression de l'avoir fiscal, remplacé par un abattement de 50 % sur les dividendes, ramené désormais à 40 % et aujourd'hui, aménagement de l'imposition des plus values.

M. Didier Migaud - Cela fait beaucoup !

M. Philippe Auberger - Non, mais c'est de moins en moins lisible. De plus, d'autres mesures s'y ajoutent, comme l'abattement à la base de 2 440 euros, l'exonération des plus-values dans la limite de 15 000 euros, le régime du PEA, celui de l'assurance vie. Il serait temps, Monsieur le ministre, d'envisager une refonte complète de la fiscalité des valeurs mobilières, afin de la rendre plus compréhensible et de redonner au PEA ou à l'assurance vie tout leur attrait pour les patrimoines modestes.

Enfin, il conviendrait de réfléchir sur le niveau actuel de la fiscalité pour les entreprises pétrolières, dont les bénéfices ont augmenté dans des proportions considérables, et qui ne se montrent pas allantes pour incorporer des biocarburants dans les produits raffinés. La Grande-Bretagne ayant décidé de renforcer la taxation des entreprises pétrolières et les Etats-Unis étudiant la question, la France peut difficilement rester à l'écart de cette évolution.

Sous le bénéfice de ces réserves, le groupe UMP approuvera ce collectif, consécration d'une gestion difficile mais maîtrisée de nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Sylvie Andrieux - Que dire de plus qui n'ait déjà été dit lors du débat sur la loi de finances ? Alors que les perspectives économiques demeurent inférieures aux prévisions de Bercy, ce projet de loi est à l'image du budget 2006 : injuste et peu sincère !

Peu sincère d'abord, sur la croissance comme sur le pouvoir d'achat : tous deux restent désespérément bas, largement inférieurs à ceux de 2002, malgré l'opération de communication de la majorité qui brandit le partage des salaires. Le chômage est tout juste stabilisé à 9,7 %, l'emploi, atone, en progression de 0,3 %, et le prix du pétrole en constante augmentation. Les Français n'ont pas le moral.

Mais ce projet est aussi injuste. Après l'allégement de l'ISF, l'exonération totale des plus-values boursières au bout de huit ans profitera une fois de plus à ceux qui détiennent un gros patrimoine. Mais jusqu'où irez-vous ? Monsieur le ministre, je vous invite à vous pencher plus concrètement sur les préoccupations des Français pour renouer le dialogue avec eux et avec les collectivités territoriales.

A titre d'exemple, permettez-moi de vous entretenir de la région de Provence-Alpes-Côtes d'Azur, ou sera lancé le chantier d'ITER, projet que nous avons défendu âprement, car il implique des retombées économiques et sociales importantes. De nouveaux besoins financiers et structurels apparaissent, notamment en termes de construction de logements et d'infrastructures ferroviaires : il appartient à l'Etat de les financer, ne serait-ce que par cohérence.

La spéculation foncière se développe autour du site. L'Etat, en tant que garant du droit au logement, doit donner aux Etablissements publics fonciers, et particulièrement à l'EPFR de PACA, que je préside, les moyens d'assurer l'aménagement du territoire, notamment de résoudre les problèmes liés au déficit de terrains et de réaliser un projet de mixité sociale et de renouvellement urbain.

Dans ces conditions, le doublement des moyens de l'EPFR de PACA, par le biais d'une augmentation de la taxe spécifique d'équipement me paraît être une mesure légitime et indispensable à l'accueil d'un chantier aussi emblématique qu'ITER.

Par ailleurs, le site, accessible par autoroute, n'est desservi que par une ligne ferroviaire vétuste et non reliée au réseau international. L'installation d'ITER devrait pourtant entraîner d'importants flux, entre Marseille, Aix et Cadarache mais aussi en direction des Alpes du Sud, où se situent les principales disponibilités foncières. De nouvelles infrastructures seraient la source d'un développement économique, universitaire et social porté par l'ensemble des régions de l'Arc Méditerranéen et de l'Italie du Nord.

C'est pourquoi j'ai déposé, avec mon collègue Giraud, une proposition de loi, que je présente aujourd'hui sous la forme d'un amendement : le défi est d'élaborer un plan d'aménagement en maîtrisant la flambée du foncier, en répondant aux besoins en équipement et en logements pour les populations actuelles et futures, tout en évitant d'aggraver les inégalités fiscales entre collectivités. La collaboration sereine de l'Etat et des collectivités est donc indispensable pour garantir le respect de l'intérêt général, la qualité de vie des habitants et le rayonnement technologique et scientifique de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Jacques Descamps - Les prévisions de recettes et de dépenses ayant été affinées, ce collectif budgétaire permettra de clore l'année écoulée.

M. le Ministre délégué - En beauté !

M. Jean-Jacques Descamps - Oui. Avant toute chose, permettez-moi de rendre hommage à vos capacités de résistance et votre professionnalisme, Monsieur le ministre, souvent rudement mis à l'épreuve, y compris par votre majorité !

Sur le fond, les mesures de régulation budgétaire que vous nous proposez permettront de respecter strictement les engagements de dépenses du projet de loi de finances initiale. Comme en 2004, et comme vous l'avez annoncé pour 2006, les dépenses devraient donc rester stables en volume d'une année sur l'autre.

