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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mercredi 22 mars 2006

Séance de 15 heures

76ème jour de séance, 179ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de députés grecs conduite par le président du groupe d’amitié Grèce-France, M. Christos Zois (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

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questions au Gouvernement

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

cpe

M. Bernard Accoyer - Le chômage des jeunes Français atteint l’un des niveaux les plus élevés d’Europe – 40 % pour les jeunes sans qualification. C’est pour cette raison que le Gouvernement a prévu toute une série de mesures et que la majorité a adopté la loi sur l’égalité des chances – le contrat première embauche – qui a été votée dans les deux assemblées, malgré les manœuvres d’obstruction d’une opposition qui ne propose rien (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ayant échoué à prendre le Parlement en otage, l’opposition poursuit son action dans la rue. Ses méthodes sont toujours les mêmes : la désinformation et les contrevérités (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP). La liberté d’étudier n’est plus respectée ; la majorité des étudiants s’inquiètent – légitimement – pour leur année universitaire (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Cette opposition instrumentalise les jeunes ; elle suscite des manifestations répétées, à l’issue desquelles les casseurs déchaînent leur violence (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) contre les personnes et les biens.

M. Maxime Gremetz - C’est vous les provocateurs !

M. Bernard Accoyer - Je veux ici témoigner toute notre gratitude et notre admiration aux forces de l’ordre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), et rappeler que cent policiers ont été blessés, dont douze gravement. Nous pensons à eux.

M. Maxime Gremetz - C’est lamentable !

M. Bernard Accoyer - Je pense aussi aux manifestants, qui encourent des risques, et à celui qui est hospitalisé.

Monsieur le Premier ministre, vous avez affirmé que vous souhaitiez enrichir le CPE (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Vous avez rencontré les chefs d’entreprise, les présidents d’université, les jeunes, les élus. Pouvez-vous préciser à la représentation nationale comment vous voulez faire du CPE un véritable outil de sécurisation du parcours professionnel, dans le dialogue social et l’ouverture ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - (« Forcené ! » sur les bancs du groupe socialiste) C’est l’avenir des jeunes qui est en jeu (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Avec notre majorité, nous faisons le choix décisif (« De retirer le CPE ! » sur les bancs du groupe socialiste) de donner à tous les jeunes une chance supplémentaire de trouver un emploi et des garanties réelles de formation. C’est l’engagement que nous avons pris avec la bataille pour l’emploi, avec Jean-Louis Borloo, Gérard Larcher et tout le Gouvernement ; c’est l’engagement de notre majorité ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le choix de la majorité est clair : c’est celui de la justice, de l’ouverture, de l’avenir ! La loi sur l’égalité des chances, le contrat première embauche, c’est la volonté de répondre à ce défi majeur (« Retirez le CPE ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Des inquiétudes se manifestent. Je comprends ce qui se passe (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), ce que ressentent et ce que disent les jeunes. Je comprends leur volonté de prendre toute leur place dans notre société…

M. Jean-Claude Lefort - Vous ne comprenez rien !

M. le Premier Ministre - … d’être écoutés et d’être entendus. Ils veulent avoir les mêmes chances que leurs aînés : c’est légitime. Ils veulent construire leur vie librement, dans la confiance et l’enthousiasme : c’est légitime. Nous sommes là pour les aider, et nous voulons tous leur répondre (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous voulons le faire dans le respect de nos institutions et du dialogue social. Je souhaite engager avec les partenaires sociaux, sans a priori (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), toutes les discussions nécessaires. Elles permettront, j’en suis sûr, de répondre aux interrogations qui s’expriment. Je connais l’engagement des partenaires sociaux en faveur de l’emploi ; je leur propose d’ouvrir ces discussions (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) dans un esprit d’ouverture, de respect et de responsabilité. Au-delà du CPE, je souhaite que nous puissions travailler tous ensemble…

M. Jean-Claude Lefort – Il serait temps !

M. le Premier ministre - … sur l’emploi des jeunes et leur insertion professionnelle. Je pense à la formation, aux mesures spécifiques d’accompagnement, à tous ceux qui sont en difficulté, à la lutte contre les discriminations à l’embauche. Nous devons également aborder la question des liens entre l’université et l’emploi. Une meilleure orientation, plus d’alternance, davantage de filières professionnelles : autant de pistes sur lesquelles nous pouvons avancer ensemble, avec tous les partenaires concernés (« Il patauge ! » sur les bancs du groupe socialiste). Je le redis devant la représentation nationale, ce qui nous anime, c’est la volonté d’agir de manière concrète, efficace et juste pour les jeunes, pour leur avenir, et de leur ouvrir les portes de l’emploi et de la réussite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

cpe

M. François Hollande - Monsieur le Premier ministre, hier soir devant les parlementaires de l’UMP (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), aujourd’hui devant l'Assemblée nationale, vous avez fermé toutes les portes à une discussion sur le CPE. Beaucoup vous demandent de motiver le licenciement. C’est d’ailleurs un principe général du droit : en matière de licenciement comme dans tout autre domaine, la moindre des choses pour celui qui se voit signifier une telle décision est d’en connaître au moins la raison (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Ce droit, vous le déniez à tous les jeunes de notre pays ! Beaucoup vous demandent de revenir sur la loi pour introduire la motivation (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Vous dites non ! D’autres, y compris les chefs d’entreprise – que vous avez reçus – vous demandent de réduire le délai de la période d’essai, dite « de consolidation » : deux ans, même pour des chefs d’entreprise, c’est exorbitant. Et vous renvoyez à une hypothétique négociation, qui ne verra jamais le jour ! Alors que les syndicats et les mouvements de jeunesse vous demandent de revenir sur le CPE, de rouvrir le débat au Parlement et de faire voter un nouveau projet de loi, vous opposez, là encore, un refus (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe UMP), au risque – et je pèse mes mots – d’engager une confrontation avec le pays et la jeunesse. Avec la multiplication des manifestations et la grève décidée pour mardi prochain, vous prenez des risques pour la paix sociale, pour l’ordre public, pour l’économie et pour l’emploi. Dans votre propre majorité, au sein même du Gouvernement, à côté de vous (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), certains doutent, demandent des explications et s’interrogent sur votre stratégie. Quelle est en effet votre stratégie ?

M. Claude Goasguen - Et la vôtre ?

M. François Hollande - Est-ce une stratégie pour le pays, ou au sein de votre majorité pour engager une confrontation avec la gauche ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur le Premier ministre, je vous le dis, il y aurait du courage à retirer ce mauvais texte. Le courage aujourd’hui, ce n’est ni de vous obstiner, ni de provoquer l’enlisement, c’est de retirer le CPE. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président – La parole est à M. Borloo. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  Il n’est jamais de bon dialogue républicain de préparer une question et de ne pas être capable d’en changer quand le Chef du Gouvernement s’est entre temps exprimé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous auriez dû, Monsieur Hollande, écouter ce qu’il a dit. Il a en effet exprimé le souhait d’ouvrir le dialogue sans a priori, ce qui signifie en acceptant d’aborder tous les sujets, y compris ceux que vous avez évoqués dans votre question sur les conditions de la séparation et la durée de la période de consolidation (Mêmes mouvements). Le véritable courage, c’est l’action. Le Chef du Gouvernement ne recherche pas la confrontation, mais la concertation sur tous les sujets, avec l’ensemble des partenaires, dans un esprit républicain et responsable (Mêmes mouvements). C’est ce qu’il a dit et c’est ce que souhaite sa majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP tandis que persistent de vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

greve de la faim de jean Lassalle

M. François Bayrou - Monsieur le Premier ministre, à quelques mètres de cet hémicycle, Jean Lassalle, député des Pyrénées-Atlantiques, mène une grève de la faim depuis seize jours, qui provoque une très vive émotion dans l’opinion publique de notre pays, et au-delà de nos frontières. Il s’agit en effet d’un geste symbolique. Dans la vallée d’Aspe, au fond des Pyrénées, il reste une seule usine qui emploie 160 personnes, qui gagne de l’argent et des parts de marché dans le secteur des composants métalliques des peintures pour véhicules, ordinateurs et téléphones portables. Cette entreprise, Toyal, présente depuis quatre-vingts ans dans cette vallée, a toutefois pris la décision de se développer à une heure et demie de voiture de là (Interruptions sur plusieurs bancs du groupe UMP), ce qui signifie à coup sûr sa délocalisation. Et cette décision a été prise avec le soutien financier de Total qui vient de réaliser cette année treize milliards d’euros de profits. Cette affaire, qui pourrait apparaître comme strictement locale, porte en réalité une interrogation universelle. Les peuples ont-ils encore leur mot à dire sur leur destin ? Leurs représentants ont-ils encore les moyens de faire entendre leur voix ? Ou bien les décisions sont-elles toujours prises ailleurs, plus haut, dans un monde mystérieux où les puissants ne parlent qu’aux puissants ?

Monsieur le Premier ministre, je sais que vous avez personnellement appelé Jean Lassalle. En tant que Chef du Gouvernement français (« Plus pour longtemps ! » sur les bancs du groupe socialiste), qu’avez-vous l’intention de faire ? Que pouvez-vous faire, et nous avec vous, pour renverser cette fatalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Je ne suis pas insensible, nul n’ailleurs ne saurait l’être, au combat d’un homme capable de mettre sa vie en danger pour défendre ce qu’il croit être juste. Le Premier ministre se tient quotidiennement informé, comme l’ensemble des membres du Gouvernement, de la situation de votre collègue, Jean Lassalle, dont je sais, comme vous, l’attachement qu’il porte à son territoire de la vallée d’Aspe. Inquiet de l’avenir de l’entreprise Toyal, il a entamé une grève de la faim voilà seize jours pour appeler l’attention sur les évolutions qu’il craint. Il a choisi, en son âme et conscience, la méthode qu’il a jugé la plus appropriée pour éviter, dit-il, la délocalisation de cette usine, et je respecte son choix. Mais en l’espèce, il n’est pas – en tout cas plus – question de délocalisation mais d’extension. L’entreprise Toyal, dont l’usine d’Accous dans la vallée d’Aspe emploie 138 personnes, a décidé d’étendre ses activités de fabrication de pâte d’aluminium sur le site de Lacq, où quinze emplois nouveaux seront créés dans un premier temps, puis quinze autres. Dès le premier jour, j’ai moi-même pris contact avec les services de l’État dans le département, ainsi qu’avec l’entreprise. Des membres de mon cabinet ont rencontré vendredi dernier le président japonais du groupe Toyal et obtenu des engagements sur le maintien de l’activité et des emplois sur le site d’Accous (Exclamations sur les bancs du groupe UDF). L’entreprise, comme elle l’a redit lundi lors d’une réunion en préfecture, envisage de nouveaux investissements à Accous, notamment pour y développer des activités plus respectueuses de l’environnement. Ces engagements sont sérieux et ce programme d’extension ne peut pas être qualifié de délocalisation. Je souhaite que l’ensemble des acteurs locaux accompagne le développement de ce secteur du département. Dans les jours qui viennent, je ferai tout mon possible pour que le dialogue puisse se renouer et que Jean Lassalle, auquel je tiens à redire toute mon estime et mon amitié, fort des engagements pris par les partenaires, puisse interrompre son jeûne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; signes de désapprobation sur les bancs du groupe UDF).

M. Pierre-Christophe Baguet - Total, le mépris des hommes !

contrat PREMIÈRE embauche

M. Michel Vaxès - Monsieur le Premier ministre, l’obstination déraisonnable ne caractérise plus seulement certaines pratiques médicales. Vous montrez aujourd’hui qu’un gouvernement aussi peut en faire preuve. Semaine après semaine, l’hostilité au CPE grandit. Il mobilise aujourd’hui contre lui toutes les catégories sociales et toutes les générations. Vous ne pouvez pas avoir raison tout seul contre le plus grand nombre ! Retirez le CPE ! Vous avez engagé un semblant de dialogue avec quelques patrons, mais il n’a pas de sens : il ne s’agit plus de corriger à la marge cette loi, mais de la retirer. Votre responsabilité est clairement engagée, et il n’y a pas d’échappatoire. Vous pouvez très simplement faire revenir le calme dans les universités et dans ce pays : retirez le CPE !

Il existe en effet d’autres solutions, plus respectueuses du Code du travail. La semaine dernière, les députés communistes ont ainsi présenté une proposition de loi que vous avez rejetée, malgré l’intérêt manifesté par M. Borloo. Pourtant 600 000 départs à la retraite auront lieu chaque année au cours de la prochaine décennie, qui vont libérer des emplois. Notre proposition est d’ouvrir des négociations entre patronat et salariés pour assurer les remplacements, dont les jeunes, les moins jeunes et les seniors pourront ainsi profiter sans recours à des contrats au rabais comme le CNE ou le CPE. Le bon fonctionnement des services publics exige également une large ouverture de la fonction publique, en faveur notamment des jeunes. Ne les décevez pas !

La sortie de crise ne dépend que de vous, Monsieur le Premier ministre. Faites donc preuve de responsabilité en retirant le CPE ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Nous avons discuté de tous ces sujets la semaine dernière, à l’occasion de la proposition de loi déposée par le groupe communiste.

Je rappelle que c’est un double défi qui nous attend : avant même de nous soucier des mutations démographiques, nous devons lutter pour l’emploi des seniors. Leur taux d’activité est en effet l’un des plus bas au monde, et l’on n’investit plus dans la formation des salariés à partir de 45 ans dans ce pays ! Cette réalité nous a conduit, après avoir mené des négociations interprofessionnelles, à préparer un plan d’ensemble pour les seniors.

La préparation de l’avenir passe par des plans de gestion de l’emploi et des compétences, qui permettront aux jeunes de suivre des parcours moins chaotiques, et les missions locales travaillent d’ores et déjà sur des outils nouveaux à cet effet. N’oublions pas que dans les 750 quartiers sensibles 38 % des garçons et 41 % des filles de moins de 26 ans sont au chômage ! Et encore certains ne sont même pas inscrits à l’ANPE ! C’est pourquoi j’ai demandé, avec Jean-Louis Borloo, que nous nous efforcions de renouer les fils avec eux.

Notre réponse, c’est la professionnalisation. Nous y ferons face grâce au CIVIS, (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste), grâce à l’entrée et à l’accompagnement dans l’emploi. Nous sommes aux côtés du Premier ministre pour sécuriser l’entrée dans l’emploi et le parcours des jeunes, car nous en avons assez de la précarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

manifestations contre le CPE

M. Louis Cosyns – Depuis le début des manifestations contre le CPE, vous avez donné des consignes de sang-froid aux forces de l’ordre, Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur. Vous avez demandé que le droit de manifester dans le calme soit garanti, mais aussi que la plus grande sévérité soit réservée aux casseurs.

La multiplication des manifestations et les violences qui ont lieu après leur dissolution exposent en effet à des risques accrus. Nous déplorons tous le drame qui a touché Cyril Ferez, du syndicat Sud.

Pouvez-vous donc nous faire connaître, Monsieur le ministre, les premiers éléments des enquêtes diligentées sur cette affaire…

Plusieurs députés socialistes – Allo ? Allo ?

M. Louis Cosyns – … ainsi qu’un premier bilan des blessés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire A cet instant, Cyril Ferez est à l’hôpital. Comme chacun d’entre vous, le Gouvernement pense à lui et à sa famille, et nous formons des vœux pour sa santé.

Une double enquête, administrative et judiciaire, a été diligentée. Elle permettra de connaître toute la vérité, que nous devons à Cyril Ferez, à ses proches, à son syndicat, mais aussi au pays tout entier. Rien ne sera caché, et chacun pourra alors juger des responsabilités en jeu. Avant cela, tout propos de nature définitive serait insultant soit pour la victime, soit pour les forces de l’ordre, qui sont en droit d’être respectées par chacun (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

J’ajoute qu’il me revient, en tant que ministre de l’intérieur, de garantir l’ordre public. Je le ferai, et les casseurs ne doivent s’attendre à aucune faiblesse de notre part (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le spectacle donné par ces voyous, qui polluent les manifestations, qui cassent, qui démolissent et qui s’en prennent à des fonctionnaires de la police ou des militaires de la gendarmerie, est parfaitement scandaleux. Ces personnes seront interpellées, livrées à la justice et, je le souhaite, condamnées sévèrement. Nous devons faire des exemples afin de dissuader ceux qui seraient tentés de les imiter !

Je voudrais rendre hommage au sang-froid des forces de l’ordre (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je suis certain que, sur tous les bancs de cette Assemblée, vous aurez également une pensée pour leurs 309 blessés, qui n’ont fait que leur devoir. Ce n’est pas parce qu’on porte un uniforme qu’on mérite une moins grande solidarité : tous les hommes sont égaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et ces hommes sont également des victimes.

Ils n’ont fait que leur travail. Tout Gouvernement, quel qu’il soit, est heureux de pouvoir compter sur des forces républicaines. Le constater n’est faire preuve de démagogie…

Plusieurs députés socialistes – Mais si ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire - … mais de respect pour ces fonctionnaires, dont vous avez eu, et dont vous aurez encore la responsabilité. Ils apprécieront !

Je leur ai demandé d’être exemplaires par la proportionnalité de leurs réponses. S’ils ont à arrêter les casseurs, ils doivent également protéger les plus jeunes des manifestants. J’appelle chacun au sens de la responsabilité, au calme et à la pondération. Nous devons tous faire appel à la modération, Monsieur le premier secrétaire du parti socialiste : certains manifestants sont très jeunes, et cela doit être un motif de préoccupation pour chacun d’entre nous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

GéNOCIDE ARMéNIEN

M. Jean-Michel Dubernard – Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères. Samedi dernier à Lyon, un an après que l’on a posé en présence de M. Perben la première pierre d’un mémorial commémorant le génocide arménien, des associations franco-turques, fortes de 2500 à 3000 participants, ont manifesté, portant des banderoles et des pancartes négationnistes tels que « il y a jamais eu de génocide » ou « nous sommes fiers de notre passé ». Selon la presse locale, le consul de Turquie aurait déclaré que ce mémorial est une provocation et qu’il n’y avait pas de vérité historique en ce domaine.

La communauté arménienne et les Français d’origine arménienne en ont été blessés, comme les députés l’ont constaté à Lyon, dans la région et ailleurs en France, ainsi que me l’a signalé M. Raoult pour la Seine-Saint-Denis.

De nombreux Français s’inquiètent de la montée du communautarisme, et avec raison. Quel est votre sentiment ? J’ajoute que les engagements pris par les organisateurs auprès de la préfecture n’ont pas été respectés, pas plus que la loi de janvier 2001 (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie - Suite à ces incidents violents qui ont suscité une très forte émotion chez nos compatriotes d’origine arménienne, dont nous sommes solidaires, notre ambassadeur à Ankara est immédiatement intervenu auprès des autorités turques sur le tort que portait à l’image de leur pays de telles manifestations faisant une large place au mouvement nationaliste turc. Nous regrettons en particulier que, d’après les déclarations reproduites par la presse, le nouveau consul général de Turquie à Lyon n’ait pas tenu compte des appels à la retenue..

M. Maxime Gremetz - C’est le ministre de l’Intérieur qui a autorisé cette manifestation !

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie – …lancés par le ministre turc des Affaires étrangères.

La France ne manque jamais une occasion d’inviter la Turquie à faire un authentique travail de mémoire. C’est d’autant plus nécessaire que la Turquie a indiqué publiquement sa volonté d’adhérer aux valeurs de l’Union européenne, parmi lesquelles la réconciliation (Murmures sur les bancs du groupe UDF). Le ministre des Affaires étrangères, en visite à Ankara en février, l’a encore rappelé.

Ces incidents sont d’autant plus regrettables que la Turquie a commencé à engager ce travail de mémoire, en organisant des conférences et des séminaires sur la question arménienne. Un débat s’ouvre, qu’il appartient aux autorités turques d’encourager. Nous y serons vigilants (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

CPE

Mme Sylvie Andrieux – Monsieur le Premier ministre, en refusant toute amélioration législative du CPE, vous avez évoqué la possibilité d'une négociation par branche pour réduire la période d’essai de deux à un an. Or cette période n’est pas prévue par le code du travail, mais renvoyée aux conventions collectives signées par les partenaires sociaux. Depuis cinquante ans dans notre pays, ils l’ont fixée en général à deux mois, parfois à trois, et renouvelable une fois, c'est-à-dire au maximum six mois. C'est donc vous qui, en imposant le CPE, avez remis en cause cet acquis permanent de notre droit social. Pour sauver la face, vous en êtes réduit à utiliser cette solution saugrenue : inciter les partenaires sociaux à remettre en cause les accords existants dans toutes les conventions collectives pour échapper à l'application de la loi que vous voulez leur imposer !

Respecter les partenaires sociaux, c'est respecter les accords collectifs, c’est respecter les Français. Et ce respect oblige aussi à établir la vérité concernant le militant de Sud aujourd'hui dans un état critique.

Monsieur le Premier Ministre, agir de façon responsable, c'est retirer le CPE et proposer un nouveau projet de loi. Êtes-vous prêt à le faire? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Vous nous demandez de respecter les partenaires sociaux et de respecter les Français. Mais quelle est la première préoccupation des Français, si ce n’est le chômage des jeunes ? Et ne sont-ils pas en droit d’attendre de leurs élus qu’ils s’en occupent ? Depuis vingt ans, personne n’a réussi à résoudre ce problème (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et le chômage des jeunes n’est jamais tombé en dessous de 20 %.

Ce qui compte pour les Français, c’est donc de trouver des solutions. Vous choisissez la fatalité ; nous préférons l’innovation. Les parlementaires l’ont votée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ce qu’il faut maintenant, c’est dialoguer, comme vient de le dire le Premier ministre, et nous souhaitons échanger avec tous les partenaires sociaux.

