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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du jeudi 5 octobre 2006

Séance de 15 heures
3ème jour de séance, 5ème séance

Présidence de M. Maurice Leroy
Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

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Participation et actionnariat salariÉ (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié.

ART. 6

M. Philippe Feneuil - Je souhaite affirmer mon soutien inconditionnel à l’extension du dispositif de la participation salariale aux PME, aux très petites entreprises et aux entreprises individuelles, où règne, entre salariés et patrons, l’esprit de famille qui anime ceux qui mouillent ensemble leur chemise. Mais si l’exercice de la concertation est facile dans les grandes entreprises, il peut l’être beaucoup moins dans les entreprise plus petites, et singulièrement dans les entreprises individuelles. Il est en effet bien compliqué de définir ce qu’est le bénéfice réel quand le chef d’entreprise ne se donne pas de salaire, et ne commence à penser à lui-même et à sa famille qu’après avoir assuré le paiement des salaires et l’avenir de la société.

Je m’inquiète de l’alinéa 4 de l’article, qui prévoit que le calcul de la participation doit se faire sans que le bénéfice qui lui sert de base puisse être diminué du report des déficits antérieurs. Comment ne pas penser aux petits commerçants victimes d’impayés ? Comment oublier les sous-traitants, dans le secteur aéronautique par exemple, qui peuvent subir des reports de commandes ? Comment ignorer la situation des agriculteurs dont une averse de grêle peut en un quart d’heure réduire à néant la récolte de l’année ? Comment leur expliquer à tous que l’on ne tiendra pas compte de ces aléas dans le calcul du bénéfice des exercices suivants ? Si l’on veut encourager les plus petites entreprises à verser une participation salariale, il faut leur donner les moyens d’aller au terme de cette dynamique, et certainement pas les effrayer. Avec plusieurs de mes collègues, je présenterai un amendement à ce sujet et j’en appelle à la sagesse de tous pour qu’il soit adopté. Le repousser aurait un effet contraire à l’objectif que nous visons tous.

M. Dominique Tian – Je tiens également l’interdiction de reporter les déficits antérieurs sur le bénéfice servant de base de calcul à la participation pour une mesure dangereuse et contreproductive. Aujourd'hui, le déficit constaté par une entreprise au titre d'un exercice constitue une charge des exercices suivants et vient donc réduire, le cas échéant, les bénéfices réalisés les années suivantes. L’interdiction prévue dans l’article revient à considérer le report des déficits antérieurs comme un outil d'optimisation fiscale alors qu’il n’en est rien. Outre que ce report a une logique économique évidente, il s’inscrit dans l’optique de l’attribution de dividendes du travail. L'objectif de la participation n’est-il pas de distribuer aux salariés une partie de la valeur qu'ils ont contribué à créer ? Pour respecter cette logique, il faut apprécier les résultats dans le temps. Lorsque l'entreprise dégage un bénéfice la participation s'impose mais lorsqu'elle enregistre une perte, il n'y a pas d'accroissement réel de valeur. L'imputation d'un déficit antérieur n'est donc pas un avantage fiscal qu'il conviendrait de corriger.

Comme en atteste la circulaire du 14 septembre 2005, la participation ne peut s'assimiler à un salaire mais plutôt à un dividende du travail. Elle a donc un caractère aléatoire. La circulaire précise ainsi que « les versements effectués au titre de la participation sont requalifiés en salaire dès lors que l'accord ne présente pas de caractère aléatoire ». La participation s'apparente en réalité aux dividendes versés aux actionnaires. Or, selon les règles applicables en droit des sociétés, aucun dividende ne peut être servi aussi longtemps que la société affiche à son bilan un report négatif. En l’état, le texte rendrait donc possible pour la participation ce qui est interdit pour la distribution des dividendes.

Cette mesure est, de plus, contraire à toute logique économique. Non, le report du déficit n'est pas un moyen commode de contourner la législation sur la participation ! Il s'agit de ne pas effectuer un prélèvement sur un résultat fictif, sans tenir compte des difficultés économiques de l'entreprise. Le report permet un lissage légitime pour des sociétés en situation difficile et contribue à ne pas compromettre leur situation. Il aide à leur redressement, qui se traduira par le versement ultérieur d’une participation.

Exiger le versement immédiat de sommes importantes non provisionnées alors que l’entreprise est fragilisée l’affaiblirait. Or, c'est là une des carences majeures du dispositif, qui ne prévoit aucune mesure transitoire. Le dispositif est prévu pour s'appliquer dès 2007, en fonction de l'exercice en cours et donc de déficits antérieurs à 2006, sans que les provisions nécessaires aient été constituées. Au moins aurait-on pu prévoir, pour éviter la rétroactivité du dispositif, que seuls les déficits constatés à compter de l'entrée on vigueur du texte ne puissent être imputés sur l’assiette du calcul de la réserve spéciale de participation.

Enfin, la mesure, parce qu’elle donne un très mauvais signal aux entreprises de moins de cinquante salariés, est contraire à l'esprit du texte. Il est donc crucial de revenir sur cette disposition.

M. Maxime Gremetz - L'une des critiques les plus couramment formulées à l’encontre de la base de calcul de la participation est la référence au résultat fiscal de l'entreprise. Le Gouvernement propose de retenir dorénavant le résultat comptable, ce qui correspond à un souhait des organisations syndicales ; maintient-il cet engagement ? Ce débat d'apparence technique masque des enjeux qui ne sont pas négligeables pour les salariés. En effet, la participation est actuellement calculée en fonction du résultat pris en compte pour le calcul de l'impôt sur les sociétés, qui diffère du résultat comptable par la prise en compte de certains des avantages fiscaux dont bénéficient les entreprises. De ce fait, le résultat fiscal est souvent inférieur à ce que serait le résultat obtenu par l’application des normes comptables strictes. Fonder le calcul sur le résultat comptable permettrait donc d'améliorer le montant de la participation versée aux salariés dans certains cas.

Selon une étude réalisée par l’INSEE pour le Conseil supérieur de la participation, la modification du calcul aurait un impact limité sur les entreprises qui versent déjà une participation. En revanche, les auteurs de l’étude estiment que si le nouveau mode de calcul était appliqué, 18 % des entreprises qui ne versent pas de participation actuellement seraient amenées à en verser.

En outre, le CGI autorise l'imputation des déficits sur les exercices ultérieurs, ce qui évite aux entreprises de payer l’impôt sur les sociétés. Cette disposition permet aux groupes d’«optimiser » leur résultat fiscal. Il en résulte que certaines filiales peuvent être toujours déficitaires, et leurs salariés ne jamais recevoir de participation, alors que le groupe sera globalement excédentaire. Substituer le bénéfice comptable au bénéfice fiscal permettrait vraisemblablement, dans de nombreux cas, aux salariés de bénéficier de la participation.

Enfin, il n'y a aucune logique à ne prendre en compte que le salaire brut, en excluant du calcul les cotisations dites patronales alors qu’elles constituent un élément du salaire.

Sur tous ces points, nous souhaitons des précisions de la part du Gouvernement.

M. Claude Gaillard – La diversité de nos entreprises rend notre tâche très difficile. Nous souhaitons tous mieux associer les salariés à la marche de l’entreprise. Cette volonté est ancienne, mais sa mise en œuvre demande du temps. Le « projet d’entreprise » était une première étape. Puis, quand on a inventé la démarche qualité, visant à valoriser le poste de chacun et à créer plus d’harmonie dans les relations de travail, cela a été une véritable révolution ! La participation est à la fois une antienne et une idée résolument moderne et je me réjouis que l’article 6 élargisse le champ des entreprises concernées. Pour autant, il faut éviter que les nouvelles dispositions ne pénalisent les entreprises qui sont déjà allées de l’avant, notamment en passant des accords d’intéressement ou des accords dérogatoires de participation, et je défendrai un amendement en ce sens. Il faut sanctionner positivement ceux qui ont déjà fait un pas dans le sens de la participation.

M. Jean-Michel Dubernard, Président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales Toutes les interventions qui ont été faites sur cet article ont beaucoup de sens et montrent qu’il présente quelques difficultés de mise en œuvre. J’y insiste, c’est la mise en œuvre – et non le principe de l’extension – qui peut poser problème et j’ai l’impression, Madame la ministre, qu’il y a peut-être un hiatus entre l’intention de l’article et la manière dont il a été perçu.

Autant le dire clairement, cet article vise aussi à mettre un terme aux pratiques abusives de certains entrepreneurs, qui recourent à la technique du report de déficits antérieurs pour se dispenser de verser la part d’intéressement due aux salariés. Ces dérives existent, et je ne crois pas que quiconque puisse contester notre volonté d’y remédier.

Pour autant, plusieurs questions pertinentes ont été posées, en commission comme en séance, et il serait souhaitable que le Gouvernement y réponde clairement.

La principale inquiétude tient au fait que la technique du report de déficits antérieurs est consacrée en droit fiscal. Dès lors, les entreprises qui enregistrent des résultats négatifs au cours de plusieurs exercices sont dispensées de payer l’IS et de verser des dividendes à leurs actionnaires. Or nous voudrions, dans une telle situation, obliger les entreprises concernées à verser quand même une réserve spéciale de participation. N’est-ce pas paradoxal ? Qu’en pense le Gouvernement ? Je crois savoir que les services de Mme Lagarde ont travaillé sur des formules alternatives : qu’en est-il ? Certains de nos collègues souhaitent aussi que soient exonérées de cette obligation les entreprises ayant déjà conclu des accords d’intéressement : qu’en pensez-vous ? Cela ne risque-t-il pas d’entretenir une confusion entre participation et intéressement, alors que les deux sujets doivent rester distincts ?