Voilà une belle performance, même si nous aurions sans doute pu faire mieux encore, en étant plus exigeants à l'égard des administrations publiques. M. Breton a en effet raison : il faudra bien finir par réduire la dette et donc les déficits. Nous devrons donc diminuer les dépenses, encourager davantage l'activité économique et céder des actifs non stratégiques. Les esprits n'y étant guère préparés aujourd'hui, cela impliquera beaucoup de pédagogie - mais vous n'en manquez pas, Monsieur le ministre. Oublions donc les occasions manquées, et regardons l'avenir avec courage et lucidité !

Votre collectif a le mérite de maintenir l'équilibre initialement prévu, malgré les événements imprévus et les conséquences des politiques irresponsables menées par vos prédécesseurs. Nous vous savons donc gré, Monsieur le ministre, d'avoir su trouver ces annulations et ces transferts pour corriger le tir.

Ce texte a également le mérite de comporter des mesures fiscales nouvelles, qui faciliteront l'adaptation de notre pays au nouveau contexte économique et social. La stabilité de l'actionnariat individuel sera ainsi favorisée, de même que les transmissions d'entreprises, les reprises de fonds de commerce, les exportations et l'expatriation des cadres. On ne peut que saluer de tels efforts de simplification et de libération des contraintes fiscales.

Malgré tout mon respect pour le Président de la République, je regrette en revanche son initiative de créer une taxe sur les billets d'avions en vue d'abonder un fonds d'aide aux pays subsahariens.

M. Charles de Courson - Et vous avez raison de la regretter !

M. Jean-Jacques Descamps - Une aide est certes nécessaire, mais elle doit reposer sur un accord entre les pays développés, en particulier l'Union européenne et les Etats-Unis. Pourquoi créer une taxe supplémentaire alors qu'on essaie de simplifier et de réduire la fiscalité ? Et pourquoi imposer les billets d'avion et non l'ensemble des transports ? Mieux vaudrait une dotation budgétaire, qu'il faudrait améliorer et gager par des économies. En votant ce matin 288 millions pour la prime de Noël, nous avons montré qu'il était possible de dégager les moyens budgétaires nécessaires.

M. Charles de Courson - Très bien !

M. Jean-Jacques Descamps - Si notre exemple n'est pas suivi, nos compagnies aériennes et nos plateformes aéroportuaires souffriront d'un désavantage par rapport à leurs concurrents mondiaux. En effet, ce n'est pas en jouant au cavalier solitaire que nous parviendrons à entraîner nos partenaires !

Afin d'aider les pays pauvres, il serait donc préférable de revenir sur la baisse de la dotation budgétaire correspondant à l'aide publique au développement, passée de 0,6 % du PIB en 1992 à 0,4 % aujourd'hui. J'espère donc que vous saurez nous proposer des solutions, Monsieur le ministre.

Je voudrais enfin évoquer le budget pour 2006, que nous n'avons pas encore définitivement adopté. Je vous le dis avec solennité : le plafonnement des réductions d'impôt aura des répercussions sur l'application de la loi Malraux et portera préjudice à la croissance, à notre artisanat et à notre patrimoine national. Nous sommes un certain nombre, M. le ministre, à souhaiter que vous reveniez sur cette mesure.

Cela étant, nous voterons en faveur de ce projet de loi de finances rectificatives, Monsieur le ministre. Au risque de déplaire à la partie gauche de cet hémicycle, il nous semble en effet que le Gouvernement œuvre dans le bon sens, et nous soutenons globalement son action. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Ministre délégué - Monsieur Bonrepaux, vous avez évoqué la situation « déplorable » de nos finances publiques, mais c'était là faire preuve d'une grande sévérité à l'égard des ardoises laissées par le gouvernement de Lionel Jospin ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Auberger - Tout à fait. Exerçons notre droit d'inventaire !

M. le Ministre délégué - Cette formule est en effet brevetée (Sourires). Les 35 heures, les créations d'emplois publics et de prestations nouvelles, comme l'APA, ont été des foyers de dépense considérables ! Et s'agissant des finances locales, nous inscrivons les 457 millions d'euros promis au titre du RMI.

Sur la méthode, Monsieur de Courson, tout gouvernement est amené à amender son collectif, c'est la tradition. Toutefois, et conformément à mes engagements, nous n'alourdissons pas les charges de l'Etat, même du fait de la prime de Noël. Toutes les dépenses nouvelles sont gagées.

M. Michel Bouvard - C'est exact.

M. Charles de Courson - Sauf les 2,5 milliards repris du FFIPSA...

M. le Ministre délégué - J'ajoute que nous avons présenté des dispositions fiscales innovantes.

Je voudrais maintenant m'attarder sur la TVA payée par les sociétés d'autoroutes. Jusqu'au 1er janvier 2001, leurs tarifs n'étaient pas soumis à la TVA et les transporteurs routiers n'acquittaient donc pas cette taxe au titre de l'utilisation du réseau. Néanmoins, la CJCE a décidé en septembre 2000 que les péages autoroutiers devaient entrer dans le champ d'application de la TVA.

M. Charles de Courson - A compter de quelle date ?

M. le Ministre délégué - A partir de 2001.

M. Charles de Courson - Erreur !

M. le Ministre délégué - Cela étant, la hausse des péages a été compensée grâce au droit de déduction de la TVA dont bénéficient les transporteurs routiers. Ceux-ci ont pourtant réclamé la restitution de montants qu'ils n'ont pas dû acquitter antérieurement à 2001. Et c'est là sans doute que nous divergeons, Monsieur de Courson.