Au mois d’août, vous disiez la même chose. Depuis lors, 400 000 CNE ont été conclus, soit 10 % des contrats signés sur cette période. Demandez aux Français s’ils regrettent l’innovation ! Demain, avec eux, nous voulons dialoguer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), car c’est la démocratie, et trouver une solution pour les jeunes, car tel est le défi que doit relever notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

élection aux crous

M. Jean-Claude Mignon - Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Éducation nationale.

Partout dans le monde, des hommes et des femmes se battent pour avoir le droit de vivre et de s’exprimer librement. Nos parents et nos grands- parents se sont battus pour que nous ayons ce privilège de vivre dans une République démocratique, où nous avons le droit de nous exprimer, de nous opposer, de manifester. Il n’est donc pas admissible que l’on tente de priver une partie de la population du droit essentiel de voter...

M. Maxime Gremetz - Il y a eu une majorité de 80 % !

M. Jean-Claude Mignon – …et qu’un syndicat étudiant, indépendant de toute appartenance politique comme on le sait, essaye d’empêcher, par des moyens plus que contestables, d’autres d’étudiants qui le souhaitent, de voter pour décider si leur établissement sera bloqué. C’est inadmissible (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) comme il est inadmissible que les élections aux conseils d’administration des centres régionaux des œuvres universitaires soient perturbées. Nous sommes nombreux à être inondés d’appels et de courriers électroniques de ces jeunes (Exclamations et rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) qui veulent s’exprimer librement aux élections des CROUS. Auront-ils la possibilité de le faire dans le respect des droits démocratiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDF)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche - Les étudiants sont très attachés aux élections de leurs représentants aux CROUS qu’ils ont préparées ensemble, inspirés par leur slogan « Ne pas voter, c’est nuire à la démocratie ». La semaine dernière, le Premier Ministre, M. Goulard et moi-même avons reçu toutes les organisations étudiantes – représentant plus de la moitié des étudiants – pour un débat très intéressant où elles ont exprimé leur volonté de voter à la date prévue. Nous maintenons donc celle-ci, car l’élection des représentants étudiants aux CROUS est essentielle à l’orientation, à l’insertion et à la vie quotidienne des jeunes. Les étudiants n’entendent être privés ni de ces élections, ni des cours, ni des examens !

Nous maintenons cette date malgré certains incidents imputables à des minorités hostiles à la démocratie et campées sur des positions idéologiques. J’ai hâte de rencontrer les nouveaux représentants aux CROUS. Hier, quatorze académies votaient ; aujourd’hui, ce sont les trois universités d’Île-de-France, et demain les huit autres académies. Après-demain, nous aurons des interlocuteurs pour préparer l’avenir des jeunes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - C’est surréaliste !

bilan du contrat nouvelles embauches

M. Jean-Claude Lenoir - Au-delà des clivages politiques, nous partageons tous une volonté pragmatique de répondre aux problèmes de notre jeunesse. J’ai, comme beaucoup d’entre vous, rencontré des lycéens, des apprentis et des jeunes en début de carrière, pour discuter des dispositifs prévus par la loi.

Plusieurs députés socialistes – Et alors ?

M. Jean-Claude Lenoir - Nous avons abordé la question du CNE. En effet, si le CPE est encore à venir, le CNE est une réalité depuis l’automne dernier. Dans l’Orne, plus de mille CNE ont déjà été signés. Un lycéen nous rappela ce qu’avait dit un dirigeant socialiste et ancien ministre : le CNE n’aurait entraîné aucune nouvelle embauche. Je lui ai promis de vous poser la question aujourd’hui, puisque les lycéens, n’ayant pas cours, nous écoutent. Quel est, Monsieur le ministre, le bilan du CNE ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  Je vous confirme que plus de mille CNE ont été signés dans l’Orne. Plus généralement, deux études – l’une fiduciale, l’autre du réseau TPE – montrent que plus de 400 000 CNE ont été signés, dont 17% par des employeurs recrutant leur premier salarié, et 13% par ceux qui en recrutent un deuxième. Tous les secteurs de l’artisanat, du commerce et de la petite entreprise sont concernés. Un tiers de ces CNE sont de nouvelles créations d’emploi.

M. Augustin Bonrepaux - Vous n’y croyez pas !

M. Alain Vidalies - C’est absurde !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement - Les statistiques de l’ACOSS établissent qu’il n’y a pas eu de diminution du nombre de CDI, que le nombre d’apprentis a augmenté de 8 % et celui des contrats de professionnalisation de 16 %. Un tiers des CNE sont donc de nouveaux emplois, et le reste sont des CDD convertis – avouez que c’est bien mieux !

M. Jean-Marie Le Guen - Il faudra le démontrer !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement - Enfin, la politique de l’emploi, des contrats seniors à l’accord entre ANPE et UNEDIC, est un tout : l’an dernier, 142 500 emplois nouveaux ont été créés dans notre pays. C’est un chiffre sans précédent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

contrat première embauche

M. Henri Emmanuelli – Ma question s’adresse à vous, Monsieur le Premier Ministre, même si je sais que vous ne me répondrez pas, comme vous n’avez pas répondu au premier secrétaire du Parti socialiste.

M. le Premier ministre – Il est également député !

M. Henri Emmanuelli - Dans une démocratie, ce geste n’aurait pourtant pas été malvenu. Vous avez préféré répondre aux provocations de M. Accoyer qui a accusé l’opposition d’instrumentaliser la jeunesse (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés UMP - C’est vrai !

M. Henri Emmanuelli - La jeunesse de France est plutôt prise en otage par une querelle d’investiture interne au parti majoritaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Vous avez, Monsieur le Premier Ministre, commis une erreur en pensant pouvoir abuser la jeunesse : au prétexte de vous occuper d’une partie d’entre elle, vous la privez tout entière des droits que vous rappelait M. Hollande. Comprenez enfin que la France ne se laisse pas abuser !

Vous commettez une deuxième erreur en vous entêtant dans votre refus crispé. Je vous le dis avec gravité : tenir bon face à l’ennemi est une vertu. Mais qui est l’ennemi ?

Plusieurs députés UMP - C’est vous !

M. Henri Emmanuelli - Est-ce la jeunesse de France ? Non ! Vous vous trompez d’adversaire, et cela devient dangereux ! Le ministre de l’intérieur lui-même signale combien l’effervescence étudiante menace de réveiller l’agitation dans les banlieues. N’est-ce que l’expression d’une crainte, ou êtes-vous en train d’élaborer la stratégie du pire ? Je ne veux pas y croire !

Vous connaissez le prix du dialogue auquel vous prétendez : accédez aux revendications des syndicats, au lieu de gesticuler comme vous le faites. Si vous êtes incapables de reculer, nous nous adresserons au Président de la République pour qu’il ramène le calme dans le pays, car nous sommes inquiets ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Richard Mallié – Pyromane !

M. le Président – La parole est à M. Larcher (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes La jeunesse est sous notre responsabilité à tous, ceux qui hurlent comme ceux qui travaillent à la sortir de la précarité ! La jeunesse est diverse : elle vient des banlieues, des campagnes, des villes ; elle connaît le chômage à 40 % ou a la chance de pouvoir se construire un avenir, en France ou à l’étranger. Mais elle ne se divise pas en « parties » qu’il faudrait opposer les unes aux autres ! C’est à l’ensemble de la jeunesse que nous devons apporter des réponses (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) !

Pardonnez ce moment personnel : la jeunesse a le visage de mes trois enfants, qui ont entre vingt et vingt-cinq ans, et je refuse de vous laisser la diviser !

M. Julien Dray - Ils sont tous les trois dans la rue, et j’en suis fier !

M. le Ministre délégué - La jeunesse a besoin de vérité. Or, la vérité, c’est de reconnaître que dans les deux premières années, en matière de préavis, d’indemnités de chômage et d’indemnités de fin de contrat, le CPE en l’état actuel apporte déjà plus de sécurité aux jeunes que le CDI et le fera plus encore quand il sera enrichi par le dialogue social (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

perspectives de croissance

M. Bernard Schreiner - Depuis plusieurs mois, le ministre de l’économie affirme à la représentation nationale que la croissance est repartie.

M. Patrick Roy - Retirez le CPE !

M. Bernard Schreiner - Les chiffres lui donnent raison : dans la deuxième partie de l’année dernière, la croissance s’est nettement accélérée, tirée à nouveau par la consommation des ménages, l’investissement des entreprises et des exportations redressées. Le budget pour 2006 a été construit sur une hypothèse de croissance de 2 à 2,5 %. Nous savons que la consommation en produits manufacturés a bondi en février de 1,8 %, ce qui est une excellente nouvelle. À quel point le dynamisme de la consommation est-il représentatif de la santé de notre économie ? Quelles sont nos perspectives de croissance ? Tiendrons-nous l’hypothèse de base du budget pour 2006 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Je vous confirme que la croissance sera, en 2006, comprise entre 2 et 2,5 %. Les chiffres dont nous disposons laissent présager une croissance de 0,6 % au premier trimestre. Est-ce le fruit du hasard ?

Plusieurs députés socialistes – Oui !

M. le Ministre – Non, ça ne tombe pas du ciel ! Reprenez les chiffres : plus de 142 000 créations d’emplois marchands en 2005, cela vous fait sourire, Monsieur Hollande ?

M. François Hollande - Oh non !

M. le Ministre – Vous en avez rêvé, nous l’avons fait ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Et nous allons continuer : mes services attendent 200 000 créations pour 2006. Vous savez pourquoi ? Parce que grâce aux 400 000 CNE signés, il y a plus de Français au travail, qu’ils ont retrouvé confiance en l’avenir et qu’ils consomment !

M. Augustin Bonrepaux - Bonimenteur !

M. le Ministre - C’est pour cela que l’un des moteurs de la croissance, la consommation des ménages, a augmenté de 1,8 % en février – un résultat exceptionnel. Les salaires ont crû de 2,9 % en 2005, l’augmentation la plus importante depuis treize ans, Monsieur Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli - Qu’est-ce qu’il me veut ?

M. le Ministre – Le moteur de la croissance est reparti, la confiance est de retour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président – Monsieur Emmanuelli, asseyez-vous !

tVA sur la construction des maisons de retraite

M. Jean-Pierre Door - Je viens d’apprendre que la permanence d’un député de la côte d’Or a été saccagée par de prétendus étudiants. Son équipe est traumatisée. Ce sont des provocations inadmissibles et irresponsables. Ces actes de violence sont le fait d’adversaires de la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Un plan de modernisation et de construction d’établissements médico-sociaux a été lancé pour combler l’important retard pris depuis trop d’années en ce domaine. Le vieillissement de la population et les pathologies lourdes liées au handicap et aux maladies neurodégénératives imposent de disposer d’établissements adaptés de plus en plus nombreux. Les élus locaux tentent de répondre à ce défi en organisant la construction de tels locaux sur leur territoire, avec des financements publics ou privés. Les moyens nécessaires sont lourds et les solutions difficiles à trouver, sachant en outre que le prix de journée reste conventionné.

L’application d’un taux réduit de TVA sur les travaux permettrait d’encourager à construire ou d’améliorer la qualité des constructions. Quelles sont les modalités de cette proposition, qui suscite la plus grande attention des maires et des présidents de conseils généraux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la familleMonsieur le député, vous avez mené, avec le soutien du groupe UMP, un juste combat. Vous m’aviez exposé une grave anomalie : la construction d’une maison de retraite non médicalisée bénéficiait d’un taux de TVA de 5,5 %, mais pour construire une maison comme il en faut aujourd’hui, avec personnel soignant et médecin, il fallait acquitter une TVA de 19,6 %. Nous avons travaillé ensemble à cette question, avec MM. Breton et Borloo et sous l’autorité de Dominique de Villepin, et je suis heureux de vous annoncer (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) que nous avons trouvé une solution. À partir du 1er mars, c’est le taux de 5,5 % qui s’appliquera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Ceci n’est qu’une partie de l’effort considérable que nous accomplissons. Cette année, nous avons augmenté de 13,5 % les crédits des établissements pour personnes âgées dépendantes. Alors que nous avions décidé de créer 10 000 places en quatre ans, nous en créerons 20 000 et nous mettons aussi en œuvre un très ambitieux plan de rénovation et d’humanisation des établissements (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). En effet, 500 millions sont dégagés pour 2006, contre 50 en tout pour les cinq années précédentes. Dorénavant, la construction et les travaux dans les maisons de retraite ouvriront droit au prêt locatif social, à la TVA à 5,5 %, à l’exonération de la taxe foncière pendant vingt-cinq ans et bien sûr à l’allocation personnalisée de logement pour tous les résidents (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Cela représente 75 millions supplémentaires. C’est un effort très important et je vous remercie, Monsieur Door, du combat que vous avez mené dans ce domaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Warsmann.
PRÉSIDENCE de M. Jean-Luc WARSMANN

vice-président

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contrôle de validité des mariages

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice - Le présent projet a principalement pour objet de compléter notre droit afin que les mariages célébrés à l’étranger soient soumis aux mêmes règles que les mariages célébrés en France.

Il ne s'agit en rien de rendre plus difficile ces mariages ou de montrer du doigt les personnes concernées. Mais il ne faut pas non plus que les lacunes de notre législation permettent des mariages frauduleux, Le détournement des règles du mariage à des fins migratoires comme les mariages forcés doivent être combattus avec détermination. C'est l'une des priorités du Gouvernement et c'est la finalité de ce texte équilibré.

La situation du mariage a, de fait, beaucoup évolué, au cours de ces dernières années. Le mariage est en effet devenu un enjeu migratoire majeur, Ainsi, de 1999 à 2003, le nombre des mariages célébrés en France entre des Français et des ressortissants étrangers a progressé de 62 %. En 2005, ils représentaient 50 000 des 275 000 mariages célébrés en France. Dans le même temps, hors de nos frontières, 45 000 autres mariages ont été contractés par nos compatriotes, essentiellement avec des ressortissants étrangers. En définitive, un mariage sur trois est un mariage mixte. Parallèlement, le rapprochement de conjoint constitue le premier motif d'immigration familiale, tandis que pratiquement 50 % des acquisitions de la nationalité française ont lieu par mariage.

Bien sûr, la plus grande part de ces mariages mixtes sont fondés sur une véritable intention matrimoniale. Toutefois, force est de constater que le nombre des fraudes ne cesse d'augmenter. Ces détournements de l'institution du mariage démontrent que le dispositif actuel de contrôle est inadapté. C'est pourquoi le Gouvernement vous présente un texte à la double ambition : il s'agit de créer les conditions d'un contrôle efficace des mariages, sans que ceux qui souhaitent sincèrement s'engager dans les liens matrimoniaux, quelle que soit leur nationalité, en soient empêchés. La liberté du mariage est en effet un principe fondamental de notre droit.

Le texte qui vous est soumis est le fruit d'une longue réflexion, globale, cohérente et équilibrée. L'examen par votre commission des lois a permis d'en améliorer encore l'économie, qui s’organise autour de trois axes : renforcer le contrôle des mariages célébrés en France ; soumettre au même contrôle le mariage des Français à l'étranger ; simplifier et améliorer les procédures de vérification des actes de l’état civil étranger soumis à l'administration française.

Ce projet comporte tout d'abord plusieurs dispositions qui seront applicables à tous les mariages célébrés sur notre territoire, quelle que soit la nationalité des époux.

Les lois du 24 août 1993 et du 26 novembre 2003 ont déjà apporté des outils pour lutter contre les mariages frauduleux. Je pense bien sûr à l'audition préalable des époux, mais aussi à la possibilité pour l'officier de l’état civil de saisir le procureur de la République afin que ce dernier sursoie à la célébration ou s'oppose au mariage en cas de doute sur l’intention matrimoniale.

Bien que la circulaire du 2 mai 2005 ait répondu à de nombreuses interrogations d'officiers de l'état civil, il apparaît nécessaire de préciser le déroulement des formalités préalables au mariage énoncées à l'article 63 du code civil.

L'expérience montre que les bans sont trop souvent publiés avant que l'ensemble des formalités et vérifications préalables ait été accompli. Or, cette publication doit normalement attester que le dossier de mariage est complet et que les conditions de sa célébration sont réunies. II est donc proposé une nouvelle rédaction de l'article 63, faisant apparaître plus clairement l’ordre des différentes étapes qui doivent précéder la célébration, depuis la constitution du dossier de mariage jusqu'à la publication des bans.

Il apparaît aussi que l'identité des futurs époux doit être mieux contrôlée. Conformément à l'instruction générale relative à l'état civil, la plupart des officiers de l’état civil exigent la production d'une pièce d'identité. Toutefois, faute de disposition légale en ce sens, ils peuvent se trouver en difficulté, car si les futurs époux ne défèrent pas à leur demande, ils ne peuvent pas pour autant refuser de célébrer le mariage, sous peine de commettre une voie de fait. C'est pourquoi le projet fait désormais de l'obligation de présenter une pièce d'identité officielle une exigence légale.

Il convient ensuite de rendre effective l'audition préalable des futurs époux. Ainsi, dans le prolongement des dispositions contre les mariages forcés, il est proposé que le futur conjoint mineur soit auditionné seul, ce qui lui permettra de s'exprimer plus librement. À cet égard, je vous précise qu'en dépit de l'élévation à dix-huit ans de l'âge du mariage pour les filles, cette mesure conservera toute sa pertinence, puisque certaines législations étrangères maintiennent la possibilité du mariage des mineures.

Bien que l’audition préalable des futurs époux soit en principe obligatoire, les officiers de l’état civil sont souvent empêchés d’y procéder, notamment en raison de l'éloignement géographique du futur époux, C'est pourquoi l'officier de l’état civil du lieu de célébration doit pouvoir déléguer cette audition à l'agent diplomatique ou consulaire lorsque le futur époux réside à l'étranger, et réciproquement, lorsque le mariage est célébré à l'étranger.

Votre commission a par ailleurs proposé de compléter l'article 63 afin d'y faire également figurer la possibilité pour le maire ou le consul de déléguer l'audition à un fonctionnaire titulaire du service de l'état civil. Cette disposition avait été adoptée dans le cadre de la loi sur les violences conjugales. Vous connaissez les réticences que j'avais exprimées alors. L'audition participe en effet du consentement à mariage dont il revient à l'officier de l'état civil de s'assurer. Toutefois, je comprends les raisons qui ont conduit le Parlement à adopter cette mesure, et je ne m'y opposerai donc pas, dès lors que la possibilité de délégation est limitée aux fonctionnaires titulaires du service de l'état civil.

Il convient enfin de conforter le pouvoir d'opposition du Ministère public, institué par la loi du 30 décembre 1993. Actuellement, cette opposition est automatiquement caduque au bout d'un an. C'est-à-dire qu'il revient au procureur de la renouveler si les candidats au mariage maintiennent leur projet après ce délai. Plusieurs d'entre vous ont légitimement souligné que cette règle profite aux fraudeurs. Le projet prévoit donc que l'opposition du parquet continuera à produire effet tant que les intéressés n'auront pas obtenu du tribunal une décision en ordonnant la mainlevée.

J'en viens maintenant aux dispositions concernant les mariages contractés par les Français à l'étranger qui constituent l'essentiel de ce projet de loi. A l'heure actuelle, le contrôle de ces mariages s'exerce a posteriori, c'est-à-dire à l'occasion de la demande de transcription sur les registres de l'état civil.

Ce dispositif présente deux inconvénients majeurs : d’abord, comme la transcription n’est pas obligatoire, sauf lorsque le conjoint étranger souhaite obtenir un titre de séjour ou la nationalité française, les époux peuvent faire produire à leur mariage tous les autres effets prévus par la loi. C'est ainsi qu'ils peuvent bénéficier des avantages fiscaux accordés aux couples mariés, sans que leur union ait fait l'objet du moindre contrôle quant à sa validité. En outre, le délai qui s'écoule entre le mariage et la demande de transcription ne permet pas toujours de procéder aux vérifications nécessaires. La procédure actuelle est donc favorable aux fraudeurs.

C’est pourquoi le contrôle de la validité du mariage doit s'exercer en amont, avant même la célébration. Surtout, tant qu'il n'a pas été transcrit, le mariage contracté devant une autorité étrangère ne doit pas produire tous ses effets en France.

Le projet de loi introduit dans le code civil un nouveau chapitre, intitulé « Du mariage des Français à l'étranger». Il confirme l'obligation, pour les Français envisageant de se marier à l'étranger devant une autorité étrangère, de solliciter auprès du consulat ou de l'ambassade la délivrance d'un certificat de capacité à mariage. Cette obligation, déjà prévue par un décret du 19 août 1946, est rarement respectée, car aucune sanction n'y est attachée. Les intéressés devront désormais, comme si le mariage était célébré en France, remettre un dossier, être auditionnés par l'officier de l'état civil et faire procéder à la publication des bans. Si le projet de mariage ne remplit pas les conditions de validité, le parquet pourra s'y opposer. Le fait de ne pas avoir obtenu de certificat de capacité à mariage rendra en outre plus difficile la transcription de celui-ci.

Le texte distingue clairement les trois hypothèses possibles. Première hypothèse : les époux ont obtenu le certificat de capacité à mariage. La transcription leur sera en principe acquise : ils bénéficieront d'une présomption de bonne foi. Certes, le parquet pourra toujours s'y opposer si des éléments nouveaux le justifient, mais à défaut d'action engagée dans le délai de six mois, la transcription sera de droit.