Je dois dire que c’est à regret que la commission a repoussé certaines propositions d’amendements ; en tout cas, la richesse de nos échanges sur cet article montre que nous sommes à un point clé de la discussion de ce texte.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur Je vais m’efforcer d’apporter un peu de clarté dans ce sujet difficile. L’article 6 traite exclusivement de la participation, et, plus précisément, de l’assiette de calcul de la réserve spéciale de participation - la RSP. Cet article vise à élargir cette assiette, en donnant une définition spécifique du bénéfice et en retenant comme base de calcul le bénéfice fiscal de l’entreprise, compte tenu de certaines mesures, par exemple celles qui tiennent à des régimes fiscaux particuliers destinés à encourager l’investissement dans certaines zones comme les pôles de compétitivité. De même, dans la deuxième partie de l’article 6, figure une disposition qui fait l’objet d’un certain nombre d’amendements : elle consiste à exclure de la définition du bénéfice servant de base de calcul à la RSP les reports de déficits antérieurs – par ailleurs utilisables par les entreprises ayant réalisées des pertes dans le passé pour la définition de leur bénéfice fiscal.

Ce choix témoigne du souci du Gouvernement d’élargir l’assiette de calcul de la RSP et tient aussi à l’obstacle technique qui résulte de la modification de la règle du report déficitaire. Jusqu’en 2004, il était possible de reporter en avant les déficits du passé pendant cinq ans – avec une petite subtilité puisqu’une partie du report déficitaire était reconductible pour une durée illimitée, l’essentiel du report étant reportable pour cinq ans seulement. Dorénavant, tout le report déficitaire est reportable pour une durée indéterminée et il est donc très difficile d’identifier dans le temps la partie du report déficitaire éventuellement mobilisable pour élargir le bénéfice fiscal servant au calcul de la RSP.

Parmi les huit amendements déposés sur cet article, certains visent à clarifier les éléments déductibles du bénéfice fiscal et d’autres à supprimer l’alinéa qui exclut l’utilisation du report déficitaire pour définir le bénéfice servant au calcul de la RSP.

M. Maxime Gremetz - Mais vous, Madame la ministre, quel est votre avis ?

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Je le donnerai sur chaque amendement.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances Je me dois de préciser d’emblée que la commission des finances a adopté cet article en l’état.

À titre personnel, j’appelle cependant l’attention sur la formule retenue pour calculer la base déterminant la participation à verser aux salariés. À partir du moment où on prend les déficits antérieurs – projetés ou non –, plus une entreprise aura fait des déficits et sera dans une situation difficile, plus ses capitaux propres feront défaut, plus elle devra payer de participation sur les bénéfices ! Si j’ai bien compris, on nous propose de faire l’inverse de ce qui était initialement recherché, car cela veut dire qu’une entreprise qui disposera encore de capitaux propres – et qui n’aura donc pas encore perdu beaucoup d’argent – va payer beaucoup moins ! Pour elle, la base de calcul pour la participation des salariés va être beaucoup plus favorable que dans le cas d’une entreprise présentant des capitaux propres négatifs. Une entreprise qui aura fait cinq ans de déficits, qui n’aura plus d’argent ni de liquidités, il faudra lui expliquer que comme elle a fait un peu d’argent en exercice (n+5) – ce qui ne veut pas dire qu’elle aura de la trésorerie puisqu’on ne raisonne qu’en comptabilité –, il lui faut payer de la participation, voire emprunter pour payer une participation sur des déficits. J’attire l’attention sur ce que nous sommes en train de faire car cela me paraît particulièrement hasardeux.

Mon amendement 196, 2ème rectification, est rédactionnel.

L'amendement 196, 2ème rectification, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Je suis saisi des amendements identiques 27, 183 et 259.

M. Philippe Feneuil – L’amendement 27 supprime le quatrième alinéa de l’article, lequel exclut du calcul du bénéfice servant de référence le report des déficits antérieurs. J’ai bien compris que l’intention du texte était de pointer du doigt les entreprises qui usent et abusent d’artifices pour se dispenser de verser la participation due aux salariés mais il ne faut pas aller trop loin. À vouloir être trop contraignant, on découragera les entreprises de développer la participation alors que celle-ci, pour les TPE et nombre de PME, reste une démarche facultative. Si on les gêne par des dispositifs trop rigides, elles ne s’engageront pas dans la voie de la participation !

M. Dominique Tian - Je n’ai pas été convaincu par les arguments qu’on nous oppose, et je défends donc l’amendement 183, identique au 27. Si quelques entreprises ont failli, dites-nous lesquelles, procédez aux redressements nécessaires, mais ne pénalisez pas celles qui font bien leur travail. La mesure proposée, très mal préparée et injustifiée, porterait un coup de frein fatal à ce projet de loi.

M. le Président – Je suppose que M. Feneuil a défendu également l’amendement 259.

M. le Rapporteur – La suppression pure et simple du dispositif que proposent ces amendements ne réglerait pas le problème. Des abus manifestes ont été constatés, dont il faut tenir compte. Il faut trouver un équilibre permettant de préserver l’esprit de cet article. Avis défavorable donc.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Nous avons le souci à la fois d’élargir la base de calcul de la réserve spéciale de participation et de lutter contre les abus commis par certaines entreprises qui, pour se dérober à l’obligation de verser de la participation à leurs salariés, ont cumulé les reports de déficits dans le cadre d’une certaine stratégie fiscale. Mais nous devons aussi prendre en compte les situations qu’a évoquées M. Joyandet. Un amendement à venir de votre collègue François Cornut-Gentille devrait, me semble-t-il, régler le problème. Lors de l’examen du texte au Sénat, il faudra réfléchir au moyen de limiter dans le temps les reports de déficits, car là est bien le problème. En l’état, le Gouvernement souhaite le retrait de ces amendements. Faute de quoi, il en demanderait le rejet.

M. Gilles Carrez – C’est en 2004 qu’a été autorisé le report illimité des déficits dans le temps. Lors de l’examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l’économie, on avait envisagé de modifier l’assiette de calcul de la RSP et, déjà à l’époque, proposé de prendre en compte le résultat comptable et non plus le bénéfice fiscal. Des simulations avaient alors montré que si cette nouvelle référence aurait été intéressante pour les salariés des entreprises qui ne versaient pas de participation, elle aurait pénalisé tous les autres. Dans le doute, nous nous étions abstenus de modifier quoi que ce soit. Ce qu’on nous propose aujourd’hui, qui semble comme une mesure de rattrapage, n’est pas satisfaisant. Comment la priorité pourrait-elle être pour une entreprise, qui a cumulé les déficits et dont les capitaux propres ont diminué, de verser de la participation plutôt que de reconstituer ses capitaux propres dès lors qu’elle renoue avec les bénéfices ?

M. Dominique Tian - Je précise que nos amendements ne visent pas à supprimer tout l’article, mais seulement son quatrième alinéa.

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Pourquoi la durée des reports n’est-elle plus limitée ?

M. Alain Vidalies – Parce qu’une loi de 2004 l’a permis.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Pourquoi ne pourrait-on pas revenir sur une disposition pertinente qui a été supprimée ? Il ne me choque pas qu’une entreprise puisse reporter le déficit de l’année antérieure, voire de l’avant-dernière année. Un report illimité est en revanche choquant. La bonne solution réside sans doute dans un juste milieu. Il faut à la fois laisser le temps à l’entreprise de reconstituer ses capitaux propres et fixer une limite pour le report des déficits : deux ans paraissent raisonnables. Interdire tout report serait aussi absurde qu’accepter un report illimité. Ce texte ayant fait l’objet d’une déclaration d’urgence, il ne reviendra pas en seconde lecture devant l’Assemblée. Il nous faut donc trouver une solution d’ici à son examen par le Sénat ou d’ici à la CMP qui suivra.

M. Maxime Gremetz - Je n’ai pas de conseil à donner, mais la majorité devrait demander une suspension de séance car nous allons êtres obligés de prendre la défense du Gouvernement ! Nos collègues poussent au crime, en encourageant les entreprises, ce qu’elles n’ont déjà que trop tendance à faire, à s’exonérer de verser de la participation à leurs salariés. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Philippe Feneuil - Il y a des entreprises honnêtes !

M. Maxime Gremetz - Sans doute, mais toujours est-il que dans les bilans, apparaissent systématiquement des déficits.

M. Dominique Tian - Comment expliquez-vous alors que plus de huit millions de salariés touchent de la participation ?

M. Maxime Gremetz - Dans ma région, plus une seule entreprise ne laisse apparaître de bénéfices dans ses résultats comptables ! Ni Dunlop, ni Valeo, ni Laperche, ni Saint-Gobain ! Par de simples jeux d’écritures comptables, elles créent des déficits là où elles veulent, ce qui leur permet de ne pas verser de participation. Si la proposition de nos collègues était adoptée, elle irait à l’encontre même de ce texte car de plus en plus d’entreprises se soustrairaient à leur obligation. Pour une fois, je suis donc tout à fait d’accord avec la ministre.

M. Alain Vidalies – Je suis vraiment surpris de l’initiative de nos collègues de la majorité contre l’un des rares aspects positifs de ce texte. Notre approche n’est pas dogmatique, mais au contraire fondée sur l’expérience. Si on ne distingue pas clairement la stratégie fiscale des entreprises de la réalité comptable de leur bilan, on fait dépendre la situation des salariés en matière de participation de cette stratégie fiscale. Il est curieux que le président Ollier se demande comment le report des déficits peut être illimité dans le temps. C’est la majorité elle-même qui en a décidé ainsi en 2004 ! Mais les salariés ne peuvent pas être les otages de la stratégie fiscale des entreprises. Le Gouvernement a raison.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des finances – Sur quelle base va-t-on calculer la participation ? C’est la vraie question. Aujourd’hui, 6 millions de salariés n’en bénéficient pas. Si l’on maintient le texte en l’état, ils n’y auront pas plus accès, et en revanche, pour ceux qui en bénéficient déjà, elle augmentera alors même que l’entreprise sera en déficit.

Sur un plan plus technique, l’intention de M. Ollier est louable. Mais ce qui compte, ce n’est pas la durée prise en compte, c’est la situation financière de l’entreprise sur un certain nombre d’exercices cumulés. Et rien ne sert de réintégrer le déficit de l’année antérieure pour calculer la base sur laquelle sera fixée la participation. Si les bénéfices de l’année sont déjà nuls, ils le resteront.

