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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du jeudi 16 mars 2006

Séance de 15 heures
74ème jour de séance, 174ème séance

Présidence de M. René Dosière
Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

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droit d’auteur et droits voisins
dans la société de l’information (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

article 13 (suite)

M. le Président – Nous reprenons l’examen des sous-amendements à l’amendement 261 du Gouvernement.

M. Frédéric Dutoit - Rappel au Règlement fondé sur l’article 58. Nous avons commencé hier l’examen de l’article 13, qui nous conduit à nous prononcer sur le déverrouillage par les consommateurs des fichiers protégés. Nous vous avons fait part hier de nos inquiétudes quant à l’approche particulièrement restrictive du texte sur les possibilités de contournement ; nous avons déposé des amendements et alerté le ministre et le rapporteur sur les risques d’atteinte à la vie privée de nos concitoyens et d’incompatibilité avec la Charte européenne des Droits de l’Homme. Notre collègue Patrick Bloche a rappelé que le respect de la vie privée était un principe de valeur constitutionnelle. Il est d’autant plus choquant que le Gouvernement et la commission ne nous aient pas répondu, se bornant à égrener une litanie d’avis favorables ou défavorables. Cette attitude est inacceptable : je demande au ministre et au rapporteur de bien vouloir nous répondre, faute de quoi nous demanderons une suspension de séance.

M. le Président – Je vous donne acte de ce rappel au Règlement. Mais le ministre n’est pas tenu de répondre aux interpellations.

M. Frédéric Dutoit - Il ne doit pas refuser le débat !

M. Patrick Bloche - Rappel au Règlement. L’opposition et le groupe UDF ont demandé avec insistance la levée de l’urgence : nous estimons en effet que sur une matière aussi complexe, deux lectures dans chaque assemblée étaient nécessaires. Cette levée de l’urgence nous a été refusée. Nous n’avons obtenu qu’un vague engagement du ministre de convoquer une commission mixte paritaire si le texte voté en première lecture par le Sénat divergeait par trop de celui voté à l’Assemblée. Le ministre s’est également engagé à prendre le temps d’un débat de fond, ce qui suppose à tout le moins qu’il réponde à nos interrogations et à nos inquiétudes au sujet d’un texte qui reste fondamentalement mauvais et n’offre aucune garantie réelle pour la protection des libertés publiques et le respect de la vie privée.

Nous avons défendu hier soir des sous-amendements qui n’ont obtenu pour toute réponse que des avis défavorables. Vous avez rappelé à bon droit, Monsieur le Président, que le ministre n’est pas tenu de répondre. Nous ne lui demandons que de tenir l’engagement qu’il a pris.

Cet article 13 concerne les mesures techniques de protection, que la loi doit à notre sens contrôler le plus strictement possible pour préserver le droit à la copie privée, élément de démocratisation culturelle. Si nous voulons que la démocratie culturelle ne reste pas qu’un slogan, le ministre doit nous dire pourquoi il donne un avis défavorable à nos amendements et comment les exceptions pour copie privée que nous voulons protéger sont garanties par le texte.

M. le Président – Les groupes politiques ont la liberté de demander des suspensions de séance, qui sont de droit tant qu’il n’y a pas de volonté de blocage de la discussion. Je le rappelle pour que nous ayons tous conscience que discuter ce projet dans de bonnes conditions requiert des efforts de chacun. Je vous indique d’autre part que nous interromprons l’examen à 17 heures 30, afin de reprendre celui du projet relatif aux OPA. Nous reviendrons au présent texte en séance de nuit.

M. Guy Geoffroy, Vice-président de la commission des lois - Nous débattons maintenant depuis nombre de jours et de nuits, et je n’ai pas le sentiment que le débat ait été occulté ni que le rapporteur et le Gouvernement se soient contentés de réponses sibyllines. Le compte rendu analytique et le compte rendu intégral de nos débats en font foi.

L’amendement 261 est important. C’est pourquoi nous avons pu y revenir autant de fois que vous l’avez souhaité, notamment à l’occasion de l’examen des nombreux sous-amendements qui ont été déposés. Du reste, cet amendement et ces sous-amendements s’intègrent dans un ensemble cohérent, et notre rapporteur a fait hier un louable effort de classification, en donnant au préalable l’avis de la commission sur chaque catégorie de sous-amendements. Il n’y avait donc pas lieu de prolonger ensuite le débat sur chacun d’eux. Je ne puis bien entendu m’exprimer au nom du ministre, mais il me semble qu’il partage la position de la commission. L’un comme l’autre n’ont aucune volonté d’éluder les questions. Je suis au contraire persuadé de la grande qualité de nos débats, et je souhaite qu’ils se poursuivent dans le même esprit de sincérité et d’efficacité.

M. Dominique Richard - Nous entamons notre neuvième journée de débat sur ce texte, auquel plus de vingt séances ont déjà été consacrées. Alors que nous n’avons pas encore examiné la moitié des articles, nous lui avons déjà consacré plus de temps que nous ne prenons habituellement pour deux lectures. Il n’est donc pas sérieux de prétendre que le débat n’aurait pas été approfondi. Nous avons pu avancer hier soir dans l’examen des amendements : continuons ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Mathus - Rappel au Règlement fondé sur l’article 58. Après un aller et retour rapide dans ma circonscription, j’ai découvert ce matin que l’acronyme du nom du ministre s’était enrichi d’une lettre : après l’adoption de l’amendement 150, c’est désormais RDVV, Renaud Donnedieu de Vabres de Vivendi ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des lois - C’est médiocre.

M. Michel Piron - Vraiment, cela n’élève pas le débat !

M. Didier Mathus - Chacun sait que la chargée des relations institutionnelles du groupe Vivendi a fait hier le tour de l’Assemblée pour proposer son amendement, et je me demande s’il est dans notre histoire récente un seul précédent d’un amendement tendant à satisfaire des intérêts privés, aussi directement transposé dans la loi, sans même avoir donné lieu à un vrai débat (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Piron - C’est indigne ! Pour qui vous prenez-vous ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Ma disponibilité pour mener à bien le débat sur ce grand enjeu de société est totale et je ne répondrai pas aux attaques personnelles. Chacun est libre de porter le débat politique sur le terrain qu’il juge bon. Je souhaite simplement que les présidents de groupes – qui ne sont parfois pas les derniers à nous faire la leçon – soient informés des propos tenus par certains de leurs membres. Quant à moi, j’ai la passion de l’intérêt général et mon seul souci est de faire naître une offre nouvelle, respectueuse de la diversité culturelle et des intérêts de chacun. Nos débats méritent mieux que la caricature, d’autant que nous vivons des temps d’information fluide propices à la propagation de fausses nouvelles. Mais bon, vive la liberté d’expression et que chacun prenne ses responsabilités ! Sur le fond, je donne des arguments pour étayer la position du Gouvernement sur la plupart des amendements et je ne crois pas avoir été pris en défaut de désinvolture ou d’indisponibilité. Mais n’espérez pas me faire sortir de ma réserve, dussé-je subir des attaques personnelles qui n’honorent pas ceux qui les portent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Mathus - Nous tenons un nouveau Saint Sébastien !

M. Jean Dionis du Séjour - A l’UDF, nous sommes prêts à débattre de ce texte jusque tard dans la nuit mais nous ne souhaitons pas que notre Assemblée siège demain car nous avons, dans nos circonscriptions respectives, différents engagements. Si le débat a été chaotique, il est indéniable que le ministre a fait preuve de disponibilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Claude Greff - Bravo ! Il fallait le dire !

M. Jean Dionis du Séjour - Quant à l’amendement « Vivendi », je suis d’autant plus à l’aise pour en parler que je ne l’ai finalement pas voté, notamment après avoir entendu les arguments des défenseurs des logiciels libres. Mais la critique du représentant du parti socialiste me paraît bien hypocrite, car nous ne fonctionnons que comme cela ! Les parlementaires n’ont pas la science infuse et il est naturel qu’il aient des contacts avec tous les socio-professionnels concernés, surtout lorsque le sujet est très technique. Ayant rapporté la LCEN, je ne me cache absolument pas d’avoir contacté EDF ou Areva ! A nous ensuite de dire ce que nous prenons et ce que nous laissons.

Mme Claude Greff - Bien sûr !

M. Jean Dionis du Séjour - Trêve d’hypocrisie : le procès qui est fait au ministre est parfaitement injuste. Du reste, nous commençons à être un peu fatigués par le double langage du parti socialiste, qui drague les internautes dans l’hémicycle et les artistes à l’extérieur !

Mme Claude Greff - Il a raison !

M. Didier Mathus - Qu’en pense Bayrou ?

M. Jean Dionis du Séjour – Rassurez-vous, il est d’accord avec moi. S’agissant par exemple de la licence globale, nous avons fait un effort de cohérence et nous attendons encore que d’autres se montrent aussi constructifs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Claude Greff - Voilà une intervention courageuse !

M. le Président – Quelques précisions, Monsieur Dionis du Séjour, sur le déroulement de nos travaux. Il n’est pas prévu à cette heure de siéger demain. Ne présidant pas la séance de ce soir, je transmettrai vos observations à M. Bur, qui décidera de la manière dont doit s’organiser la séance de nuit. Toutefois, je vous indique que si la Conférence des présidents juge bon de convoquer notre Assemblée pour demain, je suis disponible pour assurer la présidence des trois séances. En toute hypothèse, il dépend de chacun d’entre vous que la discussion des articles puisse s’achever dans la nuit.

M. Dominique Richard - Nous sommes excédés de voir M. Mathus se poser en parangon de vertu. Qu’il nous explique plutôt s’il trouve normal qu’un député socialiste de la Nièvre – il se reconnaîtra ! – loue un bureau à quelques mètres de l’hémicycle pour le mettre à la disposition – pendant qu’il est lui-même en séance – de l’association Que choisir ? et de l’ADAMI ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Claude Greff - Que répondez-vous à cela ?

M. Marc Laffineur - Dans un débat qui ne devrait pas se départir d’une certaine dignité, le ministre s’efforce, avec brio, de faire des propositions équilibrées et de favoriser le compromis. Attention, chers collègues socialistes, à ne pas vous abaisser vous-mêmes en tentant de mettre en cause l’intégrité de tel ou tel. C’est un jeu dangereux. Le ministre a fait preuve d’une parfaite honnêteté intellectuelle et il est extrêmement choquant que certains se permettent de le mettre en cause en des termes inqualifiables (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Billard - En tant que députée Verte, j’estime que le moins que l’on puisse dire, c’est que les auditions n’ont pas été équitablement réparties entre les différentes parties intéressées. Si le débat n’avait pas tourné court en décembre – grâce notamment à certains de nos collègues de l’UMP – les représentants des logiciels libres n’auraient même pas pu se faire entendre ! Je ne conteste pas qu’un gros travail ait été accompli sur tous nos bancs, mais il est difficilement contestable que certaines parties ont bénéficié plus que d’autres de la possibilité de faire valoir leurs revendications.

M. Patrick Bloche - Je ne souhaitais pas intervenir à nouveau mais le parti socialiste ayant été mis en cause directement, vous comprendrez que je souhaite répondre…

Mme Claude Greff - Voilà qu’il joue l’offensé ! C’est un comble.

M. Patrick Bloche - En l’occurrence, les propos de Didier Mathus sont conformes à une réalité que le présent débat fait éclater : certains intérêts particuliers ont pris le pas sur l’intérêt général… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Piron - Scandaleux ! Torquemada !