Deuxième hypothèse : le certificat de capacité à mariage n'a pas été délivré car le parquet s'est opposé au mariage, mais les époux se sont quand même mariés devant l'autorité étrangère. Ce cas de figure ne manquera pas de se présenter, la possibilité des autorités françaises d'empêcher la célébration du mariage par une autorité étrangère étant limitée par le principe d'indépendance souveraine des Etats. Pour faire transcrire leur mariage, les époux devront obtenir préalablement du tribunal la mainlevée de l'opposition du parquet.

Troisième hypothèse : les époux se sont mariés sans avoir accompli les démarches préalables à la délivrance du certificat de capacité à mariage. La demande de transcription donnera obligatoirement lieu à une audition, et, en cas de doute sur la validité de l’union, le parquet se prononcera à la demande de l'officier de l'état civil consulaire. Les époux ne bénéficiant plus, dans cette hypothèse extrême, de la présomption de bonne foi, la transcription ne leur sera pas acquise de droit à l'expiration du délai de six mois. Ils devront saisir le tribunal pour obtenir une décision en ce sens.

Ce dispositif rétablit l'égalité entre les Français qui se marient à l'étranger et ceux qui se marient en France, en subordonnant la délivrance d'un acte de l'état civil à des vérifications préalables, quel que soit le lieu où le mariage a été célébré. Il sera particulièrement dissuasif à l'égard des Français qui entendent se marier à l'étranger en toute connaissance de l'irrégularité de leur démarche. En effet, seuls les mariages transcrits seront désormais opposables aux tiers, donc à l’administration. Cette mesure qui généralise les dispositions applicables au droit au séjour et à la nationalité est donc essentielle : elle prive de tout intérêt la conclusion d'un mariage irrégulier hors de nos frontières.

Sur ce point, votre commission propose des éclaircissements judicieux. Elle suggère d'indiquer que si le mariage a été valablement célébré, il peut produire des effets entre les époux et à l'égard des enfants. Je suis favorable à cette précision qui renforce la sécurité juridique.

Le dernier volet du texte tend à modifier l'article 47 du code civil afin de simplifier la procédure de vérification des actes de l'état civil établis à l'étranger. Le dispositif actuel, introduit par la loi du 26 novembre 2003, a donné aux administrations le pouvoir de surseoir au traitement d'une demande pour faire vérifier l'authenticité de l'acte d'état civil étranger produit à l'appui de celle-ci. Malheureusement, il s'est avéré trop lourd pour empêcher les fraudes de perdurer. Sa suppression s’impose donc. Après avoir énoncé le principe de la valeur probante attachée aux actes d'état civil faits à l'étranger, le nouvel article 47 prévoit leur éviction s'ils sont irréguliers ou frauduleux, le cas échéant après toutes vérifications utiles, notamment auprès des autorités consulaires compétentes. Un décret précisera les modalités d'application de ce nouveau dispositif, afin de laisser à l'administration un délai suffisant pour se prononcer lorsqu'elle devra procéder à des vérifications auprès d'une autorité étrangère.

Vous abordez un texte qui touche à la vie quotidienne de nos concitoyens et entend lutter contre les dérives dont le mariage fait l'objet. Tel qu’amendé par la commission, il instaure un dispositif cohérent et abouti. Il préserve les principes généraux de notre droit…

M. Jean-Pierre Blazy - Pas sûr !

M. le Garde des Sceaux - …au rang desquels figurent la liberté du mariage et l'égalité de tous devant la loi. Je remercie la commission, son président, M. Houillon, son rapporteur, M. Delnatte, et son rapporteur suppléant, M. Geoffroy : leur travail rigoureux et constructif a permis d'apporter à ce texte les améliorations nécessaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy, suppléant M. Patrick Delnatte, rapporteur de la commission des lois - Ma présence à la tribune tient à l’absence involontaire, et toute excusée, de notre collègue Patrick Delnatte, qui travaille depuis longtemps à ce rapport et que je tiens à remercier et à féliciter.

La question des mariages de complaisance n’est pas neutre. Ce sont en effet des données statistiques qui nous invitent à y réfléchir. Ce n’est certes pas la première fois que nous nous en préoccupons, puisque la loi de 1993 prévoyait déjà un dispositif de lutte contre les mariages de complaisance, dispositif que la loi du 26 novembre 2003 relative à l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a renforcé. Mais la persistance du phénomène ne peut manquer d’interpeller les officiers d’état civil et la société française : le mariage reste en effet, au cœur de notre République, un des éléments fondateurs de la stabilité de notre société. Nous connaissons tous les articles 212 et 215 du code civil. Le premier dispose que « les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance », le second que « les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie ». La grande majorité des mariages sont évidemment valides, mais force est de constater que ceux sur lesquels des doutes peuvent être émis tendent à augmenter.

À la demande d’un de nos collègues de la commission, le Gouvernement a bien voulu me transmettre quelques chiffres. Entre 1995 et 2004, le nombre d’annulations a augmenté de 75%, passant de 449 à 786. 57% des 1210 procédures engagées le sont à l’initiative du ministère public ; 86% concernent des mariages mixtes. Les deux tiers des procédures débouchent sur une annulation. Le fondement de l'institution du mariage est ainsi remis en cause par la multiplication des unions contractées uniquement à des fins étrangères aux droits et aux obligations attachées au mariage.

Ce texte est donc bienvenu. Il entend protéger l'institution du mariage tout en respectant la liberté de se marier, en simplifiant la vérification de l'authenticité des actes de l'état civil de l'étranger. En renforçant les contrôles en amont de la célébration du mariage, il poursuit non seulement un objectif de protection, mais aussi de dissuasion : protection de la personne, de l'institution du mariage, de la liberté fondamentale de se marier ; dissuasion des candidats à la fraude. Les législations de nombre de membres de l'Union Européenne - Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne – s’inscrivent dans la même perspective.

Les lois de 1993 et de 2003 ont grandement amélioré la situation. Ainsi l’audition des futurs époux avant la célébration du mariage doit-elle permettre de s’assurer du libre consentement de chacun d’eux. Elle est en principe commune mais peut, si nécessaire, être effectuée séparément. Si des indices sérieux laissent supposer une irrégularité, il est possible de refuser le mariage et de saisir le procureur de la République, lequel peut autoriser la célébration ou s’y opposer. La loi de 2003 a également institué un délit spécifique d’organisation, de tentative d’organisation ou de participation à un mariage de complaisance, puni de cinq ans de prison et de 15 000 euros d’amende. La proposition de loi relative aux violences conjugales, que nous allons adopter demain matin, prévoit, quant à elle, des dispositions pour renforcer la lutte contre les mariages forcés. A cet égard, je vous remercie, Monsieur le Garde des sceaux, d’avoir accepté que certaines dispositions issues des travaux de la mission d’information parlementaire sur la famille aient pu y être introduites. La loi de 2003 enfin, en conformité avec le principe de souveraineté des États, donne la possibilité de contrôler la validité des actes de l’état-civil de l’étranger.

Tous ces outils sont, hélas, encore insuffisants comme en témoignent le nombre de filières restant à démanteler, la progression des signalements de présomption de fraude au mariage par les services du ministère des affaires étrangères et la recrudescence des fraudes à l’état-civil. Il faut donc aller plus loin. Tel est l’objectif de ce texte.

Il renforce la détection en amont des mariages simulés. Les formalités préalables au mariage sont ainsi précisées, de façon que l’officier d’état-civil puisse saisir à temps le procureur de la République en cas de doute. Les effets d’une opposition à la célébration du mariage par le ministère public sont de même renforcés par la suppression du régime de caducité, actuellement applicable au bout d’un an. Mais l’essentiel de la réforme porte sur les mariages célébrés à l’étranger selon les règles étrangères : dorénavant, ceux-ci seront soumis aux mêmes règles et aux mêmes contraintes que ceux célébrés en France. Un Français qui désire se marier à l’étranger devra préalablement obtenir un certificat de capacité à mariage, attestant qu’il a rempli les formalités requises, notamment qu’il s’est conformé à l’obligation d’audition. La transcription dépendra désormais du respect des formalités préalables. Ainsi un mariage célébré malgré l’opposition du ministère public ne pourra en aucun cas être transcrit, si ce n’est après mainlevée de l’opposition, laquelle devra intervenir dans le délai d’un mois.

Ce projet de loi ne remet nullement en cause la liberté de se marier…

M. Jean-Pierre Blazy - C’est faux !

M. le Rapporteur suppléant - …protégée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la Convention européenne des droits de l’homme, et dont le principe fondamental a été réaffirmé par le Conseil constitutionnel en 1993 et 2003.

Il supprime la procédure de sursis administratif et de vérification judiciaire des actes de l’état-civil étranger, introduite par la loi de 2003. Ainsi l’autorité administrative destinataire d’un acte étranger pourra-t-elle le rejeter s’il est irrégulier ou frauduleux après avoir, le cas échéant, procédé aux vérifications nécessaires.

Ce texte représente un juste équilibre entre la liberté fondamentale de se marier et l’impérieuse nécessité de protéger l’institution du mariage des détournements dont elle fait l’objet. Respect en est, je crois, le maître-mot -celui-ci figurera d’ailleurs également dans la proposition de loi relative aux violences conjugales qui doit être adoptée demain. En effet, sans respect dès l’origine du lien qui va se nouer entre les futurs époux ni de la loi, il ne saurait y avoir d’institution du mariage digne de ce noM. Grâce à ce texte, nous la défendons avec efficacité en même temps que nous la promouvons. La commission des lois vous invite à l’adopter, assorti des quelques modifications qu’elles a proposées et que le Gouvernement a acceptées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D’irrecevabilité

M. le Président - J’ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Pierre Blazy – La lecture de ce projet de loi révèle que le titre en est fort peu adapté. Prétendument relatif au contrôle de la validité des mariages, il vise en réalité à contrôler les mariages mixtes célébrés à l’étranger, à des fins de maîtrise des flux migratoires.

Votre objectif avoué est de lutter contre le détournement de l’institution du mariage pour immigrer dans notre pays. Nous ne nions pas le phénomène. Sur ce point, nous ne souhaitons faire preuve ni de laxisme ni d’angélisme. Pourtant, ce nouveau texte marque avant tout l’échec de la loi de 2003 relative à la maîtrise de l’immigration dont l’un des objectifs était de « rendre plus efficace le dispositif de lutte contre les mariages frauduleux ou de complaisance qui peuvent être conclus par des étrangers dépourvus de titres de séjour. » Cette loi visait à rendre les mariages de complaisance moins attrayants en rallongeant la durée de communauté de vie exigée pour l’obtention d’une carte de résident et à renforcer le contrôle des mariages mixtes. Certes, la plupart des décrets d’application n’ont été publiés qu’en 2005 – quand ils l’ont été ! L’arsenal juridique actuel semble suffisant mais, pour des raisons électorales à l’approche des échéances de 2007, vous présentez un nouveau texte modifiant des dispositions entrées en vigueur.

Vous expliquez, Monsieur le Garde des sceaux, que de 1999 à 2003, le nombre de mariages mixtes célébrés en France a augmenté de 62 % avec 50 000 mariages de ce type en 2003, pour 45 000 célébrés à l’étranger.

M. le Rapporteur suppléant – Ce sont les chiffres.

M. Jean-Pierre Blazy - Le doublement des mariages célébrés à l’étranger que vous stigmatisez…

M. le Garde des Sceaux  Nous ne stigmatisons rien du tout.

M. Jean-Pierre Blazy - …, même s’il y a parmi ceux-ci des cas de fraude, n’est pas nécessairement aussi suspect que vous le prétendez. Dans son rapport d’évaluation de l’application de la loi de 2003 qu’il a présenté récemment, Thierry Mariani explique que « les mariages purement frauduleux demeurent minoritaires et n’expliquent pas à eux seuls l’augmentation importante des mariages mixtes. » Vous ne faites, hélas, pas preuve de la même prudence, Monsieur le Garde des sceaux. Il faut tenir compte de la mondialisation et du développement des échanges. Deux millions de Français vivent à l’étranger et le nombre d’étrangers vivant en France représente 8 % de la population française, ce qui explique en partie l’accroissement important du nombre de mariages mixtes. De nouvelles pratiques sociales peuvent aussi en rendre compte, même si des cas de fraude, et même de trafic existent. Gardons-nous donc d’une interprétation péremptoire des statistiques, celles-ci demeurant d’ailleurs opaques et partielles.

Nous avons par ailleurs du mal à suivre votre raisonnement, Monsieur le Garde des sceaux, lorsque vous rapprochez le nombre de mariages mixtes de celui des enfants nés de couples mixtes sur le territoire national, preuve, selon vous, que le mariage est « utilisé à des fins étrangères à l’instauration d’un lien conjugal et à la fondation d’une famille ». Mais vous comparez des données qui ne sont pas comparables, en rapprochant le nombre total des mariages mixtes célébrés en France et à l’étranger de celui des enfants nés de couples mixtes sur le seul territoire national. Faute grossière ou manipulation ? Vous semblez regretter que les couples mixtes ne donnent pas naissance à assez d’enfants. Votre majorité n’a-t-elle pourtant pas été toujours la première à alimenter l’idée reçue selon laquelle la fécondité des étrangers est proprement envahissante, alors même qu’elle a chuté fortement, tout spécialement au Maghreb où elle est tombée de sept enfants par femme en 1970 à 2,5 aujourd’hui.

Une chose est sûre : la Chancellerie ne communique pas sur le sujet des mariages blancs. Bien que je vous aie interrogé à plusieurs reprises, vous ne m’avez jamais répondu. Vous gardez secrètes deux études, l’une concernant les oppositions au mariage avec un étranger, l’autre les annulations de mariage avec un étranger. Leurs conclusions seraient-elles dérangeantes ? La représentation nationale devrait pourtant disposer de tous les éléments pour légiférer.

Notre rapporteur, M. Delnatte, a eu la sagesse de ne pas reprendre votre raisonnement hasardeux – sans pour autant développer une argumentation à même de nous convaincre totalement. Il explique que, d’après les chiffres disponibles, sur 45 000 mariages mixtes célébrés à l’étranger, les services consulaires n’ont saisi le Parquet de Nantes que 1 733 fois et que, selon les années, 32 % à 53 % des affaires ont débouché sur une assignation. Nous avons dû attendre la réunion de la commission des lois juste avant cette séance pour obtenir, partiellement, les chiffres que nous réclamions et ainsi apprendre qu’en 2004, la Chancellerie a dénombré 786 décisions d’annulation de mariages. Sur ce nombre, combien de mariages mixtes et combien de mariages mixtes célébrés à l’étranger ? Des chiffres précis nous seraient indispensables, car nous ne pouvons pas légiférer à partir de fantasmes. A s’en tenir aux assignations, moins de 2% des mariages mixtes seraient des mariages frauduleux.

M. le Garde des Sceaux  Ce n’est pas la question ! C’est un problème de principe.

M. Jean-Pierre Blazy - Nous ne nions pas que puissent exister des fraudes qu’il faut combattre. Mais pourquoi chercher à tromper la population sur l’ampleur du phénomène ? Vous attisez les peurs. L’immigration pour raison familiale, dont le regroupement familial n’est que l’un des aspects, est en régression, vous le savez parfaitement. Du reste, ce n’est pas en contrôlant la validité des mariages que l’on résoudra ce problème.

Selon l’institut national des études démographiques, la France est par ailleurs le pays dont la croissance démographique dépend le moins de l’immigration – pour 40 % seulement, ce qui nous place en queue du classement européen. Comme le note François Heran, de l’INED, « l’immigration n’est pas massive. Elle n’est pas majoritairement clandestine. Elle n’est ni prolifique ni misérable. Elle n’est pas davantage insaisissable ».

Et pourtant, vous vous plaisez à conforter des idées reçues, parfaitement contraires à la réalité. Au moment où la commission nationale consultative des droits de l’homme s’inquiète de la progression inquiétante des sentiments racistes en France, n’avez-vous pas l’impression de souffler sur les braises, Monsieur le Garde des Sceaux ?

En vérité, ce texte n’est qu’une première étape en vue de l’examen du prochain texte sur l’immigration, prévu par M. Sarkozy et censé promouvoir une immigration choisie. Votre seul but est de faire place nette en limitant l’immigration familiale, de sorte que l’arrivée de l’immigration du travail sélectionnée ne vienne pas gonfler les chiffres à l’excès. Mais c’est oublier que l’Etat ne peut pas impunément jouer à l’agence matrimoniale, et vous au conseiller conjugal, Monsieur le ministre.

Parce que vous cherchez à flatter une partie de votre électorat, vous confondez tout : validité des mariages, mariages blancs, mariages forcés. Nous devons traiter soit de la validité des mariages, quelle que soit la nationalité des intéressés, soit du contrôle des flux migratoires. En entretenant le flou, vous vous servez du contrôle de la validité des mariages comme d’un outil pour réguler l’immigration. C’est donc vous qui détournez cette institution vénérable et fondamentale qu’est le mariage !

Certes, nous ne contestons pas l’existence de certains abus, mais le mariage n’a rien d’une voie privilégiée pour entrer sur notre territoire national. Il est faux de prétendre que le mariage ouvre un droit automatique aux titres de séjour, et a fortiori à la nationalité comme l'affirmait encore le ministre des affaires étrangères en réponse à une question écrite, au JO du 28 février dernier.

En effet, les critères d’acquisition de la nationalité par le mariage sont presque aussi stricts que ceux de la naturalisation : le délai de communauté de vie est de deux ans, délai que le projet de loi sur l’immigration de M. Sarkozy pourrait porter à quatre, et la nationalité peut être refusée pour défaut d’assimilation, indignité ou connaissance insuffisante de notre langue. En 2004, seuls 34 400 étrangers ont acquis la nationalité française par le mariage, soit deux fois moins que par naturalisation – 75 753.

Relativisons donc le détournement du mariage ! Dans les faits, le bénéfice à tirer d'un mariage avec un Français est beaucoup moins évident que ce que vous essayez de nous faire croire. J’ajoute que la plupart des étrangers qui se marient en France possèdent déjà un titre de séjour, car ils ne souhaitent tout simplement pas courir le risque d’être arrêtés et expulsés, la procédure de mariage servant de plus en plus à contrôler la régularité de leur séjour.

Dans votre exposé des motifs, vous déclarez également qu’« il est inacceptable dans notre société que des jeunes filles soient mariées de force, aux seules fins de permettre à leur conjoint de bénéficier de l'application de la loi française ». Si les mariages forcés sont trop nombreux et inacceptables, nous avons le sentiment que l’objectif avancé n'est qu'un alibi et que votre projet de loi ne renforcera pas l’efficacité de la lutte contre ces pratiques intolérables. En effet, pourquoi légiférer alors que nous allons bientôt adopter définitivement la proposition de loi relative à la lutte contre les violences conjugales ?

Je rappelle que selon la commission consultative des droits de l'Homme, la lutte contre les mariages forcés « ne doit pas conduire à jeter la suspicion sur certaines catégories de population et laisser penser que tout mariage d'une personne rentrant dans l'une de ces catégories devrait à priori ou a posteriori faire l'objet d'un contrôle particulier quant à la réalité de son consentement ». Hélas, je ne suis pas sûr que vous ayez évité cet écueil, Monsieur le Garde des Sceaux !

De toute manière, vous allez transférer aux consulats la charge de veiller à la lutte contre les mariages frauduleux sans transfert de moyens, ni création de postes de magistrats à Nantes. La loi du 26 novembre 2003 avait pourtant déjà chargé les services consulaires d'entendre les futurs époux avant de célébrer leur mariage en cas de doute sur la réalité de leur consentement. Pourquoi aller plus loin encore, sans prendre en considération d’autres solutions ? Pourquoi ne pas imaginer un mariage dans les consulats au-delà des pays déterminés par décret ?

Dans sa réponse à la question écrite de M. Warsmann, M. Douste Blazy, estimait « nécessaire que nos consulats, situés aux avant-postes de la lutte contre l'immigration illégale, soient dotés de moyens correspondant à l'importance des tâches qui leur sont dévolues ». Malheureusement, quand on connaît la réalité des moyens disponibles, on peut rester sceptique. En effet, la charge de travail des services consulaires va bien évidemment se trouver considérablement alourdie.

Faute de moyens pour réaliser les auditions prévues, les consulats risquent de s'opposer systématiquement aux mariages, dans le doute. Ces autorités n'auront donc pas de réel pouvoir d'investigation, et vous aurez à préciser un seuil de « tolérance » par circulaire.

Par ailleurs, les délais ne pourront que s’allonger. Avez-vous seulement obtenu des engagements à ce sujet de la part de votre collègue des Affaires étrangères ? Combien d'équivalents temps plein supplémentaires allez-vous créer ? Y aura-t-il des créations de postes, et des redéploiements ? Par exemple, les consulats disposent déjà de bien faibles moyens dans les pays d’Afrique subsaharienne, à forte émigration. Nous avons besoin de réponses précises, Monsieur le ministre.

J'en viens maintenant au détail juridique de votre dispositif, qui n’est pas sans poser de nombreux problèmes constitutionnels.

Selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, le mariage doit être avant tout considéré comme une liberté et non comme un outil de régulation de l'immigration. Ainsi, comme l’indique la décision du 13 août 1993, « le législateur peut prendre à regard des étrangers des dispositions spécifiques mais il lui appartient de respecter les libertés et les droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. [...] Figurent parmi ces droits et libertés [...] la liberté du mariage, le droit de mener une vie familiale normale. [...] [Les étrangers] doivent bénéficier de recours assurant la garantie de ces droits et libertés ».