Si je comprends bien, le Gouvernement a l’intention de régler les choses au Sénat. Dans ce cas, prenons le texte tel qu’il est et votons aussi l’amendement 43 après l’article. Mais nous sommes en train de légiférer de façon bien hasardeuse sur un sujet très important. Une formule existe, très critiquée, certes, mais qui a le mérite de tenir compte du bénéfice de l’année en cours et de la situation des capitaux propres, qui reflètent ce qui s’est passé l’année précédente. Quant aux entreprises qui trichent, la meilleure façon de les encourager serait de prendre les deux dernières années. Sur deux ans, on peut faire quelques manipulations entre décembre et janvier.

M. Maxime Gremetz - J’en apprends des choses !

M. le Rapporteur pour avis de la commission des finances – Mais sur cinq ou six ans, on fait la différence entre l’entreprise qui gagne de l’argent de façon structurelle et qui distribuera de la participation et celle qui perd de l’argent de façon structurelle et n’aura pas les moyens de le faire.

M. le Rapporteur – Légiférer n’est pas simple, mais c’est cela aussi la démocratie. Les commissions ont beaucoup travaillé. Au départ, j’étais en faveur de la proposition du Gouvernement. Puis j’ai trouvé l’argumentation de M. Joyandet et de nos autres collègues plutôt pertinente. Enfin, le moyen terme proposé par M. Ollier m’a paru intelligent.

M. Maxime Gremetz - On avait oublié le lobby du Medef ! Il revient en force !

M. le Rapporteur – Je serais pour qu’on mentionne que le bénéfice peut être diminué par report des déficits des deux exercices antérieurs. Il ne nous est plus possible de déposer un amendement. Mais le Gouvernement peut le faire, ou s’en remettre au Sénat.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes - Comme l’a rappelé M. Carrez, en 2004 nous sommes passés, pour le report des déficits, d’un système quinquennal à un système sans limite dans la durée. Dans les faits, des entreprises, en raison du péril pour leur survie que constituerait le mode de calcul de la réserve spéciale de participation, distribuent des sommes très faibles alors qu’elles font des bénéfices significatifs. Le Conseil supérieur de la participation s’est donc interrogé sur la notion de bénéfice comptable, sachant par ailleurs que la question peut avoir des conséquences considérables. À l’inverse, M. Tian, M. Feneuil et M. Joyandet ont souligné que le mode de calcul de la réserve spéciale de participation interdirait à certaines entreprises de rétablir leur situation financière.

Dans notre travail conjoint avec le ministère des finances, nous avons essayé de trouver un équilibre entre ceux qui, il faut le dire, utilisent un report de déficit pour éviter d’entrer dans le jeu de la participation – et des entreprises majeures ont eu cette pratique – et des PME qui connaissent de réelles difficultés.

En attendant, des dizaines de milliers de salariés sont exclus du système. Je pense qu’il vaut la peine d’examiner les éléments avancés par les uns et par les autres, et, avec l’accord de Mme Lagarde, que le Gouvernement ne renvoie pas la solution au Sénat, mais fasse une proposition tenant compte des apports de l'Assemblée nationale et du souci de ses commissions d’élargir le champ de la participation. À ce propos, je souligne aussi l’intérêt des amendements de M. Gaillard et de M. Cornut-Gentille : le compromis qu’ils proposent peut conduire à une dérogation permettant le report de ces déficits, mais dans la transparence, essentielle si l’on veut rapprocher le capital et le travail par la participation. Je demande donc une suspension de séance.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 30.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement. Je constate avec satisfaction que la majorité et le Gouvernement ont pris tout leur temps pour essayer de trouver une solution à un problème qu’ils n’avaient pas réglé.

On nous remet maintenant l’amendement 330, fruit de ce travail collectif qui a donné lieu à moult coups de téléphone. Mme Parisot est contente. Mais vous comprendrez que pour examiner un texte qui engage autant les salariés et consulter les organisations syndicales, je demande à mon tour une suspension de séance.

M. le Président – Elle est de droit. Je vais néanmoins demander auparavant aux auteurs des amendements 27, 183 et 259 s’ils les maintiennent.

M. Philippe Feneuil - Je crois que nous avons trouvé un consensus avec l’amendement 330. Je retire donc les amendements 27 et 259.

M. Dominique Tian - Je retire également l’amendement 183.

La séance, suspendue à 16 heures 35, est reprise à 16 heures 40.

M. Alain Vidalies - Rappel au Règlement. Le déroulement de notre séance est très surprenant. M. le ministre l’a rappelé, le texte était issu des suggestions du Conseil supérieur de la participation, qui a constaté qu’en raison des modifications de la législation fiscale votées par la majorité sur la possibilité de reporter sans limite les déficits, un certain nombre d’entreprises importantes réussissaient à priver les salariés du bénéfice de la participation. Et voilà que pour répondre aux demandes de suppression de cette avancée – une des seules du texte – le Gouvernement dépose un amendement qui en réduit considérablement la portée en rétablissant un délai de trois ans.

Vos discours sur l’autonomie de la participation et le projet de société ne nous ont guère convaincus. Jusqu’à présent, nous avions l’impression d’un texte de commémoration. Maintenant, nous avons une commémoration sans texte !

M. Jean Le Garrec - Lors de la discussion générale, vous en avez longuement appelé aux mânes du général de Gaulle, au « projet de société » ou au rapport Sudreau pour vanter l’avancée de ce grand projet de société qu’est la participation. Mais il nous semblait que ce texte fourre-tout posait un peu hâtivement les problèmes et nous n’étions donc pas sûrs que les résultats soient à la hauteur de toutes ces déclarations emphatiques. Eh bien, en voici la preuve ! L’article 6 représentait une avancée : un amendement, pas très bien écrit d’ailleurs, vient en réduire fortement la portée ! Dès lors qu’il est possible d’imputer sur la base de calcul les déficits des trois années antérieures, en plus de celui de l’année en cours, tout est verrouillé !

De ce texte qui se voulait un « turbo » pour la participation, il ne restera donc qu’un coup de trompette ! Vous tirez prétexte de la situation des PME pour donner satisfaction aux grandes entreprises et à des lobbies que nous connaissons bien. Alors, de grâce, un peu de pudeur, ne nous servez plus le discours sur le grand projet de société !

M. le Président – Sur l’amendement 330, je suis saisi par le groupe socialiste et le groupe des députés communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Je vais essayer, sans emphase, de répondre à ces critiques. Vous ne pouvez pas reprocher à la majorité de chercher en toute indépendance la bonne solution et d’exercer librement son choix. Nous avons une position différente de celle du Gouvernement, nous le disons et nous essayons de trouver un juste équilibre – et comme le Règlement ne nous permet pas de déposer l’amendement approprié, nous avons obtenu du Gouvernement qu’il le fasse.

Vous parlez d’emphase, Monsieur Le Garrec, mais moi, je regarde les faits et je vois que c’est notre majorité qui a fait avancer la grande idée de la participation, voulue par le général de Gaulle. Nous n’avons donc de leçons à recevoir de personne ! Mais il ne faut pas être manichéen : entre la possibilité de reporter indéfiniment les déficits et la suppression de tout report, il y a un juste milieu.

M. Maxime Gremetz - Vous dites que le ministre est manichéen, alors ?

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – L’important est que la participation soit acceptée par ceux qui doivent la mettre en œuvre. Pour cela, il faut tenir compte de la situation comptable des entreprises (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). L’amendement 330 représente un juste équilibre.

M. Maxime Gremetz - Vous « ramez », Monsieur le président ! Vous nous avez tenu de grands discours sur la troisième voie, la nouvelle société, le gaullisme…

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Je revendique mon gaullisme !

M. Maxime Gremetz – En paroles ! Je note que vous avez accusé le ministre de dogmatisme. En somme, selon vous, M. Larcher ne comprendrait rien. Tout juste s’il ne doit pas démissionner ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

Revenons à ce qui s’est passé. Le texte initial de l’article 6, approuvé par les deux présidents de commission, était : « Sans que ce bénéfice puisse être diminué du report des déficits antérieurs. » Bravo ! Vous vous étiez rendu compte d’une chose : alors que les grands groupes réalisent des profits records et que 1 300 milliards de dollars se portent sur des placements financiers plutôt que sur des investissements, les sociétés françaises n’ont jamais de bénéfices quand il s’agit de distribuer des primes d’intéressement ! Prenez Valeo, Dunlop, Procter & Gamble… Je pourrais vous en citer des dizaines ! La chose est facile : il suffit d’imputer, sur le résultat les impôts, les cotisations sociales, les déficits antérieurs.

Mais voilà : le Gouvernement se retrouve isolé face à sa majorité, et contraint de battre en retraite. Il nous présente cet amendement 330 qui dit que l’on peut déduire les déficits des trois exercices antérieurs. Les cinq organisations syndicales représentatives, consultées à l’instant, sont absolument opposées à cet amendement. Que chacun prenne ses responsabilités ! Moi, je ne choisis pas Mme Parisot, je préfère suivre les syndicats.

M. François Guillaume - Reprenons les choses avec bon sens. Dans une entreprise, c’est l’assemblée générale qui décide, sur proposition du conseil d’administration, de distribuer ou non des dividendes aux actionnaires, au vu des résultats. M. Gremetz ne s’offusquerait pas que le conseil d’administration d’une entreprise, dont les résultats seraient négatifs, propose de ne pas distribuer de dividendes aux actionnaires. Il est normal que le processus soit le même pour les dividendes du travail. Il paraît difficile d’en distribuer quand les résultats sont négatifs…

M. Maxime Gremetz et M. Alain Vidalies - Quels résultats ?

M. François Guillaume – Il est convenu que cette réserve de participation dont est issu le dividende du travail est définie non pas par l’assemblée générale des actionnaires, mais par la négociation. Les calculs sont faits à partir d’une formule légale, et il est clair qu’on ne peut pas distribuer de dividendes lorsque les résultats sont mauvais – ni aux actionnaires, ni aux salariés. Je souscris donc au principe qui nous est proposé, parce que lorsqu’une entreprise a un résultat positif, mais qu’elle est obligée d’intégrer des résultats négatifs antérieurs, elle ne distribue pas non plus de dividendes aux actionnaires. Toutefois, la rédaction proposée n’est pas satisfaisante. Si j’ai bien compris, vous voulez autoriser l’imputation, sur le résultat de l’année en cours, des déficits constatés lors des trois années antérieures. Je propose une rédaction qui me semble plus claire : « des déficits constatés au cours des exercices antérieurs à l’exercice en cours, dans une limite de trois ans ».