Le Conseil d'Etat en effet a jugé, le 29 juin 2005, que les transporteurs routiers étaient justifiés à réclamer aux sociétés d'autoroute des factures rectificatives faisant apparaître la TVA non acquittée. Dès lors, se pose la question de savoir si ces factures doivent ajouter au prix initial ladite TVA, ou bien la présenter de façon individualisée au sein de ce prix. Nous devons trancher car la jurisprudence ne l'a pas fait. En l'absence de stipulation contraire, le Conseil d'Etat considère ainsi qu'un prix facturé doit être considéré comme étant exprimé toutes taxes comprises. A l'inverse, la Cour de cassation estime qu'il s'agit dans ce cas d'un prix hors taxes selon les usages commerciaux.

M. Charles de Courson - Mais ce n'est pas la Cour de cassation qui est compétente !

M. le Ministre délégué - Si ! Elle l'est en matière commerciale.

Le Gouvernement devait donc trancher. C'est pourquoi nous avons souhaité uniformiser les modalités d'émission de factures rectificatives. S'agissant d'une taxe omise à tort, il a retenu la solution consistant à ajouter sur les factures rectificatives cette taxe au prix initialement payé. Une disposition en ce sens sera donc ajoutée au présent texte. Cette solution est celle qui respecte le mieux les équilibres contractuels initiaux. L'augmentation du prix des péages en 2001 - lorsque la TVA a commencé d'être effectivement perçue - montre que les prix précédents étaient considérés par tous les opérateurs économiques comme hors taxe. Il s'agit en outre d'une décision en équité, où trouve à s'appliquer le principe de la neutralité de la TVA. L'individualisation du montant de la TVA dans le prix initial permettrait à tout professionnel ayant accepté de payer une facture n'incluant pas la TVA de déduire un impôt qu'il n'a pas acquitté. Cette solution conduirait à un enrichissement sans cause.

Bien entendu, les professionnels du transport routier auraient souhaité que le Gouvernement adopte l'autre solution, parce qu'elle aurait permis à un certain nombre d'entreprises déjà actives entre 1996 et 2000 de bénéficier de versements de l'Etat à un moment où cette profession connaît une situation difficile. Je le conçois aisément, mais chacun doit aussi comprendre que le remboursement aux entreprises les plus anciennes du secteur du montant d'une taxe théorique jamais acquitté serait incompris par les Français et n'aurait aucun sens au plan économique. A l'extrême, un transporteur individuel retraité pourrait prétendre au remboursement alors qu'une jeune entreprise réalisant d'importants investissements ne serait pas aidée ! Les transporteurs routiers n'empruntant pas les autoroutes n'enregistreraient aucun gain, alors que des transporteurs étrangers seraient fondés à demander à l'Etat français la restitution d'un impôt qu'ils n'ont jamais acquitté... Vous voyez comme tout cela donnerait lieu à des situations aussi inéquitables qu'inextricables.

Deuxième élément - non polémique - pour bien comprendre l'esprit dans lequel nous abordons cette question : le Gouvernement a pris par ailleurs des mesures structurelles en faveur de la compétitivité du transport routier de marchandises. Depuis un an, le remboursement de TIPP au titre du gazole professionnel a été déplafonné et accéléré : coût pour le contribuable, 60 millions. Le dégrèvement de taxe professionnelle réservé aux camions de plus de 16 tonnes est passé, par étapes, de 122 à 700 ou 1 000 euros, selon les caractéristiques du véhicule, et a été entendu aux camions de 7,5 tonnes et plus : coût pour le contribuable, 265 millions. S'ajoutent à cela la transposition des directives sur le temps de travail qui a permis un élargissement des temps de calcul des périodes de service des conducteurs et des mesures législatives pour atténuer la répercussion de la hausse des cours du pétrole sur les chargeurs ou limiter la durée du cabotage transfrontalier.

S'agissant du FFIPSA, la dette que vous évoquez a déjà été comptabilisée en comptabilité maastrichtienne. Elle est héritée du BAPSA et l'Etat en a repris le stock par solidarité avec le régime des exploitants agricoles, mais la coordination nécessaire sur la charge de la dette sera naturellement opérée.

Voilà pour répondre, cher Charles de Courson, à quelques uns des points que vous avez soulevés dans votre intervention très fournie, dont j'ai apprécié le ton plus modéré que lors de nos derniers échanges, ce qui traduit sans doute une meilleure compréhension mutuelle.

Merci, Monsieur Balligand, d'avoir bien voulu mettre en évidence les indicateurs très positifs que suscite la politique du Gouvernement, qu'il s'agisse de la reprise, de la bonne tenue de la consommation ou de la décrue très nette du chômage (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Pour le reste, vous avez été très dur, trop sans doute. Nous avons tenu à l'euro près - je l'ai dit tout à l'heure à Didier Migaud qui a bien voulu en convenir... (Sourires) - la dépense votée et ce collectif est intégralement gagé. S'agissant du fonds de réserve des retraites, je préfère ne pas m'attarder ! Monsieur Balligand, je veux bien parler de tout avec vous mais en matière de retraite, votre bilan se résume à quelques rapports alors que nous avons agi sur tous les fronts...

M. Jean-Pierre Balligand - Il reste que vous n'abondez pas le FRR et que le rendez-vous des prochaines années sera décisif !