M. Patrick Bloche - Nous ne prétendons pas qu’il faille ignorer les socio-professionnels. Mais la nullité de tout mandat impératif et le souci d’intégrité commandent que nous nous forgions en conscience notre propre opinion…

Mme Claude Greff - Nous ne vous avons pas attendu pour le savoir ! Donneur de leçons !

M. Patrick Bloche - Quant à M. Dionis du Séjour, il ne me semble pas utile de lui répondre de manière détaillée. Chacun a pu constater que l’UDF chantait une partition à deux voix, les positions respectives de MM. Bayrou et Dionis étant souvent contradictoires !

M. Jean Dionis du Séjour - Absolument pas !

M. Patrick Bloche – Quant à vous, Monsieur le ministre, aucun d’entre nous ne vous a attaqué. Jamais nous n’avons mis en cause votre intégrité non plus que celle du rapporteur. Nous respectons leur personne et leur fonction.

M. Michel Piron - Assumez vos propos !

M. Yves Coussain - Il y a eu des attaques !

M. Patrick Bloche - Depuis décembre dernier, pas un seul député de l’opposition n’a fait référence à la moindre procédure judiciaire. Ce n’est pas une attaque personnelle que de dire que vous qui avez fait preuve de professionnalisme sur le dossier des intermittents, même si vous vous retrouvez aujourd’hui coincé, vous avez pour le moins fait preuve d’amateurisme sur la question des droits d’auteur sur internet. Cette opinion est très largement partagée, bien au-delà de cet hémicycle.

M. Bernard Carayon - Que votre collègue s’excuse !

M. Patrick Bloche – Je souhaiterais que, sur les bancs de la majorité comme de l’opposition, seul l’intérêt général nous guide (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Piron - Vous n’en avez pas le monopole !

M. Patrick Bloche – Et Didier Mathus n’a fait que réagir au vote de l’amendement 150 2ème rectification, dont nous estimons qu’il dessert l’intérêt général au profit d’intérêts particuliers.

M. le Rapporteur – Il est très grave de soupçonner que la loi puisse être dictée par des intérêts privés. Il est vrai que lorsque nous légiférons, nous ne demeurons pas étrangers aux débats qui animent la société civile, et c’est légitime.

M. Jean Dionis du Séjour - Tout à fait.

M. le Rapporteur – Il nous appartient de trouver la voie étroite de l’intérêt général entre tous les intérêts particuliers, souvent divergents.

Des instances officielles comme le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique ont débattu des questions dont nous traitons aujourd’hui. Ce n’est pas telle ou telle entreprise privée qui a suggéré de sanctionner les éditeurs de logiciels favorisant le piratage. M. Sirinelli explique fort bien dans son rapport comment on en est arrivé à cette hypothèse, s’appuyant d’ailleurs sur la jurisprudence américaine et australienne. Tous les membres de la commission, qui réunissait des représentants des producteurs et des consommateurs, reconnaissent qu’il serait préférable d’agir à l’encontre des éditeurs de logiciels illicites plutôt que de poursuivre les internautes en justice. Entre « la jungle » et « la geôle », pour reprendre vos expressions, nous avons trouvé un juste point d’équilibre consistant à punir plus sévèrement les vrais coupables. Et ce n’est pas telle ou telle entreprise, que je vous remercierais d’ailleurs de ne pas stigmatiser -heureusement que la France possède de telles entreprises qui réussissent !- qui a inspiré cette disposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en arrivons au sous-amendement 391.

M. Henri Emmanuelli – Monsieur le ministre, demander votre retrait, comme je l’ai fait hier, ne me semble pas constituer une attaque personnelle. Il n’est pas infamant de s’entendre dire cela. Cela m’est arrivé souvent…

Monsieur Dionis du Séjour, vous prétendez que la position du parti socialiste serait ambiguë et démagogique…

M. Michel Piron - Elle est pour le moins plurielle !

M. Henri Emmanuelli – Les députés socialistes défendent ici la position du groupe socialiste, au nom du parti socialiste. Vous feriez mieux, Monsieur Dionis du Séjour, de vous préoccuper de l’homogénéité de votre propre famille politique car je n’ai pas le sentiment que M. Bayrou défende le même point de vue que le vôtre. S’il est vrai qu’il y a eu au début, chez nous aussi, pourquoi le nier, certaines hésitations au parti socialiste (Interruptions de M. Dionis du Séjour)… Laissez-moi m’exprimer. Vous, votre point de vue est totalement isolé au sein de l’UDF.

Mme Claude Greff - N’importe quoi ! Vous deviez défendre le sous-amendement 391.

M. Henri Emmanuelli - Est-ce vous qui présidez, Madame ?

Le parti socialiste réfléchit aux modalités d’une taxation globale, la plus pertinente possible. Il n’envisage en aucun cas de poursuivre les internautes ni de condamner le téléchargement, élément essentiel de liberté.

M. Jean Dionis du Séjour - Dites que vous êtes pour la licence globale.

M. Henri Emmanuelli – Il est d’autres moyens d’assurer la juste rémunération des artistes, auteurs, compositeurs et interprètes que ceux que vous préconisez. Notre pays compte d’ores et déjà 8,9 millions d’internautes et bientôt quinze. Comme on a su par le passé taxer les supports vierges, il doit être possible de trouver aujourd’hui une assiette permettant de rémunérer les créateurs sans transformer les internautes en quasi-délinquants.

Pour ce qui est du sous-amendement 391, il vise à garantir l’accès des handicapés au téléchargement.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Ce sous-amendement est satisfait.

M. le Ministre – En effet. l’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle tel qu’il résulte du vote de l’amendement 272 du Gouvernement dispose que les ouvrages imprimés mis à la disposition du public devront être déposés auprès d’organismes désignés par les titulaires de droits et agréés par l’autorité administrative dans un format ouvert. De même, l’amendement 257 du rapporteur, adopté à l’article 9, précise que le collège des médiateurs est chargé des mesures techniques permettant cette exception, à laquelle nous sommes tous attachés.

Le sous-amendement 391, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Didier Mathus - Le sous-amendement 385 rectifié, de repli, vise à sauver l’essentiel concernant les logiciels libres, en indiquant que « les dispositions du présent titre ne permettent pas d’interdire la publication du code source ni de la documentation technique d’un logiciel interopérant pour des usages licites avec une mesure technique de protection d’une œuvre ». Il se justifie par la nature juridique du logiciel libre, lequel est dit libre si sa licence d’utilisation garantit à ses utilisateurs la liberté de l’exécuter, comme ils le souhaitent, sans avoir à payer quoi que ce soit, d’étudier son fonctionnement, de le modifier et de le redistribuer.

Les mesures que s’apprête à adopter la majorité seront d’ailleurs vaines car le propre d’un logiciel libre est d’agréger des solutions logicielles émanant d’internautes du monde entier. Comment la police française poursuivra-t-elle les développeurs de tels logiciels aux quatre coins du monde ? J’aimerais beaucoup que le rapporteur nous l’explique.

Mme Martine Billard - Le sous-amendement 292 va dans le même sens, précisant que les dispositions de l’article n’interdisent pas la distribution du code source d’un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique. Sans cette précision, le logiciel libre ne peut pas exister.

Tous les dispositifs imaginés jusqu’à présent pour interdire les copies illégales de logiciels ont été contournés. Des informaticiens sont parvenus à casser les protections qui interdisent d’effectuer plus qu’une copie de sauvegarde. Ce n’est pas en bridant les logiciels libres que vous parviendrez à empêcher de contourner les MTP car ce n’est pas essentiellement par le biais de ces logiciels qu’elles sont cassées.

Par conséquent, il faut autoriser l’utilisation du logiciel libre pour l’exercice des exceptions pour copie privée prévues par la loi, voire des autres exceptions autorisées par les accords signés par la France dont le ministre n’a toujours pas voulu préciser le contenu.

M. le Rapporteur – Avis défavorable aux deux sous-amendements.

M. le Ministre – Même avis. Rien dans la rédaction proposée par le Gouvernement n’interdit la publication d’un code source d’un logiciel indépendant, je le répète. La lecture d’un DVD sous logiciel libre est parfaitement légale. Nous avons beau garantir le droit à l’exception pour copie privée pour la première fois depuis 1985, vous affirmez que nous lui portons atteinte. C’est extraordinaire ! De même, je suis extrêmement fier du capital scientifique exceptionnel qui existe dans nos jeunes entreprises françaises. Le procès que l’on fait au Gouvernement sur le logiciel libre n’a pas lieu d’être. Reste qu’un code source doit être soumis aux mêmes règles que le logiciel correspondant et qu’il ne doit pas contenir d’indications facilitant l’atteinte au droit d’auteur.

M. Frédéric Dutoit – Je soutiendrai sans réserve ces sous-amendements. À l’instar de Mme Boutin, je rappellerai qu’aucune clause de la directive européenne ne fait référence à la diffusion du code source. Monsieur le ministre, votre hostilité à son égard repose sur une analyse erronée selon laquelle elle constituerait un risque pour la sécurité des mesures techniques. Par ailleurs, on ne peut prétendre défendre le logiciel libre et interdire la publication des codes sources. Une fois encore, vos actes contredisent vos paroles. C’est faire beaucoup de vent pour ne servir finalement que quelques intérêts particuliers, fort éloignés de ceux des auteurs.

Les sous-amendements 385 rectifié et 292, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Christian Paul - Rappel au Règlement. M. Dominique Richard a profité de mon absence pour me mettre en cause…

M. Dominique Richard - Vous vous reconnaissez ! C’est un aveu !

M. Christian Paul - J’y vois plus une maladresse incorrigible de notre collègue qu’une volonté de diffamer qui mériterait explication. Je n’en fais pas une affaire personnelle, et je voudrai répondre à cette interpellation sur le terrain politique. Nous avons à plusieurs reprises accueilli tous les acteurs de ce débat.

M. Jean Dionis du Séjour - Merci de le reconnaître !

M. Christian Paul - Contrairement à vous, Monsieur Richard, je ne crois pas qu’une entreprise multinationale qui tente par tous les moyens dont elle dispose – ils sont nombreux et puissants, y compris dans les médias – de défendre ses intérêts et ceux de ces actionnaires doive être considérée de la même manière que les sociétés de gestion de droits représentant des dizaines de milliers d’artistes ou des associations défendant des millions de consommateurs telles que l’UFC-Que Choisir. Dans quelques semaines, lorsque nous aurons à décider la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la gestion du service public de l’eau, nous serons dans la même position : il faudra arbitrer entre des groupes puissamment armés et des associations qui défendent de manière opiniâtre les intérêts de nos concitoyens.

Mme Claude Greff – Les citoyens, c’est nous qui les représentons !

M. Christian Paul - Je suis heureux d’avoir organisé ces débats d’autant plus que l’ADAMI, notamment, n’a pas été invitée à participer aux rencontres proposées par le Président de l'Assemblée nationale il y a une quinzaine de jours. Que les députés organisent des débats publics, c’est légitime, surtout quand l’Assemblée a refusé de créer une mission d’information parlementaire !

M. Dominique Richard - Il est malsain de passer son temps à stigmatiser…

Mme Claude Greff – Tout à fait !

M. Dominique Richard - …une grande entreprise culturelle française qui offre des milliers d’emplois. Qu’un député organise des rencontres pour nourrir sa réflexion avant un débat est tout à fait normal. Ce qui l’est moins, c’est de mettre un bureau de l’Assemblée, qui se trouve à quelques encablures de l’hémicycle, à disposition permanente de certains.