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Le Gouvernement est sensible à l’excellent débat qui vient d’avoir lieu et aux arguments des présidents des commissions. Il propose donc une rectification à l’amendement 330.

M. Jean Le Garrec - Encore ?

M. Maxime Gremetz - En plus du sous-amendement de M. Guillaume ?

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Cette nouvelle rédaction permet de tenir compte aussi des propositions que MM. Gaillard et Cornut-Gentille devaient présenter plus tard. La phrase serait ainsi complétée : « sans que, pour les entreprises qui n’ont pas conclu d’accord dérogatoire de participation, ce bénéfice puisse être diminué des déficits constatés au cours des exercices antérieurs de plus de trois ans à l’exercice en cours. » Cela rejoint exactement les propositions de M. Guillaume : permettre aux entreprises qui ont un bénéfice fiscal en année N de tenir compte des déficits constatés au cours des exercices N-1 à N-3. Dans le texte antérieur, l’imputation des déficits pouvait se faire sans limitation de temps. Cette rédaction me paraît très claire.

M. Gilles Carrez - Excellent amendement !

M. Maxime Gremetz - Il nous faut le texte !

M. le Rapporteur pour avis de la commission des finances – Je souscris à cette position de rassemblement, mais votre rédaction prête à confusion. Je propose donc un sous-amendement (Protestations sur divers bancs) pour remplacer « de plus de trois ans à l’exercice en cours » par « aux trois exercices précédents ». Votre rédaction définit en effet un délai de deux ans, pas de trois.

M. Alain Vidalies - Il fallait voter la motion de renvoi en commission !

M. Maxime Gremetz - On ne peut pas travailler comme ça ! Si le président de l’Assemblée voyait ça ! Qu’en dites-vous, Monsieur Balladur ?

M. le Rapporteur – Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 17 heures 5, est reprise à 17 heures 20.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Comme chacun l’aura compris, le Gouvernement entend, par l’amendement 330 rectifié, répondre aux préoccupations qui ont été largement exprimées, notamment par M. Gaillard et par M. Cornut-Gentille. Je précise que seront imputables sur la réserve spéciale les déficits constatés au cours des exercices N-1, N-2 et N-3. J’ai noté que M. Gaillard avait retiré son amendement, et je souhaite que l’amendement rectifié du Gouvernement soit adopté, étant entendu que l’examen du texte par le Sénat donnera l’occasion d’en parachever la rédaction.

À la majorité de 17 voix contre 2, sur 20 votants et 19 suffrages exprimés, l’amendement 330 rectifié est adopté.
L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 6

M. François Guillaume – Je propose, par l’amendement 292, d’introduire dans notre droit une mesure inspirée du dispositif des phantom shares en vigueur dans les pays anglo-saxons, en prévoyant qu’une fraction de la réserve spéciale de participation peut être assise sur l’évolution de la valeur de l’action ou de la part sociale de l’entreprise. Cette pratique existe déjà dans le cadre de la coopération agricole, et c’est un exemple type de participation réussie. Alors que les coopératives s’enrichissaient sans que cela profite aux coopérateurs, il a été décidé que ce qui s’apparentait à un bien de mainmorte serait partagé entre les agriculteurs, au moment où ils prendraient leur retraite.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée  Comme l’a souligné M. Guillaume, la pratique existe. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, qui dira si elle veut l’étendre.

M. Alain Vidalies - Les salariés devront-ils subir les fluctuations du cours de l’action ? Si on les fait participer à la prise de risque, on entre dans un tout autre champ que celui de la participation, et je suis surpris que cette proposition n’appelle pas d’autres commentaires de la commission et du Gouvernement.

M. François Guillaume – D’une part, les PEE sont soumis au même risque. D’autre part, comme il s’agit ici d’entreprises non cotées, les parts sociales seront estimées par dire d’expert en fonction de la valeur des actifs.

M. Alain Vidalies - On ne peut prendre le PEE pour référence puisque les entreprises dont il est question ne sont pas cotées. Par ailleurs, vous ne parlez que de parts sociales, mais votre amendement mentionne aussi les actions de l’entreprise ou du groupe. Personne ne semble mesurer la portée exacte de votre proposition et je continue de m’étonner que cette initiative soit acceptée par le Gouvernement sans être même discutée, alors qu’elle n’est pas dans l’esprit du texte.

M. Gérard Larcher, ministre délégué La disposition proposée s’appliquant dans le cadre d’un accord dérogatoire, l’esprit du texte est respecté. Le mécanisme proposé est tel que toute hausse de la valeur de l’action ou de la part sociale bénéficiera aux salariés mais que la baisse éventuelle n’emportera aucune conséquence pour eux. Vos craintes devraient donc être apaisées, et vous pouvez voter en confiance un amendement qui consacre une pratique existante.

M. Alain Vidalies - Je ne suis nullement rassuré.

L'amendement 292, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des finances – L’amendement 43 traite d’un sujet dont nous avons longuement débattu ce matin, puisqu’il vise à instaurer une prime de partage des profits au bénéfice des salariés des entreprises de moins de cinquante salariés, afin qu’eux aussi disposent d’un mécanisme – souple et facultatif – de participation. Je précise par avance que nous ne faisons pas une question de principe de la somme de 1 000 euros inscrite dans le corps de l’amendement et qu’il est tout à fait envisageable de revoir les modalités du dispositif. Ce qui compte, c’est d’envoyer un signal aux salariés des PME pour qu’ils ne désespèrent pas de profiter un jour des mesures offertes à ceux des grands groupes.

M. le Rapporteur – Nous avons en effet déjà abordé la question et je comprends bien le souci qui fonde cet amendement. Au reste, un certain nombre de dispositions du projet de loi visent à faciliter l’accès des plus petites entreprises à la participation : conclusion d’accords de branche, développement des PPE ou sécurisation des accords d’épargne salariale. En pratique, je m’interroge pourtant sur le dispositif proposé car il tend à établir un intéressement de troisième type, sous la forme d’une prime de partage des profits, pour l’ensemble des salariés des petites entreprises, dans des conditions très différentes de celles qui concernent les accords d’intéressement et de participation.

Je crains que cela ne complique à l’excès les dispositifs d’épargne salariale, alors que l’ensemble du texte vise à éviter cet écueil. C’est pourquoi, avec Patrick Ollier, nous avons déposé un amendement qui, tout en poursuivant le même objectif, se coule dans les systèmes existants. Il propose en effet aux entreprises de moins de cinquante salariés, à l’initiative de l’employeur, de mettre en place un régime de participation dans le cadre de l’article L. 442-12 du code du travail, lequel fixe déjà un régime de participation simplifié fondé sur une seule modalité de gestion – les comptes courants bloqués – et un mode unique de répartition – le salaire. Le chef d’entreprise aurait en outre la possibilité de choisir une formule dérogatoire de participation, dans les conditions de l’articles L. 442-6 du code du travail.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’invite au retrait de l’amendement 43, que la commission n’a pas accepté.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Cet amendement vise donc à créer, dans les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues d’accord de participation ou d’intéressement, une prime de partage des profits plafonnée à 1 000 euros par salarié, le montant total des primes versées ne pouvant excéder 15 % du bénéfice imposable de l’entreprise. Cette prime bénéficierait d’un régime particulier puisqu’elle serait déductible de l’IS, exonérée de cotisations sociales et, pour le salarié, imposable exclusivement au titre de l’IR.

Outre le risque d’impact négatif d’une telle mesure sur le développement des régimes classiques de participation dans les PME – que mentionnera certainement M. Larcher –, cet amendement présente un coût, que l’on peut estimer, certes de manière un peu sommaire, à 250 millions au départ, mais pouvant atteindre – au titre des seules cotisations sociales – un milliard en année pleine, dans l’hypothèse où la plupart des entreprises visées utiliseraient le dispositif. C’est dire l’importance de l’enjeu. Dès lors, cette proposition trouverait mieux sa place dans la discussion du prochain PLFSS. Enfin, dans l’état actuel de sa rédaction, je m’interroge sur la possibilité de lever le gage.

M. Gérard Larcher, ministre délégué L’esprit de cet amendement, c’est aussi de redonner du pouvoir d’achat aux salariés des PME, et c’est le même souci qui nous a conduits, avec Jean-Louis Borloo, à relancer la dynamique de négociation des grilles.

Votre amendement pose cependant un certain nombre de problèmes, notamment pour ce qui concerne la franchise de cotisations sociales applicable à des versements ne relevant pas de la participation. Il s’agit plutôt – et vous ne vous en cachez pas – d’une sorte de prime ou de bonus, qui n’a pas vocation à concurrencer les dispositifs d’intéressement et de participation. À ce titre, il fait échapper à l’assiette des cotisations sociales des revenus très proches de revenus salariaux.

Comme l’a dit Mme Lagarde, votre assemblée va examiner dans quelques semaines le PLFSS. Or, dans son esprit, votre proposition est proche du bonus de 1 000 euros, mis en place il y a un an par le Premier ministre, dans des conditions très encadrées : valable pour un an seulement et conditionnée à la conclusion d’un accord. Dans quelques mois, nous pourrons mesurer l’impact de cette mesure. En attendant, les conséquences financières de votre proposition pour les finances sociales doivent être mieux évaluées, et nous vous invitons par conséquent à retirer votre amendement.

M. Alain Vidalies - Nous sommes tout à fait opposés à cet amendement. Il aboutit en effet à créer un nouveau concept – la prime de partage des profits – qui ne peut même pas s’inscrire dans la terminologie du présent texte, relatif à l’intéressement et à la participation. Notre position, que nous avons eu l’occasion de préciser ce matin, est claire. Nous souhaitons étendre la participation et l’intéressement aux entreprises de moins de cinquante salariés, et il faut, pour y parvenir, nouer un dialogue avec les partenaires sociaux, en vue, dans la meilleure hypothèse, de déboucher sur un accord de branche. On serait alors dans le champ du projet de loi.