M. le Ministre délégué - Merci, cher Michel Bouvard, pour vos propos d'encouragement. Ensemble, nous avons en grande partie résorbé la bulle des reports et c'est sans doute l'un des points dont nous pouvons être le plus fiers : il n'était pas si simple de passer de 14 milliards de reports en 2002 à 5 milliards aujourd'hui...

M. Michel Bouvard - Veillons à ne pas les réalimenter !

M. le Ministre délégué - Vous pouvez compter sur moi pour éviter un tel gâchis ! S'agissant du financement des mesures salariales, il est difficile de faire un pronostic. Nous serons évidemment très attentifs à la maîtrise de la dépense publique, mais aussi à la réflexion globale qui s'engage sur les conditions de travail des fonctionnaires. Nous reparlerons des différentes innovations envisagées dans le cadre de la Conférence des finances publiques, qui, pour des raisons techniques liées au calendrier parlementaire, sera vraisemblablement décalée de quelques jours.

Nous reviendrons dans le débat sur la question des parachutes dorés. Je rejoins vos préoccupations mais faut-il aller plus loin ? Je suis très réservé à ce sujet. Nous avons déjà accru la transparence de la décision sur les indemnités - prise désormais par les actionnaires - et je ne voudrais pas que la formule retenue soit jugée excessive.

M. Auberger a évoqué les 2000 milliards de dettes et d'engagements financiers de l'Etat et je lui sais gré de s'être astreint à bien distinguer les deux. Thierry Breton et moi-même sommes très attentifs à ce qu'il n'y ait pas d'amalgame : il y a 1117 milliards de dettes, le solde relevant des engagements hors bilan, avec la marge d'erreur inévitable. Cela forme un ensemble très composite, clairement retracé dans le compte général de l'administration. Le rapport Pébereau nous aidera à faire œuvre de pédagogie sur ces sujets. Il ne s'agira pas simplement de constater l'existence de dettes, mais de décider des mesures à prendre, à court et moyen termes, pour engager leur résorption, via la gestion active de la dette et la maîtrise de la dépense publique. Il faut être capable de rendre la dépense publique efficace au quotidien...

M. Hervé Novelli - Et de l'abaisser !

M. le Ministre délégué - Dans tous les cas où cela permet de rendre le meilleur service public possible au meilleur coût.

Je rejoins Sylvie Andrieux dans son souhait d'engager un dialogue direct et sans détour avec les collectivités locales. M. Bonrepaux ne m'en voudra pas de vous remercier d'avoir élargi l'approche de ces questions, même si je ne partage pas toutes vos options... La Conférence des finances publiques nous donnera l'occasion de revoir ces différents sujets et, sans doute, de lever certains malentendus si nous faisons collectivement l'effort de dépasser le stérile clivage droite-gauche.

Jean-Jacques Descamps m'a fait passer un moment très agréable : il m'avait plutôt habitué à un ratio « 10 % d'enthousiasme, 90 % de « légères » réserves ». Là, la sympathie de son compliment m'a sincèrement touché...

M. Jean-Jacques Descamps - N'oubliez pas la taxe de solidarité et le Malraux !

M. le Ministre délégué - J'y viens. S'agissant de la taxe sur les billets d'avion, j'espère que nous aurons l'occasion dans le débat de parvenir à vous convaincre. Nous y consacrerons le temps nécessaire...

M. Jean-Jacques Descamps - Prévoyez plusieurs jours !

M. le Ministre délégué - Nous engagerons ce débat de fond dès demain. Je connais vos réserves mais il faut traiter la question au fond.

S'agissant du dispositif Malraux qui vous tient tant à cœur - ce qui prouve au passage, que les aides d'Etat, c'est parfois bien utile, a fortiori lorsqu'il s'agit de déductions fiscales - je vous mets en garde sur le fait que l'exclure totalement du champ du plafonnement des niches fiscales nous mettrait dans une situation de fragilité constitutionnelle. A l'inverse, en intégrer une partie préserve la logique des critères que j'ai retenue, dont celui du retour sur investissement. J'entends vos réserves sur la complexité du système et nous travaillerons ensemble à sa simplification. Pour l'heure, donnons sa chance au produit ! Je partage votre souci de pragmatisme et de simplicité. Ce n'est pas le jour où j'annonce le lancement de la déclaration de revenu pré-remplie que je vais défendre d'inutiles complications. Merci donc de cette précieuse contribution dans ce débat passionnant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue le jeudi 8 décembre à 0 heure 15, est reprise à heure 20.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Augustin Bonrepaux - Je n'ai pas eu le temps dans la discussion générale de traiter des transferts de charges induits par la décentralisation telle que vous la concevez. La décentralisation opérée en 1982 comportait en contrepartie des transferts de charges celui de recettes évolutives. Ainsi, la dotation globale de décentralisation évoluait-elle comme la DGF, c'est-à-dire du montant de l'inflation, auquel s'ajoutaient deux tiers de la croissance du PIB. Les recettes de vignette automobile étaient elles aussi évolutives, tout comme le produit de la taxe sur les droits de mutation...

M. Michel Bouvard - Que vous avez plafonnée !

M. Augustin Bonrepaux - Heureusement que nous l'avons fait car dans certains départements, son produit devenait vraiment excessif !