M. Didier Mathus - Et la FNAC et Virgin installés dans la salle des conférences, ça ne vous gêne pas ?

M. Dominique Richard - La prochaine fois, demandez leur au moins de fermer la porte ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Billard – Monsieur Richard, avant de donner des leçons, faites le ménage dans vos propres rangs, vous aurez des surprises ! Revenons-en à la discussion des articles. Le sous-amendement 294 tend à préciser que la mise en place de dispositifs de surveillance des données échangées sur internet n’est possible que sur autorisation préalable de l’autorité judiciaire, de la même manière que les écoutes téléphoniques. C’est un minimum pour assurer le respect de la vie privée. La CNIL a d’ailleurs été saisie sur ce sujet. Cette précision est importante car elle permettra aux personnes qui sont victimes de surveillance d’en appeler au respect de la loi. Nous aborderons de nouveau ce sujet à l’article 14, mais il me semble que l’article 13, plus technique, est le bon endroit pour insérer cet amendement qui vise à lever toutes les ambiguïtés.

M. le Rapporteur – La commission a émis un avis défavorable car le Conseil constitutionnel et la CNIL veillent à ce que l’autorité judiciaire soit saisie dans ce cas. Du reste, la surveillance sur internet est plus encadrée sur les sites légaux que s’il s’agit de logiciels pirates, souvent porteurs de spams et virus.

M. le Ministre – Les dispositions protectrices de la vie privée adoptées en 2004, et modifiant la loi de 1978, sont pleinement applicables dans ce cas. La CNIL peut contrôler les traitements automatisés de sa propre initiative ou à la demande de consommateurs. Par ailleurs, l’amendement 273 de M. Carayon répond également à cette préoccupation. Par conséquent, avis défavorable.

M. Jean Dionis du Séjour - Le sous-amendement de Mme Billard soulève un problème de fond, celui du respect de la vie privée. Les DRM ont plusieurs fonctions : chiffrement du contenu, transmission de clés, gestion des droits et traçabilité. En effet, à partir des DRM, on peut savoir où est passé le contenu. Toutefois, cette question ne peut être résolue par un simple amendement. M. le rapporteur en a fait la démonstration en indiquant que ces questions relèvent de la compétence du Conseil constitutionnel et de la CNIL.

Le sous-amendement 294, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Dionis du Séjour - Il est vrai, Monsieur Emmanuelli, que les membres du groupe UDF ont abordé ce débat avec des sensibilités différentes. Mais aujourd’hui, nous nous accordons tous à soutenir l’émergence de nouveaux modèles de plateformes commerciales, le droit à la copie privée, les logiciels libres. Nous sommes en revanche opposés à la licence globale ainsi qu’au collège de médiateurs.

Je vous remercie d’avoir eu l’honnêteté intellectuelle de lever l’ambiguïté qui existe au parti socialiste entre les défenseurs des internautes, dans l’hémicycle, et les défenseurs des artistes, ailleurs.

La position de l’UDF méritait cette explication : le groupe, dont je suis le porte-parole, est bien opposé à la licence globale et à ce qui s’est passé le 21 décembre.

Mme Claude Greff – Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour – Les sous-amendements 379 rectifié et 412, de M. Bayrou, sont sous-tendus par l’idée que les plateformes marchandes doivent être accessibles, quelque soit le navigateur utilisé, qu’il soit commercial ou qu’il provienne d’un logiciel libre.

M. le Rapporteur – Ces deux sous-amendements n’ont pas leur place dans ce texte. Le sous-amendement 379 rectifié traite davantage du commerce en ligne, tandis que le sous-amendement 412 pose la question des logiciels libres sous l’angle de la concurrence. Avis défavorable.

M. le Ministre – Les amendements à l’article 7, qui permettent la mise en œuvre de l’interopérabilité – avancée considérable que nous avons réalisée ensemble – répondent à cet objectif. Cette interopérabilité est l’affaire des fournisseurs de MTP et non des services de vente en ligne, simples utilisateurs. De plus, l’interdiction de nouveaux protocoles visée par cet amendement pourrait aboutir à celle des mises à jour, qui sont pourtant nécessaires à la protection des œuvres et à la sécurité. Avis défavorable.

M. Patrick Bloche - Je ne suis pas convaincu par les réponses qui viennent d’être données. Par ailleurs, comme nous en arrivons à la fin de l’examen de l’amendement 261, je souhaiterais poser au ministre et au rapporteur une question précise, à laquelle j’aimerais qu’ils me répondent clairement. L’exposé des motifs indique que l’amendement 261 clarifie les incriminations en mettant en place un système de réponse pénale à trois niveaux.

Le troisième d’entre eux me préoccupe, puisqu’il vise le détenteur ou l’utilisateur de logiciels mis au point pour le contournement, et qui profiterait de ces moyens pour s’affranchir des MTP. Or, rien dans l’amendement, Monsieur le ministre, ne vient écarter l’application des articles L.335-3-1 et L.335-3-2, que vous réécrivez. Il faudrait préciser, par sous-amendement que le 2° du II de l’article L.335-3-1 et le 2° du II de l’article L.335-3-2 ne sont pas applicables à la détention ou à l’utilisation d’un logiciel mis au point pour le contournement à des fins personnelles.

M. le Ministre – J’ai souhaité que le système de réponse pénale soit exactement décrit dans l’exposé des motifs. Certains éléments relèvent de la loi, d’autres du règlement, mais pour des raisons de transparence et de clarté, je voulais que l’ensemble soit présenté, tout comme les contraventions seront expliquées après l’article 14. Vous avez ainsi toutes les données en votre possession, et nul ne peut ignorer les règles du jeu.

Je refuse toute caricature : il serait partial de ne braquer les projecteurs que sur un élément de la responsabilité, alors qu’il en existe plusieurs, en fonction des actes incriminés.

Mme Martine Billard - Monsieur le ministre, pourquoi le prenez-vous si mal ? Nous essayons de comprendre. Je crains pour ma part que ce système rende possible une double peine à l’égard de la personne qui aurait à la fois utilisé un logiciel de contournement des MTP et téléchargé illégalement. Lorsqu’il est question de mettre en place un dispositif de sanction, il est légitime que le législateur se demande si celui-ci est bien dans l’esprit de ce qu’il s’apprête à voter et si des recours seront susceptibles de s’exercer. La sanction doit apparaître très clairement.

M. Patrick Bloche – Tout à fait. Compte tenu de la rédaction de l’amendement 261, pourquoi l’amendement 263, deuxième rectification, après l’article 14, prévoit-il que les dispositions du chapitre IV du code de la propriété intellectuelle ne s’appliqueront pas ? Il y a là, à l’évidence, une contradiction et un risque de double peine.

Le sous-amendement 379 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.
Le sous-amendement 412, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 261, mis aux voix, est adopté et l’article 13 est ainsi rédigé.

art. 14

M. Patrick Bloche – Compte tenu du parallélisme entre les articles 13 et 14, je voudrais revenir sur la réponse graduée.

Comme je l’ai dit hier, celle-ci procède d’une logique défensive, parfaitement décrite par la Direction de la prévision et le Conseil d’analyse économique, qui conduit à construire des lignes Maginot. Elle n’apporte pas de réponse à la crise économique de la filière musicale, les ventes de titres réalisées sur les plateformes plafonnant à un niveau très bas et ne compensant pas la chute des revenus tirés de la vente des CD. De plus, la part des ventes allouée aux auteurs par les plateformes de musique en ligne est encore inférieure à celle dont ils bénéficiaient sur les CD. Il est d’ailleurs à noter que le produit des contraventions n’ira pas aux titulaires de droits, mais au budget de l’État.

Comme la première phase de poursuites judiciaires, la réponse graduée vise à contraindre les internautes à se tourner vers les plateformes de musique en ligne commerciales. Mais c’est un pari qui fait l’impasse sur les limites de ces plateformes : limitation des usages par les DRM, non-interopérabilité avec les baladeurs ; étroitesse des catalogues ; ergonomie médiocre ; coût élevé des œuvres ; absence d’offres forfaitaires en France.

La réponse graduée traduit aussi la défiance du Gouvernement à l’égard des juges : la vague de procès qui a déferlé, depuis deux ans, procédait d’une volonté d’intimidation des internautes, mais elle tourne au désavantage des titulaires de droits, puisque le téléchargement est généralement assimilé à la copie privée. Les condamnations portent essentiellement sur les actes à finalité commerciale ou la copie sauvage de logiciels, et les peines prononcées tendent à baisser.

En outre, la réponse graduée pose des problèmes au regard des libertés publiques – identification des infractions, question de la preuve, garanties procédurales pour les personnes poursuivies.

Enfin, pour que la répression soit dissuasive, il faut qu’elle soit massive. Or, pour poursuivre un grand nombre de personnes, il faut automatiser le dispositif, à l’instar des radars automatiques ; mais c’est faire peu de cas des libertés publiques. Et si l’on veut respecter celles-ci, le dispositif ne permet plus de dissuader les internautes… Voilà le dilemme auquel vous êtes confronté. Pour 38 euros – au lieu des trois ans et 500 000 euros d’amende dont ils étaient précédemment menacés, les internautes prendront le risque de télécharger et partager des fichiers.

M. Christian Paul - Quand nous avons repris nos travaux sur ce texte, Monsieur le ministre, nous étions tous persuadés de pouvoir enfin participer à un grand débat de politique culturelle, portant sur la manière dont l’internet allait faciliter l’accès à la culture, dans le respect des droits des auteurs. Mais hier, nous avons eu l’impression d’entendre un ministre de l’intérieur bis, mettant en place sa police de l’internet ; et aujourd’hui, vous êtes plutôt un garde des sceaux bis, présentant, tel un moderne Beccaria, son échelle des délits et des peines.

M. Jean Dionis du Séjour – Fichtre !

M. Christian Paul - De ministre de la culture, point ! Nous n’en sommes que plus préoccupés que le président de l’UMP, M. Sarkozy, répète urbi et orbi qu’il mettrait volontiers fin à l’existence d’un ministère de la culture autonome… Il ne dit pas s’il veut l’expédier place Vendôme ou place Beauvau ; il semblerait d’ailleurs que ce soit plutôt rue de Grenelle. Dans tous les cas, quelle régression !

M. le Ministre – Jack Lang !

M. Christian Paul - Il vous reste quelques heures pour prouver qu’il existe encore en France un ministre de la culture, et non pas simplement un nouveau rédacteur du code pénal.

J’aimerais néanmoins savoir, à propos de cet article 14, comment vous entendez faire constater ces infractions. Nous n’avons toujours pas compris si nous étions dans le modèle du radar automatique ou dans celui de la contravention pour stationnement interdit… Dans le premier cas, faute de base légale vous risquez d’avoir quelques soucis avec la CNIL, avec le Conseil constitutionnel, et peut-être avec les associations d’intérêt public qui défendent les intérêts des consommateurs ; dans le deuxième, on sélectionnerait quelques internautes pour les conduire devant les tribunaux, mais on ne voit pas sur quoi reposerait la force probante des constats, on ne sait pas comment ceux-ci seraient réalisés.

M. Didier Mathus - Après les droits d’auteur, les droits voisins : cet article contribue à situer la France, en matière de liberté sur l’internet, quelque part entre la Chine et l’Ouzbékistan…

La multiplication des capacités d’échange entre individus, notamment avec les plateformes peer-to-peer, a totalement révolutionné les industries de la culture et de l’information. On assiste à une désindustrialisation des échanges culturels, notamment pour la musique, et la possibilité offerte à chacun de réaliser des compilations personnelles est une incontestable valeur ajoutée. De même, les blogs et les wikis sont en train de révolutionner l’information, en remettant en cause la transmission verticale traditionnelle. Evidemment, cela induit un conflit entre les industriels propriétaires des contenus et des catalogues, et les citoyens internautes qui tentent de faire valoir leur droit à l’expression et à la diversité culturelle librement choisie.