Ce matin, le Gouvernement a décidé de faire voter un amendement qui ne nous satisfait pas puisqu’il dit qu’il reviendra au chef d’entreprise d’octroyer la participation, dans le cadre d’une décision unilatérale, mais selon des modalités de calcul qui s’inscrivent tout de même dans le cadre de la participation. Ici, on change complètement d’approche, et c’est alternatif : soit les entreprises de moins de cinquante salariés restent sur les mécanismes de la participation et on essaye de les généraliser ; soit l’on admet que cela n’est pas possible et on invente cette prime de partage des profits. Pour une fois, je ferai miens les arguments de M. Larcher car qui ne voit que cette affaire va aboutir à une franchise de cotisations sociales et à un supplément d’abattements de cotisations sociales pour 250 millions à un milliard ?

M. Maxime Gremetz - Eh oui !

M. Alain Vidalies - Ces cotisations, les entreprises ne les paieront plus et l’on ne voit pas comment cela fera du salaire en plus puisqu’il n’y a pas de lien entre les deux. Arriver à un tel résultat dans le cadre du présent texte serait pour le moins provocateur. Nous sommes donc résolument hostiles à cette initiative.

M. François Guillaume - Je voudrais dire à Mme Lagarde et à M. Larcher qu’à mon sens, cette proposition a une très grande importance pour un certain type d’entreprises. J’avais déposé moi-même un amendement et je l’ai retiré sous le bénéfice d’un débat qui a commencé ce matin. D’accord, Monsieur le ministre, pour considérer que votre proposition d’accord-cadre facultatif au niveau des branches est bien adaptée aux besoins des entreprises de dix à cinquante salariés. Mais il faut penser aux entreprises de moins de dix salariés et la proposition de M. Joyandet prend alors tout son sens. Les chefs des TPE, que nous connaissons bien, répugnent à entrer dans des démarches administratives pouvant générer de lourdes contraintes. Par contre, ils ne sont pas opposés à donner à leurs salariés des avantages liés aux résultats. Ils le font d’ailleurs quelquefois en dehors de tout contrôle, en s’exonérant de toute obligation fiscale ou sociale.

L’amendement de M. Joyandet pourrait permettre de régulariser la situation, sous réserve qu’il soit entendu qu’il s’adresse aux TPE de moins de dix salariés, pour lesquelles il faut un système simple, ne générant aucune contrainte administrative supplémentaire. Sans doute vaudrait-il mieux indiquer un pourcentage qu’un montant précis, qui devra ultérieurement être révisé pour tenir compte de l’inflation. J’ai bien compris que vous étiez ouvert sur cette question. L’essentiel est d’adopter une telle disposition, faute de quoi la participation ne touchera pas les très petites entreprises. Quant à l’argument de Mme la ministre selon lequel cette mesure priverait la sécurité sociale de recettes, il ne vaut guère car si ces petites entreprises signaient un accord d’intéressement – ce qu’elles ne feront pas, j’ai expliqué pourquoi –, elles bénéficieraient aussi d’exonérations fiscales et sociales.

M. Maxime Gremetz - Je relève que l’arrivée de M. Borloo dans l’hémicycle a redonné un peu de sérénité à la majorité qui se déchirait tout à l’heure. Lorsqu’un gars du Nord arrive, ça se voit ! (Sourires)

Avec cet amendement 43, on se moque du monde ! Il faut tout faire, ne cessez-vous de dire, pour encourager l’intéressement, la participation, l’actionnariat salarié, réconcilier le capital et le travail dans l’intérêt de chacun – exploit que nul n’a jamais réalisé, seule la contradiction permettant d’avancer, comme l’avait fort bien compris Marx ! Les béni oui-oui n’ont jamais fait progresser le monde, on l’a vu avec les assemblées de godillots (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - Les béni oui-oui et les godillots, ce n’est pas la même chose.

M. Jean Leonetti – À l’époque, le parti communiste était à l’Est !

M. Maxime Gremetz - Je ne vous permets pas ces propos. Le parti communiste était là, et les 85 000 fusillés n’ont pas été dans vos rangs.

M. Jean Leonetti - Pas chez vous non plus !

M. Maxime Gremetz - Mon père en était. Mais puisque vous vous prétendez gaulliste, je vous relirai la lettre adressée par le général de Gaulle au parti communiste français. Et je ne vous demande pas où vous étiez à l’époque.

M. Jean Leonetti - Je peux vous le dire.

M. Maxime Gremetz - Vous n’étiez pas dans la Résistance, vos parents non plus.

M. Jean Leonetti – Si justement.

M. le Président - Allons, allons !

M. Maxime Gremetz - Je reviens au sujet qui nous occupe. Seuls, huit millions de salariés sur vingt-deux bénéficient aujourd’hui de la participation, les salariés du public en ayant été exclus. Après nous avoir proposé un dispositif, facultatif, pour les entreprises de moins de cinquante salariés, voilà que vous proposez maintenant que les entreprises ne voulant pas signer d’accord d’intéressement, puissent s’en sortir en versant une prime à leurs salariés, bien entendu exonérée de charges sociales – alors que le montant total des exonérations des entreprises est déjà de 23 milliards d’euros, ce qui explique que notre sécurité sociale soit dans le rouge. Il ne faut pas contraindre les petites entreprises, dites-vous. Mais vous les encouragez à ne pas signer d’accords ! Plusieurs rapports l’établissent, alors que les salaires stagnent, on distribue de plus en plus de primes, lesquelles ne comptent pas pour la retraite. Bas salaires et primes exonérées de charges, versées au bon vouloir de l’employeur, voilà votre politique ! Nous sommes donc résolument opposés à cet amendement qui va à l’encontre de l’objectif affiché de développer la participation.

M. Jean Leonetti - Sans vouloir poursuivre la polémique, je ferai parvenir à M. Gremetz les états de services de mon père dans la Résistance, au moment où venait d’être conclu le pacte germano-soviétique et où certains communistes allaient volontairement travailler en Allemagne.

J’en reviens à l’amendement. Les salariés des petites entreprises ne doivent pas être exclus de la participation. Cela étant dit, bien des points demeurent flous. Quelles sont exactement les entreprises visées ? Quel doit être le montant de la prime allouée ? Quel impact cela aura-t-il sur les cotisations sociales ? Comment cela interférera-t-il avec la prime de mille euros instituée par le Premier ministre ? Il faudra évaluer très rapidement l’impact du présent texte dans les petites entreprises, pour s’assurer notamment que le nouveau dispositif est complémentaire des autres et ne s’y substitue pas.

Je ne suis personnellement pas favorable à cet amendement qui serait contre-productif. Ce n’est pas, bien sûr, pour les mêmes raisons que M. Gremetz qui, en étant resté à la lutte des classes, ne veut pas de la participation !

M. le Rapporteur pour avis de la commission des finances – Je l’ai dit, j’étais tout à fait ouvert sur le montant de la prime. L’important pour moi était de faire un geste envers les six millions de salariés des entreprises de moins de cinquante salariés. Je conteste formellement les chiffres avancés quant au coût de cette mesure car le montant total des primes versées est plafonné à 15 % des bénéfices et les entreprises de moins de cinquante salariés sont peu nombreuses à réaliser d’importants bénéfices ! Alors que nous faisons tout pour renforcer la participation dans les grandes entreprises, où elle existe déjà, je regrette ce refus d’ouverture en direction des petites et moyennes entreprises. La mesure ne coûterait pas plus de 100 à 150 millions d’euros, en tout cas beaucoup moins que l’ensemble des dispositifs adoptés depuis hier soir. Et si quelques centaines de milliers de salariés pouvaient en profiter, ce ne serait déjà pas si mal !

L’amendement adopté tout à l’heure, concernant le report des déficits antérieurs, dissuadera bien davantage les petites entreprises de verser de la participation à leurs salariés que ne l’aurait fait celui-ci. Je pourrais le maintenir, d’autant qu’il a été adopté par la commission des finances, mais il n’est pas dans mon habitude de m’opposer au Gouvernement. Je vais donc le retirer tout en regrettant profondément que nous n’ayons rien fait pour les salariés des petites entreprises qui n’auront pas, eux, leur livret d’épargne salariale. Cela étant, nous continuerons le combat, toujours de manière constructive. Mais je n’oublie pas que j’appartiens à une majorité, et je suivrai donc le Gouvernement.

L'amendement 43 est retiré.

Art. 7

M. le Rapporteur – Les amendements 87 et 88 sont rédactionnels.

Les amendements 87 et 88, acceptés par la commission et par le Gouvernement, sont adoptés.
L'article 7 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 7

M. Alain Vidalies - Nous voulons éviter que les mécanismes de participation et d’intéressement se substituent à la négociation salariale. Pour ce faire, notre amendement 26 prévoit qu’avant la négociation salariale annuelle soit fourni à l’ensemble des parties prenantes un indicateur faisant le rapport entre les sommes perçues au titre de l’intéressement et de la participation et la masse salariale de l’entreprise.

M. le Rapporteur – Il existe déjà de multiples modes d’information des salariés, et, plutôt que de surcharger le code du travail, il vaux mieux les adapter. C’est ce que nous faisons par exemple en présentant, avec M. Ollier, l’amendent 109 après l’article 14 qui vise à regrouper dans un même rapport toutes les informations, dans un autre domaine il est vrai.

Nous y avons déjà insisté, à propos de la participation, le souci a été dès l’origine d’éviter de mélanger les genres. Ensuite, il faut reconnaître que les bas salaires évoluent et notamment que le SMIC a connu une amélioration importante. Enfin, il est paradoxal de vouloir entraver un processus qui permet à 8 millions de salariés de percevoir près de 2 000 euros par an. La commission a repoussé cet amendement.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Nous l’avons déjà affirmé, il ne s’agit pas de faire de la participation un substitut à la politique salariale. Nous avons les outils nécessaires pour l’empêcher, avec le Conseil supérieur de la participation et la Commission nationale de la négociation collective dont la sous-commission des salaires évoque d’ailleurs ce sujet précis. De nombreux indicateurs existent, nous en construisons de nouveaux en ce qui concerne par exemple le temps partiel et surtout, il appartient aux partenaires sociaux de les bâtir ensemble, dans les lieux de dialogue social que je viens de mentionner. C’est pourquoi je ne suis pas favorable à l’amendement.