En 2003, le Conseil a de nouveau rappelé que le simple fait d'être un étranger en séjour irrégulier ne suffit pas pour suspecter un mariage de complaisance. Or, la production obligatoire d'une pièce d'identité permettra d’exiger de l'étranger qui se marie un titre de séjour ou de résidence, pratique contraire au principe de la liberté de mariage. Vous demandez que les futurs époux justifient de leur identité « au moyen d'une pièce délivrée par une autorité publique ». Mais quelle sera cette pièce ? Le titre de séjour, à l’évidence, alors que le Conseil constitutionnel a toujours considéré que la liberté de mariage ne saurait être subordonnée à la situation administrative de la personne. Que vous le vouliez ou non, le Conseil a clairement affirmé en 2003 qu’un mariage conclu avec une personne en situation irrégulière n'est pas automatiquement frauduleux.

Par ailleurs, votre dispositif pour les mariages conclus à l’étranger est une véritable usine à gaz ! Si nous ne refusons pas les contrôles a priori, c’est à condition que les auditions ne se répètent pas à l'infini. Or, vous les multipliez ! S’agissant des contrôles a posteriori, je rappelle qu’une annulation du mariage peut d’ores et déjà être demandée, et ce pendant une durée de 30 ans.

De toutes ces mesures, il résultera des délais excessifs et sans aucun doute anticonstitutionnels. Faut-il en effet vous rappeler que si le Conseil constitutionnel a validé en 2003 les dispositions relatives au contrôle à priori des mariages célébrés en France, c’est parce que les délais de l'ensemble de la procédure n'excédaient pas deux mois et quinze jours. En cas de mariage à l'étranger, la procédure consulaire risque pourtant de durer plusieurs mois, ce qui s’ajoutera aux délais actuels, déjà à la limite de la constitutionnalité. Au total, plusieurs années pourront s'écouler entre le dépôt d'un dossier complet au consulat et la reconnaissance du mariage en France !

C’est un véritable parcours d'obstacles pour les candidats au mariage à l'étranger que vous dressez, spécialement quand l'un des deux époux n'est pas français. Or, le Conseil Constitutionnel a déjà condamné la dissuasion au mariage lorsqu'elle est organisée. Etes-vous sûr d'avoir évité cet écueil ?

Pis encore, les nouveaux mécanismes que vous prévoyez sont arbitraires. Les candidats au mariage qui seront contrôlés ignoreront en effet les faits qui leur seront reprochés. Seule est prévu en effet leur qualification juridique, d'où l'impossibilité pour eux de se défendre efficacement. On demande par ailleurs aux consulats de détecter les mariages abusifs en faisant part au procureur de Nantes de leurs soupçons. Celui-ci les chargera alors d'enquêter eux-mêmes, sans limitation de durée. Ce sera un contrôle à charge uniquement, sans contre pouvoir.

Certes en dernier recours et à tout moment, le Tribunal de grande instance pourra intervenir. Mais au bout de combien de temps, et à quel prix ? Trouvez vous normal d'instaurer une sorte de mariage judicaire pour les Français de l'étranger ?

J’ajoute que les candidats au mariage devront prouver leur bonne foi sans avoir en main la totalité des éléments de fait qui leur sont reprochés. Il y aura renversement de la charge de la preuve ! Or, la liberté ne se motive pas, et le mariage en est une.

Mais votre système n'est pas seulement long, onéreux, dissuasif. Il crée une catégorie inédite de mariage : le mariage sans effet. Alors qu’il existe déjà une action en nullité, possible à condition de disposer de preuves, vous créez une procédure fondée sur le soupçon sans preuve, qui aboutira à priver des mariages de leurs effets en France, en raison des délais. De fait, vous créez une action en nullité a minima, dépourvue de toute garantie.

Certes, le procureur disposera de six mois pour se prononcer, mais la découverte d’éléments nouveaux fera courir à nouveau le délai, pendant lequel la France ignorera donc le mariage de l'un de ses ressortissants et lui refusera ainsi le droit à une vie familiale, garantie par la déclaration des droits de l'Homme et reconnue par la Convention européenne des droits de l'homme, qui appartient au bloc de constitutionnalité. C'est aussi méconnaître dans les faits le droit au divorce.

On pourra même refuser, sur simple suspicion, l'inscription dans les registres de Nantes de l'ensemble des actes de l'état civil, dont l'acte de filiation, sans qu'un magistrat puisse s'y opposer. Autrement dit, l'enfant d'un Français ne pourra pas prouver sa filiation par le mariage de ses parents simplement parce que le pays où il est né figurera sur la liste noire d'une administration. Le seul recours sera le Tribunal de grande instance.

Au total, cette architecture aboutit à créer des inégalités entre citoyens français. Ceux qui voudront se marier avec un étranger seront de facto moins libres que les autres de choisir leur conjoint.

Enfin la France est engagée par des conventions internationales. Celle de 1978 sur la célébration et la reconnaissance des mariages précise que si les conditions de fond sont réunies le mariage doit être célébré. Et selon la Convention des Nations unies sur le mariage entrée en vigueur le 15 décembre 1964, tous les mariages devront être inscrits sur un registre officiel et ne peuvent être suspendus sur simple suspicion. A coup sûr, ce texte intéressera le Conseil Constitutionnel. Et vos précautions suspicieuses risquent d'être balayées par n'importe quel tribunal français en vertu du principe de la supériorité du droit international. Nous sommes appelés à légiférer pour l'affichage politique.

M. Serge Blisko - Et c’est dommage.

M. Jean-Pierre Blazy - Non fondé en droit, ce texte n'en est pas moins contre- productif au regard de ses propres objectifs, à savoir la lutte contre l'immigration. Evidemment, la fraude existe – il nous faudrait des chiffres plus précis – et il faut la combattre. Mais à trop vouloir mettre des obstacles aux unions mixtes, vous allez provoquer une immigration clandestine d'un nouveau type, car les conjoints n'ayant pu parvenir au bout du parcours du combattant que devient la transcription se rejoindront quand même sur le territoire national ! Vous serez alors contraints de procéder à des régularisations massives. Ce sera le mauvais résultat d'une mauvaise politique. Pour toutes ces raisons, je demande à l’Assemblée de voter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Garde des Sceaux  J’aurais pu ne pas vous répondre, car j’ai eu le sentiment que nous ne parlions pas du même texte. Celui qui rendra l’acquisition de la nationalité par mariage plus difficile, c’est le texte que va présenter le ministre d’État. Mais celui-ci, s’il a des effets sur l’immigration, n’a pas du tout cette finalité. Il s’agit de rétablir la symétrie entre ceux qui se marient en France et ceux qui se marient à l’étranger. Si vous vous êtes trompé de discours, reprenez-le quand le ministre d’État aura déposé son projet. Pour l’instant, vous êtes hors sujet.

Pour ce qui est des chiffres, s’ils sont validés, on les publie, s’ils ne le sont pas, on ne les publie pas, c’est tout.

M. Jean-Pierre Blazy - Que veut dire « validés » ?

M. le Garde des Sceaux  Selon vous, 1700 signalements, cela ne suffit pas pour faire la loi. Mais la loi porte sur les principes. Et le texte va vous donner satisfaction, car lorsqu’on fera des auditions, on trouvera bien plus de gens qui se servent du mariage dans un autre but.

Vous rappelez la règle constitutionnelle selon laquelle on ne peut interdire un mariage avec un étranger en situation irrégulière. Le projet ne la remet nullement en cause. Quant à la production d’une pièce d’identité, qui peut accepter qu’actuellement on ne la demande pas ? Quand j’ai énoncé ce fait, j’ai bien vu que certains de vos collègues de l’UMP n’en revenaient pas. Mais les socialistes trouvent cela normal.

M. Jean-Pierre Blazy - Vous caricaturez !

M. le Garde des Sceaux - Iriez-vous dire la même chose dans vote circonscription ? Cette situation peut plaire à certains intellectuels, pas à l’opinion publique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Vous êtes toujours aussi dangereux quand il s’agit d’immigration, et malheureusement, l’expérience n’a jamais d’effet sur vous. Vous tenez le même discours depuis 25 ans, et si vous arrivez au pouvoir, vous ferez une nouvelle loi sur l’immigration, en expliquant qu’il faut bien donner des papiers à ces dizaines de milliers de malheureux arrivés chez nous grâce à un faux mariage.

M. Jean-Pierre Blazy – C’est n’importe quoi ! Vous ne répondez pas.

M. le Garde des Sceaux - Votre discours n’a pas beaucoup d’écho pour les gens de bon sens.

Enfin, vous rappelez le délai de deux mois retenu par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 décembre 2003. Il se trouve que l’article 171-4 du code civil reprend le même délai. Il n’y a donc là rien de nouveau.

De ce fait, je ne peux qu’encourager l’Assemblée à ne pas voter une exception d’irrecevabilité qui porte sur un prochain texte, peut-être, mais pas sur celui que je présente (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en venons aux explications de vote.

M. Serge Blisko - Sans être offensant, le ministre n’a pas dû bien écouter l’argumentation pertinente de M. Blazy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il s’agit bien ici en effet d’une rupture de droit entre les Français, selon qu’ils épousent un Français ou un étranger. C’est choquant et discriminatoire.

M. Dino Cinieri - Quelle démagogie !

M. Serge Blisko – Une loi sur l’immigration a été votée en novembre 2003. A peine l’encre des décrets d’application est-elle sèche, qu’il faut la compléter. Cela tourne à l’obsession. De plus, ce texte ne fait que compliquer les choses. Cette énième barrière aux flux migratoires sera de toute façon illusoire.

Enfin, nous n’avons eu les derniers chiffres que dans l’après-midi – et 1700 signalements sur 45000 mariages dont 800 ou 900 annulations, c’est bien peu. Pourquoi légiférer dans ces conditions, et pour des cas finalement déjà traités par la justice, qui fait bien son travail ? Ce débat n’a pas lieu d’être et nous voterons avec détermination l’exception d’irrecevabilité.

M. Jean Gaubert - Très bien !

M. Nicolas Perruchot – M. Blazy ne m’a pas convaincu. Lors du débat sur la loi relative à l’immigration en 2003, nous étions assez unanimes pour reconnaître ce problème des mariages. Il faut effectivement faire en sorte que les règles soient les mêmes pour tous. Dans nos mairies comme dans les consulats, se pose le problème de la fraude à l’état-civil. Il existe des filières en France pour organiser des mariages blancs, et ces mêmes réseaux existent à l’étranger, pour les mariages dans les consulats. Ne pas légiférer, c’est les laisser poursuivre un trafic profitable. Le groupe UDF ne votera donc pas cette exception d’irrecevabilité.

Mme Chantal Bourragué - Le groupe UMP ne votera pas non plus cette exception d’irrecevabilité. Il y va du respect et de la liberté de chacun. Ce texte permet de mieux protéger la famille et le mariage, et n’impose aucune contrainte supplémentaire à ceux qui veulent se marier normalement.

Tous les maires s’interrogent en effet sur la validité de certains mariages et sur les filières frauduleuses qui les permettent. Loin des peurs, c’est pourtant de liberté qu’il s’agit ici ! Ailleurs en Europe, des modalités comparables s’appliquent déjà depuis plusieurs années. Cette nouvelle loi répond donc à une évolution de la société et à une exigence d’égalité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n’est pas adoptée.

M. Jacques Desallangre – Ce projet de communication vise avant tout à présenter le Premier Ministre comme l’homme qui lutte contre l’immigration irrégulière. La course à l’élection présidentielle a commencé, avec son lot de surenchères.

Vous nous proposez, Monsieur le Garde des Sceaux, de contrôler le mariage. Vous évoquez pourtant, dès la première phrase de votre exposé des motifs, la lutte contre l’immigration irrégulière et les mariages forcés.

En outre, le Gouvernement s’empresse d’agir, sans même nous présenter l’évaluation précise et chiffrée de la loi de 2003 qui nous permettrait de légiférer avec finesse. Combien y a-t-il de mariages non consentis, et combien concernent des mineurs ? Combien de mariages ne sont célébrés que pour obtenir un titre de séjour et rompus aussitôt ? Voilà les informations dont nous devons disposer avant de réformer le droit existant.

Au fond, votre texte remet en cause la liberté matrimoniale garantie par la Déclaration universelle des droits de l’homme, en la soumettant à la décision d’un officier d’état civil ou du procureur de la République. Que faites-vous de l’interdiction de discrimination que pose l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme ? Votre combat contre la fraude et la clandestinité vous fait méconnaître les droits fondamentaux et transforme la vie des étrangers souhaitant se marier avec des Français en véritable parcours du combattant.

A preuve, l’article 63 revu qui, sous prétexte de clarifier les formalités préalables au mariage, oblige les futurs conjoints à constituer un dossier et à se soumettre à une audition – que la loi de 2003 ne prévoyait qu’en cas de doute – devant un officier d’état civil ou un agent diplomatique.

De même, le chapitre II bis oblige les ressortissants français souhaitant se marier à l’étranger à solliciter un certificat de capacité à mariage remis par les autorités consulaires, une fois la sincérité de leur intention vérifiée sur dossier et audition. Le non respect de ces formalités aura des répercussions sur la transcription du mariage dans les registres de l’état civil français.

En récrivant l’article 171 du Code civil, vous créez une inégalité de droit : le mariage de deux étrangers serait mieux reconnu que celui de deux Français ou d’un Français marié à l’étranger. Avouez que c’est paradoxal, voire absurde ! Notre droit prétend s’appliquer au-delà de nos frontières. A force de vouloir légiférer sur tout, ne finira-t-on pas par pousser les citoyens à la rébellion contre l’excès de lois qui asphyxient les actes les plus simples de la vie ?

Vous bouleversez les règles élémentaires de bon voisinage en soumettant la validité des actes d’état civil étrangers à des formalités de transcription – et courez le risque que d’autres pays fassent de même à notre égard, selon le principe de réciprocité. Ainsi, le mariage en France de deux Français souhaitant s’expatrier pourra ne plus être reconnu ailleurs. C’est une véritable usine à gaz ! Vous ne mesurez pas l’incertitude juridique dans laquelle votre texte va plonger les Français comme les étrangers concernés.

Pour lutter contre les mariages forcés, vous soumettez les futurs époux mineurs à une audition par un officier d’état civil. Le plus urgent, pourtant, est de modifier l’article 144 du Code civil – véritable anachronisme – en interdisant le mariage avant dix-huit ans pour les femmes, comme c’est le cas pour les hommes. Dans le cas exceptionnel d’un mariage de mineur, il est bon de procéder à l’audition de l’intéressé en l’absence de ses parents, mais il faudrait, pour ne pas laisser cette responsabilité au seul officier d’état civil, lui adjoindre un psychologue spécialiste des adolescents. Il en va de l’avenir des jeunes concernés !

Au prétexte de lutter contre la fraude, votre projet de loi alourdit la procédure d’authentification des actes d’état civil étrangers et instaure une suspicion destinée à décourager les mariages mixtes consentis – qui sont pourtant l’une des meilleures voies de l’intégration républicaine.

Mme Chantal Bourragué – La liberté de se marier est un droit constitutionnel. Or, il n’y a pas de mariage sans consentement. Pourtant, les mariages forcés existent bel et bien. Couverts par la loi du silence, ils restent difficiles à évaluer. Le Haut conseil de l’immigration évoque le chiffre de 70 000 adolescentes qui en seraient victimes chaque année en France. C’est une pratique en progression qui touche surtout les jeunes filles issues de l’immigration.

De même, le défenseur des enfants est régulièrement saisi par le ministère des affaires étrangères pour secourir des mineurs français à l’étranger – le plus souvent des jeunes filles françaises ou binationales de 16 à 18 ans, que leurs parents marient contre leur gré à un homme plus âgé, étranger et dont elles ignorent tout.

Ces unions forcées, qui nient la liberté d’aimer et de disposer de soi-même, s’accompagnent souvent de violences psychologiques ou physiques. Un Etat de droit comme le nôtre ne peut fermer les yeux sur ces souffrances. La France a récemment relevé l’âge minimum du mariage pour les filles à 18 ans. Voilà qui protègera davantage les mineures, vulnérables et dépendantes de leur famille. Notre droit comporte par ailleurs plusieurs mesures permettant d’empêcher ou d’annuler un mariage lorsque le consentement est vicié, mais il faut renforcer ce dispositif.

Tel est l’objet de ce projet de loi. Pour s’assurer du libre consentement des futurs époux, l’officier d’état civil devra procéder à une audition dès lors que les premiers éléments du dossier laissent supposer qu’il s’agit d’un mariage forcé. Les futurs conjoints seront entendus séparément, et les mineurs entendus seuls, afin qu’ils puissent s’exprimer en toute liberté.

Mentionner les futurs conjoints mineurs dans le projet est indispensable, puisque le mariage de mineurs est autorisé dans certaines législations étrangères. Par ailleurs, dans l’état actuel du droit, les auditions préalables doivent être effectuées par les officiers de l’état civil ou les agents consulaires du lieu de célébration du mariage. Cela compromet parfois la tenue des auditions, par exemple lorsqu’un des futurs époux vit à l’étranger et a besoin d’un visa. Le projet de loi autorise donc la délégation de l’audition à un fonctionnaire de la mairie ou du consulat territorialement compétent.

Le deuxième volet de ce texte vise à lutter contre les mariages de complaisance, contractés pour permettre à l’un des conjoints d’obtenir un titre de séjour, puis la nationalité française. Aujourd’hui en France, près d’un mariage sur trois est un mariage mixte, mais seulement un enfant sur dix naît d’un couple mixte ! Le mariage est donc parfois utilisé comme un mode d’immigration légale. Le nombre des mariages binationaux célébrés à l’étranger est en forte hausse : selon le Premier ministre, il s’élève à 34 000, contre 19 000 il y a dix ans. Cette progression reflète l’augmentation de la population française issue de l’immigration, car, comme l’a souligné le rapporteur, la grande majorité de ces unions sont sincères. Il n’en demeure pas moins que l’institution matrimoniale ne doit pas être détournée à des fins frauduleuses. Or, il existe dans notre pays de véritables réseaux chargés d’organiser ces mariages de complaisance, en échange d’importantes contreparties financières. Le Premier ministre a rappelé qu’il fallait « lutter contre la tendance qui ferait du mariage avec un Français quelque chose qui se monnaie ». Le renforcement du contrôle de la validité des unions contractées à l’étranger permet également de vérifier le respect de la loi interdisant la polygamie dans notre pays.

Le présent projet a donc pour objet de renforcer le contrôle exercé sur la sincérité de l'intention matrimoniale et la lutte contre la fraude à l’état civil. Pour le cas des mariages célébrés en France, il clarifie la chronologie des formalités qui doivent être accomplies avant la célébration : l'expérience montre en effet que de nombreux maires rencontrent des difficultés dans cette phase. Il s'agit de permettre à l'officier d'état civil, en cas de doute, de saisir le procureur de la République à temps. Le texte renforce notamment le contrôle de l'identité des futurs époux et rend leur audition systématique en cas de doute sur la réalité du projet matrimonial. Par ailleurs, l'opposition au mariage, formulée par le parquet, ne sera plus caduque au bout d'un an, mais les candidats au mariage gardent la possibilité de saisir le tribunal afin d'en obtenir la levée.

Les mariages de Français à l'étranger seront soumis à des formalités similaires. Le principe de validité des unions contractées à l'étranger n’est pas remis en cause, mais l'accomplissement de ces formalités permettra de contrôler la validité du mariage a priori en droit français. La transcription du mariage à l'état civil sera en effet subordonnée à l'obtention d'un certificat de capacité à mariage, attestant que les futurs époux ont accompli les formalités requises et se sont rendus, le cas échéant, à l'audition préalable. L’opposition du parquet ne pourra pas empêcher une autorité étrangère de célébrer le mariage, mais elle aura des conséquences importantes sur la transcription de l'acte de mariage dans les registres de l'état civil français. Or, le projet prévoit que cette transcription conditionnera l’opposabilité du mariage en France.

Loin de remettre en cause la liberté de se marier, le projet protège le principe de liberté matrimoniale en refusant de tolérer que l'institution du mariage soit utilisée pour d’autres fins que l'instauration du lien conjugal et la fondation d'une famille. Ce texte a vocation à doter l'Etat des moyens juridiques de s'opposer aux mariages forcés, grave atteinte à la liberté des femmes, et de lutter contre les unions de complaisance. Il prévoit les mêmes dispositions pour les unions célébrées en France ou à l'étranger. Il donne des outils pour lutter contre les mariages organisés à des fins purement migratoires, prévenant ainsi l'action de filières criminelles qui exploitent la détresse d'hommes et de femmes souvent confrontés, dans leur pays, à des situations difficiles. Voilà pourquoi le groupe UMP le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Serge Blisko – Le sujet, le mariage, aurait pu être passionnant si seul un angle négatif, pessimiste, soupçonneux n’avait été retenu. La question des mariages mixtes est abordée dans une perspective de lutte contre les mariages de complaisance à des fins migratoires. Les députés socialistes ne sont pas naïfs : ils savent qu'il existe parfois – parfois ! – des fraudes dans les mariages mixtes. Nous n'avons pas une vision angélique : au contraire, nous voulons être concrets. C’est pourquoi nous attendons, vainement pour l’instant, des chiffres et des preuves. Ce projet de loi porte atteinte à la liberté fondamentale du mariage et donne lieu à une stigmatisation des relations des Français avec des étrangers qui devient récurrente dans le climat de suspicion généralisée et de restriction des flux migratoires que la majorité veut instaurer.

La liberté du mariage est une de ces libertés fondamentales dont la France aime se prétendre le garant universel. Elle est reconnue par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et protégée par le Conseil constitutionnel dans deux décisions majeures de 1993 et 2003. Dans sa décision du 13 août 1993, la haute juridiction affirme que le mariage est une des composantes de la liberté individuelle. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme consacre le droit de se marier comme liberté fondamentale et interdit toute restriction à l'exercice de ce droit en raison de considérations discriminatoires, notamment liées à l'origine nationale. Ce projet de loi remet en cause ces principes fondamentaux.