Ce projet ne fait illusion pour personne : c’est comme si vous vouliez endiguer la mer avec du sable ! La pénalisation massive ne fonctionnera pas. Le gouvernement français est celui qui a choisi la transposition la plus répressive, avec la Grèce ! Les autres pays se montrent beaucoup plus ouverts et respectueux des libertés individuelles : ainsi le Danemark ou le Royaume-Uni, où l’on ne poursuit que les téléchargements accomplis à des fins commerciales, – encore les sanctions prévues ne sont-elles presque pas appliquées. On ne peut en effet pas légiférer contre la société.

La tentative du Gouvernement est donc vouée à l’échec mais soulève tout de même un problème considérable – le même que dans le domaine de l’industrie biogénétique, lorsque certains industriels comme Monsanto ont voulu imposer des gènes propriétaires : le domaine de la propriété intellectuelle est l’objet d’une frénésie d’appropriation, d’une voracité de profits effroyable et quelques industriels tentent d’imposer l’idée que tout ce qui circule sur Internet devrait leur appartenir. Cette bataille-là ne fait que commencer. Aujourd’hui, le Gouvernement l’emportera sûrement. Il fera adopter ce projet, pour le plus grand bénéfice des industriels, mais ce sera une victoire à la Pyrrhus : les aspirations à la liberté et à l’enrichissement culturel l’emporteront de toute façon. La volonté de faire de la propriété intellectuelle une espèce de gisement pour actionnaires n’a aucune chance de triompher à terme.

M. le Ministre – La liberté d’expression à l’intérieur de l’hémicycle est par définition totale…

M. Christian Paul - Sauf la diffamation !

M. le Ministre - …mais je voudrais signaler aux orateurs socialistes qu’ils ont engagé ce débat de façon anticipée. L’article 14 n’est que l’extension de l’article 13 aux droits voisins. Je comprends votre impatience de parler du régime des sanctions, puisqu’il s’agit de supprimer la menace d’emprisonnement qu’encourt aujourd’hui l’internaute quand il télécharge illégalement. Vous ne proposez pas d’alternative, puisque vous êtes globalement tous pour la licence globale, en tout cas d’après M. Emmanuelli – peut-être François Hollande avait-il toutefois dit le contraire…

M. Christian Paul - Vous n’êtes pas qualifié pour parler à la place de M. Hollande.

M. le Ministre – …mais il me semble qu’avant d’ouvrir ce débat, nous devrions accorder à l’article 14 toute l’attention qui lui est due.

Vous dites que ce que je veux, c’est mettre les internautes en cause et que je n’ai pas de projet culturel. Je rappelle une fois pour toutes que sans sécurité juridique, il n’y aura pas d’offre riche et diversifiée de contenus culturels français ou européens sur Internet et que si nous ne faisons rien, la domination extérieure s’étendra encore. Aujourd’hui, 85% des places de cinéma vendues dans le monde concernent des productions d’Hollywood. Au sein de l’Union européenne, cette proportion est ramenée à 71 %. La différence est considérable, mais ce chiffre est encore trop élevé. Il faut encourager une offre légale, française et européenne, diversifiée et qui concoure au rayonnement des artistes confirmés et à l’éclosion des jeunes artistes. Pour cela, l’étape que nous vous demandons d’approuver est essentielle. Assurer les liens entre les fournisseurs d’accès à Internet, le monde de cinéma et celui de la télévision – 18 mois de travail pour parvenir à un accord ! – ou entre les fournisseurs et le monde de la musique, pour permettre la diversité de l’expression musicale, c’est l’objet même de la sécurité juridique.

Enfin, au sujet de l’éducation nationale, vous nous avez aussi reproché à de nombreuses reprises un manque de cohérence entre nos deux ministères, s’agissant de l’éducation artistique… Il faudrait choisir votre ligne d’attaque ! À moins qu’on ne soit en train d’assister en direct à quelque débat interne au parti socialiste ? Il me semble en effet que l’un de mes éminents prédécesseurs a été ministre à la fois de la culture et de l’éducation nationale… Pour le moment, vous n’avez affaire qu’au ministre de la culture et de la communication, qui assume le mieux qu’il peut cette magnifique fonction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Henri Emmanuelli - Monsieur le ministre, vous qui représentez le Gouvernement, organe à responsabilité collective, et qui assumez un texte dans des conditions rocambolesques, comment se fait-il que votre seule préoccupation semble être de parler du parti socialiste ? Lorsqu’on est depuis quatre ans au pouvoir, on devrait d’abord s’intéresser à ce que l’on propose au pays ! Vous ironisez, vous ironisez… C’est facile ! Je pourrais ainsi vous dire qu’il sera aussi difficile d’entraver la liberté des internautes que de passer un string à une baleine, mais ce n’est pas le sujet ! Assumez plutôt votre texte : les positions du parti socialiste, elles, sont comprises par tous les internautes et les centaines de milliers de jeunes qui défilent dans la rue en ce moment savent exactement qui défend quoi. Nous n’avons pas toujours raison, nous pouvons commettre des erreurs et nous pouvons changer d’avis – cela ne vous est d’ailleurs pas interdit, à vous aussi, d’ici à la fin de la discussion – mais nous voulons débattre sur le fond. Grâce à une belle innovation, vous avez déjà considéré comme adopté un projet de loi de 22 articles après la discussion des trois premiers. Aujourd’hui, lorsque nous vous interrogeons, faites l’effort d’essayer de répondre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Dominique Richard - Cet article démontre à qui en doutait encore que cette loi bénéficie aux internautes. Elle leur garantit une offre sécurisée et diversifiée, qui leur permettra de découvrir plus facilement de jeunes créateurs. En distinguant clairement l’internaute du contrefacteur, le législateur refuse l’amalgame et responsabilise chacun pour favoriser une offre légale de qualité dont le succès permettra une diminution progressive des coûts. En l’état du droit, M. Toulemonde, lorsqu’il télécharge, et parfois met à disposition, illégalement, risque la prison et 300 000 euros d’amende. Après le vote de l’amendement 263, deuxième rectification du Gouvernement, qui sera présenté après l’article 14, il ne sera plus passible que d’une contravention. Nouveauté notoire, l’infraction, constatée par un officier de police judiciaire, partira de l’œuvre téléchargée : l’internaute ne fera donc pas l’objet d’une surveillance portant sur l’ensemble de ses téléchargements, ce qui serait le cas en cas de licence globale optionnelle. C’est enfin le procureur et lui seul qui pourra demander l’identité de l’internaute au fournisseur d’accès, ce qui garantit le respect des libertés individuelles.

M. Jean Dionis du Séjour - Il est vrai que ce débat devrait attendre les articles additionnels après l’article 14, mais, puisque chacun s’est exprimé, il est temps de se demander quel monde culturel nous voulons. Le parti socialiste a choisi la licence globale, c’est-à-dire la fiscalisation – c’est un tropisme, chez vous ! – et l’absence de sanctions. Cette position est parfaitement cohérente, même si elle est loin d’être exprimée unanimement au sein du groupe. Nous y sommes quant à nous fortement opposés. Nous trouvons ce système injuste pour ce qui est du prélèvement, archaïque quand on en vient à la répartition et opposé au modèle européen.

Selon l’article 8 de la directive que nous devons transposer, les États membres doivent prévoir des sanctions et des voies de recours appropriées contre les atteintes aux droits et prendre toutes les mesures nécessaires pour en garantir l’application, ces sanctions étant efficaces, proportionnées et dissuasives. Le parti socialiste est-il, oui ou non, d’accord avec ces sanctions, et donc avec la transposition de la directive ? Nous sommes pour l’émergence de plateformes marchandes plus ergonomiques, moins chères et au catalogue plus large et pour la protection des auteurs, avec des contrôles et des sanctions proportionnées. Autrement dit, nous sommes pour la transposition de la directive. Car nous assumons la signature européenne de la France, comme 23 pays l’ont fait déjà pour leur part. Le parti socialiste doit, soit se prononcer contre la transposition, soit dire ce qu’il fait de l’article 8.

M. Patrick Bloche - Je voudrais faire un rappel au Règlement, comme à chaque fois que nous sommes mis en cause.

M. le Président – Monsieur Bloche, si vous multipliez les rappels au Règlement qui n’en sont pas, la discussion va se poursuivre demain, voire plus tard…Chacun doit pouvoir s’exprimer, mais les manœuvres de retardement ne sauraient avoir l’accord de la présidence. Vous avez un amendement de suppression 93 : pouvez-vous le présenter ?

M. Christian Paul - Rappel au Règlement !

M. le Président - Vous vous êtes déjà exprimé sur l’article. S’agit-il vraiment d’un rappel au Règlement ?

M. Christian Paul - Vous nous parlez de manœuvres de retardement, Monsieur le Président. Mais cette loi toute entière est une loi de retardement, puisqu’elle a pour objectif de maintenir la situation actuelle…

M. Yves Jego - Où est le rappel au Règlement ?

M. Christian Paul - …Nous serions donc bien inspirés de prendre notre temps. Nous savons que se prépare une seconde délibération sur l’article 7, que le monde entier devait pourtant, à en croire la majorité et le Gouvernement, nous envier ! Par ailleurs, nos collègues expriment urbi et orbi des remords sur les amendements qu’ils ont votés : M. Carayon évoque ce jour, sur un forum public, à 15 heures 19, « le détestable amendement Vivendi Universal » !

M. Bernard Carayon - J’étais ici !

M. Christian Paul - Voilà qui devrait intéresser le ministre : un ordinateur peut émettre la signature de M. Carayon sans être toujours utilisé par M. Carayon ! Comment constatera-t-on les infractions, Monsieur le ministre ? J’attends la réponse !

M. Patrick Bloche - Nous avons déjà eu l’occasion de dire tout le mal que nous pensons de l’article 14. C’est pourquoi l’amendement 93 vise à le supprimer.

J’ai été étonné de l’interpellation de M. Dionis du Séjour. Peut-être devrais-je l’informer que le Gouvernement n’est pas socialiste.

M. Jean Dionis du Séjour - Je la maintiens !

M. Patrick Bloche - Son interpellation sur la transposition visait en effet avant tout le Gouvernement ; et je rends hommage au gouvernement de Lionel Jospin, qui avait su défendre la copie privée à Bruxelles et assurer, dans la négociation de la directive, un juste équilibre entre le contrôle des usages des œuvres et la préservation de la copie privée. C’est parce que la transposition est mauvaise que cet équilibre est rompu et que la copie privée est menacée !

M. Jean Dionis du Séjour - On transpose, ou on ne transpose pas ?

M. Patrick Bloche - Je m’étonne de vous entendre ainsi exprimer, contrairement à M. Bayrou, le souhait de transposer à tout prix la directive. Quelle satisfaction peut-on trouver à faire une loi qui ne sert pas l’intérêt général ? Car les députés socialistes défendent l’intérêt général, et leur marque de fabrique est d’être insensibles à tout intérêt particulier, que ce soit celui de Vivendi ou de Microsoft !

M. Michel Piron - Vous n’avez pas le monopole de l’intérêt général !

M. Jean Dionis du Séjour - Voyez l’auréole au-dessus de votre tête !

M. Patrick Bloche - Pour ce qui est de l’indépendance vis-à-vis de puissances comme Vivendi ou Microsoft, nous pouvons en effet la revendiquer !