M. Alain Vidalies - Ces indicateurs nationaux donnent une vue globale au Gouvernement, mais les négociateurs n’en disposent pas au niveau de l’entreprise. L’argument n’est donc pas pertinent.

L'amendement 26, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 8

M. le Rapporteur – L’amendement 89 de la commission et l’amendement 309 identique de M. Ollier visent à compléter la nouvelle procédure de dépôt commun des accords de participation et d’intéressement, qu’institue le projet de loi, en l’étendant aux règlements de plans d’épargne.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi Le Gouvernement est favorable à ce dépôt commun qui simplifie la procédure et la rend plus cohérente.

Les amendements identiques 89 et 309, mis aux voix, sont adoptés.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement. Chose promise, chose due, je vous donne lecture de la lettre du général de Gaulle aux membres du comité central du parti communiste français :

« L'arrivée de Fernand Grenier, l'adhésion du parti communiste au Comité national qu'il m'a apportée en votre nom, la mise à ma disposition, en tant que commandant en chef des Forces françaises combattantes, des vaillantes formations de francs-tireurs que vous avez constituées et animées, voilà autant de manifestations de l'unité française, voilà une nouvelle preuve de votre volonté de contribuer à la libération et à la grandeur de notre pays. Convaincu que votre décision apporte une contribution importante à l'intérêt national, je vous en remercie sincèrement.

« De grands efforts, de grands sacrifices vous seront demandés après tous ceux que les membres de votre parti ont déjà consentis au service de la France.

« Vous savez comme moi qu'une coordination efficace des organisations de résistance est indispensable au but que nous poursuivons en commun : la libération de la France aussi tôt que possible avec la participation active et efficace des Français. Je suis certain que les représentants que j'ai désignés trouveront chez les responsables du parti communiste français une volonté de coopération poussée jusqu'à l'esprit de sacrifice et la même loyale discipline qui existe déjà à l'intérieur de vos organisations. Mes représentants vous feront part des décisions prises ici et auxquelles Fernand Grenier a participé.

« Vous aurez su que, dès sa réception, j'ai acheminé sur l'Afrique du Nord la lettre destinée aux députés communistes emprisonnés…. »

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Quel rapport avec le texte ?

M. Maxime Gremetz – « …Je regrette que, malgré nos démarches répétées, leur élargissement n'ait pris place qu'au début de février. La mission de liaison de la France combattante, qui doit se rendre prochainement en Afrique du Nord, portera à vos camarades un message de Grenier.

« L'heure des plus durs efforts approche. Au moment où, sous les coups des vaillantes armées russes, la puissance militaire allemande chancelle, il importe que les Français patriotes prennent leur part, aux côtés de nos alliés russes et anglo-saxons, à la libération du territoire national. Je sais que la France combattante peut compter sur le parti communiste français. »

J’ai le plaisir de vous faire remettre ce texte.

M. le Rapporteur – Les amendements 90, 91, 92 et 93 sont rédactionnels.

Les amendements 90, 91, 92 et 93, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.

M. le Rapporteur – Notre amendement 94 transfère le contenu de l’article 9 à la fin de l’article 8, pour regrouper l’ensemble des dispositifs relatifs à la sécurisation de l’épargne salariale. Par cohérence, l’amendement 95 supprimera l’article 9.

L'amendement 94, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. 
L'article 8, modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 9

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – L’amendement 95 a été défendu.

L'amendement 95, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l’article 9 est ainsi supprimé.

après l'Art. 9

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Le président Dubernard et moi-même voulions inciter les très petites entreprises à mettre en place la participation. C’est chose faite. Nous jugeons aussi nécessaire d’encourager le Gouvernement à inciter les entreprises nationales à associer leurs agents à un projet de participation et d’intéressement. Nous avons déposé un amendement dans ce sens. Et pour donner l’exemple, l’État lui-même devrait être le premier à mettre en œuvre l’intéressement dans le cadre des trois fonctions publiques. Nous avons donc déposé les amendements identiques 96 et 5 qui précisent que les indemnités prévues par l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 peuvent être calculées en fonction des résultats ou des performances d’un service, selon une formule comparable à celle des accords d’intéressement passés dans le cadre du code du travail. Ils précisent également que les modalités des accords d’intéressement prévus par le code de la santé publique sont identiques à celles des accords prévus par le code du travail.

À Rueil-Malmaison, dont je suis maire, j’ai mis en place depuis deux ans un projet d’intéressement, avec les 2 400 agents. Il comporte des objectifs de service, une évaluation et une prime et fonctionne à la satisfaction générale. L’enthousiasme des agents, leur volonté de s’approprier cette forme de participation présage bien de la façon dont elle serait reçue dans l’ensemble de la fonction publique. Le Gouvernement s‘honorerait d’aller dans ce sens.

M. le Rapporteur – Nous avions également déposé un amendement portant sur la seule fonction publique hospitalière, qui proposait la mise en place, à titre expérimental pour un an et sous réserve de l’accord des instances de concertation de l’établissement, d’un intéressement en fonction de critères qualitatifs médicaux qui aurait été imputé sur les résultats de l’exercice. Cet amendement a été déclaré irrecevable par la commission des finances. Il figure néanmoins dans le rapport de la commission, et il ouvre à mes yeux une voie d’avenir. De nombreux établissements et services hospitaliers sont prêts à tenter cette expérience. Il serait dommage que le législateur ne les encourage pas.

L’absence de la fonction publique est une des lacunes de ce texte sur la participation. Pourquoi exclure ainsi de ce grand projet les fonctionnaires des trois fonctions publiques ? Patrick Ollier a cité l’expérience de sa mairie de Rueil-Malmaison ; il en existe bien d’autres. Indéniablement, la fonction publique territoriale est intéressée. De même, on ne peut que s’étonner de voir mettre à l’écart la fonction publique hospitalière alors que le rapport de François Cornut-Gentille et de Jacques Godfrain fait de la participation une ambition pour tous. Notre débat ne doit pas s’achever sans que ce chantier ait été ouvert. Nous attendons du Gouvernement des signes dans cette direction. Nous avons entendu lors des auditions les représentants de chacune des administrations concernées, et nous avons identifié avec eux les pistes qui permettraient d’aller plus loin – tout en gardant à l’esprit l’absence de résultat comptable dans la fonction publique.

Je me rappelle avoir fait adopter un amendement à la loi Evin de 1991 sur les hôpitaux qui faisait apparaître la notion de conseil de service, cela afin d’informer le personnel hospitalier et de l’associer à ce qui se passe dans le service. Avec les ordonnances sur la gouvernance hospitalière, ces conseils sont appelés à se développer au niveau des pôles. Attention cependant, Monsieur l’ex-président de la Fédération hospitalière de France : à ce niveau-là, les structures ne correspondront pas à ce que souhaite la base – une information générale et une direction. L’hôpital n’est pas une entreprise, mais nos objectifs sont plus beaux que ceux de n’importe quelle entreprise !

Bref, il faut aller au-delà de l’expérience de Rueil-Malmaison et au-delà de l’expérience hospitalière. Pensons aussi à la fonction publique d’État, où la participation existe déjà, mais seulement dans certains secteurs et pour certaines catégories de la hiérarchie. Nous vous demandons donc de donner un signal !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Ces deux amendements ouvrent un débat important. Huit millions et demi de salariés du secteur privé bénéficient de la participation : sept millions manquent donc au rendez-vous. Il y a aussi tous les membres de la fonction publique et les salariés des entreprises publiques, dont Christine Lagarde vous parlera tout à l’heure.

Permettez-moi, au nom du Gouvernement et plus particulièrement de Christian Jacob, de faire le point. Vous avez évoqué l’expérience de Rueil-Malmaison – d’autres existent – et l’expérience hospitalière que vous avez vous-même lancée il y a quinze ans, Monsieur Dubernard, dans le cadre de la loi Evin sur l’hôpital public. De fait, la notion d’intéressement n’est pas totalement étrangère à la fonction publique. Il existe déjà des dispositifs qui permettent de rémunérer les agents en fonction de la qualité du service ou des objectifs atteints. Nous parlions ce matin d’objectifs de qualité, de productivité : les objectifs ne sont pas toujours liés aux bénéfices financiers ou au chiffre d’affaires !

La rémunération à la performance a ainsi été mise en place pour les directeurs d’administration centrale, pour certains agents du ministère de l’économie et des finances et pour les policiers. Cette question a été abordée dans le cadre des conférences de gestion des ressources humaines conduites par le ministère de la fonction publique avec chacun des ministères. Le prochain cycle de conférences portera notamment sur la question de l’harmonisation et de la refondation indemnitaire ; il prendra en compte la notion d’intéressement. Christian Jacob a récemment installé un groupe de travail sur la modernisation du dialogue social dans la fonction publique. Il a proposé aux partenaires sociaux de travailler sur les critères à retenir pour évaluer la performance d’un service : voilà qui rejoint les préoccupations que vous avez exprimées pour l’hôpital. On peut donc imaginer de progresser vers l’intéressement collectif par service.