Les couples franco-étrangers seront victimes d'une instabilité juridique constante, dès avant la célébration du mariage jusqu'à sa transposition en droit français,…

M. le Rapporteur suppléant – Au contraire !

M. Serge Blisko - … puisque des « faits nouveaux » pourront justifier à chaque étape la saisine du procureur. Par ailleurs, la limitation des délais de procédure est très insuffisante. Pourtant, dans sa décision de 1993, le Conseil constitutionnel a annulé un délai préalable au mariage – déjà instauré dans le but de sanctionner les mariages supposés de complaisance – de trois mois. Le projet de loi, en alourdissant les procédures et en multipliant les possibilités de saisine du procureur de la République, tend encore à allonger les délais de transposition des mariages, qui peuvent atteindre plusieurs années, sans considération des droits des conjoints. Par ailleurs, il faudrait être plus clair, Monsieur le ministre : le texte prévoit bel et bien une inversion de la charge de la preuve ! Dans la procédure de transcription, en l'absence de réponse ou en cas de refus de transcrire de la part du procureur, les intéressés disposeront d'un recours devant le tribunal de grande instance. L’absence de réponse de la part d'un procureur surchargé aura donc pour conséquence d'obliger les époux à engager eux-mêmes une procédure judiciaire afin de prouver leur bonne foi ! C'est une atteinte aux principes généraux du droit.

Qu’une liberté soit mise à mal par un système de contrôle offensif, c’est habituel de la part du Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe UMP) mais qu’un texte présente un caractère discriminant, c’est plus grave ! La signification du titre, « contrôle de la validité des mariages », n'est pas entendue dans le sens commun : contrôle de la validité de tous les mariages dans toutes les circonstances. Non ! Seuls les mariages mixtes sont visés, et plus encore ceux qui sont célébrés à l'étranger. Pourquoi donc ce titre ? Le fait discriminant serait-il trop évident ? Quoi qu'il en soit, ce texte a à la fois pour fondement et pour conséquence une discrimination fondée sur la nationalité et sur d'autres critères flous. Concrètement – car la matérialité manque cruellement à ce texte – quels facteurs d'appréciation des dossiers vont-ils s'imposer ? Mettons-nous à la place d’un maire : la loi du 26 novembre 2003 prévoit une procédure d'audition des futurs époux avant la publication des bans. Dans mon arrondissement, il y a 800 mariages par an. À raison de quinze minutes par couple,…

M. le Rapporteur suppléant - C’est pourquoi nous avons prévu une délégation !

M. Serge Blisko - Mais j’ai une obligation morale et légale de vérifier tous les mariages !

Mme Chantal Bourragué - Vous ne vous êtes jamais interrogé sur un mariage ?

M. Serge Blisko - Bien sûr que si, mais pas 800 fois ! Je ne fais pas 800 enquêtes !

M. le Rapporteur suppléant – Un peu de clairvoyance !

M. Serge Blisko - Si je devais faire une vérification pour tous les couples qui se marient dans mon arrondissement, cela me prendrait, à raison de quinze minutes par couple, ce qui, vous en conviendrez, serait un minimum, 200 heures. Dans ces conditions, nous ne ferons pas les vérifications voulues pour tous les couples mais seulement pour quelques cas, Monsieur le rapporteur. En se fondant sur quels critères ? De nationalité ? D’origine ? Si je commence à ne vérifier que les couples étrangers, je me rendrai coupable de discrimination ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Un Européen sera-t-il réputé moins fraudeur qu’un Sub-Sahélien ? Des quotas selon les nationalités seront-ils fixés officiellement ou officieusement pour faciliter le travail des autorités consulaires ? Soyez plus vigilants ici, plus coulants là-bas !

M. Patrice Martin-Lalande - Alors, il ne faut rien faire ?

M. Serge Blisko - Vous voyez bien que l’on ne pourra pas entrer dans le détail, parce que le détail n’est pas dicible. On s’en remettra donc à la subjectivité des officiers de l’état civil.

Par ailleurs est-il si inconcevable qu’un Français d’origine étrangère veuille se marier avec une personne du même pays que lui mais n’ayant pas la nationalité française ? Où est le crime ? Où est la faute ?

M. le Rapporteur suppléant  Il n’y en a pas !

M. Serge Blisko - Le modèle d’intégration français est-il si usé qu’une union franco-étrangère vous paraisse anormale et suspecte ?

M. le Rapporteur suppléant – Pas du tout !

M. Serge Blisko - Autre critère de suspicion possible : la différence d'âge. Là encore, une discrimination peut vite s'insinuer. N’a-t-on pas tendance à trouver normale une différence d'âge en faveur de l'homme, alors qu'une femme nettement plus âgée que son futur conjoint ferait figure de cas suspect ?

Autre critère possible : le manque visible d’amour. Mais enfin y a-t-il une chose plus difficile à évaluer que l'amour unissant un couple ? Faudra-t-il que les futurs époux soient dans un état de transport amoureux incontestable ? Comment les autorités pourraient-elles évaluer, quantifier, l'amour de deux personnes ?

M. le Garde des Sceaux  Vous faites la bête !

M. Serge Blisko – Dérangera-t-on le procureur si les futurs époux commencent à se disputer, parce que, par exemple, l’un des deux était en retard ?

Mme Chantal Bourragué - Quel cinéma !

M. Serge Blisko - Ce que l'on ne demande pas à des couples franco-français sera exigé de couples franco-étrangers. Le projet laisse en effet entendre – pour reprendre la terminologie du doyen Jean Carbonnier sur les deux modèles populaires de mariage - qu'aux mariages français d'amour s'opposeraient des mariages mixtes de raison. Au risque de vous décevoir, je dois vous dire qu’il arrive que des mariages très franco-français se fassent pour des motifs de raison – par exemple un avantage fiscal – tandis que la très grande majorité des mariages mixtes consacrent un amour réel.

Ce projet s’inscrit dans un climat de paranoïa et de suspicion généralisée, comme si la France était assiégée. Dans l’exposé des motifs, il est écrit, Monsieur le ministre, que « force est de constater que les règles du mariage, conformes à notre idéal républicain, sont trop souvent détournées de leur objet à des fins purement migratoires ». Que signifie le « trop souvent » ? Nous aimerions avoir des chiffres précis et incontestables. Combien d’assignations aboutissent réellement à la preuve d'un mariage frauduleux ?

Faute d'éléments quantitatifs clairs, M. Delnatte insiste dans son rapport sur la corrélation entre l'augmentation des mariages mixtes et le renforcement des contrôles de l'immigration. Ce renforcement tendrait à augmenter l'intérêt comparatif du mariage mixte. En réalité, la plupart des étrangers qui se marient en France possèdent déjà un titre de séjour. On le comprend, compte tenu de l'importance des risques d'arrestation et d'expulsion lorsque l'un des conjoints est en situation irrégulière. De plus, le bénéfice de se marier avec un Français n'est pas aussi flagrant et facile. Les critères d'acquisition de la nationalité par mariage sont stricts, et le délai de vie commune nécessaire a déjà été porté à deux ans.

Le mariage mixte ne constitue donc en rien la boîte de Pandore par laquelle se glisseraient les cohortes d'étrangers menaçant le sol national ! Ce projet ne constitue qu’un outil supplémentaire dans la stratégie de restriction et de sélection des flux migratoires. Dévoilez donc le réel objectif de ce texte : la sélection des immigrés.

M. le Garde des Sceaux  C’est un procès d’intention !

M. Serge Blisko – Ou encore « l'immigration choisie » chère à Nicolas Sarkozy, qui défendra le texte « CESEDA » dans quelques semaines. L’utilitarisme est-il en train de toucher tous les aspects de la vie en société ? Après la question « quel bon immigré es-tu ? Est-ce vraiment avantageux pour la France de t'accueillir ?», voici apparaître la question : « ton mariage est-il assez fort au vu des exigences françaises ?» Bien des Français seraient recalés à cet examen de l' « amouromètre » !

Pourquoi ne pas dire plus clairement que ce texte est un petit pas de plus vers une restriction très sévère des flux migratoires et vers les lois intolérables qui nous attendent en mai ?

Il est d'ailleurs étonnant que le président de la commission n’ait pas voulu entendre le Ministre des Affaires Étrangères et que nous n’ayons pas un rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, alors que les autorités consulaires sont très concernées par ce projet ! Je m’étonne de cette façon de procéder, alors qu’il est évident que plusieurs dispositions vont nous mettre en difficulté avec certains pays amis ! Le surcroît de travail imposé à des services consulaires qui manquent déjà de moyens va susciter lenteur et lourdeur administratives, mêlées de discriminations.

D’un côté, vous prétendez vouloir favoriser l’accueil d’étudiants étrangers et les échanges de services, de l’autre vous imposez toute une suite de contraintes aux mariages franco-étrangers. Quel exemple pitoyable de non-ouverture au monde ! Et quelle image de la France offrons-nous donc ? Celle d'un pays refermé sur lui-même, apeuré, méfiant. Un pays qui réprime en jetant le soupçon sur les mariages entre des cultures différentes…

M. le Rapporteur – Un pays qui prévient !

Mme Chantal Bourragué - Qui respecte !

M. Serge Blisko - … alors qu’ils sont avant tout source d’enrichissement. Vous ne pouvez aller contre ce mouvement de mixité et d'ouverture.

Mme Chantal Bourragué - Nous ne sommes pas contre ! Nous sommes contre la fraude !

M. Serge Blisko - Après plus d'un siècle de libéralisation du mariage, nous voici à nouveau dans une phase de régression et de restriction des libertés fondamentales. Au consentement paternel obligatoire, aboli en 1927, vous substituez le contrôle de l'État ! Quel archaïsme ! Vous affirmez promouvoir le mariage véritable au détriment du mariage de raison ou de complaisance.

M. le Président – Je vous remercie de conclure.

M. Serge Blisko - L'effet est manqué : vous organisez aujourd'hui l'avènement du mariage judiciaire ! Nous ne pouvons que nous opposer à un texte marqué par un souci maniaque de tout contrôler et par des soupçons permanents vis-à-vis des étrangers (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président – Un mot sur l’organisation de nos débats. Nous allons finir la discussion générale et M. le ministre répondra s’il le souhaite. Nous examinerons ensuite, aux alentours de 18 heures 30, le texte ratifiant l’ordonnance relative à la garantie du contrat vendeur-consommateur, avant de revenir au présent texte, éventuellement dans le cadre d’une séance prolongée.

M. Nicolas Perruchot – Le mariage avec un Français ouvrant droit au séjour et à l'acquisition de la nationalité française, il arrive malheureusement qu’il soit utilisé à des fins frauduleuses. A l'heure actuelle, 50 000 mariages, sur les 275 000 célébrés chaque année en France, sont des mariages mixtes.

Bien entendu, il convient de rester très prudent : n’assimilons pas tout mariage mixte à un mariage frauduleux. Néanmoins, il existe une réalité, celles des mariages forcés à des fins frauduleuses, dont les premières victimes sont les femmes. Le décalage qui existe entre le nombre de mariages mixtes célébrés chaque année – un mariage sur trois – et le nombre de naissances issues de couples mixtes – une sur dix – atteste que la fraude est présente. Nous ne pouvons évidemment nier la sincérité de ces unions dans la société d’aujourd’hui ; mais les filières d'immigration clandestine détournent trop souvent la finalité du mariage à des fins d'entrée sur le territoire. Mon expérience de maire m'oblige à le constater régulièrement.

Il existe des filières de mariages de complaisance, et les officiers de l'état civil sont de plus en plus souvent confrontés à des conjoints qui ne se connaissent visiblement pas, ne parlent pas la même langue et exigent d'être mariés le plus rapidement possible. J’ai même vu le cas de trois sœurs venues réclamer, en trois jours, un mariage avec un homme dont elles ne connaissaient ni le nom, ni le prénom, ni l’adresse.

Au delà de cet enjeu migratoire, il y a un enjeu humain. Nombre de ces mariages de complaisance impliquent en effet des femmes que l'on force à contracter cette union. Et si le combat contre les mariages forcés doit être mené, c'est aussi pour éviter que des femmes, souvent jeunes, et n’ayant d'autre choix que de se soumettre, se retrouvent dans une telle situation.

M. Patrice Martin-Lalande et Mme Chantal Bourragué - Très bien !

M. Nicolas Perruchot - Il faut donc trouver un juste équilibre entre le respect de la liberté d'union et la nécessité d'empêcher son dévoiement. Ce texte renforce précisément le contrôle de la validité des mariages pour lutter contre les détournements de l’institution. Il est ainsi prévu de clarifier la chronologie des formalités préalables. L'identité des candidats au mariage sera d’autre part mieux contrôlée, et l'opposition du ministère public ne sera plus caduque après une année.

J’en viens au contrôle des mariages contractés par les ressortissants français à l'étranger. En l'état actuel du droit, il ne s'exerce qu'a posteriori, à l'occasion de la transcription sur les registres de l'état civil. Ce système présente bien des lacunes : le mariage célébré à l'étranger peut en effet produire certains effets sans même avoir été transcrit, et le contrôle est généralement trop tardif. Le texte propose donc un dispositif complet subordonnant la célébration du mariage à deux conditions : la célébration du mariage selon les formalités en vigueur dans le pays de célébration, et la conformité, pour l'époux français, aux conditions du droit français. Le certificat de capacité à mariage doit en outre remplir deux conditions : l'accomplissement des formalités requises et la publication des bans.

L'audition des futurs époux sera menée par l'officier de l'état civil du lieu de domicile ou par les autorités diplomatiques et consulaires compétentes. Ces mesures visent à instaurer un contrôle de la validité du mariage a priori.

L’acte de mariage étranger devra avoir été transcrit sur les registres de l'état civil pour être opposable. Ces formalités n'ont pas pour but de restreindre la liberté de contracter un mariage, mais de donner aux officiers d'état civil les moyens d'empêcher les mariages frauduleux. Afin de lutter contre les mariages forcés, et pour compléter les dispositions de la loi relative à la lutte contre les violences conjugales, il est également proposé d'améliorer les conditions d'audition des futurs époux. Je souscris bien entendu à cette mesure, en particulier celle qui permet l'audition du futur conjoint mineur seul, en-dehors de la présence de sa famille ou du futur conjoint. L’expérience de plusieurs communes, dont la mienne, montre qu’il y a là une barrière efficace à la fraude.

Il est très délicat de légiférer en la matière, car les restrictions aux libertés publiques doivent être mesurées. Mais le respect de l’institution, la lutte contre l'immigration clandestine et la protection des femmes nous imposent de prendre des mesures. Pour toutes ces raisons, le groupe UDF apportera, bien entendu, son soutien à ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Blazy – « Bien entendu » est de trop.

Mme Martine Aurillac – Ce projet vise d’abord, tout en respectant la souveraineté de l'Etat où le mariage est célébré, à contrôler, en vue de ses effets au regard de la loi et de l'ordre public français, la régularité d'un mariage célébré à l'étranger entre un conjoint français et un conjoint étranger – voire, n’en déplaise à M. Blisko, entre deux Français. L'enjeu est important : près d'un tiers des mariages célébrés ou transcrits en France sont des mariages mixtes. La multiplication des échanges et l'immigration encouragent un brassage de population, si bien que le mariage est devenu le mode légal d'acquisition de la nationalité française. Nous avons tous été confrontés comme maires, à cet égard, à des situations douteuses.

S’agissant de la lutte contre les mariages forcés, je tiens à féliciter notre commission d'avoir repris des amendements de la mission parlementaire sur la famille et les droits des enfants, à laquelle j'ai participé. La proposition de loi relative à la prévention et à la répression de la violence au sein des couples ou contre les mineurs inspire en effet directement l'article premier : l'officier d'état civil, s'il l'estime nécessaire, demande à s'entretenir avec l'un ou l'autre des époux, afin de vérifier la validité du mariage envisagé. En outre, l'audition du futur conjoint mineur se fait hors la présence de ses père et mère ou de son représentant légal et de son futur conjoint. Heureuse disposition qui prend en compte la circonstance que l'âge légal du mariage des filles est souvent inférieur à celui de la majorité.

S’agissant des mariages à l'étranger, la clarification du pouvoir d'opposition du parquet et la fin des transcriptions par défaut sont utiles. Leur application soulèvera quelques difficultés techniques auquel le pouvoir réglementaire devrait facilement pouvoir répondre. J’insiste sur les risques de fraude, ou même d'erreur, résultant de la communication aux autorités consulaires de simples extraits d'actes. La mention « polygamie acceptée », qui figure sur l'original d'un acte de mariage, par exemple, n'est pas reprise dans l'extrait.

Le progrès est sensible, puisque les consuls sont incités à opérer des vérifications sur place et sur pièces, les officiers d'état civil et les procureurs à les réclamer. Encore faut-il que nos postes consulaires aient les moyens de répondre à cette surcharge de travail.

M. Jean-Pierre Blazy - Eh oui ! C’est tout de même essentiel !

Mme Martine Aurillac – La rationalisation des services et le redéploiement ont en effet leurs limites. Au bénéfice de ces observations, je voterai bien sûr ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Charzat – Ce projet de loi porte très mal son noM. Il concerne en effet non pas l'ensemble des mariages, mais les seuls mariages mixtes, et plus particulièrement ceux qui sont célébrés à l'étranger. Le contrôle des mariages que vous nous proposez est un avant- goût du projet de loi sur l'immigration «choisie» que le ministre de l'Intérieur nous annonce depuis un certain temps.

Votre majorité confond abusivement mariage mixte, mariage de complaisance et accessoirement mariage forcé, alors que ces cas de figure recouvrent des réalités et des enjeux différents. Les problèmes liés aux mariages forcés ont déjà été abordés par la loi sur les violences au sein du couple. Les réintroduire dans ce texte accentue la confusion. Dois-je rappeler que de nombreux mariages mixtes ne sont ni forcés, ni frauduleux ? Comment mesurer l’attachement ? Selon l'INSEE, plus de 40 000 mariages entre Français et étrangers ont été enregistrés en 2004. Près d'un septième des unions impliquent donc au moins un conjoint étranger. Selon le ministère de la Justice, 26 000 personnes auraient acquis la nationalité française par ce biais en 2002, soit moins d'un cinquième du nombre d'accédants à la naturalisation.

Si le nombre de mariages mixtes tend à augmenter, il est difficile de quantifier la part des mariages « blancs » dans cette évolution. Le nombre d'annulations de mariages mixtes frauduleux par les services du ministère des Affaires étrangères, seul indicateur valable, reste incertain. C'est pourtant sur cette base que vous justifiez la multiplication des contrôles administratifs et l'allongement de la durée des procédures relatives aux mariages mixtes, de même que vous fragilisez la valeur probante des actes de l'état civil passés à l'étranger.

Difficiles à quantifier, les mariages de complaisance et les fraudes au mariage existent. Il nous faut combattre ces dernières car elles dévoient l’institution du mariage. Cela suppose par exemple de développer et d’approfondir des accords bilatéraux pour la vérification des actes et de renforcer les moyens juridiques et humains des services de l’état civil chargés de contrôler la validité des unions au regard du droit français.

Paradoxalement, votre projet alourdit les contrôles dont la réalisation incombe aux autorités consulaires et aux maires – qui peinent déjà face au nombre des mariages à certaines périodes de l’année –, ainsi qu’au procureur chargé de l’état civil de Nantes, qui à l’heure actuelle ne peut pas gérer les dossiers au cas par cas, du fait de l’absence de pouvoirs propres.

Ce texte crée par ailleurs un véritable parcours du combattant pour les candidats au mariage mixte. Dans ma circonscription, des familles attendent depuis des années la transcription de leur certificat de mariage ou des actes de naissance de leurs enfants. Je dois régulièrement débloquer des situations inextricables dans lesquelles les citoyens ne peuvent faire valoir leurs droits. Et voilà que vous voulez durcir les conditions de la transcription, déjà difficile à obtenir, sous prétexte de dissuader les mariages de complaisance !

En bref, vous agitez l’épouvantail du mariage blanc pour assimiler tout étranger souhaitant se marier avec un Français à un contrevenant potentiel aux lois de la République. Cet amalgame vous sert à remettre en cause l’égalité des droits en érigeant hypocritement des obstacles au mariage et en créant une nouvelle catégorie de citoyens au statut absurde : des époux étrangers auxquels leur mariage, valable, ne confère pourtant pas de droits en France, et des enfants français sans droits, faute de pouvoir se prévaloir du mariage de leurs parents. Votre texte risque donc d’être frappé d’inconstitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a réaffirmé que la liberté d’union constituait l’une des libertés fondamentales de l’individu, et condamné l’utilisation du mariage comme outil de régulation des flux migratoires.

Avec ce texte, vous persistez à exploiter les problèmes plutôt que de les traiter dans le respect de nos principes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Rapporteur suppléant – Je souhaiterais ici répondre à M. Blisko qui a jugé surprenant que le président de la commission des lois n’ait pas répondu à la demande d’audition du ministre des affaires étrangères, formulée par son groupe. Mais le projet de loi, présenté en Conseil des ministres par le Garde des sceaux, devait être défendu au Parlement par celui-ci.

M. Jean-Pierre Blazy - Et alors ? Ce n’est pas le problème.

M. le Rapporteur suppléant – Le rapporteur a procédé à de nombreuses auditions, dont celles du directeur des étrangers en France et des Français à l’étranger et du chef du service des accords de réciprocité. Ni la commission ni le Gouvernement n’ont rien à cacher.