M. Jean-Michel Dubernard - Les anneaux de Saturne !

M. Patrick Bloche - Il est vrai que pour le ministre, nous légiférons pour la galaxie entière ! C’est, semble-t-il, la marque de fabrique des ministres de la Culture : interviewé peu après sa nomination, le prédécesseur de M. Donnedieu de Vabres confessait très simplement qu’il voulait que l’on puisse dire un jour : « Il y a eu André Malraux, il y a eu Jack Lang, et il y a eu Jean-Jacques Aillagon » ! Je crains, Monsieur le ministre, que vous ne soyez atteint du syndrome de la rue de Valois - flatterie et courtisanerie ! Sachez d’ailleurs que le projet de suppression du ministère de la Culture de M. Sarkozy a été annoncé lors d’un colloque organisé par l’UMP, et que les acteurs culturels présents l’auraient applaudi à tout rompre !

L'amendement 93, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre – L’amendement 262 permet d’atteindre le point d’équilibre que le Gouvernement vous propose : c’est la réplique de l’article 13, mais pour les droits voisins.

M. le Rapporteur – Avis favorable. Je rappelle que supprimer les articles 13 et 14 serait tout bonnement supprimer la transposition de la directive.

M. Jean Dionis du Séjour - Bien sûr !

M. le Rapporteur – La directive est claire : « les sanctions prévues sont efficaces, proportionnées et dissuasives », dit son considérant 58. La nouvelle version du texte assure encore mieux cette proportionnalité des sanctions. Picasso disait qu’il ne fallait jamais négliger les erreurs : voici réparée celle de décembre !

On parle beaucoup de la liberté des internautes. Mais, comme le disait Rousseau, « la liberté, c’est avant tout l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite. » La liberté commence par le respect de celle d’autrui. Pour qu’il y ait liberté des internautes, il faut qu’il y ait équilibre entre la liberté des internautes et celle des créateurs. C’est pourquoi il faut qu’il y ait des sanctions ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jean Dionis du Séjour - Très bien !

M. Patrick Bloche - Le ministre a parlé de point d’équilibre. Permettez-moi de vous lire un mail que j’ai reçu aujourd’hui…

M. Christian Paul – Pas de M. Carayon ? (Sourires)

M. le Président – Je vous rappelle que l’article 58, alinéa 6, de notre Règlement interdit les interpellations de député à député.

M. Patrick Bloche – …« Si on faisait un fichier MP3 des discours du ministre, il n’en resterait rien. La technologie de compression numérique MP3 repose sur une technique de codage permettant de diviser par quatre, voire par douze, le poids des fichiers numériques. Cette technique ne retient pas les ultrasons et les infrasons. Le ministre légiférant pour la France, le monde et au-delà, les fréquences de son discours destinées à l’au-delà ne sont pas conservées après codage en MP3. Surtout, la technique du MP3 permet de supprimer les redondances en les codant différemment. Ainsi, lorsque le ministre répète en boucle « point d’équilibre » à 147 reprises, cela se transforme en un seul code – point d’équilibre, 147 fois. »

Rassurez-vous, Monsieur le rapporteur : cela fonctionne aussi avec votre désormais célèbre « défavorable » !

M. Bernard Carayon – Le sous-amendement 318 est retiré au profit du 416. En vue de garantir la sécurité juridique des activités de recherche, celui-ci précise qu’est visée par le présent article la mise à la disposition du public de moyens de contournement d’une mesure technique de protection.

Pour répondre à l’interpellation de M. Paul selon laquelle j’aurais pris – aujourd’hui même, à 15 heures 19, sur un blog – une position contraire à celle du ministre, je lui fais simplement observer que j’étais en séance à cette heure-là et que je ne peux donc être l’auteur de tels écrits. Tout cela, Monsieur Paul, c’est du pipeau et ce n’est pas parce que vous prenez un ton patelin pour dire des choses fielleuses que vous êtes crédible ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Le sous-amendement 416, approuvé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Carayon – Le sous-amendement 319 rectifié dispose, comme cela a été fait à l’article 13, que les dispositions anti-contournement ne s’appliquent pas aux actes réalisés à des fins d’interopérabilité ou de sécurité informatique.

Le sous-amendement 319 rectifié, approuvé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Paul - Dans son article 6-3, la directive…

M. Jean Dionis du Séjour – Heureux de vous entendre la citer !

M. Christian Paul - Cher collègue, nous ne la rejetons pas par principe. Certaines de ses dispositions méritent d’être considérées. Je disais donc que la directive précise que les mesures techniques de protection – MTP – visent à prémunir contre les actes non autorisés par le titulaire d’un droit et qu’elles ne doivent pas porter atteinte au bénéfice des exceptions légales, notamment de copie privée. Il y a donc lieu d’exclure du nouveau délit de contournement les actes portant sur les MTP appliquées à des œuvres n’étant plus soumises au droit exclusif d’autoriser – domaine public -, ainsi que ceux ayant pour seul objet l’exercice des usages licites du consommateur – copie privée notamment. La légitimité d’un contournement ne trouve pas nécessairement sa source dans l’acquisition de droits sur une œuvre et toute référence à une telle acquisition doit donc être supprimée. D’où le sous-amendement 325.

Suite à son intervention précédente, je dois des excuses à M. Carayon. Je me suis en effet trompé en relisant les extraits de ce forum public puisque c’est à midi – et non à 15 heures 19 – qu’il a qualifié l’amendement Vivendi de « détestable »…

M. Bernard Carayon - Mais non, pas plus à midi qu’à 15 heures !

M. le Président – Monsieur Paul, le sous-amendement 325 étant tombé, vous avez bénéficié d’un temps de parole qui ne vous était pas dû.

M. Bernard Carayon - Il est pour le moins agaçant de devoir se justifier pour répondre à des attaques personnelles sans fondement. A midi, j’étais reçu – en présence de nombreux témoins ! – par le directeur de la Pénitentiaire pour discuter du projet d’implantation d’un établissement pour mineurs dans ma commune. Alors, de grâce, renoncez à ces mises en cause qui ne vous grandissent pas.

M. Jean Dionis du Séjour - Le sous-amendement 380 est défendu.

Le sous-amendement 380, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Bloche – Le sous-amendement 386 vise à s’assurer que le logiciel libre ne sera pas affecté par les dispositions tendant à réprimer le contournement des MTP à des fins de contrefaçon.

S’agissant du volet répressif, l’exemple allemand est très instructif. Aussi surchargés que les nôtres, les tribunaux allemands ont mis en place des filtres : en dessous de 100 fichiers téléchargés illicitement, les « P2Pistes » ne feraient l’objet d’aucune poursuite ; entre 101 et 500 œuvres, ils seraient destinataires d’un avertissement ; au-delà de 500 fichiers, ils seraient passibles de poursuites. Il semble que nos voisins et partenaires sachent, mieux que nous, proposer des réponses adaptées et respectueuses des libertés de chacun.

Le sous-amendement 386, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Patrick Bloche - Le sous-amendement 396 est de conséquence. Nous l’avions aussi présenté à l’article 13 et il tend à garantir le bénéfice des exceptions énumérées à l’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle.

Le sous-amendement 396, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Didier Mathus - Notre sous-amendement 352 met en lumière l’une des failles principales du dispositif que vous nous proposez. En effet, ce projet n’autorise pas les actes réalisés sans but lucratif. Nombre de pays ont transposé la directive en ne s’en prenant qu’aux internautes qui tirent un profit commercial de leurs téléchargements. Las, vous nous proposez de réprimer aveuglément, dès la première copie privée !

Il serait légitime que les téléchargements sans but lucratif bénéficient de l’exception pour copie privée. Doit-on punir de la même manière celui qui fait commerce de cette activité et le lycéen de province qui aspire simplement, pour son usage personnel, à accéder à des œuvres qu’il n’aurait que peu de chances de connaître autrement ? Une telle confusion ne fait pas honneur à la majorité actuelle.

Le sous-amendement 352, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Patrick Bloche - Notre sous-amendement 353 vise à ce que les sanctions ne soient pas opposables aux actes de contournement des MTP réalisés à des fins de protection de la vie privée. Les effets intrusifs des MTP deviennent tels qu’il est naturel que l’internaute se soucie du respect de son intimité.

Le sous-amendement 353, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Christian Paul - Le ministre ayant lui-même admis qu’il y avait une forte continuité entre les articles 13 et 14, l’on ne s’étonnera pas que notre sous-amendement 354 soit très proche du sous-amendement de défense des consommateurs que nous avons défendu à l’article 13. Et si continuité il y a, c’est parce que le Gouvernement et la majorité veulent aller toujours plus loin dans la répression.

Les éditeurs multiplient aujourd’hui les systèmes de protection pour contrôler les usages d’une oeuvre. Ces systèmes empêchent parfois les consommateurs d’écouter sur leurs appareils de lecture habituels des copies acquises légalement. Ce sous-amendement garantit leur droit à réaliser toute copie nécessaire au contournement d’une limitation dont ils n’ont pas été informés lors de leur achat, afin de pouvoir lire l’œuvre sur un appareil qu’ils pensaient légitimement pouvoir utiliser.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre – Avis défavorable. L’amendement 31 de la commission auquel le Gouvernement est favorable répond à cette préoccupation.

Le sous-amendement 354, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Bloche - Les réponses du ministre sont tout de même un peu courtes.

M. Christian Paul - D’autant qu’enfreindre ces dispositions est répréhensible pénalement !

M. Patrick Bloche - Nous souhaiterions une réponse un peu moins superficielle sur notre sous-amendement 355 qui précise que ces dispositions ne sont pas applicables aux acte réalisés à des fins de sécurité informatique.

Les MTP peuvent poser certaines exigences incompatibles avec la sécurité du système d’information sur lequel elles sont exécutées. Certaines peuvent ainsi envoyer des statistiques d’utilisation d’œuvres, voire des pans entiers de documents. Les utilisateurs doivent donc pouvoir les contourner afin de s’assurer de l’innocuité de leurs systèmes d’information. Ce sous-amendement est d’autant plus justifié que les MTP concernent tous les types d’œuvres, hormis le logiciel. Les documents produits par les traitements de texte sont concernés en particulier et Microsoft fait d’ailleurs déjà de la publicité pour ses DRM qui permettent de contrôler très finement la circulation des textes.

Le sous-amendement 355, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - Nous sommes là depuis des jours et des nuits…

M. le Rapporteur – Par la volonté du peuple !

M. Christian Paul – Et nous n’en sortirons que quand ce texte aura été repoussé !

Notre sous-amendement 373 est de coordination.

Le sous-amendement 373, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Patrick Bloche - Le sous-amendement 392 est de conséquence.

Le sous-amendement 392, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.

M. Jean Dionis du Séjour - L’équilibre est délicat à trouver entre la mise en œuvre des MTP et l’exercice du droit à copie privée. Le sous-amendement 407 précise que celle-là ne pourra faire obstacle à celui-ci.

Le sous-amendement 407, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Carayon – Le sous-amendement 417 apporte une précision afin de garantir pleinement la sécurité juridique des activités de recherche.

Le sous-amendement 417, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Bloche - Les amendements 397 et 393 sont de conséquence.

Le sous-amendement 397, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté non plus que le sous-amendement 393.