Le Gouvernement souhaite aussi avancer sur l’intéressement des fonctionnaires. Il peut s’engager à informer le Parlement des démarches entreprises dans la fonction publique en faveur de la prise en compte des résultats et de la performance dans la gestion des parcours professionnels et des régimes indemnitaires. C’est pourquoi il donnera un avis favorable aux amendements que vous allez présenter dans quelques instants : il répondra ainsi à votre souhait d’engager le dialogue sur ces sujets.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Je vous remercie pour cette réponse, Monsieur le ministre. Le président Dubernard et moi-même connaissons les difficultés auxquelles se heurte le règlement de ce problème dans la fonction publique et dans les entreprises publiques. Nous comprenons donc votre souci d’avancer progressivement, grâce au dialogue social. Ce que nous voulons, c’est simplement interpeller Christian Jacob au nom de la majorité. Vous êtes vous-même un fin connaisseur de la fonction publique hospitalière. Je vous sais soucieux de voir avancer les choses dans ce domaine ; vous avez aussi milité en faveur de la participation lorsque vous étiez président de la commission des affaires économiques du Sénat. Ce combat nous est donc commun. C’est pourquoi nous demandons au Gouvernement un geste fort. Ne nous contentons pas de déclarations d’intention ! Christian Jacob nous avait dit que vous prendriez des engagements sur l’ouverture de négociations en vue de mettre en œuvre l’intéressement dans les entreprises nationales et dans les fonctions publiques. Puisque vous répondez à notre appel avec ce groupe de travail, nous sommes prêts à retirer les amendements 96 et 5. Nous vous demandons en revanche d’accepter les amendements 98 et 6, qui prévoient un rapport du Gouvernement au Parlement dans l’année suivant la promulgation de la loi. Ce délai doit permettre non seulement d’ouvrir les négociations, mais aussi de les faire progresser vers un accord. Nous vous remercions de partager notre souci et d’engager sans tarder, avec Christian Jacob, les discussions.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Le Gouvernement est favorable à ces amendements qui demandent un rapport au Parlement. Nous devons en effet nous fixer des clauses de rendez-vous, et je confirme l’engagement du Gouvernement.

Les amendements 96 et 5 sont retirés.
Les amendements 98 et 6, mis aux voix, sont adoptés.

art. 10

M. Dominique Tian - L’amendement 184 vise à supprimer cet article qui tend à « unifier le paysage de l’épargne salariale ». Il nous semble en effet plutôt restreindre le choix offert aux salariés, dans la mesure où, revenant sur l’article L. 442-5 du code du travail qui prévoit différentes modalités d’affectation de la réserve spéciale de participation, il remplace celles-ci par une affectation unique au plan d’épargne d’entreprise. Parmi les modalités supprimées figure l’affectation de la réserve spéciale à des comptes courants bloqués, possibilité qui existe depuis l’origine, soit 1967, et dont la garantie par l’AGS est prévue par le code du travail depuis 1973. Les autres modalités supprimées sont également très utilisées, qu’il s’agisse de l’actionnariat direct, de l’acquisition d’actions de SICAV ou de parts de FCP… Il convient de laisser subsister cette palette de choix, qui donne toute satisfaction aux entreprises et à leurs salariés. J’avoue donc ne pas bien comprendre le sens de cet article 10, et c’est pourquoi j’en souhaite la suppression !

M. le Rapporteur – Cet article fait partie de ceux qui font débat, mais il est essentiel car, en clarifiant la destination des sommes constituant la réserve de participation, il contribue à confirmer la place centrale des plans d’épargne d’entreprise dans le dispositif de la participation.

Le PEE connaît un succès croissant, puisqu’il concerne 4,9 millions de salariés et que près de 5 % des entreprises permettent à leurs salariés d’y accéder. La participation demeure sa principale source d’alimentation. Il faut dire qu’il offre des avantages considérables pour les employeurs comme pour les salariés.

Mais, comme le dit M. Tian, les sommes versées au titre de la participation peuvent actuellement être gérées par d’autres moyens que les PEE. Dans les faits, les trois principaux moyens sont les FCPE, les PEE et les comptes courants bloqués. Si l’on tient compte du fait que les FCPE peuvent être proposés dans le cadre d’un PEE, seule finalement la disparition – du fait de l’article 10 – des comptes courants bloqués pourrait éventuellement poser problème. Les auditions l’ont d’ailleurs montré.

Il serait cependant excessif de supprimer, pour maintenir ces comptes courants bloqués, tout l’article 10. C’est la raison pour laquelle la commission a adopté un amendement de M. Cornut-Gentille qui propose une voie moyenne.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Actuellement, les accords de participation peuvent prévoir que la réserve de participation soit exclusivement gérée sur des comptes courants bloqués. Or, cette formule peut faire courir un risque aux avoirs des salariés, en cas de difficulté financière de l’entreprise. Je comprends cependant la volonté des partenaires sociaux de la conserver, sachant que la rémunération de certains comptes courants bloqués peut être favorable aux salariés. L’amendement 221 de M. Cornut-Gentille, repris par la commission, nous semble fournir la bonne solution : il instaure en effet l’obligation d’ouvrir un PEE dès lors que l’on signe un accord d’intéressement ou de participation, mais il autorise à continuer l’alimentation des comptes courants bloqués, dès lors qu’elle se fait parallèlement à l’alimentation du PEE. Le Gouvernement souhaite cependant que le dernier alinéa de cet amendement, qui pose un problème de rétroactivité, soit supprimé. C’est l’objet de son sous-amendement 333. Au bénéfice de ces explications, j’invite M. Tian à retirer son amendement.

M. Dominique Tian - Je retire l’amendement 184.

M. le Rapporteur – Avis personnel favorable sur le sous-amendement 333.

Le sous-amendement 333, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 221 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L’amendement 281 tombe.

M. le Rapporteur – L’amendement 99 rectifié est un amendement de coordination.

L'amendement 99 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 10 modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 11

M. le Président - L’amendement 58 n’est pas défendu.

M. Alain Vidalies - Notre amendement 21 tend à supprimer les alinéas 2 à 5 de cet article, qui créent une confusion entre épargne salariale et épargne retraite. Le Gouvernement essaie une fois de plus de favoriser la retraite par capitalisation.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Nous voulons en effet favoriser le développement des PERCO, qui marchent déjà bien : depuis août 2003, leur progression est même devenue quasiment exponentielle ! Mais on peut encore améliorer le dispositif, dans l’intérêt des salariés. En effet, le montant moyen des avoirs détenus par le bénéficiaire d’un PERCO est encore relativement faible : 3 240 euros. Des mesures d’encouragement sont donc nécessaires.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguéeVotre amendement, Monsieur Vidalies, vise à supprimer l’obligation de négocier un PERCO dans les entreprises qui ont mis en place un PEE depuis plus de cinq ans. Une telle négociation, qui crée les conditions d’un bon dialogue social, n’est assortie d’aucune obligation de résultat, mais elle est de nature à donner une impulsion à la diffusion des PERCO. Votre amendement supprimerait aussi la possibilité pour les anciens salariés de continuer à effectuer des versements sur un PERCO lorsque leur nouvelle entreprise n’a pas mis en place un tel plan. Cela serait dommage pour eux. Le Gouvernement a donc un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement 21, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Notre amendement 22 tend à supprimer les alinéas 6 et 7, aux termes desquels les droits constitués sur un compte épargne temps pourraient être transférés vers un PERCO. Nous sommes opposés à cette dénaturation du compte épargne temps, qui ne cesse de subir les assauts de l’actuelle majorité.

M. le Rapporteur – Notre objectif est d’améliorer les PERCO. Je ne veux surtout pas rouvrir le débat fort polémique qui nous a longuement occupés il y a un an, mais permettez-moi de vous rappeler que, comme les travaux de Jean Viard l’ont fort bien montré, nous entrons dans une forme d’arythmie du temps de travail.

M. Maxime Gremetz - Oh là là !

M. le Rapporteur – M. Viard insiste sur l’importance, pour le salarié, de devenir le stratège de son propre temps de travail et de penser sa répartition sur l’ensemble de sa vie d’homme. En développant le compte épargne temps, il me semble que nous allons dans cette voie.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - La loi sur l’assouplissement des 35 heures avait donné lieu à des débats passionnés mais, depuis, j’ai pu présenter un bilan à la commission des affaires sociales : un peu plus d’une année après le vote du texte, déjà un million et demi de salariés avaient choisi d’utiliser le compte épargne temps comme dispositif d’assouplissement, avec l’option ou non du PERCO ! Le Conseil supérieur de la participation a aussi débattu de ce sujet. Nous ne pouvons donc pas être favorables à l’amendement de M. Vidalies.

M. Maxime Gremetz - Il faut oser ! Vous oubliez simplement de dire que beaucoup de ces salariés n’ont pas « choisi » le compte épargne temps de façon volontaire, comme vous le savez bien… Vous nous aviez promis le sauvetage du régime vieillesse : c’est la Bérézina. À refuser de prendre des mesures de justice sociale et de responsabiliser les entreprises, vous avez fait supporter l’intégralité de ces mesures scélérates aux salariés et aux retraités. Notre système par répartition est sérieusement en danger, puisque son financement n’est pas assuré. La réforme des cotisations sociales patronales, que nous demandons depuis plusieurs années et qui a été annoncée par le Président de la République, semble tout à fait enterrée. Il y avait trois hypothèses : vous les avez toutes disqualifiées et vous n’avez rien fait !

À des mesures courageuses vous avez préféré un système de capitalisation, laissant à chacun la responsabilité d’assurer la troisième partie de son existence. Maintenant, vous complétez votre œuvre en généralisant les plans de capitalisation. Ce n’est pas de cette façon qu’on garantira le droit à la retraite pour tous ni un haut niveau de pensions – il a baissé de 10 % en dix ans. La généralisation des PERCO entérine le renoncement à une véritable réforme du système de retraite par répartition. Mais on ne peut tout de même pas ériger les fonds de pension comme modèle de société, ni accepter que chacun ait à assurer sa retraite en fonction de ses moyens !

Nous rejetons donc avec force le développement des PERCO. Vous pouvez répéter qu’ils ont eu du succès, je vous répondrai que personne n’en est satisfait et que les salariés qui en ont y ont été contraints et forcés. Ce développement sera bientôt prétexte à abandonner le système par répartition et la solidarité intergénérationnelle. Le compte épargne temps avait déjà été un outil de contournement des 35 heures. Maintenant, vous en faites un outil de capitalisation pour la retraite. C’est tout le monde du travail qui en souffre.

L'amendement 22, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L’amendement 100 est rédactionnel.

L'amendement 100, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 11 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 11

M. Alain Vidalies – Le projet permet de s’affranchir des limites posées à l’abondement complémentaire des entreprises dans le seul cas où l’épargne salariale est transférée vers un plan d’épargne retraite. Non seulement nous ne sommes pas d’accord sur le principe, mais nous refusons que ce transfert vers l’épargne retraite soit ainsi mis en exergue, par l’octroi d’un avantage refusé dans les autres hypothèses.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement vise à supprimer la possibilité d’un abondement par l’employeur des sommes transférées d’un plan épargne d’entreprise ou interentreprises vers un PERCO.