M. Jean-Pierre Blazy - La Chancellerie cache des études.

M. le Rapporteur suppléant – Si le ministre des affaires étrangères n’a pas été entendu, ce n’est pas pour cacher quoi que ce soit, mais parce que le travail ordinaire de la commission ne l’exigeait pas.

M. le Garde des Sceaux  Je répondrai tout d’abord à M. Desallangre. Notre texte ne remet nullement en question la liberté, constitutionnellement garantie, de se marier. Il renforce simplement la lutte contre les mariages blancs ou, vous l’avez vous-même souligné, les mariages forcés. Il rend applicables aux mariages célébrés à l’étranger les mêmes règles qu’à ceux célébrés en France. Alors que la gauche dénonce une prétendue rupture d’égalité, c’est l’inverse ! S’agissant du mariage des mineurs, au cas où vous ne l’auriez pas noté, Monsieur Desallangre, je vous indique que la proposition de loi relative aux violences conjugales, qui sera examinée demain à l’Assemblée, relève de 15 à 18 ans l’âge légal du mariage pour les jeunes filles. La formalité de l’audition préalable du mineur ne trouvera donc à s’appliquer qu’en cas de dispense, ou lorsque la législation du pays où aura lieu le mariage autorise celui des mineurs.

Madame Bourragué, vous avez insisté sur l’importance de l’audition des futurs époux pour vérifier leur consentement. Celle-ci existe déjà en France. Il s’agit de la rendre obligatoire pour les mariages célébrés à l’étranger, où elle est particulièrement nécessaire lorsque l’un des époux est mineur. Celui-ci sera entendu seul, hors de la présence de la famille comme de son futur époux.

Monsieur Blisko, le renforcement des contrôles prévu dans le projet de loi ne vise pas seulement à mieux combattre les mariages blancs, mais aussi les mariages forcés. Je suis heureux que vous approuviez le relèvement de l’âge légal du mariage pour les jeunes filles. Tous les indices évoqués dans la circulaire du 2 mai 2005 n’ont évidemment pas la même valeur, et en tout état de cause, cette circulaire indique que chaque décision appelle « une appréciation individuelle circonstanciée ». Si elles sont encore insuffisantes, les procédures d’annulation ont quasiment doublé depuis 1995.

Monsieur Perruchot, vous avez souligné que ce texte clarifiait la chronologie des formalités préalables au mariage. Il semble en effet que certains officiers d’état-civil publiaient les bans avant d’avoir procédé aux vérifications nécessaires. Le projet de loi précise que la publication des bans constitue la démarche ultime, attestant que le dossier est complet et ne soulève pas de difficultés aux yeux de l’officier d’état civil. La nouvelle rédaction de l’article 63 du code civil facilitera la tâche des maires. Votre témoignage, Monsieur Perruchot, a été éclairant sur le sujet.

Madame Aurillac, je vous remercie de votre soutien. Vous avez insisté sur la nécessité de renforcer les contrôles lors des transcriptions. A l’occasion d’un récent comité interministériel sur le contrôle de l’immigration, le Premier ministre a demandé au ministre des affaires étrangères d’augmenter les moyens des consulats en conséquence.

M. Jean-Pierre Blazy - Il faudrait être plus précis. Quel budget ? Combien de postes ?

M. le Garde des Sceaux  On peut toujours pinailler (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous vous trompez de débat depuis le début.

M. Jean-Pierre Blazy - Quelle désinvolture !

M. le Garde des Sceaux  Monsieur Charzat, vous avez prétendu que le Parquet de Nantes ne disposait pas des moyens nécessaires pour appliquer cette réforme. Je l’ai d’ores et déjà doté de deux magistrats et quatre greffiers supplémentaires. La centralisation au Parquet de Nantes du contrôle des mariages célébrés à l’étranger a permis, après quelques mois seulement, de traiter les dossiers plus rapidement et de façon uniforme.

La suite de la discussion est renvoyée après l’examen du prochain texte.

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garantie du contrat vendeur-consommateur

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur.

M. le Garde des Sceaux - En réponse aux voeux du Conseil constitutionnel, le 3 janvier dernier, le Président de la République a rappelé son souhait d'une loi normative, précise, lisible et compréhensible. L'ordonnance du 17 février 2005 relative à la garantie des biens de consommation, qu’il vous est aujourd’hui proposé de ratifier, répond pleinement à ces exigences. Son objet est d'offrir au consommateur, lorsqu'il acquiert un bien auprès d'un professionnel, une action simple et efficace si le bien ne correspond pas à ce qu'il pouvait légitimement en attendre. En ce cas, il peut en demander la réparation ou le remplacement. Si aucune de ces deux solutions n'est possible ou réalisable rapidement, il peut solliciter l'annulation du contrat de vente et la restitution du prix.

Ce régime a comme premier mérite celui de la clarté. Il est plus à la portée de chacun que la garantie des vices cachés ou l'obligation de délivrance qui, ayant un objet sensiblement équivalent, figurent déjà dans le code civil. Surtout, c'est une mesure de bon sens, qui traduit ce dont deux parties de bonne foi conviennent naturellement lorsque le bien vendu pose un problème. En traduisant cet équilibre dans la loi, le texte permettra d'éviter le recours aux tribunaux pour nombre d'achats de la vie courante.

Ce nouveau régime constitue une réponse pratique et adaptée aux besoins des consommateurs. Pour autant, le Gouvernement a veillé à préserver la sécurité juridique des vendeurs. Ainsi, l'action devra être engagée dans un délai de deux ans, bien inférieur à la plupart des délais de prescription.

Cette ordonnance a fait l'objet de travaux approfondis avec des praticiens et des universitaires. Il avait été envisagé un temps de transposer la directive dans le code civil. Mais il est apparu que le code de la consommation était mieux adapté pour une transposition qu'il convenait d’effectuer rapidement. Cette ordonnance découle en effet d'une directive de 1999 et la France a été condamnée le 1er juillet 2004 par la Cour de justice des communautés européennes pour retard dans la transposition. L'habilitation que vous avez donnée au Gouvernement par la loi du 9 décembre 2004 afin de procéder en la matière par ordonnance nous a permis d'éviter la condamnation pécuniaire qui aurait résulté d'un second arrêt, en manquement sur manquement. Ce texte a été bien reçu par les acteurs économiques et sociaux auprès desquels il avait fait l'objet d'une large consultation. Sa ratification mettra un point final à cette transposition, ce dont je me réjouis.

C'est dans le même esprit que votre commission des affaires économiques vous propose un amendement sur le sujet proche de la responsabilité du fait des produits défectueux, auquel je suis favorable. Le choix avait été fait en 1998 de transposer la directive de 1985 dans le code civil, en préservant autant que possible les mécanismes du droit français. L'expérience montre que cela n'est pas exempt de risque. Alors même qu'aucune demande n'avait été formulée en ce sens avant l'ordonnance du 17 février 2005, la Commission a finalement pointé certains décalages entre ce droit et la directive, et la Cour de justice lui a donné raison. La France a été condamnée, le 14 mars dernier, à verser une astreinte de 31 650 euros par jour, tant que la transposition ne serait pas achevée. C'est dire l’urgence du dossier.

Le problème de fond subsistant est pourtant résiduel, pour ne pas dire minime. Tout producteur est responsable du défaut de sécurité du produit qu'il met en vente, mais tant qu’il ne peut pas être identifié, le consommateur peut attraire en justice le vendeur. Dans le schéma classique du droit français, ce dernier peut alors appeler en garantie son fournisseur, qui peut lui-même faire intervenir le sien, ainsi de suite jusqu'au producteur. De manière dérogatoire, le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux prévoit déjà que les intermédiaires dans cette chaîne, en pratique le vendeur et son grossiste, peuvent s'exonérer de leur responsabilité en désignant le producteur. La Cour de Luxembourg a toutefois estimé cela insuffisant : si le producteur est inconnu, chaque intermédiaire doit pouvoir demander sa mise hors de cause en désignant l'un des quelconques fournisseurs en amont. L'adoption de l’amendement proposé permettra d'arrêter le paiement de l'astreinte et mettra un terme au contentieux communautaire sur ce point.

Je voudrais enfin remercier le Parlement d'avoir accordé au Gouvernement l'habilitation permettant de prendre l'ordonnance qui nous réunit aujourd'hui, et grâce à laquelle la France a pu mettre fin rapidement à un contentieux communautaire.

Pensant notamment à l'amendement que je viens d'évoquer, je me réjouis de vos apports à cette loi de ratification. En effet, ceux-ci contribuent de manière significative à notre effort de transposition – et vous savez le prix que j'attache au respect de nos engagements européens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Serge Poignant, suppléant M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Le projet de loi, déposé le 4 mai 2005, tend à ratifier l'ordonnance du 17 février 2005 relative à la garantie de conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur.

Cette ordonnance transpose la directive 1999-44, relative à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, en instaurant un nouveau régime de garantie de conformité du bien au contrat, qui ne remet pas en cause les régimes existants de garantie de délivrance conforme et de garantie des défauts de la chose vendue.

Il s'agit d'un texte très technique, dont la ratification est pourtant importante, puisqu'il s'agit de modifier le code civil et le code de la consommation. La nouvelle action en garantie de « conformité du bien au contrat » englobe ainsi le vice caché et la délivrance conforme, tels qu'ils sont connus en droit français.

Les devoirs du vendeur professionnel à l'égard du consommateur consistent à livrer un bien conforme au contrat et à répondre des défauts éventuels du bien lors de sa délivrance. Le vendeur ou le fabricant qui consent une garantie commerciale au consommateur doit également l'informer des droits supplémentaires dont il dispose à ce titre, et lui rappeler qu'il bénéficie en tout état de cause de la garantie légale.

En cas de défaut de conformité, le consommateur a le droit de choisir entre le remplacement ou la réparation du bien. A titre subsidiaire, il peut également demander la résolution du contrat ou la réduction du prix. J’ajoute que pendant six mois à compter de la délivrance du bien, l'antériorité du défaut de conformité est présumée.

Cette nouvelle action ne prive pas le consommateur du droit d'exercer l'une ou l'autre des actions prévues par la loi, notamment l'action en garantie des vices cachés. Le « bref délai » prévu par le code civil est en outre réformé : elle devra être intentée dans un délai de deux ans à partir de la découverte du vice, alors que le droit du consommateur se prescrit aujourd’hui par deux ans à compter de la délivrance du bien.

Cette réforme trouve son origine dans les travaux de la Commission européenne, qui constatait en 1993, dans un Livre vert sur les garanties des biens de consommation, que les différences entre les systèmes juridiques nationaux posaient des difficultés majeures au sein du marché unique. La directive du 25 mai visait donc à répondre à ces problèmes, en instaurant un équilibre entre les intérêts des professionnels et ceux des consommateurs.

Considérant que la création d'un socle minimal commun de règles de droit de la consommation doit renforcer la confiance des consommateurs et leur permettre de profiter au mieux du marché intérieur, mais que les principales difficultés rencontrées par les consommateurs et la principale source de conflits avec les vendeurs tiennent à la non-conformité du bien au contrat, la Commission européenne a souhaité parvenir à un équilibre entre les différentes traditions juridiques des pays membres, sans pour autant porter atteinte aux dispositions et principes des droits nationaux relatifs aux régimes de responsabilité contractuelle et extracontractuelle.

Alors qu'un premier groupe d'Etats membres, dont la France, distingue la délivrance non conforme et l'action en garantie des vices ou des défauts cachés de la chose vendue, d’autres pays ignorent cette action spécifique pour sanctionner la non-conformité en tant que telle. La Commission a fait le choix d'une conception élargie du défaut de conformité, qui englobe le vice caché et renonce à la distinction traditionnellement opérée par le code civil entre les deux notions.

L'article 11 de la directive rendait la transposition obligatoire au plus tard le 1er janvier 2002, tandis que l'article 12 prévoit que la Commission réexamine, au plus tard le 7 juillet 2006, l'application de la directive, et présente un rapport au Parlement européen et au Conseil, examinant notamment l'éventuelle introduction de la responsabilité directe du producteur.

Le ministère de la Justice avait mis en place en octobre 2000 un groupe de travail sur l'intégration en droit français de la directive, lequel a produit en 2002 un avant-projet soumis ensuite à une large concertation. En juin 2004, a ensuite été déposé au Sénat un projet de loi relatif à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur et à la responsabilité du fait des produits défectueux. Ce projet de loi visait à transposer la directive 1999/44, et avait également pour objet de mettre le code civil en conformité avec le droit communautaire, après la condamnation de la France par la CJCE en avril 2002, pour mauvaise transposition, par la loi de 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, de la directive du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, modifiée par la directive du 10 mai 1999.

Ce projet de loi n'a jamais été discuté, et la France a fait l'objet d'une condamnation en manquement par la CJCE en juillet 2004, pour n'avoir pas transposé la directive.

Afin de faciliter la transposition des deux directives, et de répondre aux différentes condamnations en manquement, les deux aspects du projet de loi ont été dissociés, et intégrés de manière différente dans la loi de simplification du droit de décembre 2004. D’une part, cette loi autorisait le Gouvernement à prendre par ordonnance, les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 99/44, ce qui fut fait avec l'ordonnance qu'il vous est demandé de ratifier. Cette loi reprenait d’autre part les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produite défectueux, et modifiait plusieurs articles du Code civil.

La Commission ne s'est toutefois désistée de son recours que sur deux des trois griefs. Elle considère en effet que l'une des modifications, tout en améliorant le texte, laisse subsister une différence entre la directive et la loi. C’est pourquoi la commission des affaires économiques vous propose un amendement assurant définitivement la mise en conformité de notre régime de responsabilité du fait des produits défectueux avec la directive du 25 juillet 1985.

Par cette ordonnance, le Gouvernement a fait le choix d'une transposition restreinte, mais protectrice pour les consommateurs. Ceux-ci conservent en effet le libre choix de l'action qu'il souhaite exercer. Les droits résultant de la directive sont exercés sans préjudice d'autres droits dont le consommateur peut se prévaloir au titre des règles nationales relatives au droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, qui ne sont pas modifiées.

Par ailleurs, le Gouvernement a choisi de faire usage de la possibilité offerte par la directive d'adopter ou de maintenir en vigueur des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé du consommateur. Le code civil est ainsi plus protecteur sur deux points, qui sont maintenus.

S’agissant du délai pour agir, dans le régime de garantie du défaut de conformité au sens du code civil, applicable à la vente entre consommateur et commerçant, le délai de prescription de l'action est de dix ans à compter du jour de la délivrance, soit cinq fois le délai prévu par le droit communautaire. En cas de vice caché, le code civil fait en outre partir le délai de la découverte du vice et non de la délivrance de la chose ; or la découverte du vice peut intervenir plusieurs années après la délivrance du bien.

Pour ce qui est des remèdes offerts, le code civil permet à l'acheteur de demander le remède qu'il estime le plus adapté, sans avoir à respecter une hiérarchie des droits. Le consommateur peut donc profiter d'une plus grande souplesse, dans le cas du vice caché comme dans celui du défaut de conformité au sens strict du code civil.

La transposition de la directive offre néanmoins plusieurs avantages aux consommateurs : elle crée une nouvelle possibilité d'action, utile dans toutes les situations où la distinction entre les deux notions n'est pas claire ; elle permet au consommateur de profiter de la présomption d'antériorité de six mois du défaut ; enfin, l'échec du consommateur sur le fondement du code de la consommation ne le privera pas de la possibilité d'exercer les droits reconnus à l'acquéreur par le code civil puisque le fondement de la demande sera différent.

Relevons également que l'ordonnance va plus loin que la directive sur certains points. Ainsi, l'obligation de conformité couvre les défauts résultants de remballage ; l'application cumulative des critères de conformité dans le cas des contrats d'adhésion joue en sa faveur ; certaines causes d'exonération de responsabilité du vendeur ne sont pas reprises, ni l'obligation pour le consommateur d'informer le vendeur de l'existence d'un défaut dans un délai de deux mois après sa constatation ; enfin, la présentation sous forme écrite des garanties commerciales est obligatoire.

Je précise que la Commission des affaires économiques vous propose un deuxième amendement, qui vise à étendre aux contrats de réparation la prorogation de la durée de garantie commerciale lorsque la remise en état ne peut être rapide, mesure qui était applicable avant l’entrée en vigueur de l'ordonnance mais qui n'avait pas été reprise.

Mes chers collègues, la Commission vous demande donc d'adopter le projet de loi ainsi amendé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en venons à la discussion générale.

M. Luc-Marie Chatel – Cette ordonnance prévoit un nouveau régime de responsabilité en matière de consommation, le consommateur disposant désormais d’une action en garantie uniforme, fondée sur la notion nouvelle de conformité du bien au contrat. Tandis que le vendeur a le devoir de livrer un bien conforme et de répondre des défauts éventuels, le consommateur a le droit de choisir entre le remplacement et la réparation du bien, et il peut opter soit pour la résolution du contrat, soit pour la réduction du prix. La capacité du consommateur à faire valoir ses droits est donc largement confortée.

Notons également l’existence d’une action spécifique en conformité, qui ne prive pas le consommateur de son droit à l’exercice des autres actions prévues par la loi, en particulier celle pour vice caché. Le délai inscrit dans le Code civil est par ailleurs réformé, ce qui nous semble heureux.

Si vous le permettez, je voudrais maintenant remettre en perspective la ratification de cette ordonnance, en évoquant l’action menée depuis trois ans et demi par notre majorité, ainsi que les perspectives qui s’offrent à nous en matière d’information et de protection du consommation. Nous avons ainsi voté la loi de janvier 2005 et la loi sur le crédit à la consommation, avant que soit organisée une large concertation sur des sujets aussi importants pour nos concitoyens qu’internet, la téléphonie mobile, les banques et les assurances.

J’ai la conviction, mes chers collègues, que nous vivons une véritable révolution consumériste, qui n’est pas sans parenté avec celle des années 1960 et 1970. C’est en effet une nouvelle société de services aux particuliers qui se développe aujourd’hui. Celle-ci offre de nouvelles prestations aux consommateurs, mais elle les place aussi devant des difficultés nouvelles, dont le nombre croissant des litiges enregistrés par la DGCCRF et les associations de consommateurs témoigne bien.

Non seulement les services traditionnels, comme les banques et les assurances, sont en pleine expansion, mais se développent également de nouvelles technologies – internet, téléphonie mobile et télévision – qui proposent des services toujours plus nombreux aux consommateurs. Or, cette mondialisation de l’offre a pour résultat une complexification des contrats, face à laquelle le consommateur se trouve bien démuni, au risque de perdre confiance. Ainsi, les litiges relatifs à internet ont augmenté de 80 % l’an passé, et les opérateurs de téléphonie mobile ont été condamnés par le Conseil de la concurrence pour entente illicite.

Voilà pourquoi nous avons besoin d’une loi fondatrice en matière de consommation. Je ne doute pas, Monsieur le Garde des Sceaux, que vous voudrez bien transmettre à M. Breton, ministre de l’économie, des finances et de la consommation, notre volonté d’adopter dans les mois qui viennent une telle loi-cadre, à l’image de la loi Scrivener qui avait permis d’encadrer la grande consommation dans les années 1970. Les trois axes de cette loi-cadre pourraient être d’adapter le cadre juridique à l’émergence des nouveau services, des questions comme la tarification et les temps d’attente, souvent évoquées par les associations de consommateurs, n’étant pas réglées ; d’instituer un médiateur de la consommation, comme je l’ai proposé dans un rapport remis au Premier ministre il y a trois ans, étant donné l’explosion du nombre de litiges ; enfin, d’ouvrir le grand chantier des recours collectifs, dans la ligne de l’excellent rapport Cerruti, sans nous aligner sur le modèle américain, mais pour permettre aux consommateurs d’appréhender un monde de services de plus en plus complexes.

Le groupe UMP soutient bien entendu ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Gaubert - Nous « débattons », si l’on peut dire, de la transposition d’une directive du 25 mai 1999. Celle-ci devait avoir lieu avant le 1er janvier 2002, et le Gouvernement Jospin n’avait certes pas fait preuve d’une grande diligence. Mais depuis, il s’est encore passé quatre ans, alors que la transposition a minima qu’on nous présente était d’une grande simplicité.

D’autre part, je souligne l’incohérence de notre calendrier, sans cesse remanié : nous devions examiner ce texte demain matin, nous le faisons ce soir. Il est vrai que les changements sont désormais la règle.

Sur le fond, je me pose quelques questions, comme M. Chatel l’a fait à bon escient. Par exemple, ne fallait-il pas songer aussi au risque que l’on fait assumer au dernier vendeur dans la chaîne ? C’est souvent une PME, un artisan, un franchisé ou un concessionnaire qui, surtout pour ces derniers, ont bien peu de recours par rapport au fournisseur ou au producteur.

Ensuite, pourquoi modifier seulement le code de la consommation ? La chancellerie avait mis en place en 2002 un groupe d’études qui a proposé de modifier également le code civil pour substituer à l’action en garantie contre les défauts cachés de la chose vendue et à l’action en responsabilité pour délivrance d’une chose non-conforme, une action unique en garantie de conformité. On aura désormais les trois voies de recours, et cette complexité découragera le consommateur lésé de faire un recours légal. Malgré les grandes déclarations sur la simplification, on nous propose souvent de voter des textes qui sont des usines à gaz, comme récemment les droits voisins et bientôt la redevance sur les semences fermières.

Dans ce texte, on définit assez bien la notion de défaut de conformité. Mais dire que l’acheteur n’est pas fondé à un recours s’il ne pouvait pas raisonnablement ignorer le défaut me semble méconnaître la réalité : bien des consommateurs sont bernés par un vendeur dont la compétence technique est meilleure que le produit qu’il vend.