Vous vous plaisez à rappeler, Monsieur le ministre, que la péréquation est désormais un principe constitutionnel. Mais que ne la pratiquez-vous davantage ! Le département des Alpes-Maritimes n'a, paraît-il, aucune difficulté pour financer le RMI, mais le produit des droits de mutation y est, avec 169 euros par habitant, quatre à cinq fois plus élevé que dans des départements comme l'Ariège, le Cantal, la Corrèze ou la Creuse, où il oscille entre 30 et 40 euros. De même, ce produit atteint-il 183 euros par habitant dans les Hauts-de-Seine, 145 dans le Var et 130 dans les Yvelines. Il y aurait donc beaucoup à faire en matière de péréquation !

Avec votre décentralisation, vous transférez des charges croissantes aux départements tout en plafonnant leurs recettes. Ayez au moins l'honnêteté de le reconnaître ! Comment pouvez-vous prétendre que les transferts sont « compensés à l'euro près » alors que la part de TIPP versée aux départements en 2005 est inférieure à celle versée en 2004 ? Dans le même temps, leurs dépenses de RMI ne cessent de croître, le nombre de érémistes ayant en moyenne augmenté de 2,4 % en 2005. Nous avons réussi à contenir cette progression à 1,8 % dans l'Ariège, mais dans certains départements, elle dépasse 3 % et peut aller jusqu'à 6 % - 3,8 % dans l'Eure-et-Loir, 4,9 % dans le Finistère... En 2005, le déficit du RMI pour les départements sera environ le double de celui de 2004. Ainsi en Ariège s'élève-t-il déjà à près de 2,5 millions d'euros à la fin novembre, si bien qu'il devrait être de 2,6 millions à la fin de l'année, contre moins de 1,1 million en 2004. Cela représente cinq points de fiscalité, mais compte tenu du plafonnement de la taxe professionnelle qui nous contraindra à augmenter la fiscalité des ménages, il y aura au final une augmentation de 8,75 points. Il en va de même dans le Nord, où le seul déficit du RMI représente quatre à cinq points de fiscalité, mais se traduira lui aussi par une augmentation de sept ou huit points, parce que 70 % des bases de taxe professionnelle du département sont plafonnées.

Dans le cas de la Creuse, vous versez une compensation de 800 000 euros, mais le déficit sera de 1 500 000 euros, soit 5 points de fiscalité ou plutôt, avec le plafonnement, 7 % pour les ménages. Comment pensez-vous que les départements peu favorisés puissent supporter ces charges ? Mieux vaudrait nous le dire avant que le climat ne devienne détestable entre les départements et le Gouvernement. Vous nous parlez d'une grande conférence sur les finances publiques. Mais à quoi servira-t-elle puisque vous avez tout décidé et que la loi de finances sera votée ? A essayer de faire passer la pilule.

On voit bien qu'affirmer, comme l'a fait le rapporteur de la commission d'enquête, que la décentralisation ne coûtera rien aux collectivités locales, est faux. Finalement, ce rapport était écrit à l'avance. Qui contestera que c'est pour elles une charge ? Personne.

Et tout ce que je dis là, on peut le vérifier. Aujourd'hui personne ne peut dire que la TIPP est une taxe évolutive. D'ailleurs vos amis sont du même avis, et j'espère que vous les entendrez un peu plus que vous n'entendez l'opposition. Nous venons d'avoir un débat sur la taxe professionnelle. Vous avez reconnu, comme le président de la commission des finances, que la situation des départements était intenable. Mais vous poursuivez dans la même voie, vous continuez les transferts.

S'agissant des TOS par exemple, on nous a dit que l'Etat les prendrait en charge, la première année. Mais il faut bien embaucher quelques agents pour organiser leur travail. Pour ceux-là où est la compensation ? De même pour les emplois aidés, on nous dit qu'elle va venir. Mais les charges évoluent chaque année de 3 % environ, et j'ai bien peur que le produit de la taxe sur les conventions d'assurance n'évolue pas de la même façon. En 2003, on me disait que mes craintes sur l'évolution de la TIPP n'étaient pas justifiées. On voit maintenant, que son produit n'a pas suivi l'évolution que le rapporteur général annonçait à l'époque.

M. le Rapporteur général - C'est pour cela qu'il y a une garantie constitutionnelle.

M. Augustin Bonrepaux - Oui, on garantit qu'elle restera au niveau de 2003. Mais la valeur du RMI et le nombre de bénéficiaires augmentent chaque année. Comment va-t-on financer ? Pour certains départements, je l'ai dit, le déficit est de 8 à 9 %.

D'autre part, la région, supporte aussi un transfert de charges, même s'il est moindre. La commission d'enquête le niait. Mais aujourd'hui, il faut prévoir, après coup, une compensation de 48 millions. On ferait mieux de le faire avant. Pour les départements par exemple, si l'on avait décidé de la compensation de 450 millions avant qu'ils ne votent leur budget, les augmentations d'impôt n'auraient pas été aussi importantes. Le moins qu'on puisse exiger, c'est de pérenniser la compensation de 2004 comme nous l'avons demandé à la commission consultative d'évaluation des charges. On attendait l'arbitrage du Premier ministre, nous ne l'avons toujours pas. Aujourd'hui, aucun conseil général ne peut prévoir sérieusement comment il va équilibrer son budget pour 2006 et quel effort il demandera aux contribuables.