M. Christian Paul - Le sous-amendement 387 précise que « les dispositions du présent titre ne permettent pas d’interdire la publication du code source ni de la documentation technique d’un logiciel indépendant interopérant pour des usages licites avec une mesure technique de protection d’une œuvre. »

Cette précision, qui peut paraître ésotérique, est extrêmement importante. Elle vise à mettre les logiciels libres à l’abri des dispositions prévues pour réprimer le contournement des MTP, – épée de Damoclès qui pèse désormais sur la tête de tous les internautes depuis l’adoption d’un tristement célèbre amendement que beaucoup de députés de la majorité jugent en leur for intérieur détestable ! Le sous-amendement se justifie par la nature juridique même des logiciels libres, lesquels ne sont dits tels que si leur licence d’utilisation garantit aux utilisateurs la liberté de les exécuter comme ils le souhaitent sans avoir à payer quoi que ce soit, celle d’étudier leur fonctionnement, celle de les modifier et celle de les redistribuer. Ces quatre libertés exigent, en pratique, la fourniture du code source, faute duquel les développeurs doivent suivre une procédure longue et coûteuse. Ne freinons pas le développement des logiciels libres du fait de décisions fâcheuses, prises à la hâte !

M. Richard Cazenave - L’amendement 317 rectifié reprend les mêmes dispositions que celles prévues à l’article 13 pour que la conversion de fichiers d’un format à un autre ne soit pas illégale.

M. Patrick Bloche – Le sous-amendement 356 complète l’article par le texte suivant : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes réalisés à des fins d’interopérabilité ou pour l’usage normal de l’œuvre. Elles ne le sont pas non plus aux actes réalisés afin de contourner une limitation résultant de l’utilisation d’une mesure technique de protection dont le consommateur n’a pas été informé lors de l’acquisition d’une copie d’une œuvre ainsi qu’aux actes réalisés sans but lucratif, à des fins de sécurité informatique ou de protection de la vie privée. »

Le sous-amendement 359 reprend la même préoccupation en ce qui concerne l’interopérabilité.

Les sous-amendements 357, 360, 361 et 358 déclinent la même préoccupation. Le sous-amendement 374 est, lui, de conséquence.

M. le Rapporteur – Avis favorable au sous-amendement 317 rectifié car sa rédaction est extrêmement précise. Avis défavorable aux sous-amendements 387, 356, 359, 357, 360, 361, 358 et 374 qui n’ont pas cette qualité.

M. le Ministre – Même avis.

Le sous-amendement 387, mis aux voix, n'est pas adopté.
Le sous-amendement 317 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Par conséquent, les sous-amendements 356, 359, 357, 360, 361, 358 et 374 tombent.

M. Jean Dionis du Séjour - Les sous-amendements 409 et 413 sont analogues à d’autres, défendus à l’article 13.

Les sous-amendements 409 et 413, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
L'amendement 262, sous-amendé, mis aux voix, est adopté et l’article 14 est ainsi rédigé.
La séance, suspendue à 17 heures 30, est reprise à 17 heures 45.

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offres publiques d’acquisition – deuxième lecture – (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux offres publiques d’acquisition.

Art. 10

M. Eric Besson - Je voudrais commencer par dénoncer les conditions difficiles dans lesquelles nous travaillons. Comment reprendre aisément le fil de débats interrompus pendant dix jours ? De plus, cette discussion, prévue à 15 heures, commence à 17 heures 45. Ces circonstances exaspérantes montrent le peu de crédit que l’on peut donner aux déclarations d’un Gouvernement qui se targue de patriotisme économique et qui veut faire de la lutte contre les OPA hostiles l’une de ses priorités.

M. Hervé Novelli, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoireSi vous estimiez ce sujet si important, vous auriez été présent lors de la première lecture, au lieu de faire acte de désertion, au moment où il s’agissait de faire preuve de patriotisme économique !

M. Jean-Louis Idiart - C’est un peu fort !

M. Eric Besson - L’UMP a la métaphore guerrière facile : ne compare-t-on pas le Premier ministre, face au CPE, à Bonaparte sur le pont d’Arcole ? Je considère que ces propos sont choquants !

Nous voulons, par l’amendement 23, démontrer que le Gouvernement nous propose le désarmement unilatéral des entreprises, alors que rien ne l’y obligeait. La France est le seul pays européen à avoir choisi de transposer la directive sur un mode très libéral, alors que la disposition visée à l’article 9 était optionnelle. L’Allemagne, la Pologne, le Luxembourg et bientôt le Danemark ont fait un choix inverse. Si on en croit le rapport Lepetit, cette transposition serait avantageuse en termes d’image pour la France, mais elle apparaît très coûteuse pour les entreprises.

Pouvez-vous nous dire, Monsieur le ministre, pourquoi cette transcription va plus loin que le caractère optionnel de la directive et pourquoi vous confiez aux actionnaires la totalité des pouvoirs pour déterminer l’avenir des entreprises ?

M. le Rapporteur – Avis défavorable à l’amendement 23. M. le ministre a choisi de confier un travail de réflexion à une commission présidée par M. Lepetit, et composée d’experts de la place, et en a suivi les recommandations. Cette commission juge indispensable que soit instaurée une parfaite égalité des conditions de jeu et que soit introduite la clause de réciprocité, contrepartie que vous omettez de mentionner.

Vous proposez de faire de nos entreprises de mauvaises joueuses, en leur permettant de ne pas consulter leurs actionnaires quand leurs adversaires s’imposent eux-mêmes cette procédure.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Monsieur Besson, je ne me souviens plus si vous étiez là lors de la première lecture : j’avais longuement expliqué la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de procéder à une large consultation.

Vous avez raison sur un point : rester dans la réciprocité a fait l’objet d’un débat. Certains voulaient donner la possibilité de procéder à des augmentations de capital réservé. Le Gouvernement n’y était pas favorable, car cela aurait abouti à donner trop de pouvoir au conseil d’administration. Nous avons donc réfléchi à d’autres solutions et revenons en deuxième lecture avec un dispositif susceptible de « réarmer », pour reprendre votre terme, les entreprises face à celles qui disposent de cette possibilité, puisqu’il ouvre la possibilité de faire appel à des bons de souscription en actions.

Avis défavorable.

M. Eric Besson – L’ironie de vos propos concernant mon absence ne m’a pas échappé. La mémoire ne peut vous manquer puisque vous y avez fait trois fois allusion il y a dix jours. Sachez que nous sommes des besogneux, et que nous n’avons pas eu la chance de passer de la direction d’un grand groupe à Bercy…

M. le Ministre – Ça vous va bien ! Tout le monde connaît votre parcours dans l’entreprise, Monsieur Besson, et vous n’avez pas à en rougir !

M. Eric Besson - Nous avons des mandats locaux et nous sommes contraints de revenir dans nos circonscriptions le jeudi soir ! Je comprends que cette préoccupation ne soit pas la vôtre, vous qui avez accédé à la voie royale.

Monsieur le rapporteur, quelles que soient les conclusions du rapport Lepetit, la responsabilité qui est la nôtre est de ne pas nous calquer dessus mécaniquement. La financiarisation excessive du capitalisme, le taux de rentabilité trop élevé exigé des entreprises, la primauté donnée à la spéculation sur la logique industrielle, entraînent un comportement de court terme des actionnaires et des OPA hostiles.

On connaît la thèse selon laquelle les socialistes seraient archaïques et rétifs aux règles de l’économie de marché. Je voudrais vous citer un document du MEDEF : « Le Gouvernement a choisi d’imposer aux sociétés françaises la transposition de l’article 9 de la directive, qui prévoit la compétence de l’assemblée générale pour toute mesure de défense prise en cours d’offre, alors que la directive laisse la possibilité aux Etats membres de permettre aux seules sociétés qui en font volontairement le choix de se placer sous ce régime. » Le MEDEF rappelle que ce n’était pas son choix, « d’autant moins que dans le texte initial du Gouvernement, la portée de la clause de réciprocité se révélait extrêmement limitée, tant dans ses possibilités de mise en jeu que dans son contenu. » Vous constatez que le MEDEF et les députés socialistes peuvent parvenir à des conclusions similaires !

Enfin, Monsieur le ministre, voulez-vous suggérer que l’Allemagne, le Luxembourg, la Pologne et le Danemark, par les choix qu’ils opèrent, donneraient une image de pays systématiquement fermés ? Il est possible de transposer cette directive sans rendre obligatoire l’article 9. Vous défendez mal les intérêts de nos grands groupes. Lorsqu’il y aura une nouvelle OPA hostile, comme celle qui a visé Arcelor…

M. le Ministre – Ce n’est pas un groupe français, mais luxembourgeois !

M. Eric Besson - … nous reprendrons vos propos, retranscrits au Journal officiel, et nous montrerons combien vous avez fragilisé la position de ces groupes.

M. Xavier de Roux - L’amendement 23 vise à permettre à une société d’inscrire dans ses propres statuts des dispositions anti-OPA, c’est-à-dire de boucler son capital afin de ne plus être « opéable ». Or M. Besson oublie que l’idée même de la directive est la règle de la réciprocité. Une société qui se donnerait une telle structure sortirait en quelque sorte du marché.

Nos quarante sociétés du CAC 40 ont toutes dans leur capital des investisseurs internationaux, c’est comme cela. Aussi la solution retenue est-elle la bonne : les mesures de défense sont décidées par les actionnaires dès lors qu’ils savent la société attaquée. En tant que rapporteur de la commission des lois, j’avais déposé en première lecture un amendement instituant un mécanisme d’augmentation de capital réservée, qui n’avait pas été retenu ; on nous propose maintenant des bons de souscription, méthode sans doute plus moderne et certainement aussi efficace, à laquelle je me rallie.

L'amendement 23, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Éric Besson - On ne peut pas dire que l’amendement qui vient d’être repoussé nous fasse sortir de l’économie de marché, ou alors il faudrait admettre que le Danemark en est sorti et que le Medef souhaite faire de même…

M. Xavier de Roux - Je n’ai pas dit cela !

M. Éric Besson - Quant à la réciprocité, le Gouvernement a hésité avant de l’invoquer.

M. le Ministre – Pas du tout !

M. Éric Besson - J’en veux pour preuve l’ordonnance du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières : concernant les augmentations de capital, moyen de défense contre des OPA hostiles, le Gouvernement a décidé tout seul, hors de toute transposition de la directive, de mettre en place un dispositif en tous points similaires à l’article 9 de celle-ci, sans même que le principe de réciprocité s’applique. La préméditation est donc évidente…

Notre amendement 26 rectifié vise, pour éviter que le dispositif proposé par le Gouvernement soit privé de toute effectivité, à ne pas rendre obligatoire une validation « à chaud » d’une autorisation donnée par l’assemblée générale de la société en matière d’émission de bons : nous souhaitons que l’autorisation puisse avoir été donnée dans les dix-huit mois précédents. Les fervents défenseurs de l’économie de marché devraient s’inspirer des Etats-Unis, où les conseils d’administration peuvent dans certains cas décider seuls en matière de BSA.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Ce qui vous gêne, c’est de consulter les actionnaires ; il est un peu paradoxal que le groupe socialiste cherche ainsi à contourner la « démocratie actionnariale » au profit des dirigeants… Lorsque l’Assemblée générale d’une entreprise a donné « à froid » l’autorisation d’émettre des BSA, il est normal, dans la logique de l’article 9 de la directive, que la délégation qu’elle a donnée aux dirigeants soit annulée puisque l’adversaire, lui, va consulter ses actionnaires : le jeu n’est égal que si l’entreprise française réunit elle aussi une assemblée générale. Nos collègues socialistes voudraient permettre aux entreprises françaises de lutter à armes inégales même contre des adversaires vertueux : ce n’est pas notre conception.