Enfin, qu’en est-il de l’action de groupe ? Le Président Chirac l’évoquait en janvier 2005 pour donner plus de droits à des consommateurs qui, séparément, sont démunis. Certains milieux économiques l’ont alors accusé de légèreté. M. Chatel a repris l’idée dans son excellent rapport. Un autre rapport, remis à M. Breton et à vous-même le 16 décembre dernier, propose de créer une action inspirée du modèle nord-américain et une action en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse. Le Sénat a aussi publié un rapport d’information le 14 mars, et la chambre de commerce et d’industrie de Paris avait organisé un colloque sur ce thème il y a un an. Est-ce l’opposition du Medef qui empêche d’aller plus loin ? Selon M. Seillière, les milieux économiques sont très alarmés, le droit des consommateurs déjà très protecteur, et il est exclu d’importer des mécanismes étrangers à notre culture juridique – quelle timidité, au regard des atteintes au droit du travail ! Cette promesse va-t-elle rejoindre sur l’étagère des promesses oubliées la cohorte de toutes celles qui risquent de la faire crouler ? Elles pourront au moins resservir après 2007.

Le groupe socialiste ne s’opposera pas à ce projet. Mais on aurait pu faire beaucoup mieux. Sans doute pourra-t-on essayer de le faire à l’occasion de la loi sur la consommation qu’évoquait M. Chatel, si celle-ci ne reste pas un vœu pieux avant 2007.

M. Jacques Desallangre - On nous propose de ratifier une ordonnance transposant une directive de 1999. La France a déjà été condamnée à ce propos, et j’imaginais que c’était l’urgence qui motivait le recours à une ordonnance. Mais la loi d’habilitation datant de décembre 2004, cette raison n’apparaît plus très crédible. En fait, le Gouvernement est devenu coutumier du recours aux ordonnances, qui n’ont plus le caractère exceptionnel que leur confère la Constitution, au risque de porter gravement atteinte aux droits du Parlement, comme lors de la discussion du CPE.

Au moins avons-nous le privilège rare de débattre d’un projet de ratification. En général, ils sont simplement déposés sur le bureau de l’Assemblée. Cependant, le Gouvernement ayant la maîtrise de l’ordre du jour, ce n’est pas un délai de trois mois entre l’édiction de l’ordonnance et sa ratification, mais de trois mois entre la publication de l’ordonnance et le vote de la loi de ratification qu’il faudrait respecter, afin que le Parlement exerce ses prérogatives. Cette procédure étant dérogatoire, le contrôle doit en être strict et rapide. Or, cela fait plus d’un an que les ordonnances sont entrées en vigueur. Vous méprisez le Parlement en recourant à cette procédure, vous le méprisez plus encore en l’empêchant de la contrôler dans des délais raisonnables.

Quant au contenu, il est d’une portée limitée et ne devrait pas soulever de vives contestations. Nul ne s’oppose à une meilleure protection des consommateurs, dont la directive n’assure qu’un socle minimal pour laisser aux Etats la possibilité de prévoir d’autres dispositions – ce qu’a fait la France dans le Code civil. Dès lors, l’exercice représente davantage un toilettage législatif qu’une véritable réforme.

Cette transposition contient quelques bonnes idées : la nouvelle action en garantie de « conformité au bien du contrat » qui englobe le vice caché et la délivrance conforme, le renforcement des obligations d’information, ou encore la réforme du délai de l’action en garantie prévue par le Code civil – deux ans à compter de la découverte du vice, et non plus de la délivrance du bien.

Nous sommes plus réservés sur la rédaction de l’article L. 211-6 du code de la consommation, selon lequel le vendeur n’est pas tenu par les déclarations publiques du producteur s’il ne pouvait pas les connaître. Cette disposition risque de dédouaner le vendeur de ses responsabilités et de restreindre la protection des consommateurs.

Le texte est globalement satisfaisant, comme celui de l’an dernier qui visait à conforter la protection des consommateurs. La majorité parlementaire est heureusement consciente que la consommation des ménages représente 54% du PIB. Le renforcement des droits des consommateurs est un enjeu économique majeur, mais il passe par l’amélioration de leur accès aux juridictions. L’affirmation de droits nouveaux n’a guère de sens si leur mise en œuvre est incertaine.

Ainsi, faudrait-il – malgré l’avis du Medef – intégrer les actions de groupe à notre procédure judiciaire, pour permettre à des consommateurs s’estimant lésés de mieux accéder à la justice. Les normes protectrices deviendraient effectives, et les producteurs et les vendeurs seraient contraints de mieux intégrer le droit des consommateurs. Tout en évitant les travers qui existent à l’étranger, cette mesure audacieuse et pertinente systématiserait la sanction en cas d’infraction, et renforcerait la prévention par la pédagogie.

D’autre part, comment ne pas regretter que le Gouvernement retire d’une main ce qu’il offre de l’autre ? Aujourd’hui, la protection des consommateurs est inégale. Le texte sur les droits d’auteur, par exemple, lui porte des atteintes graves. De même, la réforme du crédit hypothécaire, en passe d’aboutir, incite dangereusement à l’endettement, contre les intérêts du consommateur.

Puisque le Gouvernement souhaite relancer la consommation, pourquoi ne renonce-t-il pas tout simplement au dogme libéral de la politique de l’offre qu’il conduit depuis quatre ans ? En incitant nos concitoyens à l’endettement, vous nuisez à leur vie quotidienne par votre incurie économique. C’est d’ailleurs dans une intention bien peu philanthropique que vous les encouragez à consommer : il s’agit en fait de maquiller l’atonie de la croissance en incitant les Français à puiser dans leurs réserves, au détriment d’un avenir incertain.

Toutefois, sans être dupes de vos objectifs, nous sommes pragmatiques : dans l’intérêt de nos concitoyens, nous approuvons votre projet de loi.

M. Jean Gaubert - Très bien.

La discussion générale est close.

article unique

L'article unique, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. unique

M. Serge Poignant, Rapporteur suppléant – La Commission européenne estime que le mécanisme français de l’appel en garantie n’est pas une transposition suffisante de la directive. L’amendement 2 rectifié vise donc à exonérer expressément de sa responsabilité le fournisseur qui indiquerait l’identité de son propre fournisseur à la victime.

M. le Garde des Sceaux  Avis favorable.

L'amendement 2 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur suppléant – L’amendement 1 vise à réparer un oubli : l’article L.211-2, repris au nouvel article L.211-16, portait non seulement sur les contrats de vente, mais aussi sur les contrats de réparation d’un bien meuble.

M. le Garde des Sceaux  L’ordonnance, en effet, n’a pas pris en compte l’hypothèse où une garantie commerciale est accordée par un réparateur. Cet amendement de bon sens permet donc au consommateur qui apporte un bien meuble en réparation de bénéficier d’un régime uniforme. Je ne peux qu’approuver cette harmonisation de notre droit de la consommation.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

titre

M. le Rapporteur suppléant - L’amendement 3 est de coordination.

L'amendement 3, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.
La séance, suspendue à 19 h 25, est reprise à 19 h 35.

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contrôle de validité des mariages (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages.

M. Jean-Pierre Blazy - Je voudrais faire un rappel au Règlement au titre de l’article 58. Lors de la discussion générale, non seulement le Gouvernement ne nous a pas donné les réponses que nous attendions, mais le ton du ministre attestait une certaine désinvolture à l’égard de la représentation nationale et en particulier de l’opposition. On m’a accusé de « pinailler » parce que je posais des questions : c’est pourtant le rôle d’un député ! Et d’ailleurs, comment pinailler sur des chiffres qui n’existent pas ? Ce que nous vous demandons, c’est justement de nous les fournir : dire qu’un mariage sur trois est mixte et qu’un enfant sur dix naît d’un coupe mixte ne suffit pas pour conclure qu’il y a forcément fraude au mariage et pour justifier ce projet !

Votre ministère a effectué des études, qui n’ont pas été publiées sous prétexte qu’elles n’étaient pas validées. Il a été question de 786 décisions d’annulation en 2004 : comment ce chiffre se décompose-t-il ? Enfin, nous avons demandé, et certains membres de la majorité avec nous, des moyens supplémentaires pour les consulats. L’audition du ministre des affaires étrangères nous paraît plus que jamais utile sur ce sujet. Je demande donc une suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. le Président – Le Gouvernement souhaite d’abord vous répondre.

M. le Garde des Sceaux  Je suis tout prêt à dire à M. Blazy tout ce que je sais, mais je crains qu’il ne considère, à juste titre d’ailleurs, que ce n’est pas assez. Nous n’avons pas les chiffres qu’ils nous demande : je ne peux que répéter ceux que nous avons déjà donnés. Il y a 440 oppositions par an à des célébrations de mariage, après contrôle a priori, et 780 annulations, résultant du contrôle a posteriori et concernant des mariages célébrés soit France, soit à l’étranger. Pour les mariages célébrés à l’étranger, ces annulations résultent des signalements opérés par les autorités diplomatiques ou consulaires, qui se montent à environ 1700 par an – mais ce chiffre souffre du fait que ces mariages n’étaient jusqu’à maintenant pas soumis aux mêmes formalités que les mariages célébrés en France. Avec ce projet de loi, les auditions seront systématisées et les signalements devraient augmenter. En toute sincérité, je n’ai rien de plus.

M. Jean-Pierre Blazy - Cela ne nous satisfait pas. Vous n’avez rien dit de la structure des 786 décisions d’annulation prises. Le ministre se dit pauvre en chiffres, mais c’est sur ces chiffres qu’il a bâti son projet !

M. le Garde des Sceaux  J’ai beau retourner mes poches, je ne peux rien vous offrir de plus ! (Sourires)

La séance, suspendue à 19 h 45, est reprise à 19 heures 50.

article premier

M. le Président – L’amendement 1 rectifié de la commission dit que « l’officier de l’état civil peut déléguer à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires du service de l’état civil de la commune la réalisation de l’audition commune ou des entretiens séparés. »

M. Jean-Pierre Blazy - Notre sous-amendement 19 rappelle que cette audition peut aussi être déléguée à un ou plusieurs adjoints au maire, et surtout précise que les fonctionnaires à qui cette tâche sera déléguée devront avoir été spécialement formés à cet effet.

M. Guy Geoffroy, suppléant M. Delnatte, rapporteur de la commission des loisIl est inutile de préciser le premier point, car les adjoints au maire tiennent leur qualité d’officiers de l’état civil de la loi et peuvent donc exercer les fonctions correspondantes sans délégation du maire à cet effet. Quant à la formation demandée, elle relève bien évidemment du domaine réglementaire. Avis défavorable, donc.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice  Je comprends tout à fait le souhait de M. Blazy, car il est évident qu’il faut être formé à ce type de travail. Les communes auront à le prévoir, mais cela ne relève pas de la loi. Avis favorable sur le 1 rectifié, défavorable sur le sous-amendement 19.

M. Jean-Pierre Blazy - Le ministre reconnaît donc qu’il résultera de tout cela une charge de travail supplémentaire pour les services de l’état civil. Il faudra que les maires pensent à former leurs agents, nous dit-il. Encore un transfert de charge non compensé, donc ! Et l’on voit bien quelles seront les collectivités locales les plus concernées.

M. le Rapporteur suppléant – La même disposition a été jugée très bonne par le groupe socialiste, en particulier par M. Bloche, quand elle a été introduite dans la proposition de loi visant à prévenir et à réprimer les violences au sein du couple. Elle ferait maintenant problème ?

Le sous-amendement 19, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 1 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Blisko - Il paraît souhaitable que les « fiancés » qui auraient été en quelque sorte recalés puissent recevoir le compte-rendu de leur audition et comprendre ainsi pour quel motif ils ne pourront pas se marier, sans parler des autres conséquences juridiques graves que ce refus aura pour eux. Tel est l’objet de notre amendement 23.

M. le Rapporteur suppléant – Avis défavorable, car les modalités de déroulement de l’audition des futurs époux relèvent du domaine réglementaire. J’ajoute que la circulaire du 2 mai 2005 prévoit que les comptes-rendus d’auditions sont signés par les personnes entendues. Si elles s’y refusent, leur refus de signer doit être mentionné dans le compte rendu. Elles sont donc parfaitement informées.

M. le Garde des Sceaux  Le compte rendu d’une audition doit en effet être contresigné par les candidats au mariage. En cas de refus de leur part, leurs avocats pourraient obtenir copie de ce compte-rendu. La procédure qui s’ensuit est contradictoire. Le respect des droits de la défense est donc totalement garanti.

L'amendement 23, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Blazy - Notre amendement 20 revient sur la question de la formation.

L'amendement 20, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur suppléant – L’amendement 2 rectifié, permet à l’autorité diplomatique ou consulaire de déléguer à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires chargés de l’état civil la réalisation de l’audition, que celle-ci intervienne préalablement au mariage, au moment de la demande du certificat de capacité, ou postérieurement, au moment de la demande de transcription.

Il s’agit là encore de maintenir une disposition que nous venons d’insérer dans la proposition de loi sur la prévention et la répression des violences au sein du couple. Il est précisé que la délégation ne peut être faite qu’au profit de fonctionnaires titulaires, afin d’éviter que l’audition soit confiée à des recrutés locaux.

M. Serge Blisko - Le groupe socialiste votera cet amendement. Il regrette seulement que les mots « et formés à cet effet » n’aient pas été insérés, comme le proposait le sous-amendement 21, après les mots « chargés de l’état civil ». Les sous-amendements 24 et 22 sont également défendus.

M. le Rapporteur – Avis défavorable sur les trois sous-amendements.

M. le Garde des Sceaux  Même avis sur les sous-amendements, et avis favorable à l’amendement 2 rectifié.

Les sous-amendements 21, 24 et 22, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
L'amendement 2 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – À l’unanimité !

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

Article 2

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

article 3

M. le Rapporteur – L’amendement 3 est rédactionnel.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 4 procède à une harmonisation rédactionnelle.

M. Jean-Pierre Blazy - L’amendement 25 modifie la rédaction de l’alinéa 8 de l’article. Contrairement à ce que pensent la majorité de nos concitoyens, le mariage d’un Français par l’officier de l’état civil consulaire est très rare : cela est en effet réservé au cas où les deux époux sont Français, donc interdit au Français qui épouse un étranger, sauf si, en vertu d’un décret de 1939 modifié en 1958, cela se passe en Afghanistan, en Arabie saoudite, en Chine, en Egypte, en Irak, en Iran, au Japon, dans la zone de Tanger au Maroc, dans le territoire d’Oman, en Thaïlande et au Yémen. Les mariages mixtes célébrés dans d’autres Etats doivent suivre la procédure locale. C’est peut-être pour cela que les mariages célébrés à l’étranger inspirent une méfiance que vous entendez d’ailleurs exploiter.

Vous faites par ailleurs peser sur les consulats la charge des contrôles – d’où notre amendement 36 qui supprime les alinéas 32 à 37. Espérons que les consulats bénéficieront de moyens substantiels pour assurer les auditions, le contrôle a priori et a posteriori durant les années qui précéderont la transcription au registre de l’état civil de Nantes…

Nous vous proposons donc par l’amendement 25, de modifier la règle, sans revenir pour autant sur nos engagements bilatéraux : autorisons nos ressortissants de bonne foi qui le désirent à se marier en terre française quelle que soit la nationalité de leur conjoint. Nous n’aurons plus à craindre les difficultés nées des pratiques locales, et il sera plus facile de s’assurer du respect de nos principes fondamentaux. Tous les pays dits sûrs ne témoignent pas aux futurs conjoints le même respect que la France, loin s’en faut. Certaines jeunes femmes risquent leur vie ou leur liberté si leur famille réprouve leur alliance : il y a aussi de vrais mariages qui se terminent mal !

Les dépenses que notre proposition implique en amont seront largement compensées par les économies faites en aval. Dès lors que les époux ont le choix et que le mariage est réputé célébré en France, nos engagements bilatéraux conservent toute leur portée pour les mariages célébrés à l’étranger selon le droit étranger. Je crois savoir, enfin, que les représentants des Français de l’étranger ne sont pas hostiles à cette proposition.

M. le Rapporteur suppléant – Que dit l’amendement 25 ? Il parle non pas du mariage célébré à l’étranger par l’autorité étrangère, mais du mariage célébré à l’étranger par l’autorité française. En l’état actuel du droit, un consul ne peut célébrer un mariage qu’entre deux Français. Ce n’est qu’à titre exceptionnel, et en application d’accords anciens, qu’il est possible, dans une dizaine de pays, de célébrer un mariage entre un Français et un étranger. Adopter cet amendement serait donc revenir sur un principe. En outre, le droit international interdit désormais aux Etats de prendre des actes relatifs à l’état civil de ressortissants étrangers : nous devrions donc accorder la réciprocité, ce qui ferait surgir bien des difficultés.

Avis défavorable, également, sur l’amendement 36. il faut laisser au consul la possibilité de surseoir à la transcription d’un mariage lorsque des éléments nouveaux montrent qu’il est frauduleux.

M. le Garde des Sceaux  Le rapporteur a fort bien parlé. Nous devrions en effet accorder la réciprocité ; or dans nombre de pays, un mariage religieux précède le mariage civil, ce qui rend totalement impossible cette réciprocité. Avis défavorable aux amendements 25 et 36, et favorable à l’amendement 4.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur suppléant – L’amendement 5 apporte une clarification.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Blisko - L’amendement 26 est de cohérence. Les futurs époux doivent être informés des raisons du refus.

L'amendement 26, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur suppléant – L’amendement 6 prévoit de définir les cas où la procédure d’opposition au mariage pourra jouer par référence aux conditions de validité du mariage, et non aux conditions dans lesquelles il peut être annulé.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Blazy - L’amendement 27 vise à compléter l’alinéa 15 de l’article par les mots « sans délai ». Les situations douteuses ne doivent pas perdurer. En cas de soupçon, l’agent diplomatique ou consulaire doit donc saisir le plus vite possible le procureur, qui lui-même doit réagir dans des délais assez brefs. Il ne serait pas raisonnable que l’autorité consulaire s’accorde plus de temps pour réagir que la loi n’en donne au procureur de Nantes.

M. le Rapporteur suppléant – Avis favorable : cette précision n’est pas inutile. S’il y a transcription du mariage, le texte prévoit par ailleurs que l’autorité diplomatique ou consulaire doit informer immédiatement le parquet de ses soupçons. La même obligation de diligence pourrait jouer en cas de sursis à la célébration du mariage.

M. le Garde des Sceaux  Défavorable. En droit, « sans délai » ne veut rien dire. Le droit du pays s’appliquant, la contestation du procureur de la République n’empêche d’ailleurs pas le mariage : les agents diplomatiques ont donc tout intérêt à agir sans délai, même si on ne peut pas l’écrire !

L'amendement 27, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Serge Blisko - L’amendement 28 apporte une clarification.

L'amendement 28, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 7 est rédactionnel.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Blazy - La nouvelle rédaction de l’article 171-4 prévoit qu’à tout moment, l’opposition au mariage du procureur peut faire l’objet d’une procédure de mainlevée. Le tribunal de grande instance se prononce alors sur la demande dans les dix jours, en première instance comme en appel, mais cela ne garantit pas au demandeur la connaissance des griefs qui justifient l’opposition. C’est pourquoi l’amendement 29 insiste sur le caractère contradictoire de la demande de mainlevée.

M. le Rapporteur suppléant – Avis défavorable. Dans la mesure où il s’agit de procédure civile, la disposition relève du domaine réglementaire. En outre, le caractère contradictoire de la procédure est déjà prévu.

M. le Garde des Sceaux  Je n’ai rien à ajouter.

L'amendement 29, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur suppléant – Le projet de loi subordonne l’opposabilité du mariage d’un Français à l’étranger à sa transcription. Dorénavant, un mariage célébré à l’étranger et non transcrit pourra être valable sans pour autant produire ses effets en France. L’amendement 8 rectifié précise que, si un mariage célébré à l’étranger et non transcrit ne peut pas être opposé aux tiers, notamment à l’administration fiscale, en revanche, s’il est valable au regard de l’article 171-1 du code civil, il produira ses effets civils entre époux et à l’égard des enfants.

M. Jean-Pierre Blazy - Quoi qu’en dise le Gouvernement, l’absence de transcription induit une inopposabilité totale du mariage célébré à l’étranger. Les époux dont le mariage n’a pas été transcrit ne pourront d’aucune façon se prévaloir de leur union en France : ils ne pourront ainsi faire valoir d’obligation alimentaire et ne pourront même pas divorcer. Quant à leurs enfants, ils ne pourront pas prouver leur filiation par le mariage de leurs parents. Par son amendement 8 rectifié, la commission tente de sauver les meubles. Mais il faut aller plus loin en ouvrant aux enfants la possibilité de faire valoir les droits qu’ils détiennent en propre pour ce qui concerne les allocations familiales ou la scolarité. Il convient enfin que les époux soient informés de l’impossibilité de transcription ainsi que des indices sérieux qui ont justifié l’opposition du procureur. Tel est l’objet de notre sous-amendement 30.

M. le Rapporteur suppléant – Avis défavorable au sous-amendement. Le mariage ne confère aucun droit aux enfants à l’égard de quelque autorité administrative que ce soit. Par ailleurs, il n’existe plus de différence de traitement, vous le savez, entre enfants légitimes et naturels. Seule subsiste la présomption de paternité qui effectivement ne joue, elle, qu’en cas de mariage. Or, sur ce point, l’amendement de la commission est parfaitement clair : cette présomption jouera pour tout mariage valablement célébré, même s’il n’a pas été transcrit.