Finalement, alors que la première décentralisation avait rendu le pouvoir aux élus et mis fin à la tutelle, avec la vôtre, vous rétablissez une tutelle financière. Vous accroissez les charges et vous réduisez les recettes puisque, pour les départements, la TIPP stagne, voire régresse, la taxe sur les conventions d'assurance de même, et la taxe professionnelle est désormais plafonnée. Quel choix reste-t-il pour faire face au transfert des TOS, des personnels de l'Equipement, pour la compensation du handicap,...

M. Michel Bouvard - C'est un vrai problème.

M. Augustin Bonrepaux - ...et pour le SDIS ? Vous nous dites qu'on limite la taxe professionnelle pour éviter les délocalisations. Mais les entreprises nous demandent des routes déneigées, l'accès au haut débit. Avec quoi va-t-on investir ?

Non moins surprenant, on demande aux présidents de conseils généraux de contrôler la présence scolaire et de sanctionner éventuellement les familles. Mais la sécurité, l'Education nationale, sont encore des compétences régaliennes ! Et ce n'est pas le département qui verse les allocations familiales ! De quel droit le président du conseil général va-t-il les confisquer ? C'est une démission de l'Etat. S'il y a décentralisation, soit, mais que chacun assume ses responsabilités. Et pourquoi avoir créé une nouvelle dotation d'insertion, dont une partie sera recentralisée ? Où est la décentralisation ? Dans le même ordre d'idées, je reçois de M. Bas une lettre demandant au département de débattre de l'amélioration de l'aide sociale à l'enfance, qu'il connaît certainement mieux que moi. Mais nous ne l'avons pas attendu, nous l'avons déjà fait l'an dernier.

M. Michel Bouvard - M. Bonrepaux a raison sur ce point.

M. Augustin Bonrepaux - Qu'il recentralise donc ce service, et qu'il paye ! Mais on décentralise et ensuite on fait du caporalisme à notre égard ! Entre le discours du Gouvernement sur la décentralisation et ses actes, il y a pour le moins contradiction. Les élus en ont assez, ceux de gauche, mais aussi ceux de droite, même s'ils n'osent pas le dire.

Vous-même, Monsieur le ministre, vous avez reconnu comme le président de la commission des finances qu'il y avait des problèmes, surtout pour les départements. Voici ce qu'a écrit l'un de nos collègues du Sénat : « Les départements souffrent tout particulièrement. Les dépenses de l'APA, du RMI, de la compensation du handicap, des SDIS s'imposent à eux, toujours croissantes, alors même que l'impact budgétaire de l'acte II de la décentralisation ne s'est pas encore fait sentir. Avec des recettes quasi-fixes, comment financer des dépenses décidées par d'autres et par nature évolutives ? » Et un peu plus loin : « Du côté des recettes, quelles seront les conséquences de la réforme de la DGE des départements, du plafonnement de la taxe professionnelle, de la création du bouclier fiscal ? Surtout, nous devons adapter les recettes des départements à la nature de leurs dépenses. Ce n'est pas le cas dans ce budget ». Et enfin : « Le RMI ne saurait être financé par une taxe qui diminue quand le prix du baril de pétrole augmente ». Qui est l'auteur de cette analyse ? M. de Raincourt, le président du conseil général de l'Yonne... Mais il ne suffit pas de nous dire qu'on va organiser une grande conférence, il faut nous donner l'assurance que réponses concrètes vont être apportées !

Je pourrais aussi parler de la réforme particulièrement injuste de la fiscalité de l'épargne, qui profite aux plus aisés, tandis que les avantages liés à l'épargne réglementée, à laquelle tous les petits épargnants ont recours, sont fortement amoindris, de la baisse historique de la rémunération du Livret A jusqu'à la fiscalisation progressive du PEL - qui va connaître une nouvelle étape en 2006 si l'Assemblée adopte la disposition sénatoriale, que pour notre part nous ne voterons pas.

M. le Ministre délégué - Au Sénat, tout le groupe socialiste l'a votée !

M. Augustin Bonrepaux - Déjà, vous avez permis aux foyers les plus aisés d'investir jusqu'à 360 000 euros dans un PEA en franchise d'impôt ; en 2003, vous avez porté de 7 500 à 15 000 euros le seuil de cession en deçà duquel les plus-values sont totalement exonérées sur un portefeuille titres ordinaire ; et la réforme de l'avoir fiscal dans la loi de finances pour 2004 a eu pour conséquence de tripler l'effet de l'abattement sur les dividendes perçus... Aujourd'hui, vous nous proposez un dispositif à la fois injuste et hypocrite - puisqu'il ne s'appliquera que dans cinq ans. On nous dit qu'il s'agit d'encourager les investissements, mais la mesure n'est pas réservée aux investissements en France.