M. le Ministre – Monsieur Besson, il n’y a pas de honte à avoir travaillé dans un grand groupe ! Vous semblez ignorer que la plupart du temps, les OPA répondent au souhait des entreprises, alors que le groupe Vivendi, dans lequel vous étiez, a pratiqué cela souvent… En général, l’OPA est tout simplement la possibilité offerte aux actionnaires d’une autre entreprise, de façon amicale, de leur acheter leurs titres. Mais il peut arriver que l’OPA soit hostile ; il faut alors que l’entreprise puisse se défendre, à armes égales – c’est le principe de réciprocité, sur lequel se fonde ce texte. Celui-ci se combine avec le respect de la démocratie actionnariale. Aux Etats-Unis, les administrateurs ont à répondre beaucoup plus directement devant les actionnaires s’ils outrepassent leurs pouvoirs…

La solution que nous proposons est équilibrée ; donc, avis défavorable à cet amendement.

M. Éric Besson - Monsieur le ministre, je suis flatté qu’un homme de votre qualité se soit penché sur mon modeste parcours… J’ai été délégué général de la fondation du groupe que vous avez cité et je l’assume parfaitement. Par ailleurs, je n’ai jamais suggéré qu’il y eût rien de honteux à ce que vous ayez été à la tête d’un certain nombre d’entreprises. En revanche, je vous ai dit que les députés sont souvent obligés le jeudi soir de rentrer dans leurs circonscriptions, et que visiblement cela vous échappe parce que vous avez eu un autre parcours – dont je vous félicite.

M. le Ministre – J’ai été élu avant vous !

M. Éric Besson - Et vous le serez probablement après moi…

Le groupe socialiste défendrait les dirigeants des entreprises, dites-vous, Monsieur le rapporteur… Au-delà de l’humour du propos, je vous rappelle que sous la précédente législature, vous nous avez reproché exactement l’inverse, lorsque nous parlions de transparence en matière de rémunérations, de stock-options, de cumul de mandats d’administrateur… La vérité est que nous défendons tout simplement les entreprises en tant qu’outil de production, les salariés et l’emploi, et que nous sommes préoccupés par les menaces de désindustrialisation et d’OPA hostiles.

Selon vous, seraient « vertueux » une entreprise ou ses dirigeants qui renonceraient à se défendre parce que pour vous, une OPA est forcément saine, permettant la bonne allocation des ressources dans une économie de marché pure et parfaite… Telle n’est pas la réalité.

Enfin, vous dites que nous refusons de consulter les actionnaires. Mais non ! Je vous renvoie encore à la loi NRE : nous n’avons pas cessé de demander que les actionnaires soient consultés sur les enjeux fondamentaux. Nous vous disons simplement que l’évolution du capitalisme financiarisé et la multiplication des OPA hostiles peuvent conduire les actionnaires – qui ne sont pas tous des petits porteurs mais sont aussi constitués de fonds spéculatifs, étrangers ou français – à privilégier leurs intérêts à court terme, au détriment des intérêts à long terme de l’entreprise.

Alors, Monsieur le rapporteur, assumez votre libéralisme…

M. le Rapporteur – C’est bien la première fois qu’on me dit que je ne l’assume pas !

M. Éric Besson - …mais ne faites pas semblant de croire que nous refuserions la « démocratie actionnariale », laquelle, poussée à l’extrême dans un certain contexte, peut mettre en danger nos entreprises.

M. le Rapporteur – Pour rectifier une erreur formelle, parce que chacun peut en commettre, je dois vous dire que je n’étais pas là lorsque la loi NRE a été adoptée.

M. Jean-Louis Idiart - Votre esprit était là ! (Sourires)

M. Michel Piron - D’abord, il me semble que la question n’est pas de savoir si une OPA est saine ou pas, mais si elle est hostile. C’est cela qui détermine la conduite à tenir. Ensuite, je suis surpris qu’on fasse a priori aux actionnaires le procès de faire des choix de court terme. C’est tout simplement un déni de la réalité, puisque beaucoup de groupes se sont construits sur le long terme grâce aux choix de leurs actionnaires.

M. le Président – Votre intervention, Monsieur Piron, me permet de souligner le sens du devoir qui vous anime, puisque vous passez votre jour anniversaire dans cet hémicycle. Cela illustre bien les contraintes de la vie parlementaire ! (Sourires et applaudissements)

L'amendement 26 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Eric Besson - Comme nous l’avions largement expliqué lundi dernier, nous pensons que le comité d’entreprise doit être consulté à propos des mesures envisagées pour faire opposition à une offre publique. C’est l’objet de l’amendement 27.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement subordonne le vote des assemblées générales d’actionnaires à une consultation préalable du comité d’entreprise, ce qui modifierait l’équilibre du code du travail. En outre, ce sont les actionnaires qui, in fine, prendront la décision.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 27, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Le Sénat a adopté un amendement présenté par le Gouvernement permettant aux entreprises d’émettre, en réaction à une offre, des bons de souscription d’actions à l’intention de l’ensemble des actionnaires. Il a également adopté un sous-amendement de M. Marini, qui avait reçu un avis de sagesse positive de la part du Gouvernement, précisant que l’assemblée générale des actionnaires statue sur l’émission des bons à la majorité simple, alors que le texte initial de l’amendement mentionnait une assemblée générale extraordinaire – ce qui est incompatible.

L’amendement 1 de la commission des finances vise à revenir au texte initial de l’amendement du Gouvernement. Il prévoit donc une assemblée générale extraordinaire. En effet, le texte du Sénat prêt à confusion en ne précisant pas la nature de l’assemblée : il peut s’agir d’une assemblée générale ordinaire, ou d’une assemblée extraordinaire statuant dans les conditions d’une assemblée ordinaire. Notre amendement permet donc de clarifier les choses. Cette solution semble s’imposer car, dans le cours normal de l’activité de l’entreprise, l’émission des BSA, qui influe sur le capital, ne peut être permise que par une assemblée générale extraordinaire. C’est également plus sûr juridiquement car, en cas de démembrement d’action, le droit de vote appartient à l’usufruitier pour les assemblées générales ordinaires et au nu-propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires, ce qui présente plus de garanties au regard de la préservation du droit de propriété. J’ajoute que le code de commerce prévoit que l’AGE est seule habilitée à modifier les statuts, et que les modifications du capital sont donc de sa compétence exclusive.

Le choix entre assemblée générale ordinaire ou extraordinaire a aussi des conséquences importantes en matière de majorité et de quorum. La règle de vote de l’AGE – deux tiers des voix, contre la moitié des actionnaires présents ou représentés pour l’AGO – me semble plus protectrice des intérêts des petits actionnaires, car il est plus difficile pour les principaux actionnaires d’atteindre 66,66 % des voix que la moitié. Quant au quorum, une AGE ne peut délibérer valablement que si le quart, en première convocation, ou le cinquième en deuxième convocation, des actionnaires sont présents. Une AGO peut délibérer valablement si le cinquième du capital est représenté en première convocation, puis sans aucun quorum en deuxième convocation. Laisser décider de l’émission de bons de souscription d’actions, et donc d’une augmentation de capital, par la moitié des rares actionnaires présents en seconde convocation d’une assemblée générale ordinaire ferait courir un risque majeur. Ce dispositif nuirait encore une fois à l’équilibre de notre code de commerce.

M. le Président – Le Gouvernement a déposé un amendement 30 qui est en discussion commune. Je rappelle que l’adoption de l’un fait tomber l’autre.

Par ailleurs, sur l’article 10, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

M. le Ministre - L’amendement de la commission présente l’avantage de clarifier la rédaction. Dès lors que l’émission de bons de souscription d’actions peut entraîner une augmentation de capital, il est tout à fait légitime de la faire autoriser par une assemblée générale extraordinaire plutôt que par une assemblée ordinaire. Toutefois, il ne faudrait pas que cette préoccupation juridique prenne le pas sur le souci du Gouvernement de se rapprocher de la pratique de pays tels que les Etats-Unis, où cette mesure se montre très efficace. Le Gouvernement propose donc un amendement 30 qui lui semble constituer un bon compromis.

Notre objectif est de rendre le dispositif efficace et crédible. Nous devons nous assurer qu’une entreprise qui estime être l’objet d’une OPA hostile pourra l’utiliser si elle le souhaite, ce qui implique de recourir aux conditions de quorum et de majorité de l’assemblée générale ordinaire. L’amendement 30 prévoit donc que l’émission des bons est décidée par une assemblée générale extraordinaire – nous restons ainsi dans le droit commun des augmentations de capital – mais selon les conditions de quorum et de majorité de l’assemblée ordinaire, à savoir surtout la majorité simple. Aux Etats-Unis en effet, le décision est à la main du conseil d’administration, qui statue à la majorité simple.

M. le Rapporteur – Je remercie le Gouvernement de rétablir l’ordre juridique en prévoyant bien une assemblée générale extraordinaire – même si elle décide dans des conditions qui sont celles de l’assemblée ordinaire. Je ne peux prétendre que cela me satisfait pleinement, mais le Gouvernement fait un pas important : je retire donc l’amendement de la commission.

L'amendement 1 est retiré.

M. Xavier de Roux - Je remercie le rapporteur de ce retrait. En effet l’article 11 du présent projet dispose que dans certains cas – par exemple quand l’initiateur de l’offre est soumis à une réglementation moins contraignante – l’AG peut autoriser pour dix-huit mois le conseil d’administration à prendre des mesures de défense, BSA inclus. Malheureusement le texte ne précise pas quelle assemblée – AGO ou AGE – doit donner cette autorisation. Les arguments juridiques du rapporteur sur le rôle d’une assemblée générale extraordinaire étaient certes fondés, mais ce choix présentait l’inconvénient de désarmer la société en cas d’OPA hostile. Je constate d’ailleurs que nous avons tendance à confondre l’OPA « classique » et l’acte du prédateur qui tente de s’emparer d’une société. Quoi qu’il en soit, et même si nous faisons faire un « saute-mouton » au droit – puisque l’AGE appliquera les règles de majorité et de quorum d’une AGO – il me semble qu’il faut adopter cet amendement, qui permet de mieux armer nos entreprises.

M. Eric Besson – Il est de plus en plus difficile, Monsieur de Roux, de distinguer une OPA amicale d’une OPA hostile. Quant au « saute-mouton juridique », il existe déjà en droit français, notamment à l’article 225-130 du code de commerce.

Je félicite le ministre pour les talents de pédagogue qu’il a su déployer auprès du rapporteur. Peu importe que les députés socialistes aient déjà suggéré le retrait de cet amendement à M. Novelli en commission : l’essentiel était qu’il consente à cette avancée. Le groupe socialiste aurait cependant souhaité que l’on retienne l’AGO et la majorité simple, afin de permettre aux dirigeants et au conseil d’administration d’utiliser toutes les armes à leur disposition pour lutter contre les OPA hostiles. C’est pourquoi nous ne voterons pas votre amendement, bien que les bons de souscription d’actions nous semblent utiles.

Tout cela est cohérent avec notre amendement 26 rectifié, qui était un amendement de repli. Vous introduisez en effet une exception au cadre dangereux posé par l’article 9 de la directive dans sa version obligatoire. Nous voulons que les BSA puissent réellement servir : n’exigeons pas que l’assemblée générale soit interrogée une nouvelle fois si une offre publique vise la société. Cet amendement aurait assuré l’effectivité des BSA pour une période ferme de dix-huit mois.

L'amendement 30, mis aux voix, est adopté.