M. le Garde des Sceaux  Même s’il n’est pas transcrit, le mariage produira ses effets civils familiaux. La présomption de paternité jouera donc. Enfin, depuis l’ordonnance du 4 juillet 2005, il n’existe plus de différence entre enfants légitimes et naturels. Ce qui détermine les droits des enfants, notamment par rapport aux administrations, ce n’est pas le mariage de leurs parents, mais l’existence d’un lien de filiation légalement établi. Je suis donc défavorable au sous-amendement 30.

La volonté du Gouvernement est d’empêcher qu’un mariage célébré à l’étranger, dont la validité n’a pas encore été vérifiée, puisse être opposé aux tiers en France. Mais s’il a été valablement célébré, même s’il n’est pas transcrit, le mariage produit ses effets civils légaux. Voilà une précision que l’amendement 8 rectifié de la commission apporte utilement. J’y suis donc favorable.

Le sous-amendement 30, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 8 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 9 est rédactionnel.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Blisko - L’amendement 31 vise à ce que les époux dont le mariage n’a pas été transcrit, soient informés des raisons de ce refus, qui a des conséquences graves pour eux et pour leurs enfants.

M. le Rapporteur – Cet amendement est satisfait. En effet, l’interdiction de transcrire un mariage célébré malgré l’opposition du procureur ne jouera que si l’opposition a été signifiée aux époux, aux termes mêmes de l’article 171-4.

M. le Garde des Sceaux  Avis défavorable pour les mêmes raisons.

L'amendement 31, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Blazy - Nous allons trop vite, Monsieur le président !

M. le Président – Vous avez tout le temps de vous exprimer.

M. Jean-Pierre Blazy - Nous aimerions que les réponses du ministre soient un peu plus étayées. Il ne peut pas se contenter de dire qu’il est d’accord avec le rapporteur !

Notre amendement 32 vise à compléter l’alinéa 25 de cet article par les mots « dans de brefs délais ». On nous rétorquera sans doute qu’il est satisfait ou qu’il relève du domaine réglementaire ! En réalité, ce texte transforme en véritable parcours du combattant la célébration d’un mariage mixte à l’étranger pour dissuader les candidats. Nous craignons que l’on porte ainsi atteinte à la liberté, pourtant constitutionnellement garantie, de se marier. Nous demandons que la procédure soit conduite dans les plus brefs délais, de façon que, s’il y a lieu, la nullité du mariage soit prononcée sans tarder. Ce sont tout de même des êtres humains qui sont concernés !

M. le Rapporteur suppléant – Avis défavorable. L’expression « dans les plus brefs délais » est tout à fait imprécise.

M. le Garde des Sceaux  Elle n’a en effet aucune portée juridique. L’administration aura tout intérêt à aller vite. Sinon, le juge sera saisi et s’il n’y a pas de preuves contraires, il enregistrera le mariage.

L'amendement 32, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur suppléant – L’amendement 46 donne aux autorités diplomatiques et consulaires les mêmes possibilités de déléguer l’audition préalable à la transcription d’un mariage que celles existant pour la célébration d’un mariage.

L'amendement 46, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Blisko - Nos amendements se suivent et se ressemblent, me direz-vous ! Preuve en est notre amendement 33 qui compléterait l’alinéa 27 par les mots « ainsi qu’aux futurs conjoints ». Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement refuse que les premiers intéressés, les époux, soient informés. Si, dans notre amendement précédent, l’expression « dans les plus brefs délais » était trop imprécise sur le plan juridique, ce dont je veux bien convenir, pourquoi ne pas avoir réfléchi à une meilleure formulation ? Pourquoi le Gouvernement s’obstine-t-il ? Il devrait au contraire montrer qu’il ne cherche pas à multiplier les obstacles aux mariages mixtes, mais seulement à éviter les fraudes.

L'amendement 33, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur suppléant – L’amendement 10 apporte une clarification importante : l’alinéa 28 actuel pourrait laisser entendre que la procédure s’applique à tous les mariages célébrés à l’étranger, alors que nous visons seulement l’absence de certificat de capacité.

M. le Garde des Sceaux  Avis favorable.

L'amendement 10, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Blazy – Une fois encore, je déplore le peu d’écoute dont fait preuve la majorité. L’amendement 34 vise à compléter l’alinéa 29 par les mots suivants : « et au plus tard dans un délai d'un an à compter de la célébration du mariage », c’est-à-dire un délai bien précis.

Voyez que nos propositions sont constructives, Monsieur le rapporteur. J’aimerais que vous vous y montriez plus sensible.

M. le Rapporteur suppléant – Je le suis, et pourtant la commission a émis un avis défavorable. La transcription pouvant intervenir longtemps après la célébration du mariage, nous ne pouvons pas prévoir de délai, quel qu’il soit. Nous placerions les intéressés eux-mêmes dans une situation bien incommode.

M. le Garde des Sceaux  Même avis. Tout d’abord, nous pouvons pas prévoir de délai maximum, car la plupart des couples demandent la transcription plusieurs années après leur mariage, et il n’est pas rare qu’ils s’abstiennent même de formuler cette demande quand ils décident de rester à l’étranger.

M. Jean-Pierre Blazy – Donnez-nous des chiffres !

M. le Garde des Sceaux  Vous avez l’art de demander ce que j’ignore ! Voilà des heures que je me tue à vous répéter que je ne dispose pas de ces chiffres ! Seule la centralisation des données à Nantes permettra de construire de véritables outils statistiques.

J’ajoute que votre amendement est incompatible avec la possibilité donnée aux époux, dans un délai de six mois, de demander au juge de statuer.

L'amendement 34, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Serge Blisko - « La plupart des couples », vient de nous dire M. le Garde des Sceaux. Est-ce plus précis que « dans un certain délai » ?

M. le Garde des Sceaux  Dans un cas, il s’agit d’un commentaire, dans l’autre d’un article de loi !

M. Serge Blisko - Je ne peux que partager votre irritation face à l’évanescence des chiffres !

Certains couples seront donc mariés en droit étranger, mais pas suivant la loi française, faute de réponse à leur demande de transcription ! Et leurs enfants n’auront pas la certitude d’être français !

Je rappelle que le rôle du Parlement n’est pas d’engendrer des situations aussi inextricables pour nos concitoyens, ni de préparer des bombes juridiques que l’augmentation tendancielle des mariages franco-étrangers fera exploser demain !

M. le Rapporteur suppléant – Les époux pourront saisir le tribunal de grande instance si le mariage n’a pas été transcrit dans les six mois.

Si nous adoptions votre amendement, il en résulterait une transcription de droit des mariages célébrés sans certificat de capacité et présumés frauduleux, alors que nous souhaitons précisément en réserver la transcription au juge. Par ailleurs, votre amendement supprime toute mention de la possibilité donnée aux époux de saisir le TGI, ce qui créerait un vide juridique. Avis défavorable pour ces deux raisons.

M. le Garde des Sceaux  Même avis.

L'amendement 35, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur suppléant –Aux termes de l’amendement 11, le juge saisi d’une opposition à la transcription d’un mariage devra se prononcer dans un délai d’un mois. En application de l’article 643 du nouveau code de procédure civile, ce délai pourrait toutefois être augmenté afin de tenir compte de l’éloignement géographique.

M. Jean-Pierre Blazy - Enfin, le rapporteur se place sur notre terrain, en apportant une précision de délai. Notre sous-amendement 44 tend à rendre la transcription de droit, à l’expiration de ce délai.

M. le Rapporteur suppléant – Avis défavorable. Une fois encore, il n’est pas opportun, et c’est une litote, de prévoir une transcription de droit d’un mariage célébré sans certificat de capacité et présumé frauduleux.

M. le Garde des Sceaux  Le Gouvernement est favorable à l’amendement 11, mais très défavorable au sous-amendement 44, qui annulerait de fait la totalité du texte !

Le sous-amendement 44, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 11, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur suppléant – Dans le prolongement des mesures que nous venons d’introduire, et qui devraient être confirmées demain par l’adoption de la loi sur les violences au sein du couple, le projet de loi précise que la transcription d’un mariage célébré à l’étranger ne prive ni les époux ni le ministère public de la possibilité d’en demander ultérieurement l’annulation au titre de l’article 184 du code civil, c'est-à-dire pour absence de consentement.

L’amendement 12 vous propose d’étendre cette disposition au cas de vice du consentement, même si le mariage a été retranscrit en France

M. le Garde des Sceaux  Favorable.

L'amendement 12, mis aux voix, est adopté.
L'article 3, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. Serge Blisko – Nul n’ignorant que les motifs invoqués par l’administration sont souvent lapidaires, l’amendement 37 pose l’exigence d’une « mention des faits », en plus des seuls « motifs de l’opposition». M. le Garde des sceaux connaît l’histoire juridique mieux que quiconque, et il mesurera sans doute, cent ans après la réhabilitation de Dreyfus, la nécessité de motiver dans le détail une décision administrative. Il convient donc de préciser si l’opposition à la transcription se justifie par l’inexactitude des pièces, un mariage précédent ou l’impossibilité de retrouver la trace d’une filiation.

M. le Rapporteur suppléant – Le texte initial est suffisamment précis, puisqu’il exige la mention des « motifs de l’opposition », ce qui est largement suffisant. Pourquoi écrire une loi bavarde ?

M. Serge Blisko - Il y a des motivations purement formelles !

M. le Garde des Sceaux  L’article 176 du code civil oblige à motiver ces décisions, en droit et en fait, et la jurisprudence est sévère s’il n’y a pas de motivation. Tout cela est implicite. Le problème est que certains font du droit, d’autres de la politique. Vous pouvez retirer cet amendement en toute sécurité, il est superflu.

M. Jean-Pierre Blazy - Votre texte est tout à fait politique

M. le Garde des Sceaux  Au sens où tout est politique.

M. Jean-Pierre Blazy - C’est l’éminence du politique sur le droit. Mais surtout, votre objectif, très politique, est de dissuader les mariages mixtes en multipliant obstacles et délais. Vous feriez du droit, et nous de la politique ? Dire cela, c’est assez désinvolte à l’égard du Parlement, et sur un sujet important qui concerne un mariage sur trois.

L'amendement 37, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur suppléant – L’amendement 13 est rédactionnel.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur suppléant - L’opposition au mariage par un membre de la famille est caduque au bout d’un an. Elle peut être renouvelée sauf si les époux ont obtenu la mainlevée judiciaire. Le projet supprime cette possibilité de renouvellement ; l’amendement 14 la rétablit, sinon il suffirait aux futurs époux de laisser passer un an pour passer outre à l’opposition familiale sans avoir à demander la mainlevée.

M. Jean-Pierre Blazy - La commission veut permettre le renouvellement de l’opposition familiale devenue caduque faute d’effet au bout d’un an. Mais il faut donner à l’opposition tout son sérieux, et donc ne pas multiplier les actions en révision, qui ne doivent pas se substituer à des actions en annulation parce qu’elles sont plus aisées. On voit bien l’usage que pourrait faire de la disposition une famille qui désapprouverait l’union de son enfant avec un étranger. Notre sous-amendement 39 l’en empêche, tout en laissant ouverte la possibilité pour le procureur de renouveler une opposition devenue caduque.

M. le Rapporteur suppléant - La commission a émis un avis défavorable à ce sous-amendement qui nous placerait à mi-chemin entre le texte initial et la situation que la commission a voulu rétablir. Supprimer la référence à l’article 173 du code civil n’empêche pas celui-ci de s’appliquer.

M. le Garde des Sceaux  Avis défavorable sur le sous-amendement 39, et favorable à l’amendement 14 qui prévoit qu’en cas de mainlevée la famille ne peut pas faire une seconde opposition au mariage.

Le sous-amendement 39, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 14, mis aux voix, est adopté.

Serge Blisko - L’amendement 38 supprime l’alinéa 5 qui instaure un droit d’exception quand l’opposition à un mariage émane du ministère public. C’est heurter des principes fondamentaux de notre droit et donner à l’opposition une durée illimitée, ce qui est incompatible avec la notion des délais raisonnables exigés par le Conseil constitutionnel.

M. le Rapporteur suppléant - La commission a émis un avis défavorable. L’intervention du parquet n’a de sens que s’il y a atteinte à l’ordre public, et doit donc subsister dans le temps. La notion de délais raisonnables, prévue par l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme n’est pas en cause. Il ne faut pas confondre le délai imposé au juge pour prendre sa décision et la durée d’application de cette décision.

L'amendement 38, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 4, modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 5

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

Art. 6

M. Jean-Pierre Blazy – L’amendement 40 supprime l’alinéa 3 de cet article. Il convient en effet de rétablir le droit en vigueur et de replacer le procureur entre l’administration toute- puissante et les époux titulaires d’un droit fondamental. La loi de 2003, en instaurant un pouvoir de vérification de l’administration, a maintenu l’intervention du procureur de la République de Nantes. Le projet la supprime. Peut-être le procureur de Nantes, surchargé au point de ne pas pouvoir fournir de vraies statistiques, n’a-t-il guère de temps. Mais un tel argument, n’est pas recevable quand il s’agit de principes à valeur constitutionnelle. Donnez à la justice les moyens de vos ambitions. L’administration ne peut décider seule. L’amendement 45 est de repli.

M. le Rapporteur suppléant - La commission a émis un avis défavorable sur les deux amendements.

L’amendement 40 maintient la procédure de sursis administratif et de sursis judiciaire instaurée par la loi de 2003. Force est de constater que cette procédure n’a pas fonctionné puisque seuls 19 cas ont été transmis au parquet de Nantes et aucun n’a abouti. Il est normal de la supprimer.

L’amendement 45 est complexe et serait source de difficultés. En effet, en cas de rejet d’un acte d’état-civil étranger produit à l’appui d’une demande administrative, il donne compétence au tribunal de grande instance pour statuer sur la validité de l’acte. Compétent en cas de recours suite à un rejet de l’administration, le juge du tribunal administratif devrait attendre la décision du tribunal de grande instance, dont on ne sait d’ailleurs pas qui le saisirait.

M. le Garde des Sceaux  Avis défavorable sur l’amendement 40, parce qu’il vise à maintenir le dispositif actuel de vérification des actes d’état civil étrangers, dont j’ai rappelé la nécessaire modification pour éviter la confusion entre procédures judiciaire et administrative.

Même avis sur l’amendement 45 qui est un véritable retour en arrière, puisqu’il vise à rétablir la procédure de vérification devant le tribunal de grande instance des actes d’état civil étrangers, et revient ainsi sur l’esprit du projet de loi.

Les amendements 40 et 45, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
L'article 6, mis aux voix, est adopté.

Art. 7

M. le Rapporteur suppléant – L’amendement 15 est rédactionnel.

L'amendement 15, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 7 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 8

M. le Rapporteur suppléant – La date de célébration détermine le régime applicable : seuls les mariages célébrés après l’entrée en vigueur de la loi seront soumis aux nouvelles formalités. Il subsiste toutefois une ambiguïté concernant les dossiers en cours lors de la promulgation de la loi – la demande aura été déposée avant, mais la célébration est prévue après. L’amendement 16 vise à les soumettre également au nouveau régime de contrôle, dont ne seront exclus que les mariages célébrés avant l’entrée en vigueur de la loi.

L'amendement 16, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 8 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 8

M. Serge Blisko - L’amendement 41 demande un rapport d’évaluation annuel. L’absence de données statistiques au cours de ce débat peut faire croire que nous ne légiférons que pour quelques dizaines de cas. Le rapporteur a plusieurs fois rappelé la complexité de ce texte. L’incertitude juridique qu’il a relevée en défendant son dernier amendement montre d’ailleurs combien une évaluation est nécessaire.

En outre, nous risquons de mécontenter certains pays amis tels que ceux du Maghreb, ou encore la Turquie – futur partenaire européen, malgré la turcophobie qui vous agite parfois. Le droit des personnes peut ici affecter les relations diplomatiques ! Il faut donc un bilan sans complaisance. Rappelez-vous l’article 4 de la loi du 23 février 2005, qui faillit empêcher la signature du traité d’amitié avec l’Algérie parce qu’il fallait faire plaisir à quelques députés qui n’ont pas encore accepté la fin de la guerre d’Algérie ! Soyez responsables de vos actes, notamment au regard de nos engagements internationaux !

M. le Rapporteur suppléant – Cet amendement est satisfait par la loi du 26 novembre 2003 qui prévoit un rapport comprenant l’évaluation du contrôle de la validité des mariages.

M. Serge Blisko - Non, il ne porte pas là-dessus !

M. le Garde des Sceaux  L’article 86, alinéa 8 du Règlement, que notre président de séance connaît bien, impose une mission d’évaluation de l’application des lois six mois après leur promulgation. L’amendement est donc satisfait.

L'amendement 41, mis aux voix, n'est pas adopté.

titre

M. Serge Blisko - L’amendement 42 vise à préciser le titre de la loi, car il s’agit bel et bien du « contrôle de la validité du mariage célébrés entre des époux dont l’un est étranger, et spécialement des mariages célébrés à l’étranger ». Malgré sa lourdeur syntaxique, ce titre a au moins le mérite de la franchise : on veut, au fond, ennuyer les 45 000 Français qui ont eu l’idée bizarre d’aller se marier à l’étranger.

M. le Rapporteur suppléant – Avis défavorable, d’abord parce que ce titre est lourd, en effet, et aussi parce qu’il engloberait les mariages de ressortissants français célébrés à l’étranger.

M. le Garde des Sceaux  Même avis.

L'amendement 42, mis aux voix, n'est pas adopté.

explications de vote

M. Jean-Pierre Blazy - L’amendement qui vient d’être présenté avait le mérite d’expliciter le choix politique du Gouvernement et de sa majorité, difficilement justifiable autrement que par le calendrier électoral (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Alors que le racisme a gagné du terrain en 2005, vous vous apprêtez à légiférer sur l’immigration, en rupture – terme cher à M. Sarkozy – avec votre loi de 2003 qui n’a pas produit les effets escomptés. Peut-être est-ce en jouant sur la peur que vous comptez remporter les élections ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) J’insiste sur la vanité d’une nouvelle législation en matière de contrôle des mariages. Plus de deux millions de Français vivent à l’étranger, dont 45 000 se marient avec des étrangers – parmi lesquels tous n’ont pas l’intention de s’installer en France ou de devenir Français. Certes, la fraude existe et il faut la combattre. Imposer une audition est une bonne disposition, et je l’applique moi-même dans ma mairie du nord de Paris, où je suis ces questions de très près. Il faut lutter contre la fraude… mais il ne faut pas fantasmer sur la fraude !

M. le Rapporteur suppléant – Ni sur nos intentions !

M. Jean-Pierre Blazy – Or, malgré notre insistance, le Garde des Sceaux n’a su nous donner aucun autre chiffre que celui des 786 annulations de mariages pour 1 700 signalements. C’est sur cela que nous légiférons : ne s’agit-il pas d’une obsession ? A multiplier ainsi les obstacles au mariage…

M. Jean-Pierre Gorges - Nous allons tuer l’amour ?

M. Jean-Pierre Blazy – Non, car l’amour est éternel, mais vous allez attenter aux libertés et entraver le respect de nos engagements internationaux. Le contrôle de l’immigration irrégulière et celui des mariages sont deux sujets différents. De surcroît, vous allez immanquablement provoquer une immigration clandestine d’un nouveau type. Si, au terme d’un véritable parcours du combattant, la transcription du mariage n’est pas possible, soyez sûrs que les conjoints finiront par se rejoindre sur le territoire national, mais dans des conditions irrégulières. Vous serez obligés alors de procéder à des régularisations massives. Ce texte préfigure une situation catastrophique en matière d’immigration irrégulière. Ce sera le résultat d’un mauvais choix, d’une mauvaise loi et d’une mauvaise politique.

Mme Chantal Bourragué - Cette loi vise à assurer le respect de l’institution du mariage et la protection de la famille et des enfants, qui sont tous les deux compromis par les mariages de complaisance. Nous avons la responsabilité de soumettre les réseaux qui tirent profit de la fraude à la justice et d’assurer le respect des lois par tous. Le constat dressé par la mission d’information sur la famille quant à l’évolution des mariages mixtes a montré l’urgence de renforcer la lutte contre la fraude. Il ne s’agit pas de dénoncer des libertés fondamentales, mais de faire face à la réalité et de s’adapter à des situations nouvelles. Ce choix politique permet à l’institution française du mariage de conserver toute sa valeur. Il est basé sur la responsabilité et la protection des plus faibles. La législation des autres pays européens va d’ailleurs dans le même sens, et ce texte n’emporte pas de conséquences sur la filiation. Le groupe UMP votera donc ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Nicolas Perruchot - Ce texte propose des avancées nécessaires dans le contrôle de la validité des mariages. Il soumet notamment les mariages de Français à l’étranger aux mêmes règles et aux mêmes contraintes que ceux célébrés sur le territoire national, ce qui est normal puisqu’ils ouvrent les mêmes droits. L’équilibre est ainsi rétabli entre les Français, où qu’ils se marient. Enfin, ce texte permettra de donner un coup d’arrêt à la fraude et aux filières qui ont fait du mariage de complaisance une économie parallèle. Le groupe UDF votera donc ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

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déclaration d’urgence

M. le Président – Le Premier ministre informe l’Assemblée que le Gouvernement déclare l’urgence du projet de loi de programme relatif à la gestion des matières et des déchets radioactifs.

Prochaine séance, demain, jeudi 23 mars à 10 heures.
La séance est levée à 21 heures 20.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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ordre du jour
du JEUdi 23 MARS 2006

DIX HEURES : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

Rapport (n° 2927) de M. Guy GEOFFROY.

QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 2611 rectifié) relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs.

Rapport (n° 2966) de M. Dominique JUILLOT, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

2. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programme pour la recherche.

Rapport (n° 2945) de M. Jean-Michel DUBERNARD.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

© Assemblée nationale