Quant à la taxe de solidarité sur les billets d'avion, dont je constate que le groupe UMP s'est abstenu de parler, je dirai qu'elle constitue un geste de solidarité en direction des pays en difficulté qui mérite notre soutien, mais qu'il faut aller plus loin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - A cette heure tardive, je serai bref, d'autant que nous avons déjà eu l'occasion de débattre de ces sujets à l'occasion de la discussion du PLF pour 2006. J'ai reconnu qu'un problème se posait pour les départements et qu'il fallait trouver une sortie par le haut, notamment à travers une réflexion globale sur l'insertion. Nous y reviendrons, mais pour l'heure, je demande à l'Assemblée de repousser cette motion.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Cela fait des mois que nous parlons des collectivités locales, et nous allons encore en parler pendant des mois... M. Bonrepaux défend avec une grande sincérité et une ténacité presque bretonne (Sourires) des arguments qui ne sont pas tous inexacts, mais nous sommes sur deux orbites différentes : celle des collectivités locales, qui estiment aujourd'hui comme hier que l'Etat leur transfère des responsabilités sans les moyens correspondants ; et celle de l'Etat, dont la participation est croissante - cette année encore, 3 milliards pour la taxe professionnelle, en l'absence desquels il faudrait augmenter la DGF de 8,5 % - sans malheureusement que les collectivités le sachent... Il est difficile d'aimer ce que l'on ne comprend pas ! Aussi la conférence budgétaire sera-t-elle très utile pour mettre à plat l'ensemble de ces dispositifs : les collectivités verront que l'Etat fait beaucoup pour elles. Le fait-il bien ? C'est une autre question, mais il serait bon en tout cas que cette conférence ait lieu fin janvier, afin que nous évitions les faux débats au moment de la préparation des budgets locaux.

M. Michel Bouvard - Le groupe UMP est très attentif à l'évolution des rapports entre l'Etat et les collectivités territoriales. Il a constaté le travail satisfaisant de la commission d'évaluation des charges, lequel trouve sa traduction dans ce collectif budgétaire, même si d'autres débats devront être poursuivis. Rien ne justifie donc le renvoi en commission.

La motion de renvoi en commission, mis aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

ARTICLE PREMIER

M. le Ministre délégué - Lorsque les entreprises estiment que leur résultat au titre d'un exercice sera moins bon que celui de l'exercice précédent, elles peuvent réduire leur dernier acompte d'IS. Par symétrie, l'article premier prévoit que les très grandes entreprises majorent leur dernier acompte lorsque leurs perspectives de résultats sont meilleures. Par l'amendement 133 rectifié, le Gouvernement propose que pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 5 milliards, ces nouvelles dispositions s'appliquent lorsque le bénéfice estimé est supérieur d'au moins 25 % à celui de l'année précédente.

M. le Rapporteur général - Avis favorable, mais je fais observer qu'il s'agit de modifier substantiellement l'article premier d'une loi de finances, qui a toujours un aspect assez symbolique... Il est dommage que cette rédaction n'ait pas figuré dans le texte initial.

L'amendement 133 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article premier ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Michel Bouvard - L'amendement 1 de M. Mariton est défendu.

L'amendement 1, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Didier Migaud - Dans un contexte de tension très forte sur les prix des produits pétroliers, la majorité précédente avait institué dans la loi de finances pour 2001 un prélèvement exceptionnel sur les compagnies pétrolières. En effet, et hors de toute décision de ces entreprises, leurs résultats s'améliorent mécaniquement en période de forte hausse des prix du pétrole. Il est donc légitime qu'une partie de ces revenus exceptionnels soit réaffectée, par l'intermédiaire du budget général, au profit de l'ensemble des Français. Mais le Gouvernement s'est contenté, au lieu de cette taxe, de vagues engagements quant à une répercussion plus rapide des baisses que des hausses de cours sur les prix à la pompe, promesses qui n'ont d'ailleurs pas été faites par tous les acteurs. Ne subsiste donc que la mesure votée en loi de finances pour 2005, qui limite le montant de la dotation pour hausse des prix. Elle reste insuffisante. C'est pourquoi l'amendement 258 propose de réduire le niveau maximal de la dotation de 15 à 5 millions, et donc de limiter les réductions d'impôt sur les sociétés des compagnies pétrolières.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. La commission partage pourtant cette préoccupation : si la dotation pour provision pour hausse de prix a été plafonnée l'an dernier à 15 millions, c'est bien pour cela ! Vous estimez que ce n'est pas suffisant, mais j'attire votre attention sur le fait que l'article premier que nous venons d'adopter a un effet beaucoup plus important en termes d'accélération des rentrées fiscales, même si ce n'est qu'un effet de trésorerie. Cet amendement ne paraît donc pas utile.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable, compte tenu du débat que nous aurons au sujet de la taxe sur les billets d'avion.

M. Didier Migaud - La disposition évoquée par le rapporteur général ne concerne que la trésorerie : nous souhaitons aller au-delà. Par ailleurs, la taxe sur les voyages aériens - et je rappelle que les compagnies aériennes sont les seules à bénéficier d'une exonération totale sur le carburant - est très loin du problème des bénéfices des compagnies pétrolières.

L'amendement 258, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Les articles 28 et 29 de la loi de finances pour 2004, tirant la conséquence de la suppression de la taxe sur les achats de viande, ont créé une taxe d'abattage qui a eu pour conséquence une forte hausse de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat. Pour certaines surfaces commerciales, en particulier celles qui n'ont pas d'activité alimentaire, elle conduit à une hausse de cotisation parfois très importante. Le Gouvernement s'est contenté de renvoyer le problème à une mission d'étude. Dans l'attente d'une réforme plus complète, l'amendement 262 propose donc que la hausse des taux ne puisse dépasser 50 %, et le 263 porte cette limite à 100 %.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Nous avons adopté la semaine dernière un amendement de M. Novelli qui allège cette taxe, notamment pour les petites surfaces, d'environ 10 %. Cette disposition va dans le sens que vous souhaitez.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable. Nous examinerons dans la suite de la discussion un amendement de M. Novelli qui apporte de bonnes réponses à cette question. Je souhaite donc que vous acceptiez de retirer ces amendements.