Je veux redire ici mon attachement à la notion de retraite par capitalisation et rappeler que le PERCO constitue un apport essentiel de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Même avis.

L'amendement 20, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 12

M. Maxime Gremetz – L'article 12 vise à modifier une nouvelle fois les règles relatives au compte épargne temps, pourtant institué par une loi de 1994 sous le gouvernement Balladur. Son objectif était d'inciter les salariés à préférer une rémunération en temps plutôt qu'en salaire ou en primes, de la même façon que la réforme des modalités de compensation des heures supplémentaires de 1993, tout en pénalisant le recours aux heures supplémentaires, favorisait leur rémunération en repos compensateur, de manière à favoriser l'embauche. Il est remarquable de voir que ces principes prévalaient déjà à l’époque ! Pourtant, et bien que vous ayez abondamment fait référence à M. Balladur tout à l’heure, vous vous employez à prendre le contre-pied de cette politique.

D'abord, vous développez la monétarisation du compte épargne temps et autorisez donc l’employeur à fonctionner à crédit. Cette monétarisation a été impulsée par la loi du 17 janvier 2003 de François Fillon. Nous étions réservés sur le principe même du compte épargne temps, car il s'agissait d'une RTT – et donc de créations d’emplois – à crédit. Toutefois, il s'agissait d'une forme de compensation des heures supplémentaires… Mais aujourd'hui, vous ouvrez une autre possibilité d'utilisation de ce compte : le transfert de ces droits vers un plan épargne retraite. Ainsi, les salariés pourraient dépasser la durée légale du travail, fixée à 35 heures, sans être payés pour cela, puisqu’ils affecteraient ces sommes à un compte épargne temps, et seraient maintenant encouragés à les placer pour leur retraite – un placement à l'issue incertaine. Il y aurait bien sûr à la clef de larges exonérations fiscales et sociales pour les plus riches, qui pèseront encore un peu plus sur le budget de la nation et les comptes sociaux.

C'est une erreur économique totale : on freine l'embauche, on diminue les recettes de l’État, on fragilise la croissance et on favorise la capitalisation dont nos économies sont en train de crever. Nous proposerons donc la suppression de cet article 12.

M. Michel Charzat - L’amendement 23 vise à supprimer cet article, qui favorise le transfert vers un plan d’épargne des droits constitués sur un compte épargne temps, ce qui permettrait de dépasser l’horaire légal de travail de 35 heures sans être rémunéré pour ces heures supplémentaires. Vous avez aussi prévu une incitation fiscale, puisque l’impôt sur le revenu serait étalé sur trois ans. Ce dispositif, qui participe d’une remise en cause continue de la retraite par répartition au bénéfice de la retraite par capitalisation, doit être rejeté.

M. le Président – Pouvons-nous considérer, Monsieur Gremetz, que vous avez défendu l’amendement 59, qui est également de suppression ?

M. Maxime Gremetz - Oui, mais je demande un scrutin public.

M. le Président – Je suis donc saisi par le groupe des députés communistes et républicains d’une demande de vote par scrutin public sur les amendements identiques 23 et 59.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé ces amendements. Les femmes et les hommes demandent à être les stratèges de leur temps de travail au long de leur vie (M. Maxime Gremetz s’esclaffe). Comment nier qu’une certaine loi votée par l’ancienne majorité a renforcé ce désir d’arythmie du temps de travail ? Le texte va dans ce sens, et l’article doit être maintenu.

M. Maxime Gremetz – Laborieuses explications !

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Je rappelle qu’il s’agit d’étendre un dispositif existant, puisqu’il est déjà possible de transférer un compte épargne temps vers un PERCO. C’est faire un bien mauvais procès au Gouvernement que de prétendre qu’il s’agirait de contourner par ce biais la loi sur les 35 heures. Avis défavorable, donc, à ces amendements de suppression.

M. Maxime Gremetz - À vrai dire, nous n’en doutions pas !

À la majorité de 7 voix contre 3, sur 10 votants et 10 suffrages exprimés, les amendements identiques 23 et 59 ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Au vu du faible nombre de députés de la majorité présents, je me demande comment ce résultat est possible…

M. le Président – Il s’explique par les délégations de vote classiques, Monsieur Gremetz. (M. Gremetz proteste)

L'article 12, mis aux voix, est adopté.

ART. 13

M. le Président – Je suis saisi de l’amendement 101 (M. Gremetz continue de protester). Monsieur Gremetz, j’ai appelé un amendement, vous n’avez pas la parole.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – L’amendement 101 de la commission est rédactionnel.

L'amendement 101, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – L’amendement 102 est de précision.

L'amendement 102, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz – L’amendement 60 rectifié tend à rénover la gouvernance des fonds communs de placement d’entreprise, les FCPE. Il est d’abord proposé que les conseils de surveillance soient obligatoirement composés en majorité de représentants des salariés. Les fonds épargnés déposées sur le FCPE appartiennent aux salariés et non aux employeurs, il est juste que les salariés en soient les gérants.

Ensuite, les FCPE sont fréquemment des fonds « multi-entreprises ». La législation impose que toutes les entreprises adhérentes soient représentées au conseil de surveillance du fonds. Cela entraîne que le conseil de surveillance d’un fonds collectant l’épargne d’une centaine d’entreprises, ce qui se produit fréquemment, serait d’au moins deux cents membres. Il est donc proposé que ces instances soient constituées selon les règles de représentativité fixées par le code du travail. La taille des conseils de surveillance en serait limitée, et leurs membres seraient ainsi désignés par les organisations syndicales et patronales représentatives.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – L’amendement a la noble ambition de rénover la gouvernance des FCPE, mais la démarche du Gouvernement diffère largement de celle qui est proposée (M. Gremetz proteste). Ne m’interrompez pas, Monsieur Gremetz ! Veuillez plutôt convenir qu’à ce sujet, les dispositions de la loi de modernisation sociale ont échoué…

M. Maxime Gremetz - Pas du tout !

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Vouloir donner la majorité aux salariés au sein des conseils de surveillance serait bouleverser l’équilibre des pouvoirs de décision. Je vous appelle donc à davantage de modération, et je vous invite à retirer l’amendement.

M. Maxime Gremetz - Il n’y a toujours pas le compte du côté de la majorité !

M. le Rapporteur – Comme l’a dit le président Ollier, ces amendements s’assignent la noble ambition de rénover la gouvernance des FCPE…

M. Alain Vidalies - Arrêtez, cela a déjà été dit deux fois !

M. le Rapporteur – Mais je tenais à le redire devant l’éminent spécialiste du social qu’est M. Le Guen… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Je pense qu’une brève suspension de séance nous permettrait d’affiner nos arguments.

M. Jean Leonetti - Afin que nos débats, perturbés par les allées et venues de M. Gremetz et par ses provocations, retrouvent un peu de sérénité, je demande une suspension de séance. (Même mouvement)

M. Alain Vidalies - Quelle déroute ! On a rarement vu ça, surtout sur un texte de cette importance !

La séance, suspendue à 19 heures 15, est reprise à 19 heures 20.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Cette suspension de séance a été extrêmement positive. Nous avons harmonisé nos positions et nous pouvons donc passer au vote.

M. Maxime Gremetz - Je proteste ! Ce n’est pas à M. Ollier d’en décider ! Les présidents des commissions président donc la séance publique ?

M. le Président – Pas du tout, et je vous prie de ne pas mettre en cause la présidence.

M. Maxime Gremetz - L’image que donnent les rapporteurs et les ministres est déplorable. Notre assemblée mérite mieux !

L'amendement 60 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 13 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 14

M. Dominique Tian - L’amendement 103, adopté par la commission des affaires culturelles, est défendu.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Sagesse.

M. Maxime Gremetz - De ma vie de parlementaire je n’ai vu un tel spectacle. Quant à cet amendement, le Gouvernement s’en remet courageusement à la sagesse de l’Assemblée. Notre groupe votera contre, et je demande que le décompte des voix soit, cette fois, correctement effectué.

M. le Président – Ne mettez pas en cause la présidence. Vous n’arriverez pas à me terroriser et j’y vois très clair !

L'amendement 103, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 104 est rédactionnel.

L'amendement 104, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 14 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 14

M. le Rapporteur – La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a donné un regain de vigueur à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétence en prévoyant que, tous les trois ans, le chef d’une entreprise de plus de trois cents salariés doit engager une négociation relatives aux modalités d’information et de consultation du comité d’entreprise sur la stratégie de l’entreprise. L’amendement 107 vise à consacrer dans la loi l’association du CE – institution voulue par le général de Gaulle et que nombre d’universitaires appelaient à relancer – à cette gestion prévisionnelle.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Il s’agit d’un amendement important car la bonne association du CE à la stratégie de l’entreprise est un élément de sécurisation des parcours professionnels. Les salariés n’en seront que mieux informés sur la stratégie de l’entreprise et les diverses mesures d’accompagnement – formation, validation des acquis de l’expérience, bilan de compétences… – ne pourront qu’y gagner en effectivité. L’amendement trouve donc pleinement sa place dans ce texte et le Gouvernement ne peut qu’y être favorable.

M. Maxime Gremetz – Cet amendement est révélateur de votre conception du rôle du comité d’entreprise. Pourquoi souhaiteriez-vous mentionner expressément que celui-ci « est associé » à la négociation sur la mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, si cela allait de soi pour vous ? Je ne voterai bien sûr pas contre cet amendement qui va dans le bon sens, mais il faudrait aller beaucoup plus loin. Pour des gens qui vantent la participation et disent souhaiter la promouvoir, c’est vraiment le minimum que de dire que le comité d’entreprise est « associé », alors qu’il devrait être au cœur du processus de décision ! Si l’on a failli par le passé, c’est pour avoir eu peur de donner de nouveaux droits aux salariés et à leurs représentants démocratiquement, élus membres des comités d’entreprise.

M. le Président – Sur les amendements 107 et 311, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

À la majorité de 11 voix contre une, sur 17 votants et 12 suffrages exprimés, les amendements 107 et 311 sont adoptés.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 40.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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