M. Eric Besson - L’amendement 24 procède du même esprit que les précédents. Nous ne voulons pas que le dispositif des BSA soit imposé à chaud. Un nouveau vote de confirmation de l’assemblée générale, au moment où elle est la moins susceptible de l’accorder – c’est-à-dire au moment où la tentation de la plus-value à très court terme est la plus forte – est une erreur pour nos entreprises.

L'amendement 24, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.
A la majorité de 17 voix contre 3 sur 20 votants et 20 suffrages exprimés, l’article 10 modifié, mis aux voix, est adopté.

article 11

M. Bernard Carayon – L’amendement 4 rectifié opère une clarification. Je me réjouis que notre collègue Hervé Novelli ait rallié la position du bon sens, qui est bien de privilégier la majorité simple, puisqu’elle donne davantage de poids aux petits actionnaires. La majorité qualifiée favorise en revanche les fonds spéculatifs qui poursuivent un intérêt à court terme plus volontiers qu’ils ne bâtissent de vraies stratégies industrielles.

Ce texte s’inscrit dans le cadre d’une politique volontariste, qu’il faut saluer. Loin de céder aux sirènes du protectionnisme – certains ont été jusqu’à parler de mur de l’Atlantique – il nous dote des mêmes outils et des mêmes méthodes que nos concurrents, y compris les plus libéraux. Je rappelle qu’il existe depuis 1975 aux Etats-Unis un comité pour les investissements étrangers, qui soumet au seul critère de la sécurité nationale l’examen des investissements étrangers. C’est d’ailleurs le Président des Etats-Unis qui arbitre en dernier ressort. Je pourrais aussi citer le Japon. Bref, il y a partout des dispositifs de protection. Notre pays, si décrié en Europe, est d’ailleurs celui qui est le plus ouvert aux investissements internationaux : la Bourse de Paris accueille 45% d’investissements étrangers, alors que la Bourse de Londres n’est ouverte qu’à 20%, celle de New York qu’à 10%, et celle de Tokyo qu’à 5 %.

Ce texte doit être appréhendé à la lumière des nouveaux outils de politique industrielle que développe le Gouvernement : création de l’Agence pour l’innovation industrielle, de l’Agence nationale pour la recherche et des pôles de compétitivité, regroupement de la BDPME et de l’ANVAR…

Le parti socialiste aurait dû voter l’amendement 30. Peut-être les mauvaises langues interpréteront-elles votre vote comme une dérive ultralibérale, Monsieur Besson : vous vous opposez en effet à un dispositif qui permet de mieux protéger nos entreprises. Pour utile qu’il soit, Monsieur le ministre, ce dispositif ne saurait cependant être suffisant. Il n’y a jamais eu d’OPA hostile au Japon, car il existe au sein du capitalisme japonais une solidarité que l’on souhaiterait parfois trouver chez nos chefs d’entreprise.

Il est urgent que la France engage un processus d’identification des marchés et des secteurs stratégiques. L’Europe doit élaborer des stratégies industrielles communes et se doter des mêmes outils que les Etats-Unis, voire les nations industrielles émergentes. En ces domaines où l’on parle tant de guerre économique, il faut, enfin, lutter contre le fatalisme de ce que j’appellerai le « syndrome de Vilvoorde ».

M. Eric Besson - Cet amendement m’aura permis d’apprécier le sens de la nuance de M. Carayon. Peut-être vos propos sur la dérive ultralibérale du parti socialiste feront-ils pendant à ce que l’on entend d’habitude de votre côté de l’hémicycle. J’avais pris la précaution d’expliquer que nous n’étions pas contre les BSA, mais que nous voulions que ce soit l’AGO qui en décide. Il vous aura suffi de quelques secondes pour détourner le sens de mes propos !

Sur le fond, nous sommes toujours dans la même logique avec l’amendement 25, puisque nous souhaitons que ce soit l’assemblée générale ordinaire qui autorise l’émission de bons. A défaut, celle-ci serait soumise à une décision à la majorité des deux tiers, dans le cadre d’une AG extraordinaire, ce qui implique qu’elle serait peu probable dans la majorité des entreprises françaises, malheureusement opéables, puisqu’en moyenne 45 % de leur capital est détenu par des fonds non résidents. Et je le dis d’autant plus volontiers que notre collègue Xavier de Roux a bien montré, il y a quelques instants, les limites des AG extraordinaires, leurs conditions « normales » de majorité et de quorum correspondant à la mouture initiale de l’amendement du Gouvernement.

M. le Rapporteur – L’amendement 4 rectifié – M. Carayon s’en souvient – n’avait pas été accepté par la commission des Finances parce qu’il était incompatible avec l’amendement 1 de la commission que j’ai retiré il y a quelques minutes. Compte tenu de l’adoption de l’amendement 30 du Gouvernement à l’article 10, je considère à titre personnel que l’adoption de cet amendement apporterait une coordination utile avec le vote précédent et j’y suis donc favorable.

Par contre, l’amendement 25 a été repoussé en commission pour les mêmes raisons. Il serait d’ailleurs pour partie satisfait par l’adoption du 4 rectifié et j’y vois pour ma part une conjonction intéressante des points de vues. Avis défavorable.

M. le Ministre – Sans surprise, je suis évidemment favorable à l’amendement de M. Carayon et évidemment défavorable à celui de M. Besson (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

L'amendement 4 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 25 tombe.

L'article 11 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 19

M. le Rapporteur – L’amendement 2 vise à suivre l’avis du Gouvernement, qui s’était prononcé contre l’adoption d’un amendement du Sénat, en proposant la suppression de l’alinéa 3 de cet article. Ce dispositif tend à appliquer la clause de réciprocité aux cas où un ou plusieurs initiateurs d’offres visent des sociétés qui ont volontairement décidé d’inclure dans leurs statuts l’inopposabilité ou la suspension de restrictions facultatives au transfert de titres, à l’exercice du droit de vote ou des droits extraordinaires de nomination ou de révocation de certains actionnaires. La solution retenue crée une incertitude juridique, liée au sentiment qu’elle ne serait pas conforme au droit communautaire si nous la laissions en l’état. Au Sénat, le ministre a indiqué que la Commission européenne n’avait pas encore rendu un avis officiel sur l’eurocompatibilité du dispositif. Il semble cependant qu’elle sera conduite à considérer que la réciprocité « à la carte » n’est pas conforme à la lettre de l’article 11 de la directive. Il semble donc plus sage de supprimer cet ajout du Sénat.

Au plan pratique, cette réciprocité peut laisser penser aux entreprises qu’elles peuvent décider d’appliquer sans risque les dispositions de l’article 11 de la directive, alors que le Gouvernement ne souhaite pas les encourager dans cette voie. Il a en effet estimé au Sénat que les entreprises qui feraient face à un offrant n’appliquant pas l’article 11 pourront supprimer de leurs statuts les dispositions – facultatives – qu’il contient.

M. le Ministre – Pour la clarté des débats, je précise que s’agissant des amendements précédents, j’ai dit « évidemment favorable » à l’amendement de M. Carayon car il s’agissait d’un amendement de coordination et « évidemment défavorable » à celui de M. Besson – dont nous écoutons toujours les propositions avec intérêt – parce que le précédent allait le faire tomber.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement 2 visant à supprimer la clause de réciprocité. D’abord parce qu’il y a un lien logique très fort entre transposition des articles optionnels et réciprocité. Dans la mesure où l’article 11 n’a pas été rendu obligatoire, la mise en œuvre de la clause de réciprocité n’est pas nécessaire. Si l’entreprise décide d’appliquer volontairement l’article 11, puis qu’elle le regrette, le plus simple pour elle sera de décider d’arrêter de l’appliquer et cela sera plus efficace que d’opter pour la réciprocité. Ensuite, nous avons des inquiétudes sur la sécurité juridique du dispositif voté au Sénat, dans la mesure où il crée une notion de réciprocité sélective qui est inconnue de la directive. En mettant hors de cause la réciprocité, le dispositif sénatorial pourrait être considéré comme allant à l’encontre de la directive. Je m’étais engagé à saisir les services de la Commission européenne à ce sujet et malgré de nombreuses relances, nous n’avons pas encore de réponse. Il me semblerait dangereux de prendre le risque de persévérer dans la voie ouverte par le Sénat. Dans ces conditions, votre amendement me semble tout à fait pertinent.

M. Xavier de Roux - Il est impératif de supprimer l’alinéa 3 de l’article 19, tout simplement parce que nous n’avons pas le droit de laisser dans nos lois des dispositions strictement incompréhensibles. Nous le disons très souvent et très fort mais, malheureusement, nous en laissons passer beaucoup ! Or là, nous avons un exemple type de dispositions inapplicables (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre – Très bonne remarque.

M. Jean-Louis Idiart - Je ne voudrais pas m’attirer les foudres de M. Carayon en révélant qu’il n’est jamais étonnant, lorsqu’on passe quelques heures en sa présence, de le voir taper à intervalle régulier et aussi fort car il est le maire d’une superbe ville qui s’appelle Lavaur. Or dans le clocher de sa cathédrale, il y a un magnifique automate qui sort pour donner de grands coups sur les cloches… (Sourires)

M. Bernard Carayon - Oui, c’est un jacquemart.

M. Xavier de Roux - Reste à savoir qui sont les cloches dans cette affaire ! (Sourires)

M. Jean-Louis Idiart - Il en a conçu l’habitude de sortir de temps en temps pour donner quelques coups…

M. Bernard Carayon - Collègue, je vous invite quand vous voulez !

M. Jean-Louis Idiart - L’article 11 de la directive vise à rendre inopposables à l’offrant une période d’offre, et, à l’issue d’une offre réussie, toutes les clauses statutaires ou conventionnelles, notamment celles figurant dans les pactes d’actionnaires dont l’objet est de restreindre le transfert des titres de la société visée ou l’exercice des droits de vote. Il tend également à suspendre les droits de vote multiples en période d’offre publique. Il s’agit donc d’une nouvelle illustration de la volonté de limiter les mesures de défense anti-OPA. A l’instar de l’article 9, cet article a vu sa transposition rendue opérationnelle et soumise au principe de réciprocité. Contrairement à l’article 9, le Gouvernement n’a cependant pas choisi – et nous nous en réjouissons – de rendre obligatoire la transposition de l’article 11. Las, l’amendement 2 du rapporteur tend – en désaccord avec le Sénat – à limiter l’effet positif de ce choix. Il propose en effet de ne pas appliquer à une société qui aurait choisi de se conformer à l’article 11 le bénéfice du principe de réciprocité. Ainsi, même si elle est attaquée par une société s’exonérant de l’article 11, la société objet de l’offre ne pourrait pas suspendre l’application de ces principes. Sont notamment visées les clauses d’agrément, qui impliquent qu’un actionnaire qui souhaiterait céder ses actions doit demander, sous peine de nullité de la cession, l’agrément de la société émettrice, les clauses de préemption et le plafonnement des droits de vote.

L’article 11 vise deux situations. L’une ne pose guère de problème lorsqu’il s’agit de la période qui suit la réussite d’une offre ; par contre, il convient de s’assurer que le désarmement ne se fera pas hors de l’application du principe de réciprocité, ce que venait assurer l’article 19 dans sa rédaction issue du Sénat.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l’amendement 2.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.
L'article 19 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 24

L'article 24, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 25

M. le Rapporteur – L’amendement 3 corrige une erreur matérielle.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

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CONVOCATION DE LA CONFérence des présidents

M. le Président – J’informe l’Assemblée que la Conférence des présidents est convoquée aujourd’hui, à 19 heures 30.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

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