M. Augustin Bonrepaux - J'accepte de les retirer pour qu'ils soient remis en discussion en même temps que l'amendement de M. Novelli.

M. le Président - Ce n'est pas possible !

M. Augustin Bonrepaux - Dans ce cas, il ne m'est pas possible de juger ! J'aimerais au moins quelques garanties.

L'amendement 262, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 263.

ART. 2

M. le Rapporteur général - Les amendements 176 et 177 sont rédactionnels.

M. le Ministre délégué - Avis favorable.

L'amendement 176, mis aux voix, est adopté, de même que le 177.

M. Augustin Bonrepaux - L'amendement 197 vise à remplacer les mots « l'Etat en 2003 » par « les départements en 2004 ». La compensation faite, par le biais d'une fraction de la TIPP, aux départements pour le transfert du RMI est insuffisante. Les dépenses des départements en 2004 ont été de 5,428 milliards. La compensation, elle, est basée sur les dépenses exécutées par l'Etat en 2003, ce qui a provoqué un déficit qu'il évalue à 456 millions, et les prévisions pour 2005 laissent penser que l'écart pourrait doubler ! La prise en compte, pour la compensation, des dépenses des conseils généraux de 2004 est donc indispensable.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Le principe de la compensation, qui date de la loi de 1983 et a été intégré dans la Constitution par la réforme de 2003, est très clair : la compensation se fait sur la base des dépenses constatées au moment du transfert - en l'occurrence, les dépenses de 2003. La commission consultative d'évaluation des charges a accepté de prendre en considération des dépenses nouvelles qui n'existaient pas en 2003 : celles liées au RMA. La base a donc été actualisée. En revanche, les 457 millions que l'Etat a dégagés pour faire face aux dépenses réelles de 2004 sont un geste de sa part qui n'est en aucun cas rendu obligatoire par la Constitution. Ils n'ont donc pas à être intégrés dans la base qui servira pour les années ultérieures.

L'amendement 197, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Dumont - La paupérisation croissante des ménages entraîne une augmentation des dépenses de RMI et de RMA des départements. Augustin Bonrepaux a fait à plusieurs reprises la démonstration de la distorsion entre ces dépenses et leur compensation. L'amendement 201 propose de donner force de loi à la formule, copéenne, désormais historique, de la compensation « à l'euro près ». Faute de pérennisation du mécanisme, dont nous dit qu'elle n'est pas possible, il faut s'assurer que la situation des finances départementales ne devienne pas dramatique et que le contribuable local ne soit pas trop fortement sollicité, d'autant que l'Etat, lui, conserve ses recettes ! Les départements ont besoin de la solidarité de l'Etat afin de faire face à la paupérisation des populations.

M. le Rapporteur général - Cet amendement est contraire à la loi de 1983 et à l'article 72-2 de la Constitution.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

M. le Président - Sur l'amendement 201, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Augustin Bonrepaux - Il ne suffit plus de dire que le transfert de ressources est suffisant et qu'il n'y a pas de problème ! Il faudrait tout de même nous expliquer comment les départements financeront le différentiel ! Il est indiscutable que la compensation n'est pas équitable : la ressource que vous avez transférée n'évolue pas, alors que les dépenses augmentent, du fait du Gouvernement, qui revalorise, et c'est heureux, le RMI, et du fait de la progression du chômage et de la précarisation. Sans compter les transferts que risque de provoquer la loi sur le handicap ! Et quant aux départements qui font preuve de bonne volonté, plus ils s'engagent dans les contrats d'avenir ou le RMA, plus ils payent ! Ils sont pénalisés ! Vous allez certes inscrire 80 ou 100 millions à cet effet, mais le différentiel existe bien ! Il est indiscutable !

Vous l'avez reconnu, Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas ignorer cette situation, et il vous faudra bien accepter l'un de ces amendements. L'article 2 est important, et fondamental pour les collectivités territoriales. Le groupe socialiste demandera d'ailleurs un scrutin public sur chacun des amendements à l'article 2.

M. Michel Bouvard - A la différence de l'amendement précédent, celui-ci va à l'encontre des règles juridiques de transfert, fixées depuis 1983. L'Etat, qui a vu ses compétences transférées, n'a plus le moyen de contrôler l'action des collectivités territoriales en matière de RMI, il n'a donc aucune raison de la financer. Autant nous pouvons discuter des bases de transfert initiales, autant cet amendement ne me semble pas fondé juridiquement. Cela n'ôte rien au débat qu'il convient de poursuivre sur l'évaluation et la prise en compte des transferts de charges.

A la majorité de 14 voix contre 6 sur 20 votants et 20 suffrages exprimés, l'amendement 201 est rejeté.

M. le Ministre délégué - L'irritation qui guide semble-t-il la demande de scrutins publics de M. Bonrepaux me laisse penser que l'Assemblée a beaucoup travaillé. Ne serait-il pas plus sage de lever cette séance ?

Prochaine séance, ce matin, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 20.

              La Directrice du service
              du compte rendu analytique,

              Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 8 DÉCEMBRE 2005

NEUF HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2005 (no 2700).

Rapport (no 2720) de M. Gilles CARREZ